TUE, 7e ch., 14 juillet 2021, n° T-716/19
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Interpipe Niko Tube LLC, Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant OJSC
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Passos
Juges :
M. Truchot (rapporteur), M. Pucurull
Avocat :
Me Servais
LE TRIBUNAL (septième chambre),
Antécédents du litige
1 Les requérantes, Interpipe Niko Tube LLC et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant OJSC, sont deux sociétés de droit ukrainien qui exercent une activité de fabrication et d’exportation de tubes et de tuyaux sans soudure.
2 À la suite d’une plainte déposée le 14 février 2005 par le comité de défense de l’industrie des tubes en acier sans soudure de l’Union européenne, la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, conformément au règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1) [remplacé par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), lui-même remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »)], et, notamment à l’article 5 du règlement no 384/96 (devenu article 5 du règlement de base), dans sa version résultant du règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004, modifiant le règlement no 384/96 et le règlement (CE) no 2026/97 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2004, L 77, p. 12, ci-après le « règlement no 384/96 modifié »).
3 Le 27 juin 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 954/2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) no 2320/97 et (CE) no 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine (JO 2006, L 175, p. 4).
4 Par le règlement no 954/2006, le Conseil a imposé un droit antidumping à un taux de 25,1 % aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, produits par CJSC Nikopolsky Seamless Tubes Plant Niko Tube et par OJSC Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant, deux sociétés de droit ukrainien devenues respectivement Interpipe Nikopolsky Seamless Tubes Plant Niko Tube ZAT (Interpipe Niko Tube ZAT) et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant VAT (Interpipe NTRP VAT) (ci-après, dénommées ensemble, les « anciennes sociétés Interpipe »), aux droits desquelles se trouvent les requérantes. Dans ce règlement, le Conseil a considéré que ces sociétés étaient « liées » à deux sociétés de vente : SPIG Interpipe, établie en Ukraine, et Sepco SA, établie en Suisse.
5 Par requête introduite au greffe du Tribunal le 8 septembre 2006, les anciennes sociétés Interpipe ont demandé l’annulation du règlement no 954/2006, dans la mesure où il les concernait.
6 Par arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T 249/06, ci-après le « premier arrêt Interpipe », EU:T:2009:62), le Tribunal, relevant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation des droits de la défense, a annulé l’article 1er du règlement no 954/2006, dans la mesure où le droit antidumping fixé pour les exportations vers l’Union des produits fabriqués par les sociétés ukrainiennes en cause excédait celui qui aurait été applicable s’il n’avait pas été procédé à un ajustement du prix à l’exportation effectué au titre d’une commission, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement no 384/96 modifié [devenu article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base], lorsque les ventes avaient lieu par l’intermédiaire de la société suisse Sepco. Il résulte du point 178 de cet arrêt que, lorsqu’il est constaté qu’un producteur confie des tâches relevant normalement d’un département de vente interne à une société de distribution de ses produits qu’il contrôle économiquement et avec laquelle il forme une entité économique unique, le fait que le Conseil et la Commission se fondent sur les prix payés par le premier acheteur indépendant au distributeur affilié, sans procéder à un ajustement au titre d’une commission, est justifié. Selon le Tribunal, Sepco pouvait être considérée comme un département de vente interne des anciennes sociétés Interpipe, de sorte qu’aucun ajustement n’aurait dû être appliqué par les institutions aux prix qu’elle pratiquait. Le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus.
7 Par arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78), la Cour a rejeté les pourvois formés par le Conseil et la Commission contre le premier arrêt Interpipe.
8 Le Conseil s’est conformé au premier arrêt Interpipe par l’adoption du règlement d’exécution (UE) no 540/2012, du 21 juin 2012, modifiant le règlement no 954/2006 (JO 2012, L 165, p. 1). Selon les considérants 11 à 14 de ce règlement d’exécution, la marge de dumping a été recalculée sans adapter le prix à l’exportation, pour les ventes réalisées par l’intermédiaire de la société liée Sepco, au titre d’une commission, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement no 1225/2009 [devenu article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base], qui avait entre-temps remplacé le règlement no 384/96 modifié. Le taux du droit antidumping applicable aux requérantes a été fixé à 17,7 %.
9 Les mesures antidumping prévues par le règlement no 954/2006, tel que modifié par le règlement d’exécution no 540/2012, ont été maintenues pour une période supplémentaire de cinq ans, en application du règlement d’exécution (UE) no 585/2012 du Conseil, du 26 juin 2012, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Russie et d’Ukraine, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009 et clôturant la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie (JO 2012, L 174, p. 5). Le Conseil a considéré que les requérantes continuaient à travailler avec deux négociants liés, établis en Ukraine et en Suisse (voir point 4 ci-dessus), appelés désormais LLC Interpipe Ukraine (ci-après « IPU ») et Interpipe Europe SA (ci-après « IPE »). Le taux du droit antidumping applicable aux requérantes est resté fixé à 17,7 %.
10 À l’issue d’une procédure de réexamen intermédiaire demandée par les requérantes sur le fondement de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 1225/2009 (devenu article 11, paragraphe 3, du règlement de base) (ci-après le « réexamen intermédiaire clôturé en 2012 »), le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 795/2012, du 28 août 2012, modifiant le règlement d’exécution no 585/2012 (JO 2012, L 238, p. 1), en vertu duquel le taux du droit antidumping qui leur était applicable a été réduit à 13,8 %.
11 Le 4 juillet 2017, la Commission a publié au Journal officiel l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Russie et d’Ukraine (JO 2017, C 214, p. 9). Le réexamen visé par cet avis (ci-après le « réexamen final clôturé en 2018 ») était fondé sur l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base.
12 Le 7 mai 2018, la Commission a également publié au Journal officiel l’avis d’ouverture d’un réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure originaires, entre autres, d’Ukraine (JO 2018, C 159, p. 18). Le réexamen visé par cet avis (ci-après le « réexamen intermédiaire clôturé en 2019 »), qui faisait suite à une demande des requérantes fondée sur l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, était limité au dumping qui leur était reproché.
13 Le 13 juillet 2018, dans le cadre du réexamen final clôturé en 2018, la Commission a envoyé aux requérantes, conformément à l’article 20 du règlement de base, un document d’information générale, par lequel elle les a informées que, aux fins de déterminer leurs frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci après les « frais VAG »), nécessaires pour calculer la valeur normale, en application de l’article 2, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, elle envisageait de prendre en considération non seulement les frais VAG relatifs aux ventes du produit concerné que les requérantes effectuaient auprès d’acheteurs indépendants établis en Ukraine soit directement, soit par le biais d’IPU, mais également les frais VAG, à l’exclusion des frais de transport, relatifs aux ventes dudit produit effectuées par les requérantes auprès d’IPU, pour que cette dernière le revende à des acheteurs indépendants établis en Ukraine.
14 Par ailleurs, la Commission a remarqué que les requérantes exportaient désormais leurs produits dans l’Union non seulement, comme auparavant, par IPE, mais aussi par une autre société liée, Interpipe Central Trade GmbH (ci-après « IPCT »), établie en Allemagne, qui devait être considérée comme un importateur. Conformément au premier arrêt Interpipe, la Commission n’a pas envisagé d’appliquer aux prix payés par des acheteurs indépendants à IPE un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, tandis qu’elle a manifesté l’intention d’introduire un ajustement, au titre de l’article 2, paragraphe 9, de ce règlement, pour les produits vendus dans l’Union par IPCT.
15 Dans leurs observations du 30 juillet 2018 sur le document d’information générale du 13 juillet 2018, les requérantes ont contesté les calculs de la Commission portant sur les frais VAG, faisant valoir que la méthode envisagée différait, en violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, de celle appliquée auparavant. Cette prétendue nouvelle méthode aurait artificiellement gonflé les frais VAG et, par voie de conséquence, également la marge de dumping.
16 À l’issue du réexamen final clôturé en 2018, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/1469, du 1er octobre 2018, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Russie et d’Ukraine, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement 2016/1036 (JO 2018, L 246, p. 20). Les mesures antidumping en question ont ainsi été maintenues.
17 Aux considérants 82 et 83 du règlement d’exécution 2018/1469, la Commission a relevé que, après avoir analysé tous les éléments, elle avait accepté la demande des requérantes relative au calcul des frais VAG entre sociétés liées.
18 Aux considérants 86 et 87 du règlement d’exécution 2018/1469, la Commission a précisé que, lorsque le producteur-exportateur exportait le produit concerné auprès d’acheteurs indépendants dans l’Union par l’intermédiaire d’IPE, en tant que négociant, le prix à l’exportation était établi sur la base des prix effectivement payés ou à payer pour le produit concerné vendu à l’exportation vers l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base. En revanche, lorsque le producteur-exportateur exportait le produit concerné vers l’Union par l’intermédiaire d’IPCT, en tant qu’importateur, le prix à l’exportation était établi sur la base du prix auquel le produit importé était revendu pour la première fois à des acheteurs indépendants dans l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, avec les ajustements permis par cette disposition.
19 Le taux du droit antidumping applicable aux requérantes est resté fixé à 13,8 %.
20 Le 21 mai 2019, dans le cadre du réexamen intermédiaire clôturé en 2019, la Commission a envoyé aux requérantes un document d’information générale (ci-après le « DIG 2019 »), conformément à l’article 20 du règlement de base. Par ce document, en premier lieu, la Commission les a informées que, dans le calcul de leurs frais VAG, avaient été ajoutés les frais qu’elles avaient engagés pour leurs ventes à IPU. En second lieu, la Commission a relevé qu’IPE et IPCT fonctionnaient à son avis comme deux canaux permettant d’exporter les mêmes produits dans l’Union. Se fondant sur cet élément, sur le rôle de coordination joué par IPU entre, d’une part, les requérantes et, d’autre part, IPE et IPCT, sur des spécificités des contrats conclus entre IPU et ces deux dernières sociétés ainsi que sur l’absence, dans les statuts d’IPE, d’une obligation d’exclusivité en matière de choix des fournisseurs des produits à vendre, la Commission a conclu qu’IPE ne pouvait plus être considérée comme étant un département interne des ventes à l’exportation au sein du groupe auquel appartenaient les requérantes (ci-après le « groupe Interpipe ») et que, dans le calcul du prix à l’exportation, il convenait donc d’appliquer un ajustement, au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, aux prix payés à IPE par des acheteurs indépendants dans l’Union.
21 Dans leurs observations du 4 juin 2019 sur le DIG 2019, les requérantes ont notamment contesté, en premier lieu, les calculs de la Commission portant sur les frais VAG, faisant valoir que la méthode envisagée correspondait à celle qui avait déjà été proposée, et finalement écartée, dans le cadre du réexamen final clôturé en 2018. En second lieu, elles ont soutenu que l’application d’un ajustement, au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, aux prix payés à IPE par des acheteurs indépendants constituait une violation des principes résultant du premier arrêt Interpipe (voir point 6 ci-dessus). Elles ont souligné que les circonstances factuelles n’avaient pas changé, en dépit de la création d’IPCT.
22 Le 27 juin 2019, la Commission a adressé aux requérantes un document d’information additionnelle, selon lequel elle avait accepté plusieurs arguments formulés dans leurs observations du 4 juin 2019, autres que ceux repris au point 21 ci-dessus. La Commission a ajouté que ces derniers arguments avaient été analysés, mais qu’ils seraient traités dans le règlement d’exécution qui serait publié le 6 août 2019 au plus tard. Le taux du droit antidumping envisagé par la Commission dans ce document d’information additionnelle était de 8,1 %.
23 Le 1er août 2019, à l’issue du réexamen intermédiaire clôturé en 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/1295, modifiant le règlement d’exécution 2018/1469 (JO 2019, L 204, p. 22) (ci-après le « règlement attaqué »), dans lequel le taux du droit antidumping applicable aux requérantes a été fixé à 8,1 %.
24 Aux considérants 32, 33 et 39 à 42 du règlement attaqué, la Commission a rejeté les arguments des requérantes repris au point 21 ci-dessus. Elle a précisé que, au vu du caractère confidentiel des informations commerciales relatives à l’exposé et à l’analyse de ces arguments, les raisons de leur rejet étaient indiquées en détail dans une lettre séparée, qu’elle a adressée aux requérantes le 2 août 2019 (ci-après la « lettre du 2 août 2019 »).
Procédure et conclusions des parties
25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2019, les requérantes ont introduit le présent recours.
26 La phase écrite de la procédure a été close le 15 avril 2020.
27 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 avril 2020, les requérantes ont demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.
28 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, il a posé des questions aux parties pour réponse écrite avant l’audience et a invité la Commission à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces mesures dans le délai imparti.
29 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 décembre 2020.
30 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
31 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
32 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent quatre moyens.
33 Le premier moyen porte sur l’illégalité de l’inclusion, dans le calcul de la valeur normale, des frais VAG afférents aux ventes des requérantes à IPU. Ce faisant, la Commission aurait violé l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, paragraphe 4, premier alinéa, et paragraphe 6, première phrase, du règlement de base ainsi que l’article 2.2.2, première phrase, de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping OMC »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3).
34 Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application, au prix à l’exportation, d’un montant correspondant aux frais VAG et au bénéfice d’un agent travaillant sur la base de commissions. La Commission n’aurait pas dû déduire du prix à l’exportation des requérantes un montant correspondant aux frais VAG et au bénéfice d’IPE, au titre de l’article 2, paragraphe 10, première à quatrième phrases, et sous i), du règlement de base.
35 Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, en ce que la Commission aurait déterminé la valeur normale et le prix à l’exportation des requérantes par l’application d’une méthode différente de celle qu’elle avait utilisée auparavant.
36 Au sein de chacun de ces trois moyens, les requérantes soulèvent la violation de l’article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de base et de l’article 9.3 de l’accord antidumping OMC, en ce que, à la suite des violations et de l’erreur manifeste d’appréciation invoquées, le droit antidumping institué dépasserait le montant du dumping.
37 Le quatrième moyen est tiré de la violation des droits de la défense.
Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de la prise en compte,dans le calcul de la valeur normale, des frais VAG afférents aux ventes des requérantes à IPU
38 Les requérantes font valoir que la Commission, en ce qu’elle a inclus dans le calcul de la valeur normale les frais VAG relatifs à leurs ventes à IPU, a violé l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, paragraphe 4, premier alinéa, et paragraphe 6, première phrase, du règlement de base, sa propre pratique décisionnelle ainsi que l’article 2.2.2, première phrase, de l’accord antidumping OMC, tel qu’il est interprété par les décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC. Par ailleurs, les requérantes soutiennent qu’elles n’ont en réalité pas supporté la charge des frais VAG contestés.
39 À titre liminaire, les requérantes rappellent que leurs ventes du produit concerné sur le marché national ukrainien ont toujours eu lieu sous forme soit de ventes directes, effectuées par elles-mêmes à des acheteurs nationaux indépendants (ci-après les « ventes directes »), soit de ventes indirectes, en ce sens qu’elles vendaient ce produit à IPU, qui le revendait à des acheteurs nationaux indépendants (ci-après les « ventes indirectes »).
40 Par le présent moyen, d’abord, les requérantes font valoir que, lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2019, qui a abouti à l’adoption du règlement attaqué, la Commission, dans les calculs réalisés pour déterminer la valeur normale, en ce qui concerne les frais VAG, ne s’est pas fondée, comme par le passé, seulement sur leurs frais VAG relatifs aux ventes directes du produit concerné et sur les frais VAG d’IPU pour les ventes indirectes de ce produit. Elle aurait ajouté, à tort, les frais VAG engagés par les requérantes pour leurs ventes du produit concerné à IPU (ci-après les « frais VAG contestés »), que cette dernière revendait à des acheteurs indépendants sur le marché national ukrainien. Selon les requérantes, l’inclusion des frais VAG contestés, qui ne figuraient pas dans les calculs effectués par la Commission dans le cadre du réexamen intermédiaire clôturé en 2012 et qui avaient finalement été retirés des calculs afférents au réexamen final clôturé en 2018 (voir points 11, 13 et 17 ci-dessus), a artificiellement gonflé la marge de dumping.
41 Ensuite, les requérantes rappellent que, selon l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, la « valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur » et que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, dudit règlement, les prix pratiqués entre deux parties paraissant être associées ne peuvent en principe pas être considérés comme relevant d’opérations commerciales normales. En l’espèce, la Commission aurait, à juste titre, appliqué ce principe, mais aurait omis, à tort, d’en tirer la conséquence que les frais VAG relatifs à des ventes entre de telles parties ne pourraient pas non plus être considérés comme relevant d’opérations commerciales normales. Les requérantes soulignent que l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base prévoit que les frais VAG doivent être calculés à partir des données portant sur des opérations commerciales normales. Le même principe résulterait de l’article 2.2.2, première phrase, de l’accord antidumping OMC.
42 Enfin, les requérantes soutiennent que l’ajout des frais VAG contestés a augmenté de manière artificielle la valeur normale et, par conséquent, la marge de dumping, ainsi qu’il résulte des deux éléments qui suivent.
43 Premièrement, les requérantes rappellent que, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, premiers et troisièmes alinéas, du règlement de base et de la pratique de la Commission, les ventes du produit concerné sur le marché intérieur du pays exportateur à des acheteurs indépendants doivent être effectuées au cours d’opérations commerciales normales pour pouvoir être prises en compte dans le calcul de la valeur normale. Le test requis pour déterminer si une vente est effectuée au cours d’opérations commerciales normales (ci-après le « test OCN ») impliquerait, conformément à l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base de comparer le coût de production unitaire majoré des frais VAG et le prix de vente réel, par type de produit. Les requérantes ajoutent que le règlement de base, en particulier son article 2, paragraphe 4, ne contient aucune règle exigeant d’inclure l’ensemble des dépenses, y compris celles qui ont été engagées pour les ventes entre sociétés liées, parmi les frais VAG utilisés aux fins du test OCN.
44 Pour les types de produits dont plus de 80 % des ventes sur le marché intérieur de l’exportateur sont bénéficiaires, en ce sens qu’elles ont été réalisées à des prix supérieurs au coût unitaire (ci-après les « ventes bénéficiaires »), et dont le prix de vente moyen pondéré est égal ou supérieur au coût unitaire moyen pondéré, la valeur normale serait calculée sur la base de toutes les ventes, que celles-ci aient été bénéficiaires ou non.
45 En revanche, lorsque le volume des ventes bénéficiaires d’un type de produit sur ledit marché est égal ou inférieur à 80 % du volume total des ventes de ce type de produit ou lorsque le prix moyen pondéré de ce type de produit est inférieur au coût de production unitaire, la valeur normale serait fondée uniquement sur les ventes bénéficiaires.
46 Les requérantes soulignent que le fait de prendre en compte toutes les ventes d’un type de produit (voir point 44 ci-dessus) ou les seules ventes bénéficiaires de ce type de produit (voir point 45 ci-dessus) a une incidence sur le calcul de la valeur normale de celui-ci, en ce sens que cette dernière devient plus élevée dans le second cas. La marge de dumping s’en trouverait elle aussi augmentée.
47 Les requérantes font remarquer que, en l’espèce, le fait d’avoir ajouté les frais VAG contestés dans les calculs de la valeur normale a eu pour effet d’augmenter les coûts totaux et, par conséquent, de réduire le pourcentage des ventes bénéficiaires. Ainsi, pour un nombre plus important de types de produits vendus sur le marché national ukrainien, les ventes bénéficiaires n’auraient pas atteint le seuil de 80 %, de sorte que seules les ventes bénéficiaires auraient été prises en compte et la valeur normale en serait devenue plus élevée.
48 Deuxièmement, selon les requérantes, il résulte de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base que, pour des types de produits qui ne se sont pas vendus par le producteur sur son marché national à des acheteurs indépendants, mais qui sont exportés dans l’Union, la valeur normale doit être construite sur la base du coût de production, majoré d’un montant raisonnable pour les frais VAG et pour le bénéfice. Ce montant raisonnable serait calculé sur la base des ventes des autres types du produit concerné effectuées au cours d’opérations commerciales normales. L’ajout des frais VAG contestés aurait eu pour effet d’augmenter également la valeur normale construite pour les types de produits non vendus sur le marché national.
49 Les requérantes déduisent de l’ensemble des arguments qui précèdent que, en prenant en compte les frais VAG contestés, la Commission a violé l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, paragraphe 4, premier alinéa, et paragraphe 6, première phrase, du règlement de base.
50 La Commission conteste le bien-fondé des arguments des requérantes et, s’agissant de ceux relatifs à la violation de sa pratique décisionnelle et des enseignements résultant des décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC, également leur recevabilité, en raison du fait qu’ils auraient été présentés de manière non conforme au point 115 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure, en ce qu’ils ne correspondraient pas aux titres des moyens invoqués dans la requête.
51 À ce dernier égard, il convient d’observer que le non-respect des recommandations rédactionnelles figurant dans les dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure ne peut conduire à l’irrecevabilité de tout ou partie d’un recours que si ce dernier n’est pas conforme à l’article 76, sous d), dudit règlement. Or, ainsi qu’il sera exposé ci-après, la requête explique en quoi consiste le premier moyen et les griefs avancés à son soutien sont suffisamment clairs et précis (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T 538/11, EU:T:2015:188, point 131 et jurisprudence citée).
52 Les fins de non-recevoir soulevées par la Commission ne sont donc pas fondées.
53 Sur le fond, il convient d’examiner le présent moyen après avoir rappelé les principales dispositions applicables et la jurisprudence qui les a interprétées.
54 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement de base, « [u]n produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur ». L’article 2, paragraphe 12, première phrase, dudit règlement précise que « [l]a marge de dumping est le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l’exportation ».
55 Il s’ensuit que la détermination de la valeur normale d’un produit constitue l’une des étapes essentielles devant permettre d’établir l’existence d’un dumping éventuel (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74, point 105).
56 La méthode principale de détermination de la valeur normale d’un produit est exposée à l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base (arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T 67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 110), qui prévoit que « [l]a valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ».
57 Ainsi que la Cour l’a relevé, il ressort tant du libellé que de l’économie de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base que, lors de la détermination de la valeur normale, c’est le prix réellement payé ou à payer au cours d’opérations commerciales normales qu’il y a lieu de prendre en considération, en principe, en priorité, pour établir la valeur normale. En vertu de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base, il ne peut être dérogé à ce principe que lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’« opérations commerciales normales » ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable. Ces dérogations à la méthode de fixation de la valeur normale en fonction de prix réels ont un caractère exhaustif (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, points 20 et 21 et jurisprudence citée).
58 La Cour a également précisé que l’objectif de la notion d’« opérations commerciales normales » était d’assurer que la valeur normale d’un produit corresponde le plus possible au prix normal du produit similaire sur le marché intérieur de l’exportateur. Si une vente est conclue selon des termes et des conditions qui ne correspondent pas à la pratique commerciale concernant les ventes du produit similaire dans ce marché au moment pertinent pour la détermination de l’existence ou non d’un dumping, elle ne constitue pas une base appropriée pour déterminer la valeur normale du produit similaire dans ledit marché (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 28).
59 Le règlement de base ne définit pas la notion d’« opérations commerciales normales ». Toutefois, ledit règlement prévoit explicitement, à son article 2, deux hypothèses de ventes qui, sous certaines conditions, ne peuvent pas constituer de telles opérations. En premier lieu, l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base précise que les prix pratiqués entre des parties, paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation, ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi, par exception, que ces prix ne sont pas affectés par cette relation (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, points 22 et 23 et jurisprudence citée). En second lieu, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays exportateur ou les ventes à destination d’un pays tiers à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires ne peuvent être considérées comme n’ayant pas lieu au cours d’opérations commerciales normales que s’il est déterminé qu’elles sont effectuées sur une période étendue en quantités substantielles et à des prix qui ne permettent pas de couvrir tous les frais dans un délai raisonnable (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 24). L’article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, de ce règlement précise que, par « période étendue », il doit être entendu normalement un an, ou au moins six mois, et il est considéré que les ventes à des prix inférieurs au coût unitaire sont effectuées en quantités substantielles au cours de cette période lorsqu’il est établi que le prix de vente moyen pondéré est inférieur au coût unitaire moyen pondéré ou que le volume des ventes à des prix inférieurs au coût unitaire ne représente pas moins de 20 % des ventes utilisées pour déterminer la valeur normale.
60 Selon la Cour, la notion d’« opérations commerciales normales » concerne le caractère des ventes considérées en elles-mêmes (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 25 et jurisprudence citée).
Sur les dispositions du règlement attaqué relatives à la valeur normale
61 En l’espèce, ainsi que cela résulte des considérants 25 à 31 du règlement attaqué, la Commission a déterminé la valeur normale de la manière suivante.
62 Premièrement, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base, d’une part, elle a examiné si, pour les requérantes, le volume total des ventes intérieures, à savoir en Ukraine, du produit similaire à des acheteurs indépendants était représentatif par rapport au volume total de leurs ventes à l’exportation vers l’Union, en ce sens que le volume total des ventes en question représentait au moins 5 % du volume total des ventes à l’exportation vers l’Union du produit faisant l’objet du réexamen. Elle a conclu que tel était le cas (considérant 25).
63 D’autre part, la Commission a vérifié si les ventes effectuées par les requérantes sur leur marché intérieur, pour chaque type de produit identique ou comparable au type de produit vendu à l’exportation vers l’Union, étaient représentatives, à savoir si le volume total des ventes intérieures, par type de produit, s’élevait au moins à 5 % du volume total des ventes à l’exportation vers l’Union du type de produit identique ou comparable. Elle a établi que, dans une large mesure, les ventes intérieures par type de produit étaient représentatives durant la période d’enquête (considérant 26).
64 Deuxièmement, pour les types de produits qui étaient vendus en Ukraine en quantités représentatives (ci-après les « types de produits vendus en Ukraine »), la Commission a appliqué le test OCN (voir point 43 ci-dessus). À cette fin, elle a calculé la proportion de ventes intérieures bénéficiaires à des acheteurs indépendants sur le marché intérieur, au cours de la période d’enquête (considérant 27).
65 Pour chaque type de produit vendu en Ukraine dont plus de 80 % des ventes (en volume) sur le marché intérieur avaient été réalisées à des prix supérieurs aux coûts et dont le prix de vente moyen pondéré était supérieur ou égal au coût de production unitaire, la valeur normale a été calculée comme la moyenne pondérée des prix intérieurs réels de toutes les ventes du type de produit en question, qu’elles aient été bénéficiaires ou non (considérant 28).
66 Lorsque le volume des ventes bénéficiaires représentait 80 % ou moins du volume total des ventes d’un type de produit vendu en Ukraine ou lorsque le prix moyen pondéré de ce type de produit était inférieur au coût de production unitaire, la valeur normale a été fondée sur le prix intérieur réel, calculé comme le prix moyen pondéré des seules ventes intérieures bénéficiaires de ce type de produit réalisées pendant la période d’enquête de réexamen (considérant 29).
67 L’analyse des ventes sur le marché intérieur a montré que 35 à 55 % de toutes les ventes intérieures des types de produits vendus en Ukraine étaient bénéficiaires et que le prix de vente moyen pondéré était supérieur au coût de production. La valeur normale a, par conséquent, été calculée comme la moyenne pondérée des ventes bénéficiaires uniquement (considérant 30).
68 Troisièmement, pour les types de produits dont les ventes en Ukraine constituaient moins de 5 % des ventes à l’exportation vers l’Union ou dont aucun n’avait été commercialisé sur le marché intérieur ukrainien (ci-après les « types de produits non vendus en Ukraine »), la Commission a calculé la valeur normale en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, sur la base du coût de fabrication par type de produit, majoré d’un montant tenant compte des frais VAG ainsi que du bénéfice (considérant 31).
Sur le champ d’application de l’article 2, paragraphes 3, 4 et 6, du règlement de base
69 Les requérantes font valoir que, lors du calcul de la valeur normale, la Commission a tenu compte, à tort, des frais VAG contestés, en gonflant la valeur normale tant lors de l’application du test OCN, pour les types de produits vendus en Ukraine, que dans la construction de la valeur normale au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, pour les types de produits non vendus en Ukraine (voir points 43 à 48 ci-dessus).
70 Pour statuer sur ces griefs, il importe de déterminer si la Commission était en droit d’inclure les frais VAG contestés dans les calculs de la valeur normale en application de l’article 2, paragraphes 3 et 4, du règlement de base.
71 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 57 à 60 ci-dessus, le principe de base gouvernant la détermination de la valeur normale est que celle-ci doit être fondée sur des éléments afférents à des opérations commerciales normales.
72 Il résulte de l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base que les prix des ventes conclues entre des parties associées ne peuvent pas, sauf exception, être utilisés pour déterminer la valeur normale (voir point 59 ci-dessus).
73 La Commission soutient que cette exclusion porte sur une question différente de celle de savoir si, en l’espèce, les frais VAG afférents à des ventes entre des parties associées, telles que les requérantes et IPU, peuvent être pris en compte aux fins de la détermination de la valeur normale, en application de l’article 2, paragraphes 3 et 4, du règlement de base.
74 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le coût de production, entendu comme étant la somme du coût de fabrication du produit en cause et des frais VAG, est pris en compte par la Commission, d’une part, dans le cadre du test OCN prévu à l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base, pour évaluer si les ventes intérieures sont bénéficiaires et peuvent ainsi être considérées comme ayant eu lieu au cours d’opérations commerciales normales, et, d’autre part, dans le cadre de la construction de la valeur normale en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement, lorsque les ventes intérieures n’ont pas pu être prises en compte (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T 67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 163). Il résulte également de la jurisprudence que les frais pertinents dans un cas comme dans l’autre doivent être les mêmes, afin d’éviter de traiter, sans aucune raison, de manière différente les producteurs-exportateurs selon qu’ils vendent certains types de produits aussi dans leur propre pays ou uniquement à l’étranger (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, EU:C:1988:464, point 19).
75 Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission devait utiliser les mêmes frais VAG tant lors de l’application du test OCN aux types de produits vendus en Ukraine que lors de la construction de la valeur normale pour les types de produits non vendus en Ukraine. Ce constat, conforme à la jurisprudence rappelée au point 74 ci-dessus, a d’ailleurs été confirmé par les parties pendant l’audience.
76 Dans le règlement de base, le mode d’évaluation des frais VAG est précisé par l’article 2, paragraphe 6, première phrase, qui prévoit que « [l]es montants correspondant aux frais de vente, aux dépenses administratives et aux autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête ».
77 Dans ses écritures, la Commission soutient que l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base n’est applicable que pour la construction de la valeur normale réalisée conformément à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, alors qu’il ne serait pas pertinent pour le test OCN, prévu à l’article 2, paragraphe 4, de celui-ci.
78 Toutefois, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base n’opère pas de distinction selon que la valeur normale en cause serait évaluée en application de l’article 2, paragraphe 3, ou d’une autre disposition du même règlement. Il ne limite pas l’application du régime juridique qu’il fixe à des situations visées par certaines dispositions spécifiques dudit règlement. En conséquence, l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base ne s’oppose pas à ce que l’obligation, qu’il prévoit, de se fonder sur des données recueillies au cours d’opérations commerciales normales soit d’application générale, chaque fois que cet article fait référence aux frais VAG. Par ailleurs, dès lors qu’il est constant que, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience (voir point 75 ci-dessus), les frais VAG utilisés pour la construction de la valeur normale sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base sont les mêmes que ceux appliqués aux fins du test OCN prévu à l’article 2, paragraphe 4, du même règlement, ces frais doivent respecter l’article 2, paragraphe 6, première phrase, dudit règlement et être donc fondés sur des données portant sur des ventes effectuées au cours d’opérations commerciales normales.
79 Il y a lieu de vérifier si la Commission a utilisé de telles données lorsqu’elle a appliqué le test OCN en l’espèce.
80 À cette fin, il doit être rappelé que les types de produits vendus en Ukraine par le groupe Interpipe l’étaient sous la forme de ventes tant directes qu’indirectes, par le biais d’IPU (voir point 39 ci-dessus). Or, l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base ne se réfère pas spécifiquement à l’hypothèse d’opérations telles que des ventes indirectes, qui se déroulent en deux étapes, dont la première est interne à l’entité économique unique constituée par ce groupe.
81 Afin de justifier la prise en compte, pour le calcul de la valeur normale, des frais VAG exposés lors des ventes des requérantes à IPU, dont il n’est pas contesté qu’elle est une société liée à celles-ci, la Commission fait valoir, en substance, que la valeur normale du produit vendu au premier acheteur indépendant est calculée en prenant en considération l’intégralité des coûts afférents à la fabrication et à la vente du produit, que ces coûts soient supportés par le fabricant ou par la partie qui est liée au sein du groupe.
82 À cet égard, il convient de rappeler le sens de la notion d’entité économique unique en droit de l’Union et les conséquences de celle-ci sur le calcul de la valeur normale en présence d’opérations telles que les ventes indirectes de l’espèce.
Sur la notion d’entité économique unique et ses conséquences
83 La notion d’entité économique unique a été développée aux fins de la détermination de la valeur normale au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base et des dispositions analogues qui l’ont précédé. Cette notion est fondée sur la nécessité de tenir compte de la réalité économique des relations au sein d’un groupe de sociétés (arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78, point 55, et du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T 466/12, EU:T:2015:151, points 108 et 110).
84 En effet, selon la Cour, le partage des activités de production et des activités de vente à l’intérieur d’un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes ne saurait rien enlever au fait que ces sociétés constituent une entité économique unique qui organise de cette manière un ensemble d’activités exercées, dans d’autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique (voir arrêt du 13 octobre 1993, Matsushita Electric Industrial/Conseil, C 104/90, EU:C:1993:837, point 9 et jurisprudence citée).
85 En ce qui concerne les prix à prendre en considération dans le cas d’une vente qui voit intervenir plusieurs sociétés relevant d’un même groupe avant que le produit en cause ne soit acheté par un tiers, il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’un producteur confie des tâches relevant normalement d’un département de vente interne à une société de distribution de ses produits qu’il contrôle économiquement, l’utilisation, en vue de la détermination de la valeur normale, des prix payés par le premier acheteur indépendant à ladite société de distribution est justifiée, étant donné que ces prix peuvent être considérés comme les prix de la première vente du produit effectuée au cours d’opérations commerciales normales, au sens de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base (arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T 466/12, EU:T:2015:151, point 108 ; voir également, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, EU:C:1988:464, point 15, et du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C 171/87, EU:C:1992:106, points 9 et 11). Il s’ensuit que les institutions de l’Union compétentes pour adopter des droits antidumping doivent se fonder sur les prix payés par le premier acheteur indépendant aux sociétés de vente apparentées (arrêt du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C 175/87, EU:C:1992:109, point 16 ; voir également, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1988, TEC e.a./Conseil, 260/85 et 106/86, EU:C:1988:465, point 30, et du 5 octobre 1988, Silver Seiko e.a./Conseil, 273/85 et 107/86, EU:C:1988:466, point 14).
86 Pour parvenir à cette conclusion, qui est relative aux prix, la Cour s’est prononcée sur les frais, en relevant que l’ensemble des frais supportés par les sociétés distributrices contrôlées par le producteur, de même que ceux supportés par le producteur, qui concouraient à la vente des produits en cause sur le marché intérieur et qui seraient manifestement englobés dans le prix de vente si la vente était effectuée par un département de vente interne du producteur, devaient être inclus dans la valeur normale (arrêt du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C 175/87, EU:C:1992:109, point 15).
87 Plus généralement, selon la Cour, s’agissant de ventes indirectes telles que celles en cause dans la présente espèce, tous les coûts qui sont nécessairement compris dans le prix payé par le premier acheteur indépendant doivent toujours être pris en compte, afin d’éviter qu’il existe une discrimination, du point de vue du calcul de la valeur normale, selon qu’une vente est effectuée par un département de vente inséré dans l’organisation du producteur ou par une société juridiquement distincte, bien qu’économiquement contrôlée par le producteur (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1988, TEC e.a./Conseil, 260/85 et 106/86, EU:C:1988:465, point 29, et du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C 171/87, EU:C:1992:106, point 13).
88 En application des principes qui viennent d’être rappelés, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, une vente indirecte ne saurait être divisée en ses deux composantes, en vue de qualifier la seconde, qui s’est déroulée entre IPU et un acheteur indépendant, d’opération commerciale normale, alors que la première, qui a eu lieu entre l’une ou l’autre des requérantes et IPU, ne serait pas prise en considération dans le calcul de la valeur normale, au motif qu’elle ne constituerait pas une telle opération. Il en résulte que c’est la vente indirecte qui doit être prise en compte, dans son ensemble, par la Commission, aux fins de cette évaluation.
89 Dès lors, en application tant de l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base que de la jurisprudence mentionnée au point 85 ci-dessus, les seuls prix pertinents pour le calcul de la valeur normale sont, en ce qui concerne les ventes indirectes, ceux payés par les acheteurs indépendants. Les parties s’accordent, au demeurant, sur cette question.
90 En ce qui concerne les frais VAG, en application des principes résultant des points 86 et 87 ci-dessus et de la conclusion qui en résulte, telle qu’elle est formulée au point 88 ci-dessus, c’est à tort que les requérantes contestent le choix de la Commission de se fonder sur tous les frais, y compris les frais VAG contestés, qui ont été exposés, au sein du groupe Interpipe, au cours des deux étapes qui composent les ventes indirectes.
91 Il convient d’ajouter que le cumul des frais VAG afférents aux deux étapes d’une vente indirecte et la prise en compte du seul prix pratiqué lors de la seconde étape, aux fins du test OCN, est conforme aux dispositions applicables du règlement de base et à la jurisprudence mentionnée ci-dessus et reflète la réalité économique. En effet, en l’espèce, il peut être présumé que les prix pratiqués par IPU à l’égard des acheteurs indépendants, pour des produits qu’elle a achetés aux requérantes, résultent des éléments suivants. Premièrement, ces prix pratiqués par IPU englobent les prix qu’IPU a elle-même payés, en amont, aux requérantes, étant précisé que ces derniers prix sont censés refléter les coûts de fabrication des produits, les frais VAG exposés par les requérantes à l’occasion de la vente de ces produits à IPU ainsi que, éventuellement, un bénéfice pour celles-ci. Deuxièmement, ils incluent les frais VAG exposés par IPU lors de la vente de ces mêmes produits à des acheteurs indépendants, assortis, le cas échéant, d’un bénéfice. Pour établir si une vente indirecte est bénéficiaire, la Commission doit vérifier si le prix pratiqué par IPU lui permet de récupérer le prix qu’elle a payé aux requérantes et ses frais VAG. Dès lors que, ainsi qu’il vient d’être souligné, le prix payé par IPU aux requérantes englobe notamment les frais VAG de celles-ci, la Commission est tenue de prendre en considération ces frais. Il convient de relever que, en revanche, il ne peut pas être présumé, et les requérantes ne le soutiennent pas, que les frais VAG exposés par IPU dans le cadre de la vente à des acheteurs indépendants englobent les frais VAG que les requérantes ont supportés lors de la première étape de la vente indirecte, entre elles et IPU. Partant, si la Commission n’avait pas inclus dans son calcul les frais VAG contestés, ceux-ci n’auraient pas été pris en compte dans le cadre des ventes indirectes, de sorte que la valeur normale aurait été établie suivant une méthode ne reflétant pas la réalité économique.
92 Au vu des considérations qui précèdent, l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que la Commission, dans le cadre du test OCN et de la construction de la valeur normale en application de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, se fonde sur des frais VAG qui incluent ceux contestés en l’espèce.
93 Par conséquent, il y a lieu de rejeter les griefs des requérantes tirés de ce que la Commission, par la prise en compte des frais VAG contestés dans le calcul de la valeur normale, a artificiellement augmenté cette dernière. Il convient dès lors d’examiner les autres griefs invoqués au soutien du premier moyen, relatifs aux décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC, au caractère théorique des frais VAG contestés et à la violation de la pratique de la Commission.
Sur les griefs tirés des décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC
94 Les requérantes soutiennent que l’organe d’appel de l’OMC, dont les rapports sont adoptés par l’organe de règlement des différends de l’OMC, lorsqu’il a interprété l’article 2.2.2, première phrase, de l’accord antidumping OMC, qui correspondrait à l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base, a précisé qu’il y avait lieu de se fonder sur les données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, et que les ventes qui n’avaient pas eu lieu au cours de telles opérations devaient être exclues du calcul des montants correspondant aux frais VAG et au bénéfice.
95 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union en vertu de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Toutefois, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’hypothèse où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T 466/12, EU:T:2015:151, point 134 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2018, Baby Dan, C 592/17, EU:C:2018:913, points 66 et 67).
96 Selon le considérant 3 du règlement de base, afin d’assurer une application appropriée et transparente des règles de l’accord antidumping OMC, il convient de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de cet accord dans le droit de l’Union.
97 Les dispositions de l’article 2.2.2, première phrase, de l’accord antidumping OMC coïncident en substance avec celles de l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base. Il en va de même, d’une part, des dispositions des articles 2.2 et 2.2.1 de ce même accord et, d’autre part, de celles de l’article 2, paragraphes 3 et 4, dudit règlement.
98 Il s’ensuit que les dispositions du règlement de base, en ce qu’elles correspondent à des dispositions de l’accord antidumping OMC, doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de cet accord, telles qu’interprétées par l’organe de règlement des différends de l’OMC (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C 10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 54 ; du 18 octobre 2018, Rotho Blaas, C 207/17, EU:C:2018:840, points 46 à 48, et du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T 301/16, EU:T:2019:234, point 134).
99 L’organe d’appel de l’OMC, dans son rapport relatif au différend « Communautés européennes – Droits antidumping sur les importations de linge de lit en coton en provenance d’Inde », adopté par l’organe de règlement des différends de l’OMC le 12 mars 2001, (WT/DS 141/AB/R, point 82), a interprété l’article 2.2.2 de l’accord antidumping OMC dans les termes suivants :
« [I]l est question dans la première phrase du texte introductif de l’article 2.2.2 “des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales”. Ainsi, les rédacteurs de l’[a]ccord antidumping [OMC] ont indiqué clairement que les ventes qui n’ont pas eu lieu au cours d’opérations commerciales normales doivent être exclues lorsque l’on calcule les montants correspondant aux frais [VAG] et aux bénéfices en utilisant la méthode prévue dans le texte introductif de l’article 2.2.2. »
100 Des considérations similaires figurent dans le rapport de l’organe d’appel de l’OMC relatif au différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance (“HP-SSST”) en provenance de l’Union européenne », adopté par l’organe de règlement des différends de l’OMC le 28 octobre 2015 (WT/DS 460/AB/R, point 5.27), ainsi que dans le rapport du groupe spécial de l’OMC relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping visant certains produits tubulaires pour champs pétrolifères en provenance de Corée », adopté par l’organe de règlement des différends de l’OMC le 18 janvier 2018 (WT/DS 488/R, point 7.45).
101 Toutefois, en l’espèce, il y a lieu de constater que la prise en compte, par la Commission, des frais VAG contestés ne se heurte pas au principe résultant des décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC, selon lequel sont exclues du calcul des frais VAG les ventes ne relevant pas d’opérations commerciales normales. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 88 ci-dessus, il convient de considérer qu’une vente indirecte, dans son ensemble, constitue, en principe, une opération commerciale normale. Les décisions précitées de l’organe de règlement des différends de l’OMC ne portent pas sur des situations telles que les ventes indirectes, qui sont en cause en l’espèce.
102 Dès lors que l’organe de règlement des différends de l’OMC ne s’est pas spécifiquement prononcé sur une situation telle que celle résultant des ventes indirectes, il ne saurait être considéré que la Commission, en prenant en compte les frais VAG contestés, a méconnu l’article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base, lu à la lumière de l’article 2.2.2 de l’accord antidumping OMC.
Sur le caractère théorique des frais VAG contestés
103 Les requérantes font valoir qu’elles n’ont en réalité pas supporté la charge des frais VAG contestés. Elles précisent qu’elles ne remettent pas en cause le principe selon lequel les ventes entre parties liées entraînent certaines dépenses, mais elles soutiennent que les frais VAG qu’elles ont mentionnés dans leurs réponses au questionnaire de la Commission ne sont pas représentatifs des dépenses réelles engagées pour ces transactions et que ces frais VAG auraient par conséquent dû être exclus. Les montants indiqués par les requérantes dans la colonne du questionnaire portant sur les frais relatifs aux « acheteurs liés » seraient théoriques et auraient été insérés seulement pour respecter le format du questionnaire établi par la Commission.
104 Il convient de rappeler que, selon l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, « [l]es frais sont normalement calculés sur la base des documents comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces documents soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré ».
105 En outre, il découle de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base qu’un questionnaire est préparé et transmis aux parties intéressées par les services de la Commission, aux fins d’obtenir les renseignements nécessaires à l’enquête antidumping et que lesdites parties sont tenues de fournir à ces services les informations qui lui permettront de mener à bien l’enquête antidumping [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C 61/16 P, EU:C:2017:968, points 50 et 51].
106 Les réponses des parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping (voir arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T 432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29 et jurisprudence citée).
107 Il résulte également de l’article 18, paragraphes 3 et 6, du règlement de base que les renseignements que les parties intéressées sont tenues de fournir à la Commission doivent être utilisés par les institutions de l’Union aux fins de l’établissement des conclusions de l’enquête antidumping et que ces mêmes parties ne doivent pas omettre des renseignements pertinents. Le caractère nécessaire d’un élément d’information donné s’apprécie au cas par cas [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C 61/16 P, EU:C:2017:968, point 52].
108 En outre, il incombe à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping (voir, en ce sens, arrêts du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T 48/96, EU:T:1999:251, point 40, et du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T 432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29).
109 La vérification des éléments recueillis a vocation à permettre à la Commission d’accomplir sa mission et de s’assurer de l’exactitude des renseignements fournis par l’entreprise soumise à vérification, qui doit répondre au mieux de ses possibilités et de manière exhaustive aux questions posées par la Commission et ne doit pas omettre de fournir toutes les données et les explications utiles afin que celle-ci puisse procéder aux recoupements nécessaires pour vérifier l’exactitude des données fournies et parvenir à des conclusions raisonnablement correctes (arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T 607/15, sous pourvoi, EU:T:2019:831, point 78).
110 En l’espèce, les requérantes, en répondant au questionnaire que la Commission leur a transmis, ont fourni les données relatives aux frais VAG contestés. Si elles ont mis en cause le principe selon lequel ces frais devaient être pris en compte, en invoquant un changement de méthode de la Commission par rapport aux précédents réexamens effectués par celle-ci, elles n’ont pas exprimé de doute sur la fiabilité des données qu’elles avaient communiquées à cette institution.
111 Devant le Tribunal, les requérantes font valoir que, lorsqu’elles ont rempli le questionnaire de la Commission en vue de l’évaluation des frais VAG contestés, elles ont appliqué au montant total de leurs frais VAG un coefficient correspondant à la proportion du chiffre d’affaires engendré par leurs ventes à IPU sur le montant du chiffre d’affaires engendré par l’ensemble de leurs ventes. Selon elles, dans la mesure où, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, les prix de vente de leurs produits à IPU n’ont pas pu être utilisés pour déterminer la valeur normale, le chiffre d’affaires engendré par ces ventes est également sans pertinence pour la détermination des frais VAG. Des frais VAG calculés suivant une telle méthode seraient théoriques et auraient dû être exclus du calcul de la valeur normale.
112 Les requérantes admettent, cependant, que les ventes entre sociétés liées entraînent certains frais VAG. Il convient de relever que cette reconnaissance de leur part n’est pas assortie de la proposition d’une méthode autre que celle résultant du questionnaire utilisé par la Commission pour estimer les frais VAG contestés, que celle-ci était tenue de prendre en compte, ainsi qu’il résulte du point 90 ci-dessus.
113 Quant au grief selon lequel, par l’application de la méthode résultant du questionnaire de la Commission, les frais VAG contestés ont été estimés selon un coefficient calculé à partir d’un chiffre d’affaires établi sur la base de prix pratiqués entre sociétés liées, telles que les requérantes et IPU, il y a lieu de constater que l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base, invoqué par les requérantes (voir point 111 ci-dessus), ne contient pas de référence aux frais VAG. Il est vrai que cette disposition exclut, en son troisième alinéa, que les prix pratiqués entre sociétés liées puissent être considérés comme des prix à prendre en compte pour le calcul de la valeur normale, laquelle, aux termes du premier alinéa du même paragraphe, « est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ». Toutefois, les requérantes n’ont pas démontré que l’exclusion prévue à l’égard des prix pratiqués entre sociétés liées entraînait celle des frais VAG exposés à l’occasion de ventes entre de telles sociétés.
114 Ainsi, les présents griefs des requérantes ne sauraient infirmer le principe, résultant des points 83 à 91 ci-dessus, selon lequel la Commission est tenue de calculer la valeur normale en tenant compte de tous les frais exposés lors des ventes des types de produits vendus en Ukraine, y compris tous les frais afférents aux ventes indirectes. Par conséquent, il y a lieu d’écarter ces griefs.
Sur la violation de la pratique de la Commission
115 Les requérantes font valoir que la Commission, en prenant en compte les frais VAG contestés aux fins de la détermination de la valeur normale, a violé sa propre pratique.
116 Il y a lieu de rappeler, cependant, que la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur la base de la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission et du Conseil [arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T 300/03, EU:T:2006:289, point 45].
117 En l’espèce, dès lors qu’il a été établi que l’inclusion des frais VAG contestés dans les calculs de la valeur normale était conforme au règlement de base, le présent grief doit être rejeté comme inopérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si, à l’occasion de l’adoption des règlements que les requérantes invoquent, les institutions ont appliqué une méthode différente de celle suivie en l’espèce.
118 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en prenant en compte les frais VAG contestés aux fins de la détermination de la valeur normale, la Commission n’a pas violé l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, paragraphe 4, premier alinéa, et paragraphe 6, première phrase, du règlement de base, pas plus qu’elle n’a méconnu l’article 2.2.2, première phrase, de l’accord antidumping OMC.
119 Dès lors, le premier moyen, tel que visé au point 33 ci-dessus, doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application au prix à l’exportation d’un montant correspondant aux frais VAG et au bénéfice d’un agent travaillant sur la base de commissions
120 Les requérantes invoquent une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 10, première à quatrième phrases, et sous i), du règlement de base.
121 Les requérantes font valoir que la Commission, lors du calcul du prix à l’exportation aux fins de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, a appliqué à tort un ajustement à la baisse, au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, aux prix pratiqués par IPE pour les ventes du produit concerné aux premiers acheteurs indépendants situés dans l’Union (ci-après l’« ajustement contesté »). L’ajustement contesté aurait introduit une asymétrie fonctionnelle entre la valeur normale et le prix à l’exportation des requérantes, qui aurait affecté la comparabilité des prix, en violation de l’article 2, paragraphe 10, première à quatrième phrases, de ce même règlement. La Commission, au lieu d’introduire cet ajustement, aurait dû se fonder sur lesdits prix, ainsi qu’elle l’aurait fait lors des précédents réexamens, suivant les enseignements du premier arrêt Interpipe, confirmé par la Cour. Les éléments mis en exergue par la Commission, dans le DIG 2019, dans le règlement attaqué et dans la lettre du 2 août 2019, ne justifieraient pas l’ajustement contesté.
122 En premier lieu, selon les requérantes, la Commission soutient à tort que, avec la création d’IPCT (voir point 14 ci-dessus), qui se serait ajoutée à IPE, elles disposeraient désormais de canaux parallèles permettant d’exporter les mêmes produits vers l’Union. La Commission en tirerait la conclusion erronée que IPE devrait dorénavant être qualifiée d’agent, et non, comme par le passé, de département de vente interne à l’entité économique unique constituée par les requérantes et par IPU. La Commission ne fournirait aucune explication qui démontrerait l’automaticité du lien allégué entre la présence d’IPCT, en tant qu’importateur lié établi dans l’Union, et le changement de qualification d’IPE. Cette dernière continuerait à fonctionner comme auparavant, en dépit de la création d’IPCT, et demeurerait le principal canal d’exportation des requérantes pour leurs ventes vers l’Union du produit concerné par les présentes mesures antidumping. IPCT aurait été créée pour faciliter, principalement en Allemagne, la vente de roues de chemin de fer, qui ne relèveraient pas de la définition du même produit. De plus, ni le règlement de base ni la jurisprudence ne permettraient de conclure que l’existence d’un canal de vente « parallèle » puisse compromettre le statut d’un négociant lié en tant que département de vente interne. Le critère déterminant pour exclure un tel statut porterait sur la question de savoir si ce négociant réalise son chiffre d’affaires principalement par la vente de produits provenant d’entreprises non liées. Or, les requérantes fourniraient à IPE l’intégralité du produit concerné que cette dernière vend dans l’Union. La réalité de ce constat ne serait pas remise en cause par le fait, souligné par la Commission, que les statuts d’IPE ne contiennent pas de clause d’exclusivité au profit des requérantes, qui empêcherait formellement IPE de s’approvisionner auprès d’autres fabricants.
123 Par ailleurs, les requérantes exposent qu’IPCT a été constituée en 2014 et que la Commission, lors du réexamen final clôturé en 2018, avait connaissance de l’existence de cette société, mais n’a pas considéré que ce changement de circonstances factuelles constituait une raison suffisante pour revenir sur le statut d’IPE en tant que département de vente interne.
124 En deuxième lieu, les requérantes, tout en admettant qu’IPU exerce les fonctions de coordination décrites par la Commission (voir point 20 ci-dessus), contestent la conclusion de cette dernière selon laquelle ces fonctions seraient incompatibles avec l’appartenance d’IPE à la même entité économique unique que les requérantes et IPU et impliqueraient qu’IPE devrait être considérée comme un agent travaillant sur la base de commissions. Elles se réfèrent à cet égard au premier arrêt Interpipe.
125 En troisième lieu, les requérantes font valoir que, si les contrats conclus entre, d’une part, IPU et, d’autre part, IPE ou IPCT (ci-après les « contrats en cause »), contiennent des clauses portant sur les réclamations relatives à la non-conformité des marchandises aux exigences et aux spécifications contractuelles et sur la responsabilité des parties en matière d’évaluation de la qualité, de dommages lors du transport et d’ajustements techniques aux besoins des acheteurs finals ainsi qu’une clause d’arbitrage, cette circonstance ne permet pas de conclure qu’IPE n’est pas un département de vente interne. De telles clauses, insérées pour se conformer aux exigences du droit ukrainien, qui régit lesdits contrats, ne modifieraient pas la réalité économique de la situation d’IPE, qui serait un département de vente interne, et non un agent travaillant sur la base de commissions.
126 La Commission conteste les arguments des requérantes.
127 Avant d’examiner ces arguments, il convient de rappeler les dispositions pertinentes et les principes dégagés par la jurisprudence ainsi que l’historique de l’application au groupe Interpipe d’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et des règlements qui l’ont précédé.
128 En vertu de l’article 2, paragraphe 10, première phrase, du règlement de base, « [i]l est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale ». L’article 2, paragraphe 10, troisième phrase, du même règlement énonce que, « [d]ans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité ».
129 L’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base prévoit, au nombre des « facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés », les « [c]ommissions ». Cette disposition indique, en particulier, qu'« [u]n ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées ». Elle précise que « [l]e terme “commission” couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions ».
130 Toutefois, il résulte de la jurisprudence qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base ne saurait être opéré lorsque le producteur établi dans un État tiers et son distributeur lié chargé des exportations vers l’Union forment une entité économique unique (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 39).
131 En effet, il a été jugé que la notion d’entité économique unique, qui a été développée aux fins de la détermination de la valeur normale ainsi qu’il résulte des points 83 et 84 ci-dessus, est applicable également à la détermination du prix à l’exportation (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78, points 55 et 56, et du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T 466/12, EU:T:2015:151, points 108 et 109).
132 En vertu des principes établis par la jurisprudence rappelée au point 84 ci-dessus, il doit être relevé que la reconnaissance de l’existence d’une entité économique unique permet d’éviter que des coûts, qui sont manifestement englobés dans le prix de vente d’un produit lorsque cette vente est effectuée par un département des ventes intégré dans l’organisation du producteur, ne le soient plus lorsque la même activité de vente est exercée par une société juridiquement distincte, bien qu’économiquement contrôlée par le producteur (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 41).
133 Il s’ensuit qu’un négociant formant une entité économique unique avec un producteur établi dans un État tiers ne saurait être considéré comme exerçant des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 42).
134 Dans le cadre de l’analyse de l’existence d’une entité économique unique entre un producteur et son négociant lié, il est déterminant de considérer la réalité économique des relations existant entre ce producteur et ce distributeur. Compte tenu de l’exigence d’un constat reflétant la réalité économique des relations entre ledit producteur et ledit distributeur, les institutions de l’Union sont tenues de prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents permettant de déterminer si ce distributeur exerce ou non les fonctions d’un département de vente intégré de ce producteur (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 43 et jurisprudence citée).
135 Quant à la charge de la preuve relative aux ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base, selon la jurisprudence, celle-ci doit être supportée par la partie qui souhaite s’en prévaloir (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 83 et jurisprudence citée).
136 Ainsi, lorsque les institutions de l’Union considèrent qu’il y a lieu d’appliquer un ajustement à la baisse du prix à l’exportation au motif qu’une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il appartient à ces institutions de rapporter à tout le moins des indices convergents démontrant que cette condition est remplie (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 84 et jurisprudence citée).
137 Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où les institutions de l’Union ont rapporté des indices convergents de nature à établir qu’un négociant lié à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il incombe à ce négociant ou à ce producteur de rapporter la preuve qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n’est pas justifié (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C 468/15 P, EU:C:2016:803, point 85).
Sur l’historique de l’application au groupe Interpipe d’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et des règlements qui l’ont précédé
– Sur l’ajustement appliqué au groupe Interpipe dans le règlement no 954/2006 et la suite donnée à l’illégalité de celui-ci constatée dans le premier arrêt Interpipe
138 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 4 et 6 ci-dessus, dans le règlement no 954/2006, le calcul du droit antidumping applicable aux anciennes sociétés Interpipe, auxquelles les requérantes ont succédé, incluait l’application, aux prix pratiqués par la société suisse Sepco, devenue par la suite IPE, d’un ajustement analogue à l’ajustement contesté. Dans le premier arrêt Interpipe, le Tribunal a partiellement annulé ledit règlement, précisément en raison de l’illégalité de cet ajustement.
139 Pour statuer en ce sens, le Tribunal a, d’abord, relevé que la Commission s’était fondée sur trois éléments pour conclure que Sepco exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions. Premièrement, les anciennes sociétés Interpipe auraient effectué des ventes directes du produit concerné dans l’Union. Deuxièmement, SPIG Interpipe, la société de vente liée en Ukraine, devenue par la suite IPU, serait intervenue en qualité d’agent de vente pour les ventes des anciennes sociétés Interpipe à Sepco. Troisièmement, les liens de cette dernière avec lesdites sociétés auraient été insuffisants et n’auraient pas permis de considérer qu’elle était sous le contrôle de celles-ci ou qu’il existait un contrôle commun à Sepco et aux anciennes sociétés Interpipe (premier arrêt Interpipe, point 182).
140 Quant au premier élément, le Tribunal a constaté que les ventes directes dans l’Union, effectuées par les anciennes sociétés Interpipe, avaient été poursuivies à destination des nouveaux États membres, dans une phase de transition. En outre, le volume des ventes directes représentait environ 8 % du volume total des ventes desdites sociétés dans l’Union et était donc marginal. Par conséquent, ces sociétés n’avaient assumé que des fonctions de vente complémentaires à celles de Sepco et pour une période transitoire seulement (premier arrêt Interpipe, point 185).
141 Quant au deuxième élément, le Tribunal a souligné que le Conseil n’avait pas expliqué en quoi le fait que SPIG Interpipe reçoive une commission sur les ventes des anciennes sociétés Interpipe à Sepco pouvait démontrer que cette dernière avait exercé des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions ou ferait obstacle à la reconnaissance de son statut de département de vente interne desdites sociétés (premier arrêt Interpipe, point 186).
142 Quant au troisième élément, le Tribunal a relevé que les pièces du dossier ne permettaient pas d’établir l’absence de liens suffisants entre Sepco et l’une des anciennes sociétés Interpipe (premier arrêt Interpipe, point 187).
143 Le Tribunal en a conclu que le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement no 384/96 modifié, pour autant qu’il avait opéré un ajustement sur le prix à l’exportation pratiqué par Sepco, dans le cadre de transactions concernant des produits fabriqués par l’une des anciennes sociétés Interpipe (premier arrêt Interpipe, point 190). En raison d’une violation des droits de la défense, cet ajustement a été considéré comme étant illégal également en ce qu’il avait été appliqué aux transactions portant sur des produits fabriqués par l’autre des anciennes sociétés Interpipe (premier arrêt Interpipe, points 209 à 211).
144 Aux considérants 12 et 13 du règlement d’exécution no 540/2012, adopté par le Conseil, conformément à l’article 266 TFUE, en exécution du premier arrêt Interpipe, confirmé par la Cour, celui-ci, d’une part, a rappelé que le Tribunal avait estimé que, lors de la comparaison de la valeur normale et du prix à l’exportation, les institutions de l’Union n’auraient pas dû procéder à un ajustement au titre des commissions, dans le cas particulier du groupe Interpipe, et, d’autre part, a indiqué que, par conséquent, la marge de dumping avait été recalculée sans adapter le prix à l’exportation au titre des différences dans les commissions.
145 Ainsi que la Commission l’a confirmé à l’audience, le Conseil n’a pas abordé, dans le règlement d’exécution no 540/2012, la question de savoir si d’autres éléments que ceux examinés par le Tribunal dans le premier arrêt Interpipe pouvaient justifier l’application de l’ajustement déclaré illégal dans cet arrêt.
146 Un tel examen ne résulte pas non plus du règlement d’exécution no 585/2012, par lequel le Conseil a maintenu les mesures antidumping en cause (voir point 9 ci-dessus). En effet, il découle des considérants 7, 38 et 57 de ce dernier que, à la suite des décisions du juge de l’Union, aucun ajustement ne devait être appliqué aux prix à l’exportation du groupe Interpipe. Il en va de même du règlement d’exécution no 795/2012, adopté à l’issue du réexamen intermédiaire clôturé en 2012, ainsi qu’il résulte de ses considérants 2, 27 et 28.
147 Dans le règlement 2018/1469, adopté à l’issue du réexamen final clôturé en 2018, la Commission, aux considérants 4 et 5, a décrit l’ensemble des mesures antidumping visant le groupe Interpipe. Au considérant 86, elle a indiqué que, lorsque le producteur-exportateur exportait le produit concerné auprès d’acheteurs indépendants dans l’Union par l’intermédiaire d’IPE, le prix à l’exportation était établi sur la base des prix effectivement payés ou à payer pour le produit concerné vendu à l’exportation vers l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base. Au considérant 87, la Commission a ajouté que, lorsque le producteur-exportateur exportait le produit concerné vers l’Union par l’intermédiaire d’IPCT, le prix à l’exportation était établi sur la base du prix auquel le produit importé était revendu pour la première fois à des acheteurs indépendants dans l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 9, dudit règlement.
148 Dès lors, c’est pour les motifs résultant du premier arrêt Interpipe que la Commission, dans le règlement d’exécution 2018/1469, a continué de ne pas appliquer aux prix à l’exportation des produits vendus par IPE l’ajustement prévu à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.
– Sur l’application de l’ajustement contesté
149 Dans le cadre du réexamen intermédiaire clôturé en 2019, en revanche, la Commission, examinant de manière plus approfondie la question des relations entre les requérantes et IPE, a conclu qu’il convenait d’appliquer l’ajustement contesté.
150 Il découle des considérants 39 à 42 du règlement attaqué que, selon la Commission, pendant la période d’enquête relative au réexamen intermédiaire clôturé en 2019, le groupe Interpipe a exporté vers l’Union le produit concerné par l’intermédiaire de deux canaux de vente différents, à savoir IPE, le même négociant lié, établi en Suisse, que celui par lequel il exportait ses produits, à la date du réexamen intermédiaire clôturé en 2012, et IPCT. Ce dernier canal de distribution n’existait pas encore lors de ce réexamen intermédiaire. En conséquence, et sur la base d’autres éléments qui, au vu de leur caractère confidentiel, n’ont pas été exposés dans ledit règlement, mais ont été communiqués aux requérantes dans la lettre du 2 août 2019, la Commission a considéré qu’il convenait d’appliquer l’ajustement contesté.
151 Il résulte de la lettre du 2 août 2019 que, selon la Commission, l’ajustement contesté se justifiait au vu des quatre éléments suivants.
152 Premièrement, la Commission a relevé qu’IPE et IPCT vendaient les mêmes produits et proposaient les mêmes services à leurs clients établis dans l’Union. Ainsi, IPE, qui n’était pas impliquée dans les ventes effectuées par IPCT, n’était plus la seule société chargée de la distribution dans l’Union des produits fabriqués par les requérantes. Elle a ajouté qu’IPCT était non seulement chargée d’une part importante des ventes du groupe Interpipe dans l’Union, mais qu’elle vendait aussi le produit concerné dans plusieurs États membres et même à certains acheteurs avec lesquels travaillait IPE.
153 Deuxièmement, selon la Commission, IPU était une interface entre, d’une part, IPE et IPCT, et, d’autre part, les requérantes, en ce sens qu’elle rassemblait les commandes en provenance d’IPE et d’IPCT et les attribuait à l’une ou à l’autre des requérantes, selon leurs capacités et leurs programmes de production.
154 Troisièmement, la Commission a constaté que les contrats en cause (voir point 125 ci-dessus) établissaient des procédures détaillées relatives aux réclamations pour des produits non conformes aux spécifications contractuelles. Ces contrats régissaient également les responsabilités exclusives du vendeur et de l’acheteur concernant l’évaluation de la qualité, les dommages de transport et les ajustements techniques pour les besoins des clients finals et prévoyaient une section détaillée sur l’arbitrage pour résoudre tout litige découlant des stipulations contractuelles entre IPU, en tant que vendeur, et IPE ou IPCT, en tant qu’acheteurs. La Commission a ajouté que, dans la plupart des cas, IPU agissait en tant que commissionnaire pour les requérantes et que les contrats entre, d’une part, IPU et, d’autre part, IPE ou IPCT mentionnaient expressément le transfert du risque de la première à l’une ou à l’autre de ces dernières.
155 Quatrièmement, la Commission a souligné que les statuts d’IPE ne contenaient pas de clause d’exclusivité au profit des requérantes, de sorte qu’il était loisible à celle-ci de s’approvisionner auprès d’autres fabricants.
Sur la remise en cause, par les requérantes, des éléments sur lesquels repose l’ajustement contesté
156 La plupart des griefs invoqués par les requérantes au soutien du présent moyen ont en commun de reprocher à la Commission de s’être éloignée, en leur appliquant l’ajustement contesté, des conclusions auxquelles les institutions étaient parvenues au sujet du rôle de Sepco, devenue IPE, depuis qu’elles avaient donné exécution au premier arrêt Interpipe.
157 Toutefois, aux fins de l’appréciation du présent moyen, il y a lieu de se limiter à déterminer si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les quatre éléments repris aux points 152 à 155 ci-dessus permettaient d’appliquer l’ajustement contesté. En effet, les autres griefs des requérantes se recoupent avec ceux qu’elles invoquent à l’appui de la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, au motif que la Commission aurait changé de méthode, sans que les conditions prévues à cette fin par cette disposition soient réunies. Ces griefs seront donc traités lors de l’examen de ladite branche.
158 Il y a lieu de constater que, ainsi que la Commission l’a relevé, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, sans être contredite par les requérantes, aucun des quatre éléments repris aux points 152 à 155 ci-dessus ne présente de lien avec les trois éléments examinés par le Tribunal dans le premier arrêt Interpipe et à l’égard desquels il avait constaté l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation (voir points 139 à 143 ci-dessus). En conséquence, le fait que, dans ledit arrêt, ces trois éléments n’ont pas été considérés comme étant suffisants pour justifier un ajustement analogue à l’ajustement contesté est sans incidence sur la légalité de ce dernier, dès lors que la Commission invoque ces quatre éléments distincts au soutien de sa décision.
159 En ce qui concerne l’absence de clause d’exclusivité (voir point 155 ci-dessus), dans les statuts d’IPE, au profit des requérantes, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la part des ventes réalisées par le négociant de produits provenant de producteurs non liés est un facteur important pour déterminer si ce négociant forme une entité économique unique avec le producteur lié. Ainsi, si le négociant réalise une large part de son chiffre d’affaires par la vente de produits provenant d’entreprises non liées, cette circonstance pourrait constituer un indice de ce que les fonctions de ce négociant ne sont pas celles d’un département interne des ventes (arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T 26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 53).
160 En l’espèce, les requérantes contestent l’argument de la Commission tiré de l’absence de clause d’exclusivité à leur profit dans les statuts d’IPE. Elles font valoir, sans être contredites sur ce point par la Commission, que, dans les faits, IPE n’a toujours vendu que le produit concerné fabriqué par elles.
161 Dès lors que les institutions de l’Union doivent se fonder sur la réalité économique des relations entre les sociétés concernées (voit points 83 et 134 ci-dessus), l’absence d’une telle clause d’exclusivité n’est donc pas un élément qui peut utilement venir au soutien de la légalité de l’ajustement contesté.
162 S’agissant du contenu des contrats en cause (voir points 125 et 154 ci-dessus), il convient de rappeler, au préalable, que, selon la jurisprudence, l’existence de contrats écrits entre des sociétés constitue un élément pertinent pour déterminer si celles-ci forment ou non une entité économique unique. En effet, l’existence de tels contrats tend à démontrer que la relation entre les sociétés concernées est organisée sur la base de conditions commerciales normales (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T 26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 60).
163 En l’espèce, le contenu des contrats en cause, tel que décrit par la Commission dans la lettre du 2 août 2019 et tel qu’il résulte des documents produits par celle-ci en réponse à une mesure d’organisation de la procédure (voir point 28 ci-dessus), constitue un élément de preuve au soutien de sa décision d’appliquer l’ajustement contesté. En effet, la présence d’une clause d’arbitrage destinée à la résolution de contentieux contractuels susceptibles d’opposer les deux sociétés contractantes et l’absence de solidarité entre ces mêmes sociétés, qui présupposent non seulement l’existence de deux personnes juridiques distinctes, mais également de deux entités économiques aux intérêts divergents, n’apparaît pas conciliable avec l’existence d’une entité économique unique et avec la qualification d’une de ces sociétés de département interne de vente (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T 26/12, non publié, EU:T:2015:437, points 62 et 63).
164 Quant à l’identité des activités exercées par IPE et IPCT envers des clients établis dans l’Union (voir point 152 ci-dessus), il y a lieu de relever que les requérantes n’apportent pas de preuve de nature à remettre en cause les constatations de la Commission portant sur le rôle d’IPCT, dont elle a relevé qu’elle vendait le produit concerné dans l’Union, en partie aux mêmes acheteurs que ceux qui se fournissaient auprès d’IPE. En effet, les requérantes se sont bornées à affirmer qu’IPCT avait été créée pour faciliter la vente de roues de chemin de fer, qui n’entrent pas dans la définition du produit concerné, principalement en Allemagne. Par ailleurs, dans leurs observations sur le DIG 2019, les requérantes ont reconnu qu’IPCT « vend[ait] des quantités limitées du produit concerné dans certains États membres ».
165 Or, la Commission est fondée à soutenir qu’une entité économique unique dispose en principe d’un département de vente interne unique, de sorte que l’identité, même partielle, des fonctions de vente au sein de l’Union, exercées par IPE et IPCT, est un élément de preuve de nature à exclure qu’IPE constitue un tel département.
166 Enfin, il convient de relever que le rôle d’interface d’IPU (voir point 153 ci-dessus) corrobore la constatation de la Commission selon laquelle le rôle d’IPCT s’oppose à la qualification d’IPE de département de vente interne. En effet, ainsi que la Commission l’a exposé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, le fait qu’IPU traite les commandes émanant tant d’IPE que d’IPCT ne permet pas d’exclure toute possibilité de concurrence entre ces deux dernières sociétés pour la vente des mêmes produits sur le marché de l’Union. Or, les requérantes n’exposent pas les raisons pour lesquelles le groupe Interpipe serait organisé de manière telle qu’une société supposée agir en tant que département interne de vente serait en concurrence avec une autre société du même groupe.
167 Il s’ensuit que, réserve faite de l’absence, dans les statuts d’IPE, de clause d’exclusivité au profit des requérantes, les éléments retenus par la Commission constituent des indices convergents de nature à exclure qu’IPE puisse être considérée comme un département interne de vente (voir point 137 ci-dessus).
168 Au vu des considérations qui précèdent, il doit être conclu que, en appliquant l’ajustement contesté, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen, visé au point 34 ci-dessus.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, en ce que la Commission achangé de méthode de calcul de la valeur normale et du prix à l’exportation
169 Les requérantes soutiennent que, en vertu de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, lors des enquêtes de réexamen effectuées au titre de l’article 11, paragraphes 2 et 3, dudit règlement, la Commission est tenue, en règle générale, d’utiliser la même méthode, notamment pour déterminer la valeur normale et le prix à l’exportation, que celle qu’elle a utilisée lors de l’enquête ayant abouti à l’institution des mesures faisant l’objet du réexamen. Cette méthode ne pourrait être modifiée que si les circonstances avaient changé. En revanche, la Commission ne pourrait pas recourir à une nouvelle méthode au seul motif qu’elle la trouve plus appropriée que l’ancienne, pourvu que cette dernière soit conforme au règlement de base. En l’espèce, la méthode de référence serait celle qui a été appliquée lors du réexamen final clôturé en 2018. Par ailleurs, les requérantes soutiennent que la Commission, lorsqu’elle cherche à s’appuyer sur son enquête initiale, contredit son propre argument selon lequel les enquêtes précédentes ne constituent pas un point de référence.
170 Les requérantes rappellent que les frais VAG contestés n’avaient été pris en compte par la Commission ni lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2012, ni, à la suite de leurs remarques (voir points 13, 15 et 17 ci-dessus), lors du réexamen final clôturé en 2018 et que, bien qu’IPCT ait été constituée avant ce dernier réexamen, le prix à l’exportation avait été calculé, dans le cadre de celui-ci, sans appliquer l’ajustement contesté aux prix pratiqués par IPE.
171 Ainsi, par le présent moyen, les requérantes font valoir que la Commission a violé, à un double titre, l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, en ce que, lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2019, elle a calculé, d’une part, la valeur normale (première branche) et, d’autre part, le prix à l’exportation (seconde branche), suivant une méthode différente de celle qu’elle avait appliquée antérieurement. Elles précisent que les changements que la Commission a apportés à ses calculs constituent une « méthode » au sens de la disposition mentionnée ci-dessus, et non une « approche », terme utilisé par la Commission devant le Tribunal, qui ne correspondrait toutefois à aucune notion figurant dans le règlement de base.
172 Avant d’examiner les deux branches du présent moyen, il convient de rappeler les termes de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, ainsi que les principes dégagés par la jurisprudence.
173 Selon l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, dans toutes les enquêtes de réexamen au sens de cet article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu notamment des dispositions de l’article 2 du même règlement.
174 En premier lieu, il convient de relever que l’exception permettant aux institutions d’appliquer, lors de la procédure de réexamen, une méthode différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale lorsque les circonstances ont changé doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte, une dérogation ou une exception à une règle générale devant être interprétée restrictivement (arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C 461/18 P, EU:C:2020:979, point 143). La charge de la preuve incombe aux institutions qui doivent démontrer que les circonstances ont changé afin d’appliquer, lors de l’enquête de réexamen, une méthode différente de celle mise en œuvre lors de l’enquête initiale (arrêt du 19 septembre 2013, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, C 15/12 P, EU:C:2013:572, point 18).
175 L’exigence d’une interprétation stricte de la possibilité, admise à titre exceptionnel, par l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, d’un changement de méthode ne saurait permettre aux institutions de continuer d’appliquer une méthode qui ne serait pas conforme aux dispositions de l’article 2 de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2013, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, C 15/12 P, EU:C:2013:572, point 19 ; du 18 septembre 2014, Valimar, C 374/12, EU:C:2014:2231, point 43, et du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C 461/18 P, EU:C:2020:979, point 144).
176 En revanche, pour justifier un changement de méthode, il ne suffit pas qu’une nouvelle méthode soit plus appropriée que l’ancienne, dans l’hypothèse toutefois où l’ancienne méthode serait conforme à l’article 2 du règlement de base (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T 466/12, EU:T:2015:151, point 91 et jurisprudence citée).
177 En deuxième lieu, le changement de circonstances visé par les dispositions de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base concerne les paramètres appliqués, conformément aux dispositions de l’article 2 du même règlement, au titre de la méthode retenue, lors de l’enquête qui a abouti à l’imposition du droit, afin de calculer la marge de dumping (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2015, CHEMK et KF/Conseil, T 169/12, EU:T:2015:231, point 90).
178 En troisième lieu, l’emploi de la même méthode ne signifie pas qu’il soit nécessaire de reprendre les mêmes données recueillies au cours d’une enquête antérieure, ni les mêmes conclusions factuelles ou chiffrées obtenues à partir desdites données (arrêt du 7 février 2013, Acron/Conseil, T 118/10, non publié, EU:T:2013:67, point 115).
179 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner successivement les deux branches du présent moyen.
Sur la première branche, relative à un changement par la Commission de méthode de calcul de la valeur normale
180 Au soutien de la première branche du troisième moyen, les requérantes exposent que, ni dans le règlement attaqué ni dans la lettre du 2 août 2019, la Commission n’a fait état du moindre changement de circonstances, depuis l’enquête relative au réexamen final clôturé en 2018, qui justifierait l’application d’une méthode différente pour déterminer si leurs ventes avaient été effectuées au cours d’opérations commerciales normales et pour établir la valeur normale construite. En outre, les requérantes font observer que, dans ladite lettre, la Commission a reconnu qu’elle avait changé de méthode, au motif que, lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2012 et du réexamen final clôturé en 2018, les frais VAG contestés avaient par erreur été omis et a déclaré que la méthode désormais appliquée était conforme à l’article 2, paragraphes 4 et 6, du règlement de base et que l’erreur susvisée ne donnait pas lieu à une confiance légitime, dont les requérantes pouvaient se prévaloir. Or, selon ces dernières, ces brèves explications fournies par la Commission ne permettent pas de considérer qu’elle a prouvé l’existence d’un changement de circonstances, au titre de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, qui serait d’interprétation stricte.
181 La Commission ne serait pas davantage parvenue à prouver que l’exclusion des frais VAG contestés ne respectait pas l’article 2 du règlement de base. En effet, l’affirmation de la Commission portant sur la conformité de la nouvelle méthode audit article n’équivaudrait pas à expliquer que la méthode suivie lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2012 et du réexamen final clôturé en 2018 était incorrecte. Les requérantes insistent sur le fait que la prétendue erreur que la Commission aurait commise à partir du réexamen intermédiaire clôturé en 2012, si elle en était véritablement une, aurait dû être corrigée lors du réexamen final clôturé en 2018. Or, dans le cadre de celui-ci, la Commission aurait spécifiquement examiné, de manière détaillée, les frais VAG contestés et finalement accepté la position défendue par les requérantes concernant ces frais.
182 La Commission conteste les arguments des requérantes.
183 Il convient de relever que la décision de prendre en compte ou d’écarter les frais VAG contestés aux fins de la détermination de la valeur normale n’est pas un élément de nature factuelle, que la Commission pouvait mettre à jour sur la base de nouvelles données fournies par les requérantes, mais résulte de l’interprétation que celle-ci a choisi de donner des dispositions pertinentes de l’article 2 du règlement de base, notamment de ses paragraphes 3, 4 et 6. Ainsi, l’inclusion de ces frais lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2019, après leur exclusion lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2012 et du réexamen final clôturé en 2018, constitue un changement de méthode au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.
184 Toutefois, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, le règlement de base, interprété à la lumière de la jurisprudence pertinente, impose d’appliquer le test OCN et de construire la valeur normale au sens de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement sur la base de l’ensemble des frais VAG exposés lors des ventes des requérantes, directes et indirectes, sur le marché ukrainien. Ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, la méthode qu’elle a appliquée lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2012 et du réexamen final clôturé en 2018 n’était pas conforme à l’article 2 du règlement de base, en ce qu’elle excluait les frais VAG contestés.
185 Il en résulte que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 175 ci-dessus, le changement de méthode effectué par la Commission n’est pas contraire à l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.
186 Dans le cadre de la présente branche, les requérantes invoquent également un grief relatif à la violation du principe de protection de la confiance légitime, en ce que, lorsqu’elles ont demandé à la Commission d’entreprendre (voir point 12 ci-dessus) le réexamen intermédiaire clôturé en 2019, qui a abouti à l’adoption du règlement attaqué, elles s’attendaient à ce que la marge de dumping soit calculée suivant la même méthode que celle utilisée par la Commission depuis le réexamen intermédiaire clôturé en 2012.
187 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, tout particulier a le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime lorsqu’il se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Les assurances données doivent, en outre, être conformes aux normes applicables (arrêt du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C 369/09 P, EU:C:2011:175, point 123 ; voir, également, arrêt du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T 369/08, EU:T:2010:549, point 139 et jurisprudence citée).
188 En l’espèce, à supposer que les requérantes aient reçu de la Commission des assurances suffisamment précises concernant l’exclusion des frais VAG contestés, ces assurances auraient été contraires à l’article 2 du règlement de base, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen.
189 En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier que de telles assurances aient été données aux requérantes dans le cadre du réexamen intermédiaire clôturé en 2012. Quant aux assurances qui auraient résulté des échanges ayant eu lieu entre la Commission et les requérantes, au sujet des frais VAG contestés, pendant le réexamen final clôturé en 2018, il y a lieu de relever que ceux-ci ont commencé le 13 juillet 2018 (voir point 13 ci-dessus). Or, avant cette date, les requérantes avaient déjà demandé le réexamen intermédiaire clôturé en 2019, qui a abouti à l’adoption du règlement attaqué, ainsi qu’il résulte de la publication, le 7 mai 2018, de l’avis portant sur ce dernier réexamen (voir point 12 ci-dessus). Ainsi, les requérantes ne peuvent invoquer une confiance légitime qui résulterait d’échanges préalablement intervenus dans le cadre du réexamen final clôturé en 2018.
190 Partant, le grief des requérantes tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime est dépourvu de fondement.
191 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen.
Sur la seconde branche, relative à un changement par la Commission de méthode de calcul du prix à l’exportation
192 Par la seconde branche du présent moyen, les requérantes font valoir que la constitution d’IPCT, en 2014, ne représente pas un changement de circonstances au regard de la situation qui prévalait lors du réexamen final clôturé en 2018, qui serait susceptible de justifier l’introduction de l’ajustement contesté. Ainsi, la Commission aurait dû continuer à appliquer la méthode suivie lors dudit réexamen, à défaut de pouvoir démontrer que celle-ci n’était pas conforme à l’article 2 du règlement de base. Les requérantes contestent l’argument, avancé par la Commission dans la lettre du 2 août 2019, selon lequel, le but d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures étant différent de celui d’un réexamen intermédiaire, elle aurait fait une analyse détaillée de la structure du groupe Interpipe lors de l’examen intermédiaire clôturé en 2019, mais non lors du réexamen final clôturé en 2018. Elles s’opposent également à l’argument de la Commission selon lequel la question pertinente aux fins de l’application de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base est de savoir si les circonstances ont changé depuis le précédent réexamen intermédiaire. Les règles de procédure, à l’exclusion de celles qui concernent les délais, et l’étendue des enquêtes de réexamen au titre de l’expiration des mesures et des enquêtes de réexamen intermédiaire seraient similaires, voire identiques, en ce qui concerne la détermination de la marge de dumping, ainsi qu’il résulterait de l’article 11, paragraphe 5, du règlement de base.
193 La Commission conteste les arguments des requérantes.
194 Ainsi qu’il résulte des points 143 à 148 ci-dessus, après le prononcé du premier arrêt Interpipe et jusqu’au réexamen intermédiaire clôturé en 2019, les institutions, lorsqu’elles ont décidé de ne plus appliquer au groupe Interpipe l’ajustement qui avait été déclaré illégal par le Tribunal dans ledit arrêt, n’ont pas examiné les quatre éléments, repris aux points 152 à 155 ci-dessus, sur le fondement desquels la Commission a, après le réexamen intermédiaire clôturé en 2019, opéré l’ajustement contesté.
195 Il est vrai que, lors du réexamen final clôturé en 2018, l’existence de IPCT a été évoquée par la Commission. Toutefois, celle-ci n’en a tiré aucune conséquence quant aux prix à l’exportation d’IPE.
196 Il s’ensuit que, aux fins de l’adoption du règlement attaqué, la Commission a appliqué l’ajustement contesté en se fondant sur des éléments factuels qu’elle n’avait pas examinés antérieurement ou dont elle n’avait pas tiré de conséquences juridiques.
197 Il convient d’ajouter que l’application d’un ajustement sur la base d’éléments qui n’avaient pas été examinés par le passé ne saurait être considérée comme un changement de méthode au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, mais comme la conséquence de la constatation que les conditions requises pour un tel ajustement sont à présent remplies (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2011, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, T 423/09, EU:T:2011:764, point 57).
198 En tout état de cause, à supposer que la Commission ait changé de méthode au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, il convient de relever, en premier lieu, que, selon la jurisprudence, des changements affectant la structure d’un groupe et l’organisation de ses ventes à l’exportation vers l’Union constituent un changement de circonstances au sens de ladite disposition. Un tel changement de circonstances est de nature à justifier le changement de méthode opéré, dès lors que ce changement est la conséquence de l’apparition d’un deuxième canal de ventes du groupe concerné et, ainsi, du changement intervenu dans l’organisation des ventes dudit groupe (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T 466/12, EU:T:2015:151 points 100 et 101).
199 Le droit dont dispose ainsi la Commission d’appliquer l’ajustement contesté sans violer l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base n’est pas affecté par la circonstance selon laquelle les quatre éléments sur lesquels elle s’est fondée à cette fin ne sont pas tous nouveaux, de sorte que la Commission aurait pu prendre en considération auparavant ceux de ces éléments qui préexistaient. À supposer que ce soit par erreur que la Commission ait omis, lors des précédents réexamens, d’étudier lesdits éléments ou d’en tirer les conséquences légales, elle ne saurait être tenue de réitérer la même erreur lors de l’adoption du règlement attaqué, dans le seul but de ne pas enfreindre l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base. En effet, ce dernier ne saurait être interprété en ce sens que la Commission doit continuer d’appliquer une méthode qui ne serait pas conforme aux dispositions de l’article 2 dudit règlement (voir point 175 ci-dessus).
200 En second lieu, il convient de noter que le rôle d’IPCT constitue l’un des éléments principaux justifiant l’ajustement contesté. Il est vrai que cette société était déjà en activité lors du réexamen final clôturé en 2018 et que la Commission l’a mentionnée dans le règlement d’exécution 2018/1469. Toutefois, selon la jurisprudence, dans le cadre du réexamen des mesures antidumping parvenant à expiration, effectué au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, les institutions sont seulement tenues d’établir si l’expiration de ces mesures favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice, de sorte que lesdites mesures seraient maintenues. Dans le cas contraire, les mesures antidumping sont abrogées. Par conséquent, un réexamen des mesures parvenant à expiration ne peut pas entraîner la modification des mesures en vigueur. En revanche, s’agissant d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, de ce règlement, la Commission peut, notamment, examiner si les circonstances concernant le dumping et le préjudice ont sensiblement changé et elle peut non seulement abroger ou maintenir les mesures antidumping, mais également les modifier [arrêts du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C 373/08, EU:C:2010:68, point 76 ; du 18 septembre 2014, Valimar, C 374/12, EU:C:2014:2231, point 52, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 57].
201 Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné plus en détail, lors du réexamen final clôturé en 2018, le rôle d’IPCT et de ne pas en avoir tiré les mêmes conséquences juridiques que celles qu’elle en a tiré lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2019.
202 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du présent moyen et, par conséquent, l’ensemble des griefs invoqués dans le cadre des deuxième (voir points 157 et 168 ci-dessus) et troisième moyens.
203 Le rejet des trois premiers moyens entraîne également celui des griefs des requérantes mentionnés au point 36 ci-dessus, étant donné que les violations de l’article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de base et de l’article 9.3 de l’accord antidumping OMC qu’elles invoquent sont exclusivement fondées sur les griefs qui ont été écartés en examinant lesdits moyens.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense
204 Les requérantes font valoir que leurs droits de la défense ont été violés au motif que ce ne serait que par la lettre du 2 août 2019, envoyée le même jour que celui de la publication au Journal officiel du règlement attaqué, que la Commission leur aurait communiqué de nouveaux arguments portant sur le fait que des frais VAG seraient engagés même en cas de ventes à un acheteur lié tel qu’IPU et sur l’admission de l’existence d’une erreur à cet égard lors du réexamen intermédiaire clôturé en 2012 et du réexamen final clôturé en 2018 ainsi que sur les statuts d’IPE et sur les contrats en cause. Ces arguments seraient le fondement de la décision de la Commission, d’une part, d’inclure les frais VAG contestés aux fins de la détermination de la valeur normale et, d’autre part, de ne plus traiter IPE comme un département de vente interne.
205 Les requérantes soulignent que, pour que le présent moyen aboutisse, elles ne sont pas tenues de démontrer que, si elles avaient pu présenter leurs observations sur lesdits arguments avant l’adoption du règlement attaqué, le contenu de celui-ci aurait été différent. Il serait suffisant qu’une telle hypothèse ne soit pas entièrement exclue, dès lors qu’elles auraient pu mieux assurer leur défense en l’absence de l’irrégularité procédurale. Il ressortirait des premier et deuxième moyens que les requérantes étaient en mesure de présenter des observations supplémentaires susceptibles de remettre en cause le bien-fondé des changements de méthode que la Commission aurait introduits dans le règlement attaqué, par la prise en compte des frais VAG contestés et par l’application de l’ajustement contesté. Ainsi, il ne pourrait être totalement exclu que la Commission aurait pu aboutir à une décision différente sur les questions soulevées dans lesdits moyens si, au cours de la procédure administrative, les requérantes avaient reçu les informations contenues dans la lettre du 2 août 2019.
206 La Commission conteste les arguments des requérantes.
207 Avant d’examiner les arguments des requérantes relatifs à la prétendue violation des droits de la défense en ce qui concerne tant les frais VAG que l’ajustement contestés, il y a lieu de rappeler les principes de base relatifs auxdits droits.
208 Le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union, dont le droit d’être entendu fait partie intégrante [voir arrêts du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C 129/13 et C 130/13, EU:C:2014:2041, point 28 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 643/11, EU:T:2014:1076, point 38 et jurisprudence citée].
209 Le respect des droits de la défense, qui revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping, suppose que les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait [arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C 49/88, EU:C:1991:276, point 17 ; du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78, points 76 et 77, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 643/11, EU:T:2014:1076, point 41].
210 L’existence d’une irrégularité dans le respect de ces droits ne saurait conduire à l’annulation d’un règlement instaurant un droit antidumping que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie concernée. Toutefois, il ne saurait être imposé à cette partie de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue, dès lors que ladite partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale dénoncée (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T 301/16, EU:T:2019:234, points 66 et 67 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78, points 78 et 79).
211 Enfin, il convient de rappeler que le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter. Ainsi ce droit ne commande pas que, avant d’adopter sa position finale sur l’appréciation des éléments présentés par une partie, l’administration soit tenue d’offrir à cette dernière une nouvelle possibilité de s’exprimer à propos desdits éléments (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C 155/18 P à C 158/18 P, EU:C:2020:151, point 94 et jurisprudence citée ; du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T 18/05, EU:T:2010:202, point 109, et du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T 175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 344).
212 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les griefs des requérantes relatifs à la prétendue violation des droits de la défense en ce qui concerne, d’une part, les frais VAG et, d’autre part, l’ajustement contesté.
Sur les griefs relatifs aux frais VAG contestés
213 Selon les requérantes, dans le DIG 2019, la Commission avait indiqué qu’elle avait l’intention de prendre en compte les frais VAG contestés aux fins de la détermination de la valeur normale. Elles indiquent avoir critiqué cette approche de la Commission dans leurs observations sur le DIG 2019, soutenant que, en procédant ainsi, celle-ci reprenait la thèse qu’elle avait déjà avancée dans le cadre du réexamen final clôturé en 2018, à laquelle elle avait renoncé, lors de l’adoption du règlement d’exécution 2018/1469, à la suite des objections qu’elles avaient soulevées.
214 Il est vrai que, aux points 3 à 6 de la lettre du 2 août 2019, la Commission a précisé, premièrement, que les requérantes avaient mentionné, dans leurs réponses au questionnaire qu’elle leur avait envoyé, l’existence de frais relatifs aux ventes entre sociétés liées au sein du groupe Interpipe, deuxièmement, que les ventes entre ces sociétés comportaient des frais VAG, troisièmement, que la méthode utilisée pour l’application de l’article 2 du règlement de base devait refléter tous les coûts supportés par l’entreprise concernée et, quatrièmement, que les frais VAG contestés avaient été exclus, par erreur, lors du réexamen final clôturé en 2018 et du réexamen intermédiaire clôturé en 2012, alors qu’elle les aurait pris en compte lors de l’enquête initiale.
215 Toutefois, ces observations de la Commission, que les requérantes ont reçues après l’adoption du règlement attaqué, ne contiennent pas d’éléments de fait ou de droit dont celles-ci n’avaient pas eu connaissance auparavant et sur lesquels elles n’auraient pu s’exprimer. Elles constituent le fondement de la position finale de la Commission sur la question des frais VAG contestés, de sorte que, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 211 ci-dessus, aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée à cet égard.
216 Par ailleurs, dès lors que les requérantes font valoir que les arguments supplémentaires qu’elles auraient pu invoquer devant la Commission, si elles avaient reçu plus tôt les éléments contenus dans la lettre du 2 août 2019, sont ceux qu’elles ont soulevés devant le Tribunal (voir point 205 ci-dessus), il doit être relevé que tous ces arguments ont été rejetés lors de l’examen des autres moyens invoqués dans le présent recours. Ainsi, il n’est pas démontré que, si les requérantes avaient soulevé ces arguments pendant la procédure administrative, celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T 468/08, non publié, EU:T:2014:235, point 217).
217 Dès lors, il y a lieu de rejeter les présents griefs.
Sur les griefs relatifs à l’ajustement contesté
218 Il y a lieu de rappeler que, dans la lettre du 2 août 2019, dont la date coïncide avec la publication au Journal officiel du règlement attaqué, la Commission a complété la motivation de ce dernier par des éléments qui, en raison de leur caractère confidentiel, ne pouvaient pas figurer dans ce règlement. Dans ladite lettre, la Commission a répondu aux objections que les requérantes avaient soulevées dans leurs observations sur le DIG 2019, auxquelles elle n’avait pas répondu dans le document d’information additionnelle du 27 juin 2019 (voir point 22 ci-dessus).
219 Les quatre éléments, décrits dans la lettre du 2 août 2019, sur lesquels la Commission s’est fondée pour appliquer l’ajustement contesté (voir points 151 à 155 ci-dessus), avaient été exposés à l’intention des requérantes dans le DIG 2019, aux points 34 à 42. Dans les observations sur le DIG 2019, les requérantes ont énuméré ces quatre éléments et pris position sur chacun d’eux.
220 Les requérantes soutiennent cependant que la lettre du 2 août 2019 contient des justifications additionnelles qui ne figureraient pas dans le DIG 2019. La Commission y aurait ainsi mentionné, pour la première fois, que les contrats en cause stipulaient que le risque était transféré d’IPU à IPE ou à IPCT et que les statuts d’IPE n’indiquaient pas que celle-ci agissait sous les instructions d’IPU, mais prévoyaient qu’IPE pouvait effectuer toute opération financière, fiduciaire ou commerciale concernant son objet.
221 Or, il convient de constater que ces prétendues justifications additionnelles sont de simples précisions relatives aux éléments figurant dans le DIG 2019, que la Commission a ajoutées à la suite des observations formulées par les requérantes sur ce dernier. Ces précisions, qui portent sur le contenu des statuts d’IPE et des contrats en cause, à l’évidence connus des requérantes, ne contiennent pas d’élément de fait et de droit nouveau, mais concernent des questions sur lesquelles les requérantes s’étaient exprimées dans lesdites observations.
222 Dès lors, il y a lieu de conclure que, dans la lettre du 2 août 2019, la Commission n’a fait qu’exposer sa position finale sur l’ajustement contesté, adoptée sur le fondement d’éléments sur lesquels les requérantes avaient eu l’occasion d’exposer leur avis. Dans ces circonstances, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 211 ci-dessus, aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée.
223 Par ailleurs, les considérations exposées au point 216 ci-dessus sont applicables également aux présents griefs des requérantes.
224 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
225 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Interpipe Niko Tube LLC et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant OJSC sont condamnées aux dépens.