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Décisions

CJUE, 4e ch., 15 juillet 2021, n° C-190/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DocMorris NV

Défendeur :

Apothekerkammer Nordrhein

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras (rapporteur)

Juges :

N. Piçarra, D. Šváby, S. Rodin, K. Jürimäe

Avocat général :

H. Saugmandsgaard Øe

Avocats :

A. Feissel, K. Wodarz, M. Douglas

CJUE n° C-190/20

15 juillet 2021

LA COUR (quatrième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 87, paragraphe 3, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012 (JO 2012, L 299, p. 1) (ci après la « directive 2001/83 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DocMorris NV, une société de droit néerlandais exploitant une pharmacie par correspondance établie aux Pays Bas, à l’Apotherkerkammer Nordrhein (chambre des pharmaciens de Rhénanie du Nord, Allemagne), au sujet d’un prospectus publicitaire distribué par DocMorris auprès de sa clientèle en Allemagne pour un « grand jeu promotionnel », prévoyant comme condition de participation l’envoi d’une ordonnance pour un médicament soumis à prescription médicale.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 98/34

3 L’article 1er, premier alinéa, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18) (ci-après la « directive 98/34 »), prévoyait :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

2) “service” : tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services. »

 La directive 2000/31/CE

4 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1), est ainsi libellé :

« 1. La présente directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres.

2. La présente directive rapproche, dans la mesure nécessaire à la réalisation de l’objectif visé au paragraphe 1, certaines dispositions nationales applicables aux services de la société de l’information et qui concernent le marché intérieur, l’établissement des prestataires, les communications commerciales, les contrats par voie électronique, [...] »

5 L’article 2, sous a), de cette directive définit les « services de la société de l’information » comme les services visés à l’article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34.

 La directive 2001/83

6 Contenu dans le titre VIII, intitulé « Publicité », de la directive 2001/83, l’article 86 de celle-ci prévoit :

« 1. Aux fins du présent titre, on entend par “publicité pour des médicaments” toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ; elle comprend en particulier :

– la publicité pour les médicaments auprès du public,

– la publicité pour les médicaments auprès des personnes habilitées à les prescrire ou à les délivrer,

– la visite des délégués médicaux auprès de personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments,

– la fourniture d’échantillons,

– les incitations à prescrire ou à délivrer des médicaments par l’octroi, l’offre ou la promesse d’avantages, pécuniaires ou en nature, sauf lorsque leur valeur intrinsèque est minime,

– le parrainage de réunions promotionnelles auxquelles assistent des personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments,

– le parrainage des congrès scientifiques auxquels participent des personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments, et notamment la prise en charge de leurs frais de déplacement et de séjour à cette occasion.

2. Ne sont pas couverts par le présent titre :

– l’étiquetage et la notice qui sont soumis aux dispositions du titre V,

– la correspondance, accompagnée le cas échéant de tout document non publicitaire, nécessaire pour répondre à une question précise sur un médicament particulier,

– les informations concrètes et les documents de référence relatifs, par exemple, aux changements d’emballages, aux mises en garde concernant les effets indésirables dans le cadre de la pharmacovigilance, ainsi qu’aux catalogues de vente et aux listes de prix pour autant que n’y figure aucune information sur le médicament,

– les informations relatives à la santé humaine ou à des maladies humaines, pour autant qu’il n’y ait pas de référence, même indirecte, à un médicament. »

7 L’article 87, paragraphe 3, de cette directive dispose :

« La publicité faite à l’égard d’un médicament :

— doit favoriser l’usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés,

— ne peut être trompeuse. »

8 Aux termes de l’article 88, paragraphes 1 à 3, de ladite directive :

« 1. Les États membres interdisent la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments :

a) qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, conformément au titre VI ;

[...]

2. Les médicaments qui, par leur composition et leur objectif, sont destinés à être utilisés sans intervention d’un médecin pour le diagnostic, la prescription ou la surveillance du traitement, au besoin avec le conseil du pharmacien, et conçus dans cette optique, peuvent faire l’objet d’une publicité auprès du grand public.

3. Les États membres peuvent interdire sur leur territoire la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui sont remboursables. »

 Le droit allemand

9 L’article 7, paragraphe 1, première phrase, du Gesetz über die Werbung auf dem Gebiete des Heilwesens (Heilmittelwerbegesetz) (loi sur la publicité relative aux médicaments), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « HWG »), prévoit :

« Il est interdit d’offrir, d’annoncer ou d’accorder des avantages et autres cadeaux publicitaires (produits ou services) ou, pour les professionnels de la santé, de les accepter, à moins que :

1. ces avantages et cadeaux publicitaires soient des objets de valeur minime [...]. Les avantages et cadeaux publicitaires pour des médicaments sont interdits dans la mesure où ils sont accordés en violation des dispositions en matière de prix applicables sur le fondement de l’[Arzneimittelgesetz (loi sur les médicaments)].

2. ces avantages et cadeaux publicitaires

a) soient accordées en une somme d’argent déterminée ou à calculer d’une manière déterminée [...]

[...]

Les avantages et cadeaux publicitaires pour des médicaments, prévus au point a), sont interdits dans la mesure où ils sont accordés en violation des dispositions en matière de prix applicables sur le fondement de la loi sur les médicaments [...]

 [...]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10 DocMorris exploite une pharmacie par correspondance établie aux Pays-Bas, qui livre à des clients en Allemagne des médicaments soumis à prescription médicale. Au mois de mars 2015, elle a distribué, dans toute l’Allemagne, un prospectus publicitaire pour un « grand jeu promotionnel » promettant, en tant que gain principal, un bon pour une bicyclette électrique d’une valeur de 2 500 euros et, en tant que deuxième à dixième prix, une brosse à dents électrique. Pour participer au tirage au sort, il aurait suffi d’envoyer à DocMorris, dans une enveloppe préaffranchie, un bon de commande pour un médicament soumis à prescription médicale, en y joignant cette ordonnance médicale.

11 Le 16 juin 2015, la chambre des pharmaciens de Rhénanie du Nord, chargée de la surveillance, dans cette circonscription, du respect des obligations professionnelles des pharmaciens, a introduit une action contre DocMorris devant le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), tendant à la cessation de la publicité en cause, au motif qu’elle présenterait un caractère anticoncurrentiel.

12 À la suite du rejet de son action par le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main), la chambre des pharmaciens de Rhénanie du Nord a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), qui a accueilli ce recours. DocMorris a alors formé un pourvoi en Revision devant la juridiction de renvoi, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par lequel cette société demande le rétablissement du jugement rendu en première instance.

13 La juridiction de renvoi précise que seule la publicité portant sur un produit déterminé entre dans le champ d’application du HWG, contrairement à la publicité générale pour une entreprise. Or, une publicité pour l’ensemble de la gamme de produits d’une pharmacie, telle que celle en cause au principal, pourrait être également considérée comme une publicité axée sur un produit. Par ailleurs, il résulterait de l’article 86, paragraphe 1, et de l’article 88, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/83 que celle ci couvre non pas uniquement la publicité se rapportant à certains médicaments déterminés, mais également la publicité pour des médicaments en général.

14 La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité avec les objectifs et les dispositions de la directive 2001/83 de l’interdiction de principe des cadeaux publicitaires prévue à l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du HWG. Elle estime qu’une telle interdiction pourrait se justifier au regard de l’article 87, paragraphe 3, de cette directive, dès lors qu’elle vise à prévenir le risque que, lors de sa décision d’avoir recours à un médicament, le consommateur soit influencé par la perspective de cadeaux publicitaires liés à l’achat de ce médicament. Elle considère, à cet égard, que la décision du patient de se procurer un médicament soumis à prescription médicale auprès d’une pharmacie par correspondance nationale ou étrangère plutôt qu’auprès d’une pharmacie physique, qui peut prodiguer le conseil objectivement nécessaire, devrait reposer sur des motifs objectifs et ne pas être soumise à de tels incitants.

15 La juridiction de renvoi constate, toutefois, que la directive 2001/83 ne contient aucune disposition spécifique relative à la publicité d’un médicament prenant la forme d’un jeu incluant un tirage au sort. Par ailleurs, il ressortirait de l’arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung (C 148/15, EU:C:2016:776), qu’il ne peut pas être interdit aux pharmacies par correspondance établies dans d’autres États membres de pratiquer, à l’égard des pharmacies conventionnelles établies sur le territoire de l’État membre concerné, une concurrence par les prix destinée à compenser la limitation de leur offre de services, tenant à l’impossibilité de prodiguer sur place des conseils individuels aux patients.

16 Or, en raison du cadre juridique applicable en Allemagne pour la vente de médicaments soumis à prescription médicale et, notamment, de la prise en charge de la majeure partie du coût de tels médicaments par les organismes d’assurance maladie, il n’existerait pas, entre les pharmacies conventionnelles établies en Allemagne, une concurrence par les prix comparable à celle existant dans d’autres secteurs marchands. Les pharmacies par correspondance établies dans d’autres États membres pratiqueraient, alors, une autre forme de concurrence par les prix, en offrant à leurs clients des avantages ayant une valeur pécuniaire, sous la forme de bons ou de primes.

17 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Est-il conforme aux dispositions du titre VIII, et en particulier à l’article 87, paragraphe 3, de la directive [2001/83], d’interpréter une disposition nationale – en l’occurrence l’article 7, paragraphe 1, première phrase, [du HWG] – en ce sens qu’il est interdit à une pharmacie par correspondance établie dans un autre État membre de prospecter des clients en promettant un gain dans le cadre d’un jeu promotionnel dès lors que la participation à ce jeu est liée au dépôt d’une ordonnance pour un médicament à usage humain soumis à prescription médicale, que le gain promis [est non] pas un médicament, mais un autre objet – en l’occurrence une bicyclette électrique d’une valeur de 2 500 euros et des brosses à dents électriques – et qu’il n’y a pas lieu de craindre d’encourager une utilisation irrationnelle et excessive de médicaments ? »

 Sur la question préjudicielle

18 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions contenues dans le titre VIII de la directive 2001/83, et en particulier l’article 87, paragraphe 3, de celle-ci, s’opposent à une réglementation nationale interdisant à une pharmacie qui vend des médicaments par correspondance d’organiser une action publicitaire sous la forme d’un jeu promotionnel permettant aux participants de remporter des objets de la vie courante autres que des médicaments, la participation à ce jeu étant subordonnée à l’envoi d’une commande pour un médicament à usage humain soumis à prescription médicale, accompagnée de cette prescription.

19 À cet égard, il convient de relever que cette question repose sur la prémisse selon laquelle la directive 2001/83 est applicable au litige au principal.

20 Le titre VIII de la directive 2001/83, relatif à la publicité pour des médicaments, qui comporte l’article 87, paragraphe 3, de celle-ci, s’attache à réglementer le contenu du message publicitaire et les modalités de la publicité pour des médicaments déterminés, mais ne régit pas la publicité pour les services de vente par correspondance de médicaments [voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne), C 649/18, EU:C:2020:764, points 49 et 50)].

21 Or, la question posée vise l’interdiction d’un jeu promotionnel tendant à inciter les clients à acheter, auprès d’une pharmacie déterminée, non pas un médicament déterminé, mais tout médicament qui leur aurait été prescrit par leur médecin. En d’autres termes, ainsi que la chambre des pharmaciens de Rhénanie du Nord l’a relevé dans ses observations écrites, une action publicitaire telle que celle menée en l’occurrence par DocMorris vise à influencer non pas le choix du client pour un médicament donné, mais celui de la pharmacie auprès de laquelle ce client achète ce médicament, lequel choix se situe en aval de celui du médicament. Il s’agit, dès lors, d’une publicité non pas pour un médicament déterminé, mais pour toute la gamme de médicaments soumis à prescription médicale et proposée à la vente par la pharmacie en question.

22 Il s’ensuit qu’une action publicitaire, telle que celle en cause au principal, ne relève pas du champ d’application des dispositions du titre VIII de la directive 2001/83.

23 Toutefois, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. En conséquence, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation d’une disposition particulière du droit de l’Union, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, point 50 et jurisprudence citée).

24 En l’occurrence, contrairement à ce qu’ont soutenu plusieurs intéressés dans leurs réponses à la question pour réponse écrite que la Cour a adressée aux parties à la procédure et aux autres intéressés, au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il convient de relever que les éléments fournis dans la décision de renvoi ne font pas apparaître que l’interprétation de la directive 2000/31 est pertinente pour résoudre le litige au principal.

25 En effet, ainsi qu’il ressort de ses articles 1er et 2, cette directive vise les « services de la société de l’information », définis à son article 2, sous a), par référence à l’article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34, cette dernière disposition précisant qu’il s’agit de « tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services ».

26 Or, la question posée vise une action publicitaire pour des services de vente de médicaments fournis non pas par voie électronique, mais par correspondance. En effet, il ressort du prospectus publicitaire en cause au principal, reproduit dans la demande de décision préjudicielle, que, pour participer au jeu promotionnel en cause au principal, le client était appelé à passer commande auprès de DocMorris en envoyant à celle-ci, dans une enveloppe préaffranchie, un formulaire de commande établi sur un support en papier, accompagné de l’ordonnance prescrivant le médicament commandé, sans, dès lors, que cette commande doive s’opérer par l’intermédiaire d’un site de vente en ligne.

27 En cela, ainsi que l’a relevé, en substance, la Commission européenne dans ses observations écrites, la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne) (C 649/18, EU:C:2020:764), qui concernait une campagne de publicité pour des services de vente en ligne de médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire, effectuée tant au moyen de supports physiques que par l’intermédiaire du site Internet de la pharmacie concernée.

28 Il ressort des considérations qui précèdent que l’interdiction d’organisation de jeux promotionnels visant à promouvoir des services de vente de médicaments fournis par correspondance ne fait pas l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union européenne, la détermination des règles en la matière demeurant de la compétence des États membres, sous réserve du respect, notamment, des libertés fondamentales consacrées dans le traité FUE.

29 Il y a lieu de relever, à cet égard, qu’une réglementation nationale qui interdit l’organisation d’un jeu destiné à promouvoir la vente de médicaments, tel que celui en cause au principal, est susceptible de se rattacher tant à la libre prestation de services, dans la mesure où une telle réglementation s’applique aux pharmacies qui ont notamment pour activité la vente au détail de médicaments et limite leurs moyens de faire connaître leurs services, y compris la vente par correspondance, qu’à la libre circulation des marchandises, dès lors qu’elle encadre une certaine forme de commercialisation de médicaments, dont il est constant qu’ils relèvent de la notion de « marchandises », au sens des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des marchandises (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, points 57 et 60).

30 Lorsqu’une mesure nationale se rattache tant à la libre circulation des marchandises qu’à la libre prestation des services, la Cour l’examine, en principe, au regard de l’une seulement de ces deux libertés fondamentales s’il s’avère que l’une de celles-ci est tout à fait secondaire par rapport à l’autre et peut lui être rattachée (arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, point 58 et jurisprudence citée).

31 En l’occurrence, le HWG ne concerne pas l’exercice de l’activité de pharmacien ou le service de la vente par correspondance en tant que tels, mais encadre une certaine forme d’action publicitaire pour les médicaments proposés à la vente. En outre, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la diffusion de messages publicitaires concernant le service de vente par correspondance de médicaments, bien qu’elle ne vise pas à promouvoir des médicaments déterminés, constitue un élément secondaire par rapport à la promotion de la vente de ces médicaments qui est l’objectif final de l’action publicitaire.

32 L’aspect de la libre circulation des marchandises prévalant, en l’occurrence, sur celui de la libre prestation des services, il y a lieu de se référer aux dispositions du traité FUE relatives à la première de ces libertés (voir, par analogie, arrêt du 25 mars 2004, Karner, C 71/02, EU:C:2004:181, point 47).

33 La libre circulation des marchandises est un principe fondamental du traité FUE qui trouve son expression dans l’interdiction, énoncée à l’article 34 TFUE, des restrictions quantitatives à l’importation entre les États membres ainsi que de toutes mesures d’effet équivalent (arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung, C 148/15, EU:C:2016:776, point 20).

34 Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’interdiction, établie à l’article 34 TFUE, des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives vise toute mesure des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations entre les États membres (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, EU:C:1974:82, point 5, et du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung, C 148/15, EU:C:2016:776, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

35 À cet égard, il convient de rappeler que n’est pas susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, l’application à des produits en provenance d’autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, à la double condition que, d’une part, elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et, d’autre part, elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres. En effet, dès lors que ces conditions sont remplies, l’application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d’un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n’est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu’elle ne gêne celui des produits nationaux (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C 267/91 et C 268/91, EU:C:1993:905, point 16, ainsi que du 21 septembre 2016, Etablissements Fr. Colruyt, C 221/15, EU:C:2016:704, point 35 et jurisprudence citée).

36 La Cour a qualifié de « dispositions régissant des modalités de vente », au sens de l’arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C 267/91 et C 268/91, EU:C:1993:905), des dispositions restreignant, notamment, les possibilités pour une entreprise de faire de la publicité (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2004, Karner, C 71/02, EU:C:2004:181, point 38 et jurisprudence citée).

37 Il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du HWG, à la base de l’interdiction de l’action publicitaire en cause au principal, vise à réglementer l’offre des avantages et autres cadeaux publicitaires ayant une valeur pécuniaire dans le domaine de la vente de médicaments. Il en résulte qu’une telle disposition de droit national doit être considérée comme « régissant des modalités de vente », au sens de la jurisprudence de la Cour.

38 Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C 267/91 et C 268/91, EU:C:1993:905), une telle modalité de vente ne peut cependant échapper au domaine d’application de l’article 34 TFUE que si elle satisfait aux deux conditions énoncées au point 35 du présent arrêt.

39 En ce qui concerne la première de ces conditions, il convient de relever que, en l’occurrence, le HWG s’applique indistinctement à toutes les pharmacies qui vendent des médicaments sur le territoire allemand, qu’elles soient établies sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne ou dans un autre État membre.

40 S’agissant de la seconde condition, il convient de rappeler que la Cour a jugé à plusieurs reprises que des dispositions nationales interdisant certains types de publicité dans des secteurs particuliers affectaient de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres, si bien qu’elles constituaient des modalités de vente échappant au champ d’application de l’article 34 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C 292/92, EU:C:1993:932, points 21 et 22 ; du 9 février 1995, Leclerc-Siplec, C 412/93, EU:C:1995:26, points 21 à 24, ainsi que du 25 mars 2004, Karner, C 71/02, EU:C:2004:181, point 42). Tel a été le cas, en particulier, d’une règle déontologique interdisant aux pharmaciens de faire de la publicité, en dehors de leur officine, pour les produits parapharmaceutiques qu’ils étaient autorisés à commercialiser (arrêt du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C 292/92, EU:C:1993:932, points 22 à 24).

41 Certes, la Cour a jugé qu’il ne saurait être exclu qu’une interdiction totale, dans un État membre, d’une forme de promotion d’un produit, qui y est licitement vendu, ait un impact plus important sur les produits en provenance d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop, C 34/95 à C 36/95, EU:C:1997:344, point 42, ainsi que du 8 mars 2001, Gourmet International Products, C 405/98, EU:C:2001:135, point 19).

42 Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 21 du présent arrêt, une interdiction telle que celle instaurée par le HWG vise non pas la promotion d’un produit déterminé, en l’occurrence d’un médicament, mais celle de la vente par correspondance de toute sorte de médicaments, en provenance aussi bien d’Allemagne que d’autres États membres.

43 Il s’ensuit que les deux conditions de l’application de la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C 267/91 et C 268/91, EU:C:1993:905), telles que rappelées au point 35 du présent arrêt, sont pleinement satisfaites, s’agissant d’une modalité de vente telle que celle en cause au principal.

44 Cette conclusion ne contredit pas les considérations figurant au point 24 de l’arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung (C 148/15, EU:C:2016:776), évoqué par la juridiction de renvoi. Une interdiction des jeux visant à promouvoir la vente de médicaments a des conséquences beaucoup moins importantes pour les pharmacies par correspondance que l’interdiction totale de la concurrence par les prix, dont il est question dans cet arrêt. En outre, une telle interdiction touche aussi les pharmacies conventionnelles, qui auraient également eu intérêt à promouvoir la vente de leurs médicaments au moyen de jeux publicitaires.

45 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que, d’une part, la directive 2001/83 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une réglementation nationale interdisant à une pharmacie qui vend des médicaments par correspondance d’organiser une action publicitaire sous la forme d’un jeu promotionnel permettant aux participants de remporter des objets de la vie courante autres que des médicaments, la participation à ce jeu étant subordonnée à l’envoi d’une commande pour un médicament à usage humain soumis à prescription médicale, accompagnée de cette prescription, et, d’autre part, l’article 34 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une telle réglementation nationale.

 Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1) La directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une réglementation nationale interdisant à une pharmacie qui vend des médicaments par correspondance d’organiser une action publicitaire sous la forme d’un jeu promotionnel permettant aux participants de remporter des objets de la vie courante autres que des médicaments, la participation à ce jeu étant subordonnée à l’envoi d’une commande pour un médicament à usage humain soumis à prescription médicale, accompagnée de cette prescription.

2) L’article 34 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une telle réglementation nationale.