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Décisions

CJUE, 6e ch., 8 juillet 2021, n° C-166/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BB

Défendeur :

Lietuvos Respublikos sveikatos apsaugos ministerija

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bay Larsen (rapporteur)

Juges :

Mme Toader, M. Safjan

Avocat général :

M. Hogan

CJUE n° C-166/20

8 juillet 2021

LA COUR (sixième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er et de l’article 10, sous b), de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22), telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013 (JO 2013, L 354, p. 132) (ci-après la « directive 2005/36 »), des articles 45 et 49 TFUE ainsi que de l’article 15 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci–après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BB au Lietuvos Respublikos sveikatos apsaugos ministerija (ministère de la Santé de la République de Lituanie) (ci-après le « ministère de la Santé ») au sujet du refus de ce dernier de reconnaître la qualification professionnelle de BB.

Le cadre juridique

3 L’article 1er de la directive 2005/36, intitulé « Objet », dispose, à son premier alinéa :

« La présente directive établit les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées (ci-après dénommé “État membre d’accueil”) reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres (ci-après dénommé(s) “État membre d’origine”) et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession. »

4 L’article 4 de cette directive, intitulé « Effets de la reconnaissance », prévoit :

« 1. La reconnaissance des qualifications professionnelles par l’État membre d’accueil permet aux bénéficiaires d’accéder dans cet État membre à la même profession que celle pour laquelle ils sont qualifiés dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux.

2. Aux fins de la présente directive, la profession que veut exercer le demandeur dans l’État membre d’accueil est la même que celle pour laquelle il est qualifié dans son État membre d’origine si les activités couvertes sont comparables.

[...] »

5 L’article 4 septies de la directive 2005/36, intitulé « Accès partiel », mentionne, à son paragraphe 6, que cet article ne s’applique pas aux professionnels qui bénéficient de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles conformément au titre III, chapitres II, III et III bis, de cette directive.

6 L’article 10, sous b), de ladite directive, intitulé « Champ d’application », figurant au chapitre I du titre III de celle-ci relatif au « [r]égime général de reconnaissance des titres de formation », énonce :

« Le présent chapitre s’applique à toutes les professions qui ne sont pas couvertes par les chapitres II et III du présent titre, ainsi que dans les cas qui suivent, où le demandeur, pour un motif spécifique et exceptionnel, ne satisfait pas aux conditions prévues dans ces chapitres :

[...]

b) pour les médecins ayant une formation de base, les médecins spécialistes, les infirmiers responsables de soins généraux, les praticiens de l’art dentaire, les praticiens de l’art dentaire spécialistes, les vétérinaires, les sages-femmes, les pharmaciens et les architectes, lorsque le migrant ne remplit pas les conditions de pratique professionnelle effective et licite prévues aux articles 23, 27, 33, 37, 39, 43 et 49 ».

7 Figurant au chapitre III du titre III de la directive 2005/36, relatif à la « [r]econnaissance sur la base de la coordination des conditions minimales de formation », l’article 21 de cette directive, intitulé « Principe de reconnaissance automatique », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Chaque État membre reconnaît les titres de formation de médecin, donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste et les titres de formation d’infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de praticien de l’art dentaire spécialiste, de vétérinaire, de pharmacien et d’architecte, visés respectivement à l’annexe V, points 5.1.1, 5.1.2, 5.2.2, 5.3.2, 5.3.3, 5.4.2, 5.6.2 et 5.7.1, qui sont conformes aux conditions minimales de formation visées respectivement aux articles 24, 25, 31, 34, 35, 38, 44 et 46, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation qu’il délivre. »

8 L’article 23 de ladite directive, intitulé « Droits acquis », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice des droits acquis spécifiques aux professions concernées, lorsque les titres de formation de médecin donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste, et les titres de formation d’infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de praticien de l’art dentaire spécialiste, de vétérinaire, de sage-femme et de pharmacien détenus par les ressortissants des États membres ne répondent pas à l’ensemble des exigences de formation visées aux articles 24, 25, 31, 34, 35, 38, 40 et 44, chaque État membre reconnaît comme preuve suffisante les titres de formation délivrés par ces États membres lorsqu’ils sanctionnent une formation qui a commencé avant les dates de référence visées à l’annexe V, points 5.1.1, 5.1.2, 5.2.2, 5.3.2, 5.3.3, 5.4.2, 5.5.2 et 5.6.2, s’ils sont accompagnés d’une attestation certifiant que leurs titulaires se sont consacrés effectivement et licitement aux activités en cause pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la délivrance de l’attestation. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 BB a accompli au Royaume Uni quatre années d’études de pharmacie et a obtenu, le 18 juillet 2013, un titre de maîtrise en pharmacie. Elle a, pendant 26 semaines (6 mois), effectué un stage pratique dans une officine, pour lequel elle a obtenu une évaluation favorable et les crédits y afférents.

10 Au Royaume-Uni, le droit d’exercer l’activité de pharmacien est obtenu au terme de quatre années d’études et après douze mois de stage professionnel. Or, BB n’a pas accompli les douze mois de stage professionnel requis dans cet État membre pour obtenir la qualification de pharmacien, car elle a dû retourner en Lituanie pour des raisons personnelles.

11 Le 23 juillet 2014, le Studijų kokybės vertinimo centras (Centre d’évaluation de la qualité des études, Lituanie) a délivré un certificat reconnaissant l’équivalence du diplôme de BB avec un titre de maîtrise délivré en Lituanie à l’issue d’un cursus intégré de pharmacie. Ce centre d’évaluation a indiqué que ce certificat ne constituait pas une reconnaissance de qualification professionnelle, car une telle reconnaissance relevait de la compétence exclusive du ministère de la Santé.

12 Le 6 août 2014, BB a demandé la reconnaissance de sa qualification audit ministère. Ce dernier a relevé que les documents de BB attestaient sa formation académique, mais non sa qualification professionnelle, car il n’y avait pas de certitude quant à l’État membre dans lequel les six mois de stage restants devraient être accomplis.

13 Au mois de septembre 2014, par un décret du Lietuvos sveikatos mokslų universiteto rektorius (recteur de l’université des sciences de la santé de Lituanie), BB a été autorisée à suivre des études et a conclu avec cette université un contrat en vertu duquel elle a effectué six mois supplémentaires de stage pratique de pharmacie. Le 27 mai 2015, ladite université lui a délivré un certificat attestant l’accomplissement de ce stage.

14 BB a demandé au Valstybinę vaistų kontrolės tarnyba (Conseil national de contrôle des médicaments, Lituanie) près le ministère de la Santé de lui délivrer une licence de pharmacien. À cet effet, elle s’est appuyée sur le certificat mentionné au point précédent. Le 1er juin 2015, ce conseil a fait savoir à BB que, pour obtenir cette licence, elle devait présenter un document attestant la reconnaissance de sa qualification professionnelle en Lituanie. Le 9 juin 2015, BB a réitéré sa demande de reconnaissance de qualification professionnelle auprès du ministère de la Santé en y joignant, notamment, le certificat mentionné au point 13 du présent arrêt.

15 Le 3 juillet 2015, ledit conseil a mis fin à l’examen de la demande de BB, sans délivrer la licence de pharmacien sollicitée.

16 Par le décret no V-902 du 24 juillet 2017, le ministère de la Santé a refusé de reconnaître la qualification professionnelle de BB et en a informé cette dernière par une lettre du 28 juillet 2017. Ce décret indique que BB n’a pas obtenu la qualification professionnelle de pharmacien dans un État membre de l’Union européenne.

17 BB a attaqué ledit décret devant la commission d’appel, laquelle, par une décision du 13 septembre 2017, l’a confirmé. Cette commission a motivé sa décision par le fait que la directive 2005/36 et, partant, la loi nationale transposant cette dernière ne s’appliquent qu’aux personnes qui ont obtenu une qualification professionnelle dans un État membre autre que l’État membre d’accueil et qui disposent d’un titre de formation.

18 BB a attaqué les décisions du ministère de la Santé et de la commission d’appel devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie). Par un jugement du 27 février 2018, cette juridiction a rejeté le recours de BB comme étant non fondé.

19 Le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a été saisie d’un pourvoi contre ledit jugement.

20 Selon la juridiction de renvoi, BB a satisfait aux conditions requises par le droit du Royaume-Uni pour obtenir la qualification professionnelle de pharmacien, à savoir avoir suivi une formation professionnelle d’une durée de quatre ans et avoir effectué, en tout, douze mois de stage pratique dans une officine, à savoir six mois au Royaume-Uni et six mois en Lituanie. Ainsi, si BB avait satisfait à toutes ces conditions dans un seul État membre, à savoir le Royaume-Uni, elle aurait obtenu un titre de formation de pharmacien, qui, en vertu du principe de reconnaissance automatique consacré à l’article 21 de la directive 2005/36, aurait été reconnu en Lituanie.

21 Étant donné que BB ne pourrait pas se prévaloir du régime de reconnaissance automatique prévu à l’article 21 de la directive 2005/36, alors que, en substance, elle remplirait les conditions de qualification professionnelle prévues à l’article 44 de cette directive, il y aurait lieu de déterminer si l’article 10, sous b), de ladite directive doit être interprété en ce sens qu’il s’applique dans le cas où la personne intéressée n’a pas obtenu le titre de formation de pharmacien alors qu’elle a satisfait, en pratique, aux conditions requises pour obtenir cette qualification professionnelle non pas dans un, mais dans plusieurs États membres, dont l’un est l’État membre d’accueil. La juridiction de renvoi considère qu’il convient également de déterminer si, dans ce cas, les dispositions du titre III, chapitre I, de la directive 2005/36 doivent être interprétées en ce sens que les autorités compétentes en matière de reconnaissance des qualifications sont tenues d’apprécier le contenu de tous les documents présentés par la personne intéressée, susceptibles d’attester sa qualification professionnelle, ainsi que la conformité de la formation qu’ils attestent aux conditions requises pour obtenir la qualification professionnelle concernée dans l’État membre d’accueil et, le cas échéant, appliquer des mesures de compensation.

22 Dès lors que le régime général de reconnaissance prévu par la directive 2005/36 ne s’applique que dans certains cas, la juridiction de renvoi se demande, en outre, si BB peut revendiquer la reconnaissance de sa qualification professionnelle en invoquant les articles 45 et 49 TFUE ainsi que l’article 15 de la Charte.

23 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 10, sous b), de la directive [2005/36], lu à la lumière de l’objectif énoncé à l’article 1er de la même directive, doit-il être interprété en ce sens qu’il peut s’appliquer dans une situation où la personne intéressée n’a pas obtenu de titre de formation parce que, si elle a potentiellement satisfait aux conditions requises pour obtenir une qualification professionnelle, c’est non pas dans un seul, mais dans plusieurs États membres de l’Union ? Dans une telle situation, où la personne intéressée n’a pas obtenu de titre de formation parce qu’elle a potentiellement satisfait aux conditions requises pour obtenir une qualification professionnelle non pas dans un seul, mais dans plusieurs États membres de l’Union, les dispositions du titre III, chapitre I, de la directive [2005/36] (régime général de reconnaissance des titres de formation) doivent-elles être interprétées en ce sens que les autorités de reconnaissance des qualifications sont tenues d’apprécier le contenu de tous les documents présentés par la personne intéressée, susceptibles d’attester sa qualification professionnelle, ainsi que la conformité [de la formation qu’ils attestent] aux conditions requises pour obtenir la qualification professionnelle dans l’État membre d’accueil et, le cas échéant, appliquer des mesures de compensation ?

[2)] Les articles 45 et 49 TFUE et l’article 15 de la Charte devraient-ils être interprétés en ce sens que, dans la situation du cas d’espèce, où la requérante a potentiellement satisfait aux conditions requises pour obtenir la qualification professionnelle de pharmacien au sens du [titre III,] chapitre III, section 7, article 44, de la directive [2005/36], mais qu’elle a satisfait à ces conditions non pas dans un seul État membre de l’Union, mais dans plusieurs, et que, pour cette raison, elle ne dispose pas du titre attestant sa qualification professionnelle prévu à l’annexe V, point 5.6.2, de la directive 2005/36, les autorités compétentes de l’État membre d’accueil sont tenues d’apprécier la formation professionnelle de la requérante et de la comparer à la formation professionnelle qui est requise dans cet État, ainsi que d’apprécier le contenu des documents susceptibles de démontrer la qualification professionnelle qui sont présentés, ainsi que la conformité [de la formation qu’ils attestent] aux conditions requises pour obtenir la qualification professionnelle dans l’État membre d’accueil et, le cas échéant, d’appliquer des mesures de compensation ? »

Sur la première question

24 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2005/36, notamment son article 1er et son article 10, sous b), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à une situation dans laquelle une personne demandant la reconnaissance de ses qualifications professionnelles dans l’État membre d’accueil n’a pas obtenu un titre de formation attestant ses qualifications professionnelles dans un autre État membre et, dans l’affirmative, si les dispositions du titre III, chapitre I, de cette directive doivent être interprétées en ce sens que l’autorité compétente en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles est tenue d’apprécier le contenu de tous les documents présentés par la personne intéressée, susceptibles de démontrer ses qualifications qui ont été obtenues dans plusieurs États membres, ainsi que la conformité de la formation qu’ils attestent aux conditions requises pour obtenir les qualifications professionnelles dans l’État membre d’accueil et, le cas échéant, d’appliquer des mesures de compensation.

25 À cet égard, il convient de relever que, en ce qui concerne l’objectif de la directive 2005/36, il ressort des articles 1er et 4 de celle-ci que l’objet essentiel de la reconnaissance mutuelle est de permettre au titulaire d’une qualification professionnelle lui ouvrant l’accès à une profession réglementée dans son État membre d’origine d’accéder, dans l’État membre d’accueil, à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux (arrêt du 16 avril 2015, Angerer, C‑477/13, EU:C:2015:239, point 36).

26 Dès lors, la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles visée par ladite directive suppose que le demandeur dispose d’une formation le qualifiant dans l’État membre d’origine pour y exercer une profession réglementée.

27 Il en va ainsi quel que soit le régime de reconnaissance des qualifications professionnelles, à savoir le régime général de reconnaissance, au sens du titre III, chapitre I, de la directive 2005/36, ou le régime automatique de reconnaissance, au sens du titre III, chapitres II, III et III bis, de cette directive.

28 Il s’ensuit que l’article 10 de la directive 2005/36, qui définit le champ d’application du régime général de reconnaissance des titres de formation prévu au chapitre I du titre III de cette directive, ne saurait, en vertu de son point b), imposer à l’État membre d’accueil, à moins de contrevenir à l’objectif de ladite directive, qu’il examine les titres de formation détenus par un demandeur ne possédant pas les qualifications nécessaires à l’exercice de la profession de pharmacien dans son État membre d’origine (voir, par analogie, arrêt du 16 avril 2015, Angerer, C‑477/13, EU:C:2015:239, points 24 et 37).

29 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que la directive 2005/36, notamment son article 1er et son article 10, sous b), doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une situation dans laquelle une personne demandant la reconnaissance de ses qualifications professionnelles n’a pas obtenu un titre de formation la qualifiant, dans l’État membre d’origine, pour y exercer une profession réglementée.

Sur la seconde question

30 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 45 et 49 TFUE ainsi que l’article 15 de la Charte doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation dans laquelle l’intéressé ne dispose pas du titre attestant sa qualification professionnelle de pharmacien, au sens de l’annexe V, point 5.6.2, de la directive 2005/36, mais a acquis des compétences professionnelles relatives à cette profession tant dans l’État membre d’origine que dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes de ce dernier sont tenues, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de reconnaissance des qualifications professionnelles, d’apprécier ces compétences et de les comparer avec celles requises dans l’État membre d’accueil aux fins d’accéder à la profession de pharmacien.

31 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 15, paragraphe 2, de la Charte, en vertu duquel tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler et de s’établir dans tout État membre, reprend, notamment, la libre circulation des travailleurs garantie à l’article 45 TFUE et la liberté d’établissement garantie à l’article 49 TFUE (arrêt du 8 mai 2019, PI, C‑230/18, EU:C:2019:383, point 53).

32 Selon l’article 52, paragraphe 2, de la Charte, les droits reconnus par celle-ci qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et les limites définies par ceux-ci. Dès lors, l’interprétation de l’article 15, paragraphe 2, de la Charte coïncide, en l’occurrence, avec l’interprétation des articles 45 et 49 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2013, Gardella, C‑233/12, EU:C:2013:449, point 39).

33 Il s’ensuit qu’il suffit de se référer aux articles 45 et 49 TFUE afin de répondre à la seconde question.

34 Il importe également de rappeler que les autorités d’un État membre, saisies par un ressortissant de l’Union d’une demande d’autorisation d’exercer une profession dont l’accès est, selon la législation nationale, subordonnée à la possession d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d’expérience pratique, sont tenues de prendre en considération l’ensemble des diplômes, des certificats et autres titres, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale (arrêt du 22 janvier 2002, Dreessen, C‑31/00, EU:C:2002:35, point 24 et jurisprudence citée).

35 Cette jurisprudence n’étant que l’expression jurisprudentielle d’un principe inhérent aux libertés fondamentales consacrées par le traité FUE, ce principe ne saurait perdre une partie de sa valeur juridique du fait de l’adoption de directives relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2002, Dreessen, C‑31/00, EU:C:2002:35, point 25 et jurisprudence citée).

36 En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 53, paragraphe 1, TFUE, de telles directives ont pour objectif de faciliter la reconnaissance mutuelle des diplômes, des certificats et autres titres en établissant des règles et des critères communs qui aboutissent, dans la mesure du possible, à la reconnaissance automatique desdits diplômes, certificats et autres titres. En revanche, elles n’ont pas pour but et ne sauraient avoir pour effet de rendre plus difficile la reconnaissance de tels diplômes, certificats et autres titres dans les situations non couvertes par elles (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2002, Dreessen, C‑31/00, EU:C:2002:35, point 26).

37 Ces considérations s’appliquent notamment à la directive 2005/36, qui a été adoptée sur la base, en particulier, de l’article 47, paragraphe 1, CE (devenu article 53, paragraphe 1, TFUE).

38 Or, dans une situation telle que celle au principal qui, ainsi qu’il ressort de la réponse apportée à la première question, n’entre pas dans le champ d’application de la directive 2005/36, l’État membre d’accueil concerné doit respecter ses obligations en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles, telles que rappelées au point 34 du présent arrêt, lesquelles s’appliquent aux situations relevant tant de l’article 45 TFUE que de l’article 49 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2000, Hocsman, C‑238/98, EU:C:2000:440, point 21, et du 6 octobre 2015, Brouillard, C‑298/14, EU:C:2015:652, points 46 et 54).

39 Ainsi, lorsque l’examen comparatif des titres aboutit à la constatation que les connaissances et les qualifications attestées par le titre étranger correspondent à celles exigées par les dispositions nationales, l’État membre d’accueil est tenu d’admettre que ce titre remplit les conditions posées par celles-ci. Si, par contre, la comparaison ne révèle qu’une correspondance partielle entre ces connaissances et qualifications, cet État membre est en droit d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les qualifications manquantes (arrêt du 6 octobre 2015, Brouillard, C‑298/14, EU:C:2015:652, point 57 et jurisprudence citée).

40 À cet égard, il incombe aux autorités nationales compétentes d’apprécier si les connaissances acquises dans l’État membre d’accueil, dans le cadre, notamment, d’une expérience pratique, peuvent valoir aux fins d’établir la possession des connaissances manquantes (arrêt du 6 octobre 2015, Brouillard, C‑298/14, EU:C:2015:652, point 58 et jurisprudence citée).

41 En revanche, si ledit examen comparatif fait apparaître des différences substantielles entre la formation suivie par le demandeur et la formation requise dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes peuvent fixer des mesures de compensation pour combler ces différences (voir, notamment, arrêt du 2 décembre 2010, Vandorou e.a., C‑422/09, C‑425/09 et C‑426/09, EU:C:2010:732, point 72).

42 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précédent, il y a lieu de répondre à la seconde question que les articles 45 et 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation dans laquelle l’intéressé ne dispose pas du titre attestant sa qualification professionnelle de pharmacien, au sens de l’annexe V, point 5.6.2, de la directive 2005/36, mais a acquis des compétences professionnelles relatives à cette profession tant dans l’État membre d’origine que dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes de ce dernier sont tenues, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de reconnaissance des qualifications professionnelles, d’apprécier ces compétences et de les comparer avec celles requises dans l’État membre d’accueil aux fins d’accéder à la profession de pharmacien. Si ces compétences correspondent à celles exigées par les dispositions nationales de l’État membre d’accueil, celui-ci est tenu de les reconnaître. Si cet examen comparatif ne révèle qu’une correspondance partielle entre ces compétences, l’État membre d’accueil est en droit d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les qualifications manquantes. Il incombe aux autorités nationales compétentes d’apprécier, le cas échéant, si les connaissances acquises dans l’État membre d’accueil, dans le cadre, notamment, d’une expérience pratique, peuvent valoir aux fins d’établir la possession des connaissances manquantes. Si ledit examen comparatif fait apparaître des différences substantielles entre la formation suivie par le demandeur et la formation requise dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes peuvent fixer des mesures de compensation pour combler ces différences.

Sur les dépens

43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1) La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, notamment son article 1er et son article 10, sous b), doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une situation dans laquelle une personne demandant la reconnaissance de ses qualifications professionnelles n’a pas obtenu un titre de formation la qualifiant, dans l’État membre d’origine, pour y exercer une profession réglementée.

2) Les articles 45 et 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation dans laquelle l’intéressé ne dispose pas du titre attestant sa qualification professionnelle de pharmacien, au sens de l’annexe V, point 5.6.2, de la directive 2005/36, telle que modifiée par la directive 2013/55, mais a acquis des compétences professionnelles relatives à cette profession tant dans l’État membre d’origine que dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes de ce dernier sont tenues, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de reconnaissance des qualifications professionnelles, d’apprécier ces compétences et de les comparer avec celles requises dans l’État membre d’accueil aux fins d’accéder à la profession de pharmacien. Si ces compétences correspondent à celles exigées par les dispositions nationales de l’État membre d’accueil, celui-ci est tenu de les reconnaître. Si cet examen comparatif ne révèle qu’une correspondance partielle entre ces compétences, l’État membre d’accueil est en droit d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les qualifications manquantes. Il incombe aux autorités nationales compétentes d’apprécier, le cas échéant, si les connaissances acquises dans l’État membre d’accueil, dans le cadre, notamment, d’une expérience pratique, peuvent valoir aux fins d’établir la possession des connaissances manquantes. Si ledit examen comparatif fait apparaître des différences substantielles entre la formation suivie par le demandeur et la formation requise dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes peuvent fixer des mesures de compensation pour combler ces différences.