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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 23 janvier 2019, n° 16/02901

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Le Bosphore (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachal

Conseillers :

Mme Sochacki, Mme Le Poitier

Avocats :

Me George, Me Renaudin, Me Chabot

TGI Saint Nazaire, du 10 mars 2016

10 mars 2016

Exposé des faits

Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 10 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Saint Nazaire, qui a :
 
déclaré la SARL Le Bosphore recevable en ses demandes ; dit que le commandement de quitter les lieux délivré le 5 septembre 2013 n'encourt pas la nullité pour avoir été notifié à la SCI Le Bosphore ;
 
constaté l'existence d'un bail commercial d'une durée de neuf ans, portant sur les locaux situés 49 avenue de la République, liant les parties à compter du 7 septembre 2013 pour un loyer mensuel de 1 400 € TTC, sous réserve de sa révision triennale ;
 
débouté la SARL Le Bosphore de sa demande de dommages et intérêts ; débouté M. A. de l'ensemble de ses demandes ; l'a condamné à verser à la SARL Le Bosphore la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
 
l'a condamné aux dépens ;
 
Vu les dernières conclusions, en date du 10 novembre 2016, de M. Michel A., appelant, tendant à :
 
dire et juger M. Michel A. recevable et bien fondé
 
en son appel et en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
 
En conséquence,
 
infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint Nazaire le 10 mars
2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que le commandement de quitter les lieux délivré le 5 septembre 2013 n'encourt pas la nullité pour avoir été notifié à la SCI Le Bosphore ;
 
Statuant à nouveau, à titre principal,
 
dire et juger que la conclusion d'un bail commercial entre les parties était soumise à la condition suspensive de versement d'un pas de porte par le preneur à l'issue du bail précaire, le 7 septembre 2013 ;
 
constater que le preneur n'a versé aucun pas de porte ; dire et juger en conséquence que la condition suspensive est défaillie et qu'aucun bail commercial ne lie les parties ;
 
À titre subsidiaire,
 
dire et juger qu'il n'y a pas eu accord des parties sur le prix du bail commercial ; prononcer en conséquence la nullité du bail commercial ;
 
En tout état de cause,
 
dire et juger que la SARL Le Bosphore occupe sans droit ni titre
 
les locaux sis 49, avenue de la République à Saint Nazaire depuis le 8 septembre 2013, lendemain de la date d'expiration du bail précaire ;
 
ordonner en conséquence l'expulsion de la SARL Le Bosphore et
de tous occupants de son chef desdits locaux, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
 
dire et juger que les meubles se trouvant dans les lieux seront remis, aux frais de la SARL Le Bosphore en un lieu qu'elle désignera et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié à la diligence de l'huissier de justice chargé de l'exécution, conformément à l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
 
condamner la SARL Le Bosphore à payer M. Michel A. une indemnité mensuelle d'occupation de 3 000 € à compter du 8 septembre 2013, date du début de l'occupation sans droit ni titre ;
 
condamner la SARL Le Bosphore à payer à M. Michel A. une indemnité de 7 500 € à titre de participation aux frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
 
condamner la SARL Le Bosphore aux entiers dépens de première
instance et d'appel, dont distraction au profit de SELARL LEXAVOUÉ < RENNES > ANGERS, société d'avocats aux offres et affirmation de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions, en date du 12 septembre 2016, de la SARL Le Bosphore, intimée, tendant à :
confirmer 1e jugement du 10 mars 2016 du tribunal de grande instance de Saint Nazaire en ce qu'i1 a déclaré recevable les demandes de SARL Le Bosphore ;
 
constater1'existence d'un bail commercial pour une durée de neuf ans portant sur les locaux situés 49 avenue de le République 44600 Saint Nazaire 1iant les parties à compter du 7 septembre 2013 pour un loyer mensuel de 1 400 € TTC sous réserve de sa révision triennale ;
 
condamner M. A. à payer à la SARL Le Bosphore la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
 
y additant, condamner M. A. à payer la somme soit 5 000 € supplémentaire au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
 
le débouter de ses demandes, fins, moyens, conclusions contraires ;
 
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 octobre 2018 ;

Motifs

Sur quoi, la cour
 
La SARL Le Bosphore exploite un fonds de commerce de restauration situé au 49 avenue de la République à Saint Nazaire, dans le cadre d'un bail dérogatoire conclu avec M. A. le 8 octobre 2011 pour une durée de deux ans.
 
Le 1er juillet 2013 le bailleur a notifié un congé avec offre de renouvellement du bail pour un loyer mensuel de 1 400 €, pour une durée de neuf ans, avec effet au 7 septembre 2013. Le 15 juillet 2013, la SARL Le Bosphore a notifié son acceptation.
 
Le 5 septembre 2013, M. A. a fait délivrer un commandement de quitter les lieux à la SCI Le Bosphore, au motif que le locataire n'avait pas acquitté le droit au bail.
 
Par acte d'huissier du 19 septembre 2013, M. A. a saisi le président du tribunal de commerce en référé aux fins d'expulsion sous astreinte puis s'est désisté de sa demande avant de saisir en référé, et aux mêmes fins le président du tribunal de grande instance.
 
Par ordonnance du 10 décembre 2013, le juge des référés a constaté l'existence d'une contestation sérieuse.
 
1°) Parallèlement par acte d'huissier en date du 4 décembre 2013, la SARL Le Bosphore a fait assigner M. A. en nullité du commandement en date du 5 septembre 2013 sollicitant le bénéfice du statut des baux commerciaux et la condamnation de M. A. à lui verser la somme de 5 000 € pour procédure abusive et celle de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
 
2°) Par le jugement déféré, le tribunal de grande instance de Saint Nazaire a déclaré recevables les demandes de la Sarl Le Bosphore, puisque d'une part celle ci justifie bien d'un intérêt à agir alors qu'elle sollicite la nullité du commandement délivré à son encontre et la reconnaissance de l'existence d'un bail commercial liant les parties et d'autre part une ordonnance de référé n'a aucune autorité de chose jugée et au surplus la demande de dommages et intérêts présentée devant le juge des référés s'est heurtée à une contestation sérieuse. Sur la nullité du commandement de quitter les lieux délivré à la SCI Le Bosphore, le tribunal a considéré que l'erreur invoquée était purement matérielle, en ce que le numéro de Siret et l'adresse sont ceux de la SARL Le Bosphore, que cette dernière ne s'y est pas trompée et a pu matériellement organiser sa défense tant en référé que devant le juge du fond, et qu'ainsi les conclusions de M. A. sont dirigées contre la SARL Le Bosphore et non la SCI. En conséquence, le tribunal a considéré que le commandement de quitter les lieux ne devait pas être déclaré nul. Enfin, le tribunal a retenu qu'à la date du 1er juillet 2013 il y a eu accord sur la nature du bail, sa date d'effet et le montant du loyer et a considéré dès lors que le contrat était formé entre les parties de façon irrévocable ; il a donc constaté que les parties étaient liées par un bail commercial d'une durée de neuf ans à compter du 7 septembre 2013 pour un loyer mensuel de 1 400 € TTC, sous réserve de sa révision triennale. En outre, le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Le Bosphore pour procédure abusive en rappelant qu'elle était demanderesse à ladite procédure.
 
Le 15 avril 2016, M. A. a interjeté appel de cette décision.
 
3°) A titre liminaire, il sera rappelé qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, en appel, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées à ce dispositif ; il doit être constaté que devant la cour l'appelant ne conclut pas dans le dispositif de ses dernières écritures à l'irrecevabilité des demandes de la SARL Le Bosphore, prétentions qu'il abandonne donc.
 
Par ailleurs, la nullité du commandement délivré le 5 septembre 2013 n'est plus recherchée en appel par la preneuse, qui conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.
.
Sur le bail commercial
 
M A. sollicite de la cour de constater que la conclusion du bail commercial entre les parties était soumise à une condition suspensive de paiement d'un pas de porte comme prévu par le bail précaire et dérogatoire du 8 octobre 2011; ce règlement n'étant pas intervenu il demande à la cour de dire qu'aucun bail commercial ne lie les parties et demande par suite l'expulsion de la société Le Bosphore et la fixation d'une indemnité d'occupation. A titre subsidiaire, il conclut à la nullité du bail commercial pour indétermination du prix puisqu'aucun supplément de loyer correspondant au droit au bail n'a été fixé entre les parties et alors que le loyer est nettement inférieur au prix du marché.
 
La Sarl Le Bosphore rétorque qu'aucun pas de porte n'a été prévu au congé notifié le 1er juillet 2013 avec offre de renouvellement visant un loyer de 1400 € par mois et considère que le bailleur a donc renoncé à l'application de la clause figurant au bail précaire signé le 8 octobre 2011.
 
Le bail précaire signé le 8 octobre 2011, et en son article renouvellement, prévoyait qu'à l'issue du présent bail précaire le preneur aura choix soit de quitter les lieux à la date prévue soit de demander au bailleur un bail commercial 3/6/9 en bonne et due forme en versant un droit au bail à négocier avec le bailleur en ce cas le bail commercial serait spécialisé dans l'activité du preneur, soit demander un nouveau bail précaire de 23 mois qui ne sera accepté par le bailleur que sous condition que le preneur s'engage clairement sans équivoque et en toute connaissance de cause à renoncer à toute propriété commerciale et/ou indemnité quelle qu'elle soit, en ce cas un nouveau loyer sera négocié, le preneur informera le bailleur trois mois avant l'échéance finale à défaut de se prononcer, il sera présumé quitter les lieux à l'issue de ce présent bail
précaire.
 
Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L 145-1 du code de commerce en sa rédaction applicable à l'espèce, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre (relatif au bail commercial) à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans et si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre et il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
 
Il doit être constaté que par acte d'huissier délivré le 1er juillet 2013, le bailleur a notifié à la société le Bosphore un congé avec proposition de renouvellement du bail pour neuf années et moyennant un loyer annuel de 16 800 € soit 1 400 € mensuel ; par acte d'huissier délivré le 15 juillet 2013, la société Le Bosphore a accepté ce bail aux conditions proposées.
 
4°) Dès lors à raison, le tribunal a retenu que le bail liant les parties était un bail commercial alors qu'un accord irrévocable est donc intervenu entre les parties le 15 juillet 2013 sur un bail d'une durée de neuf ans à compter du 7 septembre 2013 et pour un loyer mensuel de 1 400 €.
 
Effectivement eu égard à la teneur du contrat de bail précaire et des conditions de bail notifiées par M. A., il doit être constaté qu'aucun règlement d'un pas de porte n'a été visé comme condition suspensive au nouveau bail régulièrement formé le 15 juillet 2013 et nonobstant les courriers ultérieurs échangés entre les parties et en faisant état ; en effet, la clause du bail précaire
visant le paiement d'un droit au bail était stipulée au bénéfice du bailleur, qui n'a donc pas souhaité en faire état dans son offre et y renonçant par là même.
 
C'est à tort que M. A. soutient que la condition suspensive de versement de pas de porte mentionnée au bail précaire a été transférée dans le nouveau bail en considérant que les clauses du bail originaire survivent. En effet, si en droit les clauses et conditions de l'ancien bail commercial restent applicables au bail renouvelé, il doit être rappelé qu'en l'espèce, le bail initial est dérogatoire et le nouveau bail, conformément à la loi, relève des dispositions de l'article L145-1 et suivants du code de commerce et n'est pas établi aux mêmes conditions comme l'a expressément indiqué M. A. dans son congé délivré le 1er juillet 2013, qui ne mentionne aucunement un droit au bail et comme déjà indiqué.
 
En regard de l'échange des volontés tel que rappelé ci avant, l'appelant est mal fondé à considérer à titre subsidiaire que le contrat de bail serait nul pour indétermination du prix, aucun supplément de loyer correspondant au droit au bail, n'étant fixé entre les parties. Effectivement, le loyer du nouveau bail a été clairement et précisément déterminé entre les parties au montant de 1 400€ mensuels et par un accord devenu irrévocable le 15 juillet 2015 et sans aucune référence au paiement d'un pas de porte, et alors qu'au surplus, il n'est nullement démontré que le loyer arrêté serait inférieur à ceux habituellement appliqués dans le secteur.
 
Le jugement déféré sera donc confirmé de ces chefs et en ce qu'il a rejeté les demandes de M. A. tendant à l'expulsion de la preneuse et à la fixation d'une indemnité d'occupation.
 
Il sera constaté que la Sarl Le Bosphore ne forme plus une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive concluant à la confirmation de la décision entreprise, qui a rejeté cette prétention.
 
Sur les dépens et frais
 
Eu égard à l'issue de la présente instance, une somme de 1 500 € sera allouée à l'intimée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens devant être supportés par l'appelant comme y succombant et les dispositions du jugement déféré devant en outre être confirmées de ces chefs.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,
 
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
 
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
 
Condamne M. Michel A. aux entiers dépens d'appel,
 
Condamne M. Michel A. à verser à la SARL Le Bosphore la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
 
Rejette toute autre demande.