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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 1 juillet 2021, n° 20/07100

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Bisch, M. Devignot

TI Pantin, du 2 déc. 2019

2 décembre 2019

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte de cession en date du 13 avril 2018, Mme Hélène D. a acquis un véhicule de type Mini immatriculé EG-957-JN à M. Ahmed B. pour le prix de 10 000 euros, payé en espèces.

En raison d'anomalies apparues peu après la vente puis de dysfonctionnements affectant le moteur, Mme D. a saisi le juge des référés d'une demande de condamnation de M. B. à payer les frais de réparation du véhicule et d'une demande subsidiaire d'expertise judiciaire.

Par ordonnance de référé du 12 mars 2019, ces demandes ont été rejetées.

Saisi par Mme D. d'une demande tendant principalement à la condamnation du vendeur au paiement des frais de réparation, le tribunal d'instance de Pantin, par jugement réputé contradictoire rendu le 2 décembre 2019 auquel il convient de se reporter, a notamment :

- constaté la responsabilité de M. B. dans les dommages subis par le véhicule de Mme D. ;

- condamné M. B. à payer à Mme D. la somme de 2 818,42 euros au titre des frais de réparation ;

- condamné M. B. à payer à Mme D. en deniers ou quittances la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance et préjudice moral.

Le tribunal a principalement retenu, sur le fondement d'un rapport d'expertise amiable, que le bruit important de claquement de la chaîne de distribution au démarrage du véhicule constituait un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.

Par déclaration du 9 juin 2020, M. B. a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 31 juillet 2020, l'appelant demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- de juger que la preuve d'un vice caché correspondant aux critères légaux n'est pas rapportée par Mme D.

- de juger que les éléments du dossier sont suffisants pour exonérer M. B. de sa responsabilité civile au titre de la garantie des vices cachés ;

- de juger que Mme D. n'a pas subi un trouble de jouissance, ni un préjudice moral ;

- de juger que M. B. n'a pas fait preuve de résistance abusive ;

- de débouter Mme D. de sa demande de mise en œuvre de la garantie des vices cachés dans le cadre de la vente du véhicule intervenue le 13 avril 2018 entre les parties ;

- de débouter Mme D. de ses demandes indemnitaires relatives aux frais de réparation du véhicule acquis auprès de M. B. ;

- de débouter Mme D. de sa demande de condamnation au titre des dommages et intérêts pour privation de jouissance et préjudice moral dans le cadre de la vente du véhicule intervenue le 13 avril 2018 entre les parties.

L'appelant rappelle que selon l'article 1643 du code civil, la qualification de vice caché est subordonnée à la preuve de quatre éléments : un défaut inhérent à la chose, compromettant l'usage de la chose, qui soit antérieur à la vente et qui ait été indécelable. Il fait valoir que l'avis de l'expert versé au dossier ne permet pas d'établir que ces conditions sont réunies en l'espèce, d'autant que l'acheteuse a beaucoup roulé avec la voiture avant la réalisation de ladite expertise. Il ajoute que le compagnon de l'acheteuse étant vendeur de véhicule et que l'ayant accompagnée lors la vente, il avait nécessairement conscience de l'existence d'un risque de claquement en achetant un véhicule d'occasion.

Il invoque ensuite une violation du principe de contradiction énoncé à l'article 16 du code de procédure civile, en considérant que le rapport d'expertise amiable produit à la demande de l'acheteuse n'a pas été soumis à la libre discussion des parties.

Il ajoute qu'au demeurant, M. L., qui est le conjoint de Mme D. et qui travaille dans le domaine de la vente automobile, ne pouvait ignorer les difficultés que rencontrent les véhicules de marque Mini, chez BMW.

Dans ses conclusions remises le 15 octobre 2020, l'intimée demande à la cour :

- de déclarer M. B. mal fondé en son appel :

- de dire que le véhicule Mini était atteint d'un vice caché le jour de la vente ;

- de dire que M. B. est responsable des dommages qu'elle a subis en suite de l'achat du véhicule immatriculé EG-957-JW ;

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Pantin en date du 21 octobre 2019 ;

- de réformer le jugement en ce qui concerne les montants qui lui ont été alloués ;

- statuant à nouveau, de condamner M. B. à lui payer les sommes de :

- 4 332,47 euros en réparation du préjudice matériel ;

- 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément subi ;

- 1 000 euros au titre du préjudice moral.

Elle fait valoir que le rapport de l'expertise amiable qu'elle a fait diligenter et à laquelle le vendeur, informé et invité à s'y rendre, ne s'est pas présenté est opposable à ce dernier. Elle souligne que le dysfonctionnement de la chaîne de distribution a été constaté par l'expert amiable ainsi que par le garage qui a ensuite réparé le véhicule et qu'il résulte de leur expertise et examen, qu'il s'agit d'un vice caché préexistant à la vente.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un vice caché au jour de la vente

L'article 1641 du code civil dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

Il y a vice caché lorsque le défaut est inhérent à la chose vendue, lorsque ce défaut est tel qu'il compromet l'usage de la chose, lorsque ce défaut est antérieur à la vente de la chose, et lorsque le vice caché est indécelable.

En l'espèce, il est rappelé que le véhicule litigieux a été acquis le 13 avril 2018 en région parisienne par Mme D., qui est ensuite rentrée avec ce véhicule en nouvelle Aquitaine où elle réside, parcourant 609 km.

Ce véhicule a été soumis à un premier contrôle technique le 23 avril 2018 et le procès-verbal de ce contrôle, produit aux débats, révèle des corrections à effectuer, avec une obligation de contre-visite, concernant le rétroviseur, des pneumatiques, un feu antibrouillard, un pare-boue et la protection sous moteur.

La contre-visite du véhicule a été effectuée le 14 mai suivant, selon le procès-verbal produit aux débats.

En raison d'un bruit important lors de la mise en route du moteur, se manifestant surtout au démarrage, Mme D. a fait examiner son véhicule par le garage « Bayern Automobiles », qui a établi un devis en date du 29 juin 2018, pour de multiples réparations incluant le poste le plus onéreux qui est le remplacement des deux chaînes de distribution (1 113,75 euros) pour un prix total de 2 818,42 euros, ainsi qu'il en est justifié.

Le 12 juillet 2018, le cabinet d'expertise « Arcahonnaise Expertise Auto Paolin », missionné indirectement par la protection juridique « Pacifica » de Mme D., a examiné le véhicule pour déterminer la nature des dommages affectant son fonctionnement et pour en rechercher les causes.

Il résulte du rapport d'expertise en date du 16 juillet 2018 produit aux débats, à en-tête du cabinet « Ader », qui a missionné le cabinet d'expertise « Arcahonnaise Expertise Auto Paolin », que la chaîne de distribution et/ou du tendeur de la chaîne est usée, le coût de la réparation étant estimé à 2 818,42 euros, qu'aucun défaut d'utilisation ne peut être à l'origine de ce dysfonctionnement, que compte tenu du bref délai et du peu de kilomètres effectués entre la vente et l'apparition des dysfonctionnements, ceux-ci étaient a minima en germe au moment de l'achat, que la responsabilité du vendeur est engagée à ce titre, que « ces dysfonctionnements n'étant décelables qu'à froid dans un premier temps, ils n'ont pu être décelés lors de la vente », et que ces dysfonctionnements nuisent gravement à l'usage du véhicule puisqu'ils peuvent occasionner une casse-moteur.

Il résulte donc clairement de cette expertise que l'usure de la chaîne de distribution était « à minima en germe au moment de l'achat », et que celle-ci n'était pas décelable lors de la vente.

L'appelant conteste la force probante de ce rapport d'expertise, mais sa convocation à la réunion d'expertise, par courrier du 20 juin 2018, qu'il mentionne lui-même, est produite aux débats, et l'expert note dans son procès-verbal d'examen contradictoire que M. B., dûment convoqué en lettre recommandée avec accusé de réception, ne s'est pas présenté ni excusé.

Il n'a pas davantage sollicité un report de la réunion.

M. B. a eu connaissance du rapport d'expertise à l'occasion de la procédure devant le juge des référés et a pu le discuter.

Enfin, les conclusions de l'expert amiable sont corroborées par la teneur des réparations que Mme D. a effectivement fait réaliser et ne sont contrariées par aucun élément de fait.

Ce rapport est donc opposable à M. B. et démontre suffisamment la réalité du vice caché dont était affecté le véhicule au moment de la vente.

Il s'induit de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que M. B. était débiteur de la garantie des vices cachés.

Sur les demandes d'indemnisation de Mme D.

L'article 1644 du code civil prévoit que dans le cas notamment de l'article 1641, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Il résulte de cet article que l'action estimatoire permet de replacer l'acheteur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé, si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices.

Mme D. sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel en faisant valoir qu'elle a fait réparer le véhicule le 8 février 2019 et en produisant aux débats les factures de l'achat d'une chaîne de distribution pour 162,89 euros, de l'achat d'un embrayage pour 154,94 euros, pour la réparation effectuée par le garage « MSF » d'un montant de 1 480 euros, pour le changement du volant moteur d'un montant de 389,64 euros, pour un changement de jante fissurée d'un montant de 145 euros, et elle produit la facture de l'achat d'un véhicule en décembre 2018, pour la somme de 2 000 euros, afin de disposer d'un véhicule pour se déplacer.

Elle demande la somme totale de 4 332,47 euros pour ce poste de préjudice.

Il est observé cependant que l'intimée ne peut prétendre à la fois à l'indemnisation de la réparation de son véhicule et à celle de l'achat d'un autre véhicule pour le remplacer.

Au demeurant, l'expert évalue le coût de la remise en état du véhicule litigieux par le devis d'un montant de 2 818,42 euros, établi par le garage « Bayern Automobiles ».

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. B. à payer à Mme D., la somme de 2 818,42 euros au titre du dommage matériel.

Mme D. sollicite également l'indemnisation du préjudice d'agrément subi en faisant valoir que pendant neuf mois, elle n'a pas pu utiliser le véhicule alors qu'elle en avait besoin puisqu'elle parcourt environ 10 000 kilomètres par an, et que durant cette période, elle a dû se faire prêter un véhicule.

Elle produit aux débats une attestation de son conjoint, M. L., en date du 13 octobre 2020, qui déclare lui avoir prêté son véhicule de juin à décembre 2018.

La réalité du préjudice qui consiste en la privation de l'intimée de l'usage du véhicule litigieux, est suffisamment établie par l'ampleur des réparations réalisées sur ce véhicule qui impliquaient son immobilisation et par l'attestation susvisée, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a alloué à Mme D. la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance.

Mme D. sollicite enfin l'indemnisation de son préjudice moral en fustigeant le comportement fuyant et méprisant de M. B. qui, pour ne pas être importuné par ce litige, a bloqué son accès sur son téléphone portable tandis que M. B. prétend avoir proposé un arrangement qui a été refusé, ce qui n'est nullement prouvé.

Au regard de son comportement relevé par l'expert qui a constaté une totale absence de réaction à la convocation de la réunion d'expertise, le préjudice moral ainsi décrit par l'intimée, est établi.

Il convient de confirmer la décision du premier juge qui a fixé l'indemnisation du préjudice moral à la somme de 500 euros.

Par conséquent, M. Ahmed B. est condamné à payer à Mme Hélène D. la somme totale de 3 818, 42 euros en indemnisation des préjudices matériel et moral.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

- Rejette les autres demandes ;

Y ajoutant,

- Condamne M. Ahmed B. aux dépens d'appel ;

- Condamne M. Ahmed B. à payer à Mme Hélène D. la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.