CA Bordeaux, 2e ch. civ., 15 décembre 2010, n° 10/04846
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ministère public
Défendeur :
Bereich 1 (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bougon
Conseillers :
M. Legras, M. Bancal
Avocats :
SCP Silverstri Baujet, SCP Labory-Moussie et Andouard, Me Trassard
Le 18 juin 2010 le conseil de l'EURL BEREICH 1, ayant son siège à BORDEAUX et pour activité la location de meublés, déposait au greffe du tribunal de grande instance de BORDEAUX une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le 1er juillet 2010 le Ministère public prenait des réquisitions d'incompétence de la juridiction saisie au visa de l'article L. 210-1 du code de commerce compte tenu de la forme commerciale de la personne morale.
Par jugement du 13 juillet 2010 le tribunal de grande instance de BORDEAUX a retenu sa compétence et a ouvert à l'égard de l'EURL BEREICH une procédure de sauvegarde, désignant Me BAUJET en qualité de mandataire judiciaire.
Le Ministère public a formé contredit à ce jugement le 26 juillet 2010. Il fait valoir:
- que l'activité de l'EURL BEREICH 1 a un caractère commercial au regard de sa forme sociale et ce quel que soit son objet;
- que le fait que son activité principale soit la location de logements est indifférent, au demeurant son objet social tel que défini dans ses statuts est beaucoup plus large;
- que la compétence est, en application de l'article L. 621-2 du code de commerce, celle du tribunal de commerce;
et requiert en conséquence de renvoyer l'affaire pour compétence au tribunal de commerce de BORDEAUX.
L'EURL BEREICH 1, défenderesse au contredit, a conclu le 10 novembre 2010 à l'irrecevabilité du contredit et, au fond, à la confirmation du jugement en répondant:
- que le jugement du 13 juillet 2010 n'ayant pas seulement statué sur la compétence mais également ouvert une procédure de sauvegarde la voie de recours n'était pas le contredit mais l'appel;
- que la société a aux termes de ses statuts pour activités l'acquisition, l'exploitation et la vente de locaux à usage touristique (résidence de tourisme) et plus généralement la location en meublé et la fourniture de prestations secondaires telles que: accueil et information de la clientèle, service du petit déjeuner, nettoyage quotidien des locaux, fourniture du linge de maison;
- qu'il est également visé la souscription d'emprunts et le consentement d'hypothèques ou toute autre forme de garantie, ce qui ne constitue que l'objet nécessaire au financement des acquisitions, et la formule 'toutes opérations commerciales et financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social' ne constitue qu' une formule générale classique dans toute société;
- qu'il n'est en réalité pas soutenu que la société ait une activité autre que celle de location en meublé qui constitue bien une activité de nature civile et non commerciale.
La SCP SILVESTRI-BAUJET a, ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de l'EURL BEREICH 1, conclu le 10 novembre 2010 dans les mêmes termes.
SUR QUOI
Sur la recevabilité du contredit :
Attendu qu'il est constant que par le jugement déféré le tribunal a retenu sa compétence laquelle était contestée par le parquet et qu'il a ouvert à l'égard de l'EURL BEREICH 1 une procédure de sauvegarde, statuant ainsi sur le fond;
que la voie de recours devait dans un tel cas être l'appel;
attendu toutefois qu'il ressort de l'article 91 du CPC que lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par la voie du contredit devait l'être par celle de l'appel elle n'en demeure pas moins saisie, l'affaire étant alors instruite et jugée selon les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé de contredit;
attendu que les parties ont constitué avoué, le Ministère public n'ayant pas à le faire, et l'appel est recevable;
Sur la compétence :
Attendu qu'il ressort de l'article L. 621-2 du code de commerce relatif à l'ouverture de la procédure de sauvegarde que le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale, le tribunal de grande instance l'étant dans les autres cas;
que les premiers juges ont retenu que la location d'immeubles en meublé constituait l'activité principale de la société et qu'il s'agissait d'une activité civile par nature qui devait emporter leur compétence, ajoutant que ses difficultés provenaient de cette seule activité exercée;
que l'EURL BEREICH 1 confirme qu'il s'agit de son activité réelle, les autres activités figurant dans les statuts n'en constituant que les moyens et ne lui conférant pas la qualité de commerçante;
or attendu que le Ministère public relève que cette société s'est elle-même définie à l'article 1 de ses statuts comme une société commerciale relevant des dispositions du Livre Deuxième du code de commerce traitant des sociétés commerciales;
que l'article L. 210-1 du code de commerce dispose que le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme et par son objet (alinéa 1) et que sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet les sociétés qu'il énumère parmi lesquelles figurent les sociétés à responsabilité limitée, et par extension les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée;
que cette formulation précise dispense une juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure collective de rechercher la nature de l'objet de la société commerciale dès lors qu'elle a la forme d'une des sociétés énumérées par ce texte;
qu'il s'en évince que la compétence est en l'espèce celle du tribunal de commerce, le jugement déféré devant être infirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONSTATE sa saisine en application des dispositions de l'article 91 du CPC;
INFIRME le jugement en ce qui a été statué sur la compétence et renvoie la cause et les parties devant le tribunal de commerce de BORDEAUX;
CONDAMNE l'EURL BEREICH 1 aux dépens de première instance et d'appel.