Cass. com., 11 juillet 1988, n° 86-11.191
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Defontaine
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
Me Célice, Me Vincent, Me Blanc
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 28 novembre 1985 n°s L 03534 et L 03734), qu'à la suite de la mise en règlement judiciaire de l'association Touring club de France (TCF) et des groupements d'intérêt économique Bureau technique touristique (BUTETO) et Touring secours, le tribunal, sur assignation du syndic des trois procédures collectives, a, par jugement du 30 septembre 1983, reporté au 12 janvier 1980 la date de cessation des paiements du TCF et du GIE BUTETO, puis, sur tierce opposition formée à cette décision par la Banque nationale de Paris (BNP) et la Société générale, a, par une seconde décision du 2 décembre 1983, débouté les banques de leur voie de recours ; qu'appel a été interjeté de cette dernière décision par la BNP et la Société générale, cependant que le règlement judiciaire des trois personnes morales était converti en liquidation des biens ;
Attendu que la Société générale, aux moyens de cassation de laquelle la BNP a déclaré s'associer, fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 2 décembre 1983, alors, selon le pourvoi, de première part, que la Société générale ayant, dans ses conclusions d'appel, invoqué l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement du 23 janvier 1983 qui avait maintenu au 31 mai 1981 la date de cessation des paiements du TCF et reporté à cette date celle du GIE BUTETO, manque de base légale au regard des dispositions de l'article 1351 du Code civil l'arrêt qui a reporté au 12 janvier 1980 la date de cessation des paiements de ces deux personnes morales sans préciser s'il aurait existé des faits nouveaux autorisant la modification de cette mesure, alors, de deuxième partaut, que la Société générale ayant, dans ses conclusions d'appel, invoqué l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 23 janvier 1983 qui avait maintenu au 31 mai 1981 la date de cessation des paiements du TCF et reporté à cette date celle du GIE BUTETO, méconnaît les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui a reporté au 12 janvier 1980 la date de cessation des paiements de ces deux personnes morales sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la banque, alors, de troisième part, qu'il résultait des constatations de l'arrêt attaqué que si fin janvier 1980, les comptes bancaires du TCF présentaient un solde créditeur de 193 318 francs à la Société générale, jusqu'à fin mai 1981, cette association avait bénéficié de concours bancaires, qu'il était en outre constant que le TCF était en mesure de céder rapidement un immeuble de très grande valeur, non indispensable à son fonctionnement, et de recueillir les sommes de 20 000 000 francs en décembre 1980 et de 21 000 000 francs en mars 1981, de sorte que manque de base légale au regard des dispositions des articles 29 et 30 de la loi du 13 juillet 1967 l'arrêt qui déclare qu'au mois de janvier 1980, l'actif disponible du TCF ne permettait plus d'éteindre son passif exigible, sans relever l'existence d'aucun incident de paiement reprochable au TCF avant son dépôt de bilan, sans expliquer en quoi consistait l'actif disponible et le passif exigible du TCF en janvier 1980 et sans tenir compte, au titre de l'actif disponible du TCF, des crédits bancaires normaux compte tenu de l'importance de l'entreprise, dont l'association avait bénéficié sans interruption jusqu'à fin mai 1981, dont en particulier un crédit-relais de 41 000 000 francs en deux étapes qui avait permis à l'association de mobiliser un élément d'actif immobilier important et aisément réalisable, alors, de quatrième part, que l'arrêt ne pouvait affirmer qu'au mois de janvier 1980, l'actif disponible du TCF ne permettait plus d'éteindre son passif exigible sans, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la Société générale faisant valoir que "pour déterminer si l'entreprise, la société ou l'association concernée est hors d'état de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il n'est pas possible de négliger les ressources de crédit dont elle dispose ni les aspects particuliers de son activité ou de sa situation", alors, de cinquième part, que l'arrêt ne pouvait non plus affirmer que les découverts dont le TCF bénéficiait de la part des banques contribuait à mettre en péril l'activité de l'association "contrainte de faire face à des frais financiers qui ne pouvaient que l'asphyxier", sans, de nouveau en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, s'expliquer sur le moyen déterminant des conclusions d'appel de la Société générale faisant valoir que l'ensemble des frais financiers du TCF pour l'exercice 1979-1980 représentait seulement 1,53 % de ses recettes et que pour l'exercice 1980-1981, l'ensemble de ces frais financiers ne s'élevait qu'à 2,25 % desdites recettes, alors, de sixième part, que si dans ses conclusions d'appel, la BNP avait écrit "qu'en son jugement de report du 30 septembre 1983, le tribunal s'est fondé, pour fixer la date de cessation des paiements au 12 janvier 1980, sur la constatation, exacte, que "dès ce moment l'actif disponible ne permettait plus d'éteindre le passif exigible", cette banque avait aussi immédiatement précisé "que la seule inadéquation de l'actif réalisable et disponible aux exigibilités n'est pas en soi constitutif d'un état de cessation des paiements dès lors que le débiteur dispose de crédits (...) ; que le TCF ne pouvait assurément se trouver avant mai 1981 comme dépourvu de crédit puisque les banques lui avaient maintenu leur confiance, tout comme d'ailleurs l'ensemble de ses créanciers (...) qu'à la connaissance de la BNP, aucun incident de paiement n'est jamais intervenu jusqu'à la date du dépôt de bilan, ni aucune réclamation ne fut formulée (...) que la cour d'appel ne pourra que constater et retenir que le TCF ne se trouvait pas en état de cessation des paiements avant le mois de mai 1981", de sorte que c'est au prix d'une dénaturation de ces termes clairs et précis des conclusions d'appel de la BNP, en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil, que l'arrêt entend faire dire à cette banque que l'actif disponible du TCF ne permettait plus, à compter du 12 janvier 1980, d'éteindre son passif exigible et qu'en conséquence, dès cette date, cette association se trouvait en état de cessation des paiements, alors, de septième part, que manque de base légale au regard des dispositions des articles 29 et 30 de la loi du 13 juillet 1967 l'arrêt qui affirme qu'à compter de janvier 1980, la situation débitrice du TCF était irréversible, sans tenir compte de la circonstance qu'après le dépôt de bilan, les juges du fond avaient autorisé la poursuite de l'exploitation pendant vingt-huit mois, par décisions successives, et qu'un jugement du 1er octobre 1982, qui avait autorisé pour une année de plus la poursuite de l'exploitation, avait constaté "que la restructuration du TCF a été largement amorcée, que le résultat de l'exercice du 30 septembre 1981 au 30 septembre 1982 est bénéficiaire, que la restructuration doit être poursuivie et que pour le prochain exercice, les prévisions sont également bénéficiaires", alors, de huitième part, que l'arrêt ne pouvait, sans contradiction, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, considérer dans un premier temps que le plan de redressement établi en 1980 par le TCF était "très aléatoire", ce qui impliquait, selon la cour d'appel, même si elle était faible, une chance de succès, et affirmer ensuite que dès le début de l'année 1980, la situation débitrice du TCF présentait un caractère durable et irréversible, alors, de neuvième part, que l'arrêt ne pouvait écarter le plan de redressement présenté par le TCF en 1980 comme "très aléatoire", sans, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la Société générale, faisant valoir que ce plan présentait des analogies frappantes avec celui que devaient établir en septembre 1981 le syndic et l'administrateur judiciaire à l'effet de se voir accorder l'autorisation de poursuivre l'exploitation, ce qu'ils avaient effectivement obtenu pour une durée de vingt-huit mois, par des décisions judiciaires successives, alors, de dixième part, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que les découverts bancaires dont avait bén éficié le TCF auraient eu des "conséquences financières désastreuses", sans, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la Société générale faisant valoir que pour l'exercice 1979-1980, l'ensemble des frais financiers du TCF s'était seulement élevé à 1,53 % de ses recettes et que pour l'exercice 1980-1981, celui du dépôt de bilan, l'ensemble de ces frais financiers n'avait atteint que 2,25 % des recettes de l'association, et alors, de onzième et dernière part, que manque à nouveau de base légale au regard des dispositions des articles 29 et 30 de la loi du 13 juillet 1967 l'arrêt attaqué qui reprend à son compte la motivation des premiers juges déclarant que le déficit cumulé des exercices précédents qui s'élevait à 26 000 000 francs environ était déjà arrivé à un montant trop élevé pour être éteint dans un bref délai par les produits de l'activité ordinaire et que le financement du surcroît d'activité jugé nécessaire pour qu'à l'avenir celle-ci s'exerce sans perte ne pouvait se faire que grâce à des cessions d'actif employées à la poursuite de l'entreprise, sans tenir compte de ce que la vente de l'immeuble du TCF sis avenue de la Grande Armée avait été réalisée pour le prix de 41 000 000 francs, c'est-à-dire à un montant bien supérieur au total des déficits accumulés qui se seraient élevés à 26 000 000 francs, ni de la plus-value dégagée par cette vente, ni de ce que, les juges du fond ayant autorisé la poursuite de l'exploitation pendant vingt-huit mois après la vente de cet immeuble, celui-ci n'était nullement indispensable à l'activité du TCF ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en relevant qu'au moins dès le mois de janvier 1980, l'actif disponible du TCF ne permettait plus d'éteindre le passif exigible et que si cette association pouvait, du fait d'immobilisations plus ou moins facilement réalisables, n'être pas insolvable, il n'en résultait pas moins qu'elle ne disposait plus de liquidités suffisantes pour régler ses dettes, la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie à cet égard, n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée du jugement du 23 janvier 1983, lequel avait décidé que les trois procédures collectives seraient poursuivies avec constitution d'une seule masse sans que soit modifiée la date de la cessation des paiements du TCF telle qu'elle avait été provisoirement fixée au 31 mai 1981 par le jugement d'ouverture ;
Attendu, en deuxième lieu, que c'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation que les juges du fond ont retenu que les découverts consentis au TCF par la BNP et la Société générale, dont ils ont analysé l'évolution, avaient contribué à mettre en péril l'activité de l'association, contrainte de faire face à des frais financiers qui ne pouvaient que "l'asphyxier", et que le maintien d'une certaine activité de celle-ci n'avait été rendu possible qu'au moyen d'une trésorerie artificiellement entretenue par ces découverts, véritables expédients aux conséquences financières désastreuses ;
Attendu, en troisième lieu, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'actif disponible au début de l'année 1980 ne comprenait pas le prix de l'immeuble abritant le siège social dont la vente était loin d'être réalisée à cette époque ;
Qu'en l'état de ces énonciations dont il résulte que depuis le début de l'année 1980, le TCF et le GIE BUTETO se trouvaient dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de relever l'existence d'incidents de paiement, ni de détailler la consistance de l'actif et du passif, a, sans se contredire, ni dénaturer les écritures dont elle était saisie et répondant à celles des conclusions qui n'étaient pas inopérantes, justifié légalement sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.