Cass. com., 8 janvier 1991, n° 89-13.711
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
M. Leclercq
Avocat général :
M. Patin
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 février 1989), que M. X... a, le 12 décembre 1986, cédé, dans les formes prévues par la loi du 2 janvier 1981, à la Banque régionale d'escompte et de dépôts (la banque), chez laquelle son compte était à découvert, une créance d'un montant presque équivalent qu'il avait sur la Société des transports Sivet et qui était échue depuis plusieurs mois ; que celle-ci, malgré l'octroi de nouveaux délais par la banque, n'ayant pas réglé sa dette, M. X... l'a assignée en redressement judiciaire, appelant la banque en garantie ; qu'il a été débouté de ses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré valable la cession consentie par lui à la banque, alors, selon le pourvoi, que la cession de créance à titre de garantie de l'article 1-1, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1981 est un contrat synallagmatique par lequel le cédant cède à un banquier des créances à terme, en contrepartie d'un découvert qui lui est consenti, moyennant intérêt, et dont l'échéance est postérieure à celles des créances cédées, qui pourront être recouvrées par le banquier cessionnaire, au cas où le cédant ne paierait pas sa dette devenue exigible ; que la cause d'une cession fiduciaire de créance est donc l'obtention d'un crédit par un transfert de propriété d'un ensemble de créances non échues ; que, dès lors, le transfert en pleine propriété d'une créance exigible, susceptible d'être recouvrée par le cessionnaire, ne peut avoir pour juste cause la prorogation d'un découvert moyennant intérêt, que la dette du cédant peut être immédiatement éteinte lors du transfert ; qu'ainsi la cession de créance exigible en contrepartie d'un crédit ne peut être déclarée valable en tant que cession à titre de garantie ; qu'elle ne peut pas davantage être validée après disqualification en cession à titre d'escompte, en l'absence de stipulation d'un prix de cession ; que, dès lors, en l'espèce, ayant qualifié la cession litigieuse de cession à titre de garantie, au motif que, conformément à l'intention des parties, le cessionnaire avait accordé un découvert au cédant et ne lui avait donc pas versé de prix, et ayant constaté que les créances cédées étaient échues au jour de la cession, la cour d'appel aurait dû en déduire que la cession litigieuse était nulle pour absence de cause ; qu'en admettant la validité de ladite cession, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, à bon droit, que les cessions de créances échues sont, en principe, autorisées, même à titre de garantie, par la loi du 2 janvier 1981 ; qu'après avoir relevé, en l'espèce, que la cession litigieuse avait permis à M. X... d'obtenir de sa banque des délais pour le remboursement de sa dette envers elle, la cour d'appel a pu en déduire que cette cession avait une cause ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;
Sur les troisième et quatrième moyens réunis :
Attendu que M. X... reproche enfin à l'arrêt d'admettre que la banque cessionnaire pouvait accorder des facilités de paiement au débiteur et percevoir sur lui des intérêts de retard, et de l'avoir débouté de ses poursuites contre le débiteur cédé, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'à supposer que la cession ait bien eu lieu à titre de garantie, le banquier était titulaire d'un droit de propriété fiduciaire jusqu'à la date d'exigibilité de la dette du cédant, étant entendu que cela lui conférerait le droit de se payer sur la créance cédée, au jour de l'exigibilité de la dette du cédant, qui serait ainsi éteinte ; que le droit de propriété fiduciaire de la banque ne lui conférait d'autres pouvoirs sur la créance que ceux nécessaires à la survie de sa sûreté, comme, par exemple, le pouvoir de notifier au débiteur le bordereau ; que le banquier n'avait ni le pouvoir de recouvrer pour lui-même la créance, avant l'exigibilité de la dette du cédant, ni celui de consentir des délais de grâce au débiteur, sauf à être comptable envers le cédant de sa gestion ainsi que des fruits et intérêts produits par la créance cédée entre la cession et le moment de l'exigibilité de la dette du cédant ; qu'en l'espèce, en décidant que la banque, étant devenue propriétaire de la créance, avait pu accorder des délais de grâce au débiteur cédé et conserver à son profit les intérêts de retard ainsi perçus, la cour d'appel a méconnu la nature particulière conférée par le transfert fiduciaire de la créance litigieuse, et partant, l'article 1-1, alinéa 2, de la loi du 2 janvier 1981 ; et alors, d'autre part, que, conformément à l'article 4 de la loi du 25 janvier 1985, tout garant est recevable à agir en redressement judiciaire contre le débiteur garanti ; qu'aux termes de l'article 1-1, alinéa 2, de la loi du 2 janvier 1981, le cédant est garant envers le cessionnaire de la solvabilité du débiteur cédé ; que, dès lors, en décidant que le cédant était irrecevable à agir en redressement judiciaire contre le débiteur cédé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'une banque à qui une créance antérieurement exigible a été cédée dans les conditions prévues par la loi du 2 janvier 1981, et qui a notifié ce transfert au débiteur cédé, a, seule, qualité pour exercer des poursuites contre ce dernier, ou lui accorder des délais de paiement, sauf à engager sa responsabilité envers le cédant si elle a laissé disparaître des chances sérieuses de recouvrement à son profit ; que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a décidé que M. X..., bien qu'il demeurât garant du paiement de la créance, ne pouvait se substituer à la banque pour assigner le débiteur en redressement judiciaire et que les délais accordés par la banque lui étaient opposables ;
Attendu, en second lieu, que c'est également à bon droit que la cour d'appel a retenu que le montant des intérêts dus par le débiteur cédé ne pouvait être, avant leur perception effective par la banque cessionnaire, crédité au compte de M. X..., comme il le demandait ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.