Cass. com., 11 février 2014, n° 13-12.046
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ghestin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2012), que, sur déclaration de cessation des paiements, la liquidation judiciaire de la société Scadivet a été prononcée le 21 juillet 2009 ; que MM. Gautier et Davy X..., M. et Mme Y... (les consorts X...-Y...) ont déclaré au passif de cette société une créance de 464 110, 30 euros, correspondant à la somme qu'ils avaient versée en exécution d'une garantie hypothécaire, somme que la société Scadivet a été condamnée à leur rembourser par arrêt du 14 mai 2009 ; que les consorts X...-Y...ont formé tierce opposition au jugement de liquidation et demandé subsidiairement le report de la date de cessation des paiements au 15 mai 2009 ;
Attendu que les consorts X...-Y...font grief à l'arrêt d'avoir dit irrecevable leur tierce opposition et d'avoir rejeté leurs autres demandes, alors, selon le moyen :
1°) que celui qui forme valablement tierce opposition contre un jugement prononçant la liquidation judiciaire du débiteur est recevable à critiquer la date de cessation des paiements retenue par ledit jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la recevabilité de la tierce opposition formée par les consorts X...-Y...contre le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 21 juillet 2009 ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Scadivet était acquise, au regard des délais et formes de ce recours, de par le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 28 janvier 2010 ; que pour rejeter ladite tierce opposition, l'arrêt attaqué a énoncé, par motifs propres et adoptés, que le paiement du solde des cotisations des adhérents de la société Scadivet, les 15 et 26 mai 2009, la décision de payer des ristournes annuelles au titre des années 2007 et 2008 auxdits adhérents le 19 mai 2009, ainsi que le paiement à la société Galec d'une somme de 72 360, 89 euros par un chèque en date du 25 mai 2009 bien qu'un sursis avait été accordé à la société Scadivet, étaient antérieurs à la date de la cessation des paiements retenue par le jugement du 21 juillet 2009, soit le 5 juin 2009, et que cette dernière date était devenue définitive faute d'avoir été contestée ; qu'en statuant ainsi, quand la cour d'appel, saisie d'une tierce opposition valablement formée contre un jugement prononçant une liquidation judiciaire, devait vérifier, comme il le lui était d'ailleurs demandé, si la cessation des paiements de la société débitrice n'était pas acquise dès le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 14 mai 2009 qui avait condamné la société Scadivet à payer aux consorts X...-Y...la somme de 430 000 euros en principal, la cour d'appel a violé les articles L. 661-2 du code de commerce, 582 et 583 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) qu'à supposer que la date de cessation des paiements ne pouvait plus être discutée, la fraude justifiant la tierce opposition formée contre un jugement de liquidation judiciaire est caractérisée lorsque le débiteur a provoqué son insolvabilité en payant des créances non échues ou en mettant fin de manière anticipée à des réserves de crédit, cependant qu'il ne pouvait ignorer, en l'état du droit positif constant, qu'il serait condamné à rembourser des sous-cautions de la somme que celles-ci lui avaient réglée au titre d'une créance non déclarée ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la fraude de la société Scadivet envers les consorts X...-Y...n'était pas caractérisée, l'arrêt attaqué a énoncé que l'annulation anticipée de la réserve de crédit dont disposait cette société avait été décidée le 5 février 2008, cependant que ce n'était que par un arrêt infirmatif de la cour d'appel de Lyon du 14 mai 2009 que la société Scadivet avait été condamnée à rembourser aux consorts X...-Y...la somme que ceux-ci lui avait payée au titre d'une créance que cette société n'avait pas déclarée ; que, de même, l'arrêt a refusé de tenir compte du non-report du remboursement des parts des adhérents retrayants de la société en 2009, dans un temps voisin de cette condamnation, du paiement du solde des cotisations des adhérents les 15 et 26 mai 2009 ou du paiement de la société Galec le 25 mai 2009, quand bien même ces dettes de la société Scadivet n'étaient pas exigibles ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dès la signification des conclusions des consorts X...-Y...en septembre 2007 à la société Scadivet qui invoquaient l'extinction de leur engagement de sous-cautions de la société Start faute de déclaration de créance, la société Scadivet ne pouvait pas ne pas ignorer, en l'état du droit positif constant, qu'elle serait condamnée à rembourser ces sous-cautions à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 661-2 du code de commerce, 582 et 583 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 621-46 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
3°) que la fraude justifiant la tierce opposition formée contre un jugement de liquidation judiciaire est caractérisée lorsque le débiteur a provoqué son insolvabilité en payant des créances non échues, en connaissance d'un arrêt exécutoire rendu par une cour d'appel le condamnant à payer à l'auteur de la tierce opposition le montant de sa créance ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la fraude de la société Scadivet envers les consorts X...-Y...n'était pas caractérisée, l'arrêt attaqué a refusé de tenir compte du non-report du remboursement des parts des adhérents retrayants de la société en 2009, dans un temps voisin de la condamnation de la société Scadivet par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 14 mai 2009, du paiement du solde des cotisations des adhérents les 15 et 26 mai 2009 ou du paiement de la société Galec le 25 mai 2009, quand bien même ces dettes de la société Scadivet n'étaient pas exigibles ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Scadivet, en procédant de la sorte, n'avait pas payé des créances non exigibles en connaissance de l'arrêt par nature exécutoire de la cour d'appel de Lyon qui l'avait condamnée à rembourser les consorts X...-Y...du montant de leur créance et provoqué ainsi son insolvabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 661-2 du code de commerce, 500, 501, 582 et 583 du code de procédure civile ;
4°) que, saisi d'une tierce opposition sur le fondement de la fraude, le juge doit vérifier, non pas si chacun des éléments invoqués, pris séparément, caractérisent celle-ci, mais si ces éléments, pris dans leur ensemble, révèlent une fraude ; qu'en l'espèce, en se bornant à envisager séparément si chacun des éléments invoqués par les consorts X...-Y...révélaient une fraude de la société Scadivet, quand il lui appartenait d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble étaient de nature à caractériser la fraude alléguée, la cour d'appel a violé les articles L. 661-2 du code de commerce, ensemble les articles 582 et 583 du code de procédure civile et les principes régissant la fraude ;
Mais attendu, en premier lieu, que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen, en ses deuxième, troisième et quatrième branches ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'absence de preuve de la fraude invoquée ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient à bon droit que la tierce opposition formée contre le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Scadivet ayant été déclarée irrecevable, la demande subsidiaire en report de la date de cessation des paiements ne peut qu'être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.