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Décisions

ADLC, 12 juillet 2021, n° 21-D-17

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Grégoire Colmet-Daâge et M. Frédéric Fustier, rapporteurs et l’intervention de Mme Lauriane Lépine-Sarandi, rapporteure générale adjointe, par Mme Isabelle de Silva, présidente, Mme Irène Luc, vice-présidente et Mme Valérie Bros, membre.

ADLC n° 21-D-17

12 juillet 2021

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la saisine, enregistrée le 31 août 2020 sous le numéro 20/0083 F, par laquelle l'Alliance de la Presse d’Information Générale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Départementale et le Syndicat de la Presse Hebdomadaire Régionale, ont saisi l’Autorité de la concurrence en inexécution des mesures conservatoires prononcées à l'encontre des sociétés Google LLC, Google Ireland LTD et Google France dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 ;

Vu la saisine, enregistrée le 2 septembre 2020 sous le numéro 20/0084 F, par laquelle le Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine a saisi l’Autorité de la concurrence en inexécution des mesures conservatoires prononcées à l'encontre des sociétés Google LLC, Google Ireland LTD et Google France dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 ;

Vu la saisine, enregistrée le 2 septembre 2020 sous le numéro 20/0085 F, par laquelle l’Agence France-Presse a saisi l’Autorité de la concurrence en inexécution des mesures conservatoires prononcées à l'encontre des sociétés Google LLC, Google Ireland LTD et Google France dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 ;

Vu le livre IV du code de commerce, et notamment ses articles L. 464-2 et L. 464-3 ;

Vu la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse ;

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020 rendu dans le cadre du recours formé par les sociétés Google LLC, Google Ireland LTD et Google France contre la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 ;

Vu la décision du 30 septembre 2020, par laquelle la rapporteure générale adjointe a procédé à la jonction de l’instruction des affaires 20/0083 F, 20/0084 F et 20/0085 F ;

Vu les décisions de secret d'affaires n° 20-DSA-496 du 13 octobre 2020, n° 20-DSA-509 du 19 octobre 2021, n° 20-DSA-541 du 03 novembre 2020, n° 20-DSA-583 du 19 novembre 2020, n° 20-DSA-584 du 19 novembre 2020, n° 20-DSA-644du 03 décembre 2020, n° 20-DSA-646 du 04 décembre 2020, n° 20-DSA-648 du 04 décembre 2020, n° 20-DSA-649 du 04 décembre 2020, n° 20-DSA-659 du 16 décembre 2020, n° 20-DSA-661 du 18 décembre 2020, n° 20-DSA-674 du 29 décembre 2020, n° 21-DSA-016 du 12 janvier 2021, n° 21-DSA-017 du 12 janvier 2021, n° 21-DSA-018 du 12 janvier 2021, n° 21-DSA-061 du 26 janvier 2021, n° 21-DSA-070 du 01 février 2021, n° 21-DECR-071 du 02 février 2021, n° 21-DECR-076 du 04 février 2021, n° 21-DECR-080 du 08 février 2021, n° 21-DECR-082 du 08 février 2021, n° 21-DSA-143 du 22 mars 2021, n° 21-DSA-150 du 25 mars 2021, n° 21-DSA-157 du 29 mars 2021, n° 21-DSA-171 du 31 mars 2021, n° 21-DSA-177 du 06 avril 2021, n° 21-DSA-189 du 09 avril 2021, n° 21-DSA-192 du 13 avril 2021 ;

Vu les observations présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a., l’Agence France-Presse et les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd, Google France, ainsi que par le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, les représentants du Syndicat des éditeurs la presse magazine, de l’Alliance de la presse d'information générale e.a., de l’Agence France-Presse, des sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd, Google France et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 5 mai 2021 ; Les représentants du Groupe Amaury/L’Équipe et de la Fédération Française des Agences de Presse entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 463-7 du code de commerce ; Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») sanctionne les sociétés Google LLC, Google Ireland Limited et Google France (ci-après « Google ») pour ne pas avoir respecté les mesures conservatoires qu’elle a prononcées dans le cadre de sa décision n° 20-MC-01 du 09 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse (ci-après la « Décision de mesures conservatoires »). Ces mesures conservatoires portent sur les modalités de mise en œuvre par Google de la Loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse (ci-après, la « Loi »).

La Loi, qui transpose en droit français l’article 15 de la directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, a pour objectif de mettre en place les conditions d’une négociation équilibrée entre éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne, afin de redéfinir le partage de la valeur entre ces acteurs. Or, au motif de se conformer à la Loi, Google a décidé unilatéralement qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. Dans la Décision de mesures conservatoires, l’Autorité a ainsi constaté que les pratiques en cause étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante et qu’elles portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse. Elle a prononcé, dans la Décision de mesures conservatoires, sept injonctions en vue de rééquilibrer le rapport de force entre les différents acteurs de la presse et les plateformes numériques et définir un cadre de négociation impératif et adapté aux circonstances de l’espèce. Ces injonctions imposaient à Google les obligations suivantes :

– l’entrée en négociation de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse qui le désirent (Injonction n° 1) pendant une période de trois mois à compter de la demande de l’éditeur ou de l’agence de presse (Injonction n° 4) ;

– la communication des informations nécessaires à l’évaluation transparente de la rémunération prévues à l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle (le « CPI ») (Injonction n° 2) ;

– le maintien de l’affichage des extraits de texte, des photographies et des vidéos selon les modalités choisies par l’éditeur ou l’agence de presse concernés pendant la période de négociation (Injonction n° 3) ;

– le respect d’un principe de neutralité des négociations, ces dernières ne devant pas affecter la façon dont sont indexés, classés et plus généralement présentés les contenus protégés des éditeurs et agences concernés sur les services de Google (Injonction n° 5), ce même principe de neutralité au regard des négociations étant également applicable aux autres relations commerciales que Google entretient avec les éditeurs et agences de presse (Injonction n° 6) ; et, enfin,

– l’envoi à l’Autorité des rapports réguliers sur les modalités de mise en œuvre de la présente décision (Injonction n° 7).

Par un arrêt du 8 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé cette décision, en précisant la formulation de l’injonction n° 5 par l’ajout des termes suivants :

« Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires de droits voisins concernés par les négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision. ».

La présente décision intervient à la suite de la saisine, le 30 août 2020 et le 2 septembre 2020, de l’Autorité par le Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine (ci-après « le SEPM »), l'Alliance de la Presse d'Information Générale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale, le Syndicat de la Presse Quotidienne Départementale et le Syndicat de la Presse Hebdomadaire Régionale (ci-après, conjointement, « l’APIG »), lesquels représentent les intérêts d’un très grand nombre d’éditeurs de presse publiant des titres de journaux et de magazines en France, et l’Agence France-Presse (ci-après « l’AFP ») (ci-après, conjointement, les « saisissantes ») pour inexécution par Google des mesures conservatoires prononcées dans la Décision.

Dans la présente décision, l’Autorité considère que Google n’a pas respecté les Injonctions n° 1, 2, 5 et 6 prononcées dans la Décision de mesures conservatoires.

- Sur le non-respect de l’obligation de négociation de bonne foi (Injonction n° 1) :

L’Autorité estime que Google a manqué à son obligation de négociation de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse ayant présenté une demande d’entrée en négociation au titre de la Décision de mesures conservatoires.

En particulier, l’Autorité relève que Google a entretenu, de manière constante, un lien entre les discussions portant sur la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés par la Loi et la conclusion d’un nouveau partenariat global dénommé Publisher Curated News, ou PCN, lequel portait principalement sur de nouveaux services, notamment le service dénommé Showcase. Par ce partenariat, Google a cherché à obtenir une licence portant sur l’intégralité des contenus des éditeurs, dont les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés n’étaient, au mieux, qu’une composante accessoire, sans valorisation financière spécifique.

L’Autorité considère que Google a, en outre, réduit de façon significative le champ d'application de la Loi, pourtant dénué d'ambiguïté, en excluant le principe d'une rémunération des contenus de presse issus d’éditeurs ou agences de presse ne disposant pas d'une qualification « information politique et générale » (IPG) et en refusant aux agences de presse, pendant la quasi-totalité des négociations, le bénéfice d'une rémunération de leurs contenus repris par les éditeurs.

L’Autorité constate également que Google a retenu une conception excessivement restrictive de la notion de revenus tirés de l’affichage de contenus de presse au titre de l’article L. 218-4 du CPI : Google n’a retenu, au titre de cette assiette, que les seuls revenus publicitaires (Google Ads) des pages de Google Search sur lesquelles s’affichent des contenus protégés, et a exclu la prise en compte de toute autre forme de revenus indirects générés par la présence de contenus protégés sur Google Search, ou sur d’autres services comme Google Actualités ou encore Discover. Or, la Décision, comme l’arrêt de la cour d’appel, ont relevé que l’affichage de contenus protégés sur les différents services de Google contribuait à l’attractivité de ses services et à leur amélioration, et pouvait notamment procurer des avantages en termes de déclenchement des visites des internautes et d’allongement des durées de consultation, ce qui induit l’accès pour Google à des données qui peuvent ensuite être utilisées et valorisées.

- Sur le non-respect de l'obligation de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations prévues à l'article L. 218-4 du CPI (Injonction n° 2) :

L’Injonction 2 devait garantir l'effet utile de l'Injonction 1, en permettant aux éditeurs et agences de presse entrant en négociation de disposer des éléments nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due.

L’Autorité constate que les communications d’informations par Google ont été soit partielles, s’agissant du périmètre des services et des revenus de Google, soit tardives par rapport à l’échéance des négociations, soit non spécifiques aux contenus protégés de l’entité à laquelle la communication était adressée. Ces communications étaient insuffisantes pour permettre à l’éditeur ou à l’agence de presse de faire le lien entre l’utilisation par Google de contenus protégés, les revenus qu’elle en tire, et sa proposition financière.

L’Autorité constate que les données communiquées par Google pendant la plus grande partie de la période de négociations se sont limitées au seul service de moteur de recherche en ligne Google Search, à l’exclusion des autres services de Google et de tout autre revenu indirect que Google tire de l’exploitation de ces contenus, ce qui illustre la conception excessivement restrictive retenue par Google de la notion de revenus tirés de l’affichage de contenus de presse.

L’Autorité relève en outre que, dès le début des négociations et tout au long de celles-ci, Google avait pourtant reçu des demandes de communication d’informations qu’elle a choisi d’ignorer, alors même qu’elles étaient pertinentes et conformes aux prescriptions des dispositions législatives applicables et de la Décision de mesures conservatoires.

- Sur le non-respect de l’obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins sur toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse (Injonction n° 6) :

Google, pendant la quasi-totalité de la période de négociation, a conditionné l’accès au programme de partenariat global Showcase à l’acceptation par les éditeurs et agences de presse d’une rémunération globale, sans rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle de contenus protégés au titre des droits voisins, en violation de l’Injonction n° 1 ainsi qu’il a été dit ci-dessus. Or, l’Autorité constate que l’accès au programme Showcase emportait des conséquences significatives en termes de visibilité pour les éditeurs et agences de presse. Le mécanisme mis en place par Google était ainsi de nature à inciter fortement ces derniers à accepter les conditions imposées par Google sous peine de voir leurs conditions de visibilité se dégrader à l’égard des autres éditeurs et agences de presse ayant accepté de participer à ce programme.

L’Autorité précise que, s’il était loisible à Google de proposer de nouveaux partenariats, tels que Showcase ou Subscribe With Google (SwG), aux éditeurs et agences de presse, il lui appartenait de permettre à ces derniers de négocier une rémunération distincte portant sur les utilisations actuelles des contenus protégés.

- Sur le non-respect de l’obligation de neutralité sur la façon dont sont indexés, classés et, plus généralement, présentés les contenus protégés sur ses services (Injonction n° 5) :

L’Autorité constate qu’en établissant un lien entre les négociations sur la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles et celles sur la rémunération de nouveaux partenariats tels que Showcase, ce qui pouvait emporter des conséquences importantes sur la visibilité des éditeurs et agences de presse sur les services de Google, cette dernière a violé l’obligation de neutralité des négociations sur la présentation des contenus protégés sur ses services.

Au vu de ce qui précède, l’Autorité considère que Google n’a pas respecté, tant au regard de leur lettre que de leur objet, les Injonctions n° 1, 2, 5 et 6 dans le cadre temporel fixé par les Injonctions. Les négociations intervenues postérieurement au délai de trois mois fixé par les Injonctions ne conduisent pas à revenir sur ce constat.

L’Autorité relève l’exceptionnelle gravité d’un tel manquement, en particulier au regard de la stratégie délibérée, élaborée et systématique de non-respect de l’Injonction 1 mise en œuvre par Google. Elle considère que le comportement de Google a porté atteinte à l’objectif poursuivi par la Décision, découlant de la Loi, de permettre aux éditeurs et agences de presse de négocier avec Google dans un cadre équilibré en vue de définir tant les modalités d’une reprise et d’un affichage de leurs contenus que les rémunérations pouvant y être associées. L’Autorité note que l’établissement de liens entre la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et la participation à des nouveaux services de Google constitue un détournement de l’objectif des Injonctions au profit de Google, qui est susceptible d’accroître encore davantage sa position dominante sur le marché des services de recherche généraliste.

L’Autorité estime qu’il y a lieu de prononcer une sanction de 500 millions d’euros.

Pour assurer la pleine exécution des injonctions prononcées dans la Décision de mesures conservatoires, l’Autorité enjoint Google :

– au titre de l’exécution de l’Injonction n° 1, de proposer une offre de rémunération répondant aux prescriptions de la Loi et de la Décision au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés sur les services de Google aux saisissantes qui présenteraient une demande formelle de réouverture des négociations ;

– au titre de l’exécution de l’Injonction n° 2, d’assortir cette offre des informations prévues à l’article L. 218-4 du code de propriété intellectuelle. Ces informations devront comprendre une estimation des revenus totaux qu’elle génère en France par l’affichage de contenus protégés sur ses services, en indiquant la part des revenus générés par l’éditeur ou l’agence de presse à l’origine de la demande d’offre de rémunération. Cette estimation devra détailler un certain nombre de postes de revenus détaillés dans la présente décision.

Pour assurer l’exécution efficace de ces injonctions, il est infligé une astreinte de 300 000 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes. Ainsi, cette astreinte sera appréciée séparément pour chaque processus de négociation qui serait rouvert par chacune des saisissantes, après la notification de la présente décision.

Google devra également justifier du respect de la présente décision dans le cadre des rapports mensuels de suivi transmis en application de l’Injonction n° 7 de la Décision de mesures conservatoires.

L’Autorité rappelle que Google reste tenue au respect des Injonctions telles que validées par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 8 octobre 2020 jusqu’à la publication par l’Autorité de la décision au fond. Le respect de ces Injonctions demeure ainsi soumis au contrôle de l’Autorité de la concurrence, qui peut être saisie à nouveau par tout éditeur ou agence de presse conformément à l’article L. 464-3 du code de commerce, jusqu’à la date à laquelle l’Autorité rendra sa décision sur le fond.

I. Les constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. LA DECISION N° 20-MC-01 DU 9 AVRIL 2020

1. Par lettres enregistrées les 15 et 19 novembre 2019 sous les numéros 19/0074 F, 19/0078 F et 19/0080 F, le Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine (ci-après « le SEPM »), l’Alliance de la Presse d’Information Générale, le Syndicat de la presse quotidienne nationale, le Syndicat de la presse quotidienne régionale, le Syndicat de la presse quotidienne départementale et le Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (ci-après, conjointement « l’APIG »), et l’Agence France-Presse (ci-après « l’AFP ») (conjointement, les « saisissantes ») ont saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre par Google.

2. Accessoirement à leurs saisines au fond, les saisissantes ont sollicité, par lettres enregistrées les 15 et 19 novembre 2019 sous les numéros 19/0075 M, 19/0079 M et 19/0081 M, le prononcé de mesures conservatoires sur le fondement de l’article L. 464-1 du code de commerce.

3. Par décision du 26 novembre 2019, la rapporteure générale adjointe de l’Autorité a procédé à la jonction de l’instruction des affaires 19/0074 F – 19/0075 M, 19/0078 F – 19/0079 M et 19/0080 F – 19/0081 M. Les numéros de référence pour le traitement de ces affaires à la suite de cette décision de jonction sont le 19/0074 F – 19/0075 M.

4. Le 9 avril 2020, l’Autorité a adopté la décision n° 20-MC-01 (ci-après « la Décision ») relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le SEPM, l’APIG et l’AFP, et a prononcé des mesures conservatoires prenant la forme de sept injonctions (les « Injonctions » et, individuellement « l’Injonction ») à l’égard des sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France (ci-après « Google »).

5. Le 10 avril 2020, conformément à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et au communiqué de l’Autorité de la concurrence relatif à l’adaptation des délais et procédures de l’Autorité de la concurrence pendant la période d’urgence sanitaire en date du 27 mars 20202, la présidente de l’Autorité a informé Google que « les délais de mise en œuvre des engagements, injonctions ou mesures conservatoires [étaient] dès lors suspendus ou reportés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire »3.

6. Par courrier du 11 mai 2020, l’Autorité a informé Google que les délais de mise en œuvre des Injonctions prononcées par la Décision recommenceraient à courir à compter du 18 mai 2020. L’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, prévoit en effet la faculté pour l’Autorité de prescrire l’application des mesures conservatoires « lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifient […], dans le délai qu’elle détermine ». L’Autorité a, notamment, tenu compte, au soutien de sa décision, de la levée progressive des mesures de confinement de la population à compter du 11 mai 2020 et de l’existence d’une urgence particulière nécessitant la mise en place immédiate d’un processus de négociation de bonne foi entre Google et les éditeurs et agences de presse portant sur les conditions de reprise des contenus de presse sur les services de Google4.

7. Le 2 juillet 2020, Google a formé un recours à l’encontre de la Décision devant la cour d’appel de Paris.

8. Le 8 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a rejeté l’ensemble des moyens d’annulation dirigés contre la Décision et a procédé à la réformation de l’article 5 de la Décision, en la complétant ainsi5 : « Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires de droits voisins concernés par les négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision. ».

9. N’ayant pas fait l’objet d’un pourvoi, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020 est devenu définitif.

2. LA PROCEDURE EN NON-RESPECT DES INJONCTIONS

a) La saisine de l’APIG

10. Par lettre enregistrée le 31 août 2020 sous le numéro 20/0083 F, l’APIG a saisi l’Autorité pour inexécution par Google des mesures conservatoires prononcées dans la Décision.

11. Dans sa saisine, l’APIG soutient que Google n’a pas respecté les Injonctions prévues aux articles 1, 2 et 4 de la Décision (i) en refusant de fournir les informations prévues au troisième alinéa de l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle (ci-après « CPI ») et (ii) en refusant de négocier de bonne foi. L’absence de bonne foi serait notamment matérialisée, selon l’APIG, par le refus de Google de discuter de la rémunération des droits voisins, au motif que le trafic redirigé par Google vers les sites des éditeurs de presse générerait pour ces derniers une valeur supérieure à celle que perçoit Google de l’affichage des contenus protégés sur ces services. L’APIG soutient, en outre, que Google a unilatéralement déplacé le champ des négociations pour les faire porter sur un éventuel nouveau service de Google, s’appuyant sur la reprise in extenso d’articles de presse, et ce afin d’aboutir à une rémunération nulle pour l’utilisation des contenus protégés par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (ci-après, la « Loi » ou « Loi sur les droits voisins »).

12. L’APIG a assorti sa saisine de demandes relatives au déroulement des négociations et à la communication des informations prévue par l’article L. 218-4 du CPI et par l’article 2 de la Décision. À cet égard, elle demande à l’Autorité de prononcer une extension de trois mois du délai de négociation avec Google, assortie de mesures visant à prévenir un nouvel échec. Les mesures demandées consistent, d’une part, en la désignation d’un tiers expert qui assistera à toutes les réunions de négociation et recevra une copie de toutes les correspondances échangées entre des représentants de l’APIG et des représentants de Google et, d’autre part, au prononcé d’astreintes par jour de retard en ce qui concerne, notamment, la transmission des informations demandées par l’APIG à Google au titre de l’article L. 218-4 du CPI et de l’article 2 de la Décision, ainsi que la conclusion d’un accord sur la rémunération relative aux droits voisins.

13. L’APIG sollicite en outre le prononcé d’une sanction pécuniaire dissuasive à l’encontre de Google pour non-respect des mesures conservatoires.

b) La saisine de la SEPM

14. Par lettre enregistrée le 2 septembre 2020 sous le numéro 20/0084 F, le SEPM a saisi l’Autorité pour inexécution par Google des mesures conservatoires prononcées dans la Décision.

15. Dans sa saisine, le SEPM soutient que Google n’a pas respecté les Injonctions prévues aux articles 1, 2 et 4 de la Décision (i) en refusant de négocier de bonne foi et (ii) en refusant de communiquer les informations nécessaires à la détermination de la rémunération. L’absence de bonne foi selon le SEPM, se traduirait notamment par le fait que Google n’a cessé de contester le droit à rémunération des éditeurs de presse magazine au titre de leurs droits voisins, au motif que ces derniers seraient déjà rémunérés sous la forme d’une redirection de trafic réalisée par Google à leur profit. Par ailleurs, Google aurait constamment cherché à minimiser la contribution des éditeurs de presse à ses revenus et aurait refusé purement et simplement de négocier avec les éditeurs de presse ne disposant pas d’une certification « Information Politique Générale » (ci-après « IPG »).

16. Le SEPM a assorti sa saisine de demandes portant sur le déroulement des négociations et la communication des informations prévues par l’article L. 218-4 du CPI et par l’article 2 de la Décision. Le SEPM demande notamment à l’Autorité de réitérer l’Injonction prévue à l’article 1 de la Décision et de désigner un médiateur chargé de superviser les négociations. Le SEPM demande également que l’Autorité enjoigne à Google d’exécuter l’Injonction prévue à l’article 2 de la Décision, dans un délai de 15 jours à compter de la demande d’informations, et ce sous astreinte de 5 % de son chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

17. Le SEPM demande par ailleurs le maintien des Injonctions prévues aux articles 3, 5 et 6 de la Décision ainsi que le prononcé d’une sanction pécuniaire à l’encontre de Google pour non-respect des mesures conservatoires.

c) La saisine de l’AFP

18. Par lettre enregistrée le 2 septembre 2020 sous le numéro 20/0085 F, l’AFP a saisi l’Autorité pour inexécution par Google des mesures conservatoires prononcées par la Décision.

19. Dans sa saisine, l’AFP soutient tout d’abord que, depuis l’adoption des mesures conservatoires, Google n’a pas respecté l’Injonction objet de l’article 2 de la Décision en refusant de transmettre les informations prévues par l’article L. 218-4 du CPI. Google n’aurait pas respecté non plus l’Injonction relative à la conduite d’une négociation de bonne foi, objet de l’article 1 de la Décision, en contestant tant l’application du droit voisin aux extraits de contenus de presse affichés sur les services de Google que la titularité et le bénéfice du droit voisin au profit des agences de presse. La mauvaise foi de Google résulterait également de sa volonté de déplacer les discussions avec l’AFP sur le terrain d’un possible partenariat sans lien avec le droit voisin.

20. L’AFP a assorti sa saisine de demandes portant, d’une part, sur les négociations relatives à la rémunération des droits voisins par Google et, d’autre part, sur le prononcé d’une sanction pécuniaire à l’encontre de Google. S’agissant des négociations, l’AFP demande à l’Autorité de réitérer les Injonctions faites à Google, en particulier les Injonctions prévues aux articles 1 et 2 de la Décision, de procéder à la nomination d’un ou de plusieurs experts tiers indépendants pour encadrer les négociations, de prononcer une astreinte par jour de retard quant à la transmission d’informations. L’AFP demande, en outre, le prononcé d’une sanction pécuniaire à l’encontre de Google reflétant la gravité des manquements constatés, leur durée et leur caractère délibéré.

d) La jonction des saisines

21. Le 30 septembre 2020, la rapporteure générale adjointe de l’Autorité a procédé à la jonction de l’instruction des affaires 20/0083 F, 20/0084 F et 20/0085 F. Le numéro de référence pour le traitement de ces affaires à la suite de cette décision de jonction est le 20/0083 F6.

e) Le rapport de non-respect des injonctions

22. Les services d’instruction ont notifié, sur le fondement des dispositions de l’article R. 464-9 du code de commerce, un rapport (ci-après « Rapport ») aux parties ainsi qu’au commissaire du Gouvernement, le 19 février 2021. Ce Rapport estime que Google n’a pas respecté les Injonctions 1, 2, 5 et 6 prononcées dans la décision n° 20-MC-01. Les saisissantes et Google y ont répondu par courriers le 19 mars 2021 et le commissaire du Gouvernement y a répondu par courrier du 1er avril 2021.

B. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES CONCERNEES

1. LE SECTEUR

23. La Décision souligne le profond bouleversement auquel le secteur de la presse doit faire face, avec notamment la baisse des revenus issus de la publicité entre 2007 et 2017, alors que, dans le même temps, les recettes publicitaires des acteurs numériques augmentent de manière importante (paragraphes 14 à 18 de la Décision). Ce phénomène de « captation de la valeur » par les acteurs numériques au détriment des acteurs de la presse a également été relevé dans le cadre des travaux parlementaires qui ont présidé à l’adoption de la Loi sur les droits voisins (paragraphes 20 et 21 de la Décision).

24. La crise sanitaire a conduit au renforcement de l’usage des supports et services numériques et a fortement affecté de nombreuses branches d’activités, dont le secteur de la presse. Bien que les sites d’actualité aient observé une augmentation de leur audience en ligne entre juillet 2019 et juin 2020, le secteur de la presse a connu une chute brutale de son chiffre d’affaires, notamment publicitaire, et a vu ses activités fortement perturbées (baisses des ventes au numéro en kiosque, perturbation des acheminements des journaux et magazines vendus sous abonnement, suppression des activités de conférences en lien avec les titres de presse).

25. En effet, selon les chiffres publiés par l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM)7, la fréquentation numérique des sites d’éditeurs de presse a connu une hausse pour toutes les familles de presse entre juillet 2019 et juin 2020 : + 7,8 % pour la presse quotidienne nationale, + 24,5 % pour la presse quotidienne régionale et + 22,8 % pour la presse magazine. Cette hausse de la fréquentation est notamment liée à la fermeture de nombreux points de vente physiques pendant la période de confinement et à la souscription d’abonnements en ligne8.

26. Néanmoins, ces audiences numériques n’ont pas compensé la perte des revenus publicitaires et la chute des ventes d’exemplaires papier, qui constituent les ressources principales de la presse. D’après une étude du ministère de la Culture sur l’impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs culturels9, la baisse d’activité est estimée à près de 16 % du chiffre d’affaires en 2020 pour l’ensemble des acteurs de la presse, soit une perte de 1,9 milliard d’euros par rapport à 2019.

27. Cette situation a conduit à des réorganisations d’entreprises de presse. On peut notamment relever le placement en liquidation judiciaire du quotidien régional La Marseillaise10, l’arrêt de l’hebdomadaire Grazia sous forme papier au profit d’un contenu entièrement numérique, la restructuration du quotidien Le Parisien ainsi qu’une réduction de la masse salariale pour le journal L’Équipe11.

28. Afin de réduire les conséquences de la crise, le gouvernement a annoncé le 27 août 2020 un plan de soutien à la filière de la presse comprenant, d’une part, des mesures d’urgence visant à garantir la continuité de la distribution de la presse, pour un montant de 106 millions d’euros, et, d’autre part, une enveloppe de 377 millions d’euros pour financer des mesures de relance sur la période 2020-202212.

2. LES ENTREPRISES CONCERNEES

a) L’APIG et les syndicats la constituant

29. L’APIG est une union de syndicats créée en septembre 2018 par les quatre syndicats professionnels de la Presse Quotidienne Nationale (« SPQN »), Régionale (« SPQR ») et Départementale (« SPQD ») et le Syndicat de la Presse Hebdomadaire Régionale (« SPHR »).

30. Conformément à ses statuts, l’APIG a pour objet de défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres. Elle organise notamment le dialogue et le travail en commun des adhérents par la coordination des études et projets, la détermination de positions partagées afin de déboucher sur une prise de parole unique, sur des initiatives communes et sur des politiques promues auprès des partenaires publics et privés.

31. L’APIG et les syndicats la constituant ont fait l’objet d’une présentation détaillée aux paragraphes 26 à 31 de la Décision.

b) Le SEPM

32. Le SEPM est un syndicat professionnel créé en décembre 2012, formé du Syndicat de la Presse Magazine (SPM) et du Syndicat Professionnel de la Presse Magazine et d’Opinion (SPPMO), et dont le siège est à Paris.

33. Le SEPM a fait l’objet d’une présentation détaillée aux paragraphes 23 à 25 de la Décision.

c) L’AFP

34. L’AFP est une agence de presse mondiale et généraliste, chargée de collecter, vérifier, recouper et diffuser, tant en France qu’à l’étranger, des informations sous une forme neutre, fiable et utilisable directement par tous types de médias (radios, télévision, presse écrite, sites internet), mais aussi par des grandes entreprises et administrations.

35. Il s’agit d’un organisme sui generis, dont le statut et les missions résultent de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant création de l’Agence France-Presse13.

36. L’AFP a fait l’objet d’une présentation détaillée aux paragraphes 32 et 33 de la Décision.

d) Google

37. Google est une entreprise créée en 1998, dont les fondateurs ont inventé le moteur de recherche éponyme, qui est le plus utilisé dans le monde et en France. Les activités de Google sont aujourd’hui concentrées sur la fourniture de services de recherche en ligne, l’offre de plateformes et de systèmes d’exploitation, la publicité en ligne.

38. À compter d’une réorganisation interne, achevée le 2 octobre 2015, la société Alphabet Inc. a remplacé Google LLC (anciennement Google Inc.) en tant que société mère du groupe Google, et Google LLC est devenue une filiale exclusive d’Alphabet Inc14.

39. Google a fait l’objet d’une présentation détaillée aux paragraphes 34 à 61 de la Décision.

3. LA VALEUR GENEREE PAR L’AFFICHAGE DE CONTENUS DE PRESSE PROTEGES SUR LES SERVICES EN LIGNE DE GOOGLE

40. La Décision identifie, aux paragraphes 209 et 210, l’existence d’avantages économiques obtenus par Google grâce à la reprise de contenus protégés sur ses services : « 209. Premièrement, Google admet qu’il existe des publicités qui s’affichent à la suite de requêtes en lien avec l’actualité. Ces publicités, si elles représentent une faible proportion des revenus de Google selon elle, n’en demeurent pas moins une source de revenus (cotes 5002 et 5003).

210. Deuxièmement, il existe pour Google un intérêt économique certain et des revenus indirects qui sont tirés de la reprise et de l’affichage de contenus protégés. Ce type d’affichage est en effet attractif pour les utilisateurs, en ce qu’il améliore la qualité et l’expérience de visionnage de la page de recherche. Des déclarations de Microsoft en audition témoignent de cet avantage lié à l’affichage de contenus émanant des éditeurs et agences de presse (cote 2398). Un moteur de recherche a dès lors intérêt à développer ce type d’affichage pour attirer ou conserver des utilisateurs sur ses services. L’attractivité de ces contenus peut jouer tant dans le déclenchement d’une recherche (qui peut être motivé par un contenu d’actualité, puis dériver sur un autre type de recherche) que dans le temps passé sur le moteur de recherche et les données personnelles qui en dérivent. Microsoft explique aussi que cet affichage est de nature à maintenir l’utilisateur dans l’environnement du moteur de recherche et, le cas échéant, le rediriger vers un lien sponsorisé générant des revenus pour le moteur de recherche. Ces déclarations n’ont pas été remises en cause par Google au cours de l’instruction ».

41. La cour d’appel de Paris a confirmé15 ces observations et a insisté sur l’existence de revenus indirectement générés par Google, du fait d’une attractivité accrue de ses services (soulignement ajouté) :

« En outre, comme l’a à juste titre relevé l’Autorité aux paragraphes 209 et suivants de sa décision, Google, contrairement à ce qu’il soutient dans ses écritures, tire un intérêt économique certain de cet affichage de publication de presse en raison :

- d’une part des revenus publicitaires directs qu’il perçoit grâce aux annonces publicitaires qui s’affichent avec les résultats de la recherche, fussent-elles peu nombreuses lorsque la recherche porte sur un thème d’actualité, et celles qu’il perçoit en tant qu’intermédiaire de publicité en ligne, au titre des annonces ciblées qu’il génère sur le site de l’éditeur vers lequel l’utilisateur du moteur de recherche est redirigé ; et pour lesquelles il perçoit une commission ;

- d’autre part, et surtout, de l’attractivité apportée à son moteur de recherche par cet affichage de contenu, attractivité qui peut jouer tant dans le déclenchement d’une recherche que dans le temps passé par l’utilisateur sur le moteur de recherche et les données personnelles qui en dérivent.

Si cette attractivité joue également indirectement en faveur des éditeurs de presse, elle représente un intérêt majeur pour Google étant rappelé que la collecte de données personnelles de ses utilisateurs constitue l’un des deux piliers de son modèle économique. »

42. En 2008, Marissa Mayer, alors vice-présidente de Google, avait souligné l’importance du service « Google Actualités »16, qui, bien que non monétisé directement au travers de la publicité, génère des bénéfices en termes d’utilisation accrue de la plateforme Google.

C. LA DÉCISION N° 20-MC-01 ET LES MESURES CONSERVATOIRES

1. LE CARACTERE POTENTIELLEMENT ANTICONCURRENTIEL DES PRATIQUES DENONCEES

43. La Décision s’inscrit dans le contexte particulier de l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse (ci-après « la Loi »).

44. La Loi a inséré un ensemble de dispositions nouvelles et, notamment, dans le code de la propriété intellectuelle (« CPI »), et, notamment le nouvel article L. 218-2, qui prévoit que « L'autorisation de l'éditeur de presse ou de l'agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne ».

45. Elle a créé également un nouvel article L. 218-4 du CPI, qui dispose que :

« La rémunération due au titre des droits voisins pour la reproduction et la communication au public des publications de presse sous une forme numérique est assise sur les recettes de l'exploitation de toute nature, directes ou indirectes ou, à défaut, évaluée forfaitairement, notamment dans les cas prévus à l'article L. 131-4.

La fixation du montant de cette rémunération prend en compte des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse, la contribution des publications de presse à l'information politique et générale et l'importance de l'utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne.

Les services de communication au public en ligne sont tenus de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d'information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d'information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent article et de sa répartition. »

46. Aux termes du point 197 de la Décision, le comportement de Google, concomitamment à l’entrée en vigueur de la Loi, « a consisté à annoncer unilatéralement qu’elle ne reprendrait plus les contenus protégés des éditeurs et des agences de presse protégés par la Loi à compter de la date d’entrée en vigueur » tout en précisant « qu’elle ne rémunérerait pas la reprise de contenus protégés, excluant toute négociation contractuelle sur le sujet ». Ainsi, précise l’Autorité, « cette pratique a donc abouti à contraindre les éditeurs de presse, ne disposant d’aucune alternative satisfaisante à la reprise de leurs contenus par Google, à renoncer par avance au bénéfice attendu de la Loi sur les droits voisins, à savoir autoriser, aux termes d’un processus de négociation effective, un rééquilibrage de leurs relations ».

47. L’Autorité a également estimé dans sa Décision que les éléments versés au débat permettaient de considérer que les conditions imposées par Google étaient susceptibles d’être inéquitables, compte tenu de l’existence des avantages économiques certains obtenus par cette dernière grâce à la reprise des contenus protégés (points 208 et suivants de la Décision). Cette analyse a été confirmée par la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 8 octobre 2020, dans lequel elle relève, comme il a été rappelé ci-dessus, que Google tire un intérêt économique certain de l’affichage des publications de presse en raison tant des revenus publicitaires directs qu’elle perçoit que de l’attractivité accrue apportée à son moteur de recherche grâce à ces contenus.

 48. Au regard de ces éléments, l’Autorité a estimé dans la Décision « que les conditions imposées par Google lui ont permis d’éviter toute forme de négociation et de rémunération pour la reprise des contenus protégés, quelle que soit leur nature, et ce alors que les droits voisins créés par la Loi n° 2019-775 ouvraient aux éditeurs et agences de presse une possibilité de négociation pour la valorisation de leurs contenus, en fonction des critères énumérés par la Loi sur les droits voisins » et « que les modalités de mise en œuvre par Google de la Loi sur les droits voisins sont susceptibles d’être qualifiées d’imposition de conditions de transaction inéquitables au sens de l’article 102 a) du TFUE et de l’article L. 420-2 du code de commerce » (points 234 et 237 de la Décision).

49. L’Autorité a aussi considéré que les pratiques de Google étaient susceptibles de constituer un abus de sa position dominante sur le marché français de la recherche généraliste en vue d’appliquer des conditions discriminatoires à l’égard de partenaires commerciaux (points 238 et suivants de la Décision) et de contourner la Loi sur les droits voisins (points 242 et suivants de la Décision).

50. Enfin, l’Autorité a considéré que les pratiques de Google étaient susceptibles d’avoir entraîné des effets anticoncurrentiels de différentes natures (points 265 et suivants de la Décision), notamment à l’égard des éditeurs et agences de presse, et partant de nuire à la qualité de l’information et à la contribution des éditeurs et agences de presse au débat public. L’Autorité a aussi estimé que ces pratiques étaient susceptibles de générer des effets anticoncurrentiels sur le marché de la recherche en ligne, en plaçant les concurrents de Google dans une situation défavorable par rapport à ce dernier.

51. Dans son arrêt précité du 8 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé en tous points cette analyse en estimant que « le comportement de Google sur un marché qu’il domine, consistant à priver les éditeurs et agences de presse de toute possibilité de négocier une rémunération liée à la reproduction d’extraits de publication de presse sur le moteur de recherche Google au moment précis où la loi leur reconnaît ce droit, est susceptible d’être qualifié d’abus d’exploitation par l’imposition de conditions de transaction inéquitables »17.

52. La cour d’appel de Paris a aussi considéré que « l’Autorité a, par l’ensemble des motifs rappelés ci-dessus, fait ressortir, à juste titre, qu’en l’état de l’instruction, le fait de priver les éditeurs de toute négociation sur la rémunération et de limiter son offre de service à des conditions inéquitables, était susceptible de fausser le jeu normal de la concurrence, tant à l’égard des éditeurs, dès lors que par son comportement, Google empêche le développement du marché de l’octroi de licences payantes, qu’à l’égard de ses concurrents, dès lors que Google n’a rien à craindre de ces derniers en raison de sa position ultra dominante sur le marché et placerait ceux qui souhaiteraient entrer en négociations avec les titulaires des droits voisins en situation de net désavantage, en grevant leurs recettes de charges que le leader du marché s’affranchit de régler» 18.

2. LES MESURES CONSERVATOIRES PRONONCEES

53. Dans la Décision, l’Autorité a considéré que les pratiques susmentionnées créaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse (points 272 et suivants de la Décision). L’Autorité a par ailleurs estimé que le lien de causalité entre les pratiques de Google et l’atteinte au secteur de la presse était établi (point 238 de la Décision).

54. La cour d’appel de Paris a confirmé cette analyse, en considérant que : « c’est à juste titre que l’Autorité a retenu que l’atteinte identifiée est grave, puisqu’elle est de nature à affecter la pérennité d’un secteur dans son ensemble et des sociétés saisissantes en particulier » 19 et que « la décision attaquée a ainsi parfaitement caractérisé l’urgence et le caractère immédiat de l’atteinte qu’elle a identifié » 20.

55. Compte tenu de ces éléments, l’Autorité a estimé nécessaire, dans l’attente de la décision au fond, d’imposer à Google le respect de plusieurs mesures conservatoires (« les Injonctions ») visant à garantir le caractère équitable des conditions de transaction entre Google et les éditeurs et agences de presse s’agissant des droits voisins.

a) Une obligation de négocier de bonne foi dans les conditions fixées par l’article L. 218-4 du CPI (« Injonction 1 »)

56. L’article 1er de la Décision prévoit une obligation pour Google de négocier de bonne foi, rédigée en ces termes : « Il est enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de négocier de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse ou les organismes de gestion collective qui en feraient la demande, la rémunération due par Google à ces derniers pour toute reprise des contenus protégés sur ses services, conformément aux modalités prévues à l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle et selon des critères transparents, objectifs et non discriminatoires. Cette négociation devra couvrir la période de reprise des contenus depuis le 24 octobre 2019 ».

57. La Décision comprend par ailleurs, plusieurs précisions relatives au processus de négociation visé par cette Injonction. Il est notamment apporté au point 304, les précisions suivantes :

« Afin d’assurer l’effectivité d’une telle mesure, l’Autorité considère nécessaire d’apporter les précisions suivantes :

i. la mise en œuvre de cette Injonction doit couvrir l’ensemble des services de Google reprenant des contenus protégés par la Loi n° 2019-775, en particulier son site de recherche en ligne Google Search. Ainsi défini, le champ d’application des mesures conservatoires doit permettre d’éviter tout risque de contournement du dispositif par Google.

ii. cette Injonction implique l’obligation pour Google d’entrer en négociation de bonne foi dès lors qu’elle est sollicitée par un éditeur, une agence de presse ou un organisme de gestion collective.

iii. cette Injonction impose que les négociations aboutissent effectivement à une proposition de rémunération de la part de Google. Cette proposition financière sera appréciée à la lumière de sa conformité avec la Loi n° 2019-775 et de son caractère transparent, objectif et non discriminatoire. Le cas échéant, une telle proposition pourra donc conduire à proposer une rémunération nulle.

iv. compte tenu notamment de l’urgence de la situation dans laquelle se trouve le secteur de la presse, ayant notamment conduit le législateur à transposer la Directive dans un délai très bref, les négociations relatives à cette Injonction couvriront, de façon rétroactive, la période commençant dès l’entrée en vigueur de la Loi 2019-775, soit le 24 octobre 2019 ».

58. S’agissant de l’Injonction 1, la cour d’appel de Paris a notamment considéré que

« En troisième lieu, et contrairement à ce que soutient Google, cette injonction n’emporte pas obligation de paiement ni ne constitue une mesure structurelle. En effet, exiger la formulation par Google d’une offre de rémunération objective, transparente, non- discriminatoire et conforme à l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle, n’implique pas une obligation d’achat dès lors qu’il est simplement exigé de Google qu’il transmette une offre – en justifiant des critères appliqués pour définir le niveau de rémunération proposée – laquelle peut conduire à proposer une rémunération nulle si la reprise du contenu ne génère, par exemple, aucune recette d’exploitation et que le contenu dont il s’agit n’a nécessité aucun investissement particulier. Cette réserve, qui figure au paragraphe 304 (iii) de la décision attaquée, garantit la proportionnalité de cette injonction.

Il doit également être rappelé, qu’au stade actuel de la procédure, l’absence de rémunération de la reprise des contenus protégés, telle qu’elle résulte de l’alternative laissée aux éditeurs par Google, est susceptible de traduire un abus d’exploitation de sa position dominante, non en ce que toute gratuité devrait être exclue par principe mais au regard des circonstances dans lesquelles elle a été obtenue, lesquelles sont susceptibles de s’apparenter à une menace de déréférencement [...] » 21.

b) Une obligation de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due (« Injonction 2 »)

59. L’article 2 de la Décision prévoit une obligation de communication d’informations rédigée en ces termes : « Il est enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations prévues à l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle ».

60. L’article L. 218-4 du CPI prévoit, en ce qui concerne la transmission d’informations, le dispositif suivant : « Les services de communication au public en ligne sont tenus de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d'information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d'information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent article et de sa répartition ».

c) Une obligation de maintien des extraits textuels et des extraits enrichis des éditeurs et agences de presse pendant la période de négociation (« Injonction 3 »)

61. L’article 3 de la Décision prévoit le maintien des extraits textuels et de photographies d’articles de presse des éditeurs et agences de presse pendant la période de négociation, dans les termes suivants : « Il est enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de maintenir, pendant la période de négociation, les modalités d’affichage mises en place depuis l’entrée en vigueur de la Loi n° 2019-775, selon les paramètres retenus par les éditeurs. Il est enjoint à Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France de permettre aux éditeurs et agences de presse n’ayant pas accordé à Google d’autorisation de reprise de leurs contenus protégés depuis le 24 octobre 2019 mais souhaitant entrer en négociation dans le cadre des articles 1 et 2 de la présente décision, de ne pas s’opposer à l’affichage de leurs contenus protégés au sein de ses services selon les modalités choisies par ces éditeurs et agences de presse, pendant la période de négociation».

d) Une obligation de conduire les négociations visées par les Injonctions dans un délai de 3 mois à partir de la demande d’ouverture d’une négociation (« Injonction 4 »)

62. L’article 4 de la Décision prévoit une obligation de conduire les négociations dans un délai de trois mois, rédigée dans les termes suivants : « Il est enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de conduire les négociations visées par les articles 1 et 2 de la présente décision dans un délai de 3 mois à partir de la demande d’ouverture de négociation émanant d’un éditeur de presse, d’une agence de presse ou d’un organisme de gestion collective ».

63. La Décision ajoute au point 308 que « En cohérence avec l’urgence de la situation dans laquelle se trouve le secteur de la presse, Google devra conduire les négociations visées par les Injonctions dans un délai de 3 mois à partir de la demande d’ouverture d’une négociation. Cette ouverture sera matérialisée par la date de réception d’une demande par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le cas échéant sous forme électronique, adressée par un éditeur de presse, une agence de presse ou un organisme de gestion collective visé par l’article L. 218-3 du CPI, à au moins une des entités de Google concernées par ces Injonctions ».

e) Une obligation de neutralité dans les modalités d’indexation, de classement et de présentation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse sur les services de Google au cours des négociations relatives aux droits voisins (« Injonction 5 »)

64. L’article 5 de la Décision prévoit une obligation de neutralité dans l’indexation, le classement et la présentation des contenus protégés pendant les négociations, rédigée en ces termes : « Il est enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de prendre les mesures nécessaires pour que l’existence et l’issue des négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services ».

65. Conformément au point 309 de la Décision, « Il s’agit ainsi d’éviter que les éditeurs ne puissent subir des conséquences défavorables sur les conditions habituelles d’affichage, d’indexation et de classement de leurs contenus sur Google, du fait ou en liaison avec les négociations en cours ».

66. La cour d’appel de Paris a considéré que, s’agissant de l’Injonction 5, « Sa formulation, qui est très générale, ne permet pas en revanche de circonscrire la mesure à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à l’urgence, dès lors qu’elle pourrait conduire à geler toutes innovations nécessaires aux performances du moteur de recherche au cours des négociations entreprises avec les différents partenaires concernés »22. Elle a en conséquence, comme indiqué ci-avant au paragraphe 8, complété cette Injonction par l’ajout de la phrase suivante : « Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires de droits voisins concernés par les négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision ».

f) Une obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins sur toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec des éditeurs et agences de presse (« Injonction 6 »)

67. L’article 6 de la Décision prévoit une obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins vis-à-vis de toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse. L’obligation de neutralité est formulée en ces termes : « Il est enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de prendre les mesures nécessaires pour que les négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision n’affectent pas les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs et agences de presse ».

68. S’agissant de cette Injonction, la Décision précise, au point 311, qu’« Il s’agit ainsi d’éviter que Google vide de leurs effets les négociations sur les droits voisins en compensant sur d’autres activités les rémunérations versées aux éditeurs au titre des droits voisins. Il s’agit aussi d’éviter que Google ne se serve de sa position dominante sur le marché des services de recherche généraliste pour imposer, au cours des négociations avec les éditeurs et les agences de presse, le recours à certains de ses services ».

69. S’agissant de l’Injonction 6, la cour d’appel de Paris a souligné que « Cette injonction relève bien d’une mesure conservatoire, dès lors qu’elle est de nature à prévenir une situation économique déviante, comme le relève à juste titre la décision attaquée aux paragraphes 310 et 311 »23.

g) Une obligation de communiquer à l’Autorité à intervalles réguliers un rapport sur la manière dont Google se conforme aux Injonctions (« Injonction 7 »)

70. S’agissant du suivi de la mise en œuvre des Injonctions, l’article 7 de la Décision prévoit que : « Les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France adresseront, dans un délai de 4 semaines à compter de l’ouverture des négociations avec un ou plusieurs éditeurs, agences de presse ou organisme de gestion collective, un premier rapport sur la manière dont elles se conforment aux articles 1 à 6 de la présente décision. Les rapports suivants seront communiqués à l’Autorité le 5 de chaque mois jusqu’à la publication de la décision au fond de l’Autorité ».

71. La Décision précise par ailleurs, au point 313, que ces rapports devront comprendre les éléments suivants :

(i) tout élément de calcul permettant l’évaluation de la proposition de rémunération faite par Google aux éditeurs et agences de presse ;

(ii) tout élément permettant d’apprécier le caractère objectif, transparent et non- discriminatoire de cette proposition ;

(iii) tout élément permettant d’apprécier le caractère objectif, transparent et non- discriminatoire des rémunérations sur lesquelles Google et les éditeurs et agences de presse se sont accordés, assorti des contrats afférents ;

(iv) tout élément relatif aux difficultés de négociation rencontrées avec les éditeurs et agences de presse ainsi que les échanges correspondants ;

(v) tout élément permettant à l’Autorité d’apprécier le respect des obligations de neutralité figurant aux Injonctions 5 et 6.

72. Elle précise également, au point 315, que « Compte tenu de la variété et de la complexité potentielle des questions à examiner, l’Autorité pourra décider de s’adjoindre les services d’un ou plusieurs experts techniques externes ».

73. Enfin, à l’article 8 de la Décision, il est prévu que ces Injonctions restent en vigueur jusqu’à la publication de la décision de l’Autorité sur le fond.

D. LES PRATIQUES CONSTATEES

74. Dans ses observations en date du 19 mars 2021 en réponse au Rapport des services d’instruction, Google indique avoir reçu douze demandes d’entrée en négociation formelles, dont celles émanant de l’AFP, de l’APIG et du SEPM24. Parmi ces demandes figurent notamment celles émanant de la FFAP, du groupe TF1 ou bien encore du Groupe Amaury/L’Équipe.

75. Dans son rapport de conformité n° 11, daté du 6 avril 2021, Google fait état d’une absence de nouvelle demande d’entrée en négociation25.

76. Il faut également noter que Google a conduit des négociations individuelles avec des éditeurs membres de l’APIG et du SEPM, à l’issue desquelles Google indique avoir conclu des partenariats bilatéraux, en particulier avec Libération, L’Express, Le Monde et Le Figaro26. Cette information a été rendue publique par Google dans une communication du 19 novembre 202027. Postérieurement, dans un email du 18 décembre 2020, Google a indiqué aux services d’instruction avoir conclu quatre nouveaux contrats les 24 novembre et 14 décembre 2020 avec [confidentiel]28. Dans son rapport de conformité n° 8, en date du 5 janvier 2021, Google indique avoir également conclu des contrats avec [confidentiel]et L’Obs29. Enfin, dans son rapport de conformité n° 10 du 5 mars 2021, Google indique avoir conclu un contrat avec [confidentiel]30.

77. Le déroulement des négociations est présenté ci-après (sections 1 à 4). Seront ensuite abordés les contrats conclus avec les éditeurs dans le cadre de négociations bilatérales postérieures à l’échéance de la période de négociation prévue par les Injonctions (section 5).

1. CHRONOLOGIE DES NEGOCIATIONS INTERVENUES ENTRE GOOGLE ET L’AFP

a) 17 avril – 11 juin 2020 : l’ouverture des négociations et les premiers échanges

78. L’AFP a adressé à Google une demande d’entrée en négociation sur le fondement de l’Injonction 1 le 17 avril 2020.

79. Dans ce courrier, l’AFP demande, entre autres, à Google de lui transmettre « l’ensemble des informations prévues par la loi pour l’évaluation de la rémunération due à l’AFP au titre du droit voisin », ces dernières devant comprendre « tout élément permettant d’évaluer concrètement la proposition de rémunération faite par Google à l’AFP » et « tout élément permettant à l’AFP de comprendre et de vérifier le caractère objectif, transparent et non discriminatoire de la proposition de rémunération formulée par Google »31.

80. Le 4 mai 2020, Google a accusé réception de cette demande en indiquant travailler « à la définition de critères transparents, objectifs et non-discriminatoires qui pourraient servir de cadre à de telles négociations »32.

81. Le 4 juin 2020, une réunion téléphonique entre les représentants de Google et ceux de l’AFP s’est tenue. Conformément au compte rendu de cette réunion adressé par l’AFP à Google, deux sujets principaux y ont été abordés : les droits voisins (« Neighboring rights ») et d’éventuels partenariats commerciaux (« Business partnership »)33. Selon l’AFP, c’est elle-même qui a demandé à ce que le sujet des droits voisins soit ajouté à l’ordre du jour, Google n’ayant pas spontanément inscrit cette problématique à l’ordre du jour transmis le 3 juin34.

82. S’agissant des droits voisins, le compte rendu établi par l’AFP fait état d’une démarche en cours de Google consistant à collecter des données et à élaborer une proposition de rémunération35. Il mentionne également la question de l’identification des contenus de l’AFP, laquelle serait plus complexe que l’identification des contenus des éditeurs qui peut être réalisée à travers les noms de domaine36. Il indique également que Google n’a pas été en mesure de discuter de la rémunération au titre des droits voisins ce jour-là, ni d’exposer des résultats ou une méthodologie37.

83. S’agissant des partenariats commerciaux, le compte rendu fait mention de plusieurs pistes afin d’augmenter les revenus de l’AFP : des licences portant sur des images et la mise à disposition de contenus spécifiques, tels que des infographies, qui pourraient être monétisés sur les services de Google à travers ce que cette dernière qualifie de « corners » dédiés à l’AFP38.

84. Enfin, le compte rendu fait état de ce que Google a indiqué avoir élaboré des données sur la rémunération des droits voisins en Europe et en France, et concernant l’AFP spécifiquement, et être en mesure de les présenter à l’AFP le 10 juin39.

85. Le 10 juin 2020, Google a adressé un email à l’AFP. Dans cet email, Google indique ne pas être totalement en ligne avec le compte rendu de la conférence téléphonique du 4 juin 2020 rédigé par l’AFP (sans préciser sur quel(s) point(s)). Google précise que la discussion du 4 juin, et notamment la position de l’AFP concernant la question des droits voisins soulève des questions nécessitant des consultations internes et donc un délai supplémentaire. Google entend répondre par écrit à l’AFP40.

86. Le 11 juin 2020, l’AFP a adressé un email à Google. Dans cet email, l’AFP fait part à Google de son désaccord concernant le déroulement des négociations, rappelle sa volonté d’entrer dans une discussion sur la rémunération due par Google au titre des droits voisins et d’obtenir la communication des informations prévues par la Loi. L’AFP indique n’avoir reçu aucune information à date, et ce alors que Google se serait engagée à lui communiquer des informations pour le 10 juin41.

b) 17 juin – 30 juin 2020 : les difficultés exprimées par Google et la réaction de l’AFP

87. Le 17 juin 2020, Google a répondu par courrier à l’AFP en soulevant plusieurs difficultés auxquelles elle estimait être confrontée. Dans ce courrier, Google rejette tout d’abord les accusations de « perte de temps » de l’AFP, en expliquant que ces négociations soulèvent des questions juridiques et techniques complexes et inédites. Elles impliqueraient, en outre, un travail de fond important pour l’élaboration d’une méthodologie d’évaluation économique, la collecte de données et la création d’un cadre de négociation.

88. S’agissant de la titularité des droits voisins, Google indique être en désaccord avec les demandes de l’AFP « de recevoir une rémunération additionnelle de la part de Google au titre des affichages de contenus AFP pour lesquels les éditeurs de presse ont eux-mêmes déjà rémunéré l’AFP » dans la mesure où, selon Google, « un contenu ne bénéficie du droit voisin qu’à partir du moment où il est inclus dans une publication de presse, et à ce stade les droits voisins sont détenus par l’éditeur de cette publication de presse ». Google ajoute qu’« en tout état de cause, on ne saurait raisonnablement attendre de Google qu’elle paye deux fois pour le même contenu »42.

89. S’agissant de la communication des informations, Google indique dans ce courrier que les demandes de l’AFP portant sur des données concernant l’affichage de contenus AFP intégrés dans les publications de presse d’autres éditeurs ne peuvent être transmises à l’AFP dans la mesure où « Google n’est pas actuellement en mesure d’identifier de manière fiable, parmi les contenus explorés sur les sites Web des éditeurs, quelle part de ces contenus proviendrait de l’AFP », que « même si elle était en mesure de le faire, une telle information serait commercialement sensible, et Google devrait donc obtenir le consentement de chaque éditeur avant de pouvoir la partager » et que « il n’est pas clair à ce stade de savoir si Google serait même autorisée à partager ces informations en vertu des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce »43.

90. À la fin de son courrier, Google indique être disposée à poursuivre les discussions entamées lors de la réunion du 4 juin sur d’éventuels partenariats concernant les actualités et les images, et à maintenir sa proposition « que ceux-ci puisse servir de base pour élargir notre discussion en plus d’offrir une rémunération qui couvre notre utilisation de vos contenus protégés »44.

91. Le 19 juin 2020, l’AFP a adressé un courrier de réponse à Google, où elle conteste les différents arguments mis en avant par Google dans le courrier du 17 juin 2020.

92. L’AFP soutient tout d’abord que Google « détient tous les moyens pour identifier l’origine des contenus protégés qu’elle reprend et diffuse » et que quand bien même Google ferait face à de réelles difficultés pour établir et justifier « « des recettes d’exploitation de toute nature, directes et indirectes », liées à l’affichage des contenus de l’AFP sur ces services, il appartiendrait à Google de proposer une proposition de rémunération forfaitaire ».

93. L’AFP soutient également que Google ne saurait contester le fait que les contenus produits par les agences de presse entrent dans la définition des contenus protégés aux termes de la Loi du 24 juillet 2019, dans la mesure où celle-ci « n’opère aucune distinction dans le droit qu’elle accorde aux éditeurs et aux agences ». L’AFP explique par ailleurs que l’argument de Google selon lequel les contenus produits par l’AFP intégrés dans les publications d’éditeurs de presse seraient déjà rémunérés et n’auraient pas à être rémunérés à nouveau par Google n’est pas recevable dans la mesure, notamment, où « l’autorisation qu’elle [l’AFP] donne pour la reprise de ses contenus par les éditeurs de presse est limitée à leurs sites internet et n’englobe absolument pas la diffusion sur les différents services de Google »45.

c) 30 juin – 24 juillet 2020 : la première proposition de Google et les contre- propositions de l’AFP

94. Le 30 juin 2020, Google et l’AFP ont tenu une réunion téléphonique. Google explique dans son rapport de conformité n° 2 avoir alors « exposé une éventuelle structure d’accord basée sur un accord de licence d’images, qui couvrirait également les droits voisins »46. Selon l’AFP, aucun chiffrage, aucune information, ni aucun montant de rémunération n’a été avancé par Google. Les discussions auraient porté, toujours selon l’AFP, sur « des sujets annexes tels que des « partenariats commerciaux » sur des services additionnels nouveaux dont rien n’était toujours dit quant au contenu exact et sans lien avec le droit voisin »47.

95. Le 8 juillet 2020, Google a transmis à l’AFP une première proposition commerciale sous la forme d’une lettre d’intention (« Term Sheet ») rédigée en anglais, et comprenant deux volets48 :

– d’une part, l’octroi par l’AFP d’une licence payante mondiale à Google pour l’utilisation sur tout support : (i) de photographies issues d’une archive de 15 millions de photographies de l’AFP ainsi que (ii) de la production courante de l’APF (3 000 photographies nouvelles par jour) ;

– d’autre part, la production par l’AFP d’un certain nombre de modules d’actualités nouveaux, qui apparaîtraient ensuite dans les produits et services de Google. Dans ce cadre, l’AFP accorderait à Google une licence d’utilisation portant sur le texte, les images et les contenus audiovisuels intégrés à ces modules, ainsi qu’un accès libre à certains « lead articles » (articles principaux). Le projet de Term Sheet prévoit également que cette licence couvrirait l’utilisation par Google du contenu protégé de l’AFP sur tous les services de Google (Search, Google News et Discover). Il prévoit aussi, pour cette licence, une rémunération versée à l’AFP par Google. Cette rémunération couvre simultanément la production par l’AFP de modules d’actualités et l’utilisation par Google de contenus protégés.

96. Dans son rapport de conformité n° 3, Google indique que, lors d’un entretien téléphonique organisé le même jour, « l’AFP a notamment […] considéré que la valeur de l’offre de Google était en deçà de ses attentes »49.

97. Les 9 et 10 juillet 2020, l’AFP et Google ont échangé par visioconférence et par email. Au cours de ces échanges, elles ont fait le constat d’un désaccord entre elles sur le projet de Term Sheet50.

98. Le 13 juillet 2020, l’AFP a adressé un courrier à Google, où elle rappelle le déroulement des négociations jusqu’alors et dénonce entre autres51 :

– l’absence de communication par Google d’éléments chiffrés demandés selon l’AFP « depuis de nombreux mois », « afin de pouvoir engager une négociation objective comme l’exigent la loi et la décision de l’Autorité » ;

– l’absence d’explication concernant le mode de calcul de la rémunération proposée par Google dans le Term Sheet communiqué à l’AFP le 8 juillet 2020 et le faible niveau de celle-ci. Ce niveau serait inférieur aux accords ayant pu être conclus entre l’AFP et Google par le passé, alors même que le périmètre de ces accords était plus restreint ;

– la durée de deux ans « sans aucune précision ou proposition quant à d’éventuelles modalités de reconduction » ;

– l’étendue de l’exploitation demandée par Google qui, selon l’AFP, « conduirait à assécher à terme le marché de la diffusion de contenus de presse ».

99. Le 20 juillet 2020, l’AFP a transmis à Google une première contre-proposition sur les termes et conditions qui, selon elle, pourrait permettre un accord52. Selon l’AFP, l’accord devrait contenir deux volets :

– « Le premier volet concerne les conditions de l’autorisation pouvant être accordée par l’AFP à Google pour l’affichage des contenus de presse produits par l’AFP (photographies, images, infographies, textes et vidéos) parmi les résultats de recherche des moteurs de Google (Search et News) ainsi que sur le service Discover, et la rémunération associée à cette autorisation et ces reprises. » ;

– « Le second volet, que nous sommes encore une fois parfaitement disposés à discuter, pourrait conduire à intégrer à cet accord des licences et/ou services complémentaires proposés par Google (News Corner, Fact Checking, etc.) mais ces licences ou services doivent être traités de façon distincte car à défaut, nous ne parviendrons pas à déterminer la valeur objective des licences ou services composant l’ensemble de l’accord ».

100. Dans sa proposition, l’AFP propose une valorisation qui serait fondée « sur la valeur que retire Google des contenus AFP », sur les « pratiques tarifaires et commerciales de l’AFP, tout en tenant compte des particularités de Google (audience très importante, quantité des contenus utilisés, usage parfois partiel des contenus, etc.) » et sur les « investissements (coût de production) de l’AFP pour la production des contenus protégés ».

101. L’AFP précise dans son courrier que « Si les négociations doivent envisager ces deux aspects de façon distincte (dès lors que Google souhaite y inclure d’autres licences ou services), nous ne sommes pas opposés à ce que l’accord sur lequel nous nous accorderions finalement prévoie, une rémunération globale et forfaitaire couvrant l’ensemble des licences et services convenus ».

102. Le 24 juillet 2020, Google indique avoir rencontré l’AFP lors d’une visioconférence au cours de laquelle l’AFP a formulé une deuxième contre-proposition53.

d) 24 juillet 2020 : la première méthodologie de valorisation des droits voisins communiquée par Google

103. Le 24 juillet 2020, Google a aussi adressé un courrier à l’AFP. Dans ce courrier Google fournit des éléments concernant la valorisation des contenus d’actualité sur ses services54 :

– d’une part, des éléments concernant les « revenus attribuables » annuels de Google liés à l’affichage de contenus issus du site afp.com, qui selon Google est « la seule « publication de presse » B to C de l’AFP dont nous ayons connaissance à ce stade », comprenant le nombre estimé d’affichages sur Google Search en France de contenus protégés d’afp.com, affichés en réponse à tous types de requêtes et à des requêtes d’actualités ;

– d’autre part, des éléments concernant les « revenus attribuables » annuels de Google liés à l’affichage de contenus certifiés IPG, comprenant des données générales concernant les requêtes liées aux actualités ainsi que des données concernant tous les contenus certifiés IPG des éditeurs de presse.

104. Ces revenus (qu’ils s’agissent de ceux en lien avec l’affichage de contenus issus du site afp.com ou bien de ceux en lien avec la présence de contenus IPG) sont évalués différemment par Google selon que Google prend en compte tout type de requête ou se limite aux seules requêtes liées à l’actualité.

105. Une note méthodologique d’une page est également jointe par Google à ce courrier. Elle explique la méthode retenue pour calculer les « revenus attribuables » de Google liés à l’affichage de contenus d’actualité. Celle-ci repose sur une estimation des revenus Google Ads de Google Search associés à l’affichage de contenus IPG potentiellement protégés55.

e) 27 juillet 2020 : la deuxième proposition de Google

106. Le 27 juillet 2020, Google et l’AFP ont échangé par visioconférence. Selon l’AFP, « la position réaffirmée de Google a consisté à proposer le même accès global, mondial et sans limite aux images (photographies, vidéos et infographies) produites par l’AFP » et « à proposer de « nouveaux services » à inclure dans une « licence globale » (Web Stories, contenus audio, news corner, etc.), sans rapport avec le droit voisin […] »56. Google, pour sa part, indique avoir adressé oralement une nouvelle offre financière à l’AFP lors de cet échange, par laquelle elle aurait doublé le montant de son offre initiale57.

f) 29 juillet – 7 août 2020 : la troisième proposition de Google et les échanges qui ont suivi

107. Le 29 juillet 2020, Google a transmis à l’AFP une nouvelle proposition de Term Sheet en anglais58. Par rapport à la proposition du 8 juillet, les principales différences sont les suivantes :

– la durée du contrat passe de 2 à 3 ans ;

– le montant proposé à l’AFP au titre des licences sur le stock de photographies et la production courante est augmenté ;

– de nouvelles prestations de l’AFP intitulées « Digital innovation products », sont ajoutées, qui consistent en la production (i) de contenus audios en anglais et (ii) de « Web Stories », en contrepartie d’une rémunération annuelle.

108. Les principales autres dispositions de ce Term Sheet sont demeurées identiques à celles figurant dans celui transmis par Google à l’AFP le 8 juillet. En particulier, le Term Sheet prévoit toujours la production par l’AFP d’un certain nombre de modules d’actualité apparaissant dans les produits et services de Google, pour une rémunération inchangée, dans le cadre de laquelle s’inscrirait la licence d’utilisation des contenus protégés de l’AFP sur tous les services de Google.

109. Le 30 juillet 2020, l’AFP a répondu par un email accepter d’examiner la proposition de Google, mais lui a indiqué que la licence portant sur les images, telle que figurant dans le projet de Term Sheet, n’était pas acceptable, l’AFP ne pouvant concéder « une licence totale, mondiale, sans limite ni restriction d’usage, portant sur l’intégralité des contenus d’images produits par l’AFP » qui « reviendrait à terme à ce que Google puisse s’approprier les contenus diffusés par l’ensemble des éditeurs de presse ».

110. Par ailleurs, dans ce courrier, l’AFP a une nouvelle fois demandé à Google de lui indiquer « le montant de la rémunération applicable à une licence portant uniquement sur l’utilisation faite aujourd’hui par Google des contenus de l’AFP, c’est-à-dire une licence limitée à l’affichage des contenus d’images produits par l’AFP (photographies, vidéos et infographies) dans les résultats de recherche des moteurs de Google (Google Search et Google News) ainsi que sur le service Google Discover (incluant l’affichage des contenus de l’AFP intégrés aux contenus des éditeurs de presse) ». L’AFP demande également à ce que soient précisées « les modalités de reconduction », pour garantir la pérennité de l’accord59.

111. Le 31 juillet 2020, Google indique s’être à nouveau réunie avec l’AFP par visioconférence60 et avoir reçu une contre-proposition de l’AFP, couvrant la reprise des images, vidéos et infographies produites par l’AFP dans le monde sur les moteurs et services de Google (Search, News, Discover), ainsi que les nouveaux services envisagés (Web Stories, Audios et News Corner)61.

112. Le 7 août 2020, l’AFP a adressé un email de relance à Google en indiquant ne pas avoir reçu de réponse à son courrier du 30 juillet 2020 et en soulignant que le délai de négociation de trois mois prévu par les Injonctions était sur le point d’expirer62.

g) 10 août – 11 août 2020 : la quatrième proposition de Google et les discussions qui s’en suivent

113. Le 10 août 2020, Google indique avoir eu un échange téléphonique avec l’AFP, au cours duquel Google aurait formulé une nouvelle proposition de partenariat63. Google explique dans son rapport de conformité n° 4 que « Si l’AFP a admis que l’offre de Google s’était améliorée, elle a estimé qu’elle était encore trop faible. De plus, bien que l’AFP ait indiqué ne pas s’opposer à un flux d’images pour de nouveaux usages ou de nouveaux produits, elle a demandé à Google de se concentrer d’abord sur une offre couvrant l’utilisation actuelle par Google des droits voisins de l’AFP »64.

114. Le 11 août 2020, Google a envoyé un email à l’AFP, dans lequel elle constate des divergences entre les parties sur plusieurs points, dont l’étendue du flux d’images et de la licence proposés, et suggère à l’AFP d’organiser une réunion pour en discuter65.

h) 12 août 2020 : la demande d’extension de la période de négociation proposée par Google

115. Le 12 août 2020, Google a indiqué à l’AFP qu’elle entendait demander à l’Autorité l’octroi d’une extension de la période de négociation « compte tenu de la période estivale et du fait que de nombreuses personnes en France sont actuellement en congés annuels »66. En réponse à cet email, l’AFP a indiqué à Google qu’elle n’était pas favorable à une extension de la période de négociation « compte tenu de l’absence manifeste de volonté de Google de discuter du cœur du sujet, à savoir la rémunération du droit voisin »67.

i) 14 août – 16 août 2020 : la cinquième proposition de Google à l’AFP

116. Le 14 août 2020, Google a adressé un email à l’AFP dans lequel elle fournit des éléments concernant la valorisation d’une licence qui porterait uniquement sur l’utilisation actuelle des contenus d’actualités par Google sur l’ensemble de ses services.

117. La valorisation décrite par Google dans cet email a été établie par référence aux redevances payées par Google « pour les contenus météo, les contenus sportifs, ainsi que les dictionnaires d’anglais d’Oxford et français Le Robert » et qui « accordent à Google le droit d’afficher l’intégralité du contenu en question ». Selon Google, l’application de cette méthode « conduit à une valeur limite maximale d’environ USD […] par an pour une licence limitée à nos catégories actuelles d’utilisation des contenus IPG certifiés dans leur ensemble, en ce compris votre site Internet BtoC afp.com ». Dans ce même email, Google souligne cependant que « compte tenu de son champ plus étroit, une telle licence offrirait moins de valeur à Google. Les redevances de licence pour cette proposition seraient donc inférieures à nos offres précédentes »68.

118. Google indique avoir également partagé dans un second email « des données sur le nombre de vues des contenus de presse sur Google Discover et Google Actualités, bien que ces outils ne soient pas monétisés en France »69. Concrètement, il s’agit du nombre de vues (i) des publications du site afp.com et (ii) de l’ensemble des publications certifiées IPG sur les services Google Actualités70 et Discover71.

119. Le 16 août 2020, l’AFP a répondu au premier email de Google du 14 août 2020, par un courriel dans lequel elle conteste une grande partie des arguments de Google pour s’opposer au paiement des droits voisins, et dénonce la conduite de Google dans le cadre des négociations. L’AFP regrette notamment les contestations de Google sur la titularité des droits voisins s’agissant de l’AFP, le refus de Google de produire les informations demandées par l’AFP concernant la valeur de ses contenus, la volonté de Google de négocier un partenariat commercial portant sur des services additionnels sans lien avec les droits voisins et le refus de Google de discuter d’une rémunération liée aux usages actuels, à savoir l’affichage sur les services Google Search, Google Actualités et Discover des contenus de l’AFP72.

j) L’échéance de la période de négociation

120. Le 18 août 2020, le délai de trois mois pour conduire les négociations prévues par les Injonctions est arrivé à expiration, sans accord entre l’AFP et Google.

121. Par la suite, divers échanges ont eu lieu entre Google et l’AFP les 19 et 22 août 2020, sans permettre toutefois la conclusion d’un accord. Le 19 août 2020, Google a notamment fait une nouvelle proposition chiffrée à l’AFP de [confidentiel]de dollars sur 5 ans, ne précisant pas la part de rémunération attribuée aux droits voisins73, et sans que cela conduise à un accord74.

k) Octobre 2020 à mars 2021 : discussions postérieures à la période de négociation prévue par les Injonctions

122. Postérieurement à l’échéance de la période de négociations prévue par les Injonctions, de nouvelles discussions entre l’AFP et Google ont repris au mois d’octobre 202075.

70 Google Actualités (accessible via le site www.news.google.com, ainsi qu’à travers des applications mobiles disponibles sur iOS et Android) est un service de Google distinct de Google Search, et dédié intégralement à l’actualité. Google Actualités présente sur sa page d’accueil des contenus d’actualité sélectionnés en fonction de la langue et de la région de l’utilisateur, sans que celui-ci ait à effectuer une requête préalable. L’utilisateur peut également accéder à différentes catégories – intitulées « À la Une », « Pour vous », « International », « Vos actualités locales », « Économie », etc., au sein desquelles les contenus sont regroupés par thématique. Enfin, ce service offre également la faculté à l’utilisateur d’effectuer des recherches sur l’actualité.

71 Google Discover est un service lié à Google Search, accessible sur téléphone mobile ou tablette, qui présente aux utilisateurs, sans qu’ils aient à effectuer une requête spécifique, des contenus sélectionnés en fonction de leurs interactions passées avec les produits Google, ou encore en fonction de thèmes qu'ils ont l’habitude de suivre. Les contenus affichés dans le cadre du service Discover peuvent porter notamment sur l’actualité.

123. Selon les éléments transmis par l’AFP au cours de l’instruction, celles-ci se sont poursuivies au mois de novembre et décembre 202076. Google indique par ailleurs que des échanges se sont poursuivis en janvier et février 202177.

124. Selon l’AFP, la position de Google, à travers les propositions qu’elle a formulées, serait toujours problématique, notamment en ce que Google continuerait à refuser de reconnaître les droits voisins que les agences de presse revendiquent, et à imposer une rémunération globale pour les droits voisins incluant la participation au programme Publisher-Curated News. Google refuserait également, sans aucune explication, de prendre en compte la période courant du 24 octobre 2019 à la signature des accords proposés78.

125. D’après les éléments versés au dossier, aucun accord n’est intervenu entre Google et l’AFP sur les droits voisins.

2. CHRONOLOGIE DES NEGOCIATIONS INTERVENUES ENTRE GOOGLE ET L’APIG

a) 6 mai – 20 mai 2020 : l’ouverture des négociations et la première proposition de l’APIG

126. Par courrier du 6 mai 2020, reçu le 7 mai, l’APIG a adressé à Google une demande d’entrée en négociation conformément à l’Injonction 1.

127. Dans ce courrier, l’APIG demande notamment à Google de « produire et communiquer à l’Alliance, qui centralisera pour le compte de ses membres, l’ensemble des éléments d’information relatifs aux utilisations des publications de presse membre de l’Alliance sur les services de Google ainsi que tous les autres éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due aux éditeurs et de la valeur de ces contenus pour votre groupe ».

128. S’agissant du périmètre des revenus à prendre en compte, l’APIG précise dans ce courrier attendre la communication de « tous les éléments relatifs aux recettes directes et indirectes d’exploitation de toute natures générées par les contenus de presse protégés sur vos différents services » et ce pour l’ensemble des services appartenant au groupe Google79.

129. Le 14 mai 2020, l’APIG a communiqué à Google une première proposition de valorisation de l’utilisation par Google des contenus de presse d’information politique et générale (IPG), fondée sur des données publiques concernant les revenus publicitaires de Google en France80.

130. Le 19 mai 2020, Google a accusé réception de la demande de l’APIG d’entrer en négociation. Dans ce courrier, Google invite l’APIG à bien vouloir lui indiquer « l’étendue des attributions de l’APIG pour négocier pour le compte de ses membres, en ce compris si l’APIG compte ou non représenter et négocier les droits de propriété intellectuelle de ses membres »81.

b) 29 mai – 11 juin 2020 : la première proposition de Google et les échanges qui s’en suivent

131. Le 29 mai 2020, au cours d’une visioconférence, Google a présenté à l’APIG une offre de licence comprenant une proposition financière, sous la forme d’un montant global pour l’IPG en France, dont une partie reviendrait aux membres de l’APIG82.

132. Le 3 juin 2020, Google aurait détaillé, au cours d’une nouvelle visioconférence, les aspects opérationnels de cette proposition de partenariat, qui serait « fondé[e] sur des interfaces dédiées alimentées par les éditeurs choisis par Google », et qui « permettrait à leurs contenus protégés de bénéficier d’une exposition accrue ». L’APIG a joint à sa saisine les diapositives de présentation du partenariat proposé par Google à cette occasion83. Selon l’APIG, cette proposition correspondrait à une proposition de partenariat qui avait déjà été présentée par Google à l’APIG en février 2020, avant l’intervention de la Décision84.

133. Le 8 juin 2020, l’APIG a adressé un email à Google indiquant qu’elle rejetait la proposition de partenariat détaillée par Google le 3 juin 2020. Dans cet email, l’APIG indique qu’elle considère que la proposition de Google ne répond ni aux demandes formulées dans le courrier de demande d’ouverture des négociations, ni à la Décision, dans la mesure où la proposition de partenariat de Google vise la mise en place d’un nouveau service, et non le partage des revenus générés par les services existants de Google. L’APIG souligne que la présentation de Google du 3 juin 2020 ne faisait d’ailleurs aucunement mention des droits voisins.

134. Dans cet email, l’APIG réitère en outre sa demande de communication par Google de l’ensemble des informations nécessaires à l’évaluation de la rémunération85.

135. Le 11 juin 2020, Google a adressé un courrier à l’APIG. Dans ce courrier, Google expose sa position sur le déroulement des négociations à ce stade. En particulier86 :

– Google rejette la valorisation des droits voisins établie par l’APIG, notamment en ce qu’elle ignore la valeur que représente le trafic redirigé par Google vers les sites des éditeurs de presse87.

– Google rappelle qu’elle ne vend pas d’accès aux contenus des éditeurs de presse et, par conséquent, ne perçoit aucun revenu « direct » lorsqu’un utilisateur visionne ou clique sur des liens gratuits redirigeant vers les sites des éditeurs de presse88. Google explique également qu’elle ne perçoit de revenus que lorsqu’un utilisateur clique sur une publicité.

– Selon Google, une définition large des revenus pourrait se fonder sur la prise en compte des revenus publicitaires qui résultent des recherches donnant lieu à l’affichage d’au moins un résultat provenant d’un éditeur de presse IPG. Toutefois, une telle méthode, selon Google, aboutirait à une surestimation de la valeur des droits voisins, car elle ne prendrait pas en compte un certain nombre d’autres éléments. En particulier, elle ne distinguerait pas le fait que les affichages qui apparaissent sont ou non en réponse à des requêtes d’actualité, elle ne prendrait pas en compte la valeur de la technologie de Google nécessaire à la création des annonces publicitaires et des algorithmes de recherche et pas non plus l’existence de contenus de presse non-protégés, exclus du champ des droits voisins au titre de l’exception des très courts extraits. En conséquence, Google estime que la valeur réelle des contenus protégés devrait être « de l’ordre de la moitié ou du quart de ce montant de référence, voire encore moins » (traduction libre)89.

– Google indique ensuite avoir fait une proposition de rémunération à l’APIG couvrant les contenus protégés et avoir proposé de trouver des manières « d’augmenter la valeur et l’utilisation des contenus »90, tout en rejetant l’accusation selon laquelle elle tenterait de contourner le cadre juridique applicable91.

136. Une note est jointe à ce courrier, qui présente plus en détail la méthodologie utilisée par Google pour déterminer les revenus publicitaires de Google Search associés à l’affichage de contenus de presse IPG potentiellement protégés, à savoir [20-25] millions d’euros92.

c) 18 juin – 30 juin 2020 : la deuxième proposition de Google et les échanges qui ont suivi

137. Le 18 juin 2020, Google a adressé un email à l’APIG, dans lequel elle récapitule les principaux points de son offre. La proposition financière est améliorée par rapport à l’offre précédente93.

138. Le 25 juin 2020, Google informe l’APIG du lancement dans plusieurs pays (Allemagne, Brésil, Australie) d’une initiative Google News consistant en un programme de licence pour soutenir l’industrie de la presse. Le communiqué de presse de Google indique que ce programme permettra aux utilisateurs d’accéder gratuitement à des contenus payants sur le site d’un éditeur qui sera rémunéré par Google, tout en permettant aux éditeurs d’élargir leur audience et de mieux monétiser leurs contenus94. Selon Google, « [c]ette annonce fait écho aux discussions que nous avons et confirme notre engagement, au plus haut niveau chez nous, pour accroître nos efforts pour soutenir les éditeurs de presse »95.

139. Le 30 juin 2020, Google a transmis à l’APIG une répartition de la rémunération proposée pour chacun des éditeurs représentés par l’APIG96. Dans l’email accompagnant cette répartition, Google affirme qu’il s’agit d’une proposition fondée sur son « modèle à date97 » mais ne fournit aucune précision sur ce dernier, ni sur les calculs permettant d’aboutir à la répartition proposée.

d) 1er juillet 2020 : la deuxième proposition de l’APIG et la demande d’information détaillée

140. Par courrier du 30 juin 2020, reçu le 1er juillet, l’APIG réagit aux derniers échanges avec Google, propose une nouvelle méthode de valorisation des droits voisins, et dresse une liste d’informations dont elle demande la communication à Google. Cette demande est motivée par l’APIG par la nécessité de disposer de « l’ensemble des informations nécessaires à une valorisation transparente et proportionnée du droit voisin »98.

141. S’agissant du déroulement des négociations et de la rémunération, les principaux points exposés par l’APIG dans ce courrier sont les suivants :

– Tout d’abord, s’agissant du périmètre de la négociation, l’APIG souligne la nécessité de faire porter les discussions « sur la question de la rémunération due aux éditeurs au titre de leurs droits voisins » et que « toute autre utilisation de ces contenus […] par exemple dans le cadre de partenariats tels que celui que vous avez présenté […] n’appartient pas au champ de ces discussions ».

– Ensuite, s’agissant de la rémunération due par Google, l’APIG soutient que les discussions « ne sauraient en aucun cas reposer sur l’analyse d’un prétendu échange réciproque de valeur entre les services de Google et les publications des éditeurs de l’Alliance » et que les discussions « doivent […] concerner exclusivement la valeur créée par les contenus de presse pour les services de Google, incluant la totalité des recettes directes et indirectes générées par les services de ce dernier ».

– L’APIG soutient ensuite que les montants proposés par Google seraient « quasiment identiques à ceux qui avaient été évoqués lors de contacts informels entre les représentants de Google et les principaux éditeurs français lors de la visite de Richard Gingras à Paris en janvier 2020 ».

– Par la suite, l’APIG propose une nouvelle méthode de valorisation de l’utilisation par Google des droits voisins de ses membres, fondée sur une actualisation du montant mobilisé par Google dans le cadre du Fonds pour l’Innovation Numérique de la Presse (FINP) entre 2013 et 2015. Selon l’APIG, le montant résultant de l’application de cette méthode serait convergent avec celui indiqué dans la première proposition de l’APIG transmise à Google le 14 mai 2020.

142. S’agissant de la communication d’informations par Google, l’APIG dresse une liste non-limitative des informations qui, selon elle, sont nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due par Google au titre des droits voisins. Ces informations sont les suivantes :

– « l’ensemble des revenus directs et indirects en euros dégagés grâce à l’activité des utilisateurs français de l’écosystème de Google, en valeur absolue et rapporté à l’utilisateur » ;

– « le taux de marge de Google sur ses opérations publicitaires en France » ;

– « les données complètes de « crawl » par Google des sites IPG des membres de l’Alliance (volumétrie quotidienne, fréquence…) » ;

– « le détail exhaustif des services et outils Google […] pour lesquels le contenu issu du « crawl » des sites IPG des membres de l’Alliance est utilisé, directement ou non » ;

– « le détail du mécanisme des utilisations faites par l’algorithme de Google des contenus d’actualité » ;

– « la part des résultats de recherche contenant au moins un contenu de presse IPG, pour les utilisateurs connectés à leur compte Google, pour les autres utilisateurs et pour l’ensemble » ;

– « dans les résultats de recherche contenant au moins un contenu de presse IPG, la part faisant l’objet d’une monétisation directe par Google (présence d’un lien sponsorisé) » ;

– « la part des contenus de presse IPG dans les contenus poussés par Google Discover auprès de ses utilisateurs ».

e) 1er juillet – 20 juillet 2020 : divers échanges concernant le mandat de l’APIG, la valorisation des droits voisins et la demande de communication d’informations

143. Le 1er juillet 2020, l’APIG a adressé un courrier de réponse à la demande de Google du 19 mai 2020 concernant l’étendue du mandat de l’APIG. Dans ce courrier, l’APIG confirme le mandat de l’APIG et du groupe de travail créé par cette dernière afin de négocier la rémunération due au titre des droits voisins. Une résolution du conseil d’administration de l’APIG du 3 juin 2020 est jointe à ce courrier, laquelle précise qu’un mandat formel sera recueilli auprès de chacun des membres de l’APIG.

144. Dans son courrier, l’APIG réitère également sa demande de communication d’informations du 6 mai 2020, à laquelle elle estime que Google n’a pas répondu99.

145. Le 6 juillet 2020, Google indique qu’une vidéoconférence s’est tenue avec l’APIG, au cours de laquelle Google aurait expliqué plus en détail la méthodologie retenue pour estimer la valeur des actualités pour Google100.

146. Le 14 juillet 2020, Google a adressé un courrier de réponse aux courriers de l’APIG des 30 juin et 1er juillet 2020. Les principaux points soulevés dans ce courrier sont exposés ci-après.

147. S’agissant des mandats, Google indique rester dans l’attente « des versions signées des mandats individuels des membres de l’APIG ou, à tout le moins, d’une liste des membres qui les ont signés », tout en « rest[ant] déterminés à poursuivre [ses] discussions avec l’APIG »101.

148. S’agissant de l’estimation des revenus tirés par Google des contenus d’actualités sur ses différents services avancée par l’APIG, Google formule les critiques suivantes :

– La méthodologie de valorisation proposée par Google « repose sur celle proposée par l’APIG elle-même », laquelle serait « simplement affinée et corrigée de données réelles ».

– L’argument de l’APIG selon lequel la valeur du trafic redirigé par Google vers les sites des éditeurs ne doit pas être prise en compte ne serait pas recevable dans la mesure où, notamment, « l’APIG a toujours affirmé que ce trafic était crucial pour ses membres » et que « l’ACCC (l’Autorité de concurrence australienne) a expressément reconnu que la valeur du trafic redirigé par Google devait être prise en compte dans l’échange de valeur ». Par ailleurs, s’agissant de l’argument de l’APIG selon lequel les contenus IPG affichés en réponse à des requêtes non liées aux actualités devraient être pris en compte, Google indique avoir fourni dans sa lettre du 11 juin « des données concernant tous les contenus IPG affichés dans Google Search (et pas seulement les contenus IPG affichés en réponse à des recherches d’actualité) ».

– Selon Google, « même si l’on devait ignorer la valeur du trafic renvoyé par Google et inclure les revenus de Google issus de toutes les pages de recherche affichant du contenu IPG […], nous n’aboutirions toujours qu’à des montants très éloignés de ceux suggérés par l’APIG ». Par conséquent, selon Google, « c’est précisément parce qu’une méthodologie qui reposerait sur l’allocation des revenus de Google provenant de l’exploitation de contenus d’actualités (méthodologie initialement suggérée par l’APIG) ne permettrait pas d’aboutir à des revenus significatifs pour les membres de l’APIG que Google a opté pour une approche pragmatique, consistant à inclure dans le périmètre de la licence un nouveau produit « News », visant à promouvoir et à mettre davantage en valeur le contenu des éditeurs ». Google ajoute « Contrairement à ce que suggère votre courrier, notre proposition […] n’est en aucun cas distincte de la négociation des droits voisins : au contraire, elle vise précisément à offrir aux membres de l’APIG une rémunération significative pour l’utilisation de leurs contenus protégés sur les surfaces de Google ».

– Google critique, par ailleurs, l’approche retenue par l’APIG fondée sur les montants payés par Google dans le cadre du « Fonds pour l’Innovation Numérique pour la Presse », dans la mesure où les montants versés à ce titre étaient, selon elle, « sans lien avec la valeur des contenus d’actualités » et ne peuvent donc « constituer le point de départ pour déterminer la contribution des publications de presse aux revenus de Google ». Google critique par ailleurs la méthodologie retenue par l’APIG, qui devrait en tout état de cause, selon elle, être corrigée sur plusieurs points.

149. S’agissant des demandes de communication d’informations formulées par l’APIG, Google souligne que certaines sont « sans rapport avec les négociations en cours, ou même avec la nouvelle méthodologie d’évaluation » suggérée par l’APIG. Par ailleurs, Google aurait« d’ores et déjà partagé avec l’APIG des données qui lui permettent d’évaluer sa proposition », en ce compris des données que l’APIG continuerait à demander, alors qu’elles lui auraient déjà été fournies (Google cite comme exemple, la part des revenus des annonces sponsorisées dans les résultats de recherche qui contiennent au moins un contenu IPG). Google ajoute qu’elle ne saurait être tenue de fournir des données « sans lien avec les discussions en cours ou avec la nouvelle méthodologie proposée par l’APIG ».

150. Le 20 juillet 2020, l’APIG a répondu aux différents points soulevés par Google dans son courrier du 14 juillet.

151. S’agissant des mandats, l’APIG joint à son courrier la liste des membres lui ayant confié un mandat de négociation de la valorisation des droits voisins102.

152. S’agissant de la valorisation des droits voisins et de la communication d’informations, l’APIG critique les positions de Google, et dénonce tout particulièrement :

– S’agissant de la valorisation des droits voisins, l’APIG indique que « les éléments méthodologiques proposés par Google dans son courrier du 11 juin puis dans son mail du 18 juin […] ne prennent en compte que certains revenus publicitaires liés à certaines pages et non l’ensemble des recettes directes et indirectes ». Elle explique également que c’est en l’absence de données communiquées par Google que l’APIG « a pris l’initiative de proposer successivement plusieurs méthodologies d’évaluation du droit voisin, fondées sur les seules sources publiques disponibles à sa disposition ».

Dans son courrier, l’APIG réitère sa volonté de prise en compte de « la totalité des recettes directes et indirectes réalisées par Google en France pour déterminer la valorisation du droit voisin » et de « l’indexation des contenus de presse par l’ensemble des services de Google, et non des seuls résultats de recherches renvoyant des contenus IPG ».

– S’agissant de la communication des informations, l’APIG critique le fait que, selon elle, « Google continue […] à se dérober à l’obligation de transmettre l’ensemble des données permettant une valorisation transparente du droit voisin des éditeurs membres de l’Alliance ».

L’APIG soutient en particulier que, contrairement à ce que Google indique dans son courrier du 14 juillet 2020, cette dernière « n’a pas fourni à l’Alliance […] « les données concernant tous les contenus IPG affichés dans Google Search » ». Par ailleurs, Google n’aurait pas justifié son affirmation selon laquelle les données demandées par l’APIG seraient « sans rapport » avec les discussions en cours.

En conséquence, l’APIG réitère dans ce courrier sa demande de communication d’informations à Google dans les mêmes termes que dans son courrier du 30 juin.

153. L’APIG rappelle par ailleurs sa volonté de conclure un accord collectif, et non des accords bilatéraux avec chacun de ses membres.

f) 24 juillet – 27 juillet 2020 : la troisième proposition de Google (projet d’accord- cadre) et les discussions qui ont suivi

154. Le 24 juillet 2020, Google a transmis une proposition d’accord-cadre à l’APIG (en anglais) accompagnée d’une proposition de rémunération par éditeur103.

155. S’agissant de la licence qui serait accordée en vertu de ce contrat, Google indique qu’elle couvrirait « l’utilisation des contenus protégés en vertu de la loi française (loi n° 2019-775 et CPI) sur tous les produits Google (y compris Search, News et Discover) et la participation à une « nouvelle expérience dans News et Discover » ».

156. Plus précisément, s’agissant de l’utilisation des contenus protégés sur les produits de Google, les principales dispositions du projet d’accord-cadre sont les suivantes :

– L’article 3.1 : cet article prévoit que les éditeurs consentiront à Google une licence non-exclusive, gratuite, mondiale et pouvant faire l’objet d’une sous-licence, pour la durée de l’accord, permettant à Google de reproduire, distribuer, afficher publiquement, représenter publiquement ou utiliser d’une quelconque autre manière les contenus disponibles sur les sites des éditeurs afin de créer de « nouvelles expériences » dans les produits et services Google, d’une part, et les contenus mis à disposition par les éditeurs dans le cadre de la fonctionnalité « Publisher-Curated News », d’autre part104.

– L’article 3.2 : cet article prévoit que chaque éditeur s’engage, au titre de ce que Google appelle « Publisher-Curated News », à sélectionner et compléter un nombre défini de « modules » par jour (entre 5 et 7 pour les éditeurs ayant les plus fortes audiences, 2 pour les éditeurs ayant des audiences plus faibles)105.

– L’article 3.3 : cet article prévoit quant à lui que la licence accordée couvrirait l’utilisation des contenus protégés par la Loi sur Google Search, Google News, Discover et les autres produits et services de Google. Il précise que la rémunération prévue conformément à cet accord, conjointement avec la valeur que Google crée par le trafic redirigé vers les sites des éditeurs de presse membre de l’APIG, constitue une rémunération appropriée au titre des droits voisins106.

– L’article 5.1 : cet article prévoit que la licence accordée serait rémunérée par un montant global annuel dont la répartition entre éditeurs est jointe en Annexe. Selon cet article, seuls les éditeurs disposant d’une certification « IPG » seraient concernés par cette rémunération.

– L’article 10.5 : cet article fait interdiction à l’APIG, pendant la durée de cet accord, de s’engager directement ou indirectement dans des actions publiques (par exemple, la publication d’un communiqué), des recours juridiques ou des plaintes concernant l’utilisation par Google ou ses filiales des contenus ayant été parcourus par ses robots d’indexation (« crawled content »), en ce compris les extraits d’actualité107.

157. S’agissant de la valorisation globale des contenus IPG, celle-ci demeure identique à celle proposée par Google à l’APIG dans son email du 18 juin 2020108.

158. Dans l’email de transmission de cette proposition d’accord-cadre, Google indique souhaiter qu’une décision soit prise d’ici le 31 juillet 2020 sur l’offre proposée. Alternativement, Google indique que son intention est « de communiquer son offre plus largement et d’engager des négociations individuelles ».

159. Le 27 juillet 2020, l’APIG a adressé un email à Google. Dans cette correspondance, l’APIG critique l’offre de Google du 24 juillet 2020, en ce qu’elle « reprend pour l’essentiel, dans son montant, comme dans ses modalités, les paramètres déjà avancés dans [les] correspondances précédentes »109.

160. S’agissant de la rémunération, l’APIG note que l’offre de Google « implique toujours une rémunération globale pour l’ensemble des usages des publications de presse par les services de Google, sans identifier une rémunération spécifiquement liée aux droits voisins » et que « [ce] montant n’est pas déterminé en fonction des recettes d’exploitation directes et indirectes, comme prescrit par l’article L. 218-4 du CPI ».

161. S’agissant de la transmission d’informations, l’APIG souligne « l’absence de fourniture des données demandées dans [ses] courriers précédents ».

g) 30 juillet et 12 août 2020 : la demande d’extension de délai

162. Le 30 juillet 2020, Google indique qu’un appel a été organisé entre l’APIG et Google au cours duquel « l’APIG (i) a évoqué la possibilité de demander une extension de l’échéance à l’Autorité et (ii) a demandé une « clean room » pour vérifier les données de Google »110.

163. Le 12 août 2020, Google a adressé un courrier à l’APIG pour l’informer qu’elle s’apprêtait à demander à l’Autorité une extension de la période de négociation111.

h) 4 août – 6 août 2020 : la transmission de la méthodologie de Google

164. Parallèlement à ces échanges sur une éventuelle extension du délai, Google a transmis le 4 août 2020 une note méthodologique présentant les étapes intermédiaires du calcul de la valeur des contenus opéré par ses soins et joint à son courrier du 11 juin 2020112. Comme détaillé ci-après (voir paragraphes 274 et suivants), cette méthodologie d’évaluation repose sur une estimation des revenus totaux Google Ads de Google Search, associés aux affichages avec du contenu IPG potentiellement protégé, et sur une pondération en fonction de la position dans les résultats de recherche de ces contenus.

165. Le 6 août 2020, l’APIG indique à Google qu’elle considère que les chiffres utilisés dans la note sur la valorisation jointe au courrier du 4 août 2020 ne contiennent « aucune des données demandées par l’Alliance dans ses correspondances des 30 juin et 20 juillet ». L’APIG réitère donc sa demande de communication d’informations à Google113.

166. S’agissant du calcul des revenus figurant dans la note de Google, l’APIG indique notamment dans cet email que « seule une fraction des revenus issus de certaines activités de Google (Google Ads) y est mentionnée, alors que […] la loi exige que la rémunération du droit voisin soit assise sur les recettes de l’exploitation de toute nature, directes et indirectes ». Par ailleurs, l’APIG souligne que « la fraction des revenus identifiée est directement fonction de la position des contenus IPG dans les résultats de recherche alors que cette position est déterminée par des mesures qui sont à la seule main de Google ».

i) 14 août – 17 août 2020 : la quatrième proposition de Google et les discussions qui s’en suivent

167. Le 14 août 2020, Google a transmis à l’APIG une proposition de valorisation portant sur les utilisations actuelles des contenus de presse IPG dans Google Search, Google Actualités et Discover114. Ainsi que le précise Google dans son courrier, « compte tenu de son champ d’application plus étroit et de l’absence de curation éditoriale et d’accès de nos utilisateurs à des contenus protégés par un paywall comme le prévoyait notre précédente proposition, une telle licence offrirait moins de valeur à Google ». En conséquence, Google explique que « les redevances de licence pour cette proposition seraient donc inférieures à nos offres précédentes ».

168. Ainsi, Google propose dans son courrier de valoriser son utilisation actuelle des contenus d’actualités par référence aux montants de licences qu’elle verse pour les contenus météo, les contenus sportifs ainsi que les dictionnaires anglais d’Oxford et français Le Robert. Ces licences autorisent Google à afficher l’intégralité du contenu en question dans les résultats de recherche ainsi que dans ses autres interfaces. Concrètement, la méthodologie suivie par Google est la suivante :

– dans un premier temps, Google a calculé une redevance par affichage ;

– ensuite, Google a multiplié cette redevance par affichage par le nombre d’affichages de contenus certifiés IPG de moins de deux ans en France sur Google Search de juin 2019 à mai 2020.

169. L’application de cette méthode conduit, selon Google, à « une redevance limite supérieure pour le contenu des éditeurs de presse d’environ [confidentiel] par an pour la classe IPG dans son ensemble ». Google ajoute dans son courrier qu’elle continue cependant de croire que son « offre plus large de licence des droits voisins […] offre la meilleure voie pour une négociation fructueuse car elle [lui] permet d’offrir des redevances de licence plus élevées et de développer de nouveaux designs qui créeront de la valeur supplémentaire pour les éditeurs ».

170. Par ailleurs, dans cet email, Google demande à l’APIG son accord pour une extension de la période de négociation.

171. Le même jour, Google a transmis à l’APIG des données concernant le nombre de vues de contenus IPG et de l’APIG sur Google Actualités et Discover115. Google précise dans son email n’avoir pas encore partagé ces données car « Google Actualités et Discover ne sont pas aujourd’hui monétisés par Google en France, et il n’y a donc pas de revenus sur ces interfaces ».

172. Le 17 août 2020, l’APIG a adressé un email à Google pour accuser réception et répondre aux emails de Google datés du 14 août 2020116.

173. S’agissant de la proposition de valorisation formulée par Google pour l’utilisation actuelle qu’elle fait des contenus d’actualités, l’APIG critique en particulier « la référence aux contenus météo ou de dictionnaires pour déterminer la « valeur limite supérieure » des publications d’information politique et générale […] alors que celles-ci présentent une valeur à la fois économique et sociétale spécifique, reconnue par la loi française et européenne ».

174. S’agissant de la communication des informations demandées par l’APIG, cette dernière considère que les données communiquées par Google « ne permettent pas à elles seules de déterminer la valeur », réitère ses demandes, et invite Google à lui transmettre « l’ensemble des données demandées dans [ses] communications précédentes, à commencer par les éléments de revenus de Google en France ».

175. Par ailleurs, dans cet email, l’APIG ne donne pas suite à la demande d’extension de délai de Google, en faisant notamment valoir que l’échec des négociations résulte non d’un manque de temps, mais de la mauvaise foi de Google.

j) 18 août 2020 : l’échéance de la période de négociation

176. Le 18 août 2020, le délai de trois mois pour conduire les négociations prévues par les Injonctions est arrivé à expiration, sans accord entre l’APIG et Google.

177. Google, dans un email adressé à 18h53, a demandé une nouvelle fois à l’APIG de lui confirmer son refus d’étendre la période de négociation117. Ce refus a été réitéré par l’APIG le 24 août 2020118.

k) Octobre 2020 – février 2021 : discussions postérieures à la période de négociation prévue par les Injonctions

178. Postérieurement à l’échéance de la période de négociations prévue par les Injonctions, de nouvelles discussions entre l’APIG et Google ont repris au début du mois d’octobre 2020119.

179. Dans le courant du mois d’octobre, Google a transmis une nouvelle version du projet d’accord-cadre120. L’examen de ce projet de contrat ne fait pas apparaître d’évolution substantielle par rapport à la version communiquée par Google à l’APIG le 24 juillet 2020. Tel est notamment le cas s’agissant de l’absence de distinction entre les utilisations actuelles des contenus protégés et la participation au programme Publisher-Curated News, en particulier dans le montant de la rémunération proposée. À certains égards, ce projet de contrat apparaît même plus restrictif, notamment en ce qui concerne le périmètre des titres inclus. En effet, les définitions figurant en page 2 du projet de contrat, ainsi que les propositions de rémunération par éditeur, précisent désormais clairement que seuls les éditeurs de presse disposant d’une certification IPG seraient inclus dans le périmètre du contrat.

180. S’agissant de ce projet de contrat, l’APIG maintient plusieurs de ses critiques déjà formulées à l’égard de Google121 :

– Google établirait toujours un lien entre la rémunération au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et le nouveau service Showcase ;

– Google maintiendrait sa volonté de tenir compte du trafic renvoyé vers les sites des éditeurs de presse afin de minimiser la rémunération due à ces derniers, et ce en contradiction avec l’arrêt de la cour d’appel de Paris ;

– bien que l’article 5.2 du contrat précise que la rémunération proposée serait fondée sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires, en pratique ces critères ne seraient pas définis.

181. Une nouvelle proposition de Google a été adressée à l’APIG fin novembre 2020122. L’examen de ce nouveau projet de contrat fait à nouveau ressortir l’établissement d’un lien entre la rémunération due au titre de la participation au programme Publisher-Curated News et les autres utilisations des contenus protégés par Google (article 5.2). De même, bien qu’il soit indiqué que la redevance est déterminée sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires, l’APIG souligne qu’aucune information ne lui a été transmise à ce titre. À cet égard, dans l’email de synthèse accompagnant ce projet de contrat, l’APIG indique que « L’Alliance attend des données transparentes sur l’ensemble des revenus directs et indirects de Google en France, tant pour la valorisation que pour la répartition des revenus entre éditeurs ».

182. Par ailleurs, la rémunération envisagée dans ce projet de contrat est plafonnée et n’apparaît pas liée à l’utilisation effective que fait Google des contenus protégés au fil du temps (article 5.1).

183. Dans un email interne du 7 janvier 2021, l’équipe juridique de l’APIG présente la situation des négociations à date avec Google, et indique que cette dernière a accepté d’introduire une référence explicite aux droits voisins (en plus de Showcase), tout en soulignant que Google refuse de limiter la licence à ses services et usages actuels. S’agissant de la valorisation et la répartition des droits voisins, l’équipe juridique précise que Google n’a pas communiqué de documents précis justifiant les critères qualitatifs et quantitatifs, bien qu’elle se soit engagée à le faire, et malgré trois relances123.

184. Le 21 janvier 2021, l’APIG et Google ont annoncé avoir trouvé un accord relatif à l’utilisation des publications de presse en ligne124. Le communiqué de presse publié à cette occasion précise : « Cet accord fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence avec les membres de l’Alliance dont les publications sont reconnues d’Information Politique et Générale, tout en reflétant les principes fixés par la loi. Ces accords individuels de licence couvriront les droits voisins, et ouvriront l’accès à News Showcase, un nouveau programme de licence de publications de presse lancé récemment par Google, qui permettra aux lecteurs d’accéder à un contenu enrichi. ».

185. Le conseil d’administration de l’APIG a ainsi approuvé la signature d’un accord avec Google comportant un accord-cadre et un protocole transactionnel. Dans une note interne du 20 janvier 2021, il est précisé que l’accord trouvé avec Google comporte un accord-cadre conclu pour trois ans et couvrant les utilisations des contenus des éditeurs dans les services de Google, ainsi que la participation à Showcase, d’une part, et un accord transactionnel, d’autre part125. Dans une note de présentation de l’accord à son Conseil d’administration, l’APIG indique par ailleurs que l’accord trouvé prévoit une reconnaissance des droits voisins par Google et fait référence à une contrepartie financière pour ces derniers « inclue dans le montant global de rémunération ». S’agissant de l’allocation de la rémunération entre les éditeurs, la note relève que Google a transmis un document mais que « ce document est trop imprécis pour répondre aux prescriptions de la loi »126.

186. Le 12 février 2021, l’APIG et Google ont signé l’accord-cadre et le protocole transactionnel127. Ces contrats sont joints au rapport de conformité n° 10 de Google en date du 5 mars 2021128.

3. CHRONOLOGIE DES NEGOCIATIONS INTERVENUES ENTRE GOOGLE ET LE SEPM

a) 22 mai – 29 juin 2020 : l’ouverture des négociations et les premiers échanges

187. Conformément à l’Injonction 1, le SEPM a adressé à Google une demande d’entrée en négociation le 22 mai 2020129.

188. Dans ce courrier, le SEPM indique avoir reçu de ses membres, dont il fournit par ailleurs la liste, mandat pour conduire les négociations en leur nom et pour leur compte.

189. Le SEPM demande également à Google la transmission sous 10 jours d’un certain nombre d’informations pour chacun des sites Internet de ses membres, à savoir :

– « Le nombre d’affichage de contenus éditoriaux sur chacun des services de Google […] et tous supports confondus (mobiles, tablettes, ordinateur), pour chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre » ;

– « le nombre de visites (mesuré en nombre de « clics ») de ces sites par les internautes à partir de chacun des services susvisés de Google, tous support confondus (mobiles, tablettes, ordinateur), pour chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre » ;

– « les recettes de toute nature, directes et indirectes, perçues par Google du fait de l’affichage des contenus éditoriaux des membres du SEPM pour (i) l’ensemble de l’année 2019 et (ii) chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre ».

190. Le 2 juin 2020, Google a accusé réception de la demande d’entrée en négociation du SEPM130. Dans ce courrier, Google demande la transmission de la liste des publications entrant dans le champ de la Loi ainsi que les adresses de leurs domaines Internet. Google demande également au SEPM de préciser les publications disposant d’une certification IPG. Enfin, Google interroge le SEPM sur les mesures prises afin d’éviter tout échange d’informations commercialement sensibles entre les membres du SEPM à l’occasion du partage des données prévues par l’article L. 218-4 CPI.

191. Le 12 juin 2020, une réunion entre Google et le SEPM s’est tenue. Google indique, s’agissant de cette réunion, et sans plus de précision, qu’a été abordée « la question du partage de données et les principes généraux sur lesquels l’offre de Google se fonde »131.

192. Le 17 juin 2020, le SEPM a répondu au courrier de Google du 2 juin 2020 en fournissant la liste des noms de domaines des éditeurs membres du SEPM et précisé lesquels de ces membres disposaient d’une certification IPG. Dans ce courrier, le SEPM a également précisé les mesures prises afin de préserver la confidentialité des données individuelles de ses membres132.

193. Le 26 juin 2020, une nouvelle réunion entre Google et le SEPM s’est tenue. Google indique qu’au cours de cette dernière, « le SEPM a questionné le calcul de valeur présenté par Google »133.

194. Le 29 juin 2020, le SEPM a adressé à Google un courrier afin de réitérer sa demande de communication d’informations formulée le 22 mai 2020. Dans ce courrier, le SEPM demande également à Google de lui fournir (i) les éléments sur la base desquels Google a procédé à la valorisation des contenus IPG et partagée avec le SEPM lors des réunions du 12 et 26 juin 2020 et (ii) une estimation de la valorisation de l’utilisation par Google des contenus non-IPG134.

b) 1er juillet – 23 juillet 2020 : la première offre de Google

195. Le 1er juillet 2020, Google a adressé un courrier au SEPM en réponse à sa lettre du 29 juin 2020135. Dans ce courrier Google précise sa position sur plusieurs aspects de la négociation et formule une première proposition de rémunération.

196. S’agissant de la valorisation de l’utilisation des contenus de presse au sein de ses services et des partenariats qu’elle envisage avec la presse, Google fait valoir les points suivants :

– Google rappelle qu’elle ne vend pas d’accès aux contenus des éditeurs de presse et par conséquent ne perçoit aucun revenu « direct » lorsqu’un utilisateur visionne ou clique sur des liens gratuits redirigeant vers les sites des éditeurs de presse ; et qu’elle ne génère des revenus que lorsqu’un utilisateur clique sur une publicité. Or, selon Google, les requêtes portant sur l’actualité ne génèrent que peu de recettes publicitaires.

– Selon Google, une définition extensive des revenus tirés des contenus protégés pourrait se fonder sur la prise en compte des revenus publicitaires qui résultent de toutes les requêtes donnant lieu à l’affichage d’au moins un résultat provenant d’un éditeur de presse IPG. Toutefois une telle méthode, selon Google, aboutirait à une surestimation de la valeur des droits voisins, car elle ne prendrait pas en considération un certain nombre d’autres éléments (tels que la valeur des contenus pris en licence par Google et apparaissant sur les pages de résultats, la valeur des algorithmes de classement, des infrastructures et de la technologie de Google, etc.). En conséquence, la valeur réelle des contenus protégés serait en réalité bien inférieure. De surcroît, il conviendrait de prendre en compte également la valeur que Google apporte au secteur de la presse en redirigeant un trafic que Google estime « précieux » pour les éditeurs de presse, car source d’abonnements et de revenus publicitaires pour ces derniers.

– Afin de trouver, selon elle, un accord « mutuellement acceptable et qui couvre les droits voisins », Google propose ensuite « une approche pragmatique, qui permettrait d’élargir le champ de nos discussions, afin de permettre à Google de faire davantage au soutien de la presse d’information politique et générale en France, en sus d’une offre de rémunération qui couvre notre utilisation de contenus protégés ».

– Google présente ensuite les contours de son nouveau « programme Actualités » dans lequel « le contenu affiché sera sélectionné par les éditeurs et les contenus édités apparaitront dans des « panels » reflétant l’identité visuelle de l’éditeur ». Par ailleurs, précise Google, « s’ils veulent lire les articles complets, les utilisateurs seront toujours redirigés vers les sites des éditeurs, et il sera alors possible d’engager davantage ces utilisateurs afin de les inciter à s’abonner ». Google précise que « ce nouveau programme est compris dans notre proposition de licence en sus de la rémunération au titre du droit voisin ».

– S’agissant de la rémunération, Google indique avoir développé « un modèle transparent et fondé sur des critères objectifs ». Selon Google, la certification IPG serait un critère « fondamental ». Les autres critères cités par Google sont « le volume quotidien de publications, le trafic internet mensuel, les salaires éditoriaux, les utilisateurs actifs mensuellement sur Google Actualités, le pourcentage de lecteurs qui ont souscrit à un abonnement payant, et les frais mensuels d’abonnement en ligne ».

– En conclusion de son courrier, Google indique « nous souhaiterions résumer notre approche : dans la mesure où la balance de valeur joue déjà en faveur des éditeurs, Google a travaillé à mettre en place des motifs commerciaux convaincants lui permettant de proposer une rémunération significative aux éditeurs certifiés IPG, en sus de couvrir une licence au titre des droits voisins ».

197. S’agissant de la proposition de rémunération, Google joint à ce courrier une note qui présente sa méthodologie pour déterminer les revenus publicitaires de Google Search associés à l’affichage de contenus de presse IPG, qu’elle estime à [20-25] millions d’euros136. Google joint également à son courrier une proposition de rémunération pour un certain nombre d’éditeurs membres du SEPM certifiés IPG.

c) 6 juillet – 23 juillet 2020 : la réaction du SEPM à l’offre de Google

198. Le 6 juillet 2020, en réponse au courrier de Google du 1er juillet 2020137, le SEPM dénonce le fait, que selon lui, Google « refus[e] toujours de communiquer les informations nécessaires à la détermination de la rémunération due aux membres du SEPM au titre de leurs droits voisins ».

199. Par ailleurs, s’agissant de la structure même du partenariat proposé par Google, le SEPM considère que Google « [prétend] négocier de bonne foi avec les éditeurs en proposant une enveloppe forfaitaire en contrepartie d’une licence globale pour la reprise de leurs contenus éditoriaux » alors que « cette licence ne vise pas à rémunérer les éditeurs au titre de leurs droits voisins mais à les rémunérer pour un nouveau service que [Google] envisag[e] de lancer ».

200. Le 17 juillet 2020, une réunion s’est tenue entre le SEPM et Google pour discuter de l’offre faite par Google. Cette dernière indique que les discussions se sont concentrées sur la question de savoir si la proposition de Google de concéder une licence pour un nouveau produit d’actualité devrait être incluse dans une licence de droits voisins ou devrait être traitée séparément138.

201. Le 22 juillet 2020, le SEPM a adressé un courrier à Google139. Dans ce courrier, le SEPM réitère ses critiques déjà formulées à l’encontre de Google.

202. S’agissant de la communication des informations, le SEPM indique que « à quatre reprises, le SEPM a sollicité de Google la communication des informations prévues à l’article L. 218-4 du code de la propriété [intellectuelle] et que Google refuse toujours de communiquer ces informations. Le SEPM réitère donc sa demande de communication des informations sollicitées dans ses précédents courriers.

203. S’agissant du partenariat proposé par Google, le SEPM le critique notamment en ce qu’il traduirait un refus de reconnaître le principe d’une rémunération due aux éditeurs de presse afin d’y substituer une rémunération pour un service nouveau. Par ailleurs, le SEPM dénonce l’exclusion des éditeurs non-IPG des propositions de rémunération formulées par Google.

204. Le même jour, Google indique qu’un appel téléphonique a été organisé entre le SEPM et Google pour discuter de la méthodologie d’évaluation utilisée par Google pour déterminer son offre de rémunération.

205. Le 23 juillet 2020, Google a adressé un courrier de réponse aux lettres du SEPM du 6 et 22 juillet 2020140, dans lequel elle explique sa position et se défend sur plusieurs points et, en particulier, sur son offre faite au SEPM ainsi que sur le partage de données.

206. Sur l’offre de Google au SEPM, Google indique :

– Contrairement à ce qu’affirmerait le SEPM dans ses courriers, l’offre de Google ne serait pas sans lien avec les droits voisins. Selon Google son offre « vise précisément à offrir aux membres certifiés IPG du SEPM une rémunération significative pour l’utilisation de leurs contenus protégés par la Loi sur les droits voisins sur les interfaces de Google ». Google précise que « si Google a proposé un champ d’application de la licence qui excède l’utilisation actuelle par Google des contenus d’actualités […], c’est parce qu’une offre monétaire qui serait basée uniquement sur les revenus que Google tire de l’utilisation actuelle de ces contenus et sur la valeur que cette utilisation procure [aux membres du SEPM] ne permettrait pas à Google de proposer des paiements significatifs ».

– Selon Google, son offre « prend en compte les éléments visés à l’article L. 218-4 du CPI » qui prévoit que « le montant de la rémunération proposée doit tenir compte d’éléments tels que les investissements des éditeurs, la contribution des publications de presse à l’information politique et générale et l’importance de l’utilisation des publications de presse par Google ». En conséquence, l’offre de Google se concentre sur les éditeurs certifiés IPG dans la mesure où Google considère que ces derniers « contribuent le plus significativement à « l’information politique et générale » ». Ce critère serait de surcroît selon Google « un critère objectif et transparent […] basé sur une certification accordée par la CPPAP […], qui dépend elle-même du Ministère de la Culture ».

– Par ailleurs, Google précise qu’elle « ne nie aucunement que le droit voisin couvre les publications de presse non-IPG » tout en relevant cependant que la Loi « n’oblige nullement Google (ni tout autre partie) à acheter tout contenu ». Or, « en ce qui concerne les contenus de type non-IPG, Google estime n’avoir aucun intérêt commercial à prendre des licences payantes pour ce type de contenus au vu des nombreuses alternatives équivalentes largement disponibles sur Internet ».

207. En ce qui concerne le partage des données, Google indique, dans son courrier, avoir partagé avec le SEPM « toutes les données pertinentes » qui permettent au SEPM d’évaluer l’offre de Google. Google fournit néanmoins dans ce courrier des données concernant le nombre d’affichages des contenus du SEPM (i) en réponse à une requête d’actualité et (ii) pour toutes requêtes. Google limite toutefois ces données au Search, au motif que « Google ne monétise actuellement ni Google Actualités ni Discover en France ».

d) 29 juillet – 11 août 2020 : la contreproposition du SEPM et les échanges qui ont suivi

208. Le 29 juillet 2020, le SEPM a adressé un courrier de réponse à la lettre de Google du 23 juillet 2020141. Dans ce courrier, le SEPM réaffirme ses positions sur un certain nombre de points de désaccords avec Google, et en particulier :

– Le refus de Google d’entrer en négociation pour la rémunération des éditeurs de presse qui ne bénéficieraient pas d’une certification IPG. Sur ce point, le SEPM souligne que « la contribution des éditeurs à la presse IPG n’est qu’un critère parmi d’autres posés par l’article L. 218-4 du CPI pour permettre de déterminer le montant de la rémunération due aux éditeurs de presse ».

Or les autres critères prévus par la Loi justifieraient tous, selon le SEPM, « une rémunération significative des éditeurs de presse qui ne bénéficient pas d’une certification IPG ». Le SEPM soutient, à cet égard, que les publications de presse non-IPG représentent la majeure partie des contenus éditoriaux affichés sur les services de Google, que les éditeurs de presse non-IPG réalisent des investissements significatifs et que Google retire des « recettes directes (i.e. revenus publicitaires) » et indirectes (i.e. les recettes liées aux datas et à l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ses services) très importantes tirées de l’affichage des contenus des éditeurs de presse non- certifiés IPG ».

– Les postulats de base sur lesquels se seraient fondés Google pour estimer les recettes tirées de l’affichage de contenus protégés seraient erronés. Le SEPM critique en particulier le fait que Google ne prendrait en considération « que les seuls revenus publicitaires qui seraient générés sur Google Search, par les pages comprenant l’affichage d’au moins un contenu éditorial d’un éditeur de presse IPG ». Selon le SEPM, d’une part, cette méthode ne reflèterait pas les revenus publicitaires que Google tire de l’affichage des contenus éditoriaux des éditeurs qui ne disposent pas d’une certification IPG. D’autre part, cette méthode aboutit, selon le SEPM, « à exclure des estimations de Google la totalité de ses revenus indirects tirés de l’affichage des contenus des éditeurs de presse, non seulement sur Google Search mais également sur Google News et Discover ». Concernant ces derniers services, le SEPM relève enfin qu’« il n’est tout simplement pas sérieux de prétendre […] que Google ne tirerait aucun profit de la diffusion de contenus de presse des éditeurs sur Google News ou Discover, et qu’elle exploiterait ainsi ces plateformes en pure perte, pour le seul plaisir d’exposer des coûts sans aucune rémunération ».

Selon le SEPM, Google « tire des revenus des données collectées lors des requêtes des internautes et ce, sur toutes ses plateformes, Google News et Discover comprises. » Le SEPM ajoute que « Google profite également des contenus de presse des éditeurs pour améliorer l’ergonomie et l’attractivité de l’ensemble de ses plateformes (Google Search, Google News et Discover). L’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ces plateformes lui permet d’attirer et de conserver les utilisateurs, lesquels lui permettent de réaliser ses différents chiffres d’affaires ».

– Le SEPM indique ensuite que Google n’aurait pas justifié les estimations qu’elle a fournies au SEPM au soutien de son offre. En particulier, les étapes du calcul de Google ne seraient pas étayées de documents justificatifs. De plus, aucun élément ne permettrait d’attester de la représentativité des échantillons utilisés par Google.

– Le SEPM souligne que, contrairement à ce qu’affirme Google, les informations demandées à plusieurs reprises ne lui ont pas été transmises, ou l’ont été de manière partielle et incomplète. En ce qui concerne les recettes directes et indirectes notamment, le SEPM souligne que les données communiquées par Google ne concernent que les revenus publicitaires et excluent de ce fait les revenus indirects. Par ailleurs, ces données excluent également les recettes générées par les contenus non-IPG. En ce qui concerne les affichages des contenus du SEPM, celui-ci relève que les données communiquées se limitent à Google Search et ne reflètent donc pas les utilisations faites sur Google Actualités et Discover.

209. Enfin, dans son courrier, le SEPM propose une méthode de calcul pour estimer la valeur de l’utilisation de ses contenus par Google sur ses différents services. Selon Google, il s’agit de la première contre-proposition du SEPM pour l’ensemble de ses membres, dont la rémunération est fondée sur une part de tous les revenus de Google en France, et non uniquement les revenus liés aux contenus d’actualité142.

210. Le 30 juillet 2020, une réunion a été organisée entre Google et le SEPM. Google indique que le SEPM aurait déclaré que leur problème central concernait la limitation de la rémunération à la classe IPG143.

211. Le 4 août 2020, Google a transmis une note au SEPM précisant sa méthodologie d’évaluation de la valeur des contenus d’actualité au sein de Google Search144.

212. Cette méthodologie d’évaluation repose sur une estimation des revenus publicitaires du service Google Ads générés par les affichages avec du contenu IPG potentiellement protégé sur les pages du Search, en appliquant une pondération en fonction de la position dans les résultats de recherche de ces contenus. Selon Google, les revenus qui pourraient être attribués en application de cette méthode aux publications certifiées IPG du SEPM s’élèvent à [5-10] millions d’euros. Plus généralement, les revenus de Google qui pourraient être attribués à tous les membres du SEPM s’élèvent à [25-30] millions d’euros.

213. Le 11 août 2020, Google a adressé un courrier de réponse à la lettre du SEPM du 29 juillet 2020145. Dans ce courrier, Google se défend des accusations portées par le SEPM selon lesquelles elle se refuserait à conduire une négociation de bonne foi. Dans ce courrier, Google revient également sur plusieurs points des échanges intervenus jusqu’alors :

– S’agissant de la portée de la proposition de Google : Google indique que celle-ci consiste en une offre totale de [confidentiel] d’euros pour les membres certifiés IPG du SEPM et 0 euro pour les membres non certifiés. Google précise toutefois être ouverte à la possibilité de travailler à une « approche » pour un groupe de [20-30] membres du SEPM non-IPG qui dispose d’un accès payant (« paywall ») sur leur site Internet.

– S’agissant des hypothèses de calculs retenues par Google pour valoriser les droits voisins, Google maintient qu’elle ne génère pas de revenus directs au titre de l’affichage des contenus d’actualité, et qu’un utilisateur ne génère des revenus que lorsqu’il clique sur une annonce publicitaire. Dans ces conditions, selon Google, les revenus publicitaires qu’elle tire de l’affichage de contenus d’actualité ne peuvent être considérés que comme des revenus indirects.

– Par ailleurs, Google soutient que si elle affiche des contenus protégés dans Google Actualités et Discover, ces services ne sont pas monétisés en France. Selon Google, c’est pour cette raison qu’elle « a estimé ses revenus publicitaires indirects qui pourraient être attribuables aux contenus d’actualité sur Search uniquement ».

– En outre, Google précise dans ce courrier qu’en ce qui concerne les données des utilisateurs, celles-ci ne sont collectées qu’à l’occasion des requêtes des utilisateurs, et non sur l’affichage des contenus en lien avec ces requêtes. Dans ces conditions, les contenus d’actualités ne contribueraient pas à la collecte de données par Google.

– Enfin, en ce qui concerne l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité des services de Google, cette dernière indique que les requêtes d’actualités ne représentent que 3 % de l’ensemble des requêtes sur Google Search. Par conséquent, selon Google, « les contenus d’actualités ne peuvent pas être considérés comme contribuant matériellement à l’ergonomie et à l’attractivité de [ses] services ».

– S’agissant de la valorisation des contenus proposée par le SEPM dans son courrier du 29 juillet 2020, Google la critique au motif principal qu’elle reposerait sur des données bien moins précises que les calculs qu’elle a réalisés.

e) 12 août 2020 : la demande d’extension de délai

214. Le 12 août 2020, Google a adressé un email au SEPM afin de l’informer de son intention de demander à l’Autorité une extension de la période de négociation146.

f) 14 août – 20 août 2020 : la seconde offre de Google et les discussions qui ont suivi

215. Le 14 août 2020, Google a transmis au SEPM une proposition de valorisation portant sur les utilisations actuelles des contenus de presse IPG dans Google Search, Google Actualités et Discover147. Ainsi que le précise Google dans son courrier « compte tenu de son champ d’application plus étroit et de l’absence de curation éditoriale et d’accès de nos utilisateurs à des contenus protégés par un paywall comme le prévoyait notre précédente proposition, une telle licence offrirait moins de valeur à Google ». En conséquence, Google explique que « les redevances de licence pour cette proposition seraient donc inférieures à nos offres précédentes ».

216. Ainsi, Google propose dans son email de valoriser son utilisation actuelle des contenus d’actualités par référence aux montants de licences qu’elle verse pour les contenus météo, les contenus sportifs ainsi que les dictionnaires anglais d’Oxford et français Le Robert. Ces licences autorisent en effet Google à afficher l’intégralité du contenu en question dans les résultats de recherche ainsi que dans ses autres interfaces. Concrètement, la méthodologie suivie par Google est la suivante :

– dans un premier temps Google calcule une redevance par affichage ;

– ensuite, Google multiplie cette redevance par affichage par le nombre d’affichages de contenus certifiés IPG de moins de deux ans en France sur Google Search de juin 2019 à mai 2020.

217. L’application de cette méthode conduit, selon Google, à « une redevance limite supérieure pour le contenu des éditeurs de presse d’environ USD [confidentiel] par an pour la classe IPG dans son ensemble ». Google ajoute dans son courrier qu’elle continue cependant de croire que son « offre plus large de licence des droits voisins […] offre la meilleure voie pour une négociation fructueuse car elle [lui] permet d’offrir des redevances de licence plus élevées et de développer de nouveaux designs qui créeront de la valeur supplémentaire pour les éditeurs ».

218. S’agissant des contenus non-IPG, Google indique dans cet email être disposée à discuter de la manière dont elle pourrait « travailler » avec les membres non certifiés du SEPM mais disposant d’un paywall.

219. Le même jour, Google a transmis au SEPM des données concernant le nombre de vues des contenus de presse du SEPM sur Google Actualités et Discover148. Google précise dans son email n’avoir pas partagé ces données jusqu’alors car « Google Actualités et Discover ne sont pas aujourd’hui monétisés par Google en France, et il n’y a donc pas de revenus sur ces interfaces ».

220. Le 18 août 2020, le SEPM a répondu aux emails de Google du 14 août 2020149. Dans cet email, le SEPM dénonce la conduite de Google et en particulier :

– Google n’aurait pas transmis les informations demandées par le SEPM. À cet égard, le SEPM indique que les informations transmises le 14 août par Google ne répondent pas à leurs demandes.

– Google aurait refusé de négocier toute rémunération des éditeurs ne disposant pas d’une certification IPG.

– Google aurait refusé de formuler une quelconque proposition de rémunération pour les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus des membres du SEPM. Ce n’est que 10 jours avant l’expiration de la période de négociation que Google aurait formulé une proposition de rémunération pour l’ensemble des éditeurs de presse. Cette proposition ne serait cependant pas acceptable, en ce qu’elle serait financièrement dérisoire et qu’elle serait limitée aux éditeurs disposant d’une certification IPG, en violation des critères posés par le CPI.

– Enfin, le SEPM informe Google de son refus de s’associer à sa demande d’extension du délai pour conduire les négociations.

221. Le 20 août 2020, Google a répondu au SEPM par email. Google explique « (i) [qu’elle] a proposé de négocier sur la seule base des catégories actuelles d’utilisation de contenus par Google rappelant, comme demandé par le SEPM, (ii) [qu’elle] est prête à négocier avec les membres du SEPM non certifiés IPG, (iii) l’injonction n° 2 de l’Autorité n’enjoint à Google de partager avec le SEPM que les données qui sont pertinentes pour évaluer les offres de Google et (iv) l’appel de Google contre la décision de l’Autorité ne constitue pas un signe de refus de négocier »150.

g) L’échéance de la période de négociation

222. Le 24 août 2020, le délai de trois mois pour conduire les négociations prévues par les Injonctions est arrivé à expiration, sans accord entre le SEPM et Google.

223. D’après les éléments versés au dossier, aucune discussion n’a repris entre Google et le SEPM depuis cette date.

224. Dans un courrier aux services d’instruction du 24 décembre 2020, le SEPM indique toutefois que depuis le mois de septembre 2020, Google propose à une sélection d’éditeurs certifiés

« IPG » de participer au service Showcase151. Le SEPM considère que, de ce fait, Google opère une discrimination entre les éditeurs auxquels elle propose le service et les autres. En outre, les éditeurs auxquels Google propose le service seraient privés de toute possibilité de négociation, dans la mesure où Google proposerait une « enveloppe globale » couvrant la rémunération au titre de Showcase et les autres formes de reprises de contenus protégés. Le SEPM souligne également que la souscription au service Showcase serait elle-même conditionnée à la souscription du service Subscribe with Google (S’abonner avec Google), ce qui aboutirait à renforcer la dépendance des éditeurs à l’égard de Google.

4. LES NEGOCIATIONS INTERVENUES ENTRE GOOGLE ET D’AUTRES AGENCES ET EDITEURS DE PRESSE

225. Outre l’AFP, l’APIG et le SEPM Google a reçu des demandes formelles d’entrée en négociation de la part de neuf autres entités.

226. À l’exception de l’une d’entre elles, aucune négociation n’a, d’après les éléments versés au dossier, abouti à ce jour. Les dates d’entrée en négociation et d’expiration du délai de trois mois, pour chacune de ces entités, ainsi que le résultat des négociations, sont présentés dans le tableau ci-dessous.

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5. LES CONTRATS CONCLUS AVEC LES EDITEURS DE PRESSE A LA SUITE DE NEGOCIATIONS BILATERALES POSTERIEUREMENT A LA PERIODE DE NEGOCIATION FIXEE PAR LES INJONCTIONS

227. Postérieurement à la période de négociations prévues par les Injonctions suite aux demandes de l’APIG et du SEPM, des discussions bilatérales sont intervenues entre Google et certains éditeurs de presse membres de ces syndicats154.

228. Dans sa réponse au questionnaire de l’Autorité du 14 octobre 2020, ainsi que dans ses rapports n° 5 et n° 6155, Google indique avoir conclu un partenariat avec trois éditeurs de presse, à savoir Libération, Le Groupe Le Monde et L’Express156. Selon Google, ces partenariats portent sur les droits voisins, « en ce compris les utilisations actuelles par Google de tous les contenus protégés par la Loi n° 2019-775 sur l’ensemble de ses services ainsi que la participation […] à une nouvelle fonctionnalité modulaire de Google Actualité (Google News Showcase) ». À ces trois éditeurs s’ajoute Le Figaro, avec lequel Google a également conclu un partenariat le 31 octobre 2020157. Dans ses rapports de conformité suivants (n° 7 à 11), Google indique également avoir conclu des contrats avec l’agence de presse [confidentiel] ainsi que plusieurs autres éditeurs ou groupes de presse, à savoir [confidentiel]158, [confidentiel], L’Obs159 et [confidentiel]160.

229. Les accords avec Le Figaro, Le Monde et L’Express font suite à des discussions entamées au mois de septembre 2020161. En ce qui concerne Libération, ces discussions ont, selon des déclarations recueillies en audition, débuté dès le mois de juin 2020162.

230. Il ressort de l’examen des contrats relatifs aux droits voisins, intitulés Publisher Curated News (« PCN »), signés par chaque éditeur concerné que ceux-ci ne sont pas totalement identiques, bien que présentant des similitudes importantes.

231. Premièrement, l’essentiel des clauses contractuelles figurant dans ces contrats porte sur les modalités de mise en place de l’offre Showcase et, en particulier, les exigences minimales attendues des éditeurs de presse en matière de contenus mis à disposition des utilisateurs (à travers l’article 2 et l’Annexe 2 des contrats PCN conclus avec les éditeurs – voir par exemple le contrat conclu par Libération163).

232. Le caractère central de Showcase dans ces contrats PCN ressort également des déclarations des éditeurs concernés. Ainsi, si Le Figaro a expliqué au cours de son audition que le partenariat avec Google recouvrait l’utilisation du programme Showcase et la rémunération des droits voisins164, le Groupe Le Monde n’a présenté le partenariat conclu avec Google que sous l’angle de Showcase165. Il en est de même pour l’Express, qui déclare avoir conclu

« Un partenariat autour de l’initiative de Google appelée Publisher Curated News sur laquelle Google a communiqué sous le nom de Google Showcase. »166. De même, Libération indique que « Ce partenariat porte sur un nouveau service mis en place par Google dans le cadre de sa curation de contenus d’actualité. Ce contrat permet à Libération de mettre en avant quotidiennement des articles sélectionnés par la rédaction dans ce nouveau service »167.

233. Deuxièmement, ces contrats prévoient une rémunération globale des éditeurs au titre des utilisations que fait Google de leurs contenus protégés, et ce depuis le 24 octobre 2019 (Article 3.e des contrats PCN, voir par exemple le contrat conclu avec Libération168). Pour autant, aucune clause n’identifie, au sein de cette rémunération, ce qui relève des utilisations de contenus protégés dans le cadre de Showcase, et ce qui relève des autres utilisations (y compris les utilisations actuelles).

234. Interrogée sur la distinction entre « les montants relevant (i) de l’utilisation de contenus protégés et (ii) relevant du service « Showcase » » dans les projets de contrats discutés individuellement avec certains éditeurs de presse, Google a expliqué à cet égard que le programme Showcase s’inscrivait dans le cadre de l’utilisation de contenus protégés. Ainsi, selon Google, « toute rémunération relative au service « Showcase » constitue une rémunération de l’utilisation de contenu protégé »169.

235. Troisièmement, certains des éditeurs (Le Monde, Libération, L’Express et Le Figaro notamment) ont conclu, en plus du contrat PCN, un ensemble de contrats portant sur le service Subscribe with Google (ci-après « SwG »)170, outil de souscription aux abonnements via Google. Le contrat SwG vise à accroître la base d’abonnés des éditeurs y participant, ce notamment grâce à des budgets publicitaires financés par Google et ciblant les utilisateurs de ses services. La prestation SwG permet aux éditeurs de proposer à leurs utilisateurs un processus d’abonnement qui repose sur le compte Google des intéressés, et offre notamment, parmi d’autres caractéristiques, une ergonomie particulière qui s’appuie sur l’utilisation du compte Google pour la connexion et sur l’utilisation des données d’identification relatives à des moyens de paiement. Lorsque le compte Google de l’utilisateur contenait déjà au préalable ces données d’identification, l’utilisateur peut s’abonner sans avoir à les saisir à nouveau ce qui lève un frein à l’abonnement et augmenterait ainsi, selon Google, les taux d’abonnement.

236. En ce qui concerne Libération et L’Express, des accords SwG ont été conclus simultanément le 5 octobre 2020171. S’agissant du Figaro, les deux accords SwG et PCN ont été conclus simultanément le 31 octobre 2020172. Le Monde, pour sa part, a conclu le contrat SwG le 23 janvier 2020173 et le contrat PCN le 5 octobre 2020174.

237. En réponse aux services d’instruction, Google explique ainsi que175 « « S'abonner avec Google » (« Subscribe with Google », ou SwG) permet d’aider les éditeurs de presse à accroître leur base d’abonnés, en facilitant la souscription des utilisateurs à un abonnement sur les sites des éditeurs participants en utilisant leur compte Google. Ce service simplifie le processus de souscription en utilisant le compte Google pour la connexion et les méthodes de paiement de l’utilisateur déjà stockées, de sorte que les utilisateurs peuvent s’abonner en deux clics seulement. L’élimination du processus de saisie des numéros de cartes de crédit et de création de nouveaux comptes augmente en effet le taux de conversion en abonnements pour les éditeurs. Google peut également mettre en avant le contenu auquel l’utilisateur est abonné dans une section spéciale de Google Actualités, pour montrer à l’utilisateur la valeur qu’il retire de son abonnement et faciliter la relation entre l’utilisateur et l’éditeur ».

238. Cette description correspond aux déclarations recueillies en audition d’éditeurs ayant souscrit à l’offre. Le Figaro déclare176 : « Pourquoi on le fait ? Notamment parce que notre principal concurrent Le Monde le fait depuis plusieurs mois. Il s’agit également d’un levier d’accélération de la souscription d’abonnements sur l’univers Google Android / Google Play (tous les terminaux mobiles hors Apple). [...]Ces montants sont liés à l’activation des campagnes marketing et du SwG de notre part et nous permettront d’accroître de manière incrémentale notre base d’abonnés. Il s’agit en quelque sorte d’une enveloppe ».

239. Libération indique aussi que177 « S’agissant de SwG il s’agit d’un système d’abonnement rapide permettant à des clients déjà inscrits dans l’univers Google de souscrire un abonnement d’une manière simplifiée (un clic). L’aide de Google consiste, d’une part, à financer le coût technique du développement et, d’autre part, les dépenses marketing exposées pour mettre en avant cette fonctionnalité. Google se rémunère en prenant un pourcentage sur l’abonnement tous les mois. [...] Ce budget de co-marketing va servir à financer des publicités invitant les utilisateurs à s’abonner à Libération via ce service (en bénéficiant d’offres de découverte) ».

240. Dans un email adressé au Groupe Le Monde le 5 octobre 2020, Google résume dans les termes suivants l’objectif du programme SwG178 : « Croissance des abonnements numériques via l’utilisation de Subscribe with Google et la mise en œuvre de campagnes de co-marketing ».

241. Dans son rapport de conformité n° 11 en date du 6 avril 2021, Google indique ne pas avoir conclu de nouvel accord avec des éditeurs de presse depuis le 19 février 2021, date de réception du Rapport des services d’instruction179.

E. RECAPITULATIF DES POINTS STRUCTURANTS DE LA NEGOCIATION

1. LE PERIMETRE DES CONTENUS ET SERVICES CONCERNES PAR LA NEGOCIATION

242. Il ressort des échanges menés avec l’AFP, l’APIG et le SEPM, que Google a, durant la quasi- totalité du processus de négociation de trois mois prévu par la Décision, privilégié la conclusion d’un partenariat global portant principalement sur de nouveaux services, et dont les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés ne seraient qu’une composante accessoire, sans valorisation financière spécifiée.

a) Négociations avec l’AFP

243. En ce qui concerne les négociations avec l’AFP, Google a établi un lien entre, d’une part, les négociations portant sur les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et, d’autre part, d’autres services de Google. Ceci ressort notamment des éléments suivants :

– Dès les premiers échanges, à la suite de la demande d’entrée en négociations de l’AFP du 17 avril, Google évoque un partenariat, sans référence aux droits voisins, ainsi que les nouvelles « News experience on Google surfaces ». Ceci est confirmé par l’ordre du jour établi par Google en vue d’une réunion dans un mail du 3 juin 2020180. Le courrier de demande d’entrée en négociations de l’AFP du 17 avril 2020 indiquait pourtant, sans équivoque, que l’objet de la négociation sollicitée était la rémunération due par Google au titre de la reprise par cette dernière des contenus protégés par les droits voisins181.

– Dans son courrier du 17 juin 2020, Google évoque à nouveau des partenariats portant sur les images et l’actualité, lesquels pourraient, selon Google, servir de base pour couvrir l’utilisation par Google des contenus protégés de l’AFP182.

– Les projets de Term Sheet communiqués par Google les 8 et 29 juillet 2020 prévoient, d’une part, la mise à disposition de contenus photographiques par l’AFP et, d’autre part, la participation de l’AFP au programme Publisher Curated News. Comme il a été indiqué ci-dessus, ce programme implique, dans la définition retenue par Google, la création et la mise à disposition de contenus par l’éditeur ou l’agence destinés à être affichés au sein de « modules », et inclut également l’octroi à Google d’une licence couvrant les utilisations actuelles des contenus protégés sur tous les services de Google (y compris Search, Google Actualités et Discover). La rémunération proposée par Google au titre de la participation au programme Publisher Curated News n’identifie cependant ni dans son calcul, ni dans son montant final, ce qui relève spécifiquement de la mise à disposition de contenus destinés à alimenter les « modules », et ce qui relève des utilisations actuelles des contenus protégés au titre des droits voisins183.

– Le 24 juillet 2020, Google transmet certes des éléments concernant ses « revenus attribuables » annuels liés à l’affichage de contenus protégés issus du site afp.com mais ce message ne comporte aucune proposition financière à proprement parler184.

– La proposition financière transmise par Google à l’AFP le 19 août 2020 évoque, une nouvelle fois, un partenariat couvrant les droits voisins et des produits « innovants » sans préciser toutefois la part de la rémunération qui pourrait être attribuée aux droits voisins185. L’AFP refuse à nouveau cette proposition, au motif notamment que Google n’a pas communiqué de données telles que celles que l’AFP avait sollicitées, indispensables selon elle pour les discussions, et que l’offre ne porte que sur une licence globale et non les droits voisins186.

244. L’unique proposition de Google portant sur les utilisations actuelles des contenus de l’AFP a été formulée dans un email daté du 14 août 2020, soit quatre jours avant l’expiration du délai de négociation. Dans cet email, Google propose, pour la première fois, de discuter d’une offre limitée aux utilisations actuelles des contenus protégés, tout en soulignant que les redevances pour une telle licence seraient bien plus faibles187. Cette offre est rejetée par l’AFP, au motif notamment qu’elle est tardive, qu’elle continue de ne pas reconnaître le droit voisin de l’AFP et que le montant de l’offre de Google est fondée sur des comparaisons peu pertinentes188.

245. L’AFP, pour sa part, a demandé à Google de distinguer les négociations portant sur les utilisations actuelles de ses contenus protégés sur les différents services de Google, à au moins cinq reprises :

– Dans son courrier du 19 juin 2020, l’AFP précise que les discussions sur les éventuels partenariats concernant les images et l’actualité sont envisageables, pour autant « que de telles discussions ne se substituent pas à celles portant sur les droits voisins »189.

– Dans son courrier du 13 juillet 2020, l’AFP réitère son désaccord avec le déroulement des négociations, en soulignant que les discussions au cours de la réunion du 30 juin 2020 « ont porté sur des sujets annexes tels que la distinction entre news et images, distinction non pertinente, ou des modalités d’habillage du droit voisin (i.e. discuter d’un partenariat contractuel, plutôt que des modalités d’application de la loi) »190.

– Dans son courrier du 20 juillet 2020, faisant suite au projet de Term Sheet de Google du 8 juillet 2020, l’AFP indique que, tout en étant disposée à discuter d’un accord pouvant couvrir d’autres aspects ou prestations que la seule rémunération relative aux droits voisins, le projet d’accord se doit de contenir deux volets191. L’AFP souligne ainsi que

« le contexte juridique et le délai dans lequel cet accord doit intervenir ne peut pas être ignoré [...] En d’autres termes, le projet d’accord que nous vous proposons se doit de contenir deux volets, même s’ils peuvent figurer dans un même document contractuel »192. L’AFP formule alors une proposition de rémunération, sous la forme d’une fourchette, couvrant uniquement les utilisations actuelles des contenus protégés de l’AFP193.

– Dans son email du 30 juillet 2020 faisant suite au projet de Term Sheet de Google du 29 juillet 2020, l’AFP demande à Google de « revoir sa proposition en nous fournissant le montant de la rémunération applicable à une licence portant uniquement sur l’utilisation faite aujourd’hui par Google des contenus de l’AFP, c’est-à-dire une licence limitée à l’affichage des contenus d’images produits par l’AFP (photographies, vidéos et infographies) dans les résultats de recherche des moteurs de Google (Google Search et Google News) ainsi que sur le service Google Discover (incluant l’affichage des contenus de l’AFP intégrés aux contenus des éditeurs de presse ». À cette occasion, et dans la mesure où la proposition de Google est de portée mondiale, l’AFP exprime son souhait de disposer des éléments lui permettant d’identifier, au sein de la proposition de Google, ce qui relève des affichages de contenus en France194.

– Dans son message du 22 août 2020, l’AFP conteste à nouveau la démarche de Google de lier les discussions sur les droits voisins avec d’autres négociations sans discussion spécifique sur les droits voisins : « pendant toutes ces périodes, Google aura toujours cantonné les discussions autour de l’offre d’une licence globale portant sur des services additionnels »195.

b) Négociations avec l’APIG

246. En ce qui concerne les négociations avec l’APIG, le lien établi par Google entre les négociations portant sur les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et d’autres services ressort notamment des éléments suivants :

– La présentation communiquée à l’APIG par Google et datée du 3 juin 2020196 ne mentionne pas la question des droits voisins, en particulier dans la dernière page illustrant le calcul de la rémunération197. Dans sa réponse au questionnaire du 14 octobre 2020, Google, bien qu’estimant que les droits voisins étaient couverts par le partenariat, reconnaît aussi que le partenariat proposé ne s’y limitait pas : « Cette offre couvrait l’utilisation de contenus protégés sur toutes les interfaces de Google ainsi que la participation des éditeurs de l’APIG à un nouveau produit d’actualité développé par Google pour mettre plus en avant les contenus d’actualité (Google News Showcase) »198.

– Dans son courrier du 11 juin 2020, Google justifie l’élargissement des discussions au motif qu’une négociation limitée aux utilisations actuelles des contenus de presse serait susceptible de réduire significativement la rémunération des éditeurs. Google soutient que son offre couvre les utilisations actuelles, et permet aussi d’améliorer la valeur et les utilisations des contenus, et que ce partenariat vise spécifiquement à aider l’industrie journalistique199. Une synthèse de cette offre est à nouveau adressée à l’APIG par mail daté du 18 juin 2020, dans lequel il est fait référence à la mise en place de « new features ». Le montant indiqué concerne l’ensemble de la presse certifiée IPG, et non spécifiquement l’APIG200.

– Dans son courrier du 14 juillet 2020, Google réaffirme les principes posés dans sa lettre du 11 juin 2020 et la nécessité d’inclure « dans le périmètre de la licence un nouveau produit « News », visant à promouvoir et à mettre davantage en valeur le contenu des éditeurs ». Google soutient aussi que sa proposition « a considérablement évolué depuis [nos] premières discussions en janvier 2020 [...] »201.

– Dans son email du 24 juillet 2020, Google formule une proposition pour les membres de l’APIG certifiés IPG. Google rappelle que la licence envisagée couvrira les utilisations actuelles et « la participation à notre nouvelle expérience dans News and Discover ». Google ajoute : « Dans le cadre de cette nouvelle expérience, les plus grandes publications pourraient créer 7 panels et les plus petites 5 ou 2 panels, et donneraient accès à un nombre convenu d’articles déverrouillés sur leur sites Web »202.

247. Google joint à ce message une proposition de contrat-cadre intitulée « Google – Draft APIG Framework Agreement Proposal », prévoyant l’octroi à Google d’une licence mondiale pour d’une part, l’exploitation des contenus sélectionnés par les éditeurs dans le cadre du programme Publisher Curated News et, d’autre part, l’exploitation des contenus protégés des éditeurs de presse dans le cadre des utilisations actuelles qu’en fait Google203. Le projet de contrat-cadre prévoit une enveloppe globale de rémunération pour l’ensemble de ces services, déclinée par éditeur204, mais sans identifier d’élément de calcul ou de montant propre aux utilisations actuelles des contenus, distinct des utilisations dans le cadre de nouveaux services. Le montant précis par éditeur est sujet à la conclusion d’un accord individuel avec chaque éditeur. Le projet précise que cette enveloppe globale, conjointement avec la valeur créée par le trafic redirigé par Google, constitue une rémunération suffisante des contenus protégés au titre des droits voisins205.

248. Par ailleurs, la clause 6.4 du projet de contrat-cadre n’envisage, comme seule variable du montant versé individuellement aux éditeurs, que la valeur ajoutée des contenus sélectionnés

– à l’exclusion des autres formes d’utilisation des contenus protégés206. Enfin, la clause 7.2 du projet permet à Google de ne pas verser de rémunération à un éditeur – y compris celle relative aux contenus protégés par les droits voisins – si celui-ci viole les termes de son contrat individuel.

249. À l’image de la situation constatée s’agissant des négociations menées avec l’AFP, Google a accepté pour la première fois d’envisager une offre de rémunération limitée aux seules utilisations actuelles des contenus protégés dans un email du 14 août 2020, tout en précisant que cette rémunération serait inférieure à ses précédentes offres207.

250. Pourtant, dès sa demande d’entrée en négociation du 6 mai 2020, l’APIG a sollicité une négociation visant à déterminer la rémunération due par Google au titre de la reprise par cette dernière des contenus protégés sur ses services, et non la discussion de partenariats sur des services futurs208. En outre, l’APIG a demandé à Google de distinguer les négociations portant sur les utilisations actuelles des contenus protégés sur les services de Google de celles portant sur d'autres services, à au moins trois reprises au cours des négociations :

– L’APIG s’oppose à la position de Google à ce sujet dans un email du 8 juin 2020 dans lequel elle explique : « Nous comprenons que la proposition de partenariat faite par Google au cours de la réunion du 3 avril constitue une tentative de contourner la législation française applicable. Notre compréhension est que votre proposition vise à créer de la valeur à travers des nouveaux services proposés sur Google Actualités et Discover, qui serait partagée entre Google et les éditeurs. Nous pensons que cette proposition ne répond pas aux demandes formulées dans notre courrier du 6 mai, ni à la décision de l’Autorité du 9 avril, qui a enjoint Google à partager la valeur générée par des services existants, en premier lieu le moteur de recherche, - et non une valeur hypothétique qui serait créée par d’éventuels nouveaux services. » ( soulignement ajouté et traduction libre209)210.

– À la suite de l’offre de Google du 18 juin 2020, l’APIG réitère par courrier du 30 juin 2020, sa volonté de cantonner les discussions aux seuls droits voisins211. L’APIG relève à cette occasion que « ces montants sont quasiment identiques à ceux qui avaient été évoqués lors de contacts informels entre les représentants de Google et les principaux éditeurs français lors de la visite de Richard Gingras à Paris en janvier 2020. Force est de constater que la décision rendue par l’Autorité de la concurrence en avril 2020 n’a modifié ni le montant, ni la structure de la proposition faite par Google aux éditeurs français »212.

– Dans un email du 27 juillet 2020, l’APIG s’oppose à la proposition de Google du 24 juillet 2020, en relevant qu’à nouveau les droits voisins n’y sont pas spécifiquement identifiés. L’APIG précise que « Sous réserve d’analyse approfondie, l’offre contenue dans votre mail reprend pour l’essentiel, dans son montant comme dans ses modalités, les paramètres déjà avancés dans vos correspondances précédentes. En particulier, nous comprenons qu’elle implique une rémunération globale pour l’ensemble des usages des publications de presse par Google, sans identifier de rémunération spécifiquement liée aux droits voisins [...] »213.

c) Négociations avec le SEPM

251. En ce qui concerne les négociations avec le SEPM, le lien établi par Google entre les négociations portant sur les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et d’autres services ressort notamment des éléments suivants :

– Dans son courrier du 1er juillet 2020, Google propose « d’élargir le champ de nos discussions » et de mettre en place un nouveau programme pour l’actualité. Selon Google, l’utilisation actuelle des contenus protégés ne permettrait pas d’envisager une rémunération significative des éditeurs de presse214. Google envisage alors une rémunération pour les titres des membres du SEPM qui sont uniquement certifiés IPG, considérant que ce critère reflète l’un des éléments identifiés par la Loi215. Cette rémunération ne distingue toutefois pas ce qui relève des droits voisins d’autres partenariats216.

– Dans un courrier du 23 juillet 2020, Google défend à nouveau le concept d’une offre élargie en mettant en avant le fait que les utilisations actuelles des contenus protégés ne justifient pas une rémunération significative. Google réitère sa position concernant les contenus non certifiés IPG217.

252. À l’image de la situation constatée pour les négociations menées avec l’AFP et l’APIG, Google a accepté, pour la première fois, d’envisager une offre de rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés dans un email du 14 août 2020, tout en précisant que cette rémunération serait inférieure à ses précédents offres218.

253. Dès sa demande d’entrée en négociation le 22 mai 2020, le SEPM a pourtant sollicité une négociation visant à déterminer la rémunération due par Google au titre de la reprise par cette dernière des contenus protégés sur ses services (et non la discussion de partenariats sur des services futurs)219. Par ailleurs, le SEPM a demandé à Google de distinguer les négociations portant sur les utilisations actuelles des autres services, à au moins trois reprises :

– premièrement, dans son courrier du 6 juillet 2020, le SEPM s’oppose au fait que Google n’identifie pas spécifiquement les droits voisins dans sa proposition du 1er juillet220 ;

– deuxièmement, le SEPM conteste dans son courrier du 22 juillet 2020 la proposition de Google de mettre en place une licence « globale »221 ;

– troisièmement, le SEPM rappelle à Google, dans un email du 18 août 2020 en réponse à l’email de Google du 14 août 2020, que la « licence globale » envisagée par Google porte sur un nouveau service, et non sur l’utilisation actuelle de contenus protégés par les droits voisins222.

2. L’EXCLUSION DE CERTAINS CONTENUS DES DISCUSSIONS SUR LES DROITS VOISINS

254. Tout au long des discussions avec les éditeurs de presse, Google a tenu à exclure les contenus de presse issus de titres ne disposant pas d’une certification IPG. Elle a aussi signifié à plusieurs reprises à l’AFP et à la Fédération Française des Agences de Presse (ci-après la « FFAP ») que ces dernières, en tant qu’agences de presse, ne pouvaient pas prétendre à bénéficier des dispositions de la Loi.

a) Sur l’exclusion des titres non-IPG du SEPM et de l’APIG

255. Au cours des négociations avec le SEPM, Google a indiqué à plusieurs reprises qu’elle entendait exclure les titres non certifiés IPG des négociations relatives aux droits voisins. Ceci ressort notamment des courriers suivants :

– Dans un courrier du 1er juillet 2020, Google explique avoir développé un modèle de rémunération, fondé sur des critères objectifs, dans le cadre duquel la certification IPG est un critère fondamental conformément à la Loi qui invite à tenir compte de la contribution des publications à l’information politique générale. En application de cette grille, Google serait ainsi disposée à travailler avec les membres certifiés IPG du SEPM223.

– Dans un courrier du 23 juillet 2020, Google réitère son refus d’inclure les titres non certifiés IPG dans la négociation au motif, d’une part, que la certification IPG constituerait un critère objectif et transparent et, d’autre part, qu’elle n’aurait aucun intérêt commercial à prendre des licences payantes auprès de ces derniers et que ni la Loi, ni la Décision ne l’obligeraient à acheter « tout contenu »224.

– Dans un courrier du 11 août 2020, Google précise davantage sa position en expliquant que son offre couvre à la fois les contenus certifiés IPG et ceux qui ne le sont pas, mais que ces derniers ne seront pas rémunérés225.

256. Il faut noter toutefois que la position de Google a légèrement évolué à la fin de la période de négociation, puisque dans un email du 14 août 2020, soit quelques jours avant la fin de la période de négociation, Google évoque pour la première fois la possibilité de discuter d’un partenariat couvrant les membres non certifiés IPG mais dotés de « paywalls »226.

257. Le SEPM, pour sa part, a contesté la position adoptée par Google tout au long des négociations s’agissant des titres non certifiés IPG : le 22 juillet227, le 29 juillet228, et le 18 août229.

258. Dans son courrier du 29 juillet, le SEPM relève notamment que la contribution des éditeurs à la presse IPG n’est qu’un critère parmi d’autres posés par la Loi, que les contenus non-IPG représentent la majeure partie des contenus éditoriaux affichés sur Google, et enfin que ces contenus sont plus facilement monétisables, et donc particulièrement profitables à Google230.

259. L’exclusion des contenus non-IPG ressort également des échanges entre l’APIG et Google, aussi bien des notes méthodologiques communiquées par Google que du projet d’accord-cadre du 24 juillet 2020. En effet, l’article 5.1 (« Total licence Fees ») prévoit ainsi que la rémunération ne sera payée qu’à l’égard des membres APIG certifiés IPG. De même, l’article 6.1 (« Scope of the Framework Agreement ») stipule que les contrats individuels seront conclus entre Google et des éditeurs APIG certifiés IPG231.

260. S’il ne résulte pas des pièces du dossier que cette exclusion aurait fait l’objet de critiques de la part de l’APIG, un membre de l’Alliance au moins a contesté ce point de vue, postérieurement à la période de négociation des trois mois. Le Groupe Amaury/L’Équipe soutient ainsi qu’une telle exclusion, d’une part, apparaît restrictive par rapport au périmètre des droits voisins prévu par la Loi, et, d’autre part, n’apparaît pas conforme à l’article L. 420-2 du code de commerce, compte tenu des discriminations qu’elle induit entre les éditeurs non-IPG et les éditeurs IPG232.

b) L’exclusion de certains contenus des agences de presse

261. Au cours des négociations, Google a contesté à plusieurs reprises la possibilité pour les agences de presse de pouvoir revendiquer le bénéfice des droits voisins sur leurs contenus affichés sur les différents services de Google. Cela ressort notamment des échanges suivants :

– Dans son courrier du 17 juin 2020, Google a expliqué à l’AFP qu’un contenu ne pourrait bénéficier de la protection au titre des droits voisins que dans la mesure où celui-ci serait inclus dans une publication de presse. Dans ces conditions, l’AFP ne pourrait pas prétendre à la titularité de droits voisins sur des contenus créés par l’AFP et repris dans des publications d’éditeurs de presse tiers. L’AFP ne pourrait pas prétendre non plus à une rémunération « additionnelle » pour des contenus pour lesquelles elle perçoit déjà une rémunération de la part des éditeurs de presse233. Google fait aussi part de cette position à la FFAP dans des emails du 12 août, 1er et 25 septembre 2020234.

– Dans son courrier du 24 juillet 2020, les seules données partagées par Google aux fins des négociations sur les droits voisins concernent les « revenus attribuables » annuels de Google liés à l’affichage sur Google Search de contenus issus du site afp.com, qui est

« la seule « publication de presse » B to C de l’AFP dont nous ayons connaissance à ce stade ». Aucune donnée ni estimation des revenus en lien avec les contenus de l’AFP issus de publications de presse d’éditeurs tiers ne sont fournies par Google dans l’estimation de ses « revenus attribuables »235.

– Dans son email du 14 août 2020, Google soutient une nouvelle fois que l’AFP n’est pas titulaire de droits voisins lorsque ses contenus sont incorporés à des publications de presse tierces et qu’en tout état de cause, Google ne saurait être tenue de « payer deux fois pour le même contenu »236.

262. Ainsi, si Google a accepté d’envisager une rémunération relative aux contenus protégés lorsque ceux-ci sont publiés au sein de publications édités par des agences de presse237, elle conteste en revanche la titularité d’un droit voisin, et ainsi une éventuelle rémunération due, au titre des contenus repris par des publications de presse tierces. Cette position est résumée dans une consultation juridique versée au dossier par Google238 et réalisée par le professeur Jérôme Passa postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris :

« [...] les agences de presse ne sauraient se prévaloir, sur leurs productions (dépêches, photos, vidéos, infographies), du droit voisin instauré par l’article 15 de la directive 2019/790 et les articles L. 218-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle lorsque ces productions sont l’objet, non d’une publication propre ou autonome par les agences elles-mêmes, mais d’une intégration dans des publications de presse d’éditeurs de presse.

Les agences de presse ne sauraient, pour le contester et revendiquer une rémunération auprès des exploitants de services de communication au public en ligne, telle Google, se prévaloir seulement des décisions de l’Autorité de la concurrence et de la Cour de Paris rendues respectivement les 9 avril et 8 octobre 2020 ou du titre même de la loi du 24 juillet 2019 car,

i) l’existence, la titularité et la portée du nouveau droit voisin dépendent exclusivement des dispositions légales, telles qu’elles ont été analysées plus haut, et naturellement pas de ces décisions, au demeurant rendues en droit de la concurrence, et ne sauraient davantage être déduites du titre général de la loi française sans prise en compte du détail de ses dispositions,

ii) les deux décisions précitées ne distinguent nullement, et ne soulèvent pas même la question de la nécessité juridique de distinguer, les situations respectives des agences de presse et des éditeurs de presse, telles qu’elles ont été distinguées plus haut. Ainsi, la décision de l’Autorité de la concurrence vise toujours, y compris dans son dispositif, les «éditeurs et agences de presse», comme s’ils constituaient un ensemble homogène n’appelant aucune distinction. »

263. Cette consultation juridique produite par Google conclut alors que :

« [...] c’est naturellement sans grande rigueur que, dans son arrêt du 8 octobre 2020, la Cour d’appel de Paris indique (§99) que « la loi de 2019 vise les « éditeurs et agences de presse » de sorte qu’il est vain de prétendre, comme le fait Google, que l’AFP ne peut directement revendiquer des droits voisins, ce d’autant qu’une grande majorité des contenus de l’AFP reproduits par le moteur de recherche correspond à des images » ; cette dernière partie de la formule est encore moins compréhensible puisque, comme on l’a vu, des images ne peuvent être qualifiées de « publications de presse »239.

264. Tout en contestant à l’AFP et à la FFAP la possibilité de pouvoir revendiquer des droits voisins sur ses contenus non intégrés à des publications de presse qui leur sont propres, Google a transmis à l’AFP, les 8 juillet et 29 juillet 2020, deux projets de Term Sheet faisant explicitement référence aux droits voisins sur les contenus protégés. Dans ces deux projets de Term Sheet, la rémunération des droits voisins n’est cependant pas définie précisément et est englobée dans une licence plus globale portant sur la production de contenus d’actualités par l’AFP et mis à disposition de Google dans le cadre du programme Publisher Curated News ainsi qu’expliqué au paragraphe 95 ci-dessus240.

3. L’ASSIETTE DE LA REMUNERATION DUE PAR GOOGLE AU TITRE DE L’UTILISATION DES CONTENUS PROTEGES SUR SES SERVICES

265. Le périmètre de l’assiette de rémunération, fondée sur les « recettes directes et indirectes » conformément à l’article L. 218-4 du CPI de Google constitue à l’évidence un enjeu fort des discussions pouvant intervenir entre Google et éditeurs et agences de presse.

266. Au cours des négociations, Google a adopté une position consistant à soutenir tout d’abord que, dans la mesure où elle ne vend pas d’accès aux contenus des éditeurs de presse, il ne peut exister de revenus directs en lien avec l’affichage de contenus protégés. Cette position est notamment exprimée dans un courrier et une note méthodologique adressée à l’APIG le 11 juin 2020241, puis dans des termes identiques dans un courrier du 1er juillet 2020 au SEPM242.

267. Par la suite, Google envisage une méthodologie d’estimation des revenus attribuables aux contenus protégés consistant à retenir les revenus publicitaires Google Ads générés suite à l’affichage d’au moins un contenu protégé dans les résultats de recherche. Cette approche est détaillée dans la note méthodologique de Google communiquée le 4 août 2020 à l’APIG243 et au SEPM244. Cette position ressort également du courrier de Google à l’AFP du 24 juillet 2020245.

268. Ainsi, Google exclut l’existence de revenus attribuables aux contenus protégés apparaissant dans ses services Google Actualités et Discover. Pour justifier sa position, Google indique simplement dans ses courriers du 23 juillet et du 11 août 2020 au SEPM qu’elle « ne monétise pas » Google Actualités et Discover en France246. C’est également la motivation invoquée par Google dans un courrier pour justifier l’absence de communication d’informations concernant l’utilisation des contenus de l’APIG et du SEPM sur ces deux services247.

269. De même, Google exclut l’existence de revenus liés à l’exploitation de données d’utilisateurs récoltées à l’occasion de l’affichage de contenus protégés sur ses différents services, ainsi que l’existence de revenus indirects résultant de l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ses services. À cet égard, Google indique, dans son courrier au SEPM en date du 11 août 2020, que les données utilisateurs sont uniquement collectées sur les requêtes, et non sur l’affichage de contenus en réponse à ces requêtes. Google conteste également dans ce courrier l’existence de revenus en lien avec l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ses services, au motif que les requêtes d’actualités représentent moins de 3 % de l’ensemble des requêtes sur Google Search248.

270. Il faut aussi relever que le 14 août 2020, soit quelques jours avant l’expiration de la période de négociations avec l’AFP, l’APIG et le SEPM, Google a proposé une nouvelle méthodologie de détermination de la valeur qu’elle retire des contenus protégés des éditeurs de presse sur ses services, fondée notamment sur les redevances accordées à d’autres éditeurs de contenus, lesquelles sont censées, selon Google, refléter « la valeur totale que Google peut retirer de l’affichage des contenus dans ses pages de résultats, en ce compris toute valeur indirecte concevable »249. À nouveau, l’estimation de la valeur totale que Google retire de la présence des contenus de presse sur ses services est estimée à la lumière du nombre d’affichages de contenus protégés d’éditeurs et agences de presse dans le seul moteur de recherche, Google Search, et non sur ses autres services.

271. La position de Google sur l’estimation des revenus directs et indirects qu’elle retire de la présence de contenus protégés sur ses services a été critiquée par l’APIG et le SEPM à plusieurs reprises au cours des négociations.

272. S’agissant de l’APIG, il faut relever que dès le courrier de demande d’entrée en négociation, cette dernière souligne que doivent être pris en considération « tout type de revenus indirects tels que ceux liés à l’exploitation des données à des fins de ciblage publicitaire ou assimilé, mais aussi la valeur intrinsèque des publications de presse qui permettent à Google de disposer de contenus de qualité, variés sur une même thématique, frais (récents), pertinents au regard des centres d’intérêts immédiats des utilisateurs notamment sur des sujets d’expertise, et très fréquemment renouvelés »250. Par ailleurs, l’APIG a contesté la position de Google à au moins quatre reprises :

– Premièrement, dans un courrier du 30 juin en réponse au message de Google du 11 juin 2020, l’APIG conteste le fait que Google ne prenne en compte que les seuls revenus de Google Ads251.

– Deuxièmement, et à la suite du message de Google du 14 juillet 2020, l’APIG adresse un courrier daté du 20 juillet 2020, dans lequel elle conteste à nouveau la méthode de calcul de ses revenus par Google, fondée sur la seule prise en compte de « certains revenus publicitaires »252.

– Troisièmement, et à la suite d’une nouvelle proposition de Google du 24 juillet 2020, l’APIG conteste à nouveau, dans un email du 27 juillet 2020, la démarche de Google consistant à ne pas prendre en considération les recettes d’exploitation « directes et indirectes »253.

– Quatrièmement, et à la suite du message du 4 août 2020 de Google, l’APIG constate à nouveau, dans un email du 6 août 2020, que Google ne retient « qu’une fraction des revenus issus de certaines activités de Google (Google Ads) »254.

273. Le SEPM, pour sa part, a contesté la position de Google, s’agissant de la détermination des revenus tirés des contenus protégés sur ses services, à au moins deux reprises :

– Premièrement, en réponse aux courriers de Google des 1er et 23 juillet 2020, le SEPM soutient, dans un courrier du 29 juillet 2020255, que les critères à retenir dans le calcul de la rémunération doivent notamment inclure les « recettes directes (i.e. revenus publicitaires) et indirectes (i.e. les recettes liées aux datas et à l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ses [Google] services) ». Le SEPM considère alors que « la proposition de Google est formulée en violation directe de la loi puisqu’elle ne prend pas en compte l’ensemble des revenus, directs et indirects, que Google tire de l’affichage des contenus de tous les éditeurs de presse sur l’ensemble de ses services »256.

– Deuxièmement, et en réponse à la nouvelle méthodologie proposée par Google dans son email du 14 août 2020, le SEPM critique à nouveau, dans un courrier du 18 août 2020, la position de Google selon laquelle elle ne retirerait « aucun revenu indirect de l’affichage de contenus de l’ensemble de nos membres, à l’encontre des constats de l’Autorité et du législateur »257. Le SEPM ajoute que cette proposition n’est pas conforme à la loi française, dans la mesure où elle n’est formulée que pour les éditeurs disposant d’une certification IPG et qu’elle est décorrélée des critères prévus à l’article L. 218-4 du CPI258.

4. LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS PAR GOOGLE SUR L’UTILISATION DES CONTENUS PROTEGES PAR SES SERVICES ET NECESSAIRES A UNE EVALUATION TRANSPARENTE DE LA REMUNERATION DUE POUR CES CONTENUS

a) La communication spontanée d’informations par Google

274. En réponse au questionnaire adressé par les services d’instruction du 14 octobre 2020, Google a indiqué avoir communiqué spontanément le 14 août 2020 des informations à chacune des trois saisissantes. Ces informations ont trait au nombre de vues sur Discover et Google Actualités des publications de presse (i) des membres certifiés IPG de l’entité concernée, (ii) de l’ensemble des membres de l’entité concernée, et (iii) de l’ensemble des publications certifiées IPG, et ce pour la période comprise entre le 9 juin 2020 et le 5 août 2020259.

275. Google précise avoir aussi adressé à une entité, le 28 juillet 2020, des éléments sur les revenus publicitaires de Google Search relatifs aux recherches liées à l’actualité et le nombre d’affichages des publications de presse de cette entité en réponse aux requêtes liées à l’actualité ou non, pour la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020260.

276. Google souligne enfin que « [...] toutes les données concernant le nombre de clics des utilisateurs sur les sites internet des éditeurs et agences de presse suite à une redirection depuis Google Search sont accessibles gratuitement et en permanence à tous les sites référencés sur Google Search (en ce compris donc les sites des éditeurs et agences de presse) via l’outil Search Console »261.

b) Les réponses apportées par Google aux demandes d’informations formulées par les saisissantes

Position de Google

277. Dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 14 octobre 2020, Google indique que « Ainsi qu’il ressort de ce tableau, les différents interlocuteurs de Google ont présenté des demandes très variées, très extensives ou au contraire très vagues, dont certaines sont sans rapport avec les négociations objet des mesures conservatoires. Afin de circonscrire ces demandes et de leur fournir un cadre, Google a donc proposé aux éditeurs et agences, compte tenu des délais de négociation limités qui avaient été fixés par la Décision de l’Autorité, de les inscrire dans le cadre d’une méthodologie à convenir entre les parties. Dans un souci de transparence et de non-discrimination, Google a partagé les mêmes informations avec l’APIG, le SEPM et l’AFP, mais également avec d’autres éditeurs et agences ayant sollicité la communication des critères appliqués par Google »262.

Demandes d’informations formulées par l’AFP

278. Au cours de la période de négociations, l’AFP a demandé à Google la communication d’informations à plusieurs reprises :

– Le 17 avril 2020, dans son courrier de demande d’ouverture des négociations, l’AFP a demandé à Google de lui communiquer « tout élément permettant d’évaluer concrètement la proposition de rémunération faite par Google à l’AFP »263. Cette demande donnait la possibilité à Google de définir le champ des informations communiquées, pour peu qu’elles apportent à l’AFP des éléments de compréhension sur la proposition qui lui serait faite.

– Le 11 juin 2020, l’AFP a adressé un email à Google dans lequel elle indique n’avoir reçu aucune information à date, et ce alors que Google se serait engagée à lui communiquer des informations pour le 10 juin 2020. L’AFP réitère donc sa demande de communication des informations prévues par la Loi264.

– Le 13 juillet 2020, l’AFP a adressé un courrier à Google. Dans celui-ci l’AFP rappelle le déroulement des négociations jusqu’alors et dénonce, entre autres, l’absence de communication par Google d’éléments chiffrés demandés selon l’AFP « depuis de nombreux mois », « afin de pouvoir engager une négociation objective comme l’exigent la loi et la décision de l’Autorité »265 :

– Le 16 août 2020, l’AFP a adressé un email à Google dans lequel elle dénonce ce qu’elle estime être un refus par Google de produire les informations demandées concernant la valeur de ses contenus266.

279. Faisant suite à ces différentes demandes, Google a communiqué à l’AFP, le 24 juillet 2020, les données suivantes267 :

– Des données générales concernant les recettes publicitaires de Google en lien avec l’actualité, à savoir le pourcentage de requêtes liées aux actualités et les revenus publicitaires de Google Search liés aux recherches d’actualités en France en 2019.

– Des données relatives aux affichages de contenus certifiés IPG des éditeurs de presse sur Google Search et une estimation des revenus Google Ads qui en découlent, ainsi qu’une note décrivant la méthodologie de calcul268.

280. Ces données ne sont toutefois pas spécifiques à l’AFP et sont identiques à celles communiquées à l’APIG et au SEPM (voir ci-dessous). S’agissant de la note décrivant la méthodologie de calcul, celle-ci n’est accompagnée d’aucune donnée sourcée, de sorte qu’il est impossible de reproduire et d’expertiser l’estimation des revenus Google Ads réalisée par Google.

281. Google a, par ailleurs, communiqué à l’AFP dans ce même email des données relatives aux affichages de contenus issus du site afp.com, à savoir le nombre d’affichages sur Google Search de contenus issus du site afp.com, en réponse à tout type de requête ou en réponse à des requêtes d’actualité. En revanche, Google n’a communiqué aucune information relative aux utilisations qu’elle fait des contenus de l’AFP lorsque ces derniers sont intégrés aux publications de presse d’éditeurs tiers.

282. Enfin, le 14 août 2020, comme indiqué aux paragraphes 116 et suivants, à quelques jours de l’expiration de la période de négociations, Google a transmis à l’AFP des informations concernant le nombre de vues sur les services Google Actualités et Discover (i) des publications du site afp.com et (ii) de l’ensemble des publications certifiées IPG269.

Demandes d’informations formulées par l’APIG

283. Au cours de ses négociations avec Google, l’APIG a formulé des demandes d’information à plusieurs reprises :

– Le 6 mai 2020, dans son courrier d’ouverture des négociations, l’APIG demande à Google de lui transmettre les données nécessaires à l’évaluation des recettes directes et indirectes, notamment des données de trafic, ainsi que des informations financières270.

– Le 8 juin 2020, sans réponse de Google à ses demandes d’information, l’APIG a réitéré par email sa demande de communication des informations demandées le 6 mai271.

Le 30 juin 2020, l’APIG a adressé à Google une liste non-limitative des informations (voir paragraphe 142) qui, selon elle, sont nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due par Google au titre des droits voisins272.

– Les 1er, 20 et 27 juillet ainsi que les 6 et 17 août 2020, l’APIG a réitéré ses demandes de communication d’informations273. Dans son email du 17 août en particulier, l’APIG fait savoir à Google qu’elle considère que les données communiquées par Google jusqu’alors

« ne permettent pas à elles seules de déterminer la valeur ». Elle réitère donc ses demandes et invite Google à lui transmettre « l’ensemble des données demandées dans [ses] communications précédentes, à commencer par les éléments de revenus de Google en France ».

284. En réponse à ces demandes d’informations, Google indique dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 14 octobre 2020 avoir transmis des informations à l’APIG au cours d’une réunion le 29 mai 2020, ainsi que dans des correspondances datées du 11 juin et 4 août 2020274.

285. S’agissant de la réunion du 29 mai 2020, il ressort de l’examen des pièces du dossier que l’APIG et Google ont des positions divergentes sur les informations qui auraient été communiquées à cette occasion. Selon Google, elle aurait communiqué lors de cette réunion des informations concernant la proportion de recherches d’actualités en France et le chiffre d’affaires publicitaire associé à ces recherches275.

286. L’APIG, pour sa part, soutient qu’aucune des informations demandées ne lui a été fournie à cette occasion276.

287. S’agissant du courrier du 11 juin 2020, outre les informations déjà transmises le 29 mai selon Google, il contient des informations concernant le montant des revenus Google Ads en lien avec les requêtes affichant au moins un résultat d’actualité sur la première page de résultat pour l’ensemble des contenus IPG et pour les membres de l’APIG ainsi qu’une note décrivant sommairement la méthodologie sous-jacente à ce calcul277.

288. L’Autorité relève que cette note n’est toutefois accompagnée d’aucune donnée source, de sorte qu’il n’est pas possible pour l’APIG de reproduire et expertiser ces calculs. En outre, la méthodologie fournie par Google vise les contenus protégés issus d’éditeurs certifiés IPG de manière générale, et non spécifiquement les membres de l’APIG278. Cette dernière n’est donc pas en mesure d’identifier ce qui relève, au sein de l’évaluation de Google, spécifiquement de ses membres.

289. S’agissant de l’email du 4 août 2020, il comporte une note méthodologique plus détaillée et présentant, selon Google, les étapes intermédiaires du calcul de la valeur des contenus de presse communiqué le 11 juin 2020279. Les nouvelles informations communiquées à l’APIG figurant dans cette note consistent en :

– une estimation fondée sur une analyse de 10 % du trafic de Google Search en France, sur une journée, du nombre d’affichages comprenant un résultat avec un contenu de presse IPG et la part de contenu datant de moins de 2 ans ;

– la répartition de ces affichages selon leur position et pages de résultat ;

– le montant des revenus Google Ads associés à ces contenus IPG protégés en fonction de leur position sur les pages de résultats ;

– ces mêmes données s’agissant des membres certifiés IPG de l’APIG.

290. Ainsi, l’essentiel des données communiquées par Google à l’APIG l’ont été le 4 août 2020, soit plus de deux mois après le début des négociations, et quatorze jours seulement avant l’expiration de la période de 3 mois prévue par l’Injonction 4.

291. Enfin, le 14 août 2020, comme indiqué aux paragraphes 167 et suivants, soit quelques jours à peine avant l’expiration du délai de négociation, Google a adressé à l’APIG des éléments d’informations concernant les utilisations des contenus de ses membres au sein des services Discover et Google Actualités280.

Demandes d’informations formulées par le SEPM

292. Au cours de ses négociations avec Google, le SEPM a formulé des demandes d’informations à plusieurs reprises.

293. Le 22 mai 2020, dans son courrier de demande d’ouverture des négociations, le SEPM a sollicité de Google la transmission sous 10 jours d’un certain nombre d’informations pour chacun des sites Internet de ses membres, à savoir :

– « Le nombre d’affichage de contenus éditoriaux sur chacun des services de Google […] et tous supports confondus (mobiles, tablettes, ordinateur), pour chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre » ;

– « le nombre de visites (mesuré en nombre de « clics ») de ces sites par les internautes à partir de chacun des services susvisés de Google, tous support confondus (mobiles, tablettes, ordinateur), pour chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre » ;

– « les recettes de toute nature, directes et indirectes, perçues par Google du fait de l’affichage des contenus éditoriaux des membres du SEPM pour (i) l’ensemble de l’année 2019 et (ii) chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre »281.

294. Le SEPM a réitéré cette demande de communication d’informations à plusieurs reprises, et par écrit les 29 juin, 6 juillet, 22 juillet, 29 juillet et 18 août 2020282. Jusqu’à l’expiration de la période de négociation, le SEPM a considéré n’avoir pas obtenu de réponse satisfaisante de Google à ces demandes.

295. En réponse à ces demandes d’informations, Google indique dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 14 octobre 2020 avoir transmis des informations au SEPM dans des correspondances datées du 1er juillet et 23 juillet 2020 et dans une note datée du 4 août 2020283.

296. S’agissant du courrier du 1er juillet 2020, ce dernier contient des informations concernant la proportion de recherches classifiées par Google comme des « recherches d’actualité » en France et le chiffre d’affaires publicitaire associé à ces recherches. Ces données ne sont toutefois pas spécifiques au SEPM et ont été communiquées de la même manière à l’AFP et à l’APIG.

297. Il contient également des informations concernant le montant des revenus Google Ads en lien avec les requêtes affichant au moins un résultat d’actualité sur la première page de résultat pour l’ensemble des contenus IPG et pour les membres du SEPM (tous les membres ou seulement ceux certifiés IPG) ainsi qu’une note décrivant sommairement la méthodologie sous-jacente à ce calcul284. Toutefois, tout comme celle adressée à l’APIG et l’AFP, cette note n’est accompagnée d’aucune donnée source, de sorte qu’il n’est pas possible pour le SEPM de reproduire et d’expertiser ces calculs. En outre, la méthodologie fournie par Google vise les contenus protégés issus d’éditeurs certifiés IPG de manière générale, et non spécifiquement les membres du SEPM. Celui-ci n’est donc pas en mesure d’identifier ce qui relève, au sein de l’évaluation de Google, spécifiquement de ses membres.

298. S’agissant du courrier du 23 juillet 2020, il contient des données complémentaires à celles communiquées le 1er juillet et relatives285 :

– au nombre d’affichages des contenus du SEPM dans Google Search en réponse à une requête classifiée par Google comme une requête d’actualité (ainsi que la proportion correspondant à des contenus IPG) ;

– au nombre d’affichages des contenus du SEPM dans Google Search en réponse à toute requête (ainsi que la proportion correspondant à des contenus IPG).

299. S’agissant de la note du 4 août 2020, celle-ci consiste en une version plus détaillée de la note méthodologique communiquée par Google le 1er juillet286. Les nouvelles informations communiquées au SEPM figurant dans cette note consistent en :

– une estimation fondée sur une analyse de 10 % du trafic de Google Search en France, sur une journée, du nombre d’affichages comprenant au moins un contenu de presse IPG et la part des affichages concernant des contenus datant de moins de 2 ans ;

– la répartition de ces affichages selon leur position sur la page de résultat et le numéro de pages de résultat ;

– le montant des revenus Google Ads associés à ces contenus IPG protégés en fonction de leur position sur les pages de résultats ;

– ces mêmes données en incluant (i) tous les membres du SEPM et (ii) uniquement ceux certifiés IPG.

300. Ce n’est donc que le 4 août 2020, alors que l’échéance de la période de négociation était le 14 août, que Google a communiqué l’essentiel des données présentées comme relatives aux revenus Google Ads qu’elle retire de la présence des contenus protégés du SEPM en réponse à des requêtes sur Google Search.

301. Enfin, le 14 août 2020, comme indiqué aux paragraphes 215 et suivants, Google a communiqué au SEPM des données concernant le nombre de vues des publications de presse des membres du SEPM au sein des services Discover et Google Actualités287.

II. Discussion

A. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

1. RAPPEL DE LA PRATIQUE DECISIONNELLE ET DE LA JURISPRUDENCE

302. Lorsque l’Autorité prononce des injonctions à l’égard d’une partie dans le cadre d’une décision de mesures conservatoires ou de sanctions, cette partie est tenue d’en respecter formellement les termes, tout en s’abstenant d’adopter des stratégies de contournement qui auraient pour effet de remettre en cause leur finalité. Ces mêmes principes s’appliquent, mutatis mutandis, aux parties qui ont pris des engagements rendus obligatoires par une décision de l’Autorité adoptée en matière de pratiques anticoncurrentielles ou de contrôle des concentrations.

303. Conformément à une pratique décisionnelle constante de l’Autorité, « les engagements, comme les injonctions, sont d’interprétation stricte »288. À cet égard, dans la décision n° 20-D-07 du 7 avril 2020289, l’Autorité a eu l’occasion de préciser que l’examen du respect des injonctions est centré, dans un premier temps et à titre principal, sur le respect formel des injonctions, dont la vérification est distincte d’un réexamen des injonctions au regard d’évènements survenus postérieurement à la décision. L’interprétation stricte des injonctions s’appuie à cet égard sur une analyse rigoureuse des termes utilisés dans le libellé de l’injonction.

304. Cependant, le principe d’interprétation stricte ne peut avoir pour effet de limiter l’appréciation du respect d’une injonction comme d’un engagement à des considérations purement formelles. Ainsi, l’effet du manquement sur la concurrence que les injonctions visaient à préserver sera, le cas échéant, pris en considération, si les parties ont adopté un comportement de contournement, ayant pour effet de limiter la portée des injonctions et de produire les effets anticoncurrentiels que ces injonctions devaient prévenir. L’effet du manquement sur la concurrence peut également être pris en compte pour apprécier la gravité du non-respect. Le respect formel de la lettre d’une injonction peut, à cet égard, ne pas être regardé comme conforme, s’il s’avère que des modifications parallèles aboutissent à le vider en tout ou partie de sa portée.

305. La cour d’appel de Paris a ainsi estimé, à propos du respect d’injonctions enjoignant la suppression de clauses d’un contrat type, que « c’est sans excéder ses pouvoirs que le Conseil [...] a vérifié si les clauses supprimées n’avaient pas été remplacées par d’autres stipulations qui, bien que formulées différemment, auraient produit les conséquences juridiques prohibées »290. En matière d’engagements pris en application de l’article L. 430-5 du code de commerce, le Conseil d’État a jugé dans le même sens que : « l’Autorité de la concurrence est en droit de rechercher si, alors même que serait assuré le respect formel des critères expressément prévus par un engagement que l’évolution du marché n’a pas privé de son objet, les parties ayant pris cet engagement auraient adopté des mesures ou un comportement ayant pour conséquence de le priver de toute portée et de produire des effets anticoncurrentiels qu’il entendait prévenir »291.

306. Le contrôle du respect des injonctions ou des engagements doit donc nécessairement s’apprécier au regard des motifs de la décision qui ont justifié leur adoption. Lorsque l’Autorité est amenée à examiner si l’entreprise a pris des mesures susceptibles de constituer un contournement des injonctions ou d’engagements de nature à limiter leur portée, il est nécessaire de les examiner au regard de leur finalité. S’agissant d’une procédure de non-respect d’engagements, la Cour de cassation a jugé que : « (...) la caractérisation d’un manquement à des engagements conduit à vérifier leur respect formel puis, le cas échéant, l’absence de manquement au regard des préoccupations de concurrence ayant donné lieu à des engagements »292.

307. En outre, les modalités d’exécution des injonctions fixées dans les décisions de l’Autorité, et notamment leur délai d’exécution, font partie intégrante des injonctions. Il en résulte que « l’exécution tardive d’une injonction peut donc être sanctionnée au titre de l’article L. 464-3 du code de commerce »293. Seul le sursis ordonné par le premier président de la cour d’appel de Paris peut suspendre le caractère exécutoire de la décision. À défaut de demander ce sursis et de l’obtenir, il n’appartient pas aux parties de décider du moment où elles procéderont à l’exécution d’une injonction294.

308. Enfin, le contrôle de l’exécution de la décision doit porter sur le respect des injonctions prises individuellement et dont chacune a valeur obligatoire. La circonstance que certaines injonctions aient été partiellement respectées ne saurait faire ainsi échec à un constat d’inexécution.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

309. Les Injonctions telles que celles prononcées en l’espèce doivent nécessairement être lues au regard des motifs qui ont justifié leur adoption, tels qu’ils figurent dans la Décision. En l’occurrence, les Injonctions imposées à Google constituent des mesures d’ordre public, prises à l’issue d’une procédure de mesures conservatoires ayant constaté des pratiques susceptibles de constituer un abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, et dont l’objet est d’intervenir en situation d’urgence, dans l’attente d’une décision au fond.

310. L’Autorité, puis la cour d’appel de Paris, ont souligné l’immédiateté de l’atteinte causée par les pratiques de Google identifiées dans la Décision. Cette immédiateté s’explique notamment par l’urgence à rééquilibrer le rapport de force entre les différents acteurs de la presse et les plateformes numériques, et justifiait la définition par la Décision d’un cadre de négociation impératif et adapté aux circonstances de l’espèce.

311. La Décision rappelle ainsi que (paragraphe 285) « la célérité attendue de la tenue et de l’aboutissement des négociations entre plateformes et éditeurs et agences de presse était par ailleurs un objectif mis en avant par les parlementaires, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de la Loi ». De même, la cour d’appel de Paris a souligné que (paragraphe 175 de l’arrêt du 8 octobre 2020) « Par suite, dans les circonstances conjoncturelles et le contexte légal dans lesquels se déroulent les pratiques, qui ont été justement prises en compte par l’Autorité, il y a bien urgence, comme l’a retenu la décision attaquée, à rééquilibrer immédiatement le rapport de force entre les différents intervenants sur le marché ».

312. C’est à l’aune de ces considérations et « en cohérence avec l’urgence de la situation dans laquelle se trouve le secteur de la presse » (paragraphe 308 de la Décision) que l’Autorité a fixé un délai de négociation de trois mois. Ainsi, le respect des Injonctions par Google doit s’apprécier dans le cadre temporel que la Décision a estimé pertinent pour répondre à la situation d’urgence dans ce dossier, et que la cour d’appel de Paris a validé. Une telle analyse est seule garante de l’efficacité de l’action d’une autorité de concurrence, qui repose, notamment, sur sa capacité à agir rapidement, en tenant compte du temps économique. Au cas d’espèce, le respect de ce délai était, en outre, d’autant plus important que le législateur avait manifesté sa volonté d’agir avec célérité dans la mise en œuvre du droit voisin, en transposant dans un délai bref la directive du 17 avril 2019.

313. Il résulte de ce qui précède que pour apprécier si Google a respecté la Décision, l’Autorité prendra en compte à titre principal le comportement de Google durant la période de négociation fixée par la Décision, en tenant compte des décisions intervenues pour préciser la computation des délais au regard de la crise sanitaire liée à la COVID-19 (voir les paragraphes 5 et 6). Les négociations qui ont pu être menées par Google postérieurement au délai de trois mois fixé par les Injonctions seront regardées, sauf circonstances particulières justifiant le dépassement du délai de 3 mois, comme des retards d’exécution, susceptibles de constituer un non-respect des Injonctions.

314. Enfin, l’Autorité prendra en compte l’ensemble des éléments pertinents postérieurs à la période au cours de laquelle les Injonctions devaient être mises en œuvre, dès lors qu’ils se rattachent à l’exécution de celles-ci et permettent d’apprécier leur respect.

B. APPRECIATION DU RESPECT DES INJONCTIONS PAR GOOGLE

315. La Loi n° 2019-775 - qui transpose la directive européenne 2019/790 du 17 avril 2019 - a créé un droit voisin du droit d’auteur au bénéfice des éditeurs de presse et des agences de presse. La création de ce droit voisin - qui est un droit patrimonial - devait permettre à ces derniers de percevoir une rémunération, en contrepartie de la reprise de leurs contenus protégés par les exploitants de plateformes Internet. Ce droit a été instauré afin de rééquilibrer le partage de la valeur créée par les contenus éditoriaux sur ces plateformes, au bénéfice des éditeurs et agences de presse.

316. Nonobstant l’entrée en vigueur de la Loi le 24 octobre 2019, Google a, dès le mois de septembre 2019, modifié unilatéralement sa politique d’affichage, en demandant aux éditeurs de presse de renoncer à toute forme de rémunération financière pour la reprise de leurs contenus de presse sur les services existants de Google, sous peine de risquer une dégradation de l’affichage de leurs contenus de presse sur ses services de recherche en ligne.

317. Aux termes de la Décision, l’Autorité a considéré que les conditions d’affichage imposées par Google ont permis à cette dernière d’éviter toute forme de négociation et de rémunération pour la reprise des contenus protégés, quelle que soit leur nature, et ce alors que les droits voisins créés par la Loi ouvraient aux éditeurs et agences de presse une possibilité de négociation pour la valorisation de leurs contenus, en fonction des critères énumérés par la Loi sur les droits voisins.

318. L’Autorité a considéré que les modalités de mise en œuvre par Google de la Loi sur les droits voisins étaient susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante et a prononcé, dans l’attente d’une décision au fond, des mesures conservatoires. Celles-ci s’articulaient autour d’une obligation principale de mettre en œuvre une négociation de bonne foi sur les modalités de reprise et d'affichage des contenus protégés, et sur la rémunération pouvant y être associée.

1. SUR LE RESPECT DE L’INJONCTION 1

319. L’Injonction 1 qui impose à Google une obligation de négociation de bonne foi, constitue le cœur du dispositif prévu par la Décision. Elle répond directement au comportement par lequel Google a écarté, dès l’entrée en vigueur de la Loi de 2019, toute négociation avec les éditeurs et agences de presse, en se déclarant par principe opposée à la rémunération des contenus protégés. Cette Injonction doit être lue au regard des motifs de la Décision, et tout particulièrement de son paragraphe 304, qui précise que : « la mise en œuvre de cette Injonction doit couvrir l’ensemble des services de Google reprenant des contenus protégés par la Loi n° 2019-775, en particulier son site de recherche en ligne Google Search. Ainsi défini, le champ d’application des mesures conservatoires doit permettre d’éviter tout risque de contournement du dispositif par Google ».

320. Au regard de ce qui précède, Google était tenue, en vertu de l’Injonction 1, d’engager des négociations de bonne foi avec les éditeurs de presse et les agences de presse qui lui en faisaient la demande, en vue de formuler une proposition financière portant sur l’affichage de contenus protégés sur les services existants de Google, et tout particulièrement sur la reprise d’extraits d’articles et de photos de presse sur son moteur de recherche Google Search, ou ses extensions (Google Actualités, Discover).

321. Or, dans le processus de négociation engagé par Google postérieurement à la Décision, et en dépit des objections formulées à plusieurs reprises par les éditeurs et agences de presse, Google a imposé unilatéralement des discussions relatives à un partenariat global, dénommé Showcase et portant principalement sur l'offre de nouveaux services par les éditeurs.

322. Ce n’est que quelques jours avant la fin de période de négociations avec les saisissantes que Google a accepté d’aborder la question de la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés. En outre, si aux termes de l’accord-cadre conclu avec l’APIG le 12 février 2021, soit plus de 5 mois après la fin de la période prévue par les Injonctions, les éditeurs peuvent négocier une rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle de leurs contenus protégés sur les services de Google, il y a lieu de relever que ces derniers doivent, en contrepartie, renoncer à participer au programme Showcase, ce qui a pour conséquence de dégrader leur rémunération et leur exposition sur Google, par rapport aux concurrents y participant. Les éditeurs sont donc fortement incités à privilégier l’offre de rémunération globale émise par Google sur les utilisations actuelles et nouvelles par Google de l’affichage des contenus protégés.

323. Par ailleurs, en s'appuyant sur une interprétation qui ne saurait être regardée comme de bonne foi de l'article L. 218-4 du CPI, article pourtant dénué d'ambiguïté, Google a significativement réduit le champ d'application de la Loi relative au droit voisin, en excluant le principe d'une rémunération des contenus de presse issus de titres ne disposant pas d'une certification « Information Politique et Générale » (ou « IPG »)295, contrairement aux dispositions de la Loi et ce alors même que, selon ses propres évaluations, les revenus que Google tire des contenus « non IPG » sont supérieurs à ceux qu'elle retire des contenus « IPG ».

324. En outre, Google a refusé aux agences de presse le bénéfice d'une rémunération de leurs contenus repris par les éditeurs, en contradiction là aussi avec la Loi, la décision de l'Autorité et l'arrêt de la cour d’appel de Paris.

a) Sur la négociation d’un contrat de licence global portant principalement sur le service Showcase

Sur le déplacement de la négociation des droits voisins au titre des utilisations actuelles de contenus protégés vers le nouveau service Showcase

325. Les éléments du dossier montrent que Google a refusé de négocier séparément une rémunération au titre des droits voisins portant sur la reprise de contenus protégés sur ses services existants pendant la quasi-totalité de la période de négociation fixée par la Décision. Google a orienté systématiquement les négociations vers la conclusion d’un contrat de licence global, dénommé PCN, pour Publisher Curated News, dont l’objet porte principalement sur un nouveau service offert au public et fondé sur la reprise d’articles de presse, que Google désigne sous le nom de Showcase, qui n’était précédemment pas accessible sur les portails de Google.

326. Le service Showcase instaure de nouvelles obligations à la charge des éditeurs, qui doivent quotidiennement créer, organiser et compléter un certain nombre de modules destinés à alimenter le service (« daily briefing », « story cluster » et autres sections) par des contenus de presse ayant vocation à être affichés en intégralité sur Google Actualités, Discover et Search296. Le projet de contrat-cadre transmis par Google à l’APIG le 24 juillet 2020 prévoit que les éditeurs les mieux classés en termes d’audience devront compléter 5 à 7 modules par jour, tandis que les petits éditeurs devront s’engager à compléter 2 modules par jour297. L’accès au programme Showcase implique en outre que les éditeurs permettent aux utilisateurs de Google d’accéder gratuitement à des contenus de presse payants sur le site des éditeurs298, ce qui nécessite un travail de développement important au sein des titres pour rendre ces articles payants accessibles par les seuls utilisateurs des services de Google.

327. Le service Showcase n’est pas propre à la France. Son lancement a été annoncé au niveau mondial, le 1er octobre 2020, par le président directeur général de Google, Sundar Pichai, qui a indiqué investir un milliard de dollars dans des partenariats avec les éditeurs de presse pour créer et sélectionner des contenus de haute qualité, à travers ce nouveau produit299. Le service Showcase a notamment été annoncé dans des pays où la législation ne prévoit pas de droits voisins, comme par exemple le Brésil en octobre 2020300.

328. La proposition de contrat de licence globale PCN, émise par Google, comprend une redevance unique couvrant à la fois les utilisations actuelles de contenus protégés et les nouvelles utilisations d’articles de presse dans le cadre du nouveau service Showcase (voir ci-dessus le paragraphe 233 et suivants). Cette offre de rémunération globale ne permet pas de distinguer les revenus attribuables à l’utilisation des contenus protégés - articles complets et mis à disposition gratuitement dans l’univers Google - dans le cadre du nouveau service Showcase de Google de ceux attribuables à l’utilisation existante des contenus protégés sous forme d’extraits des publications de presse.

329. De ce fait, les éditeurs et agences de presse ont été privés de la capacité de négocier, si tel était leur souhait, la rémunération due pour les seules utilisations actuelles de leurs contenus protégés respectifs.

330. Par exemple, dans la présentation à l’APIG du 3 juin 2020, Google n’évoque pas les droits voisins dans le calcul de la rémunération, alors que la demande d’entrée en négociation formulée par l’APIG portait expressément sur ces derniers (voir, supra, le paragraphe 132).

331. Un autre exemple de ce comportement est illustré par le projet de contrat communiqué par Google à l’APIG le 24 juillet 2020. Dans ce dernier, qui couvre à la fois la participation à Showcase et les autres utilisations que fait Google des contenus protégés (dont les utilisations actuelles), les modalités de calcul de la rémunération n’envisagent, comme seul facteur de variabilité de la rémunération versée à un éditeur, que la visibilité des contenus protégés de ce dernier au sein de Showcase, et non les utilisations que fait actuellement Google de ces contenus protégés. Ces modalités ne tiennent pas non plus compte de l’évolution des utilisations actuelles des contenus protégés dans le temps, ni même de l’apparition de nouveaux éditeurs dont les contenus protégés seraient utilisés par Google. À cet égard, l’article 6.4 du projet de contrat stipule que (traduction libre301) :

« Les accords individuels, et les commissions dues à l’Article 5, peuvent varier si l’Accord Individuel négocié par un Éditeur limite matériellement ou modifie la capacité de Google à offrir un niveau minimum de visibilité de produit au Publisher-Curated News (étant entendu que toute obligation de produit présentée à un Éditeur dans un Accord Individuel sera la même pour tous les Éditeurs dans une situation similaire). Afin d’éviter toute ambiguïté, cet Accord Cadre n’oblige pas Google à entrer dans un Accord Individuel, ou à payer des commissions, si un éditeur individuel et Google ne parviennent pas à des conditions mutuellement acceptables. »302.

332. Une telle clause introduit pour les éditeurs une incertitude d’autant plus élevée sur le montant, sinon même l’existence, de leur rémunération au titre des utilisations actuelles des contenus protégés que ce même contrat prévoit par ailleurs une rémunération maximale pour chacun des éditeurs de l’APIG disposant d’une certification IPG pour leurs contenus en ligne303. De fait, les éditeurs ont été placés dans une situation où aucune garantie véritable de rémunération, ni aucune information claire ne leur a été apportée par Google sur le niveau de rémunération consenti au titre des droits voisins pour l’utilisation actuelle par Google de leurs contenus protégés.

333. Cette position de Google a pourtant été contestée très tôt dans les négociations, et à plusieurs reprises, tant par l’AFP (au moins à cinq reprises, le 19 juin, et les13, 20 et 30 juillet ainsi que le 22 août 2020), que par l’APIG (au moins à trois reprises, les 8 et 30 juin et le 27 juillet 2020) et par le SEPM (au moins à trois reprises, les 6 et 22 juillet et le 18 août 2020). Google ne peut donc se prévaloir d’un accord de ces entités pour justifier son insistance à mettre en place un partenariat global dont les droits voisins au titre des utilisations actuelles ne seraient qu’une composante, et dont il serait en tout état de cause impossible de discuter séparément.

334. Ce n’est qu’à quelques jours de la fin de la période de négociation que Google a pris en compte le souhait de l’APIG, du SEPM et de l’AFP de limiter les discussions aux utilisations actuelles des contenus protégés304.

335. En outre, Google s’est alors contentée d’indiquer dans sa proposition du 14 août 2020, un montant en valeur absolue identique à chacune des entités concernées, censé correspondre à « la limite supérieure maximale » d’une telle licence pour l’ensemble des contenus « IPG certifiés » en France305. La proposition de Google ne comporte aucun élément de calcul, ni d’estimation propre à la situation spécifique de l’AFP, de l’APIG ou du SPEM, et ce malgré leurs demandes répétées. Le calcul présenté ne porte de surcroît que sur des données relatives au Search, et n’envisage pas la prise en compte des autres services de Google reprenant du contenu protégé.

336. En outre, le fait que la rémunération proposée par Google soit fondée sur des comparaisons avec des contenus tels que le dictionnaire (qui ne nécessitent pas d’investissements récurrents) ou les informations météorologiques, et ce, sans aucun élément justificatif, illustre le manque de crédibilité de Google dans la formulation d’une telle offre. La valeur intrinsèque d’une publication de presse doit en effet, au titre des termes et objectifs de la Loi, prendre en compte les investissements pour la produire (recours à des journalistes formés aux différents métiers de la presse, coût de l’acquisition de l’information et des moyens mis en œuvre pour l’analyser et la mettre en perspective, etc.), sa qualité, son caractère varié sur une même thématique, sa fraîcheur et sa pertinence au regard des centres d’intérêts immédiats des utilisateurs et son actualisation.

337. La valorisation d’une publication de presse ne peut donc pas être comparée à la valeur d’un contenu de dictionnaire, qui ne nécessite pas d’investissements récurrents et ne requiert que des mises à jour très épisodiques, sans commune mesure avec le flot d’informations diversifiées que produisent, à intervalles réguliers, voire en temps réel, les éditeurs et agences de presse. La comparaison de la valeur d’une publication de presse écrite avec celle d’un service d’informations météorologiques ne paraît pas davantage pertinente, eu égard à la diversité des contenus traités par les éditeurs et agences de presse, qui requièrent des moyens importants de collecte d’informations et d’analyse. La production de ces contenus peut ainsi nécessiter des ressources particulièrement onéreuses pour le suivi de certains sujets d’actualités, comme l’actualité internationale, qui peut conduire à mobiliser des correspondants de presse (suivi de l’actualité des pays étrangers, suivi de compétitions sportives internationales, couverture des sommets internationaux) ou des missions et déplacements à l’étranger. L’élaboration de certains contenus peut comporter, enfin, des risques importants pour les journalistes (ex. : suivi de conflits ou de catastrophes naturelles).

338. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que cette proposition de Google, outre son caractère particulièrement tardif, ne pouvait, sur le fond, être regardée comme une proposition de bonne foi, ni constituer une base crédible pour entamer des négociations avec les entités concernées sur une rémunération due au titre des utilisations actuelles des contenus protégés.

339. Il peut être relevé, par ailleurs, que le lien indissociable établi par Google entre la rémunération due au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et celle relative à l’offre Showcase a perduré lors des négociations bilatérales ultérieures (voir paragraphes 231 à 234), et que d’autres éditeurs s’en sont émus. Ainsi, le Groupement des Éditeurs de Services en Ligne (ci-après « GESTE ») indique que « en l’état des remontées d’informations [de ses adhérents], il ne semble pas possible d’obtenir une discussion sur les droits voisins indépendamment de News Showcase. Il n’est par ailleurs pas certain qu’au sein des contrats conclus pour la souscription à News Showcase, les droits voisins fassent l’objet d’une rémunération spécifique – en tout cas précisément identifiée, au sein du mécanisme de rémunération mis en place par Google dans son nouveau produit »306. De même, le Groupe Amaury/L’Équipe considère que « Le fait d’intégrer la négociation et la rémunération des droits voisins dans le cadre du lancement d’un nouveau produit et donc l’imposition d’une négociation liée soulève plusieurs préoccupations de concurrence notamment pour un éditeur tel que le Groupe Amaury / L’Equipe »307.

340. Par ailleurs, dans les négociations avec l’APIG qui se sont déroulées au cours de l’automne 2020, et jusqu’à la conclusion de l’accord en février 2021, Google a maintenu sa position et refusé toute évolution à cet égard. Ainsi, dans un email interne de l’APIG du 7 janvier 2021, communiqué par l’APIG à l’appui de sa saisine, il est relevé que Google refuse de limiter la licence à ses services et usages actuels308. Dans une note au Conseil d’administration de l’APIG relative à l’accord de janvier 2021, il est expliqué que la rémunération au titre des droits voisins est « inclue dans le montant global de rémunération », ce qui témoigne du maintien par Google d’un lien entre la rémunération versée au titre de Showcase et les autres utilisations des contenus protégés, si tant est que cette rémunération existe309.

341. En outre, si aux termes de l’accord-cadre finalement conclu avec l’APIG le 12 février 2021, soit plus de 5 mois après la fin de la période prévue par les Injonctions, les éditeurs peuvent négocier une rémunération spécifique au titre de la reprise de leurs contenus protégés sur les services de Google, ces derniers doivent en contrepartie renoncer à participer au programme Showcase. De fait, ils renoncent alors à la fois à la rémunération et à l’exposition sur Google correspondantes par rapport aux concurrents y participant, et au bénéfice éventuel de la négociation collective. Les éditeurs sont donc fortement incités à privilégier l’offre de rémunération globale émise par Google sur les utilisations actuelles et nouvelles par Google de l’affichage des contenus protégés.

342. Il résulte de ce qui précède que, dès le début des négociations engagées avec les éditeurs et agences de presse saisissantes, Google a établi un lien systématique avec la souscription d’obligations au titre de la participation au service Showcase et a refusé de limiter la discussion à la négociation sur les droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés, ou de les identifier clairement au sein de celle-ci. Le 14 août, soit 4 jours à peine avant l’expiration de la période de négociation avec l’AFP et l’APIG et 10 jours avant l’expiration du délai de négociation avec le SEPM, Google a accepté, pour certains éditeurs entrés en négociation, de formuler une proposition de rémunération au titre des droits voisins ne portant que sur l’utilisation actuelle des contenus protégés. Toutefois, cette proposition ne peut être regardée comme conforme à l’obligation de négociation de bonne foi sur les droits voisins, compte tenu de son manque manifeste de précision sur les conditions de détermination de la rémunération, et de l’assimilation totalement inappropriée, au regard de leur nature intrinsèque, des contenus protégés des éditeurs et des agences de presse à des catégories de contenus comme le dictionnaire et la météo.

343. Dans ces conditions le comportement de Google, au cours de la période de négociations de trois mois prévu par les Injonctions, qui s’est poursuivi au cours de la période ultérieure, consistant à conditionner de façon systématique la négociation sur la rémunération due au titre des utilisations actuelles de contenus protégés à la fourniture de nouvelles prestations et de nouveaux contenus par les éditeurs et agences de presse pour alimenter son nouveau service Showcase, n’apparaît pas conforme à l’esprit et à la lettre de l’Injonction 1 qui invitait Google à négocier de bonne foi la rémunération due aux éditeurs et agences de presse pour toute reprise de contenus protégés.

344. Dans ces conditions, Google ne saurait soutenir avoir respecté l’Injonction 1 alors que les négociations qu’elle a entendu mener avec les éditeurs de presse ont systématiquement, et presque exclusivement, porté sur Showcase et non sur la rémunération des éditeurs au titre des utilisations qu’elle fait actuellement des contenus protégés.

Sur la méthode de valorisation des droits voisins afférents à l’utilisation actuelle des contenus de presse

Sur l’impossibilité pour les éditeurs de presse et agences de presse de contrôler le montant, voire l’existence même de la rémunération au titre des utilisations actuelles de contenus protégés

345. Le dispositif contractuel mis en place par Google, liant la rémunération au titre des utilisations actuelles et celle au titre de la participation à Showcase, ne permettait pas aux éditeurs et agences de presse de contrôler le montant, voire l’existence même de la rémunération au titre des utilisations de contenus protégés sur les services existants de Google au moment de l’adoption de la Loi, alors que celle-ci était au cœur des préoccupations du législateur et de l’Autorité dans sa Décision.

346. Or, à plusieurs reprises, Google a laissé entendre que la rémunération due au titre des utilisations actuelles des contenus de presse sur ses services était vouée à être non significative, voire inexistante, rendant les discussions sur ces utilisations actuelles tout à fait accessoires par rapport à celles portant sur le nouveau partenariat Showcase.

347. Dans ses échanges avec le SEPM, Google écrit dans un courrier du 1er juillet 2020 que : « Si Google a proposé un champ d’application de la licence qui excède l’utilisation actuelle par Google des contenus d’actualités [_] c’est parce qu’une offre monétaire qui serait basée uniquement sur les revenus que Google tire de l’utilisation actuelle de ces contenus et sur la valeur que cette utilisation procure à vos membres ne permettrait pas à Google de proposer des paiements significatifs aux membres certifiés IPG du SEPM »310. Dans un courrier du 23 juillet 2020, Google a de nouveau soutenu que les utilisations actuelles des contenus protégés ne justifient pas une rémunération significative311. Dans son courrier du 11 juin 2020 adressé à l’APIG, Google a ainsi exposé qu’une négociation limitée aux utilisations actuelles des contenus de presse serait susceptible de réduire de façon significative la rémunération des éditeurs312.

348. L’APIG indique que les montants avancés par Google au cours des négociations de trois mois prévus par les Injonctions s’inscrivent dans une fourchette comparable aux montants proposés par Google en février 2020, alors même qu’à cette période Google s’opposait ostensiblement au principe même d’une rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés sur ses services existants, en faisant valoir notamment que c’était Google qui apportait une valeur aux éditeurs de presse, et non l’inverse313.

349. Cette situation semble confirmer l’existence d’une enveloppe de rémunération prévue au titre du seul programme Google News Showcase pour la France (et d’une enveloppe fixée, plus généralement, pour la presse mondiale selon l’annonce faite le 1er octobre 2020 par le président directeur général de Google, Sundar Pichai, sur le blog de Google314) dont Google ne s’est pas écartée entre la présentation de son programme à divers éditeurs au début de l’année 2020, alors que Google contestait le principe du droit voisin, et la période des négociations entreprises dans le cadre de la mise en œuvre des Injonctions. À cet égard, l’APIG indique que « Lors de discussions orales informelles avec les principaux éditeurs de presse français, Google mentionne une enveloppe comprise entre [confidentiel] de dollars prévue pour l’ensemble des éditeurs de la presse d’information générale (« IPG ») française dès lors qu’ils accepteraient de prendre part à ce partenariat »315. En outre, les données produites par Google à l’appui du montant de cette enveloppe financière demeurent insuffisantes pour permettre aux éditeurs et agences de presse de comprendre et discuter la proposition de rémunération qui leur est faite (voir ci-dessous s’agissant du respect de l’Injonction 2). Ceci est d’ailleurs corroboré par les déclarations du représentant du journal L’Express, qui a indiqué lors de son audition : « Google ne nous a pas communiqué de formules ni de données à l’appui de sa proposition. Google nous a indiqué qu’il disposait d’une enveloppe globale pour les éditeurs dans le cadre de Publisher Curated News au niveau français »316. Il peut être relevé au demeurant que cette notion « d’enveloppe » a également été employée par le GESTE317.

350. Il apparaît enfin que ce comportement a perduré dans le cadre des négociations bilatérales engagées par Google avec des éditeurs de presse, postérieurement à la période de trois mois fixée par les Injonctions. Ainsi, et selon plusieurs éditeurs, les montants financiers individuels accordés par Google au titre de leur participation au programme Showcase dans le cadre du contrat PCN n’auraient pas été négociés. Le Figaro déclare que « La licence globale est celle qui était proposée par Google dans les dernières discussions avec l’Alliance. Nous n’avons pas négocié le montant : ce n’est ni plus ni moins que ce qui figurait dans la dernière proposition de Google à l’Alliance. »318. De même, Le Monde indique que « La négociation n’a pas porté sur la rémunération, puisque celle-ci correspond, à ma connaissance, aux éléments partagés avec l’APIG, et sans doute avec l’Autorité de la concurrence. »319. Lors de son audition, Libération a précisé que « Nous n’avons pas négocié la rémunération sur le volet Showcase. L’accord Showcase comprend une licence globale portant sur l’utilisation par Google de l’ensemble des contenus produits par Libération. »320.

351. Il est à noter, par ailleurs, que ces pratiques interviennent dans un contexte de très forte progression des performances financières de Google. En effet, la publication des résultats d’Alphabet le 27 avril 2021 sur la période janvier-mars 2021, société mère de Google, fait état d’une augmentation de 34 % de son chiffre d’affaires et de 163 % de son résultat net. Son PDG Sundar Pichai souligne à cet égard que « Au cours de l’année dernière, les gens se sont tournés vers Google Search et de nombreux services en ligne pour rester informés, connectés et divertis » [soulignement ajouté]321. Or, les rémunérations proposées par les services de communication au public en ligne étant « assises sur les recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes (…) », celles-ci doivent refléter l’évolution des résultats de Google, ce d’autant plus lorsque, comme le souligne le PDG de Google lui-même, la recherche d’information a été un moteur essentiel de consultation des services de Google au cours de l’année 2020.

352. Il ressort des différents éléments qui précèdent que la rémunération proposée par Google durant la période de négociation visée par les Injonctions portait essentiellement sur la mise en place du nouveau service Showcase, sans valoriser, ou alors de manière totalement marginale, l’affichage de contenus protégés sur les services existants de Google, et ce pourtant dans un contexte de très forte augmentation des revenus de Google, notamment grâce à l’affichage de contenus d’actualité.

Sur la prise en compte partielle des revenus indirects retirés par Google du fait de l’affichage de contenus de presse protégés

353. Dans une note adressée à l’Autorité le 12 juin 2020, Google a indiqué que les seuls revenus qui peuvent être associés à l’utilisation, par Google, de contenus protégés, sont les revenus publicitaires que Google génère sur des pages sur lesquelles ces contenus apparaissent322.

354. Cette méthode de valorisation des contenus protégés, proposée par Google dans le cadre de ses échanges avec l’APIG, le SEPM et l’AFP, apparaît comme particulièrement réductrice, et contraire aux positions exprimées tant par le législateur que par l’Autorité, puis la cour d’appel de Paris.

355. En effet, l’article L. 218-4 de la Loi prévoit que « La rémunération due au titre des droits voisins pour la reproduction et la communication au public des publications de presse sous une forme numérique est assise sur les recettes de l'exploitation de toute nature, directes ou indirectes » (soulignement ajouté).

356. En défendant une interprétation très restrictive de la notion des revenus tirés de l’affichage de contenus de presse, ne retenant, au titre de cette assiette, que les seuls revenus publicitaires (Google Ads) des pages de Google Search sur lesquelles s’affichent des contenus protégés, Google exclut la prise en compte de toute autre forme de revenus indirects générés par la présence de contenus protégés sur Google Search ou sur d’autres services de Google, comme Google Actualités ou encore Discover.

357. Or, il est incontestable que Google perçoit d’autres formes de revenus indirects tirés de l’affichage de contenus protégés sur ses services. L’affichage de contenus de presse diversifiés et attractifs sur ses différents services permet en effet à Google d’inciter l’utilisateur à les visiter régulièrement et à demeurer dans son environnement pour des durées plus longues que celles qui seraient constatées en l’absence de ces contenus. Ce faisant, Google, d’une part, renforce le volume de données collectées et améliore sa capacité à faire de la publicité ciblée, et, d’autre part, augmente la probabilité que l’utilisateur accède à des liens sponsorisés payants sur son site de recherche en ligne.

358. Ces deux modalités de création de valeur indirecte pour Google ont été clairement identifiées par l’Autorité au paragraphe 210 de la Décision, qui indique que : « il existe pour Google un intérêt économique certain et des revenus indirects qui sont tirés de la reprise et de l’affichage de contenus protégés. Ce type d’affichage est en effet attractif pour les utilisateurs, en ce qu’il améliore la qualité et l’expérience de visionnage de la page de recherche. Des déclarations de Microsoft en audition témoignent de cet avantage lié à l’affichage de contenus émanant des éditeurs et agences de presse (cote 2 398). Un moteur de recherche a dès lors intérêt à développer ce type d’affichage pour attirer ou conserver des utilisateurs sur ses services. L’attractivité de ces contenus peut jouer tant dans le déclenchement d’une recherche (qui peut être motivé par un contenu d’actualité, puis dériver sur un autre type de recherche) que dans le temps passé sur le moteur de recherche et les données personnelles qui en dérivent. Microsoft explique aussi que cet affichage est de nature à maintenir l’utilisateur dans l’environnement du moteur de recherche et, le cas échéant, le rediriger vers un lien sponsorisé générant des revenus pour le moteur de recherche. Ces déclarations n’ont pas été remises en cause par Google au cours de l’instruction. » (soulignement ajouté).

359. La cour d’appel de Paris a confirmé323 ces observations et a insisté sur l’existence de revenus indirectement générés par Google, du fait d’une attractivité accrue de ses services (soulignement ajouté) :

« En outre, comme l’a à juste titre relevé l’Autorité aux paragraphes 209 et suivants de sa décision, Google, contrairement à ce qu’il soutient dans ses écritures, tire un intérêt économique certain de cet affichage de publication de presse en raison :

– d’une part des revenus publicitaires directs qu’il perçoit grâce aux annonces publicitaires qui s’affichent avec les résultats de la recherche, fussent-elles peu nombreuses lorsque la recherche porte sur un thème d’actualité, et celles qu’il perçoit en tant qu’intermédiaire de publicité en ligne, au titre des annonces ciblées qu’il génère sur le site de l’éditeur vers lequel l’utilisateur du moteur de recherche est redirigé ; et pour lesquelles il perçoit une commission ;

– d’autre part, et surtout, de l’attractivité apportée à son moteur de recherche par cet affichage de contenu, attractivité qui peut jouer tant dans le déclenchement d’une recherche que dans le temps passé par l’utilisateur sur le moteur de recherche et les données personnelles qui en dérivent.

Si cette attractivité joue également indirectement en faveur des éditeurs de presse, elle représente un intérêt majeur pour Google étant rappelé que la collecte de données personnelles de ses utilisateurs constitue l’un des deux piliers de son modèle économique. »

360. Enfin, il convient de noter qu’en 2008, Google reconnaissait elle-même que son service

« Google Actualités »324, bien que non monétisé directement au travers de la publicité, pouvait être valorisé et génère des bénéfices en termes d’utilisation accrue de la plateforme Google, ce qui témoigne de revenus indirects tirés de ce service.

361. L’Autorité relève, en outre, qu’en améliorant l’attractivité de son site de recherches en ligne via l’affichage de contenus protégés, Google renforce, de fait, les effets de réseaux indirects existants entre l’utilisation du moteur de recherche généraliste et les services de publicité liés aux recherches. Plus le nombre d’utilisateurs fournissant des données augmente, plus la qualité des services publicitaires de Google s’améliore, et plus Google est en mesure d’augmenter ses revenus publicitaires.

362. Dans ses observations au rapport (paragraphe 181)325, Google reconnaît, d’ailleurs, pour la première fois, l’existence des revenus indirects générés grâce à la collecte de données et l’amélioration de l’attractivité de son moteur de recherche en ligne liée à la présence de contenus protégés. Elle considère toutefois qu’il n’existe pas de moyen fiable de calculer ces revenus indirects, et que la proposition qu’elle a faite aux éditeurs relève aussi d’une logique forfaitaire – prévue par la Loi – et va au-delà des stricts revenus des pages sur lesquelles s’affichent des contenus protégés.

363. Toutefois, cette argumentation témoigne d’un revirement total par rapport à la position adoptée antérieurement, tant dans les échanges avec les éditeurs et agences de presse qu’avec les services de l’Autorité car Google indiquait jusqu’alors que les revenus indirects n’avaient pas lieu d’être pris en compte, faute d’exister.

364. Les pièces du dossier montrent également que Google a, au cours des négociations, restreint le champ des revenus pris en compte, en le limitant aux revenus publicitaires générés sur les pages de son service Search sur lesquels les contenus d’actualité apparaissent326. Aucun élément du dossier ne permet de confirmer l’idée que Google aurait tenu compte des revenus de Discover et Google Actualités, comme elle le soutient désormais. À cet égard, Google exclut explicitement, dans son courrier du 12 juin 2020, l’hypothèse que les contenus de presse contribueraient à des revenus publicitaires pour des pages sur lesquelles ces contenus ne s’afficheraient pas327.

365. Une telle affirmation est en contradiction aussi bien avec le paragraphe 210 de la Décision, qu’avec les déclarations de Google sur cette question dans le passé. En effet, comme expliqué au paragraphe 360, Google avait déjà déclaré par le passé que son service Google Actualités apportait une valeur à l’entreprise, alors même qu’aucune annonce publicitaire ne s’affichait sur ce service. Google ne pouvait donc contester l’existence de revenus indirects générés par l’affichage de contenus provenant de l’utilisation accrue de ses services et refuser de les prendre en compte dans la construction de son offre de rémunération dans le cadre de ses négociations avec les éditeurs et les agences de presse. En conclusion, la méthode retenue par Google pour valoriser l’affichage de contenus de presse sur ses services existants exclut totalement les formes de revenus indirects évoqués dans la Décision. Elle n’apparaît dès lors conforme ni à la Loi ni à la Décision, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

Sur la non prise en compte de façon rétroactive de la période commençant dès l’entrée en vigueur de la Loi n° 2019-775, soit le 24 octobre 2019

366. Aux termes de l’Injonction 1, les négociations visant à déterminer la rémunération due par Google aux éditeurs et agences de presse pour toute reprise des contenus protégés sur ses services devaient « couvrir la période de reprise des contenus depuis le 24 octobre 2019 ».

367. Dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 14 octobre 2020, Google a indiqué que toutes les offres qu’elle a formulées couvraient de façon rétroactive la période ayant commencé à courir à partir du 24 octobre 2019328.

368. Pour autant, aucun élément communiqué par Google ne permet d’identifier la façon dont cette période a été prise en compte, ni sa répercussion dans les propositions financières. S’agissant des discussions menées avec l’AFP, les calculs présentés ne permettent pas de déterminer comment cette période est considérée. S’agissant des discussions avec l’APIG et le SEPM, les montants indiqués reposent sur une base annuelle, sans explication sur la manière dont est prise en compte la période antérieure à la conclusion de l’accord. Ainsi, le projet de contrat soumis par Google à l’APIG le 24 juillet 2020 prévoit bien que la première année commence le 24 octobre 2019 et se termine une année calendaire après la date de signature329. Toutefois, en proposant une somme fixe annuelle, il ne permet pas de comprendre, et donc de négocier, le montant relatif à la période rétroactive330.

369. Il peut au surplus être relevé que ce comportement a perduré lors des négociations bilatérales intervenues postérieurement au délai de mise en œuvre de l’Injonction avec les éditeurs de presse interrogés par les services d’instruction. Aucun élément versé au dossier, tant par Google que par les éditeurs de presse concernés, ne permet ainsi d’identifier ou de comprendre la part de la rémunération relative à la reprise de contenus protégés par Google depuis le 24 octobre 2019. Le Figaro déclare que « S’agissant de la rétroactivité, il y a une clause du contrat qui précise que la rémunération couvre l’utilisation des contenus depuis l’entrée en vigueur de la loi mais nous n’en avons pas discuté. Nous nous sommes concentrés sur un montant annuel. »331. Interrogée sur ce point, Google n’apporte aucun élément sur la manière dont cette période aurait été prise en compte dans des contrats conclus individuellement332.

370. Il doit toutefois être relevé que l’accord-cadre, conclu le 12 février 2021 avec l’APIG, est pour sa part assorti d’un protocole transactionnel, conclu le même jour, qui prévoit une indemnité financière à la charge de Google destinée, entre autres, à compenser l’utilisation des contenus protégés sur l’ensemble des services de Google pour la période antérieure à la signature d’accords individuels de licence avec les éditeurs membres de l’APIG. Dans sa note au conseil d’administration du 12 janvier 2021, l’APIG précise ainsi que « Google a également accepté que l’accord-cadre fasse référence à la transaction pour solder toutes demandes sur la mise en œuvre des droits voisins pour l’ensemble de la durée du contrat (y compris pour la période passée donc) »333. Si cette approche apparaît conforme au principe selon lequel la négociation devait couvrir la période de reprise des contenus depuis le 24 octobre 2019, elle témoigne également, a contrario, du fait que les contrats antérieurement négociés ne prenaient pas en compte la période d’utilisation à compter du 24 octobre 2019, ainsi que la Décision l’imposait.

Sur les justifications avancées par Google

371. Pour justifier la conformité du contrat de licence global PCN avec l’Injonction 1, Google soutient que sa proposition de mettre en place le programme Showcase constituait un moyen de maximiser les chances de parvenir à un accord, en proposant un champ de licence élargi avec une rémunération associée, sans pour autant exclure la possibilité de négocier des licences au champ plus étroit, assorties d’une offre plus basse. Au soutien de sa position, Google développe quatre arguments :

(i) la reprise, par une plateforme en ligne, d’une publication de presse dans son intégralité (ou dans une mesure allant au-delà de simples extraits) entre bien dans le champ d’application de la Loi : le contrat PCN vise bien à rémunérer les droits voisins334 ;

(ii) les offres de Google ont pour objet de rémunérer les utilisations actuelles (les extraits) ainsi que les nouvelles utilisations de contenus (proposées dans le cadre de Showcase) 335 ;

(iii) aucune disposition de la Décision, et en particulier l’Injonction 1, n’enjoint à Google d’émettre une offre qui identifie spécifiquement la rémunération proposée au titre de la seule utilisation actuelle des extraits des contenus protégés sur les services de Google336 ; et

(iv) Google n’a jamais, en pratique, exclu des négociations la possibilité d’un accord applicable aux seules utilisations actuelles d’extraits de contenus protégés337.

372. Ces arguments ne sauraient emporter la conviction, pour les raisons qui suivent.

373. À titre principal, il faut relever que la Loi donne la possibilité aux éditeurs et agences de presse d’accorder une autorisation de reproduction de leurs contenus protégés. Dans ces conditions, et même s’il ne peut être exclu qu’un service de communication au public en ligne propose de reprendre d’autres contenus que ceux initialement envisagés par l’éditeur ou l’agence de presse, une négociation de bonne foi aurait nécessité, de la part de Google, de discuter à tout le moins sur le périmètre demandé à plusieurs reprises par ceux-ci, soit celui relatif aux utilisations actuelles de contenus protégés, dont il est rappelé qu’il était le seul existant au moment de l’adoption de la Loi. La demande des éditeurs et de l’AFP de négocier sur ce périmètre apparaissait d’autant plus légitime que ce sont précisément ces utilisations qui ont justifié l’adoption de la Loi et de la Décision. En sollicitant une négociation portant sur les utilisations actuelles des droits voisins, les éditeurs et agences de presse se situaient donc dans un cadre conforme à celui de la Décision, qui leur permettait en outre d’analyser la pertinence et l’adéquation de la proposition de rémunération qui leur serait soumise. Il ne fait par ailleurs aucun doute que l’Injonction n° 1 visait prioritairement les contenus repris au titre des utilisations actuelles, dès lors que l’Injonction n° 1 faisait référence aux utilisations à compter de l’entrée en vigueur de la Loi, c’est-à-dire nécessairement aux utilisations qui existaient à cette date.

374. L’Autorité ne conteste pas que les contenus figurant dans le service Showcase puissent, également, être des contenus protégés par les droits voisins. En revanche, Google ne peut soutenir qu’elle ne se serait pas opposée à des négociations portant uniquement sur les utilisations qu’elle fait actuellement des contenus protégés. En effet, alors que les éditeurs et l’AFP ont manifesté à plusieurs reprises leur volonté de se concentrer sur les seules utilisations actuelles de contenus protégés, la première proposition formulée par Google sur une rémunération des utilisations actuelles date du 14 août 2020, soit quelques jours à peine avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’Injonction 4. Google peut d’autant moins plaider une incompréhension quant à la portée de l’Injonction que la difficulté en cause était identifiée dès avant l’intervention de la Décision de l’Autorité, comme l’avait d’ailleurs relevé la cour d’appel dans son arrêt du 8 octobre 2020 qui indiquait : « Google ne saurait sérieusement prétendre ne pas être opposé à toute négociation et avoir d’ailleurs accepté d’entrer en négociation, alors que les négociations dont il s’agit, ouvertes après la saisine de l’Autorité, ne portent pas sur l’affichage d’extrait d’articles de presse ou de photographies de presse mais sur la reprise de contenus intégraux d’articles de presse dans le cadre du développement d’autres services de Google »338. En outre, comme cela a été indiqué ci-dessus, les éléments versés au dossier démontrent que la première proposition de rémunération portant sur les utilisations actuelles de Google, faite tardivement, ne constitue pas, par ailleurs, une base crédible de discussion, compte tenu des catégories de contenus sur lesquelles Google indique s’être appuyée pour établir ladite proposition (voir les paragraphes 336 et suivants ci-dessus).

375. Enfin, le fait que le contrat-cadre de l’APIG prévoie la possibilité de nouer un accord sur la seule utilisation actuelle de contenus protégés est sans incidence, dès lors que cet accord est intervenu postérieurement à la période couverte par l’Injonction 4 et, qu’au surplus, la discussion en cause est renvoyée à un accord conclu de façon bilatérale.

376. Par ailleurs, l’accord-cadre conclu avec l’APIG ne permet, en tout état de cause, pas à un éditeur, qui souhaiterait participer au programme Showcase, d’obtenir une rémunération distincte pour l’affichage de ses contenus protégés sur les services existants de Google. Aux termes de cet accord-cadre, les éditeurs se retrouvent placés devant une alternative non satisfaisante au regard de l’Injonction 1, qui consiste :

• soit à accepter de participer au programme Showcase, en renonçant alors à obtenir une rémunération spécifique associée à l’utilisation actuelle de ses contenus protégés sur les services existants de Google ;

• soit à négocier une rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle de ses contenus protégés sur les services existants de Google, et renoncer de participer au programme Showcase et à la rémunération qui lui est associée.

377. Les justifications avancées par Google n’apparaissent dès lors pas fondées.

b) Sur le refus de Google de négocier avec les éditeurs de presse ne disposant pas d’une certification IPG

378. Les éléments du dossier montrent que Google, dans ses négociations avec les éditeurs de presse en application des Injonctions, a systématiquement exclu le principe d’une rémunération pour les contenus de presse issus de titres ne disposant pas d’une certification IPG. S’agissant des négociations avec le SEPM et l’APIG, la position de Google sur ce point a été détaillée aux paragraphes 255 et suivants ci-dessus.

379. Google soutient que la certification IPG exigée pour toute négociation sur les droits voisins constitue un critère transparent, objectif et non discriminatoire, pleinement conforme aux dispositions de l’article L. 218-4 du CPI relatives aux modalités de détermination de la rémunération due aux éditeurs et agences de presse. En effet, ce dernier vise, parmi les critères susceptibles d’être pris en compte, la contribution à l’information politique et générale.

380. Au soutien de sa position, Google invoque également le fait que la Décision ne lui imposerait pas l’obligation d’acheter « tout contenu » et qu’elle serait dès lors fondée à refuser de rémunérer les contenus des éditeurs ne disposant pas d’une telle certification IPG, et ce même si ces contenus non-IPG sont protégés par les droits voisins.

381. S’agissant des contenus non-IPG, Google considère qu’elle n’a pas intérêt à reprendre ces contenus s’ils sont payants et précise à cet égard qu’elle n’a pas refusé de négocier avec les éditeurs non-IPG, mais qu’elle leur a fait une proposition de rémunération nulle339.

382. Toutefois, s’il ressort sans ambiguïté que le mécanisme d’Injonctions laisse la possibilité à Google de ne pas acheter certains contenus, ou de négocier un prix nul dans le cas où les critères fixés par la Loi ne justifieraient pas le versement d’une rémunération, force est de constater que le comportement de Google s’agissant de la presse non-IPG instaure une discrimination injustifiée entre les éditeurs de presse non-IPG et les éditeurs de presse IPG pour les raisons suivantes.

383. Premièrement, si la Loi conduit à prendre en compte la contribution des publications de presse à l’information politique et générale, celle-ci ne fait nullement de la certification IPG une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier des droits qu’elle institue, qui comportent tant le droit d’autorisation que le droit à rémunération.

384. Ainsi, la Loi, en énumérant, de manière non limitative, certains facteurs pertinents qui doivent être pris en compte pour la fixation de la rémunération, prévoit explicitement que la contribution à l’IPG ne peut être le seul critère de rémunération retenu et ouvre bien la voie à un traitement individualisé des rémunérations, et non général et indifférencié comme le fait Google.

385. Le deuxième alinéa de l’article L. 218-4 du CPI prévoit en effet que « La fixation du montant de cette rémunération prend en compte des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse, la contribution des publications de presse à l'information politique et générale et l'importance de l'utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne. ». Sur ce point, la lecture des travaux parlementaires confirme sans ambigüité ce qui résulte clairement des termes de la Loi. La volonté du législateur d’inclure toutes les familles de presse – et pas seulement la presse relevant de l’information politique et générale – dans le mécanisme de rémunération a été exprimée à plusieurs reprises lors des débats, notamment par les rapporteurs du texte au Sénat et à l’Assemblée nationale. Ainsi, en deuxième lecture au Sénat, un premier amendement a été introduit par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication pour compléter les dispositions en cause de l’article L. 218-4 du CPI par l’adverbe « notamment » (réunion en commission du 19 juin 2019). Cet article a de nouveau été modifié, puis adopté, lors de la séance publique par le Sénat, en remplaçant cette formulation par les termes « tels que » et ce afin de relativiser le critère de « la contribution des publications de presse à l’information politique et générale » et d’inclure ainsi toutes les familles de presse dans le champ de la Loi, confirmant ainsi le caractère à la fois non cumulatif et non exhaustif des critères (examen en séance publique du 3 juillet 2019).

386. En définitive, il apparaît que le comportement de Google au cours de la période de négociations, mais également au cours de la période ultérieure, en ce qu’il visait à conditionner toute rémunération à la détention, par le titre, de la certification IPG a méconnu la Loi et la Décision. Cette attitude s’est traduit par une absence de prise en considération d’autres caractéristiques spécifiques aux différents éditeurs concernés comme, par exemple, les « investissements humains, matériels et financiers » ou encore « l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne » qui auraient pu conduire à la fixation de critères de rémunération pertinents pour la presse non IPG, conformément à la lettre de la Loi et à l’intention du législateur. Dans ce cadre, Google n’a, par ailleurs, tenu aucun compte de l’utilisation par les services qu’elle exploite des contenus protégés relevant de la presse non-IPG. En excluant de manière injustifiée l’ensemble des éditeurs de presse non-IPG des négociations Google n’a respecté ni la lettre, ni l’esprit de l’Injonction 1.

387. Deuxièmement, l’exclusion par Google des contenus non certifiés « IPG » conduit à traiter différemment des contenus équivalents : un même contenu (deux articles sur le même évènement sportif, par exemple), ne sera pas nécessairement rémunéré, selon qu’il est publié par un titre bénéficiant d’une certification IPG ou non.

388. À cet égard, plusieurs éditeurs de presse (le Groupe Amaury/L’Équipe -) se sont fait l’écho durant l’instruction de préoccupations soulevées par le comportement de Google340. Selon ces derniers, une telle exclusion pourrait être considérée comme une tentative, de la part d’un opérateur dominant, d’introduire un traitement différencié entre des éditeurs de presse concurrents, sur la base d’un critère discriminant ne reflétant pas la volonté du législateur. De même, pour l’APIG, une telle exclusion pourrait être considérée comme une tentative, de la part d’une association d’entreprises, de s’accorder sur un traitement différencié entre concurrents.

389. Il est à noter, en outre, que Google a opéré des restrictions y compris au sein de la catégorie des titres bénéficiant d’une certification IPG. En effet, pour Google, le fait de disposer d’une certification IPG pour le support papier est considéré comme insuffisant. Ainsi, le magazine [confidentiel], qui dispose d’une certification IPG pour sa version papier uniquement (et non pour sa version en ligne), s’est vu refuser le droit de négocier une rémunération au titre des droits voisins par Google341.

390. Il apparaît par ailleurs que le principe d’exclusion des contenus non-IPG des négociations portant sur les droits voisins a perduré lors des négociations bilatérales conduites par Google ultérieurement à l’expiration du délai prévu par les Injonctions, ainsi que l’indique le Groupe Amaury/L’Équipe s’agissant des négociations conduites par l’APIG342. Ce point est confirmé par le communiqué de presse publié par Google le 21 janvier 2021, qui précise que « Cet accord fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence avec les membres de l’Alliance dont les publications sont reconnues d’Information Politique et Générale »343.

391. Troisièmement, l’exclusion des titres non certifiés IPG ne peut pas être justifiée par une absence de valorisation de ces contenus, alors même que les revenus que Google en tire sont susceptibles, selon sa propre évaluation, d’être supérieurs à ceux générés par les contenus IPG.

392. Dans son courrier du 1er juillet 2020, Google fournit au SEPM une estimation des revenus associés à la présence sur Google Search de contenus protégés issus des titres certifiés IPG des membres du SEPM ainsi qu’une estimation des revenus associés à la présence de contenus protégés issus des titres non certifiés IPG du SEPM344. Or ces derniers sont, selon les calculs mêmes de Google, détaillés dans sa note adressée au SEPM le 4 août 2020, supérieurs aux premiers345.

c) Sur le refus de Google de négocier avec les agences de presse une rémunération au titre des droits voisins

393. Il ressort des éléments du dossier que, s’agissant des agences de presse, la position de Google au cours des négociations a consisté à leur refuser le bénéfice de droits voisins, lorsque leurs contenus sont intégrés à des titres qu’elles ne publient pas elle-même.

394. Selon Google, il ressort des termes de la Directive346 et de la Loi347 qu’une agence de presse est fondée uniquement à revendiquer le bénéfice des droits voisins pour les contenus qu’elle diffuse auprès du public, et non pour les contenus qu’elle produit pour être intégrés aux publications des éditeurs de presse. Google considère en effet que les contenus que les agences de presse produisent pour être publiés par des tiers ne constituent pas des publications de presse au sens du I de l’article L. 218-1 du CPI, qui les définit comme « une collection composée principalement d'œuvres littéraires de nature journalistique, qui peut également comprendre d'autres œuvres ou objets protégés, notamment des photographies ou des vidéogrammes, et qui constitue une unité au sein d'une publication périodique ou régulièrement actualisée portant un titre unique, dans le but de fournir au public des informations sur l'actualité ou d'autres sujets publiées, sur tout support, à l'initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle des éditeurs de presse ou d'une agence de presse ». Par conséquent, Google estime que ces contenus ne sont couverts que par des droits d’auteurs que ces agences monétisent via les contrats de licence qu’elles concluent avec les éditeurs.

395. Par ailleurs, Google considère qu’elle ne saurait payer deux fois pour le même contenu en versant un paiement à l’agence de presse pour un contenu et un paiement à l’éditeur pour ce contenu d’agence repris par un éditeur dans une publication de presse348. Google soutient en outre qu’elle ne dispose pas d’outils lui permettant d’identifier, au sein des publications de presse des éditeurs, les contenus licenciés à ces derniers par les agences de presse.

396. Cette prise de position de Google au cours des négociations avec les agences de presse a été détaillée aux paragraphes 261 et suivants ci-dessus. Elle a en outre été maintenue dans les négociations qu’elle a conduites avec l’AFP et la FFAP postérieurement à la période d’exécution des Injonctions349.

397. Pourtant, le refus de Google de reconnaître aux agences de presse le bénéfice d’un droit voisin apparaît directement contraire tant aux termes de la Loi – le titre même de la Loi ainsi que plusieurs de ses articles se référant expressément aux agences de presse – qu’aux objectifs fondamentaux poursuivis par le législateur.

398. Il est à cet égard utile de se référer au rapport remis au conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) le 13 février 2018 par Madame Laurence Franceschini, conseiller d’État, sur l’objet et le champ d’application du droit voisin des éditeurs de publication de presse avant l’adoption de la Loi. Le rapport indique à ce propos que : « l’extension [du droit voisin] aux agences de presse pour leurs productions propres est justifiée car elles sont confrontées aux mêmes difficultés que les publications de presse alors que, comme elles, elles ont dû beaucoup investir compte tenu des potentialités offertes par le numérique ». Dans ce rapport, l’auteur souligne que l’évolution des usages des plateformes en ligne menace la viabilité économique des agences de presse, puisque les plateformes mettent à disposition les contenus d’information publiés par les médias qui proviennent en grande partie des agences de presse (texte, photo, vidéo, infographies etc.), sans leur autorisation ni compensation financière à leur profit. La question clé réside aujourd’hui, selon l’auteur, à l’instar de ce qu’il en est pour les éditeurs de publications de presse, dans la possibilité pour les agences de presse, d’être rémunérées pour leurs services d’information utilisés par les plateformes en ligne.

399. En adoptant la Loi sur les droits voisins, le législateur a entendu accorder au producteur de contenus journalistiques un droit patrimonial, en vue de rémunérer ses investissements, et d’opérer un meilleur partage de valeur entre les producteurs de contenus de presse et les services de communication au public en ligne. Le législateur français s’est montré très explicite sur la nécessité d’inclure dans ce dispositif, les agences de presse, en relevant qu’elles contribuent activement au dynamisme du secteur de la presse. À titre d’illustration, l’AFP indique produire quotidiennement, à elle seule, environ 5 000 dépêches et 3 000 photographies, à destination des éditeurs de presse et mettre en œuvre des moyens considérables pour assurer une information à la fois complète et fiable (2 400 collaborateurs répartis dans 151 pays dans le monde)350.

400. La reconnaissance non équivoque du bénéfice du droit voisin aux agences de presse dans la Loi impose nécessairement de retenir une acception matérielle de la notion de publication de presse telle que définie au I de l’article L. 218-1 du CPI, comprise comme liée au contenu journalistique produit par une agence de presse ou par un éditeur de presse.

401. Adopter une position contraire reviendrait à priver de tout effet utile le dispositif prévu par le législateur vis-à-vis des agences de presse. La position de Google revient à dire que ces dernières sont titulaires d’un droit voisin uniquement lorsqu’elles ont la qualité d’éditeur de presse. Une telle interprétation de la Loi n’est pas soutenable, en ce qu’elle priverait de toute portée les nombreuses références faites par le législateur aux agences de presse dans les articles de la Loi, qui déclinent méthodiquement leur rôle dans la mise en œuvre du régime juridique des droits voisins.

402. L’interprétation de Google est également directement contraire aux travaux parlementaires qui ont présidé à l’adoption de la Loi et à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020 qui est venu confirmer la portée de la Loi.

403. Ainsi, les travaux parlementaires réalisés dans le cadre de l’élaboration de la Loi indiquent très clairement que son objectif est d’assurer une protection juridique et une rémunération aussi bien pour les éditeurs que pour les agences de presse. Ceci a notamment été souligné au paragraphe 78 de la Décision qui précise que « Le rapport précité [rapport n° 243 établi par le sénateur M. David Assouline] consacre des développements spécifiques relatifs aux agences de presse, qui sont les principaux pourvoyeurs en termes d’images et de vidéos des éditeurs de presse, en soulignant que « Les contenus produits par les agences et cédés sous licence aux éditeurs peuvent se retrouver en ligne sans aucune autorisation, dans le cadre d’une utilisation non prévue et donc non rémunérée. Cela est particulièrement vrai pour les images, qui peuvent être stockées à l’infini dans des « banques d’images ». L’objectif poursuivi par la Loi concerne donc aussi bien la protection des contenus produits par les éditeurs de presse que ceux des agences de presse (extraits d’articles, photos, vidéos et infographie). » (soulignement ajouté) Ce rapport souligne également que « Il y a une urgence très réelle à agir sur le sujet : les éditeurs et les agences de presse perdent chaque jour des moyens et, chaque jour, les grandes plateformes engrangent des bénéfices colossaux en utilisant les articles écrits par des journalistes et les photos produites par les agences » (voir le paragraphe 76 de la Décision). Il convient enfin de relever la référence constante au cours de ces débats aux éditeurs et agences de presse ainsi que l’avaient souligné les paragraphes 80 à 82 de la Décision.

404. L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020 a, pour sa part, souligné que « la loi de 2019 vise les « éditeurs et agences de presse » de sorte qu’il est vain de prétendre, comme le fait Google, que l’AFP ne peut directement revendiquer des droits voisins, ce d’autant qu’une grande majorité des contenus de l’AFP reproduits par le moteur de recherche correspond à des images. » (soulignement ajouté, paragraphe 90). Cette mise au point est intervenue quelques jours seulement après que Google a indiqué à la FFAP ne pas exclure que « la Cour d’appel puisse aussi nous apporter son éclairage [sur le sujet] »351.

405. Dans ces conditions, la position de l’Autorité exprimée dans la Décision aurait dû conduire Google à ne pas refuser par principe, tout au long de la période de trois mois fixée par les Injonctions, toute discussion relative à la rémunération des contenus des agences de presse repris par des tiers, et ce sur la seule base de l’absence supposée de toute titularité de droits voisins de ces mêmes agences de presse. Cette position est d’autant moins acceptable que « l’éclairage » apporté par la cour d’appel de Paris n’a pas conduit Google à modifier par la suite son comportement envers les agences de presse, que ce soit après l’expiration du délai de trois mois s’agissant de la négociation avec l’AFP, qu’au cours de la période de négociation de trois mois, pour la FFAP.

406. L’argument de Google sur l’existence d’un risque de double paiement des contenus de presse au titre des droits voisins n’apparaît pas de nature à invalider ce constat.

407. D’une part, l’existence de plusieurs ayants droit sur un contenu de presse n’implique pas que ces derniers soient rémunérés pour la même chose, mais qu’une rémunération propre leur soit accordée au titre de leur contribution respective, même si toutes ces contributions sont rassemblées au sein d’une même œuvre journalistique352.

408. Le rapport du 13 février 2018 de Madame le Conseiller d’État, Laurence Franceschini,353 indiquait sur ce point, avant l’adoption de la Loi, qu’un droit voisin reconnu aux agences de presse aurait une légitimité à pouvoir s'exercer sur leurs contenus propres, et que la justification du droit voisin de l’agence de presse existe donc : lorsque les productions qu’elle développe à l’attention des organes de presse (contenus « B to B »), sont repris à l’identique par l’éditeur. C’est particulièrement vrai pour les photographies et les vidéographies produites par les agences de presse, et pour les dépêches AFP reprises intégralement au sein de publications de presse (qui comprennent usuellement la mention « dépêche AFP ») ; pour l’ensemble des productions qu’elle développe à l’attention des utilisateurs (contenus « B to C »).Ce rapport indique que, s’agissant des autres productions des agences (article rédigé à partir d’une dépêche d’agence, par exemple), c’est le seul éditeur de presse qui doit disposer du droit voisin sur le texte de l’article et que c’est au contrat passé par l’agence avec les publications de presse, dans l’hypothèse où un droit voisin sera bien alloué à ces dernières, de prendre en compte cette utilisation nouvelle de l’information.

409. Contrairement à ce que soutient Google, les éléments figurant au dossier montrent, par ailleurs, qu’il est possible d’identifier et d’individualiser, notamment s’agissant des images, les contenus journalistiques produits par une agence de presse qui sont intégrés au sein d’un article de presse publié par un éditeur tiers.

410. Le fonctionnement des services de moteurs de recherche en ligne de Google repose aussi sur l’analyse en continu, par les robots de Google, des pages internet dont elle a vocation à indexer tout ou partie du contenu. Ce procédé est connu en anglais sous le nom de « crawling » et apporte au moteur de recherche des informations particulièrement précises, car provenant de sources régulièrement actualisées et comportant du contenu élaboré. Pour pouvoir maximiser l’utilisation des données contenues sur les sites de presse, et nourrir ainsi les moteurs de recherche, Google incite les éditeurs de sites internet, à utiliser des « données structurées » correspondant à des formats de données qu’il privilégie354.

411. Or, il existe deux standards – les métadonnées IPTC355 et les balises schéma.org, utilisés par les propres services de Google, qui permettent d’identifier la source d’une image. Google conseille d’ailleurs l’utilisation de la première solution pour pouvoir afficher les informations de licence associée aux images dans les pages de résultat de recherche356.

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412. L’AFP a également indiqué que, d’une part, ses images étaient toujours fournies aux éditeurs de presse licenciés avec les métadonnées incluses et, d’autre part, que les contrats conclus avec les éditeurs interdisaient la suppression des métadonnées AFP.

413. La circonstance que certains sites de presse puissent héberger des photographies de l’AFP sans leurs métadonnées, à la supposer établie, n’est pas, par elle-même, de nature à justifier le comportement de Google vis-à-vis de l’AFP. Si Google avait expliqué les raisons du manque de fiabilité des métadonnées à l’AFP, ce qu’elle n’a pas fait, cette dernière aurait pu, le cas échéant, mettre en œuvre des solutions pour mieux faire respecter les engagements contractuels des éditeurs.

414. D’autre part, l’argument de Google, selon lequel la circonstance que les contenus produits par les agences de presse et cédés sous licence aux éditeurs de presse puissent se retrouver en ligne sans autorisation de l’agence relèverait d’une problématique contractuelle entre les agences et les éditeurs n’est pas recevable au cas d’espèce. En effet, d’une part, l’appréciation du respect de l’Injonction doit être réalisée au regard des termes de la Loi et de la Décision. D’autre part, et au surplus, l’AFP a expressément averti Google du caractère illégal de tout accord de licence conclu entre Google et des éditeurs qui reprendraient des contenus de l’AFP sans son autorisation préalable par un courriel du 2 novembre 2020 adressé par le président de l’AFP au président de Google France :

1. « Lors de notre discussion de vendredi dernier, tu m’as demandé de clarifier mon propos quant au caractère illégal des accords que Google conclurait avec les éditeurs de presse, s'ils devaient couvrir, sans leur autorisation, l'affichage des contenus des agences de presse intégrés aux articles des éditeurs.

Afin que les choses soient parfaitement claires pour tout le monde sur ce point. Je souhaite te rappeler que :

– Dans le cadre des contrats conclus entre l’AFP et ses clients éditeurs, l’AFP n'a jamais donné aux éditeurs le droit ou l’autorisation de faire reprendre (ou d’autoriser la reprise) des contenus AFP sur des supports électroniques (tels que les services de Google) autres que leurs propres sites internet.

– l’AFP dispose pleinement du droit voisin sur l’ensemble des contenus Journalistiques qu'elle produit (textes et images), et ce droit permet à l’AFP de revendiquer directement auprès de Google la rémunération qui lui est due au titre du droit voisin. Tout ceci a clairement été confirmé par la cour d’appel de Paris le 8 octobre.

Si comme tu nous l’indiques, les accords conclus entre Google et les éditeurs de presse prévoient de couvrir les contenus de l’AFP sans notre autorisation préalable, alors ces accords seront sur ce point illégaux, avec deux conséquences principales :

– Les éditeurs concluant ce type d'accord seront en risque car susceptibles d'engager leur responsabilité pour avoir consenti des droits ou autorisations dont ils ne disposent pas. De notre côté, nous continuerons à solliciter auprès de Google la rémunération qui nous est due au titre du droit voisin. En effet, ces contrats conclus sans notre accord alors qu'ils couvriraient pour partie la reprise de contenus produits par l'AFP, ne nous seraient pas opposables.

– Au-delà des éditeurs eux-mêmes, Google serait aussi directement responsable à l’égard des agences pour avoir conclu ces accords en connaissance de cause. Les droits et obligations des éditeurs vis-à-vis de I'AFP sont en effet connus de Google, ne serait-ce qu'au vu des échanges intervenus dans la procédure devant l'ADLC. Google pourrait alors voir sa responsabilité engagée en qualité de tiers complice de la violation des contrats conclus entre I’AFP et ses clients éditeurs, lesquels ne les autorisent pas à faire reprendre ou afficher les contenus de l’AFP sur les services de Google, sans son autorisation préalable.

L’APIG et le SEPM ont été très récemment alertés de façon formelle par la FFAP sur les risques inhérents à cette situation afin qu'ils veillent à ce que les droits qu'ils consentent et les garanties qu'ils donnent à Google ne conduisent pas à contourner les droits des agences »357.

415. Il faut relever que l’attitude de Google contestant à l’AFP toute possibilité de détention de droits voisins au titre des contenus intégrés dans les publications de presse d’éditeurs tiers s’est accompagnée d’un refus catégorique de négocier avec la Fédération Française des Agences de Presse, pour le même motif.

416. Les arguments juridiques avancés par Google concernant l’absence de titularité de droits des agences de presse sur les contenus repris dans des publications de presse tierces apparaissent incompatibles avec toute forme de négociation de bonne foi avec les agences de presse. Ils ne sont conformes ni à l’esprit, ni à la lettre de l’Injonction 1.

417. La conduite de Google postérieurement à la période de négociation de trois mois fixée par les Injonctions n’est pas de nature à remettre en cause ce constat.

d) Conclusion sur le respect de l’Injonction 1

418. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que Google n’a respecté ni la lettre, ni l’esprit de l’Injonction 1.

419. Les négociations intervenues postérieurement à la période de trois mois avec les saisissantes ou des éditeurs bilatéralement, ne sont pas de nature, par elles-mêmes, à faire obstacle au constat de l’inexécution de l’Injonction 1. En effet, comme expliqué aux paragraphes 309 et suivants, le respect des Injonctions doit s'apprécier précisément dans le cadre temporel de trois mois fixé par la Décision, dans la mesure où il conditionnait l'efficacité de l'action de l'Autorité et reflétait le souhait de célérité du législateur. Il peut être relevé, au surplus, que les constats conduisant à considérer que Google n’a pas négocié de bonne foi avec l’APIG, le SEPM et l’AFP pendant la durée de trois mois prévue par les injonctions sont également valables pour la période qui a suivi, le comportement de Google ayant perduré pendant celle-ci.

2. SUR LE RESPECT DE L’INJONCTION 2

420. L’Injonction 2 prévoit l'obligation pour les services de communication au public en ligne de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations prévues à l'article L. 218-4 du CPI. Aux termes du troisième alinéa de cet article « les services de communication au public en ligne sont tenus de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d’information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent article et de sa répartition ».

421. Comme le précise le paragraphe 305 de la Décision, la communication de ces informations devait garantir l'effet utile de l'Injonction 1, en permettant aux éditeurs et agences de presse entrant en négociation de disposer des éléments nécessaires « à une évaluation transparente de la rémunération due, et ce conformément aux dispositions de l’article L. 218-4, alinéa 3, du CPI. ».

422. La communication d’informations a fait l’objet de nombreux échanges entre Google et les saisissantes durant la période de négociation de trois mois fixée par les Injonctions. Google a transmis spontanément, et en réponse à des demandes des saisissantes, des informations relatives à son utilisation des contenus protégés et qui devaient éclairer ses propositions financières. Toutefois, ces communications ont été soit partielles, s’agissant du périmètre des services et des revenus de Google, soit tardives par rapport à l’échéance des négociations, soit non spécifiques aux contenus protégés de l’entité à laquelle la communication était adressée, soit insuffisantes pour permettre aux saisissantes de faire le lien entre l’utilisation par Google de contenus protégés, les revenus qu’elle en tire et sa ou ses propositions financières.

423. Premièrement, les seules données communiquées par Google à l’AFP, à l’APIG et au SEPM, pendant la plus grande partie de la période de négociations, se limitent au seul service Google Search, à l’exception des autres services de Google.

424. Or il ne fait aucun doute que les contenus protégés sont également affichés dans d’autres services de Google, et au moins dans Google Actualités et Discover. À cet égard, la Décision vise l’ensemble des services de Google reprenant les contenus protégés, et non le seul service Google Search.

425. Par ailleurs, Google ne saurait se prévaloir du fait qu’elle a communiqué in fine à l’AFP, à l’APIG et au SEPM des données concernant les utilisations des contenus de presse sur Google Actualités et Discover, dans la mesure où cette communication n’est intervenue que très tardivement, le 14 août 2020, soit 4 jours à peine avant l’expiration de la période de négociation avec l’AFP et l’APIG et 10 jours avant l’expiration du délai de négociation avec le SEPM. Cette communication tardive a donc maintenu l’AFP, l’APIG et le SEPM dans une situation d’asymétrie d’informations pendant l’essentiel de la période de négociation prévue par la Décision et a affecté par la suite le caractère équilibré de la négociation entre les parties.

426. L’argument de Google selon lequel les informations relatives à l’utilisation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse sur les services de Google seraient déjà accessibles pour chaque éditeur, et de manière très granulaire, dans l’outil Search Console n’est pas, à cet égard, recevable.

427. D’une part, Google se devait de fournir ces informations dans le cadre de la mise en œuvre des Injonctions et aurait dû à cet égard y procéder avec d’autant plus de célérité si elles étaient facilement disponibles, et non attendre le 14 août 2020 pour les communiquer aux parties. D’autre part, les données disponibles sur l’outil Search Console, si elles apportent des informations sur le trafic redirigé par Google depuis le moteur de recherche vers les sites d’éditeurs de presse, n’apportent pour autant pas d’information sur les revenus générés par Google grâce à la reprise et l’affichage de contenus protégés. L’impact sur les revenus de Google ne peut en effet être déterminé qu’en réconciliant ces données de trafic avec différentes données de recettes, notamment publicitaires, que Google n’a pas fourni dans leur intégralité (voir paragraphes 274 et suivants ci-dessous).

428. Deuxièmement, en dépit des demandes répétées de l’APIG et du SEPM, les seules données relatives aux revenus générés par Google grâce aux contenus protégés concernent uniquement les revenus publicitaires (Google Ads) des pages de Google Search sur lesquelles s’affichent des contenus protégés et ne reflètent donc pas l’ensemble des recettes « directes et indirectes » de Google telles que visées par l’article L. 218-4 du CPI.

429. Or, outre les revenus publicitaires directs que Google tire des annonces publicitaires s’affichant dans les pages de résultats, Google retire d’autres revenus publicitaires indirects en lien avec l’affichage des contenus protégés.

430. D’une part, l’affichage de contenus protégés génère un apport de trafic vers les sites des éditeurs de presse, qui profite de manière indirecte à Google, en raison des activités de Google en matière d’intermédiation dans la publicité en ligne. Lorsqu’ils agissent en tant que vendeurs d’espaces publicitaires, certains éditeurs peuvent choisir de conclure un contrat de régie publicitaire avec Google Ad Exchange. En vertu de ce contrat, Google commercialise certains espaces publicitaires des éditeurs de presse auprès des annonceurs. En contrepartie de ce service, Google perçoit une commission sur les ventes d’espaces réalisées pour le compte de l’éditeur concerné. Aucune information n’a été fournie par Google sur ces revenus indirects dans le cadre de ses échanges avec les éditeurs de presse.

431. D’autre part, et surtout, tant la Décision que l’arrêt de la cour d’appel de Paris ont également relevé que Google retirait des revenus indirects de la présence de contenus protégés sur ses services, notamment à travers l’attractivité conférée par ses contenus, qui permet de déclencher les visites de l’internaute dans l’écosystème de Google, de l’y maintenir plus longtemps ou de l’y attirer plus fréquemment. Comme l’avait relevé la Décision, l’effet d’attractivité des contenus de presse protégés joue tout d’abord dans le déclenchement de recherches qui apportent des revenus à Google (par exemple : l’internaute venu consulter un résultat d’actualité décide ensuite de faire une recherche commercialisable du type achat de biens, de voyages, de réservation d’hôtels, etc..). À cet égard, outre la monétisation via des annonces publicitaires générées par les internautes attirés par des contenus de presse ou restant plus longtemps dans l’écosystème de Google, cette dernière récoltera un bénéfice supplémentaire tiré des données générées par l’internaute. Ces données pourront à la fois être commercialisées ou servir aux prestations d’intermédiation publicitaire, mais aussi servir à améliorer la qualité de l’ensemble de ses autres services.

432. Au soutien de ses positions, Google a indiqué à l’APIG, dans un courrier du 14 juillet 2020, que les demandes de cette dernière étaient « sans rapport avec les négociations en cours » et que « Google a d’ores et déjà partagé avec l’APIG des données qui lui permettent d’évaluer sa proposition »358. Par ailleurs, dans son courrier du 23 juillet 2020 au SEPM, Google soutient avoir partagé « toutes les données pertinentes qui vous permettent d’évaluer [son] offre, à savoir les « recettes d’exploitations de toute nature, directes ou indirectes » ». Elle ajoute que les données communiquées ne concernent que Google Search, « car Google ne monétise actuellement ni Google Actualités ni Discover en France » et qu’en tout état de cause Google ne serait pas dans l’obligation de répondre à toute demande de communication de données comme le souhaiterait le SEPM359.

433. Toutefois, la circonstance que Google ne monétise pas les services Google Actualités ou Discover en France ne signifie pas que ces derniers ne génèrent pas de revenus indirects. Comme indiqué au paragraphe 42 supra, Google a fourni, en 2008, une estimation de la valeur de son service « Google Actualités »360 ce qui témoigne des revenus indirects qu’il génère en termes d’utilisation accrue de la plateforme Google, et ce alors même que ce service n’était pas financé par de la publicité.

434. Les explications apportées par Google pour justifier son refus de transmettre des données plus complètes sur les utilisations qu’elle fait des contenus protégés et des revenus qu’elle en retire, apparaissent donc irrecevables puisque les données communiquées ne permettaient pas à l’APIG, au SEPM et à l’AFP d’estimer l’ensemble des « recettes directes et indirectes » en lien avec l’utilisation des contenus protégés sur l’ensemble des services de Google.

435. Plus généralement, tant les termes de la Loi que la Décision et l’arrêt de la cour d’appel de Paris font ressortir l’enjeu essentiel lié aux revenus retirés indirectement par Google de l’utilisation de contenus protégés. À l’évidence, des négociations de bonne foi auraient nécessité, de la part de Google, de communiquer les informations sur ces revenus, qualitatives et/ou quantitatives, requises par les éditeurs et agences de presse nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération, conformément à l’Injonction 2.

436. Parmi les informations demandées par l’APIG et restées sans réponse durant les négociations on trouve notamment les informations suivantes :

– l’ensemble des revenus directs et indirects en euros dégagés grâce à l’activité des utilisateurs français dans l’écosystème de Google, en valeur absolue et rapporté à l’utilisateur ;

– le taux de marge de Google sur ses opérations publicitaires en France (Adex, Adsense...) ;

– les données complètes de « crawl » par Google des sites IPG des membres de l’APIG (volumétrie quotidienne, fréquence...) ;

– le détail exhaustif des services et outils Google (y compris internes ou de back-office) pour lesquels le contenu issu du « crawl » des sites IPG des membres de l’APIG est utilisé directement ou non ;

– le détail du mécanisme des utilisations faites par l’algorithme de Google des contenus d’actualité ;

– la part des résultats de recherche contenant au moins un contenu de presse IPG, pour les utilisateurs connectés à leur compte Google, pour les autres utilisateurs et pour l’ensemble des utilisateurs ;

– dans les résultats de recherche contenant au moins un contenu de presse IPG, la part faisant l’objet d’une monétisation directe par Google (présence d’un lien sponsorisé);

– la part des contenus de presse IPG dans les contenus poussés par Google Discover auprès de ses utilisateurs361

437. Dans sa lettre du 22 mai 2020, le SEPM demandait à Google de bien vouloir entrer en négociation de bonne foi pour aboutir à un accord sur une rémunération des droits voisins, dans un délai de trois mois. Le SEPM identifiait précisément les informations nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération. Il sollicitait ainsi la communication, sous dix jours, et pour chacun des sites Internet des membres du SEPM :

– « le nombre d’affichage de contenus éditoriaux sur chacun des services de Google (l’onglet « tous » de Google Search, l’onglet « actualités » de Google Search, Google News et Discover) et tous supports confondus (mobiles, tablettes, ordinateurs), pour chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre ;

– Le nombre de visites (mesuré en nombre de « clics ») de ces sites par les internautes à partir de chacun des services susvisés de Google, tous supports confondus (mobiles, tablettes, ordinateurs), pour chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre ;

– Les recettes de toute nature, directes ou indirectes, perçues par Google du fait de l’affichage des contenus éditoriaux des membres du SEPM pour (i) l’ensemble de l’année 2019 et (ii) chaque mois calendaire écoulé entre le 1er janvier 2019 et la réception de la présente lettre »362.

438. Par lettre du 29 juin 2020, le SEPM a réitéré ses demandes et les a complétées, en demandant à Google de transmettre également la part des pages de résultats (en français) sur Google Search, Google News et Discover qui affichent au moins un contenu de presse, ainsi que la part de ces pages affichant au moins un contenu de presse des éditeurs membres du SEPM363.

439. Entre le premier et le dernier jour du délai de négociation fixé par l'Autorité, l'AFP a réitéré par écrit à cinq reprises auprès de Google sa demande de communication des éléments d'informations prévus par la Loi364. Google n’a pas donné suite, estimant que l’AFP n’était pas titulaire des droits voisins sur les contenus qu’elle produit et qui sont intégrés dans des publications de presse d’éditeurs tiers.

440. Or, les différentes demandes ainsi formulées apparaissent comme pleinement pertinentes et conformes aux dispositions législatives dès lors qu’elles permettent d’apprécier les « recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes » visées par l’article L. 218-4 du CPI, et sont en lien avec « la contribution des publications de presse à l’information politique et générale » ou à « l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne » de même qu’elles correspondant aux deux hypothèses visées par le troisième alinéa de l’article L. 218-4 du CPI, en se référant aux « éléments d'information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d'information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent article et de sa répartition ». Il doit être précisé, à cet égard, que seule Google disposait de ces différentes informations, qui n’étaient pas accessibles aux éditeurs et agences de presse.

441. Il résulte de ce qui précède, d’une part, que les informations communiquées par Google ne reflétaient pas l’ensemble des revenus directs et indirects qu’elle retire de l’exploitation des contenus protégés et, d’autre part que Google a ignoré un certain nombre de demandes pertinentes qui lui ont été présentées et a ainsi privé les éditeurs et les agences de presse de toute capacité de négociation sur des bases autres que celles que Google a unilatéralement définies.

442. En effet, au cours de la majeure partie des négociations, les données communiquées par Google se sont limitées au seul service Google Search, malgré la présence de contenus protégés dans d’autres services Google (Google News et Discover, entre autres). Certaines données relatives aux utilisations de contenus sur Google News et Discover n’ont été communiquées aux saisissantes que le 14 août 2020, soit quelques jours avant la fin des périodes de négociations. En outre, les informations relatives aux revenus générés par Google grâce aux contenus protégés ont uniquement concerné les revenus publicitaires des pages Google Search sur lesquelles s’affichent du contenu protégé. Elles ne reflètent pas l’ensemble des revenus directs et indirects visé par l’article L. 218-4 du CPI.

443. À la date de la séance, Google n’avait toujours pas produit les éléments de réponse aux demandes d’informations de l’APIG, de la SEPM et de l’AFP.

444. Troisièmement, les différentes notes méthodologiques communiquées par Google aux éditeurs et agences de presse relatives aux revenus qu’elle tire de l’utilisation de contenus protégés ne permettent pas de faire le lien entre ses revenus et les propositions financières qu’elle a formulées (voir les paragraphes 278 à 301 ci-dessus). Ces données visent, notamment, les contenus protégés issus d’éditeurs certifiés IPG de manière générale et non spécifiquement ceux produits par les éditeurs faisant la demande. Elles n’ont été par ailleurs accompagnées d’aucune donnée source permettant de reproduire le calcul. Au demeurant, ce lien est d’autant plus inexistant que les informations communiquées par Google portent sur les utilisations actuelles des contenus protégés, alors que les propositions financières se sont systématiquement inscrites dans un périmètre plus large, intégrant Showcase. À cet égard, les calculs relatifs à la « limite supérieure maximale » que Google serait prête à verser pour la seule utilisation des contenus protégés ont été portés à la connaissance de l’APIG365, du SEPM366 et de l’AFP367 à seulement quelques jours de la fin du délai de négociation prévu par les Injonctions, et ne se traduisent pas par une proposition précise et spécifique adressée à chacune de ces entités. Ils ne participent donc pas à une évaluation transparente de la rémunération proposée par Google permettant une négociation équilibrée.

445. S’agissant plus particulièrement de l’APIG, aucun élément communiqué par Google ne permet non plus de comprendre comment le montant de l’offre a été calculé ni de reconstituer l’allocation des montants attribués individuellement aux éditeurs. Le simple fait que le projet de contrat transmis le 24 juillet 2020 fasse référence à des critères tels que l’audience des sites internet des éditeurs, les certifications détenues et la présence de contenus payants, apparaît en tout état de cause insuffisant, dès lors que ni la méthodologie précise de calcul, ni les données sous-jacentes n’ont été fournies par Google368.

446. Quatrièmement, et s’agissant plus particulièrement des agences de presse, Google a avancé plusieurs motifs pour justifier l’absence ou les retards dans la communication des informations demandées. Ainsi dans un courrier du 17 juin 2020 à l’AFP, Google expose les deux raisons suivantes369 :

447. D’une part, Google invoque le fait que l’article L. 218-2 du CPI lui imposerait de demander l’autorisation de l’AFP afin de réutiliser ses « publications de presse » en ligne. Or l’AFP n’aurait communiqué aucune liste précise de publications « susceptible de lui permettre d’identifier clairement ses publications de presse au sens des articles L. 218-1 et L. 218-2 CPI » et, partant, de partager les données pertinentes avec l’AFP.

448. Or, Google ne pouvait ignorer que l’AFP ne publie pas ses propres titres de presse, son activité consistant quasi exclusivement à fournir des contenus journalistiques qui ont vocation à être intégrés dans des publications de presse d’éditeurs de tiers. La demande d’informations adressée par Google apparaît ainsi comme un moyen détourné utilisé par Google pour refuser à l’AFP de lui fournir une rémunération au titre des droits voisins.

449. D’autre part, Google soutient qu’il lui est difficile d’identifier des données relatives à l’affichage de contenus AFP dans les publications de presse. Selon ses dires, « Google n’est pas actuellement en mesure d’identifier de manière fiable, parmi les contenus explorés sur les sites Web des éditeurs, quelle part de ces contenus proviendrait de l’AFP » et que « même si elle était en mesure de le faire, une telle information serait commercialement sensible, et Google devrait donc obtenir le consentement de chaque éditeur avant de pouvoir la partager ». Enfin, selon Google, « il n’est pas clair à ce stade de savoir si Google serait même autorisée à partager ces informations en vertu des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ».

450. Ces éventuelles difficultés n’étaient toutefois pas de nature à empêcher Google de fournir en temps utiles les informations permettant de justifier ses différentes propositions financières faites à l’AFP. Or, en ce qui concerne l’AFP, les informations communiquées par Google le 24 juillet 2020, soit plus de deux mois après la reprise des délais de négociation, sont parcellaires, et n’apparaissent pas de nature à permettre l’évaluation de la rémunération proposée par Google. En effet, les seules données relatives à l’AFP concernent l’utilisation des contenus issus du site afp.com, qui ne représentent qu’une partie extrêmement minoritaire des contenus de l’AFP faisant l’objet d’une publication et se limitent, par ailleurs, aux usages de contenus et aux revenus publicitaires du moteur de recherche sans refléter les autres utilisations faites par Google des contenus protégés (Google Actualités et Discover notamment). En outre, aucune donnée n’est communiquée par Google sur les publications des éditeurs de presse qui intègrent des contenus produits par l’AFP370.

451. Enfin, Google indique, dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 14 octobre 2020, être convenu du principe d’une rémunération forfaitaire avec l’AFP entre le 19 juin et le 8 juillet 2020, « Compte tenu de la difficulté d’établir et de justifier « des recettes d’exploitation de toute nature, directes ou indirectes, liées à l’affichage des contenus de l’AFP sur ses services » »371. Cette seule affirmation de Google paraît toutefois insuffisante pour justifier les retards et l’absence de communication d’informations à l’AFP relatives à ses contenus, dans la mesure où l’AFP a réitéré ses demandes de communication d’informations à au moins deux reprises après le 19 juin 2020, manifestant ainsi sa volonté d’obtenir des éléments quantitatifs permettant d’apprécier les propositions financières formulées par Google.

452. Cinquièmement, enfin, il peut être relevé que l’absence de transmission d’informations permettant d’éclairer la proposition de Google a manifestement perduré dans le cadre des négociations intervenues postérieurement à la période définie par les Injonctions.

453. S’agissant des discussions bilatérales entre Google et certains éditeurs, intervenues postérieurement à la période de négociation, l’Autorité constate que la rémunération due au titre des utilisations actuelles des contenus protégés n’a pas été davantage discutée ou explicitée par Google, y compris avec les quatre éditeurs de presse avec lesquels Google a conclu un accord. Aucun échange versé au dossier par ces éditeurs de presse et par Google ne permet d’identifier la part de la rémunération relevant de l’utilisation actuelle des contenus protégés. Au moins un éditeur de presse, à savoir Libération, a pourtant demandé à Google des clarifications sur ce point, mais s’est heurté à un refus formulé de la façon suivante372 (traduction libre) : « Ce à quoi cela fait référence [clause ajoutée par Libération prévoyant l’explication d’une formule dans une annexe] n’est pas clair... nous n’avons pas reçu d’annexe à revoir. La redevance parle d’elle-même, et nous n’avons pas besoin d’inclure des informations de contexte sur le calcul dans le Term Sheet ou dans la version longue d’un contrat. » [soulignement ajouté] 373.

454. Ce constat a été confirmé en audition avec les services d’instruction. Le Figaro indique ainsi que « Dans ce montant global, nous ignorons la part correspondant à Showcase et la part correspondant aux droits voisins. A priori dans les discussions avec l’Alliance, la part allouée au droit voisin était très faible. En tout état de cause, il s’agit d’une logique transactionnelle. »374. De même, l’Express déclare que « Google ne nous a pas communiqué de formules, ni de données à l’appui de sa proposition. Google nous a indiqué qu’il disposait d’une enveloppe globale pour les éditeurs dans le cadre de Publisher Curated News au niveau français. »375. Pour sa part, Libération indique que « Nous n’avons pas obtenu d’éléments sur la construction de cette rémunération, quoique nous les ayons demandés. Nous n’avons pas non plus d’idée de la valorisation qu’a faite Google pour l’utilisation de nos droits voisins. Il y a une formulation du contrat qui dit que c’est une licence globale qui comprend la rémunération des droits voisins. »376.

455. Aucun élément versé au dossier, tant par Google que par les éditeurs de presse concernés, ne permet d’identifier la part de la rémunération relative à la reprise de contenus protégés par Google depuis le 24 octobre 2019. Le Figaro déclare que « S’agissant de la rétroactivité, il y a une clause du contrat qui précise que la rémunération couvre l’utilisation des contenus depuis l’entrée en vigueur de la loi mais nous n’en avons pas discuté. Nous nous sommes concentrés sur un montant annuel. » 377. Comme on l’a vu, interrogée sur ce point, Google n’apporte aucun élément sur la manière dont cette période aurait été prise en compte dans les propositions formulées à l’APIG, le SEPM et l’AFP. Il en est de même pour les contrats conclus individuellement378.

456. De même, dans le cadre des négociations intervenues avec l’APIG postérieurement à la période de négociation fixée par les Injonctions, cette dernière souligne à plusieurs reprises qu’aucun élément ne lui a été transmis permettant d’apprécier la réalité du caractère transparent, objectif et non discriminatoires de la rémunération proposée par Google. Cette situation a perduré jusqu’en janvier 2021, puisque l’APIG indique dans un email interne ne pas avoir reçu de réponse de Google, et ce malgré trois relances sollicitant un « document plus précis que celui adressé début décembre sur les critères quantitatifs et qualitatifs justifiant les montants figurant en Annexe »379. Dans une note adressée à son conseil d’administration datée du 12 janvier 2021, l’APIG précise que : « Google a transmis un document décrivant la méthodologie appliquée pour allouer les rémunérations respectives à chaque éditeur. En l’état, ce document est trop imprécis pour répondre aux prescriptions de la loi et aurait donc vocation à être précisé »380.

457. Google fait valoir que les allégations selon lesquelles elle a fourni des informations incomplètes reposent sur une lecture extensive de l’Injonction 2 et de la Loi. Elle ajoute qu’en se contentant de renvoyer à la Loi, l’Autorité a laissé le soin à Google d’apprécier, dans des délais très courts, la façon de se conformer à l’article L. 218-4, alors que les dispositions de cet article sont très générales et ne précisent pas la nature et la portée des informations que les plateformes en ligne doivent adresser aux éditeurs et agences de presse.

458. Ces arguments ne sauraient prospérer. L’appréciation du non-respect de l’Injonction 2 découle de l’analyse des faits et pièces du dossier, qui démontrent que Google s’est livrée à une communication incomplète ou tardive d’informations qui a privé les éditeurs et agences de presse de la possibilité d’apprécier les différentes propositions de rémunération de Google. Google n’est pas fondée à soutenir à cet égard que ce grief se fonde sur une interprétation extensive ou difficile à anticiper de la Loi. Par ailleurs, Google ne saurait se prévaloir des « courts délais » laissés par la Décision pour s’exonérer de son obligation de communication d’informations aux éditeurs et agences de presse, alors que le délai fixé par les Injonctions était proportionné à l’urgence et, qu’en outre, cette obligation résulte, en son principe, directement d’un article de la Loi, adopté le 24 juillet 2019, dont il appartenait à Google d’anticiper la mise en œuvre dès sa promulgation. Il peut être relevé, enfin, que l’obligation de transmission en clause s’inscrit, de surcroît, dans le prolongement des débats ayant précédé l’adoption de la directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, qui ont permis aux acteurs économiques de commencer à anticiper l’entrée en vigueur de ces nouveaux droits.

459. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que Google n’a pas respecté l’Injonction 2 relative à la communication d’informations conformément à l’article L. 218-4 du CPI dans le cadre temporel fixé par les Injonctions. Ce non-respect s’est poursuivi dans le cadre des négociations intervenues ultérieurement.

3. APPRECIATION DU RESPECT PAR GOOGLE DES INJONCTIONS 5 ET 6

460. Ainsi qu’expliqué supra, l’Injonction 5 impose à Google le respect d’un principe de neutralité sur la façon dont sont indexés, classés et, plus généralement, présentés les contenus protégés sur ses services. La cour d’appel de Paris a complété et précisé cette Injonction en indiquant qu’elle ne fait pas obstacle au lancement par Google d’éventuels nouveaux services, dans les termes suivants :

« Concernant l'article 5, celui-ci « enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l'attente d'une décision au fond, de prendre les mesures nécessaires pour que l'existence et l'issue des négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision n'affectent ni l'indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services ».

Aux termes des motifs du paragraphe 309 de la décision attaquée, qui éclairent la portée de cette injonction, cette dernière est prescrite « [a]fin que les négociations entre les éditeurs ou agences de presse et Google puissent se dérouler de façon équilibrée » et d'éviter qu'ils « ne puissent subir des conséquences défavorables sur les conditions habituelles (...) du fait ou en liaison avec les négociations en cours ». Elle est donc limitée à la période de négociation mentionnée à l'article 4 de la décision attaquée.

Elle relève bien d'une mesure conservatoire, dès lors qu'elle est de nature à prévenir une situation économique déviante et ne peut être qualifiée de structurelle, dès lors qu'elle n'impose en elle-même aucun modèle commercial à Google et se borne à empêcher que les conditions techniques d'affichage, d'indexation, de classement ou de présentation des contenus protégés, que Google avait initialement appliquées avant l'émergence de leur litige, soient modifiées à seules fins d'influencer l'issue des négociations, en leur faisant subir des conséquences défavorables.

Sa formulation, qui est très générale, ne permet pas en revanche de circonscrire la mesure à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à l'urgence, dès lors qu'elle pourrait conduire à geler toutes innovations nécessaires aux performances du moteur de recherche au cours des négociations entreprises avec les différents partenaires concernés.

Il convient en conséquence, ainsi que le demande Google à titre subsidiaire, d'en réformer les termes, en la complétant ainsi : « Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sous réserve qu’elles n’entrainent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires de droits voisins concernés par les négociations prévues par l’article 1 de la présente décision ».

461. L’Injonction 6, pour sa part, enjoint à Google de respecter un principe de neutralité des négociations relatives aux droits voisins et de leur issue sur toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse, que ces derniers soient ou non parties aux négociations. L’Injonction 6 de la Décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris, notamment pour les motifs suivants (paragraphes 246 et 247) :

« Cette injonction relève bien d’une mesure conservatoire, dès lors qu’elle est de nature à prévenir une situation économique déviante, comme le relève à juste titre la décision attaquée aux paragraphes 310 et 311.

Si elle peut avoir pour effet d’empêcher Google de modifier son modèle commercial, force est de constater que les limitations ainsi apportées à sa liberté d’entreprendre et à sa liberté contractuelle ne sont pas disproportionnées compte tenu :

- de leur limitation à la durée des négociations ;

- de l’atteinte susceptible d’être portée aux droits voisins du droit d’auteur, droits de propriété intellectuelle, nouvellement consacrés par la directive européenne et la loi française au bénéfice des éditeurs de presse et des agences de presse afin de garantir la sauvegarde et le pluralisme de la presse ;

- de l’objet de la saisine de l’Autorité qui porte sur un possible abus d’exploitation de position dominante, mais également des ressources de Google, dont la situation ne sera pas compromise par les effets de l’injonction. »

462. Sur ce point, il peut être rappelé que l’Injonction 6 vise à éviter (paragraphe 311 de la Décision) que « Google vide de leurs effets les négociations sur les droits voisins en compensant sur d’autres activités les rémunérations versées aux éditeurs au titre des droits voisins. Il s’agit aussi d’éviter que Google ne se serve de sa position dominante sur le marché des services de recherche généraliste pour imposer, au cours des négociations avec les éditeurs et les agences de presse, le recours à certains de ses services. ».

463. L’Autorité examinera, en premier lieu, le respect par Google de l’Injonction 6, dans la mesure où celui-ci est susceptible d’emporter des conséquences sur l’appréciation du respect par Google de l’Injonction 5.

a) S’agissant du respect de l’Injonction 6

464. Pendant la quasi-totalité de la période de négociation, Google a lié les discussions relatives à une éventuelle rémunération pour l’utilisation actuelle de contenus protégés et celles relatives au nouveau programme Showcase. Ceci ressort notamment des constatations présentées aux paragraphes 242 et suivants ci-dessus.

465. En effet, au cours des négociations avec l’APIG, le SEPM et l’AFP, Google a conditionné l’accès au programme Showcase à l’acceptation par ces derniers d’une rémunération globale couvrant tant les utilisations actuelles de contenus protégés au titre des droits voisins que le service Showcase. Cette condition ressort notamment de la clause 3.3 du projet de contrat adressé par Google à l’APIG le 24 juillet 2020. Cette clause prévoit la reconnaissance par Google que la rémunération prévue par le contrat, conjointement au trafic apporté par Google aux éditeurs, suffit à couvrir l’ensemble des utilisations par Google des contenus protégés, en ce compris les utilisations au titre du programme Showcase et les utilisations actuelles381. De même, la clause 8.2 prévoit que toute évolution de la Loi tendant à remettre en cause la rémunération due au titre des droits voisins conduirait à la rupture du contrat382.

466. Or, l’accès au programme Showcase emporte des conséquences significatives pour les éditeurs et agences de presse, puisque ce programme a vocation à augmenter leur visibilité sur les services de Google. En conséquence, le mécanisme mis en place par Google est de nature à les inciter fortement à accepter les conditions relatives aux utilisations actuelles de leurs contenus protégés proposées par Google pour avoir accès au programme Showcase sous peine de perdre en visibilité.

467. Par ailleurs, en privant les éditeurs et agences de presse souhaitant accéder au programme Showcase de la possibilité de ne discuter que de la rémunération relative aux utilisations actuelles de contenus protégés, Google a privé ces derniers de la possibilité de s’assurer que l’utilisation actuelle de leurs contenus protégés était rémunérée conformément aux critères prévus par la Loi. Ce comportement a donc porté atteinte aux objectifs visés par la Loi.

468. Le mécanisme contractuel mis en place par Google a privé, en outre, les éditeurs de presse non-IPG, dont Google estime qu’elle n’a pas à rémunérer les utilisations actuelles de contenus protégés, de la possibilité d’accéder au programme Showcase. Cela les a privés d’une rémunération au titre des utilisations actuelles que fait Google de leurs contenus protégés (si tant est que Google propose une rémunération à ce titre, ce que ne permettent pas de vérifier les contrats proposés). Or, ce comportement relève précisément de la « situation économique déviante »383, que l’Injonction 6 cherchait à prévenir.

469. Google prétend que Showcase est un nouveau format d’affichage des contenus, qui consiste en une reprise totale ou partielle de certaines publications de presse, protégées par les droits voisins. Selon Google, la reproduction totale ou partielle de contenus dans le cadre de Showcase ne relève pas d’« autres relations économiques » au sens de l’Injonction 6, mais bien de négociations relatives aux droits voisins visées par l’Injonction 1, lesquelles ne seraient pas limitées aux seules utilisations « actuelles » de contenus protégés384.

470. Toutefois, le fait que les articles de presse figurant dans Showcase soient des contenus protégés par les droits voisins au sens de la Loi ne saurait justifier le comportement de Google. Il découle de la lettre et de l’esprit de l’Injonction 6 que Google devait s’abstenir de lier de façon impérative la négociation sur le nouveau service Showcase avec celle portant sur l’utilisation actuelle des droits voisins, périmètre dont il est rappelé qu’il était le seul existant au moment de l’adoption de la Loi.

471. En effet, contrairement à ce que soutient Google, Showcase ne se limite pas à un nouveau format d’affichage des contenus protégés, mais constitue un nouveau service offert aux utilisateurs, et a été mis en place postérieurement à l’adoption de la Décision. En outre, ce service repose sur de nouvelles obligations mises à la charge des éditeurs de presse, ces derniers devant à la fois fournir un travail éditorial spécifique de sélection des articles appelés à figurer sur Showcase, et consentir, par ailleurs, à mettre à disposition des internautes des contenus reprenant de larges extraits, voire l’intégralité d’articles de presse. Dans ses échanges avec les éditeurs Google précise d’ailleurs, pour présenter Showcase, avoir « développé spécifiquement un programme »385. La cour d’appel de Paris avait elle- même relevé, en des termes dépourvus d’ambigüité, le caractère spécifique de Showcase, en qualifiant le projet de reprise de contenus intégraux d’articles de presse « d’autre service de Google » au paragraphe 102 de l’arrêt du 8 octobre 2020.

472. Les discussions intervenues à la suite de l’expiration du délai de négociation, tant avec les éditeurs à titre individuel, qu’avec l’APIG et l’AFP, font également apparaître un lien établi par Google entre la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et la participation au programme Showcase. En effet, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les contrats conclus avec les éditeurs prévoient une rémunération globale couvrant tout à la fois les utilisations que fait Google de leurs contenus protégés et la participation au programme Showcase. En ce qui concerne le contrat avec l’APIG, ce lien ressort également de l’accord annoncé le 21 janvier 2021, au sujet duquel il est indiqué, dans une note au conseil d’administration de l’APIG, que les discussions avec Google visaient à « préciser les droits et obligations des éditeurs de l’Alliance dans le cadre de la « nouvelle expérience dans News et Discover (Google Showcase) que Google entend inclure dans l’accord »386. S’agissant de l’AFP, cela ressort enfin du projet de « LOI » (« Letter of Intent ») de Google du 17 décembre 2020387. En outre, cette possibilité n’est laissée que dans le cadre d’un éventuel accord individuel ultérieur, et n’est pas inscrit dans l’accord-cadre.

473. En conséquence, il convient de considérer que Google n’a pas pris « les mesures nécessaires pour que les négociations [...] n’affectent pas les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs de presse » et, pour cette seule raison, a violé l’Injonction 6. Ce comportement ne s’est pas limité à la période de négociation de trois mois prévue par les Injonctions mais s’est poursuivi au-delà de cette période, dans le cadre des négociations avec les saisissantes ou les négociations bilatérales intervenues avec certains éditeurs et agences de presse.

474. Google soutient que le fait de conclure à une violation de l’Injonction 6 aurait pour conséquence de remettre en cause l’accord-cadre avec l’APIG, alors même que l’APIG a convenu que ce contrat répondait de manière adéquate à ses demandes de rémunération relative aux droits voisins388.

475. La possibilité pour Google de proposer le nouveau service Showcase aux éditeurs et agences de presse n’est pas ici en question. Ce qui est reproché à Google est d’avoir empêché les éditeurs et agences qui souhaitaient participer au programme Showcase de négocier une rémunération distincte portant sur les utilisations actuelles des contenus protégés. Le service Showcase porte en effet non pas sur les utilisations actuelles des contenus protégés (affichage d’extraits d’articles de presse ou de photographies de presse), mais sur la reprise de contenus intégraux d’articles de presse dans le cadre du développement d’autres services de Google, comme il a été indiqué ci-dessus et comme la cour d’appel de Paris l’avait d’ailleurs relevé dans l’arrêt du 8 octobre 2020 (paragraphe 102).

476. Par ailleurs, la circonstance que l’APIG, comme d’autres éditeurs à titre individuel, ait signé un accord-cadre, postérieurement à la période pendant laquelle s’appliquaient les obligations de la Décision, ne saurait par elle-même faire obstacle au constat d’un non-respect des Injonctions. En effet, celui-ci doit être apprécié au regard des termes et de l’objet de la Décision. Dès lors que l’Autorité constate que la négociation n’a pas été menée de bonne foi dans le respect des Injonctions applicables, la circonstance que des accords aient été ultérieurement signés ne saurait démontrer par elle-même un tel respect. Il en est d’autant plus ainsi qu’en tout état de cause les éditeurs signataires se trouvaient dans une situation d’asymétrie dans cette négociation. Il sera relevé au demeurant que si la présente décision ne prive pas par elle-même d’effet les accords signés, elle constitue une circonstance pouvant justifier une demande de résiliation ou de modification du contrat de la part des éditeurs.

477. En outre, comme indiqué au paragraphe 314 ci-dessus, l’Autorité peut tenir compte des négociations menées par Google postérieurement au délai fixé par les Injonctions afin de déterminer si celles-ci ont été respectées ou au contraire méconnues.

478. L’Autorité relève, à cet égard, que Google a lié, dans le cadre de ses discussions avec l’APIG, l’accès au programme PCN à la souscription au service SwG.

479. En effet, les discussions intervenues notamment entre Google et l’APIG font apparaître un lien entre le bénéfice du contrat PCN et le recours au service SwG.

480. Aux termes de la clause 3.2.d du projet de contrat-cadre communiqué par Google à l’APIG le 21 octobre 2020, soit trois mois après la fin des négociations prévue par les Injonctions, Google se réserve le droit d’imposer aux éditeurs participant au programme Showcase l’utilisation d’API ou de produits Google, en faisant spécifiquement référence à SwG : « Publisher-Curated News – Chaque Editeur devra [...] accomplir les prérequis d’intégration nécessaires à l’implémentation de contenus d’Éditeur dans Publisher-Curated News (qui pourront inclure l’utilisation d’API ou de produits de Google qui sont sujets à des conditions de service, d’accords, ou à des pratiques qui sont généralement applicables à ces API ou à ces produits, y compris Subscribe with Google, si applicable. » (Traduction libre389 et soulignement ajouté)

481. En outre, le modèle de contrat PCN annexé au contrat-cadre de l’APIG ne distingue nullement la souscription du service SwG des autres stipulations contractuelles et, loin d’en faire une option ouverte à la décision de l’éditeur, fait de cette souscription une obligation.

482. Ainsi, la clause 2.k du modèle de contrat PCN, annexé à l’accord-cadre de l’APIG, qui a vocation à être signé par tous les éditeurs certifiés IPG390, prévoit l’obligation pour l’éditeur de mettre en place et de maintenir le service SwG pendant toute la durée du contrat PCN, dès lors que les contenus de ses publications de presse sont accessibles via un paywall (« verrou d’accès payant »).

483. [confidentiel]L’emploi du terme « must » dans ce modèle de contrat, établi par Google en anglais, indique que l’utilisation du service SwG n’est pas optionnelle, mais obligatoire pour les éditeurs utilisant un système de paywall. Le projet de contrat que Google propose à ces éditeurs établit un lien direct entre ces deux services, si ces derniers recourent à un système de paywall pour donner accès à leurs publications de presse en ligne. Il résulte de ce qui précède que Google a mis en place dans le modèle de contrat PCN annexé à l’accord-cadre de l’APIG, à tout le moins pour les éditeurs utilisant un paywall, un lien nécessaire entre la rémunération des droits voisins au titre du programme PCN et son service SwG. Il peut être relevé en outre que ce faisant, Google renforce les relations économiques avec les éditeurs et s’assure une rémunération de long terme assise sur les revenus des éditeurs. À cet égard, plusieurs acteurs de la presse ont pu exprimer des inquiétudes sur le lien opéré entre les droits voisins et la signature du partenariat SwG. Le Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne) a ainsi indiqué, s’agissant du service SwG que « ces accords renforcent encore le pouvoir d’intermédiaire de Google au sein de l’écosystème de la presse française. Encourager une telle situation de dépendance vis-à-vis d’un tel acteur pour la conquête et la rétention d’abonnés nous semble une erreur stratégique majeure »391. La SEPM a également dénoncé le lien établi entre le contrat PCN et le service SwG, en soulignant l’avantage direct qu’en retire Google, dans la mesure où pour chaque abonnement réalisé par l’intermédiaire de ce service, les éditeurs doivent reverser à Google une commission (comprise entre 5 % et 15 % du prix de l’abonnement)392. Le pourcentage est ensuite perçu par Google sur toutes les sommes versées par l’abonné pendant toute la durée de son abonnement.

484. Google fait valoir que le service Showcase n’était pas conditionné à la conclusion du partenariat SwG393, et que si elle avait interrompu les négociations relatives à SwG, il aurait pu lui être reproché d’avoir violé l’Injonction 6.

485. Or, s’il était loisible à Google de conduire des négociations et de conclure des accords relatifs à SwG indépendamment des négociations sur les droits voisins, elle devait mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer une séparation claire entre ces négociations éventuelles et les négociations couvertes par les Injonctions. Google a mené de telles négociations dans le cadre des discussions avec l’APIG, comme vu précédemment, mais également dans le cadre des discussions menées avec l’Express ou Libération. Ainsi : L’Express a indiqué que « Dans la négociation nous englobions dans la même discussion Publisher curated news et Subscribe with Google dans ses deux aspects (technique et marketing). On discutait dans la même temporalité d’un montant global sur l’ensemble de ces services. Nous avons réfléchi, dans le cadre d’un partenariat global, dans le contexte d’une année particulièrement difficile pour la presse. Il s’agissait pour L’Express d’être pragmatique afin de pouvoir disposer d’une ligne de revenus supplémentaires rapidement. [...]394 » ; les négociations entre Libération et Google relatives aux deux partenariats ont été menées, en pratique, conjointement. Il est tout à fait révélateur, à cet égard, qu’un unique Term Sheet commun aux deux partenariats ait ainsi été rédigé 395.

486. Au regard de ce qui précède, le comportement consistant à lier la conclusion d’autres partenariats à la négociation sur les droits voisins relève de la « situation économique déviante »396 que l’Injonction 6 cherchait à prévenir, et constitue donc une violation de cette Injonction.

b) S’agissant du respect de l’Injonction 5

487. Comme il a été exposé ci-dessus aux paragraphes 242 et suivants supra, Google a lié les négociations relatives à la rémunération au titre des utilisations actuelles par Google des contenus protégés à de nouveaux partenariats, comprenant les services Showcase et SwG.

488. Or, en réponse au questionnaire des services d’instruction du 26 novembre 2020, Google a indiqué que le service Showcase « vise à accroître la visibilité de leurs [éditeurs] publications sur les surfaces de Google [...] »397.

489. Cette déclaration fait écho aux attentes des éditeurs entendus par les services d’instruction. S’agissant des gains escomptés de Showcase, Le Figaro déclare ainsi que « Nous escomptons une meilleure exposition que dans Google News et donc du trafic complémentaire. Google ne nous a cependant transmis aucune information sur ce gain supplémentaire que l’on peut attendre, puisque Showcase n’existe pas. Nos retours des éditeurs américains sur Facebook News sont plutôt favorables. »398. Libération indique pour sa part que : « La finalité pour Libération était de trouver plus de lecteurs et de générer de l’audience. »399.

490. Google considère que l’Injonction 5 ne saurait conduire à priver l’ensemble des éditeurs de l’accès au service Showcase, sous prétexte que certains pourraient ne pas souhaiter y adhérer. Selon Google, la possibilité de participer à Showcase n’est pas de nature à « menacer l’existence ou l’issue des négociations » avec ces éditeurs (ce que l’Injonction 5 vise à prévenir)400. (paragraphe 288)

491. L’appréciation du respect par Google de l’Injonction 5 doit être réalisée à la lumière des autres circonstances de l’espèce, en particulier des manquements de Google aux autres Injonctions prononcées dans la Décision.

492. Si aucune circonstance n’interdit à Google de lancer un nouveau programme qui pourrait avoir pour objet ou pour effet d’améliorer la visibilité des éditeurs sur ses services, le fait pour Google d’avoir conditionné l’accès à ce nouveau programme à une rémunération globale, qui ne comprend aucun élément de détermination de la rémunération spécifique aux utilisations actuelles des contenus protégés et risque par ailleurs de dégrader, en cas de refus, la visibilité des éditeurs sur ces services, caractérise un manquement à l’Injonction 5.

493. La stratégie mise en place par Google incite en effet fortement les éditeurs à accepter les conditions contractuelles du service Showcase et à renoncer à une négociation portant spécifiquement sur les utilisations actuelles des contenus protégés, qui était l’objet des Injonctions, sous peine de voir leur exposition et leur rémunération dégradées par rapport à leurs concurrents qui auront accepté les termes proposés.

494. Google ne peut dès lors soutenir avoir pris les mesures nécessaires pour éviter que les négociations n’affectent la présentation des contenus protégés dans ses services, alors qu’elle a systématiquement lié et assimilé les discussions portant sur la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés avec la rémunération du service Showcase.

495. Par conséquent, en conditionnant la rémunération au titre des contenus protégés à l’adhésion à un nouveau service comprenant une rémunération globale, Google a violé l’Injonction 5.

4. SUR LA COMMUNICATION DE GOOGLE AVEC LE SERVICE JURIDIQUE DE L’AUTORITE

496. Google se prévaut, à plusieurs reprises, des échanges qu’elle a eu avec le service juridique de l’Autorité, pour établir sa bonne foi dans la conduite des négociations avec les éditeurs et les agences de presse, et de manière plus générale, la conformité de son comportement avec l’ensemble des Injonctions prononcées dans la Décision.

497. Google indique à cet égard qu’elle a adressé au service juridique de l’Autorité une note le 12 juin 2020, précisant le champ d’application des propositions qu’elle souhaitait adresser à l’APIG et au SEPM. Cette note expose notamment : (i) la structure de l’offre de rémunération globale établie par Google liant le programme Showcase et l’utilisation actuelle des contenus protégés, (ii) le choix de recourir à une méthode forfaitaire pour rémunérer l’affichage de contenus protégés dans Showcase et ses autres services, (iii) le choix d’exclure les contenus non-IPG et (iv) les doutes quant à l’obligation de rémunérer les agences de presse et les risques de double paiement qui y seraient associés.

498. Google indique qu’elle a fait preuve, à de nombreuses reprises, de transparence sur ces questions, à l’égard des services de l’Autorité. Elle cite à cet égard un courrier adressé à la Présidente et au service juridique le 16 août 2020, ainsi que les rapports mensuels communiqués à l’Autorité au titre de l’Injonction 7.

499. Mais il y a lieu de relever en premier lieu le caractère clair et dénué de toute ambiguïté de la Décision et des Injonctions qu’elle comporte.

500. Il importe, en deuxième lieu, par ailleurs de souligner que c’est à l’entreprise qui fait l’objet d’une décision d’injonction de l’Autorité, y compris dans le cadre de mesures conservatoires, de l’exécuter correctement, en déterminant sa portée au vu de l’ensemble de ses termes, et en tenant compte, le cas échéant, de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant statué sur celle-ci. L’entreprise ne saurait à ce titre se décharger de cette responsabilité, qui lui incombe en propre, en sollicitant l’avis de l’Autorité, fût-ce à titre informel, sur le comportement qu’elle doit adopter pour la correcte exécution de la Décision. Le cas échéant, l’attitude de l’entreprise qui a fait part de difficultés d’interprétation peut être prise en compte, au titre de circonstances atténuantes, mais elle ne saurait faire, par elle-même, échec à un constat d’inexécution. Au cas d’espèce, il sera en outre indiqué que Google dispose à l’évidence de moyens considérables, matériels et humains, pour mener à bien les analyses ou solliciter les conseils nécessaires à la correcte exécution de la Décision.

501. En troisième lieu, le respect de la bonne foi et de la transparence prévu par l’Injonction 1 requiert l’existence de négociations menées entre Google et les éditeurs et agences de presse, et ne saurait être apprécié au vu d’une offre définie unilatéralement par Google et qui serait présentée par ses soins au service juridique de l’Autorité sans discussion avec les éditeurs. Dès lors, le respect de la bonne foi des négociations ne peut s’apprécier qu’a posteriori, au regard du comportement de Google et des éditeurs/agences de presse lors de ces négociations, et non ex ante, sur la base d’une offre définie unilatéralement par Google et dont les principes et le périmètre n’ont pas encore été discutés puis négociés avec les éditeurs et agences de presse.

502. En quatrième lieu, Google ne saurait invoquer une quelconque prise de position du service juridique de l’Autorité sur la base de laquelle elle aurait pu fonder une confiance légitime. Le service juridique de l’Autorité n’a, en tout état de cause, jamais pris position sur les différents points qui lui ont été présentés par Google dans le cadre des échanges qu’elle a eus avec ce dernier. L’absence de formalisation de ces échanges atteste que le service juridique de l’Autorité n’avait ni l’intention, ni la faculté d’engager l’Autorité sur l’appréciation des négociations menées par Google avec les éditeurs et les agences de presse au regard des Injonctions.

503. Le fait que le service juridique de l’Autorité n’ait pas fait de commentaire sur le comportement de Google ne saurait, enfin, être interprété comme une quelconque forme de validation ou un blanc-seing donné aux agissements de Google.

504. En dernier lieu, et en tout état de cause, les éléments communiqués par Google au service juridique de l’Autorité n’étaient pas suffisamment exhaustifs pour lui permettre d’apprécier la conformité des offres de Google avec les Injonctions et ont, en outre, fortement évolué au fil du temps.

505. Il résulte de ce qui précède que Google ne saurait se prévaloir des échanges qu’elle a eu avec le service juridique de l’Autorité pour se prévaloir d’une bonne foi quelconque dans la mise en œuvre des Injonctions ou d’une atteinte au principe de protection de la confiance légitime.

5. CONCLUSION SUR LE RESPECT DES INJONCTIONS

506. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que Google n’a pas respecté, tant au regard de leur lettre que de leur objet, les Injonctions 1, 2, 5 et 6 dans le cadre temporel fixé par les Injonctions. Les négociations intervenues postérieurement au délai fixé par les Injonctions ne conduisent pas à revenir sur ce constat.

C. SUR LA DUREE DES PRATIQUES

507. Les manquements se sont manifesté pendant la période de négociation avec les différents éditeurs et se sont, à tout le moins pour certains d’entre eux, poursuivi au-delà de celle-ci.

508. S’agissant de l’Injonction 1, Google a méconnu ses prescriptions à compter de la date à partir de laquelle le délai de négociation prévu à l’Injonction 4 a commencé à courir à la suite des demandes d’entrée en négociation des trois saisissantes, soit le 18 mai 2020 pour l’APIG et l’AFP et le 22 mai 2020 pour le SEPM.

509. Ces manquements ont perduré pendant toute la période de négociations avec ces entités, période qui a expiré respectivement le 18 août 2020 pour l’AFP et l’APIG, et le 24 août 2020 s’agissant du SEPM.

510. Les manquements relatifs à l’Injonction 1 ont aussi concerné des négociations conduites avec d’autres éditeurs ou agences de presse, notamment le groupe TF1 et la FFAP, dont les périodes de négociation dans le cadre des Injonctions ont débuté respectivement les 4 et 25 juin 2020 et sont arrivées à échéance, sans accord, les 28 et 29 octobre 2020, respectivement.

511. Les manquements à l’Injonction 1 se sont donc manifestés sur une période continue allant a minima du 18 mai 2020 au 29 octobre 2020.

512. S’agissant des Injonctions 2, 5 et 6, Google a méconnu leurs prescriptions à compter de la date à partir de laquelle le délai de négociation prévu à l’Injonction 4 a commencé à courir à la suite des demandes d’entrée en négociation des trois saisissantes, soit le 18 mai 2020 pour l’APIG et l’AFP, et le 22 mai 2020 pour le SEPM.

513. Ces manquements ont perduré pendant toute la période de négociations avec ces entités, période qui a expiré respectivement le 18 août 2020 pour l’AFP et l’APIG, et le 24 août 2020 s’agissant du SEPM.

514. Les manquements aux Injonctions 2, 5 et 6 se sont donc manifestés sur une période continue allant a minima du 18 mai 2020 au 24 août 2020.

515. Par ailleurs, si seul le respect des Injonctions au cours de la période initiale de négociations de trois mois est apprécié au titre de la durée dans le cadre de la présente procédure, les négociations ultérieures menées par Google pourront être prises en compte dans l’appréciation de la gravité des pratiques.

516. En l’espèce, les différents manquements constatés pendant la période de trois mois visée par l’Injonction 4, ont perduré postérieurement dans le cadre des négociations conduites par Google avec certains éditeurs de presse et agences de presse. En effet, ces négociations, qu’elles aient abouties ou non à la conclusion d’un accord, d’une part ont matérialisé un retard d’exécution qualifiable en tant que tel de non-respect et, d’autre part, n’ont pas été menées par Google en conformité avec les conditions définies par le législateur, que les Injonctions entendaient garantir.

D. SUR L’IMPUTABILITE

517. Les Injonctions ayant été prises à l’encontre des sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, leur non-respect doit donc leur être imputé.

E. SUR LES SANCTIONS

518. L’article L. 464-3 du code de commerce dispose que « si les mesures, injonctions ou engagements prévus aux articles L. 464-1 et L. 464-2 ne sont pas respectés, l’Autorité peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l’article L. 464-2 ».

519. Si cette disposition fait seulement référence au maximum légal prévu en matière de sanctions pécuniaires par l’article L. 464-2 du code de commerce, sans imposer à l’Autorité de recourir aux critères de détermination des sanctions prévus par le même article en cas de pratique anticoncurrentielle, l’exigence d’individualisation et le principe de proportionnalité conduiront en l’espèce l’Autorité à déterminer la sanction en fonction de la gravité du comportement reproché à Google, d’une part, et de l’incidence que ce comportement a pu avoir sur la concurrence que les Injonctions visaient à préserver, d’autre part401.

1. SUR LA SANCTION PECUNIAIRE

a) Sur le maximum légal des sanctions

520. Conformément au I de l’article L. 464-2 du code de commerce, le maximum légal de la sanction s’élève, dans le cas d’une entreprise, « à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

521. Les comptes de Google France, Google Ireland Ltd et Google LLC sont consolidés au sein du groupe Alphabet402, auquel elles appartiennent. Le chiffre d’affaires consolidé le plus élevé de ce groupe sur la période visée par l’article susmentionné s’élève à 160 milliards d’euros403 au 31 décembre 2020404.

522. Il résulte de ce qui précède que le montant maximum de la sanction encourue par Google, compte tenu du plafond légal applicable, est de 16 milliards d’euros.

b) Sur la gravité du comportement en cause

523. Aux termes d’une jurisprudence constante de la cour d’appel de Paris, le non-respect d’une injonction constitue « en soi, une pratique d’une gravité exceptionnelle » 405

524. La gravité d’un tel manquement doit, en outre, être appréciée en fonction des caractéristiques des pratiques mises en œuvre et des circonstances concrètes propres à chaque cas d’espèce. À cette fin, l’Autorité tient compte de l’ampleur du manquement, de sa durée ou encore de la connaissance du caractère illicite des pratiques406. Il est également tenu compte dans l’appréciation de la gravité d’un non-respect d’injonctions, de l’atteinte à la concurrence ou du renforcement de sa position dominante. Ainsi, dans un arrêt du 11 janvier 2005407, la cour d’appel de Paris avait jugé : « que, s’agissant de la gravité des faits, le Conseil a exactement relevé, notamment, que le non-respect d’une injonction qui, en soi, constitue une pratique d’une gravité exceptionnelle, a permis à France Télécom de fermer à la concurrence le seul canal technique, constitué par l’option 3 qui restait ouvert, et de rester sur le marché en situation proche du monopole ».

525. En premier lieu, il convient de constater que le non-respect de l’Injonction 1 par Google résulte de plusieurs comportements cumulés, qui ont été établis ci-dessus, tout particulièrement :

– le fait d’entretenir de façon constante un lien entre les discussions portant sur la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et la conclusion du partenariat Showcase ;

– le refus de négocier une rémunération associée à l’utilisation actuelle des contenus protégés des agences de presse et des éditeurs non-IPG, alors même que cette interprétation est contraire à la Décision et méconnaît les dispositions de la Loi et qu’en outre, il résulte des pièces du dossier que Google utilise largement les contenus en cause et en tire profit, qu’il s’agisse de revenus directs ou indirects ;

– la conception excessivement restrictive de la notion de revenus tirés de l’affichage de contenus de presse : Google n’a retenu, au titre de cette assiette, que les seuls revenus publicitaires (Google Ads) des pages de Google Search sur lesquelles s’affichent des contenus protégés, et a exclu la prise en compte de toute autre forme de revenus indirects générés par la présence de contenus protégés sur Google Search, ou sur d’autres services comme Google Actualités ou encore Discover ;

– l’absence de prise en compte de manière rétroactive de l’utilisation des contenus protégés à compter de l’entrée en vigueur de la Loi.

526. Le comportement de Google ne saurait ainsi être considéré comme une erreur isolée procédant d’une mauvaise interprétation de la Décision, mais s’inscrit dans une démarche d’ensemble traduisant un non-respect systématique de l’Injonction 1. Plusieurs éléments du dossier tendent d’ailleurs à montrer que la méconnaissance de la Décision loin d’être ponctuelle ou advenue par inadvertance, paraît s’inscrire dans la continuation d’une opposition au principe même des droits voisins, exprimée par Google lors de la discussion de la Directive408, ayant pour objectif de minimiser au maximum la portée concrète. Il résulte notamment des pièces du dossier que le cadre de négociation mis en place par Google en France et présenté comme appliquant la Décision s’inscrivait dans une stratégie plus globale, mise en place au niveau mondial (voir paragraphe 242 ci-avant), et visant à cantonner autant que possible le versement d’une rémunération aux éditeurs et agences de presse. Dans ce contexte, le fait de centrer la négociation sur le service Showcase (également mis en avant dans d’autres pays n’étant pas soumis à des législations équivalentes à la Loi sur les droits voisins) traduit la réticence de Google à s’inscrire dans le système résultant de la Directive et de la Loi, fondé sur l’attribution de droits spécifiques aux éditeurs et agences de presse pour la reproduction des contenus de presse. Il doit également être relevé que Google a mis à profit les négociations sur les droits voisins pour obtenir la mise à disposition de nouveaux contenus par les éditeurs de presse, via Showcase, et le ralliement des éditeurs au service SwG, qui permet à Google de percevoir des revenus additionnels et pérennes sur les abonnements aux titres de presse.

527. La gravité du comportement décrit ci-dessus au paragraphe 525 est d’autant plus marquée que l’Injonction 1 constituait, à l’évidence, le cœur du dispositif prévu par la Décision, et visait à permettre de prévenir une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse, lequel joue un rôle primordial dans une société démocratique409. Par ailleurs, le non-respect de l’Injonction 1 intervient alors que l’Autorité avait souligné, par sa Décision et ses Injonctions, la nécessité pour Google d’être particulièrement attentive aux conditions de mise en œuvre de la Loi, et plus particulièrement à la mise en place d’un cadre de négociation de bonne foi. La Décision, ainsi que les décisions de suspension puis de reprise des délais d’exécution de celle-ci, avaient également insisté sur le caractère particulièrement urgent de la mise en œuvre de la Loi, tant pour les éditeurs et agences de presse concernés que pour l’application de ce nouveau dispositif à l’ensemble des acteurs du secteur, en ce compris les services de communication au public en ligne pouvant être assujetties aux droits voisins nouvellement créés.

528. En deuxième lieu, les manquements constatés sur les Injonctions 2, 5, et 6 renforcent la gravité du comportement de Google en réduisant fortement la portée de l’Injonction 1 et, plus largement, de l’ensemble des Injonctions.

529. L’absence de communication d’informations permettant de rendre transparentes les propositions de Google a en effet constitué un obstacle à la tenue de négociations de bonne foi, et ce d’autant que l’asymétrie d’informations est extrêmement forte entre Google et les éditeurs et agences de presse, s’agissant tant des données relatives à la consultation des pages et services de Google sur lesquels apparaissent des contenus protégés par la Loi, que des revenus, directs ou indirects, que Google tire de l’utilisation actuelle de contenus protégés.

530. De même, l’absence de mesures prises par Google pour assurer la neutralité des négociations sur l’indexation, le classement et la présentation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse dans ses services est de nature à placer ces derniers dans une situation contrainte qui fait obstacle à la réalisation de l’objectif de négociation de bonne foi visé par les Injonctions. Par ailleurs, l’établissement de liens entre la rémunération des droits voisins au titre des utilisations actuelles des contenus protégés et la participation à des nouveaux services de Google constitue un détournement de l’objectif des Injonctions au profit de Google, qui est susceptible d’accroître encore davantage sa position dominante sur le marché des services de recherche généraliste.

531. En troisième lieu, il doit être relevé que ce n'est que le 14 août 2020, soit quelques jours avant la fin de la période de négociation de trois mois avec les saisissantes, que Google a accepté d'aborder de manière distincte la question de la rémunération de l’utilisation actuelle des contenus protégés. En outre, comme expliqué supra, l’offre émise par Google, le 14 août 2020, ne constituait pas une proposition crédible permettant d’engager une négociation de bonne foi sur la rémunération des droits voisins.

532. Le comportement de Google, consistant à s’affranchir ainsi du calendrier et des délais prescrits par la Décision de l’Autorité, pour imposer son propre calendrier de négociation, est une circonstance en elle-même particulièrement grave. En effet, s’agissant de mesures prescrites en application d’une procédure d’urgence, le strict respect des délais fixés par une décision de mesures conservatoires est un élément essentiel de son effectivité et de sa crédibilité.

533. En quatrième lieu, les différents manquements constatés pendant la période de trois mois visée par l’Injonction 4 ont perduré postérieurement à cette période dans le cadre des négociations conduites par Google avec certains éditeurs et agences de presse. En effet, si Google et l’APIG ont annoncé un accord en janvier 2021, les éléments versés au dossier font apparaître que celui-ci n’a pas été négocié dans des conditions conformes aux Injonctions. Il en va de même des négociations menées bilatéralement avec certains éditeurs et agences de presse.

534. En cinquième lieu, les manquements constatés ont conduit à priver d’effet utile la Décision et à faire perdurer les atteintes identifiées en ce qui concerne l’effectivité de la Loi. Il s’agit dès lors d’un comportement mettant directement en échec l’action des pouvoirs publics.

535. En sixième lieu, ce comportement a été mis en œuvre par des entités disposant d’une taille et de ressources d’envergures. Le chiffre d’affaires consolidé de Google Ireland s’élève ainsi à [confidentiel] d’euros au 31 décembre 2019410. Google France, Google Ireland Ltd et Google LLC font en effet parties du groupe Alphabet dont le chiffre d’affaires consolidé s’élève à 161,857 milliards de dollars en 2019 (182,527 milliards de dollars en 2020), et dont l’essentiel (160,743 milliards de dollars en 2019, 181,694 milliards de dollars en 2020) provient des activités « Google » et plus particulièrement des revenus publicitaires générés par le moteur de recherche (98,115 milliards de dollars en 2019) 411.

536. Google conteste, pour sa part, la gravité des pratiques, en mettant en avant les efforts considérables qu’elle a réalisés pour tenter de maximiser les chances de parvenir à un accord et invite l’Autorité à prendre en compte la circonstance qu’elle a : (i) proposé des méthodes de valorisation alternatives pendant la période de trois mois, en commençant à négocier avant l’entrée en vigueur des Injonctions avec l’APIG et le SEPM, (ii) proposé de prolonger la période de négociation ; (iii) augmenté le montant de ses offres financières et (iv) engagé des discussions avec des éditeurs individuels n’ayant pas formulé de demande et avec l’APIG et l’AFP à l’issue de la période de trois mois.

537. Google indique, en outre, qu’elle n’avait pas la maîtrise du calendrier de négociation et que les Injonctions ne lui imposaient pas de conclure un accord dans le délai prévu par la Décision. Elle estime que le Rapport aurait dû prendre en compte également le comportement des éditeurs dans la conduite de ces discussions.

538. Ces arguments ne sauraient prospérer. En premier lieu, il ne résulte pas des pièces du dossier que les éditeurs et agences de presse auraient, par leur comportement, porté atteinte au bon déroulement des négociations ou qu’ils pourraient être jugés en tout ou partie responsables des manquements relevés à l’encontre de Google. Et, une fois la période des injonctions écoulée, il ne saurait être reproché à certains éditeurs ou agences de presse de n’avoir pas souhaité prolonger la négociation, alors d’ailleurs, qu’aucun changement sensible dans le cadre de négociation appliqué par Google n’avait été annoncé.

539. En second lieu, il n’est nullement reproché à Google de ne pas avoir conclu d’accord dans le délai fixé par les Injonctions, mais de ne pas avoir respecté les obligations tenant aux modalités de déroulement de cette négociation. Enfin, si Google a effectivement proposé des méthodes de valorisation qui ont quelque peu évolué, dans le mode de calcul ou le montant proposé, il demeure que les déterminants généraux de la négociation ne pouvaient, pour les raisons déjà exposées, être regardés comme conformes aux Injonctions, notamment s’agissant de l’obligation de bonne foi.

540. Par ailleurs, selon Google, il existe des incertitudes inhérentes au nouveau cadre imposé par la Loi, à laquelle les Injonctions renvoient, qui pose des questions inédites et complexes, que Google a dû aborder dans des délais extrêmement courts. Google souligne à cet égard qu’elle a sollicité en vain une prise de position du service juridique de l’Autorité sur plusieurs questions.

541. Google ne saurait toutefois se prévaloir des incertitudes quant à l’interprétation de la Loi, pour s’exonérer des manquements qui ont été constatés par la présente décision. En effet, il convient de souligner que si la Loi était effectivement récente, elle était claire. Les obligations définies dans la Décision répondaient, en outre, à l’exigence de clarté, de précision et de certitude, ce qui a d’ailleurs conduit la cour d’appel de Paris à en confirmer le bien-fondé. Par ailleurs, comme expliqué ci-dessus, Google ne saurait mettre en avant ses échanges avec le service juridique de l’Autorité pour s’exonérer ou limiter sa responsabilité quant au non-respect des Injonctions. Et le fait que certaines injonctions aient été partiellement respectées ne saurait faire échec à un constat d’inexécution de la Décision, dès lors que le respect de l’ensemble des injonctions doit être la règle.

542. Enfin, Google prétend, d’une part, que l’APIG considère que l’accord-cadre, signé le 12 février 2021, satisfait les demandes de ses membres et, d’autre part, que les autorités publiques l’ont accueilli favorablement. Elle cite à cet égard des propos attribués à la Présidente de l’Autorité par le media Mlex selon lesquels elle aurait déclaré que l’accord- cadre signé entre Google et l’APIG pourrait « servir de modèle » pour les négociations à venir en Europe et au-delà.

543. Il convient de relever à cet égard et en tout état de cause, que l’APIG ne semble pas pleinement satisfaite de l’accord-cadre qu’elle a signé en février 2021, comme le montre le paragraphe 16 de ses dernières observations déposées le 19 mars 2021 : « L’APIG considère toutefois que les faits constatés ci-dessus pour la période initiale de négociation ont perduré au-delà de cette dernière et ont partiellement vicié la négociation de l’accord-cadre, notamment l’absence de partage d’informations permettant une rémunération transparente et équilibrée ».

544. Il sera relevé, ensuite, que les réponses de la présidente de l’Autorité aux questions des journalistes ne sauraient constituer une quelconque prise de position officielle portant approbation, par l’Autorité, des termes de l’accord-cadre ou des conditions dans lesquelles celui-ci a été négocié. Si la présidente commente l’annonce d’un accord survenu après les négociations sur les droits voisins, elle précise que la conclusion de cet accord ne met pas fin à l’enquête de l’Autorité412. Dans des déclarations reprises par l’AFP, la présidente prend le soin de préciser par ailleurs que l’Autorité va « regarder dans le détail cet accord, dans le cadre des procédures qui étaient engagées, pour [s’] assurer que la portée de ce texte est bien conforme à la fois à la législation française et européenne, et à la décision prise l'an dernier par l'Autorité (dans laquelle celle-ci avait imposé à Google de négocier de bonne foi avec les éditeurs de presse) »413. Les propos distinguaient ainsi clairement la signature de l’accord du détail de ces stipulations, des conditions de la négociation, au regard des obligations résultant de la Décision. C’est l’instruction menée contradictoirement dans le cadre de la présente procédure, qui a permis à l’Autorité de se prononcer sur les conditions concrètes dans lesquelles les négociations ont été menées, et de conclure qu’elles n’avaient pas respecté les termes de la Décision.

545. Enfin, et en tout état de cause, la conclusion de l’accord-cadre avec l’APIG est intervenue le 12 février 2021, soit plus de 5 mois après l’expiration de la période de négociation et ne remplit pas les conditions posées par la Décision. Elle ne saurait atténuer la gravité du comportement de Google pendant la période de négociation de trois mois fixée par les Injonctions.

546. Dans ces conditions, il convient de considérer que les manquements constatés constituent une pratique d’une exceptionnelle gravité.

c) Sur l’incidence du comportement constaté sur la concurrence que les Injonctions visaient à préserver

547. Indépendamment de la gravité intrinsèque de l’infraction, il convient d’apprécier l’incidence que le comportement de Google a pu avoir sur la concurrence et sur les intérêts que les Injonctions 1, 2, 5 et 6 visaient à préserver.

548. En l’espèce, il peut être relevé que les manquements de Google n’ont pas permis au cadre de négociation mis en place par les Injonctions de jouer pleinement le rôle assigné par l’Autorité dans sa Décision. Le comportement de Google a dès lors porté atteinte à l’objectif poursuivi par la Décision, et découlant de la Loi, qui était de permettre aux éditeurs et agences de presse au sens de l’article L. 218-1 du CPI, s’ils le désirent, de négocier avec Google dans un cadre équilibré en vue de définir tant les modalités d’une reprise et d’un affichage de leurs contenus que les rémunérations pouvant y être associées. Cette atteinte apparaît d’autant plus importante dans son ampleur compte tenu de la position dominante que Google détient sur le marché des services de recherche généraliste, qui présente des aspects « extraordinaires » soulignés par l’Autorité dans la décision n° 19-D-26414, et de l’importance manifeste de l’usage de contenus protégés dans son moteur de recherche, comme l’a relevé l’Autorité (paragraphe 272 de la Décision).

549. Au-delà de l’effet de ce comportement sur les relations entre les éditeurs et agences de presse et Google, il convient de souligner, comme l’avait fait la Décision, que le comportement de Google est d’autant plus dommageable qu’il est de nature à dissuader les plateformes reprenant du contenu des éditeurs et agences de presse d’appliquer correctement la Loi, et à placer celles qui la respecteraient dans une position défavorable, y compris vis-à-vis de Google, puisqu’elles accepteraient de verser des sommes au titre des droits voisins, ce dont Google entend, en tout ou en partie, s’exonérer. Sur ce point, l’Autorité relève que la cour d’appel de Paris avait considéré (paragraphe 160 de l’arrêt du 8 octobre 2020) que (soulignement ajouté) : « Enfin, il résulte, en l’état de la procédure et comme l’a retenu la décision attaquée, que « Google Search » est la principale source de trafic redirigé vers les sites des éditeurs de presse et il n’est pas sérieusement contestable que la position adoptée par un groupe d’une telle puissance et notoriété peut avoir un effet incitatif sur les acteurs intervenant sur le même secteur, outre l’effet dissuasif qu’elle créé à l’égard des éditeurs et agences de presse concernant l’utilité de confier leurs droits à un organisme de gestion collective comme les y autorise l’article L. 218-3 du code de la propriété intellectuelle. »

550. En outre, dans la mesure où les propositions financières de Google ne permettaient pas d’identifier spécifiquement la rémunération relative aux utilisations actuelles des contenus protégés pour chacune des saisissantes, les manquements de Google ont privé les éditeurs et agences de presse d’éléments de négociation utiles permettant de valoriser au mieux leurs contenus et d’obtenir des niveaux de rémunération supérieurs.

551. Enfin, en incitant certains éditeurs à négocier individuellement après avoir fortement contribué à l’échec des discussions collectives, Google a placé à nouveau les éditeurs et agences de presse n’ayant pas encore conclu d’accord dans la situation décrite aux paragraphes 99 à 119 de la Décision, que celle-ci cherchait précisément à pallier. Cette situation est même renforcée par le lien réalisé par Google entre les discussions relatives aux droits voisins et celles portant sur les offres Showcase et SwG.

552. Il ressort de ce qui précède que l’incidence du comportement constaté sur la concurrence que les Injonctions visaient à préserver est particulièrement forte.

d) Sur le montant de l’amende

553. En fonction des éléments individuels et généraux tels qu’ils ont été exposés ci-dessus, il y a donc lieu de prononcer à l’égard de Google une sanction de 500 millions d’euros.

2. SUR LES ASTREINTES

554. Le II de l’article L. 464-2 du code de commerce permet à l’Autorité « d’infliger aux intéressés des astreintes dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen, par jour de retard à compter de la date qu’elle fixe, pour les contraindre : b) (...) à respecter les mesures prononcées en application de l’article L. 464-1 du code de commerce (...). Le chiffre d’affaires pris en compte est calculé sur la base des comptes de l’entreprise relatifs au dernier exercice clos à la date de la décision. L’astreinte est liquidée par l’Autorité de la concurrence qui en fixe le montant définitif ».

555. Dans le cadre de la Décision, l’Autorité a prononcé des mesures conservatoires après avoir constaté l’existence d’une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse, résultant du comportement de Google, qui, dans un contexte de crise majeure de ce secteur, prive les éditeurs et agences de presse d’une ressource vitale pour assurer la pérennité de leurs activités, et ce au moment crucial de l’entrée en vigueur de la Loi sur les droits voisins.

556. Il était précisé dans la Décision que les mesures conservatoires resteraient en vigueur jusqu’à la publication par l’Autorité de la décision au fond, laquelle n’est pas intervenue au jour de la publication de la présente décision.

557. L’Autorité rappelle que Google reste tenue au respect des Injonctions telles que validées par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 8 octobre 2020, en particulier à l’égard de tout éditeur ou agence de presse présentant une demande d’entrée en négociation au sens de l’Injonction 1. Le respect de ces Injonctions demeure soumis au contrôle de l’Autorité de la concurrence qui peut être à nouveau saisie par tout éditeur ou agence de presse, dans le cadre de l’article L. 464-3 du code de commerce, qui estimerait que Google ne s’est pas conformée à ces injonctions.

558. L’Autorité relève que les manquements constatés ci-dessus ont porté atteinte à l’effet utile des mesures conservatoires prononcées par l’Autorité dans le cadre de la décision n° 20-MC-01 qui visait, au premier chef, à permettre aux éditeurs et agence de presse de négocier avec Google une offre de rémunération objective, transparente et non- discriminatoire, conformément à l’article L. 218-4 du CPI au titre des droits voisins reconnus par la Loi.

559. En particulier, l’Autorité a constaté que, dans les négociations qu’elle a menées dans le cadre des Injonctions, Google a refusé de reconnaître une rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés sur les services de Google. Elle a également relevé que Google a refusé d’engager des négociations au titre des droits voisins avec les éditeurs qui ne disposent pas d’une certification IPG et les agences de presse, sur la base d’une interprétation restrictive de la Loi et de la Décision et ce y compris après l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020 dont les motifs apparaissent pourtant dépourvus d’ambiguïté.

560. Compte tenu de la méconnaissance des Injonctions constatée dans la présente décision, il y a lieu et en vue d’assurer la bonne exécution des mesures conservatoires prononcées dans la décision du 9 avril 2020 de : d’enjoindre à Google, au titre de l’exécution de l’Injonction 1, de proposer une offre de rémunération répondant aux prescriptions de la Loi et de la Décision au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés sur les services de Google aux saisissantes qui en feraient la demande. Google devra déférer à une telle demande dans un délai de deux mois à compter de la réception de toute demande de réouverture des négociations envoyée, le cas échéant, par les saisissantes, par lettre recommandée avec avis de réception, après la notification de la présente décision ; d’enjoindre à Google, au titre de l’exécution de l’Injonction 2, d’assortir cette offre des informations prévues à l’article L. 218-4 du code de propriété intellectuelle. Ces informations devront comprendre une estimation des revenus totaux qu’elle génère en France par l’affichage de contenus protégés sur ses services, en indiquant la part des revenus générés par l’éditeur ou l’agence de presse à l’origine de la demande d’offre de rémunération. Cette estimation devra détailler les postes de revenus suivants : (i) les revenus publicitaires que Google génère sur les pages de son moteur de recherche en ligne sur lesquels les contenus protégés apparaissent ; (ii) les revenus que Google perçoit en tant qu’intermédiaire de publicité en ligne, au titre des annonces ciblées générées sur les sites des éditeurs vers lesquels l’utilisateur du moteur de recherche est redirigé et pour lesquelles Google perçoit une commission ; et (iii) les revenus indirects perçus par Google résultant de l’attractivité apportée à ses services par l’affichage de contenus protégés, attractivité qui peut jouer tant dans le déclenchement d’une recherche que dans le temps passé par l’utilisateur sur le moteur de recherche et l’ensemble des services de Google et les données personnelles qui en dérivent.

561. Pour assurer l’exécution efficace des injonctions décrites aux paragraphes précédents, il est infligé une astreinte de 300.000 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes. Ainsi, cette astreinte sera appréciée séparément pour chaque processus de négociation qui serait rouvert par chacune des saisissantes, après la notification de la présente décision.

562. Enfin, Google devra justifier du respect de la présente décision, en communiquant à l’Autorité un exemplaire des offres de rémunération soumises aux saisissantes qui en feraient la demande dans le cadre des rapports mensuels de suivi transmis en application de l’Injonction 7 de la décision du 9 avril 2020.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que les sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France ont méconnu les première, deuxième, cinquième et sixième injonctions prononcées par l’Autorité dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse.

Article 2 : Il est infligé, au titre des manquements visés à l’article 1er, une sanction pécuniaire de 500 000 000 euros, solidairement aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France.

Article 3 : Il est ordonné aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France de se conformer en tout point aux injonctions décrites au paragraphe 561 de la présente décision, sous astreinte de 300 000 euros par jour de retard à l’expiration du délai deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes, après la notification de la présente décision.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement indicatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/adaptation-des-delais-et-procedures-de- lautorite-de-la-concurrence-pendant-la

3 Cotes 43-44, 20/0085 F.

4 Cotes 177-178, 20/0083 F ; cotes 48-49, 20/0085 F.

5 Cotes 5 924 à 5 962, 20/0083 F.

6 Cote 440, 20/0083 F.

7 https://www.acpm.fr/Actualites/Les-publications/Communiques-de-la-Diffusion/Diffusion-et-frequentation- de-la-Presse-OJD-2019-2020.

8 https://www.mindnews.fr/article/18513/les-abonnements-numeriques-en-tres-forte-progression-dans-le- contexte-de-crise-sanitaire/.

9 https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications2/Collections-de- synthese/Culture-chiffres-2007-2020/L-impact-de-la-crise-du-Covid-19-sur-les-secteurs-culturels.

10 https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-marseillaise-place-en-liquidation-judiciaire-1375655.

11 https://www.strategies.fr/actualites/medias/4046338W/la-presse-a-l-epreuve-du-deconfinement.html.

12 https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Annonce-du-plan-de-soutien-a-la-filiere- presse.

13 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000315388/2020-11-02/.

14 Voir décision n° 19-D-26 de l’Autorité du 19 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches, paragraphe 8.

15 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphes 105 et 106.

16 Cote 148, 20/0084 F.

17 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphe 108.

18 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphe 131.

19 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphe 161.

20 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphe 176.

21 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphes 222 et 223.

22 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphe 242.

23 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphe 246.

24 Cotes VC 6 704-6 706 et VNC 7 334-7 336, 20/0083 F.

25 Cotes VC 8 496-8 499 et VNC 9 409-9 413, 20/0083 F.

26 Cotes VC 483-487 et VNC 4 446-4 450 ; cotes VC 2 247-2 252 et VNC 5 037-5 041, 20/0083 F.

27 https://france.googleblog.com/2020/11/-droits-voisins.html.

28 Cotes VC 6 045 et VNC 6 051, 20/0083 F.

29 Cotes VC 7 833 et VNC 8 761, 20/0083 F.

30 Cotes VC 8 290 et VNC 9 200, 20/0083 F.

31 Cotes 64-65, 20/0085 F ; 585-586, 20/0083 F.

32 Cotes 67, 20/0085 F ; 588, 20/0083 F.

33 Cotes 81-82, 20/0085 F ; 594-595, 20/0083 F.

34 Cote 78, 20/0085 F.

35 « Google is working on neighboring rights, gathering data and elaborating a proposal of remuneration ».

36 « Identification of AFP’s content is more specific than editors’ contents which are tracked through editors’ domains ».

37 « Google could not yet discuss remuneration during the meeting, and no results or methodology have been exposed ».

38 « Specific contents, such as fact checking, advanced infographics, which could be monetized on Google using a dedicated « corner » for AFP, taking care of avoiding any conflict of interest with AFP’s clients… ».

39 Cotes 81-82, 20/0085 F ; 594-595, 20/0083 F : « Google said that it has elaborated global figures for remuneration of neighboring rights in Europe, France and also specifically for AFP. Google will be able to present them on Wednesday 10 June ».

40 Cotes 84-85, 20/0085 F ; 597, 20/0083 F : « The discussion during our meeting – and in particular your view of the scope of the neighboring rights – has raised a number of questions on our end that we need to go through internally […] As a result, we will need a bit more time to work through these issues and plan to send you a response in writing that we propose to discuss in a meeting as soon as possible next week ».

41 Cotes 84, 20/0085 F ; 688, 20/0083 F.

42 Cotes 87-89, 20/0085 F ; 690-692, 20/0083 F.

43 Cotes 87-89, 20/0085 F ; 690-692, 20/0083 F.

44 Cotes 89, 20/0085 F ; 692, 20/0083 F.

45 Cotes 91-93, 20/0085 F ; 694-696, 20/0083 F.

46 Cotes VC 619 et VNC 4 672, 20/0083 F.

47 Cote 12, 20/0085 F.

48 Cotes VC 95-97 et VNC 222-224, 20/0085 F ; VC 792-794 et VNC 4 807-4 809, 20/0083 F.

49 Cotes VC 720 et VNC 4 742, 20/0083 F.

50 Cotes VC 1 048 et VNC 5 033, 20/0083 F ; cotes 99, 20/0085 F ; 796, 20/0083 F.

51 Cotes 101-104, 20/0085 F ; 798-801, 20/0083 F.

52 Cotes VC 106-110 et VNC 226-230, 20/0085 F ; cotes VC 803-807 et VNC 4 811-4 815, 20/0083 F.

53 Cotes VC 478 et VNC 4 441, 20/0083 F.

54 Cotes VC 809 et VNC 4 817, 20/0083 F.

55 Cotes VC 811 et VNC 6 070, 20/0083 F.

56 Cotes VC 14 et VNC 205, 20/0085 F.

57 Cotes VC 478 et VNC 4 441, 20/0083 F.

58 Cotes VC 116-119 et VNC 233-236, 20/0085 F ; VC 815-818 et VNC 4 823-4 826, 20/0083 F.

59 Cotes 121, 20/0085 F ; 820, 20/0083 F.

60 Cotes VC 721 et VNC 4 744, 20/0083 F.

61 Cotes VC 479 et VNC 4 442, 20/0083 F.

62 Cote 123, 20/0085 F.

63 Cotes VC 479 et VNC 4 442, 20/0083 F.

64 Cotes VC 870 et VNC 4 884, 20/0083 F.

65 Cotes VC 870 et VNC 4 884, 20/0083 F.

66 Cotes 159, 20/0085 F ; 928, 20/0083 F.

67 Cotes 158, 20/0085 F ; 931 et 932, 20/0083 F.

68 Cotes VC 936-937 et VNC 6 092, 20/0083 F.

69 Cotes VC 871 et VNC 4 885 ; cotes VC 940 et VNC 4 933, 20/0083 F.

70 Google Actualités (accessible via le site www.news.google.com, ainsi qu’à travers des applications mobiles disponibles sur iOS et Android) est un service de Google distinct de Google Search, et dédié intégralement à l’actualité. Google Actualités présente sur sa page d’accueil des contenus d’actualité sélectionnés en fonction de la langue et de la région de l’utilisateur, sans que celui-ci ait à effectuer une requête préalable. L’utilisateur peut également accéder à différentes catégories – intitulées « À la Une », « Pour vous », « International », « Vos actualités locales », « Économie », etc., au sein desquelles les contenus sont regroupés par thématique. Enfin, ce service offre également la faculté à l’utilisateur d’effectuer des recherches sur l’actualité.

71 Google Discover est un service lié à Google Search, accessible sur téléphone mobile ou tablette, qui présente aux utilisateurs, sans qu’ils aient à effectuer une requête spécifique, des contenus sélectionnés en fonction de leurs interactions passées avec les produits Google, ou encore en fonction de thèmes qu'ils ont l’habitude de suivre. Les contenus affichés dans le cadre du service Discover peuvent porter notamment sur l’actualité.

72 Cotes VC 943-947 et VNC 4 936-4 940, 20/0083 F.

73 Cotes VC 953 et VNC 4 946 ; cotes 955- 958, 20/0083 F.

74 Cotes VC 478-479 et VNC 4 441-4 442, 20/0083 F.

75 Cotes VC 2 251 et VNC 5 040-5 041, 20/0083 F.

76 Cotes VC 5 596-5 615 et VNC 5 616-5 635, 20/0083 F.

77 Cotes VC 8 216 et VNC 9 133 ; cotes 8 294 et 9 205, 20/0083 F.

78 Cotes VC 5 595-5 615 et VNC 5 616-5 635, 20/0083 F.

79 Cotes 172-173 ; 551-552, 20/0083 F.

80 Cote 180, 20/0083 F.

81 Cotes 183-184 ; 554-555, 20/0083 F.

82 Cotes VC 11 et VNC 334, 20/0083 F.

83 Cotes 186-191, 20/0083 F

84 Cotes VC 11 et VNC 334, 20/0083 F.

85 Cotes 193-194 ; 564-565, 20/0083 F.

86 Cotes VC 198-201 et VNC 6 095, 358-360 ; cotes VC 567-570 et VNC 6 056, 4 648-4 650, 20/0083 F.

87 « Your approach drastically overstates the amount of Google revenue attributable to APIG members’ protected content and, moreover, ignores the significant value Google provides to the news industry in driving some […] clicks per year to IPG sites ».

88 « As you know, Google Search does not sell access to news publisher content and earns no “direct” revenue when users click on free links to news publishers ».

89 « Even these figures overstate the value of IPG content protected by the neighboring right, because they represent 100 % of the revenue derived from the search results page without even considering: the value of licensed content that can appear at the top of the results page like sports scores or election results; the value of the ads themselves; the value of Google’s ranking algorithms, serving infrastructure, and technology; and the value attributable to the protectable elements of the search result as distinct from the unprotected hyperlinks and very short extracts […] a more rigorous analysis of all the sources of value that contribute to that advertising figure would put the amount attributable to IPG’s protectable content at a half or a quarter of that figure, if not less ».

90 « In compliance with our obligation, we have proposed to APIG an offer of remuneration which covers our use of protected content. We also proposed that we find mutually agreeable ways to increase the value and use of the content ».

91 « This is not a circumvention of the French legal framework – to the contrary, it is a program we have developed specifically to support the news industry, license the neighboring rights created by Article L. 218-2 IPC, and follow objective and non discriminatory remuneration principles ».

92 Cotes VC 202 et VNC 6 097 ; cotes VC 571 et VNC 6 058, 20/0083 F.

93 Cotes 204-205 et VNC 363-364 ; cotes VC 623-624 et VNC 4 676-4 677 ; cotes VC 617 et VNC 4 670,

20/0083 F.

94 Le communiqué de presse de Google est disponible à l’adresse suivante : https://www.blog.google/outreach- initiatives/google-news-initiative/licensing-program-support-news-industry-/.

95 Cotes 207-210 ; 630, 20/0083 F.

96 Cotes VC 220-223 et VNC 374-377 ; cotes VC 639-641 et VNC 4 686-4 688, 20/0083 F.

97 Traduction libre.

98 Cotes VC 212-214 et VNC 366-368 ; cotes VC 632-634 et VNC 4 679-4 681, 20/0083 F.

99 Cotes 225-228 ; cotes 643-646, 20/0083 F.

100 Cotes VC 718 et VNC 4 741, 20/0083 F.

101 Cotes VC 230-233 et VNC 379-382 ; cotes VC 727-730 et VNC 4 749-4 752, 20/0083 F.

102 Cotes VC 235-241 et VNC 384-390 ; cotes VC 732-738 et VNC 4 754-4 760, 20/0083 F.

103 Cotes VC 243-258 et VNC 392-407 ; cotes VC 740-759 et VNC 4 762-4 781, 20/0083 F.

104 « Licenced Content Generally – In Individual Agreements, Publishers will grant to Google a non-exclusive, royalty-free, worldwide, sublicensable licence during the License Term to reproduce, distribute, publicly display, publicly perform and otherwise use: a) the Domain Content to create new discovery experiences in Google products and services. b) the PCN Content in connection with Publisher-Curated News ».

105 « Publisher-Curated news – Each Publisher will: a) select, curate and complete (by providing PCN Content) for a specified number of modules (the “Modules”) for Publisher-Curated News (he “Minimum Requirements”). Publishers who are ranked high by the independent online audience measurements bodies in terms of their monthly audience are listed in list A of Attachment 1 and will commit to curate and complete 5 or 7 Modules per day. Publishers who are ranked low by the independent online audience measurement bodies in terms of their monthly audience are listed in list B of Attachment 1 and will commit to curate and complete 2 Modules per day […] ».

106 « Licence scope – The Licenced Content scope will cover the use of content protected by Law n° 2019-775 of 24 July 2019 on Google Search, Google News, Discover, and other Google products and services. APIG agrees that the consideration contemplated under this Framework Agreement, together with the value Google creates by driving user traffic to APIG member publishers’ online properties through its products and services, constitutes sufficient remuneration for the online use during the term of this Framework Agreement by Google of any press publications of the APIG member publishers or part(s) thereof benefitting from the rights specified in any national law implementing Article 15 of the 2019 Copyright Directive […] ».

107 « Advocacy - During the term of this Framework Agreement, APIG will not directly or indirectly participate in either advocacy (e.g. by issuing public statements), legal claims or complaints relating to Google’s or its affiliates’ use of crawled content (including news snippets) […] ».

108 Cotes 260-261 ; cote 761, 20/0083 F.

109 Cotes 260-261 ; cote 761, 20/0083 F.

110 Cotes VC 719 et VNC 4 742, 20/0083 F.

111 Cote 280 ; cotes 879-880, 20/0083 F.

112 Cotes VC 271-275 et VNC 417, 6 101-6 104 ; cotes VC 763-766 et VNC 6 078-6 081, 20/0083 F.

113 Cotes 277-278 ; cotes 876-877, 20/0083 F.

114 Cotes VC 282-284 et VNC 426, 6 106-6 107 ; cotes VC 882-884 et VNC 4 893, 6 083-6 084, 20/0083 F.

115 Cotes VC 286-287 et VNC 430-431 ; cotes VC 887-888 et VNC 4 898-4 899, 20/0083 F.

116 Cotes VC 890-891 et VNC 6 074 et 4 902, 20/0083 F.

117 Cote 292 ; cote 893, 20/0083 F.

118 Cote 294 ; cote 895, 20/0083 F.

119 Cotes VC 2 246 et VNC 5 036, 20/0083 F.

120 Cotes VC 2 053-2 086 et VNC 2 110-2 143, 20/0083 F.

121 Cotes 2 001-2 002, 20/0083 F.

122 Cotes VC 3 541-3 559 et VNC 3 720-3 738, 20/0083 F.

123 Cotes VC 6 163-6 166 et VNC 6 294-6 297, 20/0083 F.

124 https://www.alliancepresse.fr/actualite/lalliance-et-google-france-signent-un-accord-relatif-a-lutilisation- des-publications-de-presse-en-ligne/.

125 Cotes VC 6 160-6 161 et VNC 6291-6 292, 20/0083 F.

126 Cotes VC 6 156-6 158 et VNC 6 287-6 289, 20/0083 F.

127 Cotes VC 8 289 et VNC 9 200, 20/0083 F.

128 Cotes VC 8 316-8 365 et VNC 9 227-9 277, 20/0083 F.

129 Cotes 43-44, 20/0084 F ; cotes 573-574, 20/0083 F.

130 Cotes 47-48, 20/0084 F ; cotes 577-578, 20/0083 F.

131 Cotes VC 6 326 et VNC 6 333, 20/0083 F.

132 Cotes 50-59, 20/0084 F ; cotes 653-662, 20/0083 F.

133 Cotes VC 6 326 et VNC 6 333, 20/0083 F.

134 Cotes VC 61-62 et VNC 210-211, 20/0084 F ; cotes 664-665 et VNC 4 690-4 691, 20/0083 F.

135 Cotes VC 680-686 et VNC 4 706, 4 707, 6 060, 4 709, 4 710, 6 062 et 4 712, 20/0083 F.

136 Cotes VC 685 et VNC 6 062, 20/0083 F.

137 Cote 85, 20/0084 F ; cote 768, 20/0083 F.

138 Cotes VC 717 et VNC 4 739, 20/0083 F.

139 Cotes 87-88, 20/0084 F ; cotes 770-771, 20/0083 F.

140 Cotes VC 90-93 et VNC 234-237, 20/0084 F ; cotes VC 773-776 et VNC 4 788-4 791, 20/0083 F.

141 Cotes VC 778-783 et VNC 4 793-4 798, 20/0083 F.

142 Cotes VC 717-718 et VNC 4 740, 20/0083 F.

143 Cotes VC 718 et VNC 4 740, 20/0083 F.

144 Cotes VC 785-789 et VNC 6 064-6 068, 20/0083 F.

145 Cotes VC 902-905 et VNC 4 908, 6 076, 4 910 et 4 911, 20/0083 F.

146 Cote 113, 20/0084 F.

147 Cotes VC 907, 908-911 et VNC 6 086, 4 914, 6 088, 6 089, 4 917, 20/0083 F.

148 Cotes VC 120-121 et VNC 262-263, 20/0084 F ; cotes VC 913-914 et VNC 4 919-4 920, 20/0083 F.

149 Cotes VC 916-919 et VNC 4 922-4 925, 20/0083 F.

150 Cotes VC 868 ; VNC 4 882, 20/0083 F.

151 Cotes 5 727-5 731, 20/0083 F.

152 La date de fin des négociations peut être fixée postérieurement au délai de trois mois suivant la demande d’entrée en négociations dans au moins deux cas d’espèce : (i) lorsque la demande d’entrée précède la levée de la suspension des délais relative à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 ; (ii) lorsque cette prorogation est décidée conjointement par les parties à la négociation.

153 Dans le délai de négociation prévu par les Injonctions ou le délai étendu dans les conditions visées dans la note de bas de page précédente.

154 Il apparaît aussi des éléments communiqués par Google que cette dernière n’a pas attendu la fin du délai initial de négociation avec l’APIG pour faire une proposition financière individuelle au Figaro le 29 juillet 2020 (cotes VC 484 et VNC 4 447, 20/0083 F).

155 Cotes VC 2 248 et VNC 5 038, 20/0083 F.

156 Cotes VC 483-484 et VNC 4 446-4 447, 20/0083 F.

157 Cotes VC 3 366 et VNC 3 531, 20/0083 F. 

158 Cotes VC 6 045 et VNC 6 051, 20/0083 F.

159 Cotes VC 7 833 et VNC 8 761, 20/0083 F. 

160 Cotes VC 8 290 et VNC 9 200, 20/0083 F.

161 Cotes 3 367, 2 173, 2 177, 20/0083 F.

162 Cotes VC 2 164 et VNC 2 426, 20/0083 F.

163 Cotes VC 2 184-2 197 et VNC 3 913-3 926, 20/0083 F.

164 Cote 3 367, 20/0083 F.

165 Cote 2 172, 20/0083 F.

166 Cote 2 176, 20/0083 F.

167 Cotes VC 2 164 et VNC 2 426, 20/0083 F.

168 Cotes VC 2 190 et VNC 3 919, 20/0083 F.

169 Cote 3 964, 20/0083 F.

170 Google explique sur son blog que « Subscribe with Google est une plateforme conçue pour aider les éditeurs à générer des transactions et à engager les abonnés existants sur Google et le web. Cette solution permet aux clients d’utiliser leur compte Google et leurs méthodes de paiement pour s’abonnement sur le web et également les utilisateurs à rester connectés, à conserver l’accès à leur contenu premium et à retrouver ce contenu sur les produits Google » (traduction libre). Disponible à l’adresse suivante : https://developers.google.com/news/subscribe.

171 Cotes 2 163 et 2 176-2 177, 20/0083 F.

172 Cotes VC 3 366 et VNC 3 531, 20/0083 F.

173 Cote 3 910, 20/0083 F.

174 Cote 2 173, 20/0083 F.

175 Cotes VC 3 966-3 967 et VNC 5 208-5 209, 20/0083 F.

176 Cotes VC 3 371 et VNC 3 536, 20/0083 F.

177 Cotes VC 2 168 et VNC 2 430, 20/0083 F.

178 Cotes VC 3 414 et VNC 3 417, 20/0083 F.

179 Cotes VC 8 496 et VNC 9 409, 20/0083 F.

180 Cote 78, 20/0085 F.

181 Cotes 64 et 65, 20/0085 F ; 585-586, 20/0083 F.

182 Cote 89, 20/0085 F ; cote 692, 20/0083 F.

183 Cotes VC 96-97 et VNC 223-224, 20/0085 F ; cotes VC 478 et VNC 4 441 ; cotes VC 793-794 et VNC 4 807-4 809, 20/0083 F.

184 Cotes VC 809 et 811 et VNC 4 817, 4 818 et 6 070, 20/0083 F.

185 Cotes VC 953 et VNC 4 946, 20/0083 F.

186 Cote 125, 20/0085 F ; cotes 956-957, 20/0083 F.

187 Cotes VC 479 et VNC 4 442 ; cotes VC 936-937 et VNC 6 092, 20/0083 F.

188 Cotes 139 et 140, 20/0085 F ; cotes VC 946-947 et VNC 4 939-4 940, 20/0083 F.

189 Cote 93, 20/0085 F ; cote 696, 20/0083 F.

190 Cote 102, 20/0085 F ; cote 799, 20/0083 F.

191 Cote 106, 20/0085 F ; cote 803, 20/0083 F.

192 Cote 106, 20/0085 F ; cote 803, 20/0083 F.

193 Cotes VC 107-109 et VNC 227-229 20/0085 F ; cotes VC 804-806 et VNC 4 812-4 814, 20/0083 F.

194 Cote 121, 20/0085 F ; cote 820, 20/0083 F.

195 Cote 125, 20/0085 F ; cote 956, 20/0083 F.

196 Cotes 186-191, 20/0083 F.

197 Cote 191, 20/0083 F.

198 Cotes VC 480 et VNC 4 443, 20/0083 F.

199 Cotes VC 200 et VNC 359 ; cotes VC 569 et VNC 4 649, 20/0083 F.

200 Cotes VC 204 et VNC 363 ; cotes VC 480 et VNC 4 443 ; cotes VC 623 et VNC 4 676, 20/0083 F.

201 Cotes VC 232 et VNC 381 ; cotes VC 729 et VNC 4 751, 20/0083 F.

202 Cotes VC 243-244 et VNC 392-393 ; cote 248 ; cotes VC 480 et VNC 4 443 ; cotes VC 740-742 et VNC 4 762-4 764 ; cote 748, 20/0083 F.

203 Cotes VC 248- 249 et VNC 397-398 ; cotes VC 480 et VNC 4 443 ; cotes VC 748-749 et VNC 4 770-4 771, 20/0083 F.

204 Article 5.1, cotes VC 249 et VNC 398 ; cotes VC 749 et VNC 4 771, 20/0083 F.

205 Article 3.3, cotes VC 249 et VNC 398 ; cotes VC 749 et VNC 4 771, 20/0083 F.

206 Cotes 250 et 750, 20/0083 F.

207 Cotes VC 282-284 et VNC 426, 6 106-6 107 ; cotes VC 480 et VNC 4 443 ; cotes VC 882-884 et VNC 4 893, 6 083-6 084, 20/0083 F.

208 Cotes 172-173 et 551-552, 20/0083 F.

209 « We understand the proposal of partnership you made during our meeting on Wednesday April 3 as an attempt to circumvent the French legal framework. In our understanding, your proposal aims at creating value thanks to new services proposed through Google News and Discover, that would be split between Google and publishers. We think this proposal does not answer in any way the requests we made in our May 6 letter, neither to the April 9 decision from the French competition authority, which ordered Google to share the current value generated by existing services, primarily Google search engine – not hypothetical value to be created by future services. »

210 Cotes 193 et 564, 20/0083 F.

211 Cotes 212 et 632, 20/0083 F.

212 Cotes VC 213 et VNC 367 ; cotes VC 633 et VNC 4 680, 20/0083 F.

213 Cotes 260 et 761, 20/0083 F.

214 Cotes VC 682 et VNC 6 060, 20/0083 F.

215 Cotes VC 683 et VNC 4 709, 20/0083 F.

216 Cotes VC 686 et VNC 4 712, 20/0083 F.

217 Cotes VC 90-91 et VNC 234-235, 20/0084 F ; cotes VC 773-774 et VNC 4 788-4 789, 20/0083 F.

218 Cotes VC 907, 908-910 et VNC 6 086, 6 088-6 089, 20/0083 F.

219 Cotes 43-44, 20/0084 F ; cotes 573-574, 20/0083 F.

220 Cote 85, 20/0084 F ; cote 768, 20/0083 F.

221 Cotes 87-88, 20/0084 F ; cotes 770-771, 20/0083 F.

222 Cotes VC 917 et VNC 4 923, 20/0083 F.

223 Cotes VC 683 et VNC 4 709, 20/0083 F.

224 Cotes VC 91 et VNC 235, 20/0084 F ; cotes VC 774 et VNC 4 789, 20/0083 F.

225 Cotes VC 109 et VNC 292, 20/0084 F ; cotes VC 903 et VNC 6 076, 20/0083 F.

226 Cotes VC 117 et VNC 296, 20/0084 F ; cotes VC 910 et VNC 6 089, 20/0083 F.

227 Cote 88, 20/0084 F ; cote 771, 20/0083 F.

228 Cotes VC 95-96 et VNC 239-240, 20/0084 F ; cotes 778 et VC 779 VNC 4 794, 20/0083 F.

229 Cotes VC 123 et VNC 265, 20/0084 F ; cotes VC 917 et VNC 4 923, 20/0083 F.

230 Cotes VC 779 et VNC 4 794, 20/0083 F.

231 Cotes VC 249 et VNC 398, 20/0083 F.

232 Cotes 5 590-5 591, 20/0083 F.

233 Cotes 88-89, 20/0085 F ; cotes 691-692, 20/0083 F.

234 Cotes 5 976, 969-970, 5 972-5 973, 975-976, 5 970-5 971 et 1 046, 20/0083 F.

235 Cotes VC 809-811 et VNC 4 817, 4 818 et 6 070, 20/0083 F.

236 Cote 946, 20/0083 F.

237 Voir par exemple cote 691 ; cotes VC 809 et VNC 4 817, 20/0083 F.

238 Cote 5 582, 20/0083 F.

239 Cote 5 582, 20/0083 F.

240 Cotes VC 95-97 et VNC 223-224 ; 20/0085 F ; cotes VC 116-119 et VNC 233-236, 20/0085 F ; cotes VC 792-794 et VNC 4 807-4 809, 20/0083 F ; cotes VC 815-818 et VNC 4 823-4 826, 20/0083 F.

241 Cotes VC 199 et VNC 358 ; cotes VC 568 et VNC 4 648, 20/0083 F.

242 Cotes VC 680-681 et VNC 4 706-4 707, 20/0083 F.

243 Cotes VC 272-275 et VNC 6 101-6 104 ; cotes VC 763-766 et VNC 6 078-6 081, 20/0083 F.

244 Cotes VC 785-789 et VNC 6 064-6 068, 20/0083 F.

245 Cotes VC 809-811 et VNC 4 817, 4 818 et 6 070, 20/0083 F.

246 Cotes VC 92 et VNC 236, 20/0084 F ; cotes VC 775 et VNC 4 790, 20/0083 F ; cotes VC 904 et VNC 4 910, 20/0083 F.

247 Cotes VC 120 et VNC 262, 20/0084 F ; cotes VC 913 et VNC 4 919, 20/0083 F ; cotes VC 286 et VNC 430, 20/0083 F ; cotes VC 887 et VNC 4 898, 20/0083 F.

248 Cotes VC 904 et VNC 4 910, 20/0083 F.

249 Cotes VC 283 et VNC 6 106 ; cotes VC 908-909 et VNC 6 088 ; cotes VC 936-937 et VNC 6 092, 20/0083 F.

250 Cotes 172-173 ; 551-552, 20/0083 F.

251 Cotes VC 633 et VNC 4 680, 20/0083 F.

252 Cotes 235 et 732, 20/0083 F.

253 Cotes 260 et 761, 20/0083 F.

254 Cotes 277 et 876, 20/0083 F.

255 Cotes VC 779 et VNC 4 794, 20/0083 F.

256 Cotes VC 781 et VNC 4 796, 20/0083 F.

257 Cotes VC 917 et VNC 4 923, 20/0083 F.

258 Cotes VC 917-918 et VNC 4 923-4 924, 20/0083 F.

259 Cotes VC 498 et VNC 4 461, 20/0083 F.

260 Cotes VC 498 et VNC 4 461, 20/0083 F.

261 Cote 499, 20/0083 F.

262 Cote 493, 20/0083 F.

263 Cote 585, 20/0083 F ; cote 64, 20/0085 F.

264 Cote 688, 20/0083 F ; cote 84, 20/0085 F.

265 Cotes 798-801, 20/0083 F ; cotes 101-104 20/0085 F.

266 Cote 943, 20/0083 F ; cote 137, 20/0085 F.

267 Cotes VC 496 et VNC 4 459 ; cotes VC 809-811 et VNC 4 817, 4 818 et 6 070, 20/0083 F.

268 Cotes VC 811 et VNC 6 070, 20/0083 F.

269 Cotes VC 871 et VNC 4 885 ; cotes VC 940 et VNC 4 933, 20/0083 F.

270 Cotes 172-173 et 551-552 ; cotes VC 494 et VNC 4 457, 20/0083 F.

271 Cotes 193-194 et 564-565, 20/0083 F.

272 Cotes 214 et 634, 20/0083 F.

273 Cotes 226 et 644 ; VC 235-237 et 384-386 ; VC 732-734 et VNC 4 754-4 756 ; 260 et 761 ; 277 ; 876-877 ; VC 890 et VNC 6 074, 20/0083 F.

274 Cotes VC 494 et VNC 4 457, 20/0083 F.

275 Cotes VC 199 et VNC 358 ; cotes VC 568 et VNC 4 648, 20/0083 F.

276 Cotes VC 11 et VNC 334, 20/0083 F.

277 Cotes VC 198-201 et VNC 6 095, 358-360 ; cotes VNC 567-570 et VNC 6 056, 4 648-4 650, 20/0083 F.

278 Cotes VC 202 et VNC 6 097 ; cotes VC 571 et VNC 6 058, 20/0083 F.

279 Cotes VC 272-275 et VNC 6 101-6 104 ; cotes VC 763-766 et VNC 6 078-6 081, 20/0083 F.

280 Cotes VC 286 et VNC 430 ; cotes VC 887-888 et VNC 4 898-4 899, 20/0083 F.

281 Cotes 573-574, 20/0083 F ; cotes 43-45, 20/0084 F.

282 Cotes VC 664-665 et VNC 4 690-4 691, 20/0083 F ; cotes VC 61-62 et VNC 210-211, 20/0084 F ; cotes 768, 20/0083 F ; cote 85, 20/0084 F ; cotes 770-771, 20/0083 F ; cotes 87-88, 20/0084 F ; cotes VC 778-783 et VNC 4 793-4 798, 20/0083 F ; cotes VC 916-919 et VNC 4 922-4 925, 20/0083 F.

283 Cotes VC 495 et VNC 4 458, 20/0083 F.

284 Cotes VC 680-686 et VNC 4 706, 4 707, 6 060, 4 709, 4 710, 6 062 et 4 712 20/0083 F.

285 Cotes VC 773-776 et VNC 4 788-4 791, 20/0083 F ; cotes VC 90-93 et VNC 234-237, 20/0084 F.

286 Cotes VC 785-789 et VNC 6 064-6 068, 20/0083 F.

287 Cotes VC 913-914 et VNC 4 919-4 920, 20/0083 F ; cotes VC 120 et VNC 262, 20/0084 F.

288 Décisions n° 20-D-07 relative au respect des engagements figurant dans la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-D-04 du 25 février 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne, paragraphe 94, n° 15-D-02 du 26 février 2015, relative au respect par le GIE « Les Indépendants», des engagements pris dans la décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-29 du 6 octobre 2006, paragraphe 99, et n° 10-D-21du 30 juin 2010 relative au respect par les sociétés Neopost France et Satas des engagements pris dans la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-49 du 25 juillet 2005, paragraphe 69.

289 Décision n° 20-D-07 relative au respect des engagements figurant dans la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-D-04 du 25 février 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne, paragraphe 96.

290 Arrêt de le la cour d’appel de Paris du 21 février 2006, SEMUP, RG n° 2005/14774.

291 Arrêt du 21 décembre 2012, Groupe Canal Plus e.a., n° 353856, paragraphe 29.

292 Arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2018, n° T 16-25.403.

293 Décision n° 04-D-47 du 12 octobre 2004 concernant l’exécution de la décision n° 03-D-12 du 3 mars 2003, paragraphe 13. Voir aussi, la décision n° 05-D-08 du 9 mars 2005 relative à l’exécution de la décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 concernant le secteur de la lunetterie, paragraphe 16 et n° 05-D-09 concernant l’exécution de la décision n° 03-D-07 du 9 mars 2003 dans le secteur de la signalisation routière, paragraphe 16.

294 Décision n° 05-D-09 du 14 mars 2005 concernant l’exécution de la décision n° 03-D-07 du 9 mars 2003 dans le secteur de la signalisation routière, paragraphes 17 et 22.

295 La certification IPG est délivrée par la Commission paritaire des publications et agences de presse (« CPPAP »), organisme indépendant composé à parité de représentants de l’administration de l’État et de professionnels de la presse. La délivrance de cette certification aux services de presse en ligne s’appuie sur les articles 1 et 2 du décret du 29 octobre 2009, ce dernier disposant : « Présentent un caractère d'information politique et générale les services de presse en ligne dont l'objet principal est d'apporter, de façon permanente et continue, des informations, des analyses et des commentaires sur l'actualité politique et générale locale, nationale ou internationale susceptibles d'éclairer le jugement des citoyens. Ces informations doivent présenter un intérêt dépassant significativement les préoccupations d'une catégorie de lecteurs. L'équipe rédactionnelle doit comporter au moins un journaliste professionnel, au sens de l'article L. 7111-3 du code du travail. » Davantage d’informations sont disponibles sur le site : http://www.cppap.fr/.

296 https://blog.google/outreach-initiatives/google-news-initiative/google-news-showcase.

297 Cote 748, 20/0083 F.

298 Cote 282, 20/0083 F.

299 https://blog.google/outreach-initiatives/google-news-initiative/google-news-showcase

300 Le communiqué de presse de Google sur le lancement du service Showcase est disponible à l’adresse suivante (en anglais) : https://blog.google/outreach-initiatives/google-news-initiative/google-news-showcase/.

301 « Individual Agreements, and the fees payable in Article 5, may vary if the Individual Agreement negotiated by a Publisher materially limits or changes Google's ability to offer a minimum level of product viability for Publisher-Curated News (acknowledging that any product requirements presented to a Publisher in an Individual Agreement will be the same for all similarly-situated Publishers). For the avoidance of doubt, this Framework Agreement does not obligate Google to enter in to an Individual Agreement, or pay fees, if an individual publisher and Google do not arrive at mutually-agreeable terms. »

302 Cotes 250 et 750, 20/0083 F.

303 Article 5.1 « Total Licence Fees » du projet du 24 juillet 2020 : « Google will pay an annual licence fee for a total amount of up to […] », soulignement ajouté. Cotes VC 249 et VNC 398 ; VC 749 et VNC 4 771, 20/0083 F.

304 Cote 282, 20/0083 F ; cote 908, 20/0083 F ; cotes VC 908-909 et VNC 6 088, 20/0083 F ; cotes VC 936- 937 et VNC 6 092, 20/0083 F.

305 Cotes VC 948-949 et VNC 4 941-4 942, 20/0083 F ; cotes VC 907, 908-910 et VNC 6 086, 6 088-6 089, 20/0083 F ; cotes VC 907, 908-910 et VNC 6 086, 6 088-6 089, 20/0083 F ; cotes VC 282-284 et VNC 426, 6 106-6 107, 20/0083 F.

306 Cote 2 155, 20/0083 F.

307 Cote 5 591, 20/0083 F.

308 Cotes VC 6 163-6 166 et VNC 6 294-6 297, 20/0083 F.

309 Cotes VC 6 156-6 158 et VNC 6 287-6 289, 20/0083 F.

310 Cotes VC 90-93 et VNC 234-237, 20/0084 F ; cotes VC 773-776 et VNC 4 788-4 791, 20/0083 F.

311 Cotes VC 90-91 et VNC 234-235, 20/0084 F ; cotes VC 773-774 et VNC 4 788-4 789, 20/0083 F.

312 Cotes VC 200 et VNC 359 ; cotes VC 569 et VNC 4 649, 20/0083 F.

313 Cotes VC 24 et VNC 347, 20/0083 F.

314 Google a annoncé investir un milliard de dollars dans des partenariats avec les éditeurs de presse pour créer et sélectionner des contenus de haute qualité, à travers son nouveau produit Google News Showcase qui sera composé de panneaux d’information qui apparaitront dans un premier temps dans Google News sur Android, puis sur iOS, ainsi qu’à l’avenir dans Google Discover et Search. Blog disponible à l’adresse suivante : https://blog.google/outreach-initiatives/google-news-initiative/google-news-showcase

315 Cotes VC 9 et VNC 332, 20/0083 F.

316 Cotes VC 2 178 et VNC 3 428, 20/0083 F.

317 Cote 2 155, 20/0083 F.

318 Cote 3 368, 20/0083 F.

319 Cote 2 173, 20/0083 F.

320 Cotes VC 2 166 et VNC 2 428, 20/0083 F.

321 https://abc.xyz/investor/static/pdf/2021Q1_alphabet_earnings_release.pdf?cache=0cd3d78.

322 Voir le paragraphe 18 de la note de Google, cote VC 528, 20/0083 F.

323 Arrêt du 8 octobre 2020, n° 20/08071, paragraphes 105 et 106.

324 Cote 148, 20/0084 F.

325 Cotes VC 6 743, VNC 7372 et 7 373, 20/0083 F.

326 Cotes 199 et 286, 20/0083 F.

327 Voir les paragraphes 18 et 19 de la note de Google, cote VC 528, 20/0083 F.

328 Cotes VC 490-492 et VNC 4 453-4 455, 20/0083 F.

329 Cotes VC 249 et VNC 398 ; cotes VC 749 et VNC 4 771, 20/0083 F.

330 Cotes VC 244-245 et VNC 393-394 ; cotes VC 742-744 et VNC 4 764-4 766, 20/0083 F.

331 Cote 3 369, 20/0083 F.

332 Cotes VC 3 966 et VNC 5 208, 20/0083 F.

333 Cotes VC 6 157 et VNC 6 288, 20/0083 F.

334 Observations de Google, paragraphes 70 à 73.

335 Observations de Google, paragraphes 74 à 76.

336 Observations de Google, paragraphes 77 à 78.

337 Observations de Google, paragraphes 79 à 80.

338 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, précité, paragraphe 102.

339 Observations de Google, paragraphes 118 à 121.

340 Cotes 5 590-5 591, TF1 - cotes 5 999- 6 000, le GESTE - cotes 2 153-2 154, le SEPM - cote 5 730, 20/0083 F.

341 Cote 7 204, 20/0083 F.

342 Cote 5 590, 20/0083 F.

343 https://france.googleblog.com/2021/01/APIG-Google.html.

344 Cotes VC 681 et VNC 4 707, 20/0083 F.

345 Cotes VC 787-789 et VNC 6 066-6 068, 20/0083 F.

346 L’alinéa 2 du considérant 55 de la Directive prévoit que : « Par la notion d'éditeur de publications de presse, il convient d'entendre les prestataires de services, tels que les éditeurs de presse ou les agences de presse, lorsqu'ils publient des publications de presse au sens de la présente directive ». Le paragraphe 1 de l’article 15 de la Directive dispose que : « Les États membres confèrent aux éditeurs de publications de presse établis dans un État membre les droits prévus à l'article 2 et à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/29/CE pour l'utilisation en ligne de leurs publications de presse par des fournisseurs de services de la société de l'information ».

347 L’article L. 218-2 du CPI dispose que : « L'autorisation de l'éditeur de presse ou de l'agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne ».

348 Dans le cadre des discussions qui se sont tenues entre l’AFP et Google, cette dernière estime que Google devrait également lui verser une rémunération pour ses contenus intégrés au sein d’une publication de presse d’un éditeur. Google considère que si un éditeur autorise Google à utiliser son contenu contenant lui-même du contenu appartenant à l’AFP, en violation de la licence qu’il a conclue avec cette dernière, alors il s’agit d’une problématique de nature contractuelle entre l’AFP et l’éditeur, dans laquelle Google ne peut interférer. Selon Google, il revient à l’AFP d’exiger des éditeurs qu’ils appliquent les termes de leurs contrats de licence et leur demander de ne pas autoriser Google à afficher le contenu de l’AFP, ou d’adapter le champ d’application de ses licences.

349 Cotes VC 5 596-5 615 et VNC 5 616-5 635, et cote 6 379, 20/0083 F.

350 Observations de l’AFP en réponse au Rapport, page 13.

351 Cote 5 971, 20/0083 F.

352 Tel est le cas par exemple des bases de données qui peuvent faire l’objet d’une protection au titre des droits d’auteurs (articles L. 111-1 et suivants du CPI), concernant notamment la conception et l’architecture de cette base de données, mais également d’une protection au titre des droits sui generis (article L. 341-1 du CPI) qui protègent cette même base de données contre son exploitation abusive. Cet article précise d’ailleurs à son deuxième alinéa : « Cette protection est indépendante et s'exerce sans préjudice de celles résultant du droit d'auteur ou d'un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs. »

353 Rapport présenté au CSPLA le 13 février 2018 par Madame Laurence Franceschini, conseiller d’État sur l’objet et le champ d’application du droit voisin des éditeurs de publication de presse.

354 https://developers.google.com/search/docs/guides/intro-structured-data?hl=fr.

355 International Press Telecommunications Council.

356 https://developers.google.com/search/docs/advanced/appearance/image-rights-metadata?hl=fr.

357 Cote 2 414, 20/0083 F.

358 Cotes VC 230-233 et VNC 379-382 ; cotes VC 727-730 et VNC 4 749-4 752, 20/0083 F.

359 Cotes VC 90-93 et VNC 234-237, 20/0084 F ; cotes VC 773-776 et VNC 4 788-4 791, 20/0083 F.

360 Cote 148, 20/0084 F.

361 Cotes VC 212-214 et VNC 366-368 ; cotes VC 632-634 et VNC 4 679 – 4 681, 20/0083 F.

362 Cotes VC 7 072 et 7 073 ; 7 610 et 7 611, 20/0083 F.

363 Cotes VC 7 070 et 7 071 ; VNC 7 608 et 7 609, 20/0083 F.

364 Le 17 avril 2020 dans le courrier de demande d'entrée en négociation adressé par l'AFP à Google (dossier n° 20/0085 F, cotes 64 et 65), puis aux dates suivantes : 11 juin 2020 (dossier n° 20/0085 F, cote 84), 13 juillet 2020 (dossier n° 20/0085 F, cotes 101 à 104), 30 juillet 2020 (dossier n° 20/0085 F, cote 121) et 14 août 2020 (dossier n° 20/0085 F, cotes 136 à 140).

365 Cotes VC 283 et VNC 6 106 ; VC 883-884 et VNC 6 083-6 084, 20/0083 F.

366 Cotes VC 117 et VNC 296, 20/0084 F ; VC 909-910 et VNC 6 088-6 089, 20/0083 F.

367 Cotes VC 936-937 et VNC 6 092, 20/0083 F.

368 Cotes VC 254-258 et VNC 403-407 ; cotes VC 755-759 et VNC 4 777-4 781, 20/0083 F.

369 Cotes 87-89, 20/0085 F ; 690-692, 20/0083 F.

370 Cotes VC 809-811 et VNC 4 817, 4 818 et 6 070, 20/0083 F.

371 Cotes VC 496 et VNC 4 459, 20/0083 F.

372 Cotes VC 2 589 et VNC 6 214, 20/0083 F.

373 « Unclear what this is referring to…we did not receive an Appendix to review. The fee speaks for itself, and we do not need to include background information on calculation in the term sheet or long form agreement. »

374 Cote 3 369, 20/0083 F.

375 Cotes VC 2 178 et VNC 3 428, 20/0083 F.

376 Cotes VC 2 166 et VNC 2 428, 20/0083 F.

377 Cote 3 369, 20/0083 F.

378 Cotes VC 3 966 et VNC 5 208, 20/0083 F.

379 Cotes VC 6 164 et VNC 6 295, 20/0083 F.

380 Cotes VC 6 157 et VNC 6 288, 20/0083 F.

381 Cotes VC 249 et VNC 398 ; cotes VC 749 et VNC 4 771, 20/0083 F.

382 Cotes 250 et 750, 20/0083 F.

383 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, paragraphe 246.

384 Observations de Google, paragraphes 265 et 266.

385 Voir cote 200 par exemple.

386 Cotes VC 6 156 et VNC 6 287, 20/0083 F.

387 Cotes VC 5 604-5 605 et VNC 5 623-5 624, 20/0083 F.

388 Observations de Google, paragraphe 272.

389 Cotes VC 1 083-1 084 et VNC 4 476-4 477, 20/0083 F.

390 Voir le projet de contrat PCN transmis à un éditeur de la SEPM (Cote VNC 7214, 20/0083 F) ou le modèle de contrat PCN annexé à l’accord conclu entre Google et l’APIG le 2 janvier 2021 (Cote 6846, 20/0083 F).

391 Communiqué du Spiil du 8 février 2021, disponible à l’adresse suivante : https://www.spiil.org/s/position/droits-voisins-le-spiil-d-nonce-des-accords-opaques-in-quitables-et- nuisibles-po-20Y2o0000004JclEAE. Voir aussi la note du SEPM datée du 24 décembre 2020 : cote 5 731, 20/0083 F.

392 Cote 7 549, 20/0083 F.

393 Cotes 6 799 et 6 800, 20/0083 F.

394 Cotes VC 2 178 et VNC 3 428, 20/0083 F.

395 Cotes 2 438, VC 2 439-2 441 et VNC 6 205-6 207 ; 3 132, VC 3 133-3 137 et VNC 6 228-6 232 ; VC 2 652-2 658 et VNC 6 218-6 224 ; 2 584, VC 2 585-2 590 et VNC 6 210-6 215, 20/0083 F.

396 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020, paragraphe 246.

397 Cote 3 964, 20/0083 F.

398 Cote 3 369, 20/0083 F.

399 Cotes VC 2 164 et VNC 2 426, 20/0083 F.

400 Cotes VC 6 769 – 6 770 et VNC 7 398 – 7 399, 20/0083 F.

401 Voir en ce sens la décision n° 12-D-05 du 24 janvier 2012 relative au respect par la société SRR de l’injonction prononcée par la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009, paragraphe 84. Voir également, en matière de non-respect d’engagements, la décision n° 20-D-03 du 20 février 2020 relative au respect des engagements pris par la Mutualité de La Réunion et rendus obligatoires par la décision n° 09-D-27 du 30 juillet 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la Mutualité de La Réunion et les mutuelles décès qui lui sont affiliées, paragraphe 114 et 115 et la décision n° 20-D-07 du 07 avril 2020 relative au respect des engagements figurant dans la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-D-04 du 25 février 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne, paragraphes 140 et 141 et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2016, n° 2015/06776, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2018, GIE Les Indépendants, pourvoi n° 16-25.403.

402 Cotes VC 3 968 et VNC 5 210, 20/0083 F.

403 182,527 milliards de dollars US, converti en euro au taux de change moyen 2020 de la BCE, à savoir 0,8768 EUR pour 1 USD : https://www.ecb.europa.eu/stats/policy_and_exchange_rates/euro_reference_exchange_rates/html/eurofxref- graph-usd.en.html.

404 https://abc.xyz/investor/static/pdf/2020Q4_alphabet_earnings_release.pdf.

405 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 21 février 2006, nº 2005/14774.

406 Décision n° 20-D-07 précitée, paragraphe 161.

407 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 janvier 2005, France Télécom, n° 04/11023.

408 Voir notamment en ce sens les publications sur le blog de Google concernant les projets de directives ayant abouti à la Directive sur les droits voisins et, en particulier, sur l’article 11 devenu n15 dans la version définitive. Publication du 7 février 2019 : https://blog.google/around-the-globe/google-europe/now-time-fix- eu-copyright-directive/ et du 3 mars 2019 : https://blog.google/around-the-globe/google-europe/copyright- directive-one-step-forward-two-steps-back/.

409 Paragraphe 277 de la Décision.

410 Cotes VC 3 968 et VNC 5 210, 20/0083 F.

411 https://abc.xvz/investor/static/pdf/20200204alphabet10K.pdf. https://abc.xyz/investor/static/pdf/2020Q4_alphabet_earnings_release.pdf.

412 Cote 6 591, 20/0083 F.

413 Cote 6 950, 20/0083 F.

414 Décision n° 19-D-26 du 19 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne, paragraphe 321.