Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-18.450
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Capron
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.798), que la société MHS Electronics (la société MHS), locataire commerciale de la société Kalkalit Nantes (la société Kalkalit), a été mise en redressement judiciaire le 10 décembre 2008 ; que par un jugement du 7 juillet 2010, le tribunal a arrêté un plan de redressement par voie de continuation ; qu'une ordonnance de référé du 1er septembre suivant a condamné la société MHS à payer à son bailleur une provision de 1 826 212,10 euros, somme qu'elle reconnaissait lui devoir au titre des loyers et charges échus depuis le mois de février 2009 ; qu'un jugement du 15 décembre 2010 a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société MHS, en fixant la date de la cessation des paiements au 7 décembre 2010 ; que celle-ci a été reportée au 10 septembre 2010 par un jugement du 23 mars 2011, auquel la société Kalkalit a formé tierce opposition ;
Attendu que la société Kalkalit fait grief à l'arrêt de reporter la date de cessation des paiements de la société MHS au 10 septembre 2010 alors, selon le moyen :
1°) que la date de cessation des paiements peut être reportée, à condition que soit établie, à la date retenue, l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en considérant que l'état de cessation des paiements de la société MHS aurait été caractérisé dès le 10 septembre 2010, sans préciser le montant de l'actif disponible à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce ;
2°) que la date de cessation des paiements peut être reportée, à condition que soit établie, à la date retenue, l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en considérant, pour estimer que l'état de cessation des paiements aurait été pleinement caractérisé dès le 10 septembre 2010, que des saisies-attributions pratiquées les 25, 26 et 29 octobre 2010 auraient mis en lumière que la société MHS n'aurait pas disposé d'un actif disponible suffisant pour faire face à sa dette exigible, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce ;
3°) que la charge de la preuve de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible pèse sur la partie qui demande le report de la date de cessation des paiements ; qu'en considérant, pour estimer que l'état de cessation des paiements aurait été pleinement caractérisé dès le 10 septembre 2010, que la société Kalkalit n'aurait pas démontré que la société MHS disposait d'un autre actif disponible que celui qu'elle avait saisi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce, ensemble l'article 1353 du code civil ;
4°) qu'une condamnation par une ordonnance de référé au paiement d'une provision ne peut être prise en compte dans la détermination du passif exigible ; qu'en retenant, pour estimer que l'état de cessation des paiements aurait été pleinement caractérisé dès le 10 septembre 2010, qu'une ordonnance de référé condamnant la société MHS au versement d'une provision, outre une indemnité provisionnelle d'occupation avait été signifiée à la société MHS le 10 septembre 2010, la cour d'appel a violé les articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce ;
5°) qu'en ne répondant pas au moyen tiré de l'instrumentalisation, par les organes de la procédure collective, du report de la date de cessation des paiements, aux seules fins de remettre en cause les saisies-attributions pratiquées par la société Kalkalit, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la condamnation, par ordonnance de référé au paiement d'une provision et d'une indemnité provisionnelle d'occupation d'un montant de 2 022 380,04 euros, avait été confirmée en appel et était exigible depuis le 10 septembre 2010, la cour d'appel a exactement retenu, la société Kalkalit n'alléguant pas que la même créance aurait été l'objet d'une instance au fond, que cette somme pouvait être prise en considération pour caractériser le passif existant à cette date ; qu'elle relève encore qu'il n'est pas sérieusement contesté que les saisies-attributions pratiquées par la société Kalkalit sur les comptes bancaires et entre les mains du principal client de la société MHS et validées le 10 novembre 2010 par un juge de l'exécution à concurrence de 1 519 669,40 euros n'ont pas permis de faire face au passif dû le 10 septembre 2010 ; qu'elle ajoute que la société Kalkalit, qui s'oppose au report de la date de cessation des paiements à cette dernière date, soutenait elle-même que, depuis le 1er septembre 2010, la société MHS n'était pas en mesure de régler son passif échu ; qu'en déduisant de ces constatations que la cessation des paiements de cette société était acquise au 10 septembre 2010, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.