Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 31 mai 1996, n° 96-000115

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dudognon

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Feuillard

Conseillers :

Mme Thin, Mme Weill

Cons.conc., du 8 nov. 1995

8 novembre 1995

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;

La cour est saisie du recours en réformation déposé le 3 janvier 1996 par M. Jean-Pierre Dudognon, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de président-directeur général de la Société Dudognon SA contre la décision n’ 95-D-70 du Conseil de la concurrence ayant déclaré sa saisine irrecevable au fond et en conséquence rejeté sa demande de mesures conservatoires.

Par arrêt, rendu le 23 février 1996, la cour a déclaré irrecevable le recours exercé par M. Dudognon contre la même décision sur le fondement des articles 12, alinéa 4, de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et 10 du décret du 19 octobre 1987.

M. Jean-Pierre Dudognon, analyste financier, avait par lettres des 21 septembre 1995 et 5 octobre 1995 saisi le Conseil des pratiques anticoncurrentielles dont la SA Dudognon aurait été victime, puis sollicité le prononcé de mesures conservatoires.

Les pratiques invoquées, constitutives selon lui d’une entente prohibée visant à spolier la Société Dudognon et à l’éliminer du marché, auraient consisté en une diffusion entre M. Michel Berault, avocat, les sociétés SEP et SODECCO et deux employés de banque, préposés respectivement de la Société Générale et de la BNP.

M. Michel Berault, conseil des adversaires de la Société Dudognon dans le cadre de procédures contentieuses, aurait accepté d’être désigné comme syndic de la liquidation des biens de cette société prononcée par le tribunal de commerce de Poitiers le 17 avril 1978, puis aurait consenti des avantages injustifiés à des créanciers à l’occasion de la réalisation des actifs de la SA Dudognon.

Or, selon le requérant, la décision du tribunal de commerce, intervenue en l’absence de tout passif exigible à charge de la SA Dudognon, serait entachée de nullité, de même que l’arrêt confirmatif rendu par la cour d’appel de Poitiers le 28 juin 1978, ce qui caractériserait des manœuvres démontrant l’existence de l’entente. Sa demande de mesures conservatoires tendait à ce que M. Berault soit écarté de la procédure de liquidation des biens et que d’autres juridictions soient désignées pour statuer sur les litiges pendants.

Le Conseil de la concurrence a estimé sa saisine irrecevable, aux motifs qu’ils ne lui appartenaient pas de se prononcer sur le bien-fondé de décisions rendues par une juridiction et que M. Dudognon n’apportait aucun élément probant à l’appui de ses allégations relatives à une entente.

M. Dudognon sollicite la réformation de la décision, le renvoi de l’affaire devant le Conseil de la concurrence afin qu’il soit instruit sur les faits dénoncés et l’octroi des mesures conservatoires précédemment demandées.

Le ministre de l’économie conclut au défaut de qualité à agir de M. Dudognon, tant à titre personnel qu’à titre de représentant légal de la Société Dudognon.

Il relève également que le requérant n’établit ni l’existence de pratiques ayant un effet ou un objet anticoncurrentiel, ni celle d’une atteinte à un marché, et conclut à la confirmation de la décision du Conseil.

Le ministère public a conclu oralement à l’irrecevabilité du recours, pour défaut de qualité à agir.

Sur quoi, la cour,

Considérant qu’aux termes de l’article Il de l’ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence peut être saisi par les entreprises ; que cette faculté appartient aux entreprises qui justifient exercer une activité économique sur le marché concerné par les pratiques dénoncées ; que M. Dudognon, analyste financier, ne constitue pas une entreprise et n’exerce aucune activité sur le marché de la production et de la vente de produits électro-acoustiques, domaine dans lequel intervenait la Société Dudognon ;

Considérant qu’il soutient vainement être recevable à exercer son action en tant que créancier de la Société Dudognon, la saisine du Conseil de la concurrence ne s’assimilant pas à l’exercice d’une action susceptible d’être exercée par voie oblique et les créanciers d’une entreprise n’étant pas compris dans l’énumération limitative de l’article 11 de l’ordonnance ; que la saisine du Conseil par M. Dudognon agissant à titre personnel n’était donc pas recevable ;

Considérant que la Société Dudognon a été déclarée en liquidation des biens par jugement rendu le 17 avril 1978 par le tribunal de commerce de Poitiers, confirmé par un arrêt du 28 juin 1978 ; que cette décision est devenue définitive le 25 novembre 1980, à la suite du rejet par la chambre commerciale de la Cour de cassation du pourvoi formé contre elle ;

Considérant que la saisine du Conseil et le recours prévu par l’article 15 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 constituent l’exercice d’une action patrimoniale au sens de l’article 15 de la loi du 13 juillet 1967 et ne peuvent en conséquence émaner du président d’une société anonyme en liquidation des biens ;

Considérant au surplus que la saisine du Conseil par le requérant n’avait d’autre objet que de contester des décisions de justice devenues définitives et les actes accomplis par un mandataire de justice en exécution de celles-ci ;

Que cet examen ne relève pas de la compétence du Conseil de la concurrence; que la saisine a été déclarée à bon droit irrecevable ;

Par ces motifs :

Rejette le recours formé par M. Dudognon, en son nom personnel, contre la décision n° 95-D-70 du Conseil de la concurrence ;

Déclare irrecevable le recours formé contre la même décision par M. Dudognon, ès qualités de président-directeur général de la Société Dudognon SA, en liquidation des biens ;

Met les dépens à la charge du requérant.