Livv
Décisions

Cass. com., 23 mai 1995, n° 92-19.088

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Lassalle

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Le Bret et Laugier, SCP Defrénois et Levis

Douai, du 2 juill. 1992

2 juillet 1992

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 juillet 1992), que la société Caillieret et Poirriez Serauto (la société Serauto) a été mise en redressement judiciaire ; que le plan de redressement par voie de continuation de l'entreprise, comportant l'obligation de reconstituer les capitaux propres à hauteur de la moitié du capital social avant le 31 mai 1989 et celle de libérer le capital souscrit avant le 15 septembre 1988, a été arrêté par jugement du 11 mars 1988 ; que le plan a été résolu par un jugement du 6 décembre 1991 qui a ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Serauto fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la demande d'annulation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le greffier doit, avant qu'il ne soit statué sur l'ouverture de la procédure, aviser le chef d'entreprise de la nécessité de réunir le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel, en vue de la désignation des personnes habilitées à être entendues ; que, dans les entreprises comptant moins de dix salariés, le représentant des salariés, qui est appelé à exercer, en outre, " les fonctions dévolues au comité d'entreprise ou, à défaut aux délégués du personnel par les dispositions du titre 1er de la loi du 25 janvier 1985 ", doit être désigné préalablement au jugement d'ouverture de la procédure, afin qu'il puisse être entendu par le Tribunal, et ce, a fortiori, lorsque celui-ci est invité à prononcer la résolution du plan de redressement et à ouvrir une procédure ne pouvant tendre qu'à la cession ou à la liquidation judiciaire ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt a écarté à tort la nullité invoquée du jugement, et a violé ensemble les dispositions d'ordre public des articles 6 et 139 de la loi du 25 janvier 1985 et 12 du décret du 27 décembre 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel, statuant sur l'appel d'un jugement du tribunal de commerce, qui a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire d'une personne morale, doit également entendre à titre préalable le représentant des salariés assumant, aussi, en raison de la taille de l'entreprise, les fonctions dévolues aux représentants du comité d'entreprise ou aux délégués du personnel ; que, par suite, la cour d'appel, qui ne tire aucune conséquence de l'absence d'invitation par le Tribunal à désigner un représentant des salariés et s'abstient elle aussi d'entendre ou d'appeler en vue de son audition ledit représentant, bien que le Tribunal eût entre-temps transformé la procédure ouverte selon le régime simplifié en une procédure de redressement judiciaire général, s'est prononcée après une procédure à l'audience viciée en violation des dispositions d'ordre public de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé que le représentant des salariés n'est désigné dans le régime général ou la procédure simplifiée, qu'après l'ouverture du redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part, que le débiteur n'a pas qualité pour se prévaloir du fait que le représentant des salariés n'a pas été convoqué à l'audience de la cour d'appel, statuant sur la demande de résolution du plan ;

D'où il suit que, irrecevable en sa seconde branche, le moyen est, en sa première branche, mal fondé ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Serauto fait grief aussi à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel n'était pas en mesure de retenir l'existence d'une mauvaise volonté des représentants de la société Serauto à exécuter les conditions du plan de redressement fixé par le jugement du 11 mars 1988 sans prendre en considération l'existence des règlements effectués chaque année au profit des créanciers des dividendes annuels globaux, laquelle constituait la condition la plus importante mise à la charge de la débitrice par le plan ; que, par suite, l'arrêt attaqué est entaché d'un manque de base légale au regard de l'article 80 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, qu'une procédure de redressement judiciaire ne peut être ouverte à l'encontre d'un débiteur qu'en cas d'impossibilité dûment caractérisée de faire face au passif exigible avec son actif disponible à partir de données factuelles et d'indications chiffrées ; qu'en l'état des conclusions d'appel de la société Serauto, faisant état d'une nette reprise d'activité attestée par l'administrateur judiciaire, compte tenu de l'obtention d'agrément pour effectuer les opérations de contrôle technique des véhicules, la cour d'appel devait rechercher si la débitrice était toujours dans l'impossibilité de faire face au passif vérifié avec son actif disponible ; qu'en s'en abstenant et en se bornant à considérer qu'à la date de sa décision ladite société n'avait toujours pas satisfait aux conditions du plan de redressement, l'arrêt n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 80 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Serauto n'avait pas exécuté les engagements financiers prévus au plan de continuation, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche prétendument omise, dès lors que la constatation de l'état de cessation des paiements n'est pas une condition nécessaire de l'ouverture d'une nouvelle procédure de redressement judiciaire consécutive à la résolution du plan de continuation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.