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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 10 décembre 1996, n° 95-11062

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association assistance automobiles de France (Asso.)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Conseillers :

Mme Favre, Mme Guirimand

CA Paris n° 95-11062

10 décembre 1996

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;

Saisi par le ministre de l’économie et des finances de pratiques mises en œuvre dans le secteur du dépannage-remorquage des véhicules légers dans les régions des Pays de la Loire et de Bretagne, le Conseil de la concurrence, par décision n° 96-D-04 du 23 janvier 1996, a estimé que l’association Assistance automobile de France, en élaborant une grille tarifaire à partir d’un échange d’informations organisé entre les entreprises adhérentes et en la diffusant auprès de ses membres, avait mis en œuvre une pratique qui avait pour objet et avait pu avoir pour effet d’empêcher la libre détermination de leurs prix par les entreprises de dépannage-remorquage et de favoriser artificiellement la hausse des tarifs, et a infligé à l’association Assistance automobile de France une sanction pécuniaire de 50 000 F.

L’association Assistance automobile de France a formé un recours en réformation contre cette décision à l’appui duquel elle soutient que la grille tarifaire n’avait qu’un caractère indicatif chaque adhérent disposant d’une autonomie de gestion et fixant sous sa seule responsabilité ses prix en fonction de ses coûts de revient, et qu’en tout état de cause la diffusion de ce document n’a eu aucun effet anticoncurrentiel eu égard au faible nombre de dépanneurs-remorqueurs qui l’ont mis en application.

A titre subsidiaire, elle prétend que la pratique en cause était justifiée par la nécessité d’offrir aux consommateurs des interventions de qualité en toute transparence et au meilleur coût.

Elle demande en conséquence d’infirmer la décision du conseil en ce qu’elle l’a condamnée à une sanction pécuniaire et de condamner le ministre de l’économie et des finances au paiement d’une somme de 20 000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Conseil de la concurrence n’a pas entendu user de sa faculté de présenter des observations écrites.

Le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet du recours en faisant valoir que l’instruction du dossier a mis en évidence l’élaboration d’une grille de prix minimums et maximums puis sa diffusion à des entreprises qui l’ont appliquée en tout en partie ;

qu’il s’agit donc d’une pratique qui a eu pour objet et pour effet d’empêcher la libre détermination des prix. Il ajoute qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 10, alinéa 2, de l’ordonnance dans la mesure où l’association Assistance automobile de France ne démontre pas que la pratique en cause était indispensable pour assurer le progrès économique allégué.

Le ministère public conclut oralement dans le même sens en se fondant sur les mêmes arguments.

Considérant qu’il résulte des circonstances de la cause, telles qu’elles sont exactement décrites dans la décision déférée, que l’élaboration et la diffusion par l’association Assistance automobile de France d’une grille de tarifs des prestations de dépannage-remorquage constituent une pratique concertée qui, consistant à fixer directement ou indirectement le coût de prestations de service, a eu pour objet et pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné Qu’en effet la fixation d’un prix, même indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’il permet à tous les prestataires concernés de prévoir, avec un degré raisonnable de certitude, quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents et dès lors de se détacher de leurs propres prix de revient

Qu’en outre les constatations de l’administration montrent que la diffusion du barème a été suivie d’une application effective de la tarification par 35 entreprises dans un secteur géographique limité et a entraîné une augmentation des prix de l’ordre de 5 à 6 % ;

Considérant que la requérante soutient que l’élaboration et la diffusion d’un barème de prix étaient indispensables pour offrir aux consommateurs des interventions de qualité en toute transparence et au meilleur coût, et pour redonner à la profession une image de bonne foi

Mais considérant qu’elle n’apporte pas la preuve que la mise en œuvre d’une grille tarifaire était indispensable pour atteindre ces objectifs Qu’il apparaît au contraire que ces buts pouvaient être obtenus par d’autres moyens, et notamment par une amélioration de l’information au consommateur sur la teneur des prestations de dépannage- remorquage, ce qui a été fait par les pouvoirs publics à l’issue d’une concertation avec les différents intervenants, professionnels, associations de consommateurs et usagers, qui a abouti à l’élaboration d’une norme de service publiée au mois de juin 1996 ;

Considérant en conséquence qu’à bon droit le conseil a infligé à l’association Assistance automobile de France une sanction pécuniaire dont le montant et la proportionnalité ne sont pas discutés ;

Considérant enfin que la requérante succombant en son recours, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Par ces motifs :

Rejette le recours formé par l’association Assistance automobile de France contre la décision du Conseil de la concurrence n° 96-D-04 ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la requérante aux dépens.