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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 juillet 2021, n° 16/16893

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cafpi (SA), Entoria (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Avocats :

Me Fanet, Me Bouhenic, Me Guizard, Me Cier

T. com. Evry, du 18 mai 2016

18 mai 2016

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Cafpi exerce l'activité de courtage en crédit immobilier, en opérations bancaires et en produits d'assurance. Elle a été immatriculée au RCS d'Evry en date du 2 février 2009 et a bénéficié, le 5 juin 2009, de l'apport de l'entreprise individuelle de courtage en prêts immobiliers développée par Monsieur Z.

La société Vitae Assurances était une société de courtage en produits d'assurances, créée en 1993 par Monsieur Z et son frère Monsieur Y. Par suite d'un traité de fusion-absorption au profit de la société Axelliance Business Services, elle a été radiée du RCS le 12 mars 2018.

Le 2 octobre 2003, Monsieur X a conclu un contrat d'agent commercial avec Monsieur Z en vue de représenter ce dernier dans le cadre de son activité en courtier de crédits immobiliers. L'agent a été affecté sur le secteur de l'agence de Troyes. Ce contrat a été repris par la société Cafpi en 2009.

Le 31 décembre 2004, Monsieur Z soumettait à la signature de Monsieur X un avenant modifiant certains points.

En janvier 2010, Monsieur X a signé un contrat de mandat d'intermédiaire d'assurance (MIA) à titre accessoire avec la société Cafpi.

Début 2013, la société Cafpi a soumis à Monsieur X une proposition de contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque (MIOB), en précisant que ce contrat était indispensable pour la poursuite de son activité.

Par courrier du 30 mai 2013, la société Cafpi a mis en demeure Monsieur X de lui retourner un exemplaire signé dudit contrat, à défaut de suspension de son contrat d'agent commercial à compter du 1er juillet 2013.

Par courrier du 8 août 2013, Monsieur X a constaté qu'il n'avait pas été réglé de son intéressement, que son accès au logiciel de paie lui avait été coupé et a acté la rupture des relations contractuelles aux torts et griefs de la société Cafpi.

Par courrier du 9 septembre 2013, la société Cafpi a pris acte de la rupture du contrat.

Monsieur X a fait assigner, par acte du 17 juillet 2014, les sociétés Cafpi et Vitae Assurances et Monsieur Z devant le tribunal de commerce d'Evry aux fins de solliciter la requalification de la rupture qu'il a notifiée en prise d'acte aux torts et griefs du mandant ainsi que diverses indemnisations pour un montant total de 454 000 euros.

Par jugement du 3 février 2016, le tribunal de commerce d'Evry a :

- reçu Monsieur X en ses demandes, les a dits partiellement fondées, et y a fait partiellement droit ;

- dit Monsieur X irrecevable en ses demandes de paiement de créances échues antérieurement au 12 juin 2008 par application de la prescription quinquennale ;

- débouté Monsieur X de sa demande formée au titre de la récurrence des commissions d'assurance ;

- dit que la rupture du contrat est imputable à la SA Cafpi ;

- constaté que la SA Cafpi a modifié unilatéralement le calcul de commissions dues à Monsieur X ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 18 000 euros au titre de l'absence d'exécution du préavis ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 85 000 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

- débouté Monsieur X de toutes ses demandes envers la SARLVitae Assurances ou envers Monsieur Z ;

- débouté la SA Cafpi de sa demande au titre de la clause de non-concurrence ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples devenues sans objet ou contraires au présent jugement ;

- débouté Monsieur X de sa demande formée au titre de la rémunération versée à d'autres collaborateurs ;

- condamné la SA Cafpi à rembourser le montant de la perception indue de la cagnotte, des déductions de ristournes apporteurs et des droits de suite à Monsieur X ;

Sursis à statuer sur lesdits montants ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience collégiale du 30 mars 2016 à 14 heures sur la seule détermination de ces montants ;

- dit qu'à l'audience les parties devront conclure sur le quantum de la « cagnotte », « des déductions ristournes apporteurs » et « des droits de suite » résultant du présent jugement ;

- dit que les conclusions des parties devront être communiquées au greffe du tribunal de céans, au plus tard, 15 jours avant l'audience ;

- dit que le présent dispositif fait office de convocation ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples devenus sans objet ou contraires au présent jugement ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- réservé les dépens.

Par jugement du 18 mai 2016, le tribunal de commerce d'Evry, après réouverture des débats, a :

- confirmé les dispositions du jugement du 3 février 2016 selon lequel le tribunal a :

- jugé que toutes les demandes portant sur des créances échues antérieurement à la date du 12 juin 2008 sont prescrites ;

- fait partiellement droit à la demande de Monsieur X, jugeant que la SA Cafpi a perçu de façon indue des montants relatifs à la cagnotte ;

- condamné la SA Cafpi à rembourser le montant de la perception indue de la cagnotte à Monsieur X ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X, le solde des commissions restant dues ;

- débouté Monsieur X de sa demande de rejet des pièces et conclusions adverses ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 4 228,98 euros à titre de commissionnement restant dû sur le montant de la cagnotte réintégrée ;

- donné acte à la SA Cafpi de son règlement de 3 429 euros ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 155,40 euros en deniers ou quittances valables au titre du droit de suite ;

- condamné la SA Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 19 793,34 euros à titre de commissionnement restant dû sur le montant de la ristourne emprunteur réintégrée ;

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- condamné la SA Cafpi qui succombe, aux entiers dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 234,00 euros, dont TVA 39,00 euros.

Par déclaration du 2 août 2016, la société Cafpi a interjeté appel de ces deux jugements.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 février 2021, la société Cafpi et la société Entoria, venant aux droits de la société Axelliance Holding, laquelle venait aux droits de la société Axelliance Business Services demandent à la cour de :

In limine litis :

Vu les dispositions de l'article 2224 du code civil,

Vu les dispositions des articles 32, 122 à 124 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 1353 du code civil (ancien article 1315 du code civil),

- déclarer Monsieur X irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Cafpi et de la société Vitae Assurances (ou toutes sociétés venant aux droits de la société Vitae Assurances, telles que la société Entoria), tendant au paiement de créances échues antérieurement au 17 juillet 2009, par application de la prescription quinquennale ;

- déclarer Monsieur X irrecevable en ses demandes en paiement :

« Formées à l'encontre de la société Cafpi et de la société Vitae Assurances (ou toutes sociétés venant aux droits de la société Vitae Assurances), tendant au paiement des sommes de 30 000 euros et de 111 288 euros, pour demande abusive de la Cafpi et pour préjudice lié au respect par Monsieur X de la clause de non-concurrence, s'agissant de nouvelles prétentions formées devant la Cour ;

« Formées à l'encontre de la société Vitae Assurances (ou toutes sociétés venant aux droits de la société Vitae Assurances) se rapportant à l'exécution et à la rupture de son contrat d'agent commercial et de son contrat de mandataire d'intermédiaire d'assurances conclu fin 2009 avec la société Cafpi ;

- donner acte à la société Vitae Assurances de sa radiation du registre du commerce et des sociétés à compter du 12 mars 2018 ;

En conséquence,

- dire et juger que la société Vitae Assurances (ou toutes sociétés venant aux droits de la société Vitae Assurances) est hors de cause ;

- déclarer toute prétention maintenue en cause d'appel contre la société Vitae Assurances (ou toutes sociétés venant aux droits de la société Vitae Assurances) irrecevable.

A titre principal :

Vu les dispositions du contrat d'agent commercial,

Vu les dispositions du contrat de MIA,

Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1186 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 2007 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement rendu le 3 février 2016 par le tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a :

- constaté le caractère irrecevable d'une partie des demandes au titre de la prescription quinquennale ;

- rejeté une partie des demandes de Monsieur X ;

- infirmer le jugement rendu le 3 février 2016 par le tribunal de commerce d'Evy en ce qu'il a :

- jugé non prescrites les demandes en paiement couvrant la période du 12 juin 2008 au 17 juillet 2009 ;

- considéré que la SA Cafpi est à l'initiative de la rupture des relations contractuelles ;

- dit qu'il y avait lieu de condamner la Cafpi à verser à Monsieur X une indemnité de rupture ;

- condamné la SA Cafpi à rembourser le montant de la cagnotte ;

- condamné la SA Cafpi à rembourser le montant des ristournes emprunteurs ;

- condamné la SA Cafpi au paiement d'un solde de commissions ;

- infirmer le jugement rendu le 18 mai 2016 par le tribunal de commerce d'Evry en toutes ses dispositions ;

Ce faisant,

- débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire :

- dire et juger, pour le cas où la cour devait estimer que la rupture du contrat doit être prononcée aux torts de la Cafpi : fixer l'indemnité de rupture à 5% de la moyenne annuelle des commissions versées au mandataire sur les cinq dernières années, en rémunération de son activité d'agent commercial, soit à 3 162 euros ;

- dire et juger, pour le cas où la Cour reconnaîtrait Monsieur X fondé à réclamer des primes récurrentes sur la durée de vie des contrats d'assurance placés, que le montant au titre des récurrents ne peut excéder la somme de 8 352,60 euros (1 392,10 x 6) ;

- dire et juger qu'en cas de réintégration de la cagnotte dans la base de commissionnement de Monsieur X, le montant restant dû à Monsieur X sur la période non prescrite, représente la somme de 4.040 euros ;

- dire et juger qu'en cas de réintégration des ristournes apporteurs dans la base de commissionnement de Monsieur X, le montant restant dû à Monsieur X sur la période non prescrite, représente la somme de 16 196 euros.

En toutes hypothèses :

- débouter Monsieur X du surplus de ses demandes ;

- condamner Monsieur X à payer à la société Cafpi la somme de 12 000 euros et à la société Entoria la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur X aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 février 2021, Monsieur X demande à la cour de :

Vu le contrat d'agent commercial de Monsieur X,

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil (devenue 1104 du code civil),

Vu les articles L. 134-12 et suivants du code de commerce,

Vu le déséquilibre significatif qu'aurait entrainé les termes des nouveaux contrats par application de l'article 1171 du code civil,

Vu la suspension illicite du contrat d'agent commercial à compter du 1er aout 2013,

Vu la rupture du contrat actée au 8 septembre 2013,

Vu l'absence de communication de décompte précis et de reddition des comptes concernant l'utilisation de la cagnotte et des ristournes sur toute la période contractuelle et généralement de l'utilisation des sommes ponctionnées de la base de calcul au titre des actions de communication qui auraient profité à Monsieur X,

Vu le respect par Monsieur X de la clause de non-concurrence prévue au contrat,

- constater que la SA Cafpi a manqué à ses obligations de paiement des commissions et d'exécution de bonne foi du contrat d'agent commercial les liants ;

- constater qu'elle a imposé une modification du contrat et notamment de la rémunération versée sans communiquer de décompte clair et précis des sommes ponctionnées avant la définition de la base de calcul ;

- constater que Monsieur Z puis la SA Cafpi ont modifié unilatéralement et dans des conditions potestatives les modalités contractuelles de détermination de la rémunération acceptées par Monsieur X ;

- constater la modification dolosive des contrats réalisée par la Cafpi au moment du changement de statut des IOBSP pour contraindre Monsieur X à accepter des modifications touchant à son contrat (secteur, rémunération, clause intuitu personae) et la suspension du contrat pour des motifs illicites à titre de moyen de pression et ce en créant un déséquilibre significatif ;

- constater que Monsieur X a subi des manquements et entraves du mandant ne permettant pas qu'il remplisse pleinement son mandat.

Par conséquent,

Vu l'article L. 134-12 du code de commerce,

- confirmer la décision entreprise condamnant l'entreprise Cafpi et les défendeurs solidairement à payer à Monsieur X la somme de 18 000 euros au titre de l'absence d'exécution du préavis ;

- confirmer la décision entreprise en ce que l'entreprise Cafpi en sa qualité de mandant a été reconnu comme responsable de la rupture du contrat d'agent commercial ;

En revanche, infirmer la décision sur le quantum alloué et :

Vu les dispositions d'ordre publique des articles L. 134-12 du code de commerce,

- condamner la société Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 160 000 euros nets à titre d'indemnité de rupture.

Sur les rappels de commissions :

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Infirmer la décision entreprise ;

Statuant de nouveau,

- condamner la société Cafpi à payer à Monsieur X la somme de 40 237,63 euros au titre des commissions correspondant aux commissions dues au titre de la base de calcul « cagnotte » (budget AMIE) et des ristournes « apporteurs » ;

- condamner la société Cafpi à payer au titre des déductions correspondant à la rémunération versée à d'autres collaborateurs la somme de 25 000 euros.

Sur l'activité de Mandataire Intermédiaire en Assurances (MIA) :

- constater que Vitae Assurances et/ou Cafpi se sont abstenues volontairement de mettre en place un contrat clair ;

- constater que l'entreprise Cafpi a tout aussi volontairement omis de mettre en place des relations contractuelles claires et transparentes ;

En outre, qu'en modifiant son activité il a de fait modifié les contrats et les relations contractuelles et impose ce faisant une atteinte à la liberté d'entreprendre de Monsieur X, et par conséquent ;

- condamner la société Cafpi et la SA Entoria solidairement à la somme de 50 000 euros au titre du préjudice subi outre la rémunération au titre des primes récurrentes en vertu des usages ;

- condamner la société Cafpi à verser 10.000 euros sur le fondement de l'ancien article 1312 du code civil au titre du préjudice moral.

Sur le droit de suite :

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu les articles L. 134-7 du code de commerce,

- confirmer la condamnation ordonnée au titre des commissions restant dues au titre du droit de suite ;

Sur la clause de non-concurrence :

Vu l'absence de secteur géographique et la durée excessive,

- juger que la clause de non-concurrence est nulle et par conséquent débouter l'entreprise Cafpi de sa demande qui sera de surcroit déclarer abusive Monsieur X ayant parfaitement respecté cette clause, la société Cafpi devant être condamnée à la somme de 30 000 euros au titre de cette demande abusive ;

Reconventionnellement :

Vu la renonciation tardive formulée le 17 février 2021 de CAFPI à sa demande de condamnation au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence,

- constater cependant que Monsieur X a néanmoins respecté cette clause de non-concurrence ce qui a généré un préjudice important qui sera évalué à 111 288 euros ;

- condamner la société Cafpi à verser cette somme de 111 288 euros au titre de la contrainte qu'elle a fait peser sur Monsieur X et ce à titre de dommages intérêts ;

- condamner les appelants à payer à Monsieur X la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'entreprise Cafpi en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 février 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour n'est saisie que par les prétentions indiquées dans le dispositif des dernières conclusions et que les demandes tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions sur lesquelles le juge doit statuer.

La cour relève en l'espèce qu'il n'y a plus de demande en appel à l'encontre de la société Vitae Assurances, société à ce jour radiée.

Enfin, il convient de souligner que M. X ne relève pas appel du chef de la décision de première instance ayant déclaré prescrites les créances antérieures au 12 juin 2008.

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agent commercial et l'indemnité de rupture

La Cafpi reproche au jugement entrepris le fait d'avoir dit que la rupture de sa relation avec M. X lui était imputable et que ce fait l'agent avait droit à une indemnnité de rupture et pour non respect du préavis.

M. X demande la confirmation du jugement sur l'imputabilité de la rupture et l'indemnité de préavis octroyée mais il sollicite que le montant l'indemnité de rupture soité porté à hauteur de 160 000 euros.

Sur ce,

L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).

L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayant droits bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Par ailleurs, l'article L. 134-16 prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article précité.

Il est de principe enfin que les parties peuvent licitement convenir à l'avance d'une indemnité de rupture, dès lors que celle-ci assure à tout le moins la réparation intégrale du préjudice subi par l'agent commercial.

L'article L. 134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

En l'espèce, le responsable de la SA Cafpi a écrit à M. X en date du 28 juin 2013 (pièce 17 de la société Cafpi) par courrier intitulé « suspension de votre contrat d'agent commercial » en ces termes : « A ce jour, je n'ai pas reçu votre contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement signé et vous n'avez pas enregistré votre activité de mandataire d'intermédiaire en opération de banque sous un statut autre que celui d'agent commercial.

Je vous rappelle que ce contrat n'implique aucun changement dans votre activité avec la société CAFPI, mais il est indispensable pour la poursuite de votre activité.

Par conséquent, comme annoncé dans le précédent courrier que je vous ai adressé, votre contrat d'agent commercial devrait être suspendu à compter du 1er juillet, et jusqu'à la réception de votre contrat signé. Néanmoins, pour satisfaire la demande de certains d'entre vous de disposer d'un délai supplémentaire, vous avez jusqu'au 1er août 2013 pour nous adresser le contrat signé.

A défaut, je serai contraint, du fait des règles de droit qui nous sont imposées, de suspendre votre contrat à compter de cette date.

Je vous rappelle, que pendant la période de suspension, vous ne pourrez plus exercer l'activité de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque pour le compte de la société CAFPI. Cela signifie qu'à compter du 1er août 2013, vous ne pourrez plus monter de dossiers de demande de prêts. »

Dans les courriers échangés par la suite entre les parties courant juillet et aout 2013 (pièces 18 à 25 de la société Cafpi), M. X a notamment constaté que l'accès au logiciel Cafpi lui avait été coupé au 1er aout 2013 et la SA Cafpi a indiqué avoir pris acte de la rupture de leur relation du fait du refus de l'agent de signer le nouveau contrat MIOB tel que proposé.

Si le décret du 22 janvier 2012, entré en vigueur le 15 janvier 2013, rendait nécessaire la modification du statut des agents au profit de celui de MIOB, nouvellement créé, régi par le code monétaire et financier, lequel n'était pas compatible avec celui d'agent commercial, cependant, le nouveau contrat MIOB proposé à M. X par la société Cafpi pour signature présentaient des modifications majeures, sans lien avec le statut MIOB, concernant la rémunération de l'agent ainsi que les droits de l'agent en fin de contrat, la perte du droit à indemnité de rupture après 10 années de collaboration sans incident n'étant compensée par aucun équivalent.

Par ailleurs, il n'est excipé, ni justifié d'aucune faute grave de l'agent.

Il s'en suit que M. X a droit à une indemnité de rupture, celle-ci étant imputable exclusivement à la société Cafpi, à l'instar de ce qui a été jugé en 1ere instance.

S'agissant du quantum, il est rappelé que l'indemnité compensatrice de la rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.

Son montant n'étant pas réglementé, il convient de le fixer en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

Par ailleurs, l'article L. 134-16 du code de commerce prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article L. 134-12.

Il est de principe enfin que les parties peuvent licitement convenir à l'avance d'une indemnité de rupture, dès lors que celle-ci assure la réparation intégrale du préjudice subi par l'agent commercial.

En l'espèce, M. X soutient à bon droit que la clause 8.3 de son contrat d'agent commercial limitant l'indemnité compensatrice de la rupture à 5% de la moyenne annuelle des commissions perçues ne peut recevoir application faute d'assurer la réparation intégrale de son préjudice ; la sanction attachée à cette inadéquation n'est toutefois pas la nullité de la clause, mais son caractère non écrit, qui la rend inapplicable.

Par suite, compte tenu de la durée de près de 10 années de la mission d'agence commerciale, qui s'est déroulée sans reproche, ni grief de la part de la SA Cafpi sur les performances de son agent, il n'existe pas de raison de s'écarter de l'usage fixant le quantum de l'indemnité de rupture à deux années de commissions. En conséquence, au vu du montant des commissions sur les deux dernières années perçues par M. X ( 2011: 79.984 euros et 2012 : 66.536 euros), sera allouée à celui-ci une indemnité de 146 520 euros selon les calculs non contestés de la SA Cafpi, l'appelant ne justifiant pas du quantum réclamé de 160 000 euros. (Pièce 86 de la société Cafpi)

Le jugement sera infirmé sur le quantum de l'indemnité de rupture octroyé à M. X.

Sur la restitution de déductions indues réclamées par M. X

Au titre de la cagnotte ou AMIE

Concernant les modifications unilatérales de rémunérations, ces griefs portent sur la déduction des postes suivants : « cagnottes » appelés plus tard « AMIE » (Action Marketing Investissements et Equipements).

Il est vrai que le contrat d'agent commercial signé entre les parties ne précise pas expressément ces déductions de la rémunération.

Cependant, le poste « cagnottes » ou « AMIE » correspond à une pratique consistant à faire participer par provision les agents commerciaux aux actions commerciales, marketing et publicitaires nationales ou locales leur bénéficiant, ce qui est conforme à l'esprit du mandat commun qui anime le contrat d'agence commerciale. Ce poste est compris dans ce qui est nommé « ristourne », tel que cela ressort de la documentation commerciale 2006 de la société Cafpi détaillant de façon précise le mode de calcul des ristournes en ce compris les « cagnottes » (devenu « AMIE »). (pièce 52 de la société Cafpi)

Au vu des listings de la société Cafpi intitulés « Dossiers en chiffres d'affaires » reprenant les dossiers emprunteurs remplis de la main de l'agent et mentionnant le montant correspondant aux « ristournes dont budget AMIE» par chacun des agents ainsi que les demandes de ristourne signés par M. X (pièces 77 et 81 de la société Cafpi), il apparaît que ce dernier connaissait le principe des ristournes et cagnottes dites AMIE, leurs modalités de calcul et de fonctionnement, qu'elle a ainsi formalisé son accord sur la pratique suivie au sein du réseau Cafpi.

Il en ressort que l'appelant sera débouté de sa demande de ce chef et que la décision de 1ere instance accueillant la demande en restitution au titre de l'AMIE sera infirmée.

Au titre de la ristourne apporteurs

Concernant les déductions relatives aux ristournes « apporteurs d'affaires » qui sont critiquées par M. X, elles étaient mentionnées sur le tableau de calcul des rémunérations signé par ce dernier tel que le prouvent les exemplaires datés entre 2010 à 2013 versés au dossier en pièces 77 et 78 de la SA Cafpi. Chaque ristourne a fait l'objet d'un formulaire « demande de ristourne » signé par M. X qui mentionnait le nom de l'apporteur d'affaires et le montant de la ristourne.

Ces éléments établissent la parfaite connaissance des éléments de calcul et l'acceptation par M. X des déductions opérées sur la base de ses commissions. Ce dernier sera donc débouté de ce chef de demande.

Par conséquent, le jugement sera confirmé sur son rejet des demandes en restitution au titre de la ristourne apporteurs.

Au titre de la rémunération des DCA (développeur de chiffre d'affaires)

M. X reproche à la société Cafpi de lui avoir imposé une déduction sur sa rémunération pour payer les DCA (assistants de l'agent commercial) dans les dossiers dits de « pool » à partir de 2011 avec une déduction de 5 % puis à un taux variable (rétrocession finançant les DCA). Il en demande la restitution à hauteur de 25 000 euros.

Pourtant, au vu des relevés de commissions concernant les affaires traitées par M. X versés au dossier (pièces 26 et 27 de M. X), M. X échoue à démontrer que des sommes ont été prélevées de manière injustifiée sur ses commissions postérieurement au 12 juin 2008 (date de la prescription) au titre du « Développeur de chiffre d'affaires » (DCA).

La décision de première instance sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. X de sa demande de paiement des prélèvements opérés au titre des DCA.

La décision de première instance sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. X de sa demande de paiement des prélèvements au titre du « Développeur de chiffre d'affaires » (DCA).

Au titre des contrats d'assurance (commissions et primes MIA)

M. X soutient qu'il a en réalité exercé une fonction de courtier tant dans le cadre de son contrat d'agent commercial que dans le cadre de son activité MIA et qu'il devait à ce titre percevoir une commission sur toute la durée de vie du contrat d'assurances. Il aurait donc droit à une commission récurrente, à une prime et aurait en outre dû disposer d'un agrément ORIAS.

Concernant son contrat d'agent commercial (pièce 9 de la société Cafpi), M. X ne justifie d'aucune stipulation contractuelle, d'aucune pratique ou d'aucun usage faisant obligation à la société Cafpi de lui verser des commissions récurrentes au titre des contrats d'assurance adossés aux prêts immobiliers effectivement souscrits par son intermédiaire.

Le contrat d'agent commercial signé par M. X est très clair sur ce point, aucun usage ne permettait de déduire l'existence d'une telle commission.

Concernant le contrat MIA signé par M. X (pièce 13 de la société Cafpi), celui-ci est très clair quant au statut du mandataire intermédiaire d'assurances qui ne peut être assimilé à celui d'agent d'assurances ou de courtier d'assurances. L'article 1 du contrat MIA a limité la mission du mandataire à celle d'un apporteur d'affaires accessoire à son activité principale d'agent commercial. Il ne peut donc être légitimement reproché à la société Cafpi de ne pas avoir suivi la réglementation imposée pour les agents d'assurances ou courtiers d'assurance, comme l'inscription au registre dit ORIAS.

De même, concernant la rémunération des MIA, l'article 3 du contrat MIA signé entre la société Cafpi et M. X prévoit qu'elle est constituée d'une rétrocession des commissions encaissées par le mandant (Cafpi) sur les primes réglées pour les polices d'assurances souscrites par l'entremise du mandataire, les modalités de rémunération dépendant de chaque partenaire assurance et figurant sur les fiches techniques mises à la disposition du mandataire, et qu'il ne peut donc pas prétendre aux commissions récurrentes relatives aux contrats d'assurance. Or, il est établi que la société Cafpi est intervenue comme partenaire de la société Vitae Assurances, laquelle était la seule interlocutrice et partenaire des compagnies d'assurances dont l'activité a été qualifiée à juste titre de « courtier grossiste » selon l'avis du professeur Bigot (consultations à la requête de Cafpi en pièces 55-A et 55-B) et qui n'a jamais perçu de commissions de récurrence de la société Vitae Assurances au vu de l'attestation de l'expert-comptable de la société Cafpi. (pièce 61 de la société Cafpi)

Il en résulte que la société Cafpi qui intervenait comme « courtier grossiste » était un partenaire de la société distincte de courtage en assurances Vitae Assurances.

Aucune commission récurrente ou prime relative aux contrats d'assurances n'est donc due à M. X par la société Cafpi, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Le préjudice moral

M. X sollicite une condamnation de la société Cafpi à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture brutale et injurieuse, néanmoins, celui-ci ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité de rupture, à l'instar de ce qu'ont décidé les 1ers juges.

Sur l'irrecevabilité du fait de prétentions nouvelles de M. X

Dans ses dernières conclusions en appel, la SA Cafpi ne demande plus de dommages et intérêts envers M. X pour violation de la clause de non concurrence mentionnée dans le contrat d'agent commercial qui lui interdisait une activité concurrente pendant 2 ans après la rupture et dans un rayon de 100 kms autour de l'agence de Troyes où était affecté l'agent.

M. X sollicite une condamnation de la SA Cafpi en dommages et intérêts au motif que la demande de la Cafpi sur le fondement de la violation de la clause de non concurrence était abusive ainsi qu'une indemnisation du préjudice qu'il aurait subi du fait du respect de ladite clause alors qu'elle était non valide.

La SA Cafpi oppose l'irrecevabilité desdites demandes en se fondant sur les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile.

Sur ce,

Il résulte de l'article 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

En l'espèce, M. X reproche à la SA Cafpi d'avoir renoncé tardivement à sa demande de condamnation au titre de la contrepartie financière à la clause de non concurrence et de l'avoir contraint à respecter la clause de non concurrence non valide ce qui lui a généré un préjudice important.

Ces demandes sont pourtant recevables au regard des dispositions de l'article 566, en ce qu'elles constituent la conséquence de la remise en cause de la validité de la clause de non-concurrence soumise aux 1ers juges.

Il n'est cependant pas démontré d'abus dans la position de la SA Cafpi qui a pu légitimement croire que la clause de non-concurrence mentionnée dans le contrat d'agent commercial était licite, la validité étant appréciée par le juge in concreto en fonction des intérêts à protéger, même si en l'espèce l'interdiction pendant deux années apparaît disproportionnée pour défendre les intérêts de la Cafpi qui se présente comme le 1er réseau en France.

Il n'est pourtant pas démontré l'existence du préjudice allégué par M. X du fait du respect de la clause de non concurrence, celui-ci ayant exercé une activité similaire dans la ville de Caen dès 2014, selon ses propres dires.

M. X sera donc dit recevable de ces chefs mais mal fondé en ces demandes envers la SA Cafpi.

Sur les frais et dépens

La société Cafpi qui succombe en appel en supportera les dépens et sera condamnée à payer à M. X la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par ce dernier en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, exceptés la condamnation de la société Cafpi à payer à M. X des sommes au titre de l'AMIE et au titre de la ristourne, ainsi que sur le quantum de l'indemnité de rupture,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Cafpi à payer à M. X la somme de 146 520 euros au titre de l'indemnité de rupture due à son agent commercial,

DÉBOUTE M. X de ses demandes en paiement à l'encontre de la société Capfi au titre des déductions « cagnotte AMIE » et au titre de la ristourne,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de M. X au titre du préjudice moral,

DIT les demandes de M. X relatives à la clause de non concurrence recevables mais mal fondées,

CONDAMNE la société Cafpi à payer à M. X la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Cafpi à payer les dépens d'appel.