CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 juin 2021, n° 20/18373
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Century 21 France (SAS)
Défendeur :
Immobilier Réunion Case Paradis (SARL), Hirou (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocats :
Me Helwaser, Me Bernabe, Me Huchet
Un contrat de franchise a été signé entre la Société Century 21 France et la SARL Immobilier Réunion Case Paradis le 9 novembre 2011. Ce contrat a été renouvelé le 1er décembre 2016.
Par jugement rendu le 6 mars 2018, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a ouvert à l'égard de la Société Immobilier Réunion Case Paradis une procédure de redressement judiciaire et a fixé la date de cessation des paiements au 28 février 2018.
Par ordonnance du 3 septembre 2019, le juge commissaire de ce tribunal a :
- Constaté que la contestation de créance de la SARL Immobilier Réunion Case Paradis est réelle et sérieuse, particulièrement du fait du désaccord des parties sur l'existence ou non de la créance ;
- S'est déclaré incompétent à rendre décision dans la contestation qui lui a été soumise ;
- Invité les parties à mieux se pourvoir dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente, à peine de forclusion ;
- Dit que la présente décision sera notifiée à la SAS Century 21 France et à la SARL Immobilier Réunion Case Paradis et qu'il en sera donné avis au mandataire judiciaire.
Par arrêt du 25 novembre 2020, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a :
- Confirmé la décision entreprise en substituant les motifs énoncés par la Cour.
Y ajoutant,
- Dit qu'il sera sursis à statuer jusqu'à ce qu'un jugement sur la créance relative à l'indemnité de résiliation soit rendu.
- Dit que l'instance se poursuivra devant le premier juge.
- Condamné la société Century 21 aux dépens.
- Condamné la société Century 21 à verser à la société Immobilier Réunion Case Paradis une somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par acte du 25 septembre 2019, la société Century 21 France a saisi le tribunal de commerce d'Evry.
Vu le jugement du 10 décembre 2020, du tribunal de commerce d'Evry qui a :
- Dit que la demande d'incompétence est recevable en la forme.
- Constaté que la présente affaire relève de la compétence du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion.
- Désigné le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion pour connaître du litige au fond et a renvoyé les parties à se pourvoir devant ladite juridiction conformément aux dispositions de l'article 81 du code de procédure civile.
- Dit que faute par les parties de présenter déclaration d'appel dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement conformément aux dispositions de l'article 83 du Code de procédure civile, le dossier sera renvoyé devant la juridiction désignée et fera l'objet d'une transmission par le greffe, avec une copie de la décision de renvoi en application de la règle de l'article 82 du code de procédure civile.
- Dit à monsieur le greffier du tribunal de procéder à la notification du présent jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception conformément aux dispositions de l'article 84 du code de procédure civile et, les cas échéants, par lettre simple à leurs représentants.
- Rappelé que la présente instance est suspendue jusqu'à l'expiration du délai pour former appel et, en cas d'appel, jusqu'à ce que la cour d'appel ait rendu sa décision en conformité avec les règles de l'article 80 du code de procédure civile.
- Condamné la SAS Century 21 France à payer à la SARL Immobilier Réunion Case Paradis la somme de 750 euros et l'a déboutée du surplus de sa demande.
- Condamné la SAS Century 21 France aux entiers dépens en ce compris les frais de greffe à la somme de 130,64 euros TTC.
La société Century 21 France a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2020.
Par ordonnance présidentielle du 28 décembre 2020, elle a été autorisée à assigner à jour fixe la SARL Immobilier Réunion Case Paradis et la société Hirou, prise en la personne de Maître F... Hirou, commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Immobilier Réunion Case Paradis.
Par acte du 17 mars 2021, la société Century 21 France a fait assigner à jour fixe, la société Immobilier Réunion Case Paradis.
Par actes des 19 et 21 avril 2021, la société Century 21 France a fait assigner à jour fixe respectivement la société Hirou et la société Immobilier Réunion Case Paradis.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 26 avril 2021 de la société Century 21, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu I'article 48 du Code de Procédure Civile
Vu le contrat de franchise du 1er décembre 2016
- Dire et déclarer recevable et bien fondé l'appel de la société Century 21 France.
- Débouter la société Immobilier réunion Case Paradis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- lnfirmer le jugement en date du 10 décembre 2020 du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a réputé non écrite la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce d'Evry et condamné la Société Century 21 France à payer 750 euros au titre de l'article 700 du CPC
- Dire et déclarer que l'article 23 du contrat de franchise Century 21 est rédigé de manière très apparente, qu'il a été porté à la connaissance du cocontractant et accepté par celui-ci lors de la formation du contrat
- Dire et déclarer que le tribunal de commerce d'Evry est compétent
- Renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Commerce d'Evry pour en connaitre
- Condamner la société Immobilier Réunion Case Paradis au paiement d'une somme de 1 500 au titre de l’article 700 du code de procédure civile
- Condamner la société Immobilier Réunion Case Paradis en tous les dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 699 du CPC
Vu les dernières conclusions déposées sur le RPVA et notifiées le 13 avril 2021de la société
Immobilier Réunion Case Paradis, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
DECLARER irrecevable l'appel interjeté le 18 décembre 2020 par la société Century 21 à l'encontre du jugement rendu le 10 décembre 2020 par le Tribunal de Commerce d'Evry.
DEBOUTER la société Century 21 France de l'ensemble de ses demandes.
SUBSIDIAIREMENT,
Si par impossible la Cour déclarait recevable l'appel interjeté le 18 décembre 2020 par la société Century 21 à l'encontre du jugement rendu le 10 décembre 2020 par le Tribunal de Commerce D'Evry.
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le Tribunal de
Commerce D'Evry.
DEBOUTER la société Century 21 France de l'ensemble de ses demandes.
ET EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER la société Century 21 France à payer à la société IMMOBILIER CASE PARADIS la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la société Century 21 France en tous les dépens.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité de l'appel
La société Immobilier Réunion Case Paradis soutient que le fait que la déclaration d'appel n'ait pas été jointe à l'assignation conformément aux prescriptions de l'article 920 du code de procédure civile, ne constitue pas une nullité de forme susceptible d'être couverte mais une cause d'irrecevabilité de l'appel. Elle se prévaut d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 septembre 2018 (17-21883).
La société Century 21 rétorque que cet arrêt sanctionne d'irrecevabilité une absence de requête et non une absence de communication de la déclaration d'appel, faisant observer de surcroît que cette dernière est notifiée par le greffe à l'intimé, et qu'en l'espèce, la société Immobilier Réunion Case Paradis qui a constitué avocat le 15 février 2021 a nécessairement eu connaissance de la déclaration d'appel.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, il a été procédé à une nouvelle signification de l'assignation à jour fixe avec la requête et la déclaration d'appel.
Sur ce, l'article 920 code de procédure civile dispose :
« L'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé. Copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation. »
En l'espèce, la première assignation à jour fixe délivrée le 17 mars 2021 à la société Immobilier Réunion Case Paradis mentionne la remise de la copie de la requête et de l'ordonnance présidentielle.
La remise de la déclaration d'appel a bien été omise, au mépris des prescriptions de l'article 920 du code de procédure civile.
Et le défaut de recours à la procédure à jour fixe s'agissant de l'appel d'un jugement portant exclusivement sur la compétence, affecte la recevabilité de l'appel.
Mais, force est de constater qu'une nouvelle assignation à jour fixe conforme aux dispositions de l'article 920 du code de procédure civile, a été délivrée par acte des 19 et 21 avril 2021, pour l'audience à jour fixe du 5 mai 2021.
Il s'ensuit que le moyen pris de l'irrecevabilité de l'appel est rejeté.
Sur l'exception d'incompétence
Le tribunal de commerce d'Evry, par le jugement entrepris, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion, retenant que la clause 23 du contrat de franchise liant les parties, clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce d'Evry, devait être considérée comme réputée non écrite, ne pouvant être considérée comme spécifiée de façon très apparente.
Century 21 soutient que la clause attributive de compétence insérée dans le contrat de franchise de 2016 qui venait au renouvellement du contrat de 2011 et dans un autre contrat de 2014 signé pour une autre implantation, contrats qui ont été adressés au franchisé au moins 20 jours avant leur signature conformément aux obligations légales du franchiseur, et dont le contenu était parfaitement lisible (titre et désignation du tribunal en gras, page paraphée, mise en page espacée, typologie très lisible) est licite.
La société Immobilier Réunion Case Paradis rétorque que la clause litigieuse n'a pas été spécifiée de façon très apparente comme l'exige les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, ainsi qu'il résulte du fait que la typologie de cette clause est identique à celle des autres, que le caractère gras de la désignation du tribunal de commerce d'Evry est particulièrement ténu, et que le paragraphe relatif à cette clause est semblable aux autres.
Sur ce, la cour retient que le contrat de franchise conclu le 1er décembre 2016, qui fait la loi des parties comporte, comme le contrat précédent de 2011 et l'autre contrat signé en 2014, en gras et en majuscules, un « ARTICLE 23 - DROIT APPLICABLE -CLAUSE ATTRIBUTIVE DE COMPETENCE », qui prévoit en lettres minuscules que :
« Le contrat est régi par le droit français. Toutes les contestations éventuelles entre les parties du fait de la validité, l'exécution du contrat, de son interprétation, de sa résolution ou résiliation, ainsi que des conséquences de sa cessation quel qu'en soit le motif, sont de la compétence exclusive du Tribunal de commerce d'Evry, même en qualité de pluralité de défendeurs ou d'appel en garantie, et ce, dans l'intérêt du réseau afin de permettre une interprétation unifiée du contrat. »
S'agissant d'une clause dérogeant aux règles de compétence territoriale, il résulte des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, qu'entre commerçants cette clause est valable si elle a été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.
Force est de constater que cette clause qui est annoncée en caractères d'imprimerie et en gras, dont la mention « Tribunal de Commerce d'Evry » figure également en gras et qui se trouve en avant dernière page paraphée du contrat, laquelle ne comporte que 5 articles, répond à l'exigence d'une spécification de manière très apparente.
Est indifférente à cet égard, la circonstance que les 25 autres articles que compte ce contrat et leur intitulé soient également en lettres d'imprimerie et en caractères gras et que la typologie de la clause elle-même soit identique aux autres au regard de la présentation très aérée du document et de sa parfaite lisibilité, outre de la mention en gras du tribunal désigné compétent.
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a déclaré non écrite la dite clause et a décliné sa compétence, ainsi qu'en ce qu'il a condamné la société Century 21 France à payer la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Immobilier Réunion Case Paradis qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
Elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée sur ce fondement à payer la somme de 1 500 euros à la société Century 21 France.
PAR CES MOTIFS :
Déclare la société Century 21 France recevable en son appel ;
Infirme le jugement ;
Déclare le tribunal de commerce d'Evry compétent ;
Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce d'Evry ;
Condamne la société Immobilier Réunion Case Paradis aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrées conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à payer la somme de 1 500 euros à la société Century 21 France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.