CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 29 juin 2021, n° 20/13820
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Autodoc Gmbh, Partex Global Gmbh, Partio Gmbh & Co. Kg, Wemax Group Gmbh & Co. Kg
Défendeur :
Mister Auto (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Conseillers :
Mme Lignières, Mme Chopin
Avocat :
Selarl Lexavoue Paris-Versailles
I - FAITS ET PROCÉDURE
1-Les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG (ci-après, 'les appelants') sont des sociétés allemandes qui éditent des sites internet de e-commerce proposant la vente de pièces détachées automobiles à destination de tous les pays européens, dont la France. Elles éditent 14 sites internet à destination des consommateurs français, et ce pour le compte de la société AUTODOC GMBH.
2-La société MISTER AUTO est une entreprise française de commerce électronique, filiale du Groupe P. depuis 2015, ayant pour activité la vente au détail de pièces détachées automobiles et édite un site internet sous l'URL https://www.mister-auto.com.
3-Ayant constaté qu'entre le 5 avril et le 18 mai 2020, treize sites internet édités par les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG, proposaient des promotions de manière continue dans le temps sur tous les produits qu'ils vendent et que sept d'entre eux présentaient un compte à rebours en page d'accueil correspondant à l'écoulement du temps restant pour bénéficier des promotions annoncées, et estimant que ces pratiques étaient déloyales, trompeuses et faussaient la concurrence, la société MISTER AUTO a mis en demeure chacune des quatre sociétés par courrier du 6 mai 2020, de cesser ces pratiques.
4-En l'absence de réponse, la société MISTER AUTO les a assignées en référé d'heure à heure devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, qui, par ordonnance du 10 juillet 2020, a partiellement fait droit aux demandes de la société MISTER AUTO dans les termes suivants : "Disons que les promotions permanentes pratiquées par les sociétés AUTODQC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG sur leur sites internet respectifs https://www.24apiecesauto.fr/, https://www.auto-doc.fr/, https:///www.rexbo.fr/, https://www.piecesautodiscount.fr, https://www.piecesauto.fr/, https://www.motordoctor.fr, https://www.euautopieces,fr, https://www. pieces-a uto24.fr, https://www. piecesdiscount24.fr, https://www. autotex.fr, https://www, piecesauto-pro.fr, https:/lwww.piecesautostore.fr, https://www.piecesauto24.com, sont constitutives de pratiques commerciales trompeuses au visa à la fois des articles L.121-2 2° c) et L.121-4 7°du Code de la consommation,
Par conséquent,
Ordonnons aux sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH &CO.KG de cesser toute annonce de réduction de prix immédiatement successive à une autre, sans qu'un prix de référence soit pratiqué sur une période au moins égale à la période de promotion précédente,
Disons que le non-respect de ces interdictions sera sanctionné par une astreinte de 250 000 € par offre promotionnelle illicite, laquelle commencera à courir 15 jours après la signification de la présente ordonnance et ce pendant 45 jours,
Déboutons la SAS MISTER AUTO de sa demande au titre des comptes à rebours,
Déboutons les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG de leur demande au titre d'une procédure abusive,
Déboutons les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions,
Condamnons les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG à payer chacune !a somme de 1 000 € en application de l'article 700 du CPC.'
5-Les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG ont interjeté appel par acte du 1er octobre 2020.
II - PRÉTENTIONS DES PARTIES
6-Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 2 avril 2021 par voie électronique, les appelantes demandent à la Cour de bien vouloir :
- INFIRMER l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Paris le 10 juillet 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société Mister Auto de ses demandes relatives aux comptes à rebours et de ses demandes de publication,
- CONFIRMER l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Mister Auto de ses demandes relatives aux comptes à rebours et de ses demandes de publication.
Statuant à nouveau,
Vu la Directive n°2005/29/CE,
Vu l'article 873 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation,
-DIRE ET JUGER qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé,
-DIRE n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Mister Auto,
-DEBOUTER la société Mister Auto de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre des sociétés Autodoc GmbH, Partex Global GmBh, Partio GmbH & Co.KG et Wemax Group GmbH & Co.KG ;
-CONDAMNER Mister Auto à payer à chacune des sociétés appelantes la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-CONDAMNER Mister Auto en tous les dépens.
7-Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 4 mars 2021 par voie électronique, la société MISTER AUTO demande à la Cour au visa notamment de l'article 873 du Code de procédure civile et des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, de bien vouloir :
- CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :
Dit que les promotions permanentes pratiquées par les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG sur leur 13 sites internet respectifs suivants :
https://www.24piecesauto.fr
https://www.auto-doc.fr
https://www.rexbo.fr
https://www.piecesautodiscount.fr
https://www.piecesauto.fr
https://www.motordoctor.fr
https://www.euautopieces.fr
https://www.pieces-auto24.fr
https://www.piecesdiscount24.fr
https://www.autotex.fr
https://www.piecesauto-pro.fr,
https://www.piecesautostore.fr
https://www.piecesauto24.com,
sont constitutives de pratiques commerciales trompeuses au visa de l'article L.121-2 2° c) du Code de la consommation,
Par conséquent,
Ordonné aux sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG de cesser toute annonce de réduction de prix immédiatement successive à une autre, sans qu'un prix de référence soit pratiqué sur une période au moins égale à la période de promotion précédente, dit que le non-respect de ces interdictions sera sanctionné par une astreinte de 250 000 € par offre promotionnelle illicite, laquelle commencera à courir après la signification de la présente décision,
-INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :
Débouté la SAS MISTER AUTO de sa demande au titre des comptes à rebours ;
Débouté la SAS MISTER AUTO de ses autres demandes, fins et conclusions.
ET STATUANT A NOUVEAU
-JUGER que la pratique des comptes à rebours par les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG sur leurs 7 sites internet respectifs suivants :
https://www.24piecesauto.fr
https://www.auto-doc.fr
https://www.piecesautodiscount.fr
https://www.piecesauto.fr
https://www.piecesdiscount24.fr
https://www.piecesautostore.fr
https://www.piecesauto24.com,
sont constitutives de pratiques commerciales trompeuses au visa de l'article L.121-4 7° du Code de la consommation,
- FAIRE INTERDICTION aux sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG d'afficher un compte à rebours accompagnant une annonce de réduction de prix immédiatement successive à une autre,
- JUGER que le non-respect de cette interdiction sera sanctionné par une astreinte de 250 000 € par offre promotionnelle illicite, laquelle commencera à courir après la signification de la présente décision ;
- CONDAMNER les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG à publier respectivement le dispositif de la présente ordonnance dans les 10 jours à compter de la décision à intervenir, en première pages d'accueil immédiatement accessibles sur chacun des 13 sites Internet, accessibles aux adresses suivantes :
https://www.24piecesauto.fr
https://www.auto-doc.fr
https://www.rexbo.fr
https://www.piecesautodiscount.fr
https://www.piecesauto.fr
https://www.motordoctor.fr
https://www.euautopieces.fr
https://www.pieces-auto24.fr
https://www.piecesdiscount24.fr
https://www.autotex.fr
https://www.piecesauto-pro.fr
https://www.piecesautostore.fr
https://www.piecesauto24.com
En police de caractère Arial de taille 12, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard ;
- CONDAMNER les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG à publier respectivement le dispositif de la présente ordonnance dans les 30 jours à compter de la décision à intervenir, dans 4 revues spécialisées au choix de la société demanderesse, et aux frais des sociétés défenderesses, dans la limite de 15 000 € par publication, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard ;
- CONDAMNER les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG à payer la somme de 1 524,80 € TTC au titre des 4 constats d'huissiers réalisés par MISTER AUTO,
Y ajoutant,
- CONDAMNER les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG à payer la somme de 15 000 € à MISTER AUTO en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER les sociétés AUTODOC GMBH, PARTEX GLOBAL GMBH, PARTIO GMBH & CO. KG et WEMAX GROUP GMBH & CO.KG aux entiers dépens de l'instance.
III - MOTIFS DE LA DECISION
8-La société AUTODOC et ses colitigants font valoir que les conditions du référé posées par l'article 873 du code de procédure civile ne sont pas réunies, au motif que n'est pas établi le caractère manifeste du trouble illicite invoqué par la société Mister Auto. Elles soutiennent que les captures d'écran et les constats réalisés par Mister Auto sont insuffisants pour justifier l'existence des pratiques critiquées, à savoir l'existence de promotion permanente, et notamment pour établir que les pratiques critiquées auraient été maintenues pour les périodes comprises entre les dates des constats.
9-Elles font également valoir que le président du tribunal, qui a procédé à la consultation d'écran au cours de l'audience, n'a pas dressé de procès-verbal des constatations effectuées sur le siège, conformément à l'article 182 du code de procédure civile, privant ainsi les parties de la faculté de débattre sur l'objet, l'étendue et la nature des constatations effectuées. Elles en concluent que cela constitue une violation des droits de la défense qui interdit à la cour de prendre en compte les constations rapportées par le président du tribunal dans l'ordonnance dont appel.
10-Elles considèrent que le juge des référés, juge de l'évidence, était dépourvu de pouvoir en l'espèce au motif que les demandes de Mister Auto étaient fondées sur l'article L. 121-1 du Code de la consommation et l'existence de pratiques commerciales trompeuses qui supposent de la part du juge un examen de fond incompatible avec les pouvoirs du juge des référés.
11-Elles concluent à l'absence de trouble manifestement illicite au motif que la pratique critiquée n'est pas trompeuse et que l'interdiction de ce type d'offre promotionnelle n'est pas prévue par la Directive 2005/29/CE.
12-Elles ajoutent qu'il n'y a aucune infraction relative à un prix de référence, notion qui ne fait plus l'objet d'une définition réglementaire. Elles estiment que le juge des référés a ajouté une condition de licéité aux offres promotionnelles, qui ne figure pas dans la Directive, consistant à limiter la durée des offres promotionnelles à une période qui ne peut être supérieure à la période durant laquelle aucune promotion n'est appliquée. Elles précisent que la Directive n°2019/2161, qui introduit ladite condition, n'a pas été transposée en France à ce jour et que le délai de transposition n'a pas encore expiré.
13-Elles ajoutent que le caractère trompeur de la pratique commerciale critiquée au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation n'est pas établi, le consommateur n'étant pas induit en erreur sur la réalité de la réduction ou sur son caractère temporaire et aucune altération substantielle du comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ni aucune atteinte aux exigences de la diligence professionnelle ne sont pas démontrées.
14-Elles soutiennent également que les conditions de diligence professionnelle et d'altération substantielle du comportement économique des consommateurs posées par l'article L.121-1 du code de la consommation sont cumulatives et ne sont pas établies et soulignent en particulier que le Directeur général de Mister Auto a lui-même expliqué que les consommateurs comparent les prix sur les différents sites internet et sont dès lors tout à fait à même de réaliser l'avantage qui leur est consenti.
15-Les sociétés appelantes font valoir s'agissant de la pratique des comptes à rebours que celle-ci ne constitue pas une pratique commerciale déloyale en ce qu'elle ne remplit aucune des deux conditions requises puisque les offres à l'issue du compte à rebours ne sont pas présentées aux mêmes conditions et que s'agissant d'une vente sur internet, le délai supérieur à 12h et la possibilité de comparer très rapidement les prix permettent au consommateur de disposer d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause. Elles ajoutent que la présentation sobre et discrète du compte à rebours sur la page d'accueil ne permet pas de caractériser une incitation disproportionnée et déloyale envers le consommateur et que les comptes à rebours ont été retirés des sites internet concernés.
16-Elles exposent enfin que la société Mister Auto ne démontre pas avoir subi de préjudice résultant des pratiques commerciales qu'elle critique, ce qui suffit à écarter son action. Elles estiment également que la demande de publication de Mister Auto n'est pas fondée, cette dernière ne justifiant d'aucun préjudice personnel, ni de l'ensemble des acteurs du marché des pièces détachées automobiles.
17-En réponse, la société Mister Auto fait valoir que les copies d'écran et constats d'huissier qu'elle verse aux débats permettent d'établir que du 5 avril au 2 juillet 2020, les produits proposés par les sites internet des sociétés appelantes étaient toujours vendus en promotion, soit 3 mois de promotions sans discontinuer. Elle ajoute que ses copies d'écran sont recevables, nonobstant l'absence d'intervention d'un huissier, dès lors qu'elles font apparaitre la date, l'heure, l'url et le caractère sécurisé des sites internet et qu'au cours de l'audience, le juge a constaté lui-même la présence de promotion sur l'intégralité des produits vendus, ainsi que cela ressort de la décision.
18-La société Mister Auto soutient que le caractère manifeste de pratiques commerciales trompeuses étant établi par la production de nombreuses pièces, le juge des référés était bien compétent pour se prononcer et rappelle que son action est fondée sur l'article L.121-2 2° c) du code de la consommation qui prohibe les pratiques commerciales déloyales, à condition d'établir que les indications sur le caractère promotionnels sont fausses, et susceptibles d'altérer le comportement du consommateur, la condition de ce qu'elles seraient contraires aux exigences de la diligences professionnelle n'étant plus exigée par la Cour de justice de l'Union européenne. Elle précise que le débat introduit par les appelantes sur les différents arrêtés français en matière d'annonce de réduction de prix est inutile.
19-Elle expose que ces promotions sont trompeuses en ce qu'il n'existe aucun prix de référence qui serait habituellement pratiqué et sur lequel le taux de réduction pourrait valablement être calculé et qu'elles altèrent le comportement du consommateur en ce que les sociétés appelantes obtiennent une décision d'achat plus rapide et la création d'une fausse impression de « bonne affaire » alors qu'il n'a bénéficié en réalité que du prix habituellement pratiqué. Elle ajoute que les comptes à rebours successifs qui indiquent faussement la fin de la promotion en cours créent un faux sentiment d'urgence à l'achat et ce, dès l'accès du consommateur à la page d'accueil du site.
20-La société Mister Auto considère enfin que ces pratiques promotionnelles permanentes et l'affichage d'un compte à rebours à l'issue duquel la promotion est renouvelée par une autre constituent des pratiques commerciales déloyales réputées trompeuses et que si une réduction de prix peut être annoncée, c'est à la condition qu'elle n'induise pas en erreur le consommateur sur le caractère promotionnel du prix du produit.
SUR CE,
21-En application des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
22-Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
23-Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines.
24-En application de l'article L. 121-1 du code de la consommation « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites./ Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. (...)
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7».
25-Selon l'article L. 121-2 du même code « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :(...)
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...)
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ».
26-En application de l'article L. 121-4 7° de ce même code, « Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet : (...)
7° De déclarer faussement qu'un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause ; (...) »
27-Il ressort de ces textes qu'une pratique commerciale trompeuse est interdite par la loi et qu'elle est donc constitutive d'un trouble manifestement illicite, et si elle persiste, d'un dommage imminent, ce qui autorise le juge des référés à prendre, comme il en a les pouvoirs, des mesures appropriées pour la faire cesser au sens de l'article 873 précité du code de procédure civile.
Sur la preuve des pratiques commerciales alléguées comme déloyales ;
28-En l'espèce, la société Mister Auto produit au soutien de sa demande :
-Des copies d'écran journalières entre le 5 avril et 18 mai 2020 de la première page des sites internet suivants proposant des réductions avec mention d'un compte à rebours en première page sans viser des produits déterminés :
www.24piecesauto.fr
www.auto-doc.fr/
www.piecesdiscount24.fr
www.piecesautostore.fr
www.piecesautodiscount.fr
www.piecesauto.fr
www.piecesauto24.com
-Quatre procès-verbaux de constat d'huissier de justice réalisés sur ces mêmes sites les 8 avril, 15 avril, 22 avril et 29 avril 2020 confirmant l'existence de ces promotions et la présence d'un compte à rebours sur ces 7 sites précités ;
-Des copies d'écran portant sur les produits de la gamme « filtre à air » entre le 8 avril 2020 et le 18 mai 2020 :
-pour le site www.rexbo.fr
-pour le site www.motordoctor.fr
-pour le site www.euautopieces.fr
-pour le site www.pieces-auto24.fr
-pour le site www.autotex.fr
-pour le site www.piecesauto-pro.fr
-Des copies d'écran portant sur les produits de la gamme « compresseurs, climatisation » entre le 8 avril 2020 et le 18 mai 2020 :
-pour le site www.rexbo.fr
-pour le site www.motordoctor.fr
-pour le site www.euautopieces.fr
-pour le site www.pieces-auto24.fr
-pour le site www.autotex.fr
-pour le site www.piecesauto-pro.fr
- Les quatre procès-verbaux de constat d'huissier de justice précités réalisés sur ces mêmes sites les 8 avril, 15 avril, 22 avril et 29 avril 2020 confirmant l'existence d'une promotion pour la catégorie de produits « filtre à air » sur les six sites internet précités.
29-En revanche, entre le 23 mai et le 2 juillet 2020, la société Mister Auto produit uniquement des copies d'écran de la page d'accueil des sites suivants :
-pour le site www.24piecesauto.fr
-pour le site www.auto-doc.fr
-pour le site www.piecesdiscount24.fr
-pour le site www.piecesautostore.fr
-pour le site www.piecesautodiscount.fr
-pour le site www.piecesauto.fr
-pour le site www.piecesauto24.com
30-Ainsi que :
-Des copies d'écran sur des produits de la catégorie « compresseur/climatisation » des 6 sites internet suivants :
www.rexbo.fr/
www.motordoctor.fr
www.euautopieces.fr
www.pieces-auto24.fr
www.autotex.fr
www.piecesauto-pro.fr
-Des copies d'écran, portant sur des produits de la catégorie « filtre à air » des 6 sites internet suivants :
www.rexbo.fr/
www.motordoctor.fr
www.euautopieces.fr
www.pieces-auto24.fr
www.autotex.fr
www.piecesauto-pro.fr
31-Il convient ainsi de relever qu'entre le 8 avril et le 29 avril 2020, les captures d'écran sont accompagnées de quatre procès-verbaux d'huissier qui viennent à une semaine d'intervalle, et précisément les 8 avril, 15 avril, 22 avril et 29 avril 2020 confirmer et corroborer les pratiques constatées sur les mêmes sites internet de telle sorte que la cour considère que les pratiques dénoncées par la société Mister Auto sont sur cette période suffisamment prouvées.
32-En revanche, seules des captures d'écran sont produites après le 29 avril 2020, sans être corroborées par aucun procès-verbal de constat dressé par un huissier, au moins à intervalle régulier comme cela a été réalisé entre le 8 et le 29 avril.
33-De simples captures ou impressions d'écran ne peuvent à compter du 29 avril 2020, à elles-seules, constituer un mode de preuve suffisamment probants pour attester des pratiques alléguées, dès lors qu'elles comportent pas de garanties suffisantes quant à la fiabilité de leurs contenus et de leurs dates, faute notamment de permettre de garantir l'identification de l'adresse IP de l'ordinateur ayant servi aux opérations de constat, l'assurance d'une connexion directe entre l'ordinateur et le site visité, la suppression de l'ensemble des fichiers temporaires stockés sur l'ordinateur, des cookies et de l'historique de navigation.
34-Ainsi, en l'absence d'autres éléments, de telles captures d'écran ne permettent pas de garantir l'absence de modification réalisée entre la consultation du site et l'impression de pages qui en sont issues.
35-En outre, si le président du tribunal de commerce pouvait lors de l'audience qui s'est tenue devant lui le 30 juin 2020 procéder lui-même et immédiatement à une vérification personnelle par une consultation des sites internet litigieux, les parties étant présentes ou représentées lors de cette audience, ces constatations n'ont pas été consignées dans un procès verbal et il ne résulte pas des mentions de l'ordonnance qu'elles ont donné lieu à un échange contradictoire de telle sorte que les motifs qui s'appuient sur les constatations personnelles du juge ne peuvent être retenues au titre de la preuve des pratiques alléguées à cette date.
36-En conséquence, il convient de considérer que la société Mister Auto n'apporte la preuve des pratiques qu'elle dénonce que sur la période comprise entre le 8 et le 29 avril 2020.
Sur la licéité des pratiques commerciales établies entre le 8 et le 29 avril 2020 ;
37-Il ressort des pièces produites couvrant la période comprise entre le 8 et le 29 avril 2020 que les sociétés Autodoc GmbH, Partex Global GmBh, Partio GmbH & Co.KG et Wemax Group GmbH & Co.KG ont proposé sur treize sites internet qu'elles éditent des promotions continues sur une pluralité de produits relevant de la catégorie des « compresseurs/climatisation » et « filtres à air » :
-Pour la société Autodoc GmbH sur les sites www.24piecesauto.fr et www.auto-doc.fr ; www.rexbo.fr
-Pour la société Wemax Group GmbH & Co.KG sur les sites www.piecesautodiscount.fr ; www.piecesauto.fr ; www.motordoctor.fr et www.euautopieces.fr
-Pour la société Partio GmbH & Co. KG sur les sites www.pieces-auto24.fr ; www.piecesdiscount24.fr ; www.autotex.fr ; www.piecesauto-pro.fr ; www.piecesautostore.fr ;
-Pour la société Partex Global GmbH sur le site www.piecesauto24.com
38-Il ressort de ces pièces qu'en outre ces mêmes sociétés ont sur sept site suivants (www.24piecesauto.fr ; www.auto-doc.fr ; www.piecesdiscount24.fr ; www.piecesautostore.fr ; www.piecesautodiscount.fr ; www.piecesauto.fr/ www.piecesauto24.com ) proposé l'affichage sur la page d'accueil d'un compte à rebours associé à ces promotions indiquant le temps restant avant que le pourcentage de réduction ne disparaisse.
39-Si comme le soulignent les sociétés éditrices de ces sites, les pratiques de réduction de prix sont licites, il convient de rappeler qu'elles ne le sont cependant que sous réserve de ne pas constituer une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L.121-1 du Code de la consommation.
40-En l'espèce, il ressort de ces différents éléments qu'en accédant sur les sites litigieux, un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé peut constater l'existence de promotions quotidiennes sur une gamme importante de produits, sans que soit clairement distinguées les périodes de validité de ces offres promotionnelles et sans qu'il puisse être en mesure d'apprécier la réalité de la promotion proposée étant observé que les sociétés éditrices n'ont dans le cadre du litige les opposant à la société Mister Auto à aucun moment justifié des prix de référence sur la base desquels les réductions proposées ont été effectivement pratiquées.
41-En outre, ce même consommateur peut constater sur certains des sites la présence d'un compte à rebours l'incitant à prendre rapidement une décision pour acheter le produit, dispositif dont le caractère récurrent et permanent est manifeste sur ces sites, ce qui a conduit au demeurant ces sociétés à ajouter à la suite de la mise en demeure qui leur a été adressée par la société Mister Auto la mention suivante « Une fois la réduction terminée, son montant peut augmenter, diminuer ou elle peut prendre fin entièrement. La réduction ne s'applique qu'aux produits sélectionnés ».
42-De telles pratiques, qui contiennent des informations susceptibles d'induire en erreur ce consommateur d'une part, sur l'existence d'un avantage spécifique quant au prix afin qu'il puisse être en mesure d'apprécier la réalité de la promotion proposée et d'autre part sur la période de validé des offres, sont susceptibles d'altérer de manière substantielle son comportement économique en l'incitant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement et de ce fait peuvent être qualifiées de pratiques commerciales trompeuses sans qu'il y ait lieu de vérifier si ces pratiques sont également contraires aux exigences de la diligence professionnelle.
43-Ces pratiques étaient donc constitutives au jour où le président du tribunal de commerce de Paris a statué d'un trouble manifestement illicite de sorte que pour ces motifs, cette décision doit être confirmée s'agissant de la cessation des pratiques de promotion.
44-En outre, en ordonnant aux sociétés éditrices de cesser « toute annonce de réduction de prix immédiatement successive à une autre, sans qu'un prix de référence soit pratiqué sur une période au moins égale à la période de promotion précédente » le président du tribunal de commerce a pris non seulement les mesures que la cour considère comme étant propres à faire cesser le trouble manifestement illicite tout en les encadrant de sorte qu'elles ne sont nullement disproportionnées.
45-La cour considère en revanche que ces constatations et les motifs ci-dessus devaient aussi conduire le président du tribunal de commerce à relever le caractère trompeur de la pratique du compte à rebours associé à ces promotions de sorte que l'ordonnance sera infirmée sur ce chef sans qu'il soit utile d'en prononcer l'interdiction pour l'avenir sous astreinte, les parties ne contestant pas qu'à ce jour ces pratiques ont cessé.
46-La demande de publication sera rejetée, les pratiques ayant cessé.
Sur les frais et dépens ;
47-Il y a lieu de condamner les sociétés Autodoc GmbH, Partex Global GmBh, Partio GmbH & Co.KG et Wemax Group GmbH & Co.KG, parties perdantes, aux dépens.
48-En outre, elles doivent être condamnées à verser à la société Mister Auto, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 8 000 euros (en ce compris les frais de constat d'huissier).
IV- DISPOSITIF
La cour, par ces motifs,
1-Confirme l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en date du 10 juillet 2020 sauf en ce qu'elle a débouté la société Mister Auto de sa demande au titre des comptes à rebours ;
Statuant à nouveau, et compte tenu de l'évolution du litige et de la cessation du trouble manifestement illicite,
2- Dit que la pratique des comptes à rebours sur les sept sites visés au paragraphe 38 de la présente décision est constitutive de pratiques commerciales trompeuses.
3-Dit n'y avoir lieu à prononcer une mesure d'interdiction d'annonces affichant un compte à rebours,
4-Déboute la société Mister Auto de sa demande de publication de la présente décision ;
5-Condamne les sociétés Autodoc GmbH, Partex Global GmBh, Partio GmbH & Co.KG et Wemax Group GmbH & Co.KG à payer à la société Mister Auto la somme globale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
6-Condamne les sociétés Autodoc GmbH, Partex Global GmBh, Partio GmbH & Co.KG et Wemax Group GmbH & Co.KG aux dépens.