CA Orléans, ch. soc. a sect. 2, 24 juin 2021, n° 21/00098
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
RG3 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Romans
Conseiller :
Mme Vioche
Avocats :
Me Ferling, Me Rouichi
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La SARL RG 3 a pour activité, en qualité d'agent commercial, la commercialisation de maison d'habitation individuelle en secteur diffus à des personnes physiques, pour le compte de la société Maisons Clair Logis.
Madame X et la société RG3 ont conclu un contrat d'agent commercial le 12 avril 2017.
Dans le dernier état de la relation de travail, elle était consultante commercial senior et percevait une rémunération mensuelle brute de base de 2 118,83 euros.
Par courrier du 9 février 2018, Madame X mettait fin à son mandat d'agent commercial à compter de son envoi.
Par courrier du 22 février 2018 la société RG 3 accusait réception de la démission en rappelant qu'il devait être respecté un délai de préavis de trois mois conformément aux termes du contrat, ce dont Madame X ne tenait pas compte.
Madame X saisissait le 1er avril 2019 le conseil de prud'hommes d'Orléans d'une demande de requalification de son contrat d'agent commercial en contrat de travail à temps complet et de paiement d'un rappel de salaire, d'un rappel de commissions, d'un rappel de prime de 13e mois pour les années 2017 à 2018, d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
En réplique, la société RG3 a soulevé l'incompétence matérielle au profit du tribunal judiciaire d'Orléans et a sollicité le paiement de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 4 janvier 2021 le conseil de prud'hommes a :
- dit que le lien de subordination n'était pas caractérisé ;
- débouté Madame X de sa demande de requalification de contrat d'agent commercial en contrat de travail ;
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de rappel de commissions dues en exécution du contrat d'agent commercial au profit du tribunal judiciaire d'Orléans et autres demandes financières sollicitées ;
- débouté Madame X de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SARL RG3 de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné Madame X aux dépens.
Madame X a relevé appel de ce jugement le 14 janvier 2021. La SARL RG3a constitué avocat le 20 janvier 2021.
Par ordonnance du 25 janvier 2021, Madame X a été autorisée par le Premier Président a assigner à jour fixe pour l'audience du 15 avril 2021. L'assignation à comparaître à jour fixe a été délivrée le 5 février 2021.
Madame X a conclu en dernier lieu le 14 avril 2021 (conclusions récapitulatives 2). Elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- requalifier le contrat d'agent commercial conclu entre les parties le 12 avril 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée à compter de cette même date et partant de se déclarer compétent pour connaître des demandes formées par elle ;
En conséquence,
- dire qu'elle occupait des fonctions de négociatrice immobilière
- dire que la moyenne des salaires est de 2469 brut ;
- condamner la SARL RG3 à lui payer les sommes suivantes :
- rappel de salaires : 14 830 euros brut et 1 483 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
- rappel de commissions : 9859,17 euros net et 985,91 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
- rappel de prime de treizième mois : 1 749 euros brut au titre de l'année 2017 et 308,58 euros brut au titre de l'année 2018 ;
- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 14 814 euros net ;
- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 2 469 euros net ;
- ordonner à la SARL RG3 de lui remettre, au besoin, sous astreinte de 50 par jour et par document de retard à compter du 15ème jour suivant la décision à intervenir, l'ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de salaire 2017 et 2018 ;
- dire que toutes les sommes portant sur des rappels de salaire produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la SARL RG3 de la convocation devant le bureau de conciliation, lesdits intérêts étant capitalisés par année échue et produisant eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;
- condamner la SARL RG3 à lui payer la somme de 3 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société RG3 aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SELARL ACTE Avocats associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Groupon France a conclu en dernier lieu le 30 mars 2021. Elle demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de ses demandes reconventionnelles si la cour était amenée à examiner les demandes financières de Madame X,
A titre subsidiaire,
- juger Madame X irrecevable en ces demandes financières,
- renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes d'Orléans aux fins de statuer sur les demandes financières de Madame X,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter les demandes de Madame X aux sommes suivantes :
- 11 562,42 euros brut à titre de rappel de salaire outre 1 156,24 euros au titre des congés payés afférents ;
- 1 235,83 euros brut à titre de rappel de prime de 13e mois ;
- 8990,32 euros brut à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
A titre reconventionnel,
- condamner Madame X à lui payer les sommes suivantes :
- 4 495,41 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis inexécuté
- 36 749 euros nets à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses actes de concurrence déloyale durant la période de préavis ;
- ordonner la compensation entre les condamnations qui seront éventuellement mises à sa charge au profit de Madame X et les condamnations mises à la charge de Madame X à son profit ;
A titre très infiniment subsidiaire,
- limiter les rappels de salaire de Madame X à la somme de 14 487,84 euros outre 1448,78 euros au titre des congés payés afférents.
En tout état de cause,
- condamner Madame X à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties il est expressément renvoyé à leurs conclusions respectives.
MOTIFS
1 - Sur la qualification du contrat
En application des dispositions de l'article L. 134-1 du code de commerce l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
L'article L. 8221-6 du code du travail édicte une présomption de non-salariat au profit notamment des agents commerciaux : « I. - Sont présumés et ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers, registre des agents commerciaux ou auprès des URSSAF,
(…)
II. - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionné à l'article L. 8221-5. ».
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Concernant les agents commerciaux, il leur appartient, lorsqu'ils sollicitent la requalification de leur contrat de travail, d'apporter la preuve qu'ils ont agi sous l'autorité d'un membre de l'entreprise ayant le pouvoir de donner des ordres, des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.
Madame X reconnaît être inscrite au répertoire des agents commerciaux.
À l'appui de sa demande de requalification elle fait valoir :
- qu'elle ne décidait pas de son emploi du temps ;
- qu'elle ne décidait pas de la date à laquelle elle devait émettre ses factures ;
- qu'elle travaillait au sein d'un service organisé par la société RG 3 avec du matériel mis à sa disposition sans versement de sa part d'une contrepartie.
Concernant son emploi du temps, elle verse aux débats deux mails, l'un du 6 juin 2017 et l'autre du 12 juin suivant qui lui ont été adressés, de même qu'à d'autres collaborateurs, concernant des dates de réunions. Ces deux mails, sur une période de collaboration de 10 mois, sont insuffisants pour affirmer qu'elle ne décidait pas de son emploi du temps. La fixation de réunions périodiques ou de permanence à l'agence, ne permet pas non plus de caractériser un lien de subordination. En outre, le mail du 12 juin 2017 qui demande à ses destinataires, afin d'être plus efficaces, de remplir correctement les agendas, de préparer les fiches prospects de Monsieur Y qui sont partagées et, lorsque des chiffrages sont à effectuer, de préparer les plans (maisons et terrains) ainsi que le règlement, ne permettent pas plus d'affirmer que Madame X recevait des directives impératives concernant l'organisation de son travail, susceptibles d'être sanctionnées en cas de manquement.
Concernant l'absence de décision sur les dates à laquelle elle devait émettre ses factures, Madame X n'apporte aucun élément. Il est produit en pièce 3 un extrait de SMS évoquant la possibilité pour elle d'être soit salariée dans le cadre d'un CDI, soit être agent commercial. Cet extrait, qui n'est pas daté, ne comporte, contrairement à ce qu'elle affirme, aucune promesse ni engagement de conclure un contrat de travail. De même, si le contrat d'agent commercial prévoit que l'agent adresse ses factures tous les mois concernant l'activité du mois, c'est dans un souci d'organisation. Au surplus, la société RG3, justifie avoir accepté de payer des avances sur commissions, non prévues au contrat, sur présentation de factures de la part de Madame X.
Concernant l'organisation du service, Madame X se réfère encore aux deux mails des 6 et 12 juin qui viennent d'être évoqués. Il n'en résulte aucune directive concernant l'organisation générale de son travail. Elle verse aux débats, en pièce numéro 9, des extraits d'agenda électronique desquels il ne peut être tiré que son employeur lui imposait des rendez-vous et non pas que ce soit elle qui les a pris et portés sur cet agenda. De même elle ne justifie aucunement avoir eu des horaires ou une durée du travail imposés comme le prétend.
Tout au contraire, le contrat de mandat prévoit que l'agent commercial « bénéficiera de la plus grande indépendance (horaires de travail, période de congés, bureau), il prospectera à sa convenance la clientèle et effectuera ses tournées comme il l'entend. »
Madame X ne produit aux débats aucuns justificatifs concernant des ordres, des directives ou quoi que ce soit d'autre qui lui aurait été imposé par la société RG 3.
De son côté la société verse aux débats les factures de commissions qui lui ont été adressées par Madame X au titre de son activité au fur et à mesure des ventes qu'elle négociait.
Si le contrat de mandat prévoit un engagement de l'agent commercial à réaliser un nombre minimum de vente, la non-réalisation de cet objectif n'a pas été sanctionné et il n'a été réclamé aucun compte à Madame X à ce titre.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'aucun lien de subordination n'était prouvé et en ce qu'il a débouté Madame X de ses demandes en la renvoyant à se pourvoir devant le tribunal judiciaire d'Orléans.
2 - sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant dans l'exercice de son recours Madame X sera condamnée aux dépens.
Il est par ailleurs équitable de la condamner à payer à la SARL RG 3 une somme de 800 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne Madame X à payer à la société RG 3 SARL une somme de 800 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens.