Livv
Décisions

Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-17.818

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Cossa

Reims, du 30 juin 1993

30 juin 1993

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 30 juin 1993) , que les époux X..., agriculteurs, ont déclaré le 26 novembre 1990 au greffe du tribunal de grande instance la cessation de leurs paiements alors qu'ils faisaient l'objet, de la part de l'un de leurs créanciers, de poursuites aux fins de saisie immobilière ; que, sur ces poursuites, divers immeubles leur appartenant ont été adjugés à l'audience des criées selon jugement du 7 décembre 1990 ; que, par jugement du 14 décembre 1990, le Tribunal a ensuite refusé d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard des époux Y... ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt irrévocable du 3 juin 1991 par la cour d'appel qui a estimé que les débiteurs n'étaient pas en état de cessation des paiements ; que les juges du second degré ont également, par la même décision, ouvert une procédure de règlement amiable de l'exploitation agricole par application de l'article 22 de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988, devenu l'article L. 351-1 du Code rural ; que, se fondant sur le compte rendu de mission établi par le conciliateur désigné par cet arrêt, les époux Y... ont de nouveau déclaré la cessation de leurs paiements le 5 novembre 1992 et demandé que la date en soit fixée au 26 novembre 1990, prétendant qu'ils y avaient intérêt afin de pouvoir faire annuler, selon eux, les adjudications passées en période suspecte ; que, par jugement du 20 novembre 1992, le Tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des débiteurs, mais en fixant la date de cessation des paiements au jour du jugement ;

Attendu que les époux Y... reprochent à l'arrêt d'avoir confirmé ce chef du jugement alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise qui se trouve dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et la date de cessation des paiements ne peut être postérieure à celle à laquelle le débiteur, faute d'avoir payé son passif exigible, fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière et en avise le Tribunal ; que la cour d'appel a fixé au 20 novembre 1992 la date de cessation des paiements des époux Y... et a refusé de la fixer à celle du " 27 " novembre 1990, date à laquelle les époux Y..., objet d'une procédure de saisie immobilière de parcelles et maison constituant l'actif de leur exploitation agricole, avaient déclaré au greffe du tribunal qu'ils étaient en cessation des paiements ; que cette procédure introduite par un créancier des époux Y... manifestait l'impossibilité dans laquelle ils se trouvaient de faire face à leur passif avec leur actif disponible et qu'en s'abstenant d'en tirer la conséquence légale qui en découlait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; et alors, d'autre part, que par application de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ; que la cour d'appel qui, pour refuser de fixer la date de cessation des paiements à la date de la déclaration faite par les époux Y... et donc à une date antérieure à celle du jugement d'adjudication des parcelles et maison saisies par le Crédit agricole, créancier poursuivant, s'est déterminée par le fait que la procédure de saisie immobilière n'entre pas dans la catégorie des actes annulables mais qui s'est abstenue de rechercher si le paiement obtenu du débiteur saisi par le Crédit agricole à l'issue d'une procédure poursuivie en dépit de la connaissance qu'avait le créancier poursuivant de la déclaration de cessation des paiements faite par le débiteur au greffe du tribunal du lieu d'adjudication n'était pas susceptible d'être annulé a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu que la force de chose jugée attachée à l'arrêt du 3 juin 1991 s'opposait à ce que, lors de l'ouverture ultérieure de la procédure de redressement judiciaire à l'égard des époux Y..., la date légale de cessation des paiements pût être fixée à une date antérieure à celle de cet arrêt qui avait retenu, par une appréciation de la situation au jour où il statuait, que les débiteurs n'étaient pas en état de cessation des paiements ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a refusé de reporter la date de cessation des paiements à celle de la première déclaration des époux Y... ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.