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Décisions

Cass. com., 15 février 2000, n° 97-16.770

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Defrénois et Levis, SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Rouvière et Boutet

Bordeaux, du 26 mai 1997

26 mai 1997

Joint le pourvoi n° 97-16.770 et le pourvoi n° 97-17.415, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 26 mai 1997), que la société Papeterie de Guyenne, devenue la société Guyenne papiers (société Guyenne), a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 14 mars 1995 qui a ordonné une expertise en vue de recueillir tous éléments permettant de fixer la date de cessation des paiements ; que le Tribunal, après avoir prononcé la liquidation judiciaire de la société Guyenne, a reporté la date de la cessation de ses paiements au 30 septembre 1994 ; qu'appel ayant été interjeté par la société Guyenne, la société Sibille, actionnaire de celle-ci, et la société La Papeterie Zuber Rieder (société Zuber), à qui elle en avait cédé le contrôle, sont intervenues volontairement à l'instance pour contester, devant la cour d'appel, la date retenue par l'expert, puis le Tribunal, comme celle de la cessation des paiements, prétendant y avoir intérêt en raison des poursuites en paiement des dettes sociales dont elles font par ailleurs l'objet ; que l'arrêt, après avoir déclaré cette intervention recevable, a maintenu la date du 30 septembre 1994 comme celle de la cessation des paiements de la société Guyenne ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 97-16.770, le premier moyen, pris en ses deux branches, et le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 97-17.415, réunis :

Attendu que les sociétés Sibille et Zuber reprochent à l'arrêt de s'être fondé, pour statuer à leur égard, sur les conclusions du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal alors, selon les pourvois, d'une part, qu'un rapport d'expertise et les " dires " adressés à l'expert sont inopposables à celui qui n'a pas été assigné dans la procédure en désignation de l'expert et n'a pas été présent aux opérations d'expertise en qualité de partie ; qu'en l'espèce, en constatant que la société Sibille n'était pas partie à l'instance au cours de laquelle la mesure d'instruction avait été ordonnée et en le déboutant de sa demande en inopposabilité des " opérations d'expertise ", la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ; alors, selon les pourvois, d'autre part, qu'au moins celui qui n'est pas partie à l'instance au cours de laquelle une mesure d'instruction est ordonnée doit avoir été en mesure de présenter ses observations à l'expert au cours d'une discussion contradictoire pour voir opposer le rapport d'expertise ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été invitée, si tel avait été le cas, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, qu'en déboutant la société Sibille de sa demande en inopposabilité du rapport d'expertise sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de quatrième part, que le rapport de M. X... et le dire de la société Guyenne sont inopposables à la société Sibille ; qu'en se fondant néanmoins sur ce rapport et ce dire pour reporter la date de cessation des paiements de la société Guyenne, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de cinquième part, que la société Zuber, MM. A... et Z..., ès qualités, n'avaient pas demandé à la cour d'appel de prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. X..., mais seulement l'inopposabilité de celui-ci ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de sixième part, qu'en déboutant la société Zuber de sa demande d'inopposabilité du rapport d'expertise sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'un rapport d'expertise est inopposable à qui n'était pas partie à l'instance au cours de laquelle la mesure d'instruction a été ordonnée ; qu'en fondant sa décision sur une expertise à laquelle la société Zuber n'avait été ni appelée, ni représentée, et dont elle avait expressément invoqué l'inopposabilité, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, pour fixer la date de cessation des paiements de la société Guyenne à l'égard des sociétés Sibille et Zuber, il était loisible aux juges du fond de puiser dans le rapport de l'expert, bien qu'il ne valût pas comme rapport d'expertise judiciaire, au sens des articles 263 et suivants du nouveau Code de procédure civile, à l'égard de ces deux sociétés, tous renseignements, dès lors que ce document avait été régulièrement versé aux débats et soumis à leur discussion contradictoire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° 97-16.770 et sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, du pourvoi n° 97-17.415, réunis :

Attendu que les sociétés Guyenne, Sibille et Zuber reprochent encore à l'arrêt d'avoir fixé la date de cessation des paiements au 30 septembre 1994 alors, selon les pourvois, d'une part, que la cour d'appel était saisie par la société Guyenne d'une contestation extrêmement précise de l'affirmation des premiers juges tirée du bilan économique et social établi le 18 septembre 1995 par M. d'Anselme, administrateur du redressement judiciaire relative à un prétendu non-paiement de ses factures " dès octobre 1994 " ; que la société Guyenne avait fait valoir à l'appui de cette contestation notamment que ladite affirmation n'était aucunement prouvée, qu'à la date du 30 janvier 1994, elle n'avait enregistré aucun incident de paiement, que jusqu'à la date du 30 janvier 1995, elle avait honoré les factures échues, que par lettre du 5 avril 1995, M. Y..., agissant pour le compte de M. d'Anselme écrivait que la date du 30 janvier 1995 était celle à laquelle " les premiers incidents de paiement sont apparus ", qu'en outre, son commissaire aux comptes avait déclenché la procédure d'alerte le 31 janvier 1995, que le dépôt de bilan aurait dû être évité si le plan présenté par le conseil d'administration du 6 mars 1995 rejeté par le personnel de l'entreprise avait pu être mis en oeuvre ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a statué sans s'expliquer sur aucun de ces points, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que la cour d'appel était également saisie par la société Zuber, MM. A... et Z..., ès qualités, ainsi que par la société Guyenne d'une contestation extrêmement précise de l'appréciation des premiers juges fondée sur le rapport d'expertise inopposable affirmant que la société Guyenne n'avait pu être maintenue que grâce au soutien de sa société mère, la société Zuber, qu'à partir du moment où les pertes n'avaient plus été financées par la société mère, la cessation des paiements était devenue inéluctable, et que l'arrêt de caisse serait intervenu beaucoup plus tôt sans le soutien de ladite société mère ; que ces parties avaient soutenu qu'il n'y avait eu de la part de la société Zuber ni soutien de la société Guyenne, encore moins soutien abusif, ni, à plus forte raison, aucune rupture d'un soutien qui n'avait jamais existé dès lors qu'il eût été contraire au principe d'autonomie du financement de l'activité de la société Guyenne ; qu'en l'état de ces contestations, la cour d'appel, qui a statué sans s'expliquer sur aucun de ces points, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que le fait de ne plus régler ses factures et la poursuite de la dégradation de la société n'impliquent pas nécessairement l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient, sans se borner à une simple affirmation, que la société Guyenne, qui ne disposait plus de trésorerie, avait cessé de payer ses factures dès octobre 1994 et que c'est à cette date que l'on peut situer l'arrêt du service de caisse ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a, en tous ses éléments, caractérisé la cessation des paiements de la société Guyenne ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.