CJUE, 4e ch., 15 juillet 2021, n° C-453/19 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Deutsche Lufthansa AG
Défendeur :
Commission européenne, Land Rheinland-Pfalz, Ryanair DAC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Vilaras
Juges :
N. Piçarra, D. Šváby, S. Rodin (rapporteur), K. Jürimäe
Avocat général :
M. Szpunar
Avocats :
A. Martin-Ehlers, G. Berrisch, D. Vasbeck, B. Byrne
LA COUR (quatrième chambre),
1 Par son pourvoi, Deutsche Lufthansa AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 avril 2019, Deutsche Lufthansa/Commission (T 492/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:252), par lequel celui-ci a rejeté comme étant irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/789 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.21121 (C 29/2008) (ex NN 54/07) mise à exécution par l’Allemagne concernant le financement de l’aéroport de Francfort-Hahn et les relations financières entre l’aéroport et Ryanair (JO 2016, L 134, p. 46, ci-après la « décision litigieuse »).
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
2 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué de la manière suivante :
« 1 La requérante, [Deutsche Lufthansa], est une compagnie aérienne établie en Allemagne, dont l’activité principale est le transport de passagers. Son premier aéroport de base est celui de Francfort-sur-le-Main (Allemagne).
2 L’aéroport de Francfort-Hahn est situé en Allemagne, sur le territoire du Land Rheinland-Pfalz (ci-après le “Land”), à environ 120 km à l’ouest de la ville de Francfort-sur-le-Main et à 115 km de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main. Jusqu’en 1992, le site sur lequel est implanté l’aéroport de Francfort-Hahn abritait une base militaire. Cette base a par la suite été transformée en aéroport civil. Le 1er avril 1995, la République fédérale d’Allemagne a cédé la propriété de l’infrastructure à Holding Unternehmen Hahn GmbH & Co. KG (ci-après le “Holding Hahn”), un partenariat public-privé auquel participait le Land.
3 Le 1er janvier 1998, Flughafen Frankfurt/Main GmbH (ci-après “Fraport”), qui exploitait et gérait l’aéroport international de Francfort-sur-le-Main, a acquis 64,90 % des parts de Flughafen Hahn GmbH & Co. KG Lautzenhausen (ci-après “Flughafen Hahn”), la société exploitant l’aéroport de Francfort-Hahn.
4 En 1999, l’aéroport de Francfort-Hahn a attiré son premier transporteur à bas coût, Ryanair Ltd (devenue Ryanair DAC, ci-après “Ryanair”). Le premier accord de Flughafen Hahn avec Ryanair est entré en vigueur le 1er avril 1999 (ci-après l’“accord avec Ryanair de 1999”). D’une durée de cinq ans, l’accord avec Ryanair de 1999 avait pour objet les redevances aéroportuaires dont Ryanair devait s’acquitter.
5 En août 1999, Fraport a acquis 73,37 % des parts du Holding Hahn et 74,90 % des parts de son associé commandité, Holding Unternehmen Hahn Verwaltungs GmbH.
6 Le 31 août 1999, le Land et Fraport ont conclu un accord en vertu duquel Fraport s’engageait à conclure un accord de compensation de résultats. Cet accord a été approuvé à la même date, confirmé par acte notarié le 24 novembre 2000 et est entré en vigueur le 1er janvier 2001. Aux termes de cet accord, Fraport avait droit à tous les bénéfices générés par l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn et, en échange, était obligée de couvrir toutes les pertes de ce dernier [...]
7 Par la suite, Holding Hahn et Flughafen Hahn ont fusionné pour former Flughafen Hahn GmbH, devenue Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH (ci-après “FFHG” [...]), dont 26,93 % du capital était détenu par le Land et 73,07 % par Fraport.
8 Jusqu’au 11 juin 2001, 100 % des parts de Fraport étaient détenues par des actionnaires publics. À cette date, Fraport a été introduite en Bourse et 29,71 % de ses actions ont été vendues à des actionnaires privés, 70,29 % étant demeurées aux mains d’actionnaires publics.
9 Le 16 octobre 2001, le Land a approuvé le barème des redevances aéroportuaires de l’aéroport de Francfort-Hahn, qui est entré en vigueur rétroactivement au 1er octobre 2001 [...]
10 Le 14 décembre 2001 et le 9 janvier 2002, respectivement, Fraport et les actionnaires de FFHG ont décidé une augmentation de capital de FFHG afin de financer la partie la plus urgente d’un programme d’amélioration de l’infrastructure aéroportuaire [...]. [Cette] augmentation de capital [...], d’un montant de 27 millions d’euros, a été souscrite par Fraport et par le Land, qui, le 9 janvier 2002, ont contribué, respectivement, à hauteur de 19,7 millions d’euros et de 7,3 millions d’euros.
11 Le 14 février 2002, un deuxième accord a été conclu entre FFHG et Ryanair [...]. Il a remplacé l’accord avec Ryanair de 1999.
12 Le 27 novembre 2002, le Land de Hesse (Allemagne), Fraport et FFHG ont conclu un accord concernant le développement de l’aéroport de Francfort-Hahn. Cet accord prévoyait une deuxième augmentation de capital de FFHG, à l’occasion de laquelle le Land de Hesse deviendrait le troisième actionnaire de FFHG.
13 Le 22 mars 2004, un pacte d’actionnaires concernant la participation de Fraport, du Land et du Land de Hesse dans le capital de FFHG (ci-après le “pacte d’actionnaires”) a été préparé. Fraport, le Land et le Land de Hesse ont signé ce pacte le 30 mars 2005.
14 Pour exécuter le pacte d’actionnaires, une augmentation de capital de FFHG de 19,5 millions d’euros a été convenue afin de poursuivre le programme d’investissement visé au point 10 ci-dessus. Entre 2004 et 2009, Fraport, le Land et le Land de Hesse ont injecté, respectivement, 10,21 millions d’euros, 540 000 euros et 8,75 millions d’euros dans FFHG en plusieurs tranches. De plus, le Land et le Land de Hesse se sont engagés à injecter, chacun, 11,25 millions d’euros supplémentaires à titre de réserve de capitaux, conformément à un calendrier de paiements allant jusqu’en 2009.
15 À la suite de l’augmentation de capital décrite au point 14 ci-dessus [...], dont le montant total s’élevait à 42 millions d’euros, Fraport détenait 65 % des parts de FFHG, contre 17,5 % chacun pour le Land de Hesse et le Land.
16 Le pacte d’actionnaires prévoyait aussi que toute nouvelle dette contractée par FFHG devait être couverte par Fraport, le Land et le Land de Hesse à proportion de leur participation au capital de FFHG et que l’accord de compensation de résultats [datant de l’année 2001, visé au point 6 ci-dessus,] devait être prorogé jusqu’en 2014. Aux fins de se conformer à ces obligations, Fraport et FFHG ont conclu un nouvel accord de compensation de résultats le 5 avril 2004 (ci-après l’“accord de compensation de résultats de 2004”). L’accord de compensation de résultats de 2004 est entré en vigueur le 2 juin 2004, à la suite de son approbation par l’assemblée générale des actionnaires de Fraport à la majorité des trois quarts requise par le pacte d’actionnaires. Aux termes de l’accord de compensation de résultats de 2004, Fraport s’est engagée à couvrir toutes les pertes subies par FFHG entre 2004 et 2009.
17 De 1997 à 2004, le Land a versé à l’exploitant de [l’aéroport de] Francfort-Hahn des subventions directes [...]. [Ces dernières,] versées jusqu’en 2000[,] avaient pour but de financer des investissements dans l’infrastructure aéroportuaire, tandis que celles versées à partir de 2001 visaient à financer les frais de personnel pour les contrôles de sécurité. Le Land perçoit une taxe de sécurité aéroportuaire de tous les passagers en partance de l’aéroport de Francfort-Hahn auprès des compagnies aériennes utilisatrices dudit aéroport et transfère l’intégralité des recettes de ladite taxe, ainsi que des fonds relevant de son budget général, à l’exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn à titre de compensation pour l’exécution des contrôles de sécurité [...]
18 Le 4 novembre 2005, un avenant est venu s’ajouter à l’accord [conclu entre FFHG et Ryanair le 14 février 2002, visé au point 11 ci-dessus].
19 Entre 2003 et 2006, la Commission des Communautés européennes a reçu plusieurs plaintes relatives à de prétendues aides d’État octroyées par Fraport, le Land et le Land de Hesse à Ryanair et à FFHG. Le 22 septembre 2003 et le 1er juin 2006, l’un des plaignants a adressé des compléments d’information à la Commission.
20 Le 26 avril 2006, un nouveau barème des redevances aéroportuaires pour Francfort-Hahn a été approuvé par le Land [...]. Il est entré en vigueur le 1er juin 2006.
21 Par lettres des 25 septembre 2006 et 9 février 2007, la Commission a demandé des renseignements à la République fédérale d’Allemagne, laquelle a déféré à cette demande par lettres des 20 décembre 2006 et 29 juin 2007.
22 Par lettre du 17 juin 2008, la Commission a notifié à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, [CE] [...], pour les aides d’État concernant le financement de [FFHG] et ses relations avec Ryanair [...]. La décision invitant les parties intéressées à présenter leurs observations a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 17 janvier 2009 (JO 2009, C 12, p. 6).
23 Le 31 décembre 2008, Fraport a vendu au Land la totalité de sa participation dans FFHG. À la suite de cette vente, d’une part, le Land détenait une participation majoritaire de 82,5 % dans FFHG, les 17,5 % restants demeurant aux mains du Land de Hesse, et, d’autre part, l’accord de compensation de résultats de 2004 a été résilié.
24 Dans le cadre de la procédure formelle d’examen, la Commission a reçu des observations, notamment, de la requérante et de Ryanair, lesquelles ont été communiquées à la République fédérale d’Allemagne.
25 Le 1er juillet 2009, la République fédérale d’Allemagne a transmis à la Commission ses observations et des renseignements complémentaires.
26 Le 13 juillet 2011, la Commission a décidé d’ouvrir une seconde procédure formelle d’examen concernant des mesures de financement de FFHG prises entre 2009 et 2011. La décision invitant les parties intéressées à présenter leurs observations a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 juillet 2012 (JO 2012, C 216, p. 1). Dès lors, deux procédures ont coexisté.
[...]
29 La République fédérale d’Allemagne s’est engagée à injecter des capitaux dans FFHG afin de refinancer les prêts de cette dernière destinés au financement des mesures d’infrastructure décidées par les autorités publiques entre 1997 et 2012, qui n’étaient pas couvertes par les accords de compensation de résultats, les augmentations de capital ou les autres subventions [...]
30 Par lettre du 25 février 2014, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne de l’adoption, le 20 février 2014, des lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3 [...]).
31 Par lettres des 23 mars et 4 avril 2014, la Commission a sollicité de nouveaux éclaircissements auprès de la République fédérale d’Allemagne. Par lettres des 17, 24 avril et 9 mai 2014, la République fédérale d’Allemagne a déféré à cette demande.
32 Le 15 avril 2014, une communication a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne invitant les États membres et les parties intéressées à soumettre des observations sur l’application des lignes directrices [sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes] à la présente affaire. La requérante a présenté des observations, que la Commission a transmises à la République fédérale d’Allemagne par lettre du 26 août 2014. Par lettre du 3 septembre 2014, la République fédérale d’Allemagne a informé la Commission qu’elle n’avait aucune observation à formuler.
33 Le 1er octobre 2014, la Commission a adopté la décision [litigieuse].
[La décision litigieuse]
34 Dans la décision [litigieuse], la Commission a examiné, d’une part, l’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’agissant, premièrement, des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn (voir considérants 292 à 420 de la décision [litigieuse]), deuxièmement, des mesures en faveur de Ryanair (voir considérants 421 à 456, 464 à 484 et 580 de la décision [litigieuse]) et, troisièmement, des mesures en faveur des compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Francfort-Hahn, à savoir le barème [datant de l’année 2001, visé au point 9 ci-dessus,] et le barème [datant de l’année 2006, visé au point 20 ci-dessus] (voir considérants 457 à 463, 485 à 494 et 581 de la décision [litigieuse]). D’autre part, ayant considéré que certaines des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn étaient constitutives d’une aide d’État, la Commission a examiné leur compatibilité avec le marché intérieur (voir considérants 497 à 579 de la décision [litigieuse]).
[...]
54 Le dispositif de la décision [litigieuse] est libellé comme suit :
“Article premier
1. L’aide d’État mise illégalement à exécution par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] en faveur de [FFHG] entre 2001 et 2012 au moyen d’augmentations de capital en 2001 d’un montant de 27 millions d’[euros], d’augmentations de capital en 2004 d’un montant de 22 millions d’[euros] et de subventions directes du [Land] [...] est compatible avec le marché intérieur.
2. L’augmentation de capital de [FFHG effectuée au cours de l’année] 2004 par Fraport [...] et l’accord de compensation des résultats de 2004 ne constituent pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].
Article 2
1. L’accord entre Ryanair et [FFHG], qui est entré en vigueur le 1er avril 1999, ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].
2. L’accord entre Ryanair et [FFHG] daté du 14 février 2002 ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].
3. L’‘accord Ryanair/[FFHG]-Livraison d’appareils 6 à 18 – années 2005 à 2012’ du 4 novembre 2005 ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].
Article 3
Les barèmes de redevances aéroportuaires qui sont entrés en vigueur le 1er octobre 2001 et le 1er juin 2006 ne constituent pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].
Article 4
La République fédérale d’Allemagne est destinataire de la présente décision.” »
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 août 2015, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, à l’appui duquel elle a soulevé, en substance, sept moyens, tirés, le premier, d’une erreur de procédure, les deuxième et troisième, d’erreurs d’appréciation des faits, le quatrième, des contradictions manifestes de la décision litigieuse et, les cinquième à septième, de violations de l’article 107 TFUE.
4 La Commission, soutenue par les intervenants en première instance, a soulevé, notamment, une fin de non-recevoir, tirée de ce que la requérante n’avait pas qualité pour agir, eu égard aux conditions de recevabilité découlant de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
5 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir constaté que la requérante n’était pas destinataire de la décision litigieuse, a examiné si celle-ci avait qualité pour agir en ce qu’elle était soit, au sens de la deuxième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, directement et individuellement concernée par cette décision, soit, au sens de la troisième hypothèse prévue par cette disposition, directement concernée par la décision litigieuse et que cette dernière constituait un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.
6 Cet examen a été effectué successivement, d’une part, aux points 119 à 187 de l’arrêt attaqué, en tant que la décision litigieuse porte sur les mesures en faveur de FFHG ainsi que de Ryanair et, d’autre part, aux points 188 à 212 de l’arrêt attaqué, en tant que cette décision porte sur les barèmes de redevances aéroportuaires.
7 Ainsi, s’agissant, en premier lieu, des mesures en faveur de FFHG et de Ryanair, faisant l’objet des articles 1er et 2 de la décision litigieuse, le Tribunal a, dans un premier temps, en considérant que la requérante n’avait pas prouvé à suffisance de droit qu’elle était individuellement concernée par ces mesures, décidé, au point 182 de l’arrêt attaqué, que le recours n’était pas recevable au titre de la deuxième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
8 Dans un second temps, le Tribunal a estimé, notamment au point 187 de l’arrêt attaqué, que les mesures en faveur de Ryanair et de FFHG n’avaient pas été accordées sur le fondement d’un régime d’aides et revêtaient donc un caractère individuel. Il en a déduit que les articles 1er et 2 de la décision litigieuse ne sauraient, en conséquence, être qualifiés d’« actes réglementaires », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
9 S’agissant, en second lieu, de l’article 3 de la décision litigieuse, relatif aux barèmes de redevances aéroportuaires, le Tribunal a, d’une part, considéré, au point 208 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait établi, ni en vertu de sa qualité d’entreprise concurrente de Ryanair ni au regard d’une discrimination qui aurait affecté la requérante, qu’elle était directement concernée par ces mesures, au sens de la deuxième hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
10 D’autre part, le Tribunal a conclu de ce constat, au point 212 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait pas non plus qualité pour agir au titre de la troisième hypothèse de cette disposition.
11 Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable dans son ensemble.
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
12 La requérante demande à la Cour :
– de constater que le recours en première instance était recevable et fondé ;
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit aux conclusions formulées en première instance et d’annuler la décision litigieuse ;
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens.
13 La Commission, le Land et Ryanair demandent à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
14 Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen, qui comporte six branches, est tiré d’une violation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le Tribunal a considéré que la requérante n’avait pas qualité pour demander l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur les mesures en faveur de FFHG et de Ryanair. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce que le Tribunal a considéré que la requérante n’avait pas qualité pour demander l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur les barèmes de redevances aéroportuaires. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’obligation de motivation, en ce que le Tribunal a considéré que la requérante n’avait pas qualité pour demander l’annulation de la décision litigieuse en ce qui concerne un versement du Land à la réserve de capitaux de FFHG à concurrence de 121,9 millions d’euros (ci-après la « mesure no 12 »).
Sur le premier moyen, tiré de ce que le Tribunal a violé l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en considérant que la requérante n’avait pas qualité pour demander l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur les mesures en faveur de FFHG et de Ryanair
Argumentation des parties
15 Par son premier moyen, qui s’articule en six branches, la requérante reproche au Tribunal, en substance, d’avoir violé l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et l’article 47 de la Charte en ayant considéré qu’elle n’était pas individuellement concernée par la décision litigieuse en tant qu’elle porte, à ses articles 1er et 2, sur les mesures en faveur de FFHG et de Ryanair.
16 Par les première à troisième branches de ce moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a examiné si elle était « individuellement concernée » par la décision litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième hypothèse, TFUE, à l’aune non pas de ce qu’elle soutient constituer la « première alternative » de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609), ayant trait à la protection des droits procéduraux d’une partie intéressée dans la procédure administrative devant la Commission, mais de la prétendue « seconde alternative » de cette jurisprudence, relative à une atteinte substantielle à la position de cette partie sur le marché par la mesure en cause.
17 Plus particulièrement, par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 141 de l’arrêt attaqué, que, conformément à l’arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, EU:C:1986:42, point 25), elle aurait dû prouver que sa position sur le marché était substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision litigieuse.
18 Elle relève que la procédure à la base de la présente affaire était régie par le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), et qu’elle aurait dû être qualifiée de « partie intéressée », au sens de l’article premier, sous h), de ce règlement. Par conséquent, il résulterait de l’arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, EU:C:1986:42, points 22 et 23), lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, que la requérante devait disposer d’une possibilité de recours afin de protéger ses intérêts. La requérante ajoute que la Commission a incontestablement ignoré des faits essentiels et ainsi agi de manière arbitraire, en violant l’article 41 de la Charte, et de manière discriminatoire, circonstances dont le Tribunal n’aurait pas tenu compte.
19 Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante reproche en substance au Tribunal d’avoir examiné, aux points 135 et 143 de l’arrêt attaqué, la recevabilité du recours exclusivement à l’aune des conditions strictes relatives aux décisions adoptées après la clôture d’une procédure formelle d’examen, au lieu de l’examiner à l’aune de ce qu’elle soutient constituer la « première alternative » issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609), c’est-à-dire sous l’angle de la violation de ses garanties procédurales.
20 Si la Commission avait, certes, ouvert une procédure formelle d’examen en l’espèce, cette procédure n’aurait pas été régulière et n’aurait pas porté sur les faits dans leur globalité, ainsi que la requérante l’aurait soutenu devant le Tribunal. La Commission ayant, dès lors, selon la requérante, agi de manière arbitraire, la requérante ne saurait être traitée, en ce qui concerne la recevabilité d’un recours, de la même manière que dans le cadre d’une procédure formelle d’examen menée d’une manière régulière. Le Tribunal aurait dû appliquer des conditions de recevabilité moins strictes, en vertu desquelles il suffirait que la requérante se trouve dans une relation de concurrence concrète avec le bénéficiaire de l’aide.
21 De surcroît, l’application de ce que la requérante soutient constituer la « seconde alternative » de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609), aurait été exclue en l’espèce sur la base de faits qui avaient été ignorés par la Commission. Par ailleurs, la requérante ne pourrait faire valoir la violation de ses droits procéduraux que par un recours en annulation.
22 Par la troisième branche du premier moyen, la requérante soutient, en substance, que l’inapplicabilité de ce qu’elle soutient constituer la « seconde alternative », plus stricte, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609), découle, notamment, du fait que la Commission a, dans la décision litigieuse, dans une large mesure, interprété le droit allemand, et cela d’une manière manifestement erronée et incomplète, ce que la requérante aurait exposé de manière motivée devant le Tribunal.
23 Par la quatrième branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal, à titre subsidiaire, d’avoir, aux points 177 et suivants de l’arrêt attaqué, appliqué de façon erronée les conditions matérielles de ce qu’elle soutient constituer la « seconde alternative » de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609). Cela ressortirait, d’une part, d’un nombre de faits que la requérante aurait présentés et qui la caractériseraient par rapport à tous les autres concurrents et, par conséquent, l’individualiseraient d’une manière analogue à celle du destinataire de la décision litigieuse. D’autre part, le Tribunal aurait, à tort, reproché à la requérante de ne pas avoir précisé sa contribution au financement de FFHG en sa qualité d’associée de Fraport, ce qui ne serait juridiquement pas nécessaire.
24 Par la cinquième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, même si l’on devait appliquer, en lieu et place du critère issu de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 223), celui d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché, le Tribunal aurait dû lui accorder, à tout le moins, un allègement de la charge de la preuve de ce que ce critère était rencontré en l’espèce. À cet égard, elle soutient que l’exigence de la preuve d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché ne trouve à s’appliquer que s’il est question d’une « aide » faisant l’objet de la décision dont elle poursuit l’annulation. Or, la Commission aurait considéré, dans la décision litigieuse, qu’il ne s’agissait en l’espèce précisément pas d’« aides », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
25 La requérante souligne, en outre, que la Commission n’a pas tenu compte de tous les éléments de fait et de toutes les mesures pertinentes. Elle aurait, en effet, apporté la preuve d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché du fait des mesures visées par la décision litigieuse.
26 Par la sixième branche du premier moyen, la requérante met en cause, en substance, l’appréciation de cette atteinte substantielle à sa position sur le marché concerné que le Tribunal a effectuée aux points 150 à 177 et suivants de l’arrêt attaqué.
27 À cet égard, elle reproche d’abord au Tribunal de s’être écarté de la jurisprudence de la Cour en lui imposant, à tort, des exigences relatives à la définition du marché concerné et au lien de causalité entre les mesures en cause et l’atteinte substantielle à sa position sur le marché.
28 La requérante fait valoir, ensuite, que, contrairement à ce que le Tribunal a décidé à cet égard, elle a fourni un certain nombre d’éléments de preuve concernant, notamment, le trafic aérien européen, les réseaux européens des compagnies aériennes, la croissance exponentielle de Ryanair et de son nombre de passagers, l’ouverture d’une base de Ryanair à l’aéroport Francfort-sur-le-Main ainsi que la proximité géographique des deux aéroports en question. La requérante aurait, dès lors, démontré que les aides en cause avaient porté substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.
29 Enfin, la requérante fait valoir une violation de l’article 47 de la Charte.
30 La Commission, le Land et Ryanair contestent l’ensemble de l’argumentation avancée dans le cadre du premier moyen et estiment que ce moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en tout état de cause, dénué de fondement.
Appréciation de la Cour
31 Il importe de rappeler, à titre liminaire, que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir en ce sens, notamment, arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, ainsi que du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C 244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).
32 La décision litigieuse, qui a été adressée à la République fédérale d’Allemagne, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C 583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il appartenait au Tribunal de vérifier si la requérante était directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de cette disposition.
33 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir en ce sens, notamment, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22 ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 53, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, point 93).
34 Par les première à troisième branches du premier moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante reproche en substance au Tribunal d’avoir examiné si elle était individuellement concernée par la décision litigieuse à l’aune non pas du critère ayant trait à la protection des droits procéduraux d’une partie intéressée dans la procédure administrative devant la Commission, mais du critère de l’atteinte substantielle à sa position sur le marché concerné.
35 À cet égard, il y a lieu de rappeler que dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 dudit article. Ce n’est que dans le cadre de celle ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, point 94 et jurisprudence citée).
36 Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge de l’Union cette décision. Pour ces motifs, celui ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours cherche, par l’introduction de celui ci, à sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition. La Cour a précisé que de tels intéressés sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est à dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, points 95 et 96 ainsi que jurisprudence citée).
37 En revanche, si le requérant met en cause le bien fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’il puisse être considéré comme « intéressé », au sens du paragraphe 2 de cet article, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier, au sens de la jurisprudence rappelée au point 33 du présent arrêt. Il en est notamment ainsi lorsque la position du requérant sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, point 97 ainsi que jurisprudence citée).
38 À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a rappelé, à bon droit, au point 141 de l’arrêt attaqué, ont notamment été reconnues comme étant individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêts du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 55, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, point 98).
39 En l’occurrence, la décision litigieuse a été adoptée, ainsi que l’admet, par ailleurs, la requérante, à l’issue d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
40 Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, son recours contre cette décision ne pouvait relever du cas de figure envisagé au point 36 du présent arrêt. Dans la mesure où la requérante fonde son argumentation sur les points 22 et 23 de l’arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, EU:C:1986:42), il suffit de relever que ceux-ci doivent être lus ensemble avec le point 25 de cet arrêt, lequel confirme que le seul fait qu’une entreprise ait joué un rôle actif dans le cadre de la procédure formelle d’examen ne suffit pas à considérer qu’elle est individuellement concernée par la décision mettant fin à cette procédure.
41 L’argumentation de la requérante, selon laquelle la procédure formelle d’examen menée par la Commission aurait été entachée d’irrégularités, dès lors que la décision litigieuse repose sur des faits incomplets ou appréciés de manière erronée, ou encore que la Commission aurait dans cette décision, dans une large mesure, interprété le droit allemand, et ce de manière erronée, ne saurait conduire à un résultat différent.
42 En effet, la jurisprudence relative à la recevabilité d’un recours contre une décision prise à l’issue de la procédure formelle d’examen s’applique sans distinction entre les différents moyens susceptibles d’être invoqués à l’appui d’un tel recours. Par ailleurs, il convient de constater que, sous couvert de prétendues irrégularités procédurales, la requérante critique en réalité quant au fond les appréciations de la Commission figurant dans la décision litigieuse, alors même que le débat devant le Tribunal portait sur la recevabilité du recours introduit contre cette décision.
43 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré que la seule participation de la requérante à la procédure administrative ne suffisait pas à établir qu’elle était individuellement concernée par la décision litigieuse.
44 Par conséquent, il y a lieu de rejeter les première à troisième branches du premier moyen comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.
45 Par les quatrième à sixième branches du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal, à titre subsidiaire, d’avoir commis des erreurs de droit dans l’application de la condition selon laquelle elle devait être individuellement concernée par la décision litigieuse.
46 S’agissant de la quatrième branche du premier moyen, visant les points 177 et suivants de l’arrêt attaqué, il importe de rappeler que, conformément à l’article 256 TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2017, Masco e.a./Commission, C 614/13 P, EU:C:2017:63, point 35 ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 35, ainsi que du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 46).
47 Ainsi, dans la mesure où la requérante fait référence à des faits dont elle a déjà fait état en première instance pour soutenir que, contrairement à ce que le Tribunal a considéré aux points 177 et suivants de l’arrêt attaqué, elle avait démontré à suffisance de droit qu’elle était individuellement concernée par les mesures visées par la décision litigieuse, il convient d’écarter cette argumentation comme étant irrecevable, dès lors que, en l’absence d’éléments concrets permettant de conclure à une éventuelle dénaturation des faits, ladite argumentation vise, en réalité, à remettre en cause l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal.
48 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré, notamment au point 178 de l’arrêt attaqué, qu’elle aurait dû préciser à quelle hauteur elle avait contribué au financement de l’aéroport Francfort-Hahn et au subventionnement de Ryanair, il convient de relever que, par ce motif, le Tribunal a justement rejeté l’argument selon lequel elle devait être regardée comme étant individuellement concernée par la décision litigieuse au motif, notamment, que, en tant qu’actionnaire de Fraport, elle aurait participé à ce financement et à ce subventionnement.
49 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a en substance relevé au point 72 de ses conclusions, sauf à considérer qu’un cercle excessivement large d’entités puissent revendiquer qu’elles sont individuellement concernées par de telles mesures, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 178 de l’arrêt attaqué, que la requérante aurait dû préciser l’importance de cette participation afin de permettre la détermination de l’atteinte que sa position concurrentielle a pu subir en conséquence et, si celle-ci s’avérait substantielle, pour établir qu’elle était individuellement concernée par lesdites mesures.
50 Il convient donc de rejeter la quatrième branche du premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
51 En ce qui concerne la cinquième branche, il suffit de relever que l’argumentation de la requérante, selon laquelle le Tribunal aurait dû lui accorder un allègement de la charge de la preuve, ne repose sur aucun fondement juridique.
52 Premièrement, dans la mesure où la requérante soutient que l’exigence d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché ne trouve à s’appliquer que si les mesures visées par la décision de la Commission sont effectivement qualifiées d’« aides », au sens de l’article 107 TFUE, il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à cette condition, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 76 de ses conclusions, que celle-ci trouve à s’appliquer tant lorsque la mesure en cause reçoit cette qualification que lorsqu’elle ne la reçoit pas, comme en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, points 20 et 29 ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, points 10 et 60, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, point 106).
53 Deuxièmement, en ce que la requérante se prévaut d’un examen incomplet et erroné, par la Commission, des mesures visées par la décision litigieuse, cette circonstance, à la supposer avérée, ne saurait être de nature à affecter la pertinence de la condition selon laquelle la décision litigieuse est de nature à affecter de manière substantielle sa position sur le marché, ni la charge de la preuve requise aux fins d’établir la qualité pour agir contre la décision relative à ces mesures.
54 Troisièmement, pour autant que la requérante soutient que, dès lors qu’elle devait bénéficier d’un allègement de la charge de la preuve relative à une atteinte substantielle à sa position sur le marché, elle a effectivement apporté cette preuve, et énonce à cet effet les avantages que Ryanair aurait obtenus de la part de FFGH et du Land, cet argument est fondé sur une prémisse erronée, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 51 du présent arrêt, la requérante ne saurait se prévaloir d’un tel allègement de la charge de la preuve.
55 Il y a lieu, dès lors, d’écarter la cinquième branche du premier moyen.
56 Par la sixième branche, la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir, aux points 150 ainsi que 155 à 177 et suivants de l’arrêt attaqué, examiné la condition selon laquelle les mesures faisant l’objet de la décision litigieuse était de nature à porter atteinte de manière substantielle à sa position sur le marché à l’aune d’exigences erronées en ce qui concerne, d’une part, la définition du marché et, d’autre part, le lien de causalité entre les mesures en cause et l’atteinte à sa position concurrentielle.
57 À cet égard, la Cour a itérativement jugé que la démonstration, par le requérant, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre ce requérant et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part dudit requérant qu’il indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 28 ; du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C 525/04 P, EU:C:2007:698, point 41, ainsi que du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 60).
58 Comme M. l’avocat général l’a souligné au point 47 de ses conclusions, il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle du requérant sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position.
59 Il en découle que cette condition peut être satisfaite dès lors que le requérant apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C 487/06 P, EU:C:2008:757, point 38).
60 S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, en premier lieu, la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C 487/06 P, EU:C:2008:757, points 47 et 48, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, points 99 et 100).
61 En second lieu, comme le Tribunal l’a constaté, à juste titre, au point 148 de l’arrêt attaqué, la démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C 525/04 P, EU:C:2007:698, points 34 et 35, ainsi que du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C 487/06 P, EU:C:2008:757, point 53).
62 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit dans le cadre de son appréciation des éléments avancés par la requérante en vue de démontrer une atteinte substantielle à sa position sur le marché concerné du fait des mesures visées par la décision litigieuse.
63 À cet égard, à titre principal, aux points 150, 154 et 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que la requérante n’avait pas défini les marchés sur lesquels il aurait été porté atteinte à sa position concurrentielle en relevant qu’elle n’avait apporté aucune information quant à leur taille et à leur structure ainsi qu’aux concurrents présents sur ces marchés.
64 Ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 87 de ses conclusions, en considérant que de tels éléments étaient nécessaires pour définir le ou les marchés à l’aune desquels la condition de l’atteinte substantielle à la position concurrentielle devait être appréciée, le Tribunal est allé au delà des exigences résultant de la jurisprudence rappelée aux points 57 à 59 du présent arrêt.
65 Partant, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant les arguments de la requérante tirés, d’une part, du fait qu’il aurait été porté atteinte à sa position sur le marché européen du transport aérien des passagers et, d’autre part, des chevauchements entre les liaisons aériennes dont elle se prévalait, au motif que la requérante n’avait pas apporté d’éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique de ces marchés, ou encore quant à ses parts de marché ou à celles de Ryanair ou d’éventuels concurrents sur ceux-ci.
66 Toutefois, il y a lieu de relever que, s’agissant de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Tribunal n’a pas conclu à l’irrecevabilité du recours de la requérante au seul motif que celle-ci n’avait pas défini le ou les marchés sur lesquels elle estimait avoir subi une atteinte substantielle à sa position concurrentielle.
67 En effet, d’une part, au point 153 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté dans le cadre du présent pourvoi, le Tribunal a constaté que la requérante n’avait pas apporté la preuve des chevauchements allégués entre ses propres offres et celles de Ryanair sur les liaisons aériennes mentionnées aux points 151 et 152 de cet arrêt.
68 D’autre part, aux points 158 à 178 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les arguments avancés par la requérante et les éléments de preuve présentés par celle-ci à leur appui, visant à démontrer qu’elle a subi une atteinte substantielle à sa position concurrentielle sur le marché du transport aérien des passagers du fait des mesures en faveur de Ryanair et de FFHG, en particulier le lien de causalité entre les mesures en cause et les éléments avancés pour établir l’atteinte à sa position sur le marché.
69 Dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, qui n’est pas susceptible d’être remise en cause au stade du pourvoi, sauf en cas de moyen tiré d’une dénaturation de ces faits, nullement alléguée par la requérante en l’espèce, le Tribunal en a conclu, au point 179 de cet arrêt, que cette dernière n’avait pas établi une baisse importante de son chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou une diminution significative de ses parts de marché sur le ou les marchés en cause, à la suite de l’adoption des mesures en faveur de Ryanair et de FFHG, quand bien même les mesures adoptées en faveur de cette dernière auraient été transférées à Ryanair. Il a ajouté que la requérante n’avait pas davantage établi un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qu’elle aurait enregistrée en l’absence de ces mesures.
70 En outre, la requérante n’a avancé dans son pourvoi aucun élément qui permettrait de conclure que l’erreur de droit commise par le Tribunal, constatée aux points 64 et 65 du présent arrêt, quant à l’étendue de la preuve que devait apporter la requérante pour démontrer une atteinte substantielle à sa position concurrentielle, ait pu avoir une quelconque influence sur l’appréciation des arguments et des éléments visés au point précédent et, par conséquent, sur la conclusion que le Tribunal a tirée, à titre subsidiaire, au point 179 de l’arrêt attaqué.
71 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que cette erreur de droit n’est pas de nature à vicier la conclusion du Tribunal, au point 182 de l’arrêt attaqué, quant à la recevabilité du recours de la requérante au titre de la deuxième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de telle sorte que la sixième branche du premier moyen doit être rejetée, à cet égard, comme étant inopérante.
72 Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argument tiré d’une violation de l’article 47 de la Charte, dans la mesure où la conclusion figurant au point 182 de l’arrêt attaqué est fondée sur d’autres motifs que ceux visés par cet argument, il y a lieu d’écarter également la sixième branche du premier moyen.
73 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le premier moyen du pourvoi dans son ensemble comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le Tribunal a violé l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en considérant que la requérante n’avait pas qualité pour agir contre la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur les barèmes de redevances aéroportuaires
Argumentation des parties
74 Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal, en substance, d’avoir violé l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ayant jugé, aux points 190 et 196 et suivants de l’arrêt attaqué, qu’elle n’était pas directement concernée, au sens de la deuxième hypothèse de cette disposition, par la décision litigieuse en tant qu’elle porte, à son article 3, sur les barèmes de redevances aéroportuaires, et en appliquant directement cette appréciation, aux points 209 et suivants de cet arrêt, à la troisième hypothèse de ladite disposition, sans autre forme d’examen.
75 Elle fait valoir, par la première branche de ce moyen, que la condition selon laquelle le requérant doit être directement concerné par l’acte en cause doit être examinée, à part entière, dans le cadre de cette troisième hypothèse, sans qu’il soit permis au juge de se fonder, à cet effet, sur la décision issue de son examen de l’une des deux autres hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, il ressortirait de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873), que ladite condition doit être interprétée de manière différente respectivement dans les deuxième et troisième hypothèses prévues à cette disposition. En ce qui concerne la preuve de ce que la requérante est directement concernée par l’acte en cause, au sens de la troisième hypothèse énoncée à ladite disposition, applicable dans le cas d’un régime d’aide, il découlerait de cet arrêt qu’il appartient à cette requérante d’apporter la preuve de ce que cet acte en cause est réellement de nature à restreindre la concurrence. La présente affaire serait comparable à celle ayant donné lieu audit arrêt et devrait mener à une appréciation similaire de la condition selon laquelle le requérant est directement concerné par ledit acte. À cet égard, la requérante aurait, notamment, exposé et établi en quoi les deux barèmes de redevances aéroportuaires en cause étaient discriminatoires à l’encontre d’autres compagnies aériennes, y compris par rapport à Ryanair.
76 Dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir, au point 205 de l’arrêt attaqué, dénaturé son mémoire en ce qui concerne l’expression « autres compagnies aériennes » qui y figurait. Selon la requérante, cette expression visait toute compagnie aérienne, y compris la requérante, autre que Ryanair.
77 La Commission, le Land et Ryanair estiment qu’il convient d’écarter le deuxième moyen dans son intégralité comme étant dénué de fondement. Selon la Commission, ce moyen est, de plus, en partie irrecevable, dans la mesure où il vise à remettre en cause des éléments factuels.
Appréciation de la Cour
78 Il y a lieu de relever, tout d’abord, que, aux points 190 à 208 de l’arrêt attaqué, auxquels la requérante fait ponctuellement référence dans le cadre du deuxième moyen mais contre lesquels elle ne dirige aucune critique en particulier, le Tribunal a procédé à l’examen de la question de savoir si la requérante avait qualité pour demander l’annulation de la décision litigieuse au titre de la deuxième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en tant que partie directement et individuellement concernée par cette décision, dans la mesure où cette dernière porte, à son article 3, sur les barèmes de redevances aéroportuaires.
79 Ayant, dans un premier temps, vérifié si la requérante était directement concernée par cet aspect de la décision litigieuse, le Tribunal a conclu, au point 208 de cet arrêt, que celle-ci n’avait pas établi qu’elle satisfaisait à ce critère et qu’elle n’avait, par conséquent, pas qualité pour agir au titre de la deuxième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
80 Le Tribunal a, dans un second temps, aux points 209 à 213 de l’arrêt attaqué, déduit de ce constat que la requérante n’avait non plus qualité pour agir au titre de la troisième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en estimant, notamment au point 211 de cet arrêt, que le critère selon lequel le requérant doit être directement concerné par l’acte en cause était identique dans les deuxième et troisième hypothèses visées à cette disposition.
81 C’est dans ce contexte que, par la première branche du deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal, en substance, de ne pas s’être livré à une vérification complète de la satisfaction à ce critère au regard de la troisième hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, mais de s’être contenté, en vue de déterminer si ce critère était rempli, de se référer et d’appliquer à celle-ci la décision issue de son examen de la deuxième hypothèse visée à cette disposition.
82 Or, contrairement à ce que soutient la requérante à l’appui de ce grief, il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873), que ledit critère revêtirait une signification différente aux fins des deuxième et troisième hypothèses prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
83 Au contraire, au point 42 de cet arrêt, la Cour a, sans qu’elle ait opéré une distinction entre ces hypothèses, rappelé que, selon une jurisprudence constante, ainsi que le Tribunal l’a, par ailleurs, relevé à juste titre au point 197 de l’arrêt attaqué, la condition selon laquelle la personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, « telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE », requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que cette décision, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires.
84 Il s’ensuit que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant, au point 211 de l’arrêt attaqué, que la portée de cette condition était identique dans les deuxième et troisième hypothèses prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et en ce qu’il a, au point 212 de cet arrêt, inféré du constat que la requérante ne répondait pas à cette condition aux fins de la deuxième hypothèse visée à cette disposition qu’elle n’y répondait pas non plus aux fins de la troisième hypothèse visée à celle-ci.
85 La requérante demeure, en outre, en défaut d’étayer en quoi les exigences relatives à la preuve de ce qu’elle était directement concernée par la décision litigieuse, telles que le Tribunal les a énoncées et appliquées, notamment aux points 198 et 206 de l’arrêt attaqué, aux fins de l’examen des barèmes de redevances aéroportuaires en cause, ne correspondaient pas à celles qui ressortiraient de la jurisprudence de la Cour en matière d’aides d’État, et en particulier du point 47 de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873), selon lequel le juge de l’Union est tenu de vérifier si un requérant a exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de le placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique.
86 Pour le surplus, conformément à la jurisprudence rappelée au point 46 du présent arrêt, il convient de rejeter comme irrecevable la première branche du deuxième moyen, dans la mesure où, par celle-ci, la requérante, d’une part, soutient, à nouveau, qu’elle avait prouvé, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, être directement concernée par la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur les barèmes de redevances aéroportuaires et, d’autre part, réitère, à cet effet, des éléments avancés dans sa requête en première instance.
87 Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
88 En ce que, par la deuxième branche de ce moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir, au point 205 de l’arrêt attaqué, dénaturé son mémoire en ce qui concerne l’expression « autres compagnies aériennes », en estimant que cette expression ne visait pas la requérante elle même, il convient de relever qu’une telle dénaturation ne ressort pas du point 205 de l’arrêt attaqué. Au contraire, il ressort, en substance, de ce point de l’arrêt attaqué que le Tribunal a correctement appréhendé cette expression comme se référant aux compagnies aériennes autres que Ryanair, mais il a constaté que la requérante ne faisait pas partie des utilisatrices de l’aéroport de Francfort Hahn et, partant, ne saurait se prévaloir d’une discrimination en faveur de Ryanair, au détriment des autres compagnies utilisatrices de cet aéroport.
89 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen du pourvoi comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de ce que le Tribunal a violé l’article 263, quatrième alinéa, et l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’obligation de motivation en ce qu’il a considéré que la requérante n’avait pas qualité pour agir contre la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur la « mesure no 12 »
Argumentation des parties
90 Par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 263, quatrième alinéa, et l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’obligation de motivation en ce qu’il a considéré que la requérante n’avait pas qualité pour agir contre la décision litigieuse en tant qu’elle porte sur la « mesure no 12 ».
91 À cet égard, la requérante relève que la Commission n’a pas réalisé de procédure formelle d’examen approfondie et qu’elle a qualifié cette mesure « d’aide à l’investissement », compatible avec le marché intérieur.
92 Or, la requérante aurait expressément fait valoir, dans la procédure devant le Tribunal, que la Commission n’aurait pas dû considérer que cette aide était compatible avec le marché intérieur sans avoir ouvert une procédure formelle d’examen approfondi. En rappelant les aspects sur lesquels elle s’était fondée à cet effet, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir examiné ces aspects et d’avoir commis une erreur de droit en examinant, en l’absence de toute motivation, la « mesure no 12 » sous l’angle de la « seconde alternative » de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609).
93 La requérante énonce un certain nombre d’éléments factuels relatifs au financement de FFHG et soutient que la Commission n’a pas examiné ce financement dans la décision litigieuse, lequel aurait ensuite été remplacé par la « mesure no 12 ». La requérante aurait, en tout état de cause, apporté la preuve suffisante que son recours en annulation était recevable au regard de la « première alternative » de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C 33/14 P, EU:C:2015:609). Dès lors que le Tribunal n’aurait examiné que la « seconde alternative » de cet arrêt et qu’il aurait considéré que les conditions prévues par celle-ci n’étaient pas remplies, il aurait violé les droits procéduraux de la requérante, garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE. À l’appui de ce moyen la requérante fait par ailleurs état d’une nouvelle décision de la Commission, ayant entre-temps été adoptée par cette institution, des aides au fonctionnement financées par la « mesure no 12 », des aides à l’investissement ainsi que du transfert des aides accordées à FFHG à Ryanair.
94 La Commission fait valoir que la « mesure no 12 » ne faisait pas l’objet de la procédure devant le Tribunal. En tout état de cause elle soutient, à l’instar du Land et de Ryanair, que le troisième moyen doit être rejeté comme étant dénué de tout fondement.
Appréciation de la Cour
95 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit identifier avec précision les points de motifs critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée et indiquer de façon précise les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêts du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C 619/13 P, EU:C:2017:50, point 42, ainsi que du 8 juin 2017, Dextro Energy/Commission, C 296/16 P, non publié, EU:C:2017:437, point 60).
96 Ne répond, notamment, pas à cette exigence le pourvoi ou le moyen du pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont seraient entachés l’arrêt ou l’ordonnance dont l’annulation est demandée, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi ou moyen constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 51 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 29 janvier 2020, Silgan Closures et Silgan Holdings/Commission, C 418/19 P, non publiée, EU:C:2020:43, point 71).
97 À cet égard, indépendamment de la question de savoir si la « mesure no 12 » visée par le troisième moyen faisait en effet l’objet de la décision litigieuse et, par la suite, de la procédure devant le Tribunal, ce que la Commission conteste, force est de constater, d’une part, que la requérante est, en tout état de cause, restée en défaut d’identifier les motifs de l’arrêt attaqué auxquels ce moyen se réfère, ne permettant ainsi pas à la Cour de contrôler si le Tribunal a commis les erreurs de droit alléguées.
98 D’autre part, tout en visant la procédure devant la Commission plutôt que l’arrêt attaqué, la requérante avance un nombre d’éléments factuels concernant, notamment, le financement de FFHG qu’elle aurait, de plus, déjà invoqués en première instance. Or, l’appréciation de tels éléments échappe, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante rappelée aux points 95 et 96 du présent arrêt, manifestement à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
99 Par conséquence, il convient de rejeter le troisième moyen du pourvoi comme étant irrecevable.
100 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
101 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
102 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ainsi que les parties intervenantes en première instance ayant conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens afférents au présent pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Deutsche Lufthansa AG supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, le Land Rheinland-Pfalz et Ryanair DAC.