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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 8 juillet 2021, n° 20/00850

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Signes Design (SARL)

Défendeur :

Doublet (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

Avocats :

Me Delfly, Me Roggeman

T. com. Lille, du 13 mars 2012

13 mars 2012

Exposé du litige

La société Signes Design exerce une activité d'agence de publicité et de communication.

Elle a déposé le 21 février 2007 et le 31 juillet 2008, la marque « TDOU » auprès de l'INPI, déclinée sur le plan commercial en autocollants reprenant les logos originaux et les numéros de départements français.

Ces autocollants étaient notamment destinés à être collés sur la partie droite des plaques d'immatriculation des véhicules et sur toutes sortes d'objets (briquets, clés USB, stylos).

Afin d'assurer la commercialisation des autocollants de ladite marque, la société Signes Design a signé le 4 février 2009, un contrat de distribution exclusive avec la société Doublet.

Estimant que cette dernière n'a pas respecté ses obligations contractuelles, la société Signes Design a assigné la société Doublet devant le tribunal de commerce de Lille en résolution de celui-ci et en paiement de la somme de 280 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 13 mars 2012, le tribunal de commerce de Lille a :

- débouté la société Signes Design de toutes ses demandes,

- débouté la société Doublet de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Signes Design à payer à la société Doublet la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Signes Design aux dépens.

Suivant déclaration du 11 avril 2012, la société Signes Design a relevé appel de cette décision.

Suivant arrêt du 19 septembre 2013, la cour d'appel de Douai a :

- confirmé le jugement entrepris,

- constaté la résiliation du contrat,

- débouté la société Signes Design de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Signes Design à payer à la société Doublet la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Signes Design a formé un pourvoi contre cet arrêt et la cour de cassation, suivant arrêt du 23 juin 2015, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Amiens.

Suivant arrêt du 12 janvier 2017, la cour d'appel d'Amiens a :

- infirmé le jugement du tribunal de commerce de Lille du 13 mars 2012, statuant à nouveau

- dit que la société Doublet a manqué à ses obligations contractuelles en n'intégrant pas les produits de la marque « TDOU » dans ses catalogues et en ne les mettant pas sur son site internet,

- condamné en conséquence la société Doublet à payer à la société Signes Design la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Doublet à payer à la société Signes Design la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis à la charge de la société Doublet les dépens de première instance et des deux procédures d'appel.

La société Signes Design a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Suivant arrêt en date du 6 novembre 2019, la cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Douai.

Suivant déclarations des 11 février et 15 avril 2020, la société Signes Design a saisi la cour d'appel de Douai de l'affaire.

Les deux affaires ont été jointes le 14 janvier 2021.

Par conclusions du 15 avril 2020 la société Signes Design demande à la cour de :

Vu l'article 1147 du Code civil,

- Infirmer le jugement rendu le 13 mars 2012 par le Tribunal de commerce de LILLE (RG 12/02167)

Statuant de nouveau :

- Condamner la société DOUBLET à régler la somme de 280.000 € à la société SIGNES DESIGN ;

- DIRE ET JUGER que ce montant produira intérêts au taux légal à compter de la date de l'acte introductif d'instance, soit le 10 février 2011 ;

- DIRE ET JUGER que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts au taux légal ;

- Condamner la société DOUBLET au paiement desdits intérêts ;

- Condamner la-même à régler la somme de 30.000 à la société SIGNES DESIGN sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC

- La condamner en tous les frais et dépens.

Par conclusions du 24 juillet 2020, la société Doublet demande à la cour de :

Vu l'article 1037-1 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1131 et 1133 du Code Civil,

Vu l'arrêté du 9 février 2009 « fixant les caractéristiques et le mode de pose des plaques d'immatriculation des véhicules »,

Vu les articles 1134 et 1135 du Code Civil,

Vu l'article 1149 du Code Civil,

Vu l'article 1315 du Code de Procédure Civil et l'article 144 du Code de Procédure Civile,

A titre liminaire :

- DIRE que la société SIGNES DESIGN sera réputée s'en tenir aux moyens et prétentions développés devant la Cour d'Appel d'Amiens.

A titre principal :

- CONSTATER la caducité du contrat conclu le 4 février 2009 au 9 février 2009,

- PAR CONSÉQUENT, REJETER l'ensemble des demandes de la société SIGNES DESIGN au titre dudit contrat,

A titre subsidiaire :

- CONSTATER l'absence de responsabilité de la société DOUBLET à l'égard de la société SIGNES DESIGN,

- PAR CONSÉQUENT, REJETER l'ensemble des demandes de la société SIGNES DESIGN à ce titre, A titre infiniment subsidiaire :

- CONSTATER que l'obligation d'achat à hauteur de 140 000 ne valait que pour la première année du contrat,

- CONSTATER que la société SIGNES DESIGN échoue à apporter la preuve de son préjudice, ou à défaut, DESIGNER tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :

- Se faire communiquer tout élément comptable par la société SIGNES DESIGN ou son expert-comptable,

- Se faire communiquer par les parties tout autre élément qu'il jugerait nécessaire à l'exécution de sa mission,

- Rencontrer les parties s'il l'estime nécessaire à la réalisation de sa mission,

- Déterminer le montant de la marge sur coût variable que la société SIGNES DESIGN aurait réalisé au titre des produits objet du contrat au titre de la première année d'exécution du contrat.

- METTRE les honoraires de l'expert à la charge de la société SIGNES DESIGN en ce que cette expertise a pour objet de pallier sa carence dans la preuve du préjudice qu'elle allègue,

- SE RESERVER LA LIQUIDATION du préjudice.

En tout état de cause :

- CONDAMNER la société SIGNES DESIGN au paiement à la société DOUBLET de la somme de 10 000 € pour procédure abusive,

- CONDAMNER la société SIGNES DESIGN au paiement à la société DOUBLET d'une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

- Sur les dernières écritures de la société Signes Design

La société Doublet soutient, qu'en violation de l'article 1037-1 du code de procédure civile, la société Signes Design n'a pas conclu dans les deux mois de la déclaration de saisine de la cour de Douai, désignée cour de renvoi par la cour de cassation, de sorte que par application du dit texte, elle sera réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé (cour d'appel d'Amiens), les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 n'étant pas applicables en l'espèce.

L'article 1037-1 alinéa 3 du code de procédure civile prévoit que l'auteur de la déclaration de saisine doit remettre au greffe et notifier ses écritures dans les deux mois suivant cette déclaration.

La première déclaration de saisine de la cour d'appel de la société Signes Design est du 11 février 2020.

Elle a effectivement signifié ses écritures le 15 avril 2020, soit plus de deux mois après ladite déclaration.

Toutefois l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, caducité prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque, qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er du texte, c'est à dire pendant la période protégée dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué pendant le délai de protection fixé par le dit texte, soit avant le 23 juin 2020.

Le régime procédural prévu aux articles 1032 et suivants du code de procédure civile, rentre dans les prévisions du texte précité contrairement à ce que soutient l'intimée.

Les conclusions de l'appelante qui ont été signifiées dans le délai prévu par le dit texte, sont donc recevables et c'est de manière inopérante que la société Doublet soutient que la société Signes Design sera réputée s'en tenir à ses moyens et prétentions développés devant la cour d'appel d'Amiens.

- présentation des principales stipulations du contrat intéressant le litige

Le fabriquant (la société Signes Design), a accordé au distributeur, (la société Doublet), l'exclusivité de la commercialisation des produits définis au contrat comme étant exclusivement les autocollants sur lesquels sera apposée la marque « TDOU », et qui seront fabriqués par Signes Design, sur le territoire français, auprès des collectivités territoriales (article 2 du contrat).

Le contrat prévoit en son article 5.1 que le distributeur organisera sous sa seule responsabilité et à ses frais les actions et campagnes publicitaires pour la promotion des produits et de la marque sur l'ensemble du territoire (...).

Il s'engage à un certain nombre de prestations précises et prévoit que la politique globale de communication devra être arrêtée une fois par an en décembre par le distributeur en accord avec le fabricant.

L'article 6 du contrat prévoit les stipulations suivantes :

« Les conditions de la coopération commerciale et les objectifs en termes de chiffre d'achats annuels ou de produits de vente à créer seront fixés chaque année par le Fabricant afin d'assurer la meilleure exploitation du potentiel commercial.

Pour la première année suivant la signature du présent contrat, le Distributeur s'engage à réaliser au minimum 100 ventes et à réaliser un chiffre d'achat annuel net HT minimum de 140 000 euros.

Ce chiffre d'achats annuels nets HT minimum est adapté en fonction de la durée effective de la première année si celle-ci est inférieure ou supérieure à un an. Il s'entend sans aide publicitaire et promotionnelle particulière du Fabricant. »

Seuls les achats de produits effectués par le Distributeur directement auprès du Fabricant et ayant été facturés (...) Seront pris en compte à la fin de l'année pour déterminer si le chiffre d'achats annuels HT minimal a été ou non réalisé.

Si le Distributeur n'atteint pas l'objectif dans les conditions ci-dessus fixées, le présent contrat pourra être résilié par le Fabricant conformément aux dispositions prévues à la clause « résiliation » s'agissant d'une clause essentielle du contrat.

L'article 13 prévoit qu'en cas d'inobservation par l'une ou l'autre des parties d'une quelconque de ses obligations, convenues aux termes des présents ou de ses annexes, 15 jours après une mise en demeure d'avoir à y remédier, faite par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée sans effet, d'avoir à respecter ladite obligation de faire, de ne pas faire ou de payer, les présentes sont résiliées de plein droit.

L'article 11 stipule pour sa part que le contrat est conclu pour une durée déterminée de deux ans à compter de sa date de signature par les deux parties, qu'il se renouvellera ensuite pour une durée de douze mois par tacite reconduction à moins que celle des parties qui ne désire pas ce renouvellement en informe l'autre moyennant le respect d'un préavis de 6 mois adressé par lettre recommandée avec accusé de réception, que le non renouvellement ou la résiliation du contrat ne donnent droit à aucune indemnité.

- sur le non-respect par la société Doublet de ses obligations contractuelles

La société Signes Design reproche à la société Doublet de n'avoir pas respecté ses obligations contractuelles telles qu'elles résultent des articles 5 et 6 c'est à dire :

- de ne pas avoir procédé à la mise en ligne de « TDOU » sur ses sites et catalogues électroniques ou papier, limitant ses diligences à la seule réservation d'un espace au salon des maires de France 2008/2009,

- de ne pas avoir procédé à une commande minimum, la première année, de 140 000 euros hors taxe, la deuxième année devant, selon elle, porter sur des commandes d'un montant supérieur à celui de la première année.

La société Doublet fait valoir pour sa part, en réplique, que le contrat conclu entre elle-même et la société Signes Design est devenu caduc à raison de l'absence de toute contrepartie réelle aux engagements qu'elle a souscrits mais également parce que sa cause est devenue illicite. Elle en déduit qu'à la date à laquelle le contrat est devenu caduc, le 9 février 2020, elle s'est trouvée libérée de toute obligation contractuelle de sorte qu'aucune responsabilité n'est par elle encourue.

Subsidiairement elle conclut à son absence totale de responsabilité.

* Sur la caducité du contrat

Quelques jours après la signature du contrat, un arrêté ministériel du 9 février 2009 a prévu que :

- aucune information ou indication non prévue par le présent arrêté ne doit figurer dans la partie utile de la plaque d'immatriculation (article 5),

- l'identifiant territorial doit être intégré dans sa globalité à la plaque d'immatriculation et être situé dans la partie utile de la plaque à la droite de celle-ci sur fond bleu non obligatoirement rétroréfléchissant,

- il est interdit de modifier les plaques d'immatriculation ou d'y ajouter un élément (article 10).

L'intimée fait valoir que ce qui a motivé son engagement contractuel et a constitué la cause du contrat conclu avec Signes Design est la modification du format des plaques d'immatriculation faisant disparaitre tout identifiant autre que l'appartenance à l'Union européenne et le marché ouvert par la possibilité de palier à cette nouvelle réglementation en apposant sur la plaque un autocollant permettant de revendiquer son appartenance à son département.

Elle ajoute que la publication de l'arrêté a rendu la cause du contrat illicite dès lors que le dit texte prohibe de modifier les plaques d'immatriculation et d'y ajouter un élément, ce qui rend illicite sa cause, et le privant d'un de ses éléments essentiels, justifie par ailleurs sa caducité.

Il est certain que la publication de l'arrêté du 9 février 2009, dont il n'est pas contesté qu'il a réglementé les caractéristiques et le mode de pose des plaques d'immatriculation des véhicules en prévoyant l'existence d'un identifiant territorial constitué par le logo officiel d'une région et du numéro de l'un des départements de la dite région et en confiant leur reproduction aux seuls fabricants de plaques titulaires d'homologation, a été de nature à diminuer significativement l'attractivité des produits de la marque 'TDOU' conçus en grande partie pour répondre à l'émoi suscité par la disparition de tout identifiant territorial sur les plaques minéralogiques.

Il n'en demeure pas moins que les stipulations du contrat ci-dessus rappelées ont prévu la distribution par la société Doublet des autocollants de la marque TDOU, fabriqués par Signes Design, sans que ceux-ci soient destinés aux seules plaques d'immatriculation des véhicules tandis qu'il n'est pas contesté que les produits TDOU visés ne concernent pas que les identifiants territoriaux visés à l'arrêté du 9 février 2009 mais également d'autres collectivités territoriales et notamment plusieurs villes.

C'est dès lors vainement que la société Doublet soutient que la publication du dit arrêté a privé le contrat de toute cause ou a rendu celle-ci illicite.

Il s'ensuit qu'il convient de rejeter sa demande tendant à voir dire le dit contrat caduc.

* Sur la violation de ses obligations contractuelles par la société Doublet.

L'article 5.1 est ainsi rédigé :

« Le distributeur organisera sous sa seule responsabilité et à ses frais les actions et campagnes publicitaires pour la promotion des produits et de la Marque sur l'ensemble du territoire défini à l'article 2.2 conformément à son analyse du marché.

Il s'engage ainsi dans ce but à assurer notamment les prestations suivantes :

- E-mailing et/ou fax mailing portant sur les Produits et la Marque auprès de l'ensemble de sa base client,

- intégration des produits et de la marque dans son catalogue en ligne et dans son catalogue papier,

- mise en avant des produits et de la Marque sur son site internet et notamment par leur intégration parmi les nouveautés,

(...). »

La société Doublet ne conteste pas ne pas avoir respecté l'obligation contractuelle de procéder à des campagnes publicitaires pour la promotion des produits et ne pas avoir notamment intégré les produits dans son catalogue en ligne, dans son catalogue papier et sur son site internet, alors que la dite obligation, qui figure explicitement dans l'énumération des prestations à effectuer par le distributeur n'est soumise à aucune condition et s'imposait à elle en contrepartie de l'exclusivité qui  était confiée.

C'est dès lors de manière inopérante que la société Doublet fait valoir que :

- il s'agit d'un choix d'opportunité parfaitement compréhensible qui a été fait en concertation avec le représentant de Signes Design,

- l'absence de réclamation de la part de cette dernière pendant plus de deux ans est la preuve irréfutable de l'absence de grief de sa part pendant cette période et son accord oral ou au moins tacite à la politique commerciale de Doublet, dès lors qu'elle ne l'a pas mise en demeure de remplir ses objectifs,

- les produits n'étaient pas adaptés aux collectivités territoriales,

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de distribution des autocollants « TDOU », la stratégie commerciale ayant été adaptée au peu de succès du produit,

- l'absence totale de vente enregistrée, même à l'issue du salon des maires de France, démontre en tout état de cause l'absence de lien de causalité entre l'absence d'insertion dans le catalogue des produits TDOU et l'échec commercial des produits concernés,

- la responsabilité de l'échec de la commercialisation des produits n'incombe pas à la société Doublet mais au concepteur du produit et à l'évolution de la réglementation, indépendante de la volonté des parties.

Ainsi, et sauf à dénaturer la clause claire et précise qui obligeait la société Doublet à effectuer les opérations promotionnelles qui lui incombait en vertu du contrat signé, et à ne pas tirer les conséquences de la constatation du non-respect par la société Doublet de ses obligations à cet égard, il convient de dire que cette dernière engage sa responsabilité vis à vis de la société Signes Design de ce chef.

Il résulte par ailleurs de l'article 6 du contrat que la société Doublet s'est obligée à l'obtention d'un résultat à savoir la réalisation d'un minimum de cent ventes et la réalisation d'un chiffre d'achats annuel net HT de 140 000 euros.

La société Doublet ne conteste pas qu'elle n'a nullement réalisé le chiffre d'achats annuel ou le nombre de vente minimum contractuellement prévu, ces résultats n'étant aucunement conditionnels ou donnés à titre indicatif.

Elle engage ainsi également sa responsabilité vis à vis de la société Signes Design de ce chef.

- Sur le préjudice de la société Signes Design

La société Signes Design considère que les violations contractuelles commises par la société Doublet lui ont causé un préjudice financier caractérisé par une perte de marge brute qu'il convient d'indemniser sur deux ans, durée du contrat, à hauteur de 222 000 euros.

Elle ajoute qu'elle a en outre perdu une chance de contracter avec la société Artus Bertand, a souffert d'une perte de notoriété de son produit qui disposait d'une forte visibilité en 2008, et qu'elle a été asphyxiée financièrement ce qui l'a contrainte à procéder à des licenciements.

Elle fait observer qu'elle doit faire face à un environnement concurrentiel qui n'existait pas en 2009.

De ces chefs elle réclame la somme de 58 000 euros, de sorte que selon elle la société Doublet doit être condamnée à lui verser la somme totale de 280 000 euros.

La société Doublet pour sa part soutient que l'évaluation du préjudice financier sollicitée par la société Signes Design est excessive et irréaliste.

Elle considère qu'il convient de retenir, non pas la perte de marge brute mais la perte de marge sur couts variables.

Elle considère que les autres chefs de préjudices sont infondés.

L'évaluation du préjudice doit être effectuée sur les deux années au cours desquelles les parties ont été liées par le contrat du 4 février 2009.

S'agissant de l'année 2009 la société Signes Design était liée par l'objectif minimum contractuellement convenu entre les parties (140 000 euros de chiffres d'achat ou 100 ventes).

Aucun de ces objectifs n'ayant été réalisé, la société Signes Design a nécessairement subi un manque à gagner que le cabinet d'expertise comptable Exponentiel, évalue, aux termes d'une attestation versée aux débats, à 222 000 euros sur deux années, considérant qu'il conviendrait d'ajouter à cette somme les frais d'échantillons salon et frais divers engagés, pour 10 000 euros.

Cette somme de 10 000 euros n'est toutefois pas réclamée par la société Signes Design.

La société Doublet conteste l'évaluation du préjudice présentée par l'appelante sans toutefois faire nulle offre de preuve ou d'un quelconque élément chiffré qui soit susceptible de remettre en cause le chiffrage effectué.

La cour considère en conséquence que le préjudice subi par la société Signes Design au titre de l'année 2009, dès lors que les objectifs contractuellement fixés n'ont pas été atteints, s'établit à 111 000 euros (222 000/2).

S'agissant de l'année 2010, la cour fait observer :

- que le contrat prévoit que les parties doivent s'accorder sur un objectif chiffré de vente minimal pour la seconde année mais que toutefois aucune stipulation n'a mis à charge de l'une ou l'autre des parties l'obligation de prendre attache avec son cocontractant pour déterminer ce chiffre minimal, et que celui-ci n'a pas été fixé,

- que la société Signes Design ne pouvait ignorer les changements réglementaires intervenus et leur influence nécessaire sur l'attractivité de ses produits, les dits changements ayant modifié l'équilibre même de la convention signée même s'ils ne l'ont pas anéantie,

- qu'au vu des produits définis par ladite convention, lesquels ne se limitent pas aux seuls autocollants destinés aux plaques d'immatriculations, des débouchés offerts à l'ensemble des dits produits, mais tenant compte toutefois de l'attractivité plus réduite de la gamme des objets susceptibles d'être vendus, la cour considère que le chiffre d'achat n'aurait pu dépasser pour l'année concernée la somme de 25 000 euros, ce qui compte tenu du taux de marge dont personne ne soutient qu'il fut différent pour 2010, établit le préjudice pour l'année concernée à la somme de 19 750 euros.

La cour fixe ainsi, au vu des éléments dont elle dispose à la somme de 140 750 euros (111 000 euros +19 750 euros) le préjudice économique subi par la société Signes Design, sans qu'il soit dès lors nécessaire d'ordonner une expertise.

S'agissant des autres préjudices invoqués par la société Signes Design, il convient d'observer que cette dernière soutient de manière inopérante qu'elle aurait perdu une chance de contracter avec la société Arthus Bertrand dès lors que les évènements ayant affectés l'exécution du contrat conclu sont postérieurs à la date de sa signature, laquelle est intervenue après que la société Signes Design a comparé les offres respectives des deux entreprises et choisi librement, au vu des conditions proposées par la société Doublet de contracter avec cette dernière.

La société Signes Design ne verse par ailleurs aucun élément qui démontre qu'elle s'est trouvée asphyxiée financièrement à raison de l'attitude de sa co-contractante et qu'elle a été, comme elle le soutient, contrainte de procéder à des licenciements ou que ses fournisseurs ou banquiers se sont montrés plus exigeants à son égard

Enfin, c'est de manière inopérante qu'elle reproche à la société Doublet la perte de notoriété de son produit qui disposait d'un forte visibilité en 2008 et le fait qu'elle doit faire face à un environnement concurrentiel qui n'existait pas en 2009 dès lors que même si la commercialisation des produits de la société Signes Design ne concerne pas que les autocollants devant figurer sur les plaques d'immatriculation, c'est sur la base de ceux-ci que cette dernière a entendu fonder sa communication et sa renommée, et que, comme l'a cour l'a déjà dit, c'est essentiellement la réglementation issue de l'arrêté du 9 février 2009 qui est à l'origine de la perte d'attractivité et donc de notoriété de ses produits et non l'attitude de la société Doublet même si cette dernière n'a pas respecté ses obligations contractuelles de vente ou de communication commerciale, ce qui ne justifie pas l'indemnisation d'un préjudice spécifique de ce chef, distinct de ceux déjà fixés par la cour.

Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal de commerce de Lille du 13 mars 2012 doit être infirmé et que la société Signes Design doit être condamnée à verser à la société Doublet la somme de 140 750 euros en réparation de son préjudice avec intérêt au taux légal à compter du 10 février 2011, date de l'acte introductif d'instance.

Les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux même intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

- Sur les autres demandes

La société Doublet sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucune attitude procédurale fautive ou dilatoire de la société Signes Design n'étant établie en la présente instance.

La société Doublet qui succombe, est condamnée aux dépens mais les circonstances de la cause justifie qu'il n'y a pas lieu à sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Dit qu'il n'y a pas lieu pour Signes Design de s'en tenir aux conclusions qu'elle a déposées devant la cour d'appel d'Amiens et que ses dernières écritures sont recevables,

- Infirme le jugement, statuant à nouveau

- Condamne la société Doublet à payer à la société Signes Design la somme de 140 750 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2011,

- Dit que la capitalisation des intérêts pourra intervenir conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- Déboute la société Doublet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamne la société Doublet aux dépens,

- Déboute la société Signes Design de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.