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Décisions

CJUE, 4e ch., 8 juillet 2021, n° C-178/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pharma Expressz Szolgáltató és Kereskedelmi Kft

Défendeur :

Országos Gyógyszerészeti és Élelmezés-egészségügyi Intézet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras (rapporteur)

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin, Mme Jürimäe

Avocat général :

M. Szpunar

Avocats :

Me Cech, Me Pál

CJUE n° C-178/20

8 juillet 2021

LA COUR (quatrième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 70 à 73 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012 (JO 2012, L 299, p. 1) (ci-après la « directive 2001/83 »), et de l’article 36 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pharma Expressz Szolgáltató és Kereskedelmi Kft. (ci-après « Pharma Expressz ») à l’Országos Gyógyszerészeti és Élelmezés-egészségügyi Intézet (Institut national de la pharmacie et de la nutrition, Hongrie) (ci‑après l’« Institut ») au sujet de la vente en Hongrie d’un médicament n’ayant pas obtenu dans cet État membre une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM »), mais disposant d’une AMM dans un autre État membre de l’Espace économique européen (EEE), où il est délivré sans prescription médicale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Le considérant 12 de la directive 2001/83 énonce :

« À l’exception des médicaments soumis à la procédure communautaire centralisée d’autorisation prévue par le règlement (CEE) no 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments [(JO 1993, L 214, p. 1)], une autorisation de mise sur le marché délivrée par une autorité compétente d’un État membre devrait être reconnue par les autorités compétentes des autres États membres, à moins qu’elles aient de sérieux motifs de supposer que l’autorisation du médicament en question puisse présenter un danger pour la santé publique. [...] »

4 Aux termes du considérant 30 de cette directive :

« À cet égard, toute personne qui se déplace dans la Communauté possède le droit d’emporter une quantité raisonnable de médicaments obtenus licitement pour son usage personnel. Il doit aussi être possible, pour une personne établie dans un État membre, de se faire envoyer d’un autre État membre une quantité raisonnable de médicaments destinés à son usage personnel. »

5 L’article 5, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit :

« Un État membre peut, conformément à la législation en vigueur et en vue de répondre à des besoins spéciaux, exclure des dispositions de la présente directive les médicaments fournis pour répondre à une commande loyale et non sollicitée, élaborés conformément aux spécifications d’un professionnel de santé agréé et destinés à ses malades particuliers sous sa responsabilité personnelle directe. »

6 L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive prévoit :

« Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une [AMM] n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation n’ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement (CE) no 726/2004 [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1)], lues en combinaison avec le règlement (CE) n1901/2006 du Parlement européen et du Conseil[, du 12 décembre 2006, relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) no 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) no 726/2004 (JO 2006, L 378, p. 1)], et le règlement (CE) no 1394/2007 [du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) no 726/2004 (JO 2007, L 324, p. 121)]. »

7 L’article 70 de la directive 2001/83 dispose :

« 1. Lorsqu’elles autorisent la mise sur le marché d’un médicament, les autorités compétentes précisent la classification du médicament en :

– médicament soumis à prescription médicale,

– médicament non soumis à prescription.

Elles appliquent à cette fin les critères énumérés à l’article 71, paragraphe 1.

2. Les autorités compétentes peuvent fixer des sous-catégories pour les médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale. Dans ce cas, elles se réfèrent à la classification suivante :

a) médicaments sur prescription médicale à délivrance renouvelable ou non renouvelable ;

b) médicaments soumis à prescription médicale spéciale ;

c) médicaments sur prescription médicale dite “restreinte”, réservés à certains milieux spécialisés. »

8 Aux termes de l’article 71 de cette directive :

« 1. Les médicaments sont soumis à prescription médicale lorsqu’ils :

– sont susceptibles de présenter un danger, directement ou indirectement, même dans des conditions normales d’emploi, s’ils sont utilisés sans surveillance médicale,

ou

– sont utilisés souvent, et dans une très large mesure, dans des conditions anormales d’emploi et que cela risque de mettre en danger directement ou indirectement la santé,

ou

– contiennent des substances ou des préparations à base de ces substances, dont il est indispensable d’approfondir l’activité et/ou les effets indésirables,

ou

– sont, sauf exception, prescrits par un médecin pour être administrés par voie parentérale.

2. Lorsque les États membres prévoient la sous-catégorie des médicaments soumis à prescription médicale spéciale, ils tiennent compte des éléments suivants :

– le médicament contient, à une dose non exonérée, une substance classée comme stupéfiant ou psychotrope au sens des conventions internationales telles que la convention des Nations unies de 1961 et 1971,

ou

– le médicament est susceptible, en cas d’usage anormal, de faire l’objet de risques importants d’abus médicamenteux, d’entraîner une pharmacodépendance ou d’être détourné de son usage à des fins illégales,

ou

– le médicament contient une substance qui, du fait de sa nouveauté ou de ses propriétés, pourrait être considérée comme appartenant au groupe visé au deuxième tiret, par mesure de précaution.

3. Lorsque les États membres prévoient la sous-catégorie des médicaments soumis à prescription médicale restreinte, ils tiennent compte des éléments suivants :

– le médicament, du fait de ses caractéristiques pharmacologiques ou de sa nouveauté, ou pour des raisons de santé publique, est réservé à des traitements qui ne peuvent être suivis qu’en milieu hospitalier,

ou

– le médicament est utilisé dans le traitement de maladies qui doivent être diagnostiquées en milieu hospitalier ou dans des établissements disposant de moyens de diagnostic adéquats, mais l’administration et le suivi peuvent se faire hors de l’hôpital,

ou

– le médicament est destiné à des patients ambulatoires mais son emploi peut produire des effets indésirables très graves, ce qui requiert une prescription établie, au besoin, par un spécialiste et une surveillance particulière pendant le traitement.

4. Une autorité compétente peut déroger à l’application des paragraphes 1, 2 et 3 eu égard :

a) à la dose maximale unique ou à la dose maximale journalière, au dosage, à la forme pharmaceutique, à certains conditionnements, et/ou

b) à d’autres conditions d’utilisation qu’elle a spécifiées.

5. Si une autorité compétente ne classe pas un médicament dans l’une des sous-catégories visées à l’article 70, paragraphe 2, elle doit néanmoins tenir compte des critères visés aux paragraphes 2 et 3 du présent article pour déterminer si un médicament doit être classé dans la catégorie des médicaments délivrés uniquement sur prescription médicale. »

9 L’article 72 de ladite directive est libellé comme suit :

« Les médicaments non soumis à prescription sont ceux qui ne répondent pas aux critères énumérés à l’article 71. »

10 L’article 73 de la même directive prévoit :

« Les autorités compétentes établissent la liste des médicaments dont la délivrance est soumise sur leur territoire à l’obligation de prescription médicale, en précisant, si nécessaire, la catégorie de classement. Elles mettent à jour cette liste annuellement. »

11 L’article 85 quater de la directive 2001/83 dispose :

« 1. Sans préjudice des législations nationales qui interdisent l’offre à la vente à distance au public de médicaments soumis à prescription, au moyen de services de la société de l’information, les États membres veillent à ce que les médicaments soient offerts à la vente à distance au public au moyen de services de la société de l’information tels que définis dans la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information [(JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 [(JO 1998, L 217, p. 18)], aux conditions suivantes :

a) la personne physique ou morale offrant des médicaments est autorisée ou habilitée à délivrer des médicaments au public, également à distance, conformément à la législation nationale de l’État membre dans lequel cette personne est établie ;

b) la personne visée au point a) a notifié à l’État membre dans lequel elle est établie, au minimum, les informations suivantes :

i) le nom ou la raison sociale et l’adresse permanente du lieu d’activité à partir duquel ces médicaments sont fournis ;

ii) la date de début de l’activité d’offre à la vente à distance de médicaments au public au moyen de services de la société de l’information ;

iii) l’adresse du site internet utilisé à cette fin et toutes les informations nécessaires pour identifier ce site internet ;

iv) le cas échéant, la classification, conformément au titre VI, des médicaments offerts à la vente à distance au public au moyen de services de la société de l’information.

S’il y a lieu, ces informations sont mises à jour ;

c) les médicaments respectent la législation nationale de l’État membre de destination conformément à l’article 6, paragraphe 1 ;

[...] »

Le droit hongrois

12 L’article 25, paragraphe 2, de l’emberi alkalmazásra kerülő gyógyszerekről és egyéb, a gyógyszerpiacot szabályozó törvények módosításáról szóló 2005. évi XCV. törvény (loi no XCV de 2005, relative aux médicaments à usage humain et modifiant d’autres lois réglementant le marché des médicaments, ci-après la « loi sur les médicaments ») dispose :

« Un médicament ne bénéficiant pas d’une [AMM] dans un État partie à l’accord [sur l’Espace économique européen (EEE)] mais bénéficiant d’une telle autorisation dans un autre pays peut être utilisé à des fins médicales dans un cas particulier, si son utilisation est justifiée par un intérêt dont la prise en compte s’impose spécialement au regard des soins à prodiguer au patient et est autorisée par l’autorité administrative compétente en matière pharmaceutique en conformité avec les conditions fixées dans une réglementation spécifique. Un médicament bénéficiant d’une [AMM] dans un État partie à l’accord EEE peut être utilisé à des fins médicales s’il a fait l’objet d’une notification à l’autorité administrative compétente en matière pharmaceutique conformément aux modalités fixées dans une réglementation spécifique. L’existence d’un intérêt dont la prise en compte s’impose spécialement au regard des soins à prodiguer au patient est, si nécessaire, appréciée en tenant compte de l’avis émis par le collège des professionnels de la santé au sujet de la sûreté et de l’efficacité de la procédure thérapeutique. »

13 L’article 3, paragraphe 5, de l’emberi felhasználásra kerülő gyógyszerek rendeléséről és kiadásáról szóló 44/2004. EszCsM rendelet (décret du ministère de la Santé, des Affaires sociales et de la Famille 44/2004, relatif à la prescription et à la délivrance de médicaments à usage humain), du 28 avril 2004 (ci‑après le « décret ministériel 44/2004 »), qui s’appliquait jusqu’au 13 février 2018, prévoyait :

« Conformément à l’article 25, paragraphe 2, de la loi sur les médicaments, un médicament qui ne bénéficie pas d’une [AMM] en Hongrie, mais qui en bénéficie dans un État membre de [l’EEE] ou un pays jouissant du même statut juridique que celui des États membres de l’EEE en vertu d’un traité international signé avec la Communauté européenne ou avec l’EEE [...], ne peut être prescrit par un médecin que si, avant la prescription du médicament, celui‑ci a fait l’objet d’une notification à [l’Institut] par le médecin et ce dernier a obtenu une déclaration de l’Institut [...]. »

14 Aux termes de l’article 12/A de ce décret :

« Les médicaments prescrits conformément à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 4, paragraphe 1, ne sont délivrés par les pharmaciens dans le cadre de la fourniture directe de médicaments au public que sur présentation d’une copie de la déclaration ou de l’autorisation émise par l’Institut. »

15 L’article 5 de l’emberi felhasználásra kerülő gyógyszerek egyedi rendelésének és felhasználásának engedélyezéséről szóló 448/2017. Korm. Rendelet (décret gouvernemental 448/2017, relatif à l’autorisation de prescription et d’utilisation individuelles de médicaments à usage humain), du 27 décembre 2017, applicable à compter du 1er janvier 2018, est libellé comme suit :

« 1. Conformément à l’article 25, paragraphe 2, de la loi sur les médicaments, un médicament qui ne bénéficie pas d’une [AMM] en Hongrie, mais qui en bénéficie dans un État membre de l’EEE ou un État jouissant du même statut juridique que celui des États membres de l’EEE en vertu d’un traité international signé avec la Communauté européenne ou avec l’EEE [...], ne peut être prescrit par un médecin que si, avant la prescription du médicament, celui‑ci a fait l’objet d’une notification à l’Institut par le médecin et ce dernier a obtenu une déclaration de l’Institut :

a) attestant que le médicament à prescrire bénéficie, pour les indications pharmaceutiques désignées par le médecin, d’une [AMM] dans l’État membre de l’EEE ou l’État partie à l’accord EEE identifié par celui‑ci,

b) attestant que l’autorité compétente n’a pas retiré l’[AMM] du médicament à prescrire ou suspendu la commercialisation de celui‑ci, et

c) donnant son avis, sur la base des données fournies par le médecin, au sujet de l’existence d’un intérêt dont la prise en compte s’impose spécialement au regard des soins à prodiguer au patient, au sens de l’article 1er, point 23, de la loi sur les médicaments.

2. Les médecins demandent la délivrance de la déclaration visée au paragraphe 1 à l’aide des formulaires de demande figurant aux annexes 3 à 5 du décret ministériel 44/2004. L’Institut communique au médecin prescripteur sa déclaration sur les points visés au paragraphe 1 dans les huit jours ouvrables suivant la réception du formulaire.

3. Lorsque l’Institut émet une déclaration selon laquelle les conditions mentionnées au paragraphe 1 sont remplies, le médecin, en cas de prescription par ordonnance, remet au patient, en même temps que l’ordonnance, une copie de la déclaration de l’Institut.

4.  Lorsque l’Institut émet une déclaration selon laquelle il n’y a pas, à son avis, d’intérêt dont la prise en compte s’impose spécialement au regard des soins à prodiguer au patient, au sens de l’article 1er, point 23, de la loi sur les médicaments, le médecin, s’il estime que la prescription du médicament par ordonnance reste nécessaire, remet au patient, en même temps que l’ordonnance, une copie de la déclaration de l’Institut et l’informe sur le contenu de la déclaration et sur les conséquences possibles de celle‑ci. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 En sa qualité d’autorité compétente pour surveiller les activités de commercialisation des médicaments, l’Institut a constaté que Pharma Expressz avait importé à plusieurs reprises d’un autre État membre de l’EEE un médicament n’ayant pas fait l’objet d’une AMM en Hongrie, mais qui était autorisé dans cet autre État membre de l’EEE comme médicament pouvant être délivré sans prescription médicale.

17 L’Institut a considéré que l’utilisation à des fins médicales d’un tel médicament devait lui être notifiée par le médecin prescripteur, lequel devait obtenir de sa part une déclaration relative à cette utilisation.

18 Par une décision du 7 mars 2019, l’Institut a enjoint à Pharma Expressz de s’abstenir de commercialiser des médicaments commandés dans un autre État membre, où ils n’étaient pas soumis à prescription médicale, sans avoir exigé une telle prescription et une déclaration de sa part pour leur commande et leur délivrance. Il a constaté que de tels faits constituaient une violation de l’article 12/A du décret ministériel 44/2004.

19 Pharma Expressz a formé un recours contre cette décision devant la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), tendant à ce qu’il soit constaté qu’elle n’avait commis aucune infraction dans le cadre de l’achat individuel de médicaments.

20 Pharma Expressz fait valoir que l’interprétation du droit hongrois effectuée par l’Institut revient à imposer une restriction quantitative à l’importation, contraire à l’article 34 TFUE, qui ne saurait être justifiée par l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes consacré à l’article 36 TFUE, et que la déclaration de l’Institut, nécessaire à l’importation de médicaments, n’est pas de nature à protéger la santé des personnes.

21 Elle considère que l’exigence de déclaration est disproportionnée, en ce que, notamment, l’État membre de l’EEE qui a autorisé le médicament en cause l’a classé dans la catégorie des médicaments pouvant être achetés sans prescription médicale selon des critères conformes aux règles et aux principes harmonisés de l’Union européenne. Dans certains États membres, les patients pourraient acheter dans les pharmacies des médicaments qui sont commercialisés dans un autre État membre sans y être soumis à prescription, car le classement des médicaments effectué par celui-ci y est accepté.

22 L’Institut considère que la réglementation hongroise en cause au principal impose une restriction quantitative à l’importation qui peut être justifiée par la protection de la santé et de la vie des personnes, lesquelles occupent le premier rang parmi les biens protégés par le traité FUE. Il relève que les États membres sont compétents pour décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique en matière de délivrance des médicaments.

23 L’Institut estime garantir l’accès de la population à des médicaments sûrs, en recueillant auprès de ses homologues dans les autres États membres des informations sur l’utilisation de médicaments étrangers à des fins médicales, sur l’existence d’une AMM et sur le point de savoir si un tel médicament peut être utilisé selon les indications pharmaceutiques données par le médecin.

24 Il souligne que tant qu’un médicament ne bénéficie pas d’une AMM en Hongrie, il n’est pas possible de déterminer s’il peut être délivré avec ou sans prescription, ce qui expliquerait qu’il n’ait pas examiné dans quelle catégorie les médicaments importés en l’occurrence étaient classés dans l’État membre de provenance.

25 La juridiction de renvoi estime nécessaire de déterminer si le fait que la directive 2001/83 établit des principes uniformes pour le classement des médicaments doit conduire un État membre à accepter inconditionnellement le classement de médicaments par un autre État membre et à accorder à ceux-ci le même traitement que celui qui est réservé aux médicaments qui bénéficient d’une AMM dans le premier de ces États.

26 Au vu de la jurisprudence de la Cour, la juridiction de renvoi estime que la réglementation hongroise en cause au principal constitue une mesure restrictive de la libre circulation des marchandises, ce qui rendrait nécessaire d’interpréter l’article 36 TFUE pour déterminer si cette mesure peut être justifiée par la protection de la santé et de la vie des personnes.

27 Elle relève que cette mesure pose deux exigences supplémentaires par rapport à celles prévues pour les médicaments bénéficiant d’une AMM nationale et pouvant être délivrés sans prescription médicale, à savoir une déclaration de l’Institut et une telle prescription.

28 La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir s’il est justifié que l’utilisation d’un médicament qu’un autre État membre a classé en tant que médicament non soumis à prescription médicale ne puisse avoir lieu que dans le cadre d’un traitement prodigué par un médecin.

29 Cette juridiction souligne que la déclaration effectuée par l’Institut contient, d’une part, des informations importantes pour la santé publique et pour le patient, obtenues des homologues de l’Institut établis dans les autres États membres et ne pouvant être directement consultées par le patient, le médecin ou la pharmacie, et, d’autre part, un avis sur l’intérêt du médicament concerné au regard des soins à prodiguer au patient, ce qui relèverait pourtant des compétences professionnelles d’un médecin.

30 Elle considère que la déclaration de l’Institut contient des informations pertinentes du point de vue de la sûreté d’un médicament, qu’il est nécessaire de porter à la connaissance du patient avant que ce médicament ne soit commandé.

31 Enfin, ladite juridiction fait remarquer que, du point de vue de la protection de la santé, il est important de savoir dans quel délai il est possible d’obtenir une déclaration, mais qu’elle ne dispose pas d’information à cet égard, la réglementation prévoyant un délai de huit jours pour obtenir cette déclaration, alors que Pharma Expressz fait référence à un cas dans lequel trois mois ont été nécessaires pour ce faire.

32 C’est dans ces circonstances que la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Ressort-il des articles 70 à 73 de la directive 2001/83 qu’un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un État membre doit également être considéré comme un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un autre État membre, même lorsque, dans cet autre État membre, le médicament en question ne bénéficie pas d’une [AMM] et n’a pas fait l’objet d’une classification ?

2) Une restriction quantitative qui impose une prescription médicale et une déclaration de l’autorité pharmaceutique comme conditions de la commande et de la délivrance au patient d’un médicament qui ne bénéficie pas d’une [AMM] dans un État membre, mais bénéficie d’une telle [AMM] dans un autre État membre [...], est‑elle justifiée au regard de la protection de la santé et de la vie des personnes, telle que visée à l’article 36 TFUE, même si le médicament est enregistré dans l’autre État membre comme pouvant être délivré sans prescription médicale ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 70 à 73 de la directive 2001/83 doivent être interprétés en ce sens qu’un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un État membre doit également être considéré comme un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un autre État membre, lorsque, dans celui-ci, ce médicament ne bénéficie pas d’une AMM et n’a pas fait l’objet d’une classification.

34 Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle les articles 70 à 73 de la directive 2001/83 établissent des principes uniformes de classement des médicaments, dont il résulte que la délivrance de certains médicaments est soumise à une prescription médicale et que la délivrance d’autres médicaments n’est pas soumise à une telle obligation. Dès lors, elle se demande si un État membre doit accepter le classement d’un médicament tel qu’il est établi par un autre État membre.

35 Or, il convient de relever que la directive 2001/83 contient une règle générale, exprimée à son article 6, paragraphe 1, selon laquelle aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une AMM ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre ou par la Commission européenne, en application de la procédure centralisée prévue par le règlement no 726/2004. Il en découle que, pour être commercialisés dans un tel État membre, les médicaments doivent avoir fait l’objet d’une autorisation préalable de mise sur le marché selon les procédures mentionnées dans cette directive (arrêt du 20 septembre 2007, Antroposana e.a., C‑84/06, EU:C:2007:535, point 35), ou selon la procédure centralisée prévue par le règlement no 726/2004.

36 En outre, la directive 2001/83 contient également des dispositions qui permettent, dans des conditions limitativement énumérées, de déroger à la règle figurant à son article 6, paragraphe 1, à l’exemple de ce que prévoit l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, qui offre la possibilité à un État membre d’exclure des dispositions de celle-ci la commercialisation de certains médicaments.

37 Par conséquent, il convient de reformuler la première question et de considérer que la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 70 à 73 de la directive 2001/83, lus à la lumière de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un État membre soit également considéré comme un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un autre État membre, lorsque, dans celui-ci, ce médicament ne bénéficie pas d’une AMM et n’a pas fait l’objet d’une classification.

38 En premier lieu, les articles 70 à 73 de la directive 2001/83 figurent au titre VI de celle-ci, intitulé « Classification des médicaments », cette dernière étant un processus qui s’inscrit dans le contexte, plus vaste, de la procédure d’octroi d’une AMM, ainsi que le souligne, d’ailleurs, la première disposition de ce titre, à savoir l’article 70, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, qui énonce que, « [l]orsqu’elles autorisent la mise sur le marché d’un médicament, les autorités compétentes précisent la classification du médicament en [...] médicament soumis à prescription médicale [ou en] médicament non soumis à prescription ».

39 Il découle de cette disposition que l’autorité compétente d’un État membre ne peut procéder à un tel classement qu’après qu’une AMM a été délivrée pour la commercialisation de ce médicament dans cet État.

40 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 46 de ses conclusions, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83 implique que les États membres doivent, en principe, interdire entièrement la commercialisation de médicaments qui ne bénéficient pas d’une AMM délivrée par un État membre, au titre de cette directive, ou par la Commission, au titre de la procédure centralisée prévue par le règlement no 726/2004 (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C‑322/01, EU:C:2003:664, point 52, et du 8 novembre 2007, Ludwigs-Apotheke, C‑143/06, EU:C:2007:656, point 19).

41 Dès lors, si un médicament ne bénéficie pas d’une AMM délivrée par l’autorité compétente de l’État membre dans lequel il est proposé à la vente ou d’une AMM délivrée à l’issue de ladite procédure centralisée, il ne peut être commercialisé dans cet État et la procédure de classification des médicaments prévue aux articles 70 à 73 de la directive 2001/83 est dépourvue d’incidence à cet égard.

42 S’agissant de la procédure de reconnaissance mutuelle d’une AMM, à laquelle il est, en substance, fait référence au considérant 12 de la directive 2001/83 et qui figure au titre III, chapitre 4, de cette directive, il doit être constaté qu’elle se déroule dans des conditions strictes et qu’elle est conditionnée par une demande du titulaire d’une AMM pour un médicament donné dans un État membre en vue de la reconnaissance de celle-ci dans les autres États membres, situation qui ne correspond pas aux circonstances de l’affaire au principal.

43 En deuxième lieu, le principe énoncé à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83 peut faire l’objet d’exceptions, ainsi qu’il a été mentionné au point 36 du présent arrêt.

44 Sur ce point, les dispositions nationales en cause au principal, ainsi que l’Institut et la Hongrie l’ont soutenu au cours de la procédure devant la Cour, semblent constituer la transposition dans le droit hongrois de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

45 Cette dernière disposition a pour effet, en excluant l’application des autres dispositions de la directive 2001/83, de permettre, en vue de répondre à des besoins spéciaux, la délivrance de médicaments fournis pour répondre à une commande loyale et non sollicitée, élaborés conformément aux spécifications d’un professionnel de santé agréé et destinés à des malades particuliers sous sa responsabilité personnelle directe.

46 Ainsi, dans le respect des termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il est possible de délivrer un médicament dans un État membre sans que ce médicament y bénéficie d’une AMM.

47 Par conséquent, les articles 70 à 73 de la directive 2001/83, lus à la lumière de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens que, sous réserve de la mise en œuvre de la dérogation prévue à cet article 5, paragraphe 1, ils s’opposent à ce qu’un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un État membre soit également considéré comme un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un autre État membre, lorsque, dans celui-ci, ce médicament ne bénéficie pas d’une AMM et n’a pas fait l’objet d’une classification.

48 En troisième lieu, les arguments présentés par la requérante au principal ne permettent pas de revenir sur cette conclusion.

49 Premièrement, s’agissant de la possibilité, pour une personne physique, d’acheter un médicament dans un État membre autre que l’État membre de résidence de celle-ci, il est vrai que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 57 de ses conclusions, le considérant 30 de la directive 2001/83 énonce que « toute personne qui se déplace dans [l’Union] possède le droit d’emporter une quantité raisonnable de médicaments obtenus licitement pour son usage personnel ». Toutefois, ce cas de figure très spécifique que cette directive a consacré ne correspond pas à l’hypothèse de la délivrance, par un pharmacien établi dans un État membre, d’un médicament ne bénéficiant pas d’une AMM dans cet État, mais bénéficiant d’une telle autorisation dans un autre État membre. En effet, ce considérant 30 renvoie à l’hypothèse du résident d’un État membre qui se rend dans un autre État membre et y acquiert un médicament qu’il rapporte dans son État de résidence.

50 Deuxièmement, les médicaments achetés par une personne dans un État membre autre que celui où elle réside, au moyen d’un service de messagerie, sont, en principe, soumis à l’obligation figurant à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83. Néanmoins, la Cour a admis, au regard du considérant 30 de cette directive, qu’un État membre puisse prévoir la possibilité d’un tel achat, même si les médicaments concernés ne bénéficient pas d’une AMM dans l’État membre de résidence du consommateur, en tant que mise en œuvre de la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 et dans le respect des conditions prévues par celle-ci, à savoir correspondre à une mise sur le marché d’une quantité limitée de médicaments dans le cadre d’une commande individuelle justifiée par des besoins spéciaux (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Ludwigs-Apotheke, C‑143/06, EU:C:2007:656, points 21 et 22).

51 Toutefois, cette situation ne semble pas correspondre à celle en cause au principal.

52 Troisièmement, la requérante au principal met également en avant la possibilité, pour une personne résidente d’un État membre, d’acheter des médicaments par Internet.

53 À cet égard, il convient de relever que, lorsque l’offre à la vente à distance de médicaments au public n’est pas interdite par la législation de l’État membre de destination de ces médicaments, ces derniers doivent, en vertu de l’article 85 quater, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/83, respecter la législation de cet État membre conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive. Partant, la délivrance de tels médicaments par Internet n’est possible que si ceux-ci bénéficient d’une AMM dans l’État membre de destination.

54 Il s’ensuit que les dispositions relatives à l’offre à la vente à distance de médicaments au public ne sont pas susceptibles d’influer sur la conclusion à laquelle la Cour est parvenue au point 47 du présent arrêt.

55 Enfin, la requérante au principal considère que la directive 2001/83 ne procède pas à une harmonisation complète de la vente de médicaments aux consommateurs finals, de telle sorte que l’article 6, paragraphe 1, de cette directive n’est pas pertinent.

56 Il est vrai que la Cour a jugé qu’une réglementation nationale relative à certaines conditions de délivrance de médicaments ne relève pas d’un domaine harmonisé du droit de l’Union (arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C‑222/18, EU:C:2019:751, point 56).

57 Toutefois, ce faisant, la Cour ne s’est prononcée qu’à l’égard des conditions matérielles de délivrance des médicaments, comme notamment, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les conditions de reconnaissance des documents émanant de professionnels de santé et présentés aux pharmacies aux fins de la délivrance de médicaments à l’usage de leurs patients ou clients.

58 Il ne saurait, dès lors, être déduit de l’arrêt du 18 septembre 2019, VIPA (C‑222/18, EU:C:2019:751), que la délivrance, dans un État membre, de médicaments n’y bénéficiant pas d’une AMM pourrait être soustraite aux règles fixées par la directive 2001/83 en la matière, notamment à celle figurant à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive. En effet, s’agissant de l’enregistrement et de l’AMM des médicaments à usage humain, ladite directive a établi un cadre réglementaire complet.

59 Par conséquent, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la première question que les articles 70 à 73 de la directive 2001/83, lus à la lumière de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que, sous réserve de la mise en œuvre de la dérogation prévue à cet article 5, paragraphe 1, ils s’opposent à ce qu’un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un État membre soit également considéré comme un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un autre État membre, lorsque, dans ce dernier État, ce médicament ne bénéficie pas d’une AMM et n’a pas fait l’objet d’une classification.

Sur la seconde question

60 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une restriction quantitative à l’importation imposant, pour la délivrance d’un médicament ne bénéficiant pas d’une AMM, une prescription médicale et une déclaration de l’autorité compétente en matière de santé est justifiée en raison de la protection de la santé et de la vie des personnes, même si ce médicament est enregistré dans un autre État membre comme pouvant être délivré sans prescription médicale.

61 Pour répondre à cette question, il importe de prendre en considération le fait que, ainsi qu’il ressort du point 44 du présent arrêt, les dispositions nationales en cause au principal, prévoyant ces exigences, semblent constituer la transposition dans le droit hongrois de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

62 Par conséquent, il convient de reformuler la seconde question et de considérer que la juridiction de renvoi demande, en substance, si une mesure nationale constituant la transposition de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 et imposant, pour la délivrance d’un médicament ne bénéficiant pas d’une AMM, une prescription médicale et une déclaration de l’autorité compétente en matière de santé visant à assurer le respect des conditions énoncées à cette disposition, constitue une restriction quantitative à l’importation ou une mesure d’effet équivalent, au sens de l’article 34 TFUE, qui peut être justifiée au titre de l’article 36 TFUE, pour des motifs liés à la protection de la santé et de la vie des personnes, même si ce médicament est enregistré dans un autre État membre comme pouvant être délivré sans prescription médicale.

63 D’emblée, il y a lieu de rappeler qu’une règle nationale par laquelle un État membre s’acquitte de ses obligations découlant de la directive 2001/83 ne saurait être qualifiée de restriction quantitative à l’importation ou de mesure d’effet équivalent relevant de l’article 34 TFUE (arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C‑322/01, EU:C:2003:664, point 53).

64 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 93 de ses conclusions, la mise en œuvre de la dérogation que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 prévoit est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives. En outre, cette disposition est d’interprétation stricte, dès lors que la possibilité d’importer des médicaments ne bénéficiant pas d’une AMM, prévue par une réglementation nationale mettant en œuvre la faculté prévue à ladite disposition, doit demeurer exceptionnelle afin de préserver l’effet utile de la procédure d’AMM et ne peut être exercée qu’en cas de nécessité, en tenant compte des besoins spécifiques des patients (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Commission/Pologne, C‑185/10, EU:C:2012:181, points 30 à 33).

65 Il en découle que, pour assurer la mise en œuvre de la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83, une réglementation doit remplir les conditions requises à cet égard, à savoir, notamment, que les médicaments délivrés sur la base de cette dérogation soient nécessaires pour satisfaire des besoins spéciaux de nature médicale (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Commission/Pologne, C‑185/10, EU:C:2012:181, points 42 et 43).

66 En effet, seule une réglementation nationale qui respecte le cadre de la dérogation, tel qu’il est fixé par les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83, et assure donc une transposition correcte de cette disposition ne constitue pas une restriction quantitative à l’importation ou une mesure d’effet équivalent (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2001, Bellamy et English Shop Wholesale, C‑123/00, EU:C:2001:214, point 21).

67 En l’occurrence, d’une part, la première condition prévue par la réglementation hongroise afin de permettre la délivrance de médicaments ne bénéficiant pas d’une AMM en Hongrie tient à l’existence d’une prescription du médicament à délivrer par un médecin, qui est la seule personne habilitée à saisir l’Institut afin que ce dernier se prononce sur l’existence d’un intérêt dont la prise en compte s’impose spécialement au regard des soins à prodiguer au patient, conformément à l’article 25, paragraphe 2, de la loi sur les médicaments.

68 À cet égard, il importe de relever que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 ouvre la possibilité de déroger aux dispositions de cette directive pour les médicaments « élaborés conformément aux spécifications d’un professionnel de santé agréé et destinés à ses malades particuliers sous sa responsabilité personnelle directe ».

69 Ainsi, l’exigence, prévue par le droit national, d’une prescription médicale respecte les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83, dès lors qu’un médecin est bien un professionnel de santé, au sens de cette disposition, laquelle, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, concerne des situations dans lesquelles le médecin joue un rôle déterminant (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, Novartis Pharma, C‑535/11, EU:C:2013:226, point 46).

70 D’autre part, la seconde condition prévue par la réglementation hongroise permet au médecin, au moyen de la déclaration de l’Institut, d’obtenir des informations sur l’existence et la validité, dans un autre État membre, d’une AMM pour le médicament dont la délivrance est envisagée en Hongrie, même en l’absence d’AMM dans ce dernier État. Cette déclaration contient également un avis de l’Institut sur l’existence d’un intérêt dont la prise en compte s’impose spécialement au regard des soins à prodiguer au patient.

71 À cet égard, la condition essentielle de mise en œuvre de la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 consiste dans le fait que le médicament dont la délivrance n’obéira pas à la règle générale prévue à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, selon laquelle l’obtention d’une AMM dans l’État membre de délivrance est requise, est bien autorisé dans un autre État membre. Il convient de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 107 de ses conclusions, qu’une déclaration telle que celle mentionnée au point précédent permet d’assurer le respect de cette condition.

72 En outre, il ne peut être recouru à la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que dans le cadre de « besoins spéciaux », au sens de cette disposition, dont la prise en compte s’impose en considération d’un objectif de sauvegarde de la santé publique. Il apparaît donc conforme à cet objectif que l’autorité compétente puisse décider, au cas par cas, s’il existe, dans une situation donnée, un besoin d’une telle nature qui justifie de déroger à la règle générale fixée à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

73 En conséquence, le recours à une déclaration de l’autorité compétente pourrait offrir au médecin un avis supplémentaire sur l’administration d’un médicament auquel il n’est pas nécessairement familiarisé. Une réglementation nationale prévoyant en outre la transmission de cet avis au patient paraît assurer, au surplus, la transparence de la procédure à l’égard de ce dernier.

74 Dès lors, une exigence prévue par le droit national, tenant à l’obtention d’une déclaration de l’autorité compétente en vue d’assurer le respect des conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83, constitue une transposition correcte de cette disposition.

75 Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question qu’une mesure nationale de transposition de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83 imposant, pour la délivrance d’un médicament ne bénéficiant pas d’une AMM, une prescription médicale et une déclaration de l’autorité compétente en matière de santé visant à assurer le respect des conditions énoncées à cette disposition ne constitue ni une restriction quantitative ni une mesure d’effet équivalent, au sens de l’article 34 TFUE.

Sur les dépens

76 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1) Les articles 70 à 73 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, lus à la lumière de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, telle que modifiée par la directive 2012/26, doivent être interprétés en ce sens que, sous réserve de la mise en œuvre de la dérogation prévue à cet article 5, paragraphe 1, ils s’opposent à ce qu’un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un État membre soit également considéré comme un médicament pouvant être délivré sans prescription médicale dans un autre État membre, lorsque, dans ce dernier État, ce médicament ne bénéficie pas d’une autorisation de mise sur le marché et n’a pas fait l’objet d’une classification.

2) Une mesure nationale de transposition de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2012/26, imposant, pour la délivrance d’un médicament ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché, une prescription médicale et une déclaration de l’autorité compétente en matière de santé visant à assurer le respect des conditions énoncées à cette disposition ne constitue ni une restriction quantitative ni une mesure d’effet équivalent, au sens de l’article 34 TFUE.