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Décisions

Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-14.712

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Pinot

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Tiffreau, SCP Nicolay et de Lanouvelle

Nîmes, du 10 mars 2005

10 mars 2005

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X..., ès qualités, que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., ès qualités ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'à la suite du placement sous contrôle judiciaire de Mme Z..., présidente de la société Jeunesse et cité (la société JEC) lui faisant notamment interdiction de gérer et d'administrer toute société, le tribunal, par ordonnance du 10 octobre 2003, a désigné M. Y... en qualité d'administrateur ad hoc de cette société avec mission "de suppléer la carence de Mme Z... dans les structures dont elle a la direction" ; que, par une ordonnance du 5 mai 2004, le président du tribunal a ordonné la comparution de la société JEC, prise en la personne de son représentant légal, M. Y..., en vue de l'ouverture d'une procédure collective ; que par jugement du 14 mai 2004, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire et nommé M. Y... liquidateur ; que le 19 mai 2004, M. X... a été désigné mandataire ad hoc de la société JEC avec mission notamment d'exercer toute action en justice ; que ce dernier a formé appel contre le jugement d'ouverture de la procédure et a demandé, à titre principal, son annulation en invoquant le défaut de pouvoir de M. Y... pour représenter la société JEC ; que ce dernier a soulevé l'irrecevabilité de cet appel ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que M. Y..., agissant en qualité de liquidateur de la société JEC, fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel formé par M. X..., en qualité de mandataire ad hoc de cette dernière, alors, selon le moyen :

1°) que le mandataire ad hoc désigné pour suppléer la carence d'un dirigeant frappé d'une mesure d'interdiction de gérer et dont la désignation non contestée a été régulièrement publiée a le pouvoir de représenter la société en justice et de former des demandes en son nom, notamment une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation ; qu'en retenant pour déclarer recevable l'appel interjeté par M. X... au nom de la société JEC dont la demande tendant à la constatation de la cessation des paiements et à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire immédiate formée devant les premiers juges par M. Y... en qualité de mandataire ad hoc, désigné par une ordonnance régulièrement publiée aux fins de suppléer la carence de Mme Z... frappée d'une interdiction de gérer, avait pourtant été pleinement accueillie, que la demande de M. Y..., alors mandataire ad hoc d'une société in bonis qui a sollicité sans en avoir le pouvoir l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation est inopposable au mandataire ad hoc de la même société en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 546 du nouveau code de procédure civile et L. 210-9 du code de commerce ;

2°) qu'est irrecevable, faute d'intérêt, l'appel du débiteur dont les demandes orales formulées à l'audience du tribunal de commerce siégeant en chambre du conseil ont été satisfaites ; qu'en affirmant pourtant que les demandes orales formulées à une audience par le représentant d'une personne morale in bonis ne peuvent faire échec à l'exercice ultérieur du droit propre d'appel de cette même personne morale dont la liquidation judiciaire a été prononcée, la cour d'appel a violé les articles 871 et 546 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X... exerçait en qualité de mandataire ad hoc le droit propre de la société JEC à former appel du jugement ouvrant sa liquidation judiciaire, l'arrêt retient que ce dernier dispose d'un intérêt à exercer cette voie de recours contre une décision qui porte atteinte aux intérêts de la société, dès lors que M. Y..., à l'époque mandataire ad hoc de cette société, s'était borné à rendre compte au tribunal de ses diligences et à l'informer de la situation de son administrée, et que la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, faite oralement lors de l'audience par ce mandataire ad hoc d'une personne morale maîtresse de ses biens, ne peut faire échec à l'exercice ultérieur du droit d'appel de cette même personne morale dont la liquidation judiciaire a été prononcée ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le débiteur dont les droits étaient exercés par son mandataire ad hoc à la suite de sa dissolution disposait d'un intérêt à interjeter appel du jugement qui, sur saisine doffice, avait prononcé sa liquidation judiciaire sans que puisse lui être opposée une quelconque renonciation à ce droit, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du même pourvoi également préalable :

Vu les articles L. 210-9 et L. 227-6 du code de commerce, l'article L. 611-3 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article 8 du décret du 27 décembre 1985 ;

Attendu que pour annuler le jugement, l'arrêt relève que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire n'interdisait à Mme Z... que les actes de gestion et d'administration et qu'elle n'avait pas perdu sa qualité de dirigeante de droit par le seul effet de cette décision dont la portée devait s'interpréter restrictivement ; qu'il retient encore que la mission confiée à M. Y... en qualité d'administrateur ad hoc, et non en qualité d'administrateur judiciaire, ne tendait qu'à suppléer la carence de la dirigeante dans les seuls actes qui lui étaient interdits, de sorte que la convocation à comparaître en chambre du conseil devait être adressée à Mme Z..., seule habile à représenter la société, que celle-ci a été laissée dans l'ignorance de la procédure et n'a pu s'expliquer sur l'ouverture de celle-ci ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la dirigeante était frappée d'une mesure d'interdiction de gérer et d'administrer toute société ce dont il résultait qu'elle ne pouvait plus représenter la société et que la désignation de M. Y..., en qualité de mandataire ad hoc, régulièrement publiée, intervenue pour suppléer la carence de la dirigeante de droit dans les structures dont elle avait la direction, impliquait une mission de représentation légale de cette société, de sorte que le jugement ne pouvait être annulé en raison d'irrégularité affectant la saisine du tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel, l'arrêt rendu le 10 mars 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.