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Décisions

Cass. com., 30 juin 2021, n° 19-20.868

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Saunier Duval (Sté)

Défendeur :

Cistac (Époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Kass-Danno

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Bouzidi et Bouhanna

Paris, pôle 5 ch. 5, du 6 juin 2019

6 juin 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juin 2019), la société Saunier Duval eau chaude chauffage (la société SDECC) a conclu avec M. Cistac un  contrat d'agent  commercial  prenant  effet  le  1er   janvier  1981.  Elle  a  conclu un nouveau contrat d'agent commercial avec M. et Mme Cistac, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction à compter du 1er janvier 1993, les parties ayant la faculté de dénoncer le contrat avec un préavis de six mois. M. Cistac a fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 1997. La société SDECC, invoquant la dissimulation du paiement de commissions à Mme Cistac au titre de ce contrat par M. Filippi, son directeur export, entre les années 1999 et 2011, a assigné M. et Mme Cistac en remboursement des commissions indûment perçues sur cette période. Par un jugement du 9 novembre 2018, un tribunal correctionnel, saisi par une ordonnance de renvoi d'un juge d'instruction à la suite d'une plainte de la société SDECC, a constaté la prescription de l'action publique sur une partie des infractions d'abus de confiance et de complicité et recel d'abus de confiance reprochés à M. Filippi ainsi qu'à M. et Mme Cistac entre 2001 et 2009 et prononcé une relaxe du chef des mêmes infractions commises entre 2009 et 2011.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. La société SDECC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au prononcé de la nullité des renouvellements, à compter de 1999, du contrat d'agent commercial conclu avec M. et Mme Cistac, ainsi que sa demande de répétition des sommes indûment perçues à ce titre par M. et Mme Cistac, alors « que faute d'avoir recherché si l'ignorance de l'existence d'un contrat, jointe au fait que, s'agissant du secteur concerné, la société Saunier Duval avait mis en place un dispositif de distribution exclusive faisant obstacle à l'intervention de tout autre opérateur, ne révélait pas une erreur substantielle, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des articles 1109 et 1134 anciens du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. M. et Mme Cistac contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit, la société SDECC n'ayant, devant la cour d'appel, ni démontré ni même soutenu que le dol imputé à M. Filippi, sur le fondement de l'article 1116 du code civil, avait provoqué une erreur sur la substance, susceptible de justifier l'annulation du contrat par application de l'article 1110 du code civil.

5. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la société SDECC soutenait qu'en raison de la dissimulation, par M. Filippi, de la reconduction du contrat de M. Cistac au profit de l'épouse de celui-ci, elle n'avait pas eu connaissance de l'existence de ce contrat, devenu inutile à la suite de la mise en place d'un dispositif de distribution exclusive, et qu'elle n'avait donc pas valablement consenti à la tacite reconduction annuelle du contrat à compter de l'année 1999.

6. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1110, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Pour rejeter les demandes de la société SDECC tendant au prononcé de la nullité des renouvellements, à compter de 1999, du contrat d'agence commerciale conclu avec M. et Mme Cistac et à la répétition des sommes indûment perçues à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que M. Filippi avait dissimulé à sa hiérarchie l'existence d'un contrat d'agence commerciale avec Mme Cistac et que la société SDECC ne l'avait découvert qu'en 2011, retient que le dol imputable à M. Filippi, tiers au contrat litigieux, ne peut servir de fondement à une action en nullité du contrat.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dissimulation, par M. Filippi, du contrat d'agence commerciale conclu avec Mme Cistac n'avait pas provoqué une erreur sur la substance même de ce contrat de la part de la société SDECC, qui, après le départ à la retraite de M. Cistac, avait mis en place un dispositif de distribution exclusive faisant obstacle à l'intervention de tout autre opérateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette  l'action  en  nullité  des  renouvellements,  à  compter  de  1999, du « contrat d'agent commercial » conclu avec M. et Mme Cistac intentée par la société SDECC, ainsi que son action en répétition de l'indu, l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.