Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-14.241
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Blondel, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la banque Worms, aux droits de laquelle vient la société Compagnie financière de Paris (la banque), a consenti divers concours financiers à la SCI Résidence Celina (la SCI) ; qu'ayant été défaillante, cette dernière a été assignée en paiement par la banque le 21 janvier 1985 ; que par jugements des 20 mai 1988 et 3 février 1989, la SCI a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, Mme X... étant nommée liquidateur ; que la banque ayant déclaré le 13 juin 1988 sa créance et le liquidateur assigné en intervention forcée, l'instance a été reprise ; qu'un jugement du 5 mai 1993 ayant constaté et fixé à un certain montant la créance de la banque, M. Y..., liquidateur judiciaire de l'un des associés de la SCI, a formé le 26 avril 2006, une tierce opposition à ce jugement ; que M. Z..., désigné mandataire ad hoc de la SCI par une ordonnance du 2 mars 2006, est intervenu volontairement à l'instance en rétractation ; que par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal a rétracté le jugement du 5 mai 1993 et fixé à une somme moins élevée la créance de la banque, laquelle a fait appel principal ; que M. Z..., ès qualités, a formé appel incident ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 583 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la tierce opposition formée par le liquidateur judiciaire de l'associé de la SCI à l'encontre du jugement du 5 mai 1993, l'arrêt retient que, sauf à démontrer une fraude, l'associé d'une SCI ne peut former tierce opposition qu'à une décision prononçant l'ouverture de la procédure collective et qu'en l'espèce le jugement dont il a été fait appel ne concerne pas l'ouverture d'une telle procédure et la défense des droits propres du débiteur, mais un litige entre un tiers et la SCI dont les droits patrimoniaux étaient défendus par un liquidateur judiciaire ;
Attendu qu'en statuant par de tels motifs, alors que le droit effectif au juge implique que l'associé d'une SCI, en liquidation judiciaire, qui répond indéfiniment des dettes sociales à proportion de sa part dans le capital social, soit recevable à former tierce opposition au jugement ayant fixé une créance dans une instance en paiement engagée contre cette personne morale avant l'ouverture de sa liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 330 et 582 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 622-9 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel incident de la SCI, l'arrêt retient que même si la SCI liquidée n'était plus présente à la procédure, en raison de son dessaisissement, la défense à l'action purement patrimoniale qu'avait intentée la banque était assurée par le liquidateur régulièrement mis en cause, ce qui a permis, en application de l'article 48 de la loi, la reprise de l'instance et que la SCI, représentée en l'état par un mandataire ad hoc, n'a pas plus de droits à faire appel du jugement du 5 mai 1993 qu'elle n'en avait à l'époque de défendre à l'action intentée par la banque Worms ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la SCI, représentée par un mandataire ad hoc, dispose d'un droit propre s'agissant d'une instance en paiement engagée à son encontre avant le jugement d'ouverture, ce qui lui permet d'intervenir volontairement, à titre accessoire, dans l'instance ouverte sur la tierce opposition formée par un associé de cette SCI, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.