Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 8 juillet 2021, n° 18/27045

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Méditerranéenne de Transport (Sté)

Défendeur :

China Shipping (France) Agency (SAS), Cosco Shipping Development Co Ltd (Sté), Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd (Sté), Cosco Shipping Lines Co Ldt (Sté), Cosco Shipping France (SAS), China Cosco Shipping Corporation Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

TGI Paris, du 6 nov. 2018

6 novembre 2018

Faits et procédure :

La société Compagnie Méditerranéenne de Transport (ci-après la société « CMT »), anciennement dénommée China Shipping Tunisie, est une société de droit tunisien. Elle a pour activité tous services attachés au transport maritime et la consignation des navires.

La société China Shipping Container Line Co Ltd (ci-après la société CSCL) était une société qui possédait et exploitait une flotte importante de navires.

La société China Shipping Container Line (Hong Kong) Co Ltd (ci-après la société CSCL HK) était une filiale de la société CSCL.

La société China Shipping France Agency (ci-après la société CSCL France), société de droit français, était l'agent des sociétés CSCL en Europe et en Afrique du nord.

Ces trois sociétés (ci-après les sociétés CSCL) appartenaient au groupe CSCL, l'un des principaux armateurs chinois contrôlés par l'État chinois.

Le second armateur contrôlé par l'État chinois est le groupe Cosco auquel se rattachent les sociétés Cosco Container Line Co Ltd (devenue Cosco Shipping Line Co Ltd) et Cosco Shipping Agency.

La société United Shipping Agency Network (USAN), (devenue par la suite China Shipping North Africa), société de droit français, est spécialisée dans la gestion commerciale de réseaux d'agences maritimes en Afrique du Nord.

Au cours de l'année 2014, les sociétés CSCL se sont rapprochées de la société USAN en vue de leur implantation dans les pays du Maghreb.

Le 1er mai 2015, la société CSCL France, en sa qualité d'agent des sociétés CSCL et CSCL HK, a conclu avec la société USAN un contrat dénommé « Partenariat entre l'agence China Shipping France et le réseau United Shipping Agency « mise en place d'un réseau d'agences » Accord de sous-traitance » aux termes duquel la société USAN était chargée de représenter les sociétés CSCL en tant que sous agent pour développer le marché nord-africain, collecter le fret et assurer la gestion du réseau d'agences locales.

Le 8 mai 2015, la société USAN a conclu, au nom et pour le compte des sociétés CSCL France, CSCL et CSCL HK « désignées collectivement comme le « commettant » » avec la société CMT un « contrat d'agence maritime » lui confiant la mission d'être leur agent général de transport maritime de ligne afin d'assurer la représentation de l'armement chinois CSCL en Tunisie. Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans à compter du 1er juillet 2015.

Par lettre du 28 février 2016, la société CSCL a annoncé à ses agents la reprise de son activité de transport de conteneurs par la société Cosco Contenair lines Co ltd à compter du 1er mars 2016.

Le 1er mars 2016, un avenant a été conclu entre les sociétés CSCL France et USAN en vue de tenir compte du transfert de l'activité de transport de conteneurs au profit de la société Cosco. Il a été prévu qu'à compter du 1er mars 2016, les agences maritimes locales signeraient les connaissements en qualité d'agent de Cosco Container Line Co Ltd.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 avril 2016, la société CSCL France a avisé la société USAN de la résiliation, avec effet immédiat, du contrat du 1er mai 2015 la désignant comme son représentant pour les pays nord-africains.

Le 4 mai 2016, la société CSCL France a envoyé à la société CMT une note aux termes de laquelle elle informait ses destinataires du transfert de l'ensemble de ses équipements de navires et activités opérationnelles à la société Cosco, en raison de la restructuration du groupe CSCL. Cette note faisait par ailleurs état de l'envoi antérieur le 20 avril 2016 à la société USAN d'un avis portant résiliation du contrat du 1er mai 2015, et, par conséquent, des contrats de sous-agence conclus par elle, avec effet au 21 juillet 2016, soit à la fin d'un préavis de 90 jours.

Le 12 mai 2016, la société CMT a contesté la résiliation de son contrat d'agence et revendiqué l'indemnisation du préjudice économique en résultant.

Par lettre du 24 mai 2016, la société CSCL France a répliqué qu'elle considérait, en application des stipulations contractuelles, pouvoir mettre un terme au contrat à tout moment moyennant le respect d'un préavis de 90 jours.

La société CMT a, par lettre du 27 mai 2016, maintenu sa demande d'indemnité à l'encontre de la société CSCL France.

Le 30 mai 2016, la société CMT a adressé une copie de cette lettre à la société Cosco Container Lines Co ainsi qu'à la société CSCL.

Le 2 juin 2016, la société CSCL France a contesté la réclamation de la société CMT.

Par ordonnance du 18 mai 2016, rendue sur requête de la société CMT, le président du tribunal de première instance de Ben Arous a désigné un expert, M. X, avec pour mission d'examiner ses états financiers et d'évaluer le préjudice subi à la suite de la résiliation du contrat d'agence maritime.

Parallèlement, par ordonnance du président du tribunal de première instance de Ben Arous du 2 juin 2016, la société CMT a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens des sociétés USAN, CSCL France et Cosco Container Lines, en garantie du recouvrement d'une créance en principal estimée provisoirement à 11.731.911,297 TND soit 5.030.350,14 USD.

En vertu de cette ordonnance, la société CMT a fait procéder, le 7 juin 2016, à la saisie de 953 conteneurs se trouvant dans les entrepôts de la société Compagnie maritime de consignation (ci-après société CMC) à Rades et Sfax.

Le 15 novembre 2016, la société CMC a demandé à la société Cosco Container Lines Co Ltd le paiement d'une somme de 1.626.090 USD au titre du stockage de ses conteneurs.

Le 29 novembre 2016, le président du tribunal de première instance de Ben Arous, saisi d'une demande de rétractation par la société CSCL France et la société Cosco Container Lines, a ordonné la mainlevée de la saisie pratiquée par la société CMT.

Néanmoins, en l'absence du règlement de ses factures, la société CMC a obtenu l'autorisation de saisir lesdits conteneurs et les a retenus malgré la mainlevée de la saisie pratiquée par la société CMT.

Le 8 décembre 2016, à la suite d'un accord, les sociétés CSCL, CSCL HK et Cosco ont payé à la société CMC une somme de 900.000 euros moyennant l'engagement de cette dernière de permettre la reprise des conteneurs.

Le même jour, la société CMT a remis aux sociétés CSCL, CSCL HK, Cosco Container lines Co Ltd et Cosco Shipping Container Lines une lettre d'engagement.

L'expert, M. X, a déposé son rapport le 20 janvier 2017.

Le 27 mars 2017, la société CMT a saisi le président du tribunal de première instance de Ben Arous d'une nouvelle demande de saisie conservatoire à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 31 mars 2017. Cette ordonnance a été rétractée le 23 mai 2017, sur requête des sociétés CSCL France et Cosco.

Parallèlement, la société CMT a déposé, le 16 mars 2017, une plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis pour des faits d'extorsion à l'encontre des dirigeants de la société CSCL, de la société Cosco et de la société USAN et a saisi, le 10 mai 2017, le Conseil de la concurrence tunisien pour abus de position dominante et de dépendance économique à l'encontre de la société CSCL, de la société Cosco et de la société USAN.

Enfin, par actes des 27 et 30 juin 2016, la société CMT a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés CSCL France, CSCL, CSCL HK, la société Cosco Container Lines Co, la société Cosco Shipping Agency et la société USAN afin de voir déclarer nulle et en tout cas inopposable à son égard la résiliation du contrat d'agence maritime du 8 mai 2015 et afin d'obtenir la condamnation solidaire des défenderesses à lui payer une somme de 10.187.896 dinars tunisiens au titre de la rupture anticipée du contrat et une somme de 5.095.248 dinars tunisiens au titre de la rupture du contrat.

Par ordonnance du 8 novembre 2016, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance de la société CMT à l'encontre de la société USAN et l'extinction de l'instance engagée à son encontre.

Par jugement du 6 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré la résiliation du contrat du 8 mai 2015 non conforme aux stipulations contractuelles ;

- en conséquence, condamné in solidum les sociétés China Shipping (France) Agency, China Shipping Container Line Co Ltd, China Shipping Container Line Co Hong Kong, Cosco Container Lines Co, Cosco Shipping Agency à payer à la société Compagnie Méditerranéenne de Transport (CMT) la somme de 167.830,06 USD ou sa contre-valeur en euros au taux de change au jour de la présente décision, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2016 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamné la société CMT à payer aux sociétés China Shipping Container Line Co Ltd et Cosco Container Lines Co Ltd la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure engagée abusivement devant le Conseil de la concurrence et de la plainte pénale abusive ;

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum les sociétés China Shipping (France) Agency, China Shipping Container Line Co Ltd, China Shipping Container Line Co Hong Kong, Cosco Container Lines Co, Cosco Shipping Agency à payer à la société Compagnie Méditerranéenne de Transport (CMT) la somme de 12.000 euros ;

- condamné in solidum sociétés China Shipping (France) Agency, China Shipping Container Line Co Ltd, China Shipping Container Line Co Hong Kong, Cosco Container Lines Co, Cosco Shipping Agency aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 28 novembre 2018, la société CMT a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- déclaré valide et opposable la clause de rupture anticipée du contrat d'agent maritime du 8 mai 2015 ;

- écarté le rapport d'expertise judiciaire et ses annexes au titre de la preuve du manque à gagner jusqu'à la fin de la période contractuelle ;

- débouté CMT de sa demande au titre du manque à gagner jusqu'au terme du contrat à durée déterminée, soit la somme de 6.106.637 TND au titre de la rupture anticipée ou sa contrevaleur en euros au jour du jugement avec intérêts de droit capitalisés à compter du 7 juin 2016, date de la saisie conservatoire,

- écarté le rapport d'expertise judiciaire et ses annexes au titre de l'évaluation de l'indemnité de rupture anticipée prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ;

- débouté CMT de sa demande au titre de l'évaluation de l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce basée sur l'évaluation retenue dans le rapport d'expertise judiciaire et ses annexes à concurrence de la somme de 1.669.451.336 TND au titre de l'indemnité de rupture ou leur contrevaleur eu euros avec intérêts de droit capitalisés à compter du 7 juin 2016, date de la saisie conservatoire,

- limité la condamnation in solidum de la SAS China Shipping (France) Agency, de la société China Shipping Container Lines Co Ltd, de la société China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co Ltd, de la société Cosco Container Lines Co Ltd et de la SAS Cosco Shipping Agency à payer à CMT la somme de 167. 830,06 USD en principal au titre de l'indemnité de rupture ;

- débouté CMT de sa demande en indemnisation de son préjudice d'image et d'atteinte à sa réputation d'agent maritime ;

- condamné CMT pour procédure abusive au titre de l'action devant le Conseil de la concurrence et du dépôt d'une plainte pénale à payer à CSCL (China Shipping Container Lines Co Ltd) et Cosco (Cosco Container Lines Co Ltd) la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- limité la condamnation in solidum de la SAS China Shipping (France) Agency, de la société China Shipping Container Lines Co Ltd, de la société China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co Ltd, de la société Cosco Container Lines Co Ltd et de la SAS Cosco Shipping Agency à payer à CMT la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et plus généralement toute disposition visée au dispositif faisant grief à l'appelante, selon les moyens qui seront développés dans les conclusions. Dans la déclaration d'appel, étaient intimées la société China Shipping (France) Agency, la société China Shipping Container Lines Co, la société China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, la société Cosco Container Lines Co, la société Cosco Shipping France et la société China Cosco Shipping Corporation Ltd.

Par conclusions du 28 juillet 2020, la société CMT demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 et suivants du code civil en leur version applicable aux faits litigieux,

Vu les articles L. 134-4, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce,

- recevoir la société CMT en son appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la résiliation du contrat du 8 mai 2015 non conforme aux stipulations contractuelles,

- déclarer nulle et de nul effet et en tout cas inopposable la clause de résiliation anticipée (article 8.2) du contrat d'agence maritime,

- subsidiairement, déclarer la rupture non contractuelle,

- plus subsidiairement déclarer la rupture abusive,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le rapport d'expertise judiciaire et ses annexes au titre de la preuve du manque à gagner jusqu'à la fin de la période contractuelle,

- homologuer le rapport de M. X,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté CMT de sa demande au titre du manque à gagner jusqu'au terme du contrat à durée déterminée, soit la somme de 6.106.637 TND ou sa contrevaleur en euros au jour du jugement avec intérêts de droit capitalisés à compter du 7 juin 2016, date de la saisie conservatoire,

- En conséquence, condamner in solidum les sociétés :

- China Shipping (France) Agency Sas

- China Shipping Container Lines Co

- China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co

- Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd)

- Cosco Shipping (France) Agency Sas

- Cosco Shipping Development Co Ltd

- Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd

à payer à la société CMT la somme de 6.106.637 TND au titre de la rupture anticipée et du manque à gagner jusqu'au terme du contrat ou sa contrevaleur en euros au jour de l'arrêt à intervenir avec intérêts de droit à compter du 7 juin 2016, date de la saisie conservatoire avec capitalisation pour chaque année entière selon l'article 1343-2 nouveau du code civil,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il écarté le rapport d'expertise judiciaire et ses annexes au titre de l'évaluation de l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation in solidum de la SAS China Shipping (France) Agency, de la société China Shipping Container Lines Co Ltd, de la société China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co Ltd, de la société Cosco Container Lines Co Ltd et de la SAS Cosco Shipping Agency à payer à CMT la somme de 167.830,06 USD en principal au titre de l'indemnité de rupture,

En conséquence, condamner in solidum les sociétés :

- China Shipping (France) Agency Sas

- China Shipping Container Lines Co

- China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co

- Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd)

- Cosco Shipping (France) Agency Sas

- Cosco Shipping Development Co Ltd

- Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd

à payer à la société CMT la somme de 1.669.451.336 TND au titre de l'indemnité de rupture ou sa contrevaleur eu euros au jour de l'arrêt à intervenir avec intérêts de droit à compter du 7 juin 2016, date de la saisie conservatoire avec capitalisation pour chaque année entière selon l'article 1343-2 nouveau du code civil,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté CMT de sa demande en indemnisation de son préjudice d'image et d'atteinte à sa réputation d'agent maritime,

En conséquence, condamner les requises sous la même solidarité à payer à la société CMT la somme de 150.000 euros au titre du préjudice d'image et d'atteinte à sa réputation d'agent maritime,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné CMT pour procédure abusive au titre de l'action devant le Conseil de la concurrence et du dépôt d'une plainte en Tunisie à payer à CSCL (China Shipping Container Lines Co Ltd) et Cosco (Cosco Container Lines Co Ltd) la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- en conséquence, débouter les requises de toute indemnisation au titre des procédures engagées par CMT,

- confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a débouté les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd) et Cosco Shipping (France) Agency Sas de leur demande en condamnation de CMT (Compagnie Méditerranéenne de Transport) à leur payer du fret prétendument dû,

- subsidiairement, débouter les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd), Cosco Shipping (France) Agency Sas, Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd de toute demande d'indemnisation relative au fret prétendument restant dû par CMT,

- confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a débouté les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd) et Cosco Shipping (France) Agency Sas de leur demande en condamnation de CMT à leur payer le montant des surestaries prétendument dues,

- subsidiairement, débouter les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd), Cosco Shipping (France) Agency Sas, Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd de toute demande d'indemnisation relative au montant des surestaries prétendument restant dues par CMT,

- confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a débouté les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd) et Cosco Shipping (France) Agency Sas de leur demande en condamnation de CMT à leur payer le coût de remplacement des conteneurs prétendument perdus,

- subsidiairement, débouter les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd), Cosco Shipping (France) Agency Sas, Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd de toute demande d'indemnisation par CMT (Compagnie Méditerranéenne de Transport) relative aux conteneurs perdus,

- confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a débouté les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd) et Cosco Shipping (France) Agency Sas de leur demande en condamnation de CMT à réparer le préjudice prétendu résultant de la saisie conservatoire prétendument abusive,

- subsidiairement, débouter les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd), Cosco Shipping (France) Agency Sas, Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd de toute demande d'indemnisation par CMT relative aux conséquences des saisies conservatoires prétendument abusives,

- confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a débouté les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd) et Cosco Shipping (France) Agency Sas de leur demande en condamnation de CMT à réparer le préjudice prétendu résultant de l'interruption de la ligne sur Tunis,

- subsidiairement, débouter les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd), Cosco Shipping (France) Agency Sas, Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd de toute demande d'indemnisation par CMT relative à l'interruption de la ligne sur Tunis,

- confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a débouté les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd) et Cosco Shipping (France) Agency Sas de leur demande en condamnation de CMT à réparer leur préjudice commercial prétendu,

- subsidiairement, débouter les sociétés China Shipping (France) Agency Sas, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co, Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd), Cosco Shipping (France) Agency Sas, Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd de toute demande d'indemnisation par CMT relative au préjudice commercial allégué,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation in solidum de la SAS China Shipping (France) Agency, de la société China Shipping Container Lines Co Ltd, de la société China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co Ltd, de la société Cosco Container Lines Co Ltd et de la SAS Cosco Shipping Agency à payer à CMT la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, condamner solidairement les requises à payer à la CMT la somme de 100. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, en ce y compris les frais d'expertise judiciaire en Tunisie.

Par conclusions du 29 octobre 2020, les sociétés CSCL France, Cosco Shipping Development Co Ltd (précédemment CSCL), Cosco Development Hong-Kong Co Ltd (précédemment CSCL HK), Cosco Shipping Lines Co Ltd (précédemment Cosco Container Line Co Ltd) et Cosco Shipping Agency demandent à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article 1147 du code civil,

Vu l'article L. 134-12 du code de commerce,

Première partie

I. Sur la mise hors de cause des sociétés China shipping France agency (CSCL France) et Cosco Shipping Agency :

- dire et juger que la responsabilité d'un agent maritime ne peut être mise en cause par un tiers sauf en cas de faute personnelle de sa part,

A) En ce qui concerne China Shipping France Agency,

- dire et juger que c'est en tant qu'agent de son commettant CSCL que la société China Shipping France Agency a cosigné le contrat d'agence du 8 mars 2015,

- dire et juger qu'aucune faute personnelle n'a été commise par la société China Shipping France Agency,

B) En ce qui concerne Cosco Shipping Agency :

- dire et juger que cette société n'est pas cosignataire du contrat d'agence du 8 mars 2015,

- dire et juger que la société Cosco Shipping Agency est totalement étrangère au litige qui oppose la société CMT aux sociétés CSCL et Cosco Shipping,

- dire et juger qu'aucune faute personnelle ne peut être reprochée à la société Cosco Shipping Agency,

- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal a jugé qu'il n'est pas en mesure de s'assurer du rôle des sociétés China Shipping France Agency et Cosco Shipping Agency,

- statuant et jugeant à nouveau, déclarer irrecevable l'action de CMT à l'encontre des concluantes et débouter la société CMT de son action à l'encontre de China Shipping France Agency et à l'encontre de Cosco Shipping Agency,

Deuxième partie

II. A titre principal, sur le mal fondé de la demande de CMT de dommages et intérêts pour manque à gagner à hauteur de 6.106.637 TND (1.821.610 euros),

A) La clause de résiliation anticipée figurant au contrat d'agence est valide :

- dire et juger que la clause de résiliation anticipée figurant au contrat est réciproque et bénéficie aux parties,

- dire et juger qu'en droit français, les parties à un contrat à durée déterminée ont la possibilité d'inclure une clause de rupture unilatérale avant l'expiration du contrat, sous réserve du respect d'un préavis,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la clause de résiliation anticipée permet une possibilité de résiliation réciproque et ne lèse aucune des parties,

B) Sur le respect des conditions de forme :

- dire et juger que la clause de résiliation anticipée figurant à l'article 8.2 du contrat permet la résiliation par chacune des parties, à tout moment et pour n'importe quelle raison, sous réserve d'un préavis de résiliation de 90 jours donné par écrit,

- dire et juger que la résiliation a bien été notifiée par écrit à CMT puisque par lettre en date du 4 mai 2016, China Shipping France Agency, agissant en tant qu'agent des sociétés CSCL et CSCL Hong-Kong, a notifié à CMT la résiliation du contrat d'agent commercial,

- dire et juger que la date du 21 juillet 2016 mentionnée dans la lettre du 4 mai 2016 n'était qu'indicative puisqu'il était stipulé expressément dans cette lettre que la résiliation interviendrait à la fin d'un préavis de 90 jours,

- dire et juger en conséquence que la lettre de résiliation en date du 4 mai 2016 respecte les conditions de forme,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la lettre de résiliation du 4 mai 2016 ne respectait pas les conditions de forme puisque le délai de résiliation était de 78 jours et non de 90 jours,

- ainsi, statuant et jugeant à nouveau, dire et juger que l'article 8.2 du contrat d'agence permettait aux sociétés CSCL de résilier le contrat à tout moment et pour n'importe quelle cause que ce soit,

- en conséquence, dire et juger que la société CSCL était donc incontestablement en droit, en application de l'article 8.2 du contrat d'agence, de résilier le contrat avec CMT,

- débouter en conséquence la société CMT de sa demande de dommages et intérêts pour la somme de 6.106.137 TND (1.821.610,10 euros) au titre de manque à gagner jusqu'à la fin de la période contractuelle,

III. A titre subsidiaire, en tout état de cause, CMT ne justifie ni de l'existence, ni des montants d'un prétendu manque à gagner jusqu'à la fin du contrat :

Au cas où par impossible la cour confirmerait le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la résiliation du 4 mai 2016 n'aurait pas respecté le préavis de 90 jours :

A) Le rapport de l'expert X doit être écarté des débats pour non-respect du principe du contradictoire :

- dire et juger que le procès-verbal de l'huissier en date du 23 mai 2016 notifiant l'ordonnance désignant M. X comme expert et convoquant à une réunion d'expertise en date du 3 juin a été déposé le 23 mai 2016 au bureau d'ordre pour notification par voie diplomatique,

- dire et juger que les sociétés China Shipping (France) Agency, Cosco Container Line ne pouvaient donc en aucune façon être prévenues par ce procès-verbal de l'huissier de la réunion d'expertise du 3 juin 2016,

- dire et juger que de l'aveu même de l'huissier, le procès-verbal du 23 mai 2016 n'a jamais été notifié aux parties,

- dire et juger que l'expert X, qui connaissait l'adresse de China Shipping (France) Agency, n'a pas informé cette dernière de sa réunion d'expertise du 3 juin par courriel ou par voie postale.

- dire et juger que China Shipping (France) Agency, Cosco Container Line n'ont jamais été convoquées à la première réunion d'expertise du 3 juin 2016,

- dire et juger que l'expert X, désigné par le vice-président du tribunal de Ben Arous en date du 18 mai 2016, n'a pas convoqué les sociétés China Shipping France Agency, CSCL et Cosco Shipping à sa première réunion d'expertise,

- dire et juger que l'expert X a tenu des réunions chez CMT et avec le représentant de CMT sans avoir invité préalablement les sociétés China Shipping France Agency, CSCL et Cosco Shipping à participer à ces réunions,

- dire et juger que l'expert X n'a pas communiqué à l'avocat des concluantes le dire du 10 novembre 2016 de Me W répondant aux observations de Me A., avocat des concluantes,

- dire et juger que dans son rapport, l'expert X a repris « in extenso » le dire de Me W en date du 10 novembre 2016 non communiqué au conseil des concluantes, sous le titre « Moyens de défense de la partie défenderesse »,

- dire et juger que contrairement à ce que prétend la société CMT, l'expert X a donc bien pris en considération le dire de Me W en date du 10 novembre 2016,

- dire et juger que la non-communication à Me A., avocat des concluantes, du dire de Me W en date du 10 novembre 2016 a porté un préjudice considérable aux concluantes,

- dire et juger que l'expert X n'a donc pas respecté le principe du contradictoire,

- ainsi, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté des débats le rapport de l'expert X au motif qu'il n'avait pas respecté le principe du contradictoire.,

B) Le rapport de M. X devant être écarté des débats, CMT ne peut justifier du préjudice allégué

- dire et juger que la demande de la société CMT à hauteur de 6.106.637 TND repose uniquement sur le rapport de l'expert X,

- dire et juger que CMT n'a versé aux débats aucun bilan ni pièce comptable tendant à démontrer l'existence d'un manque à gagner,

- dire et juger que le rapport de M. X devant être écarté des débats, la société CMT ne justifie ni de l'existence, ni du montant du préjudice allégué de manque à gagner,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CMT de sa demande de paiement de la somme de 6.106.637,95 dinars pour non-justification de son préjudice,

IV. A titre très subsidiaire, en tout état de cause, le rapport de M. X reposant sur des données erronées ne permet en aucune façon d'établir l'existence ou le montant d'un manque à gagner :

- dire et juger que la notion de manque à gagner retenue par l'expert X n'est pas conforme au droit français,

- dire et juger que c'est à tort que l'expert X a considéré que la communication de la comptabilité de la société CMT pour les années 2015 et 2016 n'était pas nécessaire pour établir le montant du préjudice de manque à gagner,

- dire et juger que pour chiffrer le manque à gagner, l'expert X a pris en considération à tort non seulement les commissions brutes au lieu des commissions nettes mais encore des commissions indirectes, non-contractuelles et aucunement justifiées,

- dire et juger que l'expert judiciaire pour retenir un manque à gagner de 6.106.637 TND s'est appuyé sur une assiette erronée et un taux de croissance erroné,

- dire et juger en conséquence que c'est à tort que CMT s'appuie sur la première méthode de l'expert valorisant le manque à gagner pour demander le paiement de 6.106.637 TND,

- débouter donc en tout état de cause la société CMT de sa demande de 6.106.637 TND ou 1.821.610,10 euros sur la base de l'article 1147 du code civil,

Troisième partie

V. Sur la demande d'indemnité de rupture contractuelle prévue à l'article 134-12 du code de commerce :

- dire et juger que seule la somme de 171.199 Dinars, soit 83.915 USD, représentant le montant des commissions perçues par CMT pendant l'année d'exécution du contrat, peut être retenue pour le calcul de l'indemnité due en vertu de l'article 134-12 du code de commerce,

- dire et juger que c'est incontestablement à tort que CMT, se basant sur le rapport de l'expert X, prétend retenir, au titre de commissions reçues, la somme de 288 980 dinars,

- dire et juger que le chiffre de 288.980 dinars retenu par l'expert prend en considération non seulement les commissions contractuellement dues mais également les dépenses d'ordre diverses et des commissions indirectes non contractuelles et non justifiées,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la somme de 83.915 USD, soit 171.199 dinars, comme étant le seul montant de commissions devant être retenue pour calculer l'indemnité de rupture,

- dire et juger que la courte durée d'exécution du contrat sur une période d'un an ne donne à CMT le droit qu'à un an de commissions, soit 83.915 USD,

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de n'allouer qu'un an de commissions à la société CMT,

- à titre subsidiaire, au cas où par impossible la cour considérerait que c'est à juste titre que le tribunal a alloué deux ans de commissions à la société CMT, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les concluantes à payer la somme de 167.830 USD au titre de l'indemnité de rupture,

Quatrième partie

VI. En ce qui concerne la demande de CMT au titre du préjudice d'image :

- dire et juger que la société CMT ne justifie d'aucun préjudice d'image,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CMT de sa demande de 150.000 euros au titre du préjudice d'image,

Cinquième partie : sur les dommages et intérêts dus par CMT pour procédure abusive :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé comme abusive la procédure engagée par CMT devant le Conseil de la concurrence ainsi que la plainte pénale,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a condamné CMT qu'à payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts,

- condamner en conséquence CMT à payer la somme de 100.000 euros à Cosco Shipping Development CO LTD précédemment nommée China Shipping Container Line CO LTD et à Cosco Shipping Line CO LTD précédemment nommée Cosco Container Line CO LTD,

Sixième partie : sur l'appel incident formé par les sociétés concluantes :

Devant le tribunal, les concluantes avaient formé différentes demandes reconventionnelles qui ont été rejetées par la cour,

Dans ces conditions, les concluantes entendent former un appel incident contre le jugement entrepris qui les a déboutées de leurs demandes reconventionnelles,

I. Sur le fret et surestaries restant dues par CMT sur la base du contrat d'agence du 8 mars 2015 :

- dire et juger que c'est à juste titre que le tribunal, dans le jugement entrepris, a considéré que le principe du transfert du montant du fret collecté par l'agent au commettant est incontestable,

- infirmer toutefois le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les concluantes de leurs demandes pour restitution du fret et des surestaries au motif qu'il n'est pas possible de se constituer des preuves à soi-même,

- dire et juger en effet que les concluantes ont versé aux débats copie des décomptes établis sur papier en tête de CSCL et Cosco authentifiés par l'expert-comptable des compagnies,

1) Le fret

Statuant et jugeant à nouveau, condamner CMT à payer à Cosco Shipping Development Co Ldt précédemment dénommée China Shipping Container Line Co la somme de 66.654,01 USD, sauf à parfaire ou à compléter, correspondant au fret collecté par CMT jusqu'au 29 février 2016 et non reversé à CSCL,

- condamner CMT à payer à Cosco Shipping Line CO LTD, précédemment nommée Cosco Container Line CO, la somme de 138 483,74 USD, sauf à parfaire ou à compléter, correspondant au fret collecté par CMT jusqu'à la fin du contrat et non reversé à Cosco,

2) Les surestaries

- jugeant et statuant à nouveau, condamner CMT à payer à Cosco Shipping Development Co Ldt précédemment dénommée China Shipping Container Line Co la somme de 9.685 TND, sauf à parfaire ou à compléter, ou sa contrevaleur en euros au jour du jugement,

- condamner CMT à payer à Cosco Shipping Line CO LTD, précédemment nommée Cosco Container Line CO, la somme de 123.170 TND, sauf à parfaire ou à compléter, ou sa contrevaleur en euros au jour du jugement,

II. Sur l'indemnisation de Cosco au titre de la perte de 16 conteneurs lui appartenant :

- constater que 16 conteneurs appartenant à Cosco ont été perdus alors qu'ils se trouvaient sous la garde CMT,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les concluantes de leurs demandes au motif qu'il n'était pas justifié que CMT était le gardien des conteneurs,

- jugeant et statuant à nouveau, dire et juger en effet qu'en vertu des dispositions du contrat, CMT était bien gardien des conteneurs,

- en conséquence, condamner CMT à payer à Cosco Container Line Co Ltd la somme de 27.620,87 USD, sauf à parfaire ou à compléter, correspondant au coût de remplacement des conteneurs perdus,

III. Sur le préjudice subi par les concluantes à la suite de la saisie abusive pratiquée par CMT sur les conteneurs stationnés sur le parking de CMC :

- constater qu'en date du 2 juin 2016, CMT a obtenu la saisie des conteneurs appartenant à CSCL et Cosco pour garantir sa créance évaluée à la somme de 11.731.911 TND,

- dire et juger qu'en date du 29 novembre 2016, Mme la présidente du tribunal de Ben Arous a ordonné la mainlevée de la saisie au motif que CMT n'apportait pas la preuve requise par l'article 322 du code de procédure civile tunisien que sa créance était en péril,

- dire et juger qu'à la suite de cette ordonnance de mainlevée, la société CMC, sur le parking duquel les 953 containers saisis étaient stationnés, a refusé leur libération en exerçant son droit de rétention,

- dire et juger que la société CMT a dû payer la somme de 900.000 euros à CMC pour obtenir la libération des conteneurs,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CMT de sa demande reconventionnelle aux motifs qu'il n'était pas justifié que la saisie était abusive,

Statuant et jugeant à nouveau :

- En ce qui concerne les frais de stationnement de 953 conteneurs saisis sur le parc de CMC, condamner CMT à payer la somme de 900.000 USD ainsi que les intérêts de droit de cette somme à la société Cosco Shipping Development Co, précédemment dénommée China Shipping Container Line,

- En ce qui concerne le loyer des containers saisis, condamner la société CMT à payer à Cosco Shipping Development Co Ltd précédemment dénommée China Shipping Container Line et à Cosco Shipping Line Co Ltd précédemment dénommée Cosco Container Line Co Ltd les frais de location s'élevant à la somme de 118.504,97 USD,

- En ce qui concerne les frais de stationnement à la suite de la saisie par CMC des conteneurs appartenant à Cosco, condamner CMT à payer la somme de 47.193,86 TND à la société Cosco Shipping Line Co Ltd précédemment dénommée Cosco Container Line Co Ltd,

IV. Sur la demande de dommages et intérêts concernant les procédures abusives engagées par CMT à l'encontre des concluantes

1. En ce qui concerne le caractère abusif de la deuxième saisie en date du 31 mars 2017 :

- dire et juger que c'est dans l'intention de nuire à CSCL et Cosco que CMT a présenté une requête afin d'obtenir une deuxième ordonnance de saisie, celle-ci ayant été ordonnée par ordonnance du 23 mars 2017, avant qu'elle soit rétractée par ordonnance du 23 mai 2017.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Cosco Container Line Co Ltd de sa demande,

- statuant et jugeant à nouveau, condamner CMT à payer la somme de 100.000 USD à la société Cosco Container Line Co Ltd,

V. Préjudice résultant de l'interruption de la ligne de COSCO sur la Tunisie :

- dire et juger qu'à la suite des saisies pratiquées par CMC pour garantir des créances de frais de stationnement, Coscon a dû interrompre sa ligne sur la Tunisie,

- dire et juger que cette interruption a été rendue obligatoire par les procédures abusives de CMT à l'encontre de CSCL et de Cosco,

- dire et juger que cette interruption a entraîné une perte de fret de 60.000 USD par jour pour Cosco,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les concluantes de leurs demandes.

- Statuant et jugeant à nouveau, condamner CMT à payer la somme de 2.000.000 euros aux sociétés Cosco Shipping Development Co Ltd précédemment nommée China Shipping Container Line Co et à la société Cosco Shipping Line Co Ltd précédemment nommée Cosco Container Line Co Ltd,

VI. Frais pour préjudice commercial :

- dire et juger que la saisie abusive pratiquée par CMT a causé un grave préjudice à l'image commerciale de Coscon,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les concluantes de leurs demandes.

- Condamner CMT à payer la somme de 200.000 euros aux sociétés Cosco Shipping Development Co Ltd et Cosco Shipping Line Co Ltd précédemment nommée Cosco Container Line Co Ltd,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les concluantes à payer la somme de 12.000 euros à CMT au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société CMT à restituer la somme de 12.000 euros,

- condamner la société CMT aux entiers dépens dont distraction au profit de Me François T. en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner la société CMT à payer aux concluantes la somme de 80.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société China Cosco Shipping Corporation Ltd, à laquelle a été signifiée la déclaration d'appel par exploit du 7 janvier 2019 remis à domicile élu au siège de la société Cosco Shipping France, puis par exploit du 29 janvier 2019 destiné à son siège social remis à l'autorité compétente, n'a pas constitué avocat.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2020.

L'audience de plaidoirie a eu lieu le 21 janvier 2021 et l'affaire a été mise en délibéré au 8 avril 2021.

Lors de l'audience du 21 janvier 2021, il a été demandé aux parties de faire traduire en français l'ensemble des pièces qu'elles produisaient.

Cette demande a dû être renouvelée par messages RPVA en date des 22 et 23 avril 2021 ainsi que du 7 mai 2021.

Le délibéré a été prorogé au 8 juillet 2021.

MOTIFS

Sur les demandes de mise hors de cause

Société China Shipping France Agency (CSCL France)

La société CSCL France demande sa mise hors de cause en invoquant un contrat d'agence conclu le 1er juillet 2015 par lequel les sociétés CSCL et CSCL HK l'ont désignée en tant qu'agent général pour tous les navires qu'elles exploitaient pour le commerce sur le territoire de la France, du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie. Elle explique avoir signé le contrat du 8 mai 2015 en qualité d'agent des sociétés CSCL et CSCL HK et non à titre personnel. Elle soutient également qu'aucune faute personnelle n'est alléguée à son encontre par l'appelante.

La société CMT réplique que le contrat du 8 mai 2015 a été conclu par la société USAN agissant au nom et pour le compte des sociétés CSCL France, CSCL et CSCL HK ' désignées collectivement comme le « commettant ». Elle ajoute que ce contrat a été signé en outre par le représentant légal de la société CSCL France. Elle souligne encore que la société CSCL France est à l'origine de la lettre de résiliation du 4 mai 2016.

Il convient de relever que le contrat d'agent maritime litigieux a été conclu entre d'une part, la société CMT et d'autre part, la société USAN indiquant agir au nom et pour le compte des sociétés CSCL France, CSCL et CSCL HK, désignées collectivement comme le « commettant ». Il sera encore souligné qu'outre les signatures de la société CMT et de la société USAN, ledit contrat comporte la signature de M. Z, représentant légal de la société CSCL France, ce qui manifeste la volonté de cette dernière de s'engager à titre personnel dans le cadre de l'exécution du contrat du 8 mai 2015 et non uniquement en qualité de mandataire. En outre, dans une lettre du 2 juin 2016, la société CSCL France a affirmé à la société CMT que : « votre société est clairement un sous-agent CHINA SHIPPING (France) Agency, ce qui démontre que la société CSCL France se considérait bien comme commettant de la société CMT, cette société étant son sous-agent.

Il résulte de ces éléments que la société CSCL France est personnellement engagée au titre du contrat du 8 mai 2015 en qualité de commettant de la société CMT. Il n'y a donc pas lieu de la mettre hors de cause. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Société Cosco Shipping Agency

La société Cosco Shipping Agency revendique sa mise hors de cause en soutenant qu'elle n'a pas conclu le contrat du 8 mai 2015 et n'est pas à l'origine de la résiliation de ce contrat.

La société CMT répond qu'il est spécifié dans l'avenant du 1er mars 2016 que la représentation de CSCL France était remplacée par une représentation de « Cosco Shipping Agency » de sorte que cette dernière est engagée à son égard.

Il sera relevé que la pièce n° 2 produite par la société CMT comprend deux documents : un document daté du 28 février 2016 intitulé « Avis spécial sur la délivrance de connaissement au cours de la période transitoire de la période transitoire de restructuration » et un document du 1er mars 2016 intitulé « Amendement de contrat d'agent ».

Il résulte du document intitulé « Amendement de contrat d'agent » qu'un amendement a été conclu le 1er mars 2016 au terme duquel il a été stipulé que :

« Référence du contrat :

- Contrat d'Agence Maritime signé le 1 mai 2015 entre USAN et China Shipping France,

- Contrat d'Agence Maritime signé le 8 mai 2015 entre USAN et China Shipping Maroc,

- Contrat d'Agence Maritime signé le 8 mai 2015 entre USAN et China CMC Algérie,

- Contrat d'Agence Maritime signé le 8 mai 2015 entre USAN et CMT Tunisie.

Remarques :

1 - Compte tenu que USAN a changé son nom en « China Shipping Afrique du Nord »

2 - Compte tenu que la CMT Tunis a changé son nom en « China Shipping Tunisia »

3 - Compte tenu que CMC Algérie a été remplacé par « China Shipping Algérie »

Les Parties au présent amendement :

- China Shipping France SAS, [...], France, représenté par M. Z, Directeur Général,

- China Shipping North Africa SAS, [...], représentée par M. Y,

Amendement au Contrat d'Agence Maritime :

Compte tenu de la fusion entre les deux sociétés nationales étatiques chinoises de transport maritime : China Shipping et COSCO.

Compte tenu du fait qu'en raison de la fusion, China Shipping Container Lines cesse son activité de transport maritime de ligne en faveur de COSCO.

Compte tenu du fait que la fusion a commencé le 1er Mars 2016.

Les Parties conviennent à effectuer l'amendement ci-dessous à leur contrat :

China Shipping France confirme que l'activité de China Shipping Container Lines est transférée à COSCO. A la demande de China Shipping Container Lines et COSCO Lines, China Shipping France informe, confirme et signale à China Shipping North Africa que leur représentation de China Shipping Container Lines est remplacée par une représentation de COSCO Shipping Agency. Cet amendement au contrat doit être notifié aux autorités de chaque pays.

A partir du 1er mars 2016, les agences suivantes China Shipping Morocco, China Shipping Algeria et China Shipping Tunisia signeront les connaissements en tant qu'agent de COSCO Container Lines CO., LTD. »

Ce document a été signé par la société China Shipping North Africa (USAN), la société CSCL France avec un cachet « China Shipping Agency France en qualité d'agent du transporteur COSCO Container Lines Co Ltd » ainsi que par la société China Shipping Tunisie (CMT).

Au terme de ce document, la société CSCL France a informé la société USAN que la représentation de la société CSCL serait dorénavant assurée par la société Cosco Shipping Agency et que les connaissements délivrés par les agences maritimes locales, notamment la société CMT, devraient désormais indiquer qu'elles agissent en qualité d'agent de Cosco Container Lines Co Ltd.

Toutefois ce document prête à confusion quant aux parties liées par l'amendement. En effet, alors que ce document mentionne en qualité de parties uniquement la société CSCL France et la société USAN, il porte la signature et le cachet de la société CMT. En outre, il mentionne la société Cosco Shipping Agency sans revêtir sa signature.

Dès lors que ce document comporte la signature et le cachet de la société CMT, il lie cette dernière qui y est partie. En revanche, en l'absence de signature de ce document par la société Cosco Shipping Agency ou un de ses représentants, cet avenant ne peut l'engager. En outre, il est bien mentionné dans le document que la société Cosco Shipping Agency intervient en qualité de représentant de la société CSCL, ce qui ne peut l'engager à titre personnel.

Il y a donc lieu de faire droit à sa demande de mise hors de cause. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la validité de la clause de résiliation

La société CMT fait valoir que la clause de rupture stipulée à l'article 8.2 du contrat du 8 mai 2015 caractérise l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu'elle doit être déclarée nulle ou, à tout le moins, lui est inopposable. Elle considère en effet qu'elle a été souscrite dans l'intérêt exclusif de l'armateur et qu'elle n'est réciproque qu'en apparence. En effet, elle explique qu'en raison de l'exclusivité la liant aux sociétés CSCL et Cosco et de la situation de dépendance économique en résultant, elle n'avait aucun intérêt à la mettre en oeuvre. Elle ajoute que le rapport de force existant au profit de la société Cosco résulte du fait que celle-ci est le deuxième armateur mondial pour le transport maritime de conteneurs et que d'autres clauses du contrat illustrent ce déséquilibre tel que l'article 8.3.

Les sociétés CSCL et Cosco font valoir que la clause de résiliation anticipée est valable dans un contrat à durée déterminée, que le contrat d'agence a été négocié entre deux professionnels du commerce maritime et que la clause stipulée à l'article 8.2 était une clause réciproque qui bénéficiait à chacune des parties de sorte qu'elle ne saurait caractériser un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

L'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

« I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; ».

La caractérisation de la pratique prohibée par les dispositions susvisées suppose d'une part, de rapporter la preuve d'une tentative de soumission ou d'une soumission du partenaire commercial à une clause et d'autre part, de démontrer que cette clause est constitutive de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Tout d'abord, l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective.

Or la société CMT n'apporte aucun élément de contexte sur les conditions de négociation du contrat conclu le 8 mai 2015 qu'elle prétend déséquilibré, alors qu'il ne s'agit pas d'un contrat-type. Il sera rappelé que la seule puissance économique de l'un des partenaires ne suffit pas à établir l'existence d'un rapport de forces déséquilibré.

En l'absence d'élément de preuve manifestant une absence de négociation du contrat, la première condition d'applicabilité du texte n'est pas remplie.

La société CMT fait valoir que la clause de rupture prévue à l'article 8.2 du contrat du 8 mai 2015 n'a pas pu être valablement stipulée dans un contrat à durée déterminée.

Les sociétés CSCL et Cosco prétendent quant à elles que la clause litigieuse est parfaitement valable dans un contrat à durée déterminée dès lors que les parties ont exprimé librement leur accord sur ce point.

L'article 8 intitulé « Durée et Résiliation » stipule que :

« 8.1 Ce contrat entre en vigueur le ler juillet 2015 pour une durée de cinq (5) années successives. Immédiatement après cette durée, le présent Contrat devient automatiquement renouvelable pour des périodes successives d'une année.

8.2 Pendant la durée du présent Contrat, chacune des parties a le droit, à tout moment, de résilier ce Contrat pour n'importe quelle raison autres que celles visées au paragraphe 8.3 des présentes en donnant un préavis de résiliation de 90 jours par écrit à l'autre partie. (...) »

8.3 Sans préjudice de tout recours que le Commettant peut avoir contre l'Agent pour violation ou non-exécution du présent Contrat, le Commettant a le droit, à tout moment et à sa discrétion absolue, d'opter pour immédiatement résilier le présent Contrat, en donnant un avis écrit à l'agent ou bien procéder à un ajustement temporaire de la portée de son activité effectuée par l'Agent (par exemple, désigner un tiers comme agent de voyage pour un navire déterminé sur la base d'un voyage) dans l'un des événements suivants:

(1) Si l'agent cesse d'exercer son activité ou est liquidé ;

(2) Si le Commettant, sur la base de sa propre enquête, anticipe raisonnablement que les événements ci-dessus risquent d'arriver ;

(3) Le Commettant estime que la situation financière de l'Agent peut nuire à l'exécution du présent Contrat ;

(4) L'Agent ne parvient pas à réparer l'un des manquements au présent Contrat en dépit de la demande de réparation émise par le Commettant ;

(5) L'Agent commet une violation fondamentale d'une des dispositions du présent Contrat ou est coupable d'une faute par sa direction ;

(6) Si, à partir de l'état actuel de l'Agent et/ ou d'autres circonstances, le Commettant raisonnablement considère que l'Agent risque de devenir insolvable, ou que les dettes ou les passifs prévisibles de l'agent dépassent ses actifs.

Si le Commettant choisit de résilier immédiatement le Contrat en raison de l'un des événements ci-dessus, l'Agent est tenu de continuer à remplir ses obligations conformément aux stipulations des Paragraphes 8.2 (2) et (3). Chacune des parties ci-dessous signataires ne prendra aucune action en justice de quelque nature que ce soit contre l'autre partie pour tous nouveaux dommages /coûts découlant de cette résiliation. »

Il résulte de l'article 8.2 du contrat qu'en dehors des cas d'exécution ou d'inexécution fautive, les parties se sont chacune réservé la faculté de résilier le contrat de manière anticipée.

Cette clause, qui permet à chacune des parties, d'écourter la durée du contrat initialement prévue est valable en raison de la liberté contractuelle.

En conséquence, la société CMT sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul ou inopposable l'article 8.2 du contrat du 8 mai 2015.

Sur la résiliation du 4 mai 2016

La société CMT fait valoir que la rupture mise en œuvre par les intimées n'a pas respecté les conditions de fond de la résiliation. Elle soutient en effet que compte tenu de la durée déterminée du contrat conclu le 8 mai 2015, aucune résiliation anticipée n'était possible excepté en cas de faute grave. En outre, elle estime abusive la résiliation effectuée dès lors que deux avenants venaient d'être conclus le 28 février 2016 et le 1er mars 2016 en raison de la fusion entre les sociétés CSCL et Cosco et qu'elle pouvait donc légitimement croire en la poursuite du contrat.

Par ailleurs, elle estime que la société Cosco est devenue son cocontractant en vertu des avenants conclus le 28 février 2016 et le 1er mars 2016 et fait valoir que cette société n'a jamais résilié le contrat les liant.

Enfin elle considère que le motif de la résiliation invoqué est fallacieux et que les formes de la résiliation prévues au contrat n'ont pas été respectées (lettre circulaire, préavis de 78 jours) de sorte qu'aucune résiliation n'est intervenue.

Les sociétés CSCL et Cosco soutiennent qu'elles étaient en droit de résilier de façon anticipée le contrat en vertu de l'article 8.2, sans avoir à justifier du motif de la résiliation. Elles expliquent néanmoins que cette résiliation était motivée par la fusion des activités maritimes des sociétés CSCL et Cosco, imposée par la conjoncture économique, et l'impossibilité de conserver deux agents dans les ports de Tunisie ; les sociétés Cosco ayant déjà un agent en Tunisie. Elles concluent que la résiliation n'était pas abusive.

Elles ajoutent que la résiliation du contrat a été notifiée par écrit et qu'un préavis de 90 jours a été respecté.

L'article 8.2 du contrat du 8 mai 2015 a prévu une faculté de résiliation à tout moment par chacune des parties moyennant le respect d'un préavis de 90 jours et la délivrance d'un avis de résiliation écrit. Ainsi qu'il a été précédemment énoncé, cette clause a été valablement stipulée bien qu'elle soit insérée dans un contrat à durée déterminée.

La société CMT soutient que cette clause a été mise en œuvre de manière abusive dès lors que la résiliation est intervenue très peu de temps après les « avenants » conclus les 28 février 2016 et le 1er mars 2016 qui lui ont laissé croire que les relations se poursuivraient malgré la fusion intervenue entre les sociétés du groupe CSCL et celles du groupe Cosco.

Il sera rappelé que l'abus ne se réduit pas à la volonté de nuire, mais doit être recherché dans les circonstances qui accompagnent le prononcé de la résiliation et qui révèlent un usage désinvolte ou excessif de cette prérogative notamment si l'auteur de la résiliation a, par son comportement, fait espérer à son partenaire que la convention ne serait pas résiliée.

En l'espèce, la société CMT se prévaut d'un « avenant du 28 février 2016 ». Toutefois le document invoqué (pièce n° 2 de la société CMT) ne saurait s'analyser en un avenant au contrat d'agence conclu le 8 mai 2015. En effet, ce document est intitulé « Avis spécial sur la délivrance de Connaissement au cours de la période transitoire de la Période transitoire de restructuration » et est adressé par la société CSCL aux « agents concernés ».

Il précise que :

« Suite à la restructuration de CSCL et Cosco, l'activité de transport de conteneurs de CSCL est prévue d'être reprise par Cosco à partir du 1er mars 2016 (la période transitoire de restructuration). Pour assurer un transfert en toute sécurité et en douceur des activités, nous prions par les présentes toutes les sociétés holding de notifier et de superviser l'exécution du présent avis par les agences locales dans le cadre de la portée de gestion :

1 - Le cachet du transporteur « China Lines Container Shipping CO., LTD » ou « China Lines Container Shipping (Hong Kong) co., Ltd » émettant le connaissement doit être changé et remplacé par « Cosco Container Lines CO., LTD ». (...)

2 - La Clause de non-responsabilité doit figurer sur tous les connaissements (la première page du Connaissement est prioritaire) émis après le 1er mars 2016. Veuillez-vous référer à la clause de non-responsabilité ci-jointe.

3- L'agent doit déposer toutes les nouvelles copies des cachets d'émission des connaissements à la division de l'appui des affaires de CSCL au plus tard le 29 février 2016 et les nouvelles copies des cachets d'émission ne doivent être utilisés qu'à partir de et après le 1er mars 2016.

4 - La clause code TS est toujours Cosco. Si vous avez un problème pour ajouter la clause de non-responsabilité sur la première page du connaissement à travers le système ou si vous voulez vous renseigner sur le présent avis, veuillez contacter (...).

5- Si vous ne pouvez pas ajouter la clause de non-responsabilité sur le connaissement à travers le système, veuillez faire un tampon contenant la clause de non-responsabilité ci-jointe, qui doit être clairement apposé sur la première page du connaissement. »

Ce document, qui aménage le transfert des activités de la société CSCL à la société Cosco pendant une période transitoire, ne contient aucun engagement de la part de la société Cosco à poursuivre les relations avec la société CMT au-delà de la période transitoire.

La société CMT invoque encore un « amendement du 1er mars 2016 ». Ainsi qu'il a été précédemment indiqué la pièce n° 2 qu'elle produit est intitulée « Amendement de contrat d'agent ». Au terme de ce document, la société CSCL France a informé la société USAN que la représentation de la société CSCL serait dorénavant assurée par la société Cosco Shipping Agency et que les connaissements délivrés par les agences maritimes, notamment la société CMT, devraient indiquer qu'elles agissent en qualité d'agent de Cosco Container Lines Co Ltd.

Le seul fait que ce document comporte le cachet de la société CSCL France en tant qu'agent pour le transporteur Cosco Container Lines Co Ltd, s'il manifeste la volonté de la société Cosco de s'engager au titre du contrat du 8 mai 2015, ne peut néanmoins manifester l'engagement de la société Cosco à poursuivre les relations avec la société CMT jusqu'au terme prévu et la renonciation à faire usage de la faculté de résiliation anticipée qui y est stipulée.

La société CMT fait encore état d'un calendrier d'intégration et d'instructions financières qui lui ont été adressés par la société Cosco lui laissant croire que le contrat du 8 mai 2015 ne serait pas résilié malgré la fusion.

Toutefois le contenu des documents produits ne caractérise aucun engagement de la société Cosco quant à la poursuite du contrat conclu le 8 mai 2015.

Au contraire, il résulte de pièces versées aux débats que le maintien du contrat du 8 mai 2015 n'était aucunement acquis à la suite de la fusion. Ainsi, dans un courriel daté du 19 avril 2016, M. Z, directeur général de la société CSCL France, a indiqué à M. C, président de la société CMT : « Je vais faire mon possible pour vous garder à bord. »

Aucun abus n'est donc caractérisé de la part des sociétés intimées pour avoir laissé croire à la société CMT que le contrat du 8 mai 2015 ne serait pas résilié malgré la fusion entre les sociétés CSCL et Cosco.

Il sera encore rappelé que peut également être constitutif d'un abus, le fait pour un cocontractant de résilier le contrat, ou de ne pas le renouveler après avoir provoqué des investissements importants et non reconvertibles, laissant ainsi espérer à son cocontractant une collaboration de longue durée.

En l'espèce, contrairement à ce qu'elle soutient, la société CMT ne démontre pas avoir effectué des investissements importants à la demande des sociétés CSCL ou Cosco et qui n'auraient pas pu être amortis avec un autre commettant.

Aucun abus du droit de mettre en œuvre la clause de résiliation anticipée prévue au contrat n'est donc démontré.

La société CMT prétend encore que la société Cosco, devenue sa cocontractante par l'effet des « avenants des 28 février 2016 et 1er mars 2016 », n'a jamais résilié le contrat du 8 mai 2015 de sorte qu'elle est demeurée liée par ce contrat.

Ainsi qu'il ressort de ce qui précède, aucun avenant au contrat du 8 mai 2015 ne résulte du document intitulé « Avis spécial sur la délivrance de Connaissement au cours de la période transitoire de la Période transitoire de restructuration ».

En revanche, il ressort du document intitulé « Amendement de contrat d'agent » signé le 1er mars 2016 par la société USAN, la société CMT et la société CSCL, agissant à la fois en qualité de partie aux contrats d'agents visés par l'amendement, notamment le contrat d'agent conclu le 1er mai 2015 avec la société USAN et le contrat d'agent conclu le 8 mai 2015 avec les sociétés USAN et CMT, et en qualité d'agent de Cosco Container Lines Co Ltd, que la société Cosco Container Lines Co Ltd, ayant repris l'activité de commerce maritime de ligne jusqu'alors exercée par la société CSCL, s'est engagée comme commettant de la société CMT en lui donnant pour instructions de délivrer désormais les connaissements en son nom et non plus en tant qu'agent de la société CSCL.

Or par lettre du 4 mai 2016 adressée à la société CMT, la société CSCL France a indiqué :

« Chers Messieurs,

Nous aimerions vous informer que China Shipping Group, comme vous pourriez le savoir, est entré dans un processus de restructuration conjointe avec COSCO. CSCL a par conséquent transféré la totalité de ses équipements de navires et activités opérationnelles à COSCO et a quitté le service de ligne depuis le 1er Mars 2016.

En conséquence, China Shipping (France) Agence SAS et China Shipping (Europe) Holding GMBH ont été obligées de mettre fin à leurs relations avec USAN.

Vous trouverez ci-joint l'avis de résiliation envoyé le 20 avril 2016 par China Shipping (France) Agence SAS à USAN (China Shipping Afrique du Nord).

Nous sommes certains que USAN, comme ils le doivent, vous ont informé de la résiliation de leur contrat avec China Shipping (France) Agence SAS et vous ont également notifié que votre contrat de sous-agence avec USAN a donc été résilié, cette résiliation étant efficace le 21 Juillet 2016, à la fin du préavis de 90 jours.

Nous voulons vous informer qu'il n'y aura pas à l'avenir d'autres affaires d'agence avec USAN et avec les sous-traitants tels que votre entreprise.

Nous vous remercions infiniment pour votre travail pendant les derniers mois et nous avons la confiance que les affaires seront menées au cours de la période de transition, conformément aux dispositions de l'article 8 de votre contrat. »

Contrairement à ce que soutient la société CMT, cette lettre, qu'elle ne dément pas avoir reçue, marque la volonté de la société CSCL France, de la société CSCL et de la société CSCL HK de mettre fin au contrat d'agence conclu le 8 mai 2015. Il sera relevé que la lettre en réponse adressée le 12 mai 2016 à la société CSCL France par la société CMT ne manifeste aucun doute sur ce point. Par ailleurs, eu égard au fait que l'avenant du 1er mars 2016 a été conclu par la société CSCL en qualité d'agent de la société Cosco Container Lines Co Ltd, la résiliation effectuée par la société CSCL le 8 mai 2015 l'était nécessairement également au nom de la société Cosco Container Lines Co Ltd. Il sera observé que la société CMT n'a d'ailleurs pas eu davantage de doute sur ce point puisqu'elle a adressé, à la société Cosco Container Lines Co Ltd, sa lettre de contestation du 12 mai 2016. Dans ces conditions, force est de constater que la société Cosco Container Lines Co Ltd a bien résilié le contrat du 8 mai 2015 amendé le 1er mars 2016.

La société CMT conteste les motifs avancés par les sociétés CSCL et Cosco pour justifier la résiliation du contrat. Pourtant, eu égard aux stipulations prévues au contrat, il était loisible à chacune des parties d'y mettre fin à tout moment sans avoir à justifier de motifs spécifiques. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les motifs invoqués par les sociétés intimées pour justifier la résiliation du contrat.

En revanche, il convient de vérifier que les conditions de forme prévues au contrat du 8 mai 2015 ont été respectées.

Ainsi qu'il résulte de ce qui précède, la résiliation du contrat a eu lieu par écrit conformément aux stipulations contractuelles. Le fait que la lettre du 4 mai 2016 ne vise pas précisément le contrat du 8 mai 2015 ou encore qu'elle ait été adressée à d'autres agents maritimes que la société CMT est indifférent dès lors que les termes de la lettre exprimaient clairement la volonté de la société CSCL France, agissant à titre personnel et à titre d'agent de la société Cosco Container Line Co Ltd, de la société CSCL et de la société CSCL HK, de mettre fin au contrat d'agence conclu le 8 mai 2015 et qu'aucun doute n'a pu naître dans l'esprit de la société CMT sur ce point ainsi que le confirme la lettre en réponse qu'elle a adressée le 12 mai 2016.

Le contrat prévoyait également le respect d'un préavis de 90 jours. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société CMT, cette condition ne constitue pas une condition de forme de la résiliation et donc de sa validité mais une obligation contractuelle dont le non-respect entraîne la responsabilité de son auteur.

Il convient de relever que la lettre de résiliation ayant été adressée le 4 mai 2016, le délai de préavis de 90 jours devait courir à compter de cette date et non à compter de la lettre du 20 avril 2016 envoyée à la société USAN en vue de la résiliation du contrat de sous-agent conclu le 1er mai 2015.

Or il n'est pas discuté que le contrat a effectivement pris fin le 21 juillet 2016 de sorte que le préavis observé n'a été que de 78 jours et non de 90 jours. Les sociétés intimées ne peuvent prétendre que le délai du 21 juillet 2016 n'était qu'indicatif dès lors que rien dans la lettre de résiliation ne le précisait et que le contrat a, dans les faits, pris fin à cette date.

Le non-respect de l'intégralité du délai de préavis est établi et caractérise une faute contractuelle de la part des sociétés CSCL et de la société Cosco Container Lines Co Ltd qui engage leur responsabilité.

Sur l'indemnisation des préjudices

Sur le rapport de M. X

Pour établir ses préjudices, la société CMT se prévaut du rapport d'expertise établi le 20 janvier 2017 par M. M. Hamdi en vertu d'une ordonnance du 18 mai 2016 du tribunal de première instance de Ben Arous (Tunisie).

Les sociétés intimées demandent que ce rapport soit écarté des débats en ce qu'il ne respecte pas le principe du contradictoire. Elles contestent en outre les conclusions de ce rapport et la méthode d'évaluation du préjudice financier employée par M. X. Elles font encore valoir que la société CMT n'a versé aux débats aucun bilan ni aucune pièce comptable de nature à établir les préjudices financiers qu'elle allègue.

Il convient de relever que le rapport d'expertise produit aux débats résulte d'une mesure ordonnée par un juge étranger et que l'expert a suivi les règles de procédure du for ayant ordonné la mesure et non les règles de procédure civile française.

Cette pièce ne peut donc avoir la valeur d'une expertise judiciaire au sens des articles 263 et suivants du code de procédure civile mais n'a valeur que d'un simple renseignement qui, non seulement ne lie pas la cour, mais qui, pour être prise en compte à titre de preuve, doit être corroborée par d'autres éléments. Il importe peu de savoir si ce rapport a été établi contradictoirement ou non dès lors qu'il est avéré qu'il ne s'agit pas d'une mesure d'expertise diligentée à la demande conjointe des parties concernées.

En revanche, dès lors que cette pièce a été produite régulièrement aux débats par la société CMT et qu'elle a été soumise à la discussion contradictoire, la cour ne peut refuser de l'examiner. La demande tendant à ce que le rapport soit écarté des débats sera donc rejetée.

Il sera relevé que la mission de l'expert a été ainsi définie :

« Se rendre sur les lieux, après convocation des parties conformément à la loi, aux fins de consulter tous les documents détenus par les parties, d'examiner les états financiers de la société requérante et déterminer son chiffre d'affaires annuel issu de ses relations avec les sociétés requises, calculer la moyenne des bénéfices pendant cette période, évaluer le préjudice subi par la requérante consistant aux frais qu'elle avait engagés pour l'exécution du contrat rompu ainsi que le manque à gagner durant la période restante du contrat outre une réparation équitable résultant de la rupture unilatérale du contrat commercial, déterminer le montant global dû à la requérante et susceptible d'être réclamé. »

M. X, dans son rapport du 20 janvier 2017, a conclu que :

- le chiffre d'affaires annuel de la société CMT issu de ses relations avec les sociétés requises pouvait être estimé à 1.279.735,210 dinars tunisiens,

- le chiffre d'affaires annuel net pouvait être évalué à 765.165,198 dinars tunisiens,

- l'indemnité de rupture correspondant à deux années de commissions pouvait être fixée à 1.669.451,336 dinars tunisiens,

- l'indemnité compensatrice des commissions futures pouvait être évaluée selon deux méthodes et que selon la première méthode, elle pouvait être évaluée à 7.776.089,290 dinars tunisiens et que selon la seconde méthode, elle pouvait être estimée à 6.207.170,899 dinars tunisiens.

Sur la demande d'indemnisation au titre de la résiliation anticipée du contrat

Contrairement à ce que soutient la société CMT, le préjudice résultant de l'inobservation du préavis contractuel ne peut être réparé que par l'indemnisation de la perte des gains qui auraient dû être réalisés pendant la période de préavis et en aucun cas par l'indemnisation de la perte des gains qui auraient dû être réalisés jusqu'au terme du contrat. En effet, il résulte de ce qui précède que la résiliation du contrat litigieux a valablement été effectuée à compter du 21 juillet 2016 et que la seule faute réparable imputable aux sociétés CSCL et Cosco consiste en l'inobservation du préavis contractuellement prévu.

Le préjudice lié à l'inobservation du préavis contractuel doit être évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période d'insuffisance du préavis.

Il résulte de ce qui précède que la période d'insuffisance du préavis est de 12 jours. Il convient donc d'évaluer la marge brute qu'aurait dû réaliser la société CMT pendant cette durée. Cette marge brute correspond au chiffre d'affaires dont elle a été privée, sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité.

Pour établir son préjudice financier, la société CMT se fonde exclusivement sur le rapport de M. X.

Or, outre le fait que ce rapport n'est corroboré par aucune pièce comptable produite aux débats, il est manifeste qu'il opère une confusion entre le chiffre d'affaires réalisé par la société CMT et celui réalisé par son commettant.

L'expert a en effet intégré dans le chiffre d'affaires de la société CMT, le fret, les frais de manutention, les honoraires de l'agent maritime, le compte d'escale et les frais de surestaries.

Or l'agent maritime a pour mission d'encaisser (fret, surestaries...) et de payer (compte d'escale...) différentes sommes pour le compte de son commettant et il n'est ni le bénéficiaire ni le redevable de ces sommes de sorte qu'elles ne doivent pas être comprises dans le calcul de son chiffre d'affaires.

En réalité, le chiffre d'affaires d'un agent maritime correspond à la rémunération qu'il percevait au titre du contrat d'agence maritime et aux revenus indirects tirés de cette activité.

Selon les articles 5 et 12 du contrat du 8 mai 2015 intitulés « rémunération », il a été prévu que :

« 5. Rémunération :

5.1 Le Commettant accepte de payer à l'Agent et l'Agent accepte en contre partie des services rendus au Commettant en application du présent Contrat, une rémunération dont le montant sera déterminé sur la base du tableau des frais fixes standard du Commettant (Article 12] qui sera révisé autant que requis par l'une ou l'autre des parties.

5.2 Définition et principe du paiement de la commission :

(1) Date d'Effet soumise à la date d'émission du Connaissement.

(2) Commission : Commission import de l'agent payée seulement selon les déclarations de Connaissement. Le lieu spécifié dans la colonne « Lieu de Réception », « Port de Chargement '' ou « Lieu de Livraison '' « Port de Déchargement '' sur le Connaissement doit être dans le Territoire visé à l'Article 1 -Désignation.

(3) Commission : Commission Export de l'agent payée seulement selon les déclarations de Connaissement. Le lieu spécifié dans la colonne « Lieu de Réception », « Port de Chargement » ou ct Lieu de Livraison » « Port de Déchargement » sur le Connaissement doit être dans le Territoire visé à l'Article 1 - Désignation.

(4) commission pour l'opération transbordement payée une fois seulement selon l'itinéraire de transport de chaque conteneur transféré d'un navire à un navire ou d'un navire à un camion/ rail ou vice versa, peu importe combien d'opérations de transbordement ont été effectuées.

En référence à la même cargaison dont l'opération du Lieu de Réception et l'opération T/S sont traitées par le même agent, après avoir reçu la commission de l'opération du Lieu de Réception qui a la priorité d'application, l'agent ne doit pas facturer l'opération T/S.

En référence à la même cargaison dont l'opération Lieu de Livraison et l'opération T/S sont traitées par le même agent, après avoir reçu la commission de l'opération Lieu de Livraison qui a la priorité d'application, l'agent ne doit pas facturer l'opération T/S.

La commission des opérations sera payée en plus en cas de connaissements à l'intérieur du Territoire (à savoir connaissement sous les conditions - port de réception / port de livraison est à l'intérieur du Territoire, y compris l'Autriche, la Hongrie, Tchèque et Slovaquie, et port de chargement/ port de déchargement est l'Allemagne) et à travers le connaissement vers ou de la Pologne avec T/S via les ports d'Allemagne.

(5) Commission pour surestaries payée à l'agent qui collecte les surestaries dans le Territoire prévu à l'Article 1 - Désignation.

La commission est versée uniquement sur les surestaries facturés, collectés et transférés au Commettant.

(6) Commission pour frais de contrôle des équipements payée seulement selon les déclarations de Connaissement. Le lieu spécifié dans la colonne « Lieu de Réception », « Port de Chargement » ou « Lieu de Livraison » « Port de Déchargement » sur le Connaissement doit être dans le Territoire visé à l'Article 1 -Désignation. Cette commission est payée uniquement sur l'équipement complet d'importation.

(7) Commission de l'opération Feeder payé à l'agent selon les déclarations de l'escale du navire. Cette commission est payée pour couvrir la manutention des navires de China Shipping Container Line, qu'ils leur appartiennent ou sont affrétés. Les Feeders communs sont exclus de cette commission.

Si un litige survient dans le calcul de la commission, les deux parties doivent le résoudre de bonne foi. Par exemple, les parties doivent se référer aux données du système TS et/ou système OIP, tout en prenant en considération l'enregistrement réel des activités.

La compensation pour la moyenne générale, les questions de sauvetage, et les revendications particulières, dont l'Agent assume l'entière responsabilité en ce qui concerne leur traitement ou règlement à la demande du Commettant, doivent faire l'objet d'accords distincts par et entre le Commettant et l'Agent sur l'étendue et la quantité de travail à effectuer par l'Agent.

Publicité

(...)

12. Rémunération :

La rémunération suivante est convenue entre les parties

Commission import de l'Agent : 25 USS par 20' 45 US$ par 40'

Commission Export de l'Agent : 25 USS par 20' 45 US$ par 40'

Commission pour surestaries : 10 % des fonds facturés, collectés et transférés

Frais de Contrôle des Equipements : 5.50 U5$ par unité (uniquement sur import complet)

Frais de Communication : 1000 US$ par mois (à partir du 1er juillet 2015)

Commission Opération Feeder : 400 USS par escale de navire

Le niveau suivant est fixé pour les 5 années du Contrat, au-delà de cette période, la rémunération sera révisée en respect de toutes les parties. »

Selon les termes mêmes du rapport de M. X (page 16), les commissions contractuelles (commissions sur fret, frais de communication, commissions sur box fees, commissions pour surestaries) perçues par la société CMT entre les mois de juillet 2015 et juillet 2016 se sont élevées à 171.698,54 dinars tunisiens ou 83.915,03 USD ou 61.502,41 euros.

Selon la société CMT, il conviendrait également de tenir compte de commissions indirectes qu'elle tirait de son activité au profit des sociétés CSCL et Cosco. Toutefois, elle ne verse aux débats aucune preuve de l'existence de telles commissions. Le rapport de M. X ne peut servir de preuve à ce titre dès lors qu'il est entaché des confusions précédemment relevées. En l'absence de toute preuve d'une perte de commissions indirectes, ce chef de préjudice ne peut être retenu.

Il convient en conséquence de retenir un chiffre d'affaires de 61.502,41 euros sur 12 mois étant précisé que les sociétés intimées s'accordent à retenir ce montant.

Par ailleurs, en l'absence de tout justificatif de la société CMT sur les charges exposées, la marge brute sera fixée à 25 %, qui correspond à la marge brute réalisée par les entreprises de transport maritime.

En conséquence, le préjudice subi par la société CMT pendant la période de préavis non respecté sera réparé par l'allocation d'une somme de 505,50 euros {[(61.502,41 euros x 25 %) / 365 jours] x 12 jours} avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016.

Sur la demande au titre de l'indemnité de rupture

L'article L. 134-12 du code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le contrat du 8 mai 2015 est un contrat d'agent maritime. Or ce contrat relève du statut des agents commerciaux.

Selon l'article 9 du contrat du 8 mai 2015, le contrat a été soumis au droit français de sorte que l'article L. 134-12 du code de commerce, qui est une disposition d'ordre public, doit s'appliquer.

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.

La société CMT réclame à ce titre le paiement d'une somme de 1.669.451,336 dinars, correspondant selon elle à deux années de commissions, en se fondant sur le rapport de M. X.

Les sociétés intimées contestent le rapport de M. X en ce qu'il a pris en compte au titre de commissions des sommes qui n'ont fait que transiter sur le compte de la société CMT sans lui être destinées. Par ailleurs, compte tenu de la faible durée d'exécution du contrat, elles demandent que la société CMT ne soit indemnisée que sur la base d'une année de commissions.

Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, les commissions perçues par la société CMT au titre de l'exécution du contrat d'agence doivent être évaluées à 61.502,41 euros sur 12 mois. En outre, il ne peut pas être tenu compte de la perception par la société CMT de commissions indirectes en l'absence de preuve de l'existence de telles commissions.

En revanche, eu égard à l'important travail accompli par la société CMT pour honorer le contrat d'agence avant qu'il ne soit résilié unilatéralement par les sociétés CLSC et Cosco, il convient de calculer l'indemnité de rupture sur la base de deux années de commissions.

Il sera en conséquence alloué à la société CMT une somme de 123.004,82 euros (61.502,41 euros x 2) avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016, date de la saisie conservatoire ainsi qu'il est demandé. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation au titre du préjudice d'image et d'atteinte à la réputation

La société CMT fait valoir qu'en perdant abruptement la possibilité d'offrir les navires des sociétés CSCL et Cosco, l'un des armateurs les plus importants du monde, elle a vu sa réputation d'agent maritime affectée comme acteur de la place de Tunis, ce qui lui a causé un préjudice de perte d'image qu'elle évalue à hauteur de 150.000 euros.

Les sociétés CSCL et Cosco répliquent que la société CMT ne verse au débat aucun document ou justificatif d'une prétendue perte d'image et que le fait que la société Cosco soit une des plus grosses sociétés d'armateur porte-conteneurs est inopérant et ne peut générer en lui-même une perte d'image.

Malgré les motifs des premiers juges qui ont écarté la demande de ce chef en relevant l'absence de preuve du préjudice allégué, la société CMT n'apporte pas davantage d'éléments justificatifs en appel.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur les personnes condamnées

La société CMT revendique la condamnation in solidum des sociétés :

- China Shipping (France) Agency Sas

- China Shipping Container Lines Co

- China Shipping Container Lines (Hong Kong) Co

- Cosco Container Lines Co Ltd (Cosco Shipping Lines Co Ltd)

- Cosco Shipping (France) Agency Sas

- Cosco Shipping Development Co Ltd

- Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd.

Elle considère à cet effet que les sociétés Cosco sont tenues au titre des avenants conclus les 28 février 2016 et 1er mars 2016. Elle prétend que le transfert intervenu au profit de Cosco ne fait pas disparaître la responsabilité des sociétés CSCL. Elle fait en outre valoir que malgré la fusion intervenue, la société CSCL continue d'apparaître en tant que personne morale au procès. Elle ajoute que compte tenu de la nébuleuse des sociétés du groupe d'Etat, il convient de toutes les condamner.

Les sociétés intimées expliquent que la société CSCL est devenue la société Cosco Shipping Development Co Ltd, que la société CSCL HK est devenue la société Cosco Development Hong-Kong Co Ltd et que la société Cosco Container Line Co Ltd est devenue la société Cosco Shipping Lines Co Ltd.

Ainsi qu'il a été précédemment jugé la société Cosco Shipping (France) Agency Sas a été mise hors de cause et ne peut être condamnée.

Par ailleurs, il résulte de ce qui précède que la société CSCL France, la société CSCL, la société CSCL HK ainsi que la société Cosco Container Lines Co Ltd étaient liées à la société CMT par contrat du 8 mai 2015 amendé le 1er mai 2016, sont à l'origine de la résiliation de ce contrat le 4 mai 2016 et ont vu leur responsabilité engagée à ce titre. Elles doivent en conséquence être condamnées in solidum à supporter les conséquences dommageables en résultant.

Néanmoins, les pièces versées aux débats établissent que la société CSCL est devenue la société Cosco Shipping Development Co Ltd, que la société CSCL HK est devenue la société Cosco Development Hong-Kong Co Ltd et que la société Cosco Container Line Co Ltd est devenue la société Cosco Shipping Lines Co Ltd. En outre, la société Cosco Shipping Lines Co Ltd est intervenue à l'instance d'appel aux droits de la société Cosco Container Lines Co Ltd, la société Cosco Shipping Development Co Ltd est intervenue aux droits de la société CSCL et la société Cosco Shipping Development (Hong Kong) Co Ltd est intervenue aux droits de la société CSCL HK.

En conséquence, les condamnations aux sommes ci-dessus allouées concerneront in solidum la société CSCL France, la société Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Co, la société Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Hong Kong Co et la société Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur les demandes pour restitution du fret et des surestaries

La société CSCL revendique le paiement d'une somme de 66.654,01 USD correspondant au fret qui aurait été collecté par la société CMT et qui ne lui aurait pas été reversé.

La société Cosco shipping line Co Ltd réclame quant à elle le paiement d'une somme de 138.483,74 USD correspondant au fret qui aurait été collecté par la société CMT et qui ne lui aurait pas été reversé.

La société CSCL revendique en outre le paiement d'une somme de 9.685 USD correspondant aux surestaries qui aurait été collectées par la société CMT à titre d'indemnité due par l'affréteur à l'armateur pour le dépassement du temps prévu au contrat pour le chargement et le déchargement d'un navire et qui ne lui auraient pas été reversées.

La société Cosco Shipping Line Co Ltd réclame également le paiement d'une somme de 123.483,74 USD correspondant aux surestaries qui aurait été collectées par la société CMT et qui ne lui auraient pas été reversées.

La société CMT conteste être redevable de sommes à l'égard de ses commettantes au titre du fret ou des surestaries en affirmant s'être acquittée de toutes les sommes dues en exécution du contrat. Elle fait valoir que les justificatifs des demandes adverses sont des documents établis par les sociétés CSCL et Cosco de sorte qu'ils ne présentent aucune valeur probante.

En vertu de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il appartient aux sociétés CSCL et Cosco d'établir que la société CMT a perçu des sommes qui lui étaient destinées au titre du fret ou des surestaries par des justificatifs notamment quant aux transports allégués détaillant les conteneurs concernés et par la production des factures émises de ces chefs.

Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, les pièces produites par les sociétés CSCL et Cosco ne peuvent établir une quelconque dette de la société CMT au titre du fret ou des surestaries dès lors qu’il s’agit de tableaux qu'elles ont elles-mêmes établis et qui ne sont corroborés par aucune pièce justificative des montants qui y sont inscrits. Les attestations du comptable de la société Cosco, qui est un préposé de cette société, ne présentent aucune valeur probante en l'absence de toute pièce justificative.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à ce titre.

Sur l'indemnisation au titre de la perte de 16 conteneurs

La société Cosco réclame le paiement d'une somme de 27.620,87 USD au titre de la perte de 16 conteneurs dont la garde aurait été confiée à la société CMT.

La société CMT soutient qu'elle n'a jamais eu la garde de conteneurs et que cette garde était confiée à la société CMC, personne morale distincte, liée aux sociétés CSCL par un contrat de dépôt distinct du contrat d'agence maritime. Elle ajoute que la perte alléguée des conteneurs n'est pas prouvée.

Contrairement à ce que soutient la société Cosco, il ne résulte aucunement de l'article 3.8 du contrat d'agence maritime que la société CMT aurait été dépositaire de conteneurs.

En effet, cet article est ainsi rédigé :

- 3.8 Services conteneurs :

(1) Prendre les dispositions pour le groupage et dégroupage de la cargaison LCL (chargement partiel du conteneur) au port et prendre les dispositions pour les provisions de terminaux LCL intérieurs, et la supervision de ces activités, le cas échéant.

(2) Préparer les documents supplémentaires nécessaires à l'expédition de conteneurs.

(3) Assurer et administrer un système pour le contrôle et l'enregistrement des conteneurs soumis à l'approbation préalable du Commettant ; organiser le stockage des conteneurs dans le territoire ; et, si nécessaire, prendre les dispositions pour la fourniture de stockage pour les conteneurs à la main.

(4) Se conformer aux exigences de la douane, et préparer les documents d'échange de conteneurs relatifs aux mouvements dont ils sont responsables ; et contrôler la fourniture et l'utilisation des écluses, scellage et étiquettes.

(5) Mettre les conteneurs vides à la disposition des expéditeurs pour leur utilisation.

(6) Traiter la location de conteneurs et leur retour sur le système, au nom et pour le compte du Commettant, selon l'autorisation du Commettant.

(7) Exploiter un système de contrôle de dommages des conteneurs tel que convenu par les Commettants ; prendre les dispositions pour la réparation et l'entretien de conteneurs, comme convenu par les Commettants, lorsque cela est nécessaire ; et signaler l'état des conteneurs sous le contrôle de l'Agent.

(8) L'Agent détermine l'utilisation des conteneurs dans chaque dépôt, conformément aux instructions du Commettant et les besoins pour les conteneurs dans chaque dépôt ; contrôle le lieu de retour des conteneurs, avec tous les conteneurs vides entrant dans le dépôt devant être exportés, sauf instructions par le Commettant. Le non-respect des instructions du Commettant à cet égard engage la responsabilité de l'Agent du fait de transport déraisonnable et autres dépenses déraisonnables qui y sont liées.

(9) L'Agent surveille la sortie des conteneurs des dépôts selon l'ordre du commettant : « premier entré, premier sorti ». En ce qui concerne les conteneurs en stockage pendant plus de 30 jours, l'Agent prend les mesures positives et efficaces pour trouver la raison et proposer la solution pour réduire leur temps de stockage au niveau le plus bas, et, en même temps, signaler les circonstances au Commettant en temps opportun.

(10) L'Agent inspecte les conteneurs dans chaque dépôt (y compris les conteneurs vides et pleins) afin de déterminer leurs besoins en matière de réparation selon le « guide d'inspection des conteneurs de cargaisons sèches '' ; vérifie les estimations de réparation des conteneurs qui nécessitent des réparations ; et effectue les inspections pour vérifier la qualité des travaux de réparation après leur achèvement.

(11) L'Agent vérifie les factures relatives au contrôle des équipements ; et si une facture émise au Commettant se trouve déraisonnable et non conforme aux réglementations pertinentes, l'Agent peut refuser d'effectuer le paiement, mais, en même temps, l'Agent doit fournir les informations connexes au Commettant.

(12) L'Agent perçoit les frais de détention et de surestaries en temps opportun selon les normes établies par le Commettant et également en conformité avec la législation et la réglementation nationales. Afin de préserver et protéger les droits et intérêts du Commettant, l'Agent exige des consignataires de payer en espèces ou déposer une garantie d'un montant convenu avec le Commettant pour sécuriser les paiements, ce montant sera compté dans le montant total des frais de détention et de surestaries.

L'Agent doit également demander aux consignataires de restituer les conteneurs aux endroits désignés afin d'éviter des dépenses supplémentaires. L'Agent est responsable de tout manque dans les montants des frais de détention et de surestaries perçues par l'Agent. Aucune réduction ou exemption des frais de détention et surestaries n'est valable sans le consentement écrit préalable du Commettant.

(13) L'Agent fait rapport au Commettant de tout plan et coûts de réparation de conteneur. »

Il résulte de ces dispositions que la société CMT était exclusivement chargée de la gestion du flux des conteneurs. Le fait qu'il soit mentionné au (3) de cet article que l'agent organise le stockage des conteneurs ne signifie aucunement qu'il en était le dépositaire.

En revanche, il résulte très clairement du contrat de dépôt conclu le 1er juillet 2015 entre d'une part, la société CMC et d'autre part, les sociétés CSCL et CSCL HK que ces dernières ont confiée à la première la mission d'être dépositaire des conteneurs confiés ; celle-ci étant responsable pour toute perte ou dommage aux conteneurs pour quelque raison que ce soit.

En outre, il sera relevé que la société Cosco n'établit aucunement la perte de 16 conteneurs qu'elle allègue.

Dans ces conditions, la demande d'indemnisation formée à l'encontre de la société CMC ne peut être accueillie et le jugement déféré sera confirmé.

Sur l'indemnisation des préjudices résultant d'une saisie abusive des conteneurs

La société Cosco et la société CSCL prétendent que la saisie de 953 conteneurs se trouvant dans les entrepôts de la CMC à Rades et Sfax diligentée par la société CMT en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de première instance de Ben Arous du 2 juin 2016 était abusive. Elles affirment en effet que le recouvrement de la créance alléguée par la société CMT n'était pas en péril, ce dont cette dernière avait nécessairement conscience dans la mesure où les sociétés Cosco étaient le 3eme armateur mondial de porte-conteneurs. Elles affirment ainsi que la saisie conservatoire a été diligentée dans l'intention de leur nuire pour bloquer leur commerce.

La société Cosco réclame ainsi à la société CMT le paiement d'une somme de 900.000 USD au titre des frais de stationnement des 953 conteneurs saisis en vertu de l'ordonnance du 2 juin 2016 réglés à la société CMC, une somme de 118.504,97 USD au titre du loyer payé au propriétaire desdits conteneurs ainsi qu'une somme de 47.193,86 dinars tunisiens correspondant aux frais de stationnement des conteneurs saisis par la société CMC en vertu d'ordonnances du président du tribunal de première instance de Ben Arous en date du 16 août 2016, 20 septembre 2016 et 19 octobre 2016.

La société CMT conteste tout abus de droit.

La cour confirmera sur ce point le jugement entrepris en en adoptant les motifs.

Sur l'indemnisation des préjudices résultant de la seconde saisie conservatoire

La société Cosco prétend encore que la société CMT a commis un abus de droit en obtenant une seconde ordonnance de saisie conservatoire le 31 mars 2017 qui a ensuite été rétractée le 23 mai 2017. Elle revendique à ce titre une indemnisation de 100.000 USD.

La société CMT conteste tout abus de droit.

La cour confirmera également sur ce point le jugement entrepris en en adoptant les motifs.

Sur l'indemnisation des préjudices résultant des saisies abusives pratiquées

La société Cosco affirme que les saisies conservatoires abusives pratiquées par la société CMT lui ont fait subir un préjudice qu'elle estime à 2 millions d'euros au titre d'une perte du fret. Elle explique que pour écarter le risque de toute nouvelle saisie de ses conteneurs, elle a été contrainte d'interrompre la ligne Coscon en Tunisie. Elle ajoute que la saisie abusive pratiquée a causé un grave préjudice à son image commerciale dont elle réclame l'indemnisation à concurrence d'une somme de 200.000 euros.

La société CMT réplique que la demande n'est justifiée que par des documents que les intimées se sont constituées par elles-mêmes. Elle ajoute que le préjudice allégué est factice puisque la société Tarros Tunisie est l'agent en Tunisie de la société Cosco, de sorte que la ligne n'a jamais été interrompue en Tunisie.

Ainsi qu'il a précédemment été jugé, aucun abus du droit de diligenter les mesures propres à assurer la conservation de ses créances n'a été retenu à l'encontre de la société CMT. En conséquence, la demande de dommages et intérêts de ce chef ne peut prospérer et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'abus du droit de saisir le Conseil de la concurrence et de déposer une plainte pénale

A l'appui de sa demande, la société Cosco soutient qu'en saisissant le Conseil de la concurrence tunisien, la société CMT a violé la clause attributive de juridiction stipulée à l'article 9.1 du contrat d'agence maritime qui attribuait compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître des litiges les opposant et a commis un abus de droit.

La société CMT dément tout abus de son droit de saisir le Conseil de la concurrence tunisien.

L'article 9.1 du contrat d'agence maritime stipule que : « Le présent Contrat est régi et interprété conformément aux lois Françaises. Tout litige, controverse ou réclamation découlant de ou liée au présent Contrat ou de sa violation ou de sa résiliation doit être résolu à l'amiable par les représentants des parties aux présentes. Mais si les parties ne parviennent pas à résoudre le litige, la controverse ou la réclamation découlant de ou liée au présent Contrat, ou de sa violation ou de sa résiliation, il sera renvoyé au Tribunal de grande instance de Paris (France). »

Contrairement à ce que prétend la société Cosco, le non-respect de la clause d'arrangement amiable ne saurait caractériser un abus de droit de la part de la société CMT mais correspond à une inexécution contractuelle.

Par ailleurs, l'article 5 de la loi tunisienne n° 36 /2015 en date du 15/09/2015 relative à la concurrence et aux prix stipule que « Sont prohibées, les actions concertées, les cartels et les ententes expresses ou tacites ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel et lorsqu'elles visent à :

1- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de l'offre et de la demande,

2- limiter l'accès au marché à d'autres entreprises ou le libre exercice de la concurrence,

3- limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements, ou le progrès technique,

4- Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

Est également prohibée, l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci, ou d 'un état de dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solutions alternatives, pour la commercialisation, l'approvisionnement ou la prestation de service. L'exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique peut consister notamment en refus de vente ou d 'achat, en ventes ou achats liés, en l'imposition d'un prix minimum pour la revente, en l'imposition des conditions de vente discriminatoires ainsi que la rupture de relations commerciales sans motif valable ou au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales abusives.

Est nul, de plein droit, tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à l'une des pratiques prohibées en vertu des paragraphes 1 et 2 du présent article. Est également prohibée, toute offre de prix ou pratique de prix abusivement bas susceptible de menacer l'équilibre d'une activité économique et la loyauté de la concurrence sur le marché.

Or dans sa requête au Conseil de la concurrence tunisien datée du 10 mai 2017, la société CMT s'est plainte de manière détaillée et motivée d'un abus de dépendance économique de la part des sociétés CSCL et Cosco consistant en la rupture des relations commerciales pour l'exclure du marché.

Aucun élément ne permet d'établir l'intention de nuire de la société CMT ou encore un usage désinvolte ou excessif de l'exercice de son droit de saisir le Conseil de la concurrence tunisien.

La demande de dommages et intérêts des sociétés CSCL et Cosco sera en conséquence rejetée et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

La société Cosco reproche encore à la société CMT d'avoir déposé une plainte pénale pour extorsion à l'encontre de ses dirigeants et d'avoir ainsi abusé de son droit d'agir en justice.

La société CMT conteste tout abus de droit. Elle explique que sa plainte pénale a été motivée par le fait qu'elle considérait que son consentement donné le 8 décembre 2016 aux sociétés adverses avait été extorqué. Elle précise ainsi s'être engagée à l'égard des sociétés adverses à ne pas faire appel de l'ordonnance datée du 29 novembre 2016 de mainlevée de la saisie pratiquée le 7 juin 2016 et à ne pas diligenter de nouvelle saisie à la suite du dépôt du rapport d'expertise moyennant la mise en place d'une garantie financière. Or elle soutient qu'une fois ces engagements obtenus, les sociétés adverses ont dénié tout accord.

Il résulte des pièces versées aux débats que la société CMT, à la suite d'une réunion du 8 décembre 2016 en présence des parties et de leurs conseils, a remis aux parties adverses un document daté du même jour par lequel elle a pris l'engagement de ne pas saisir d'autres conteneurs ou tout autre bien appartenant à Cosco et CSCL jusqu'au dépôt du rapport de l'expert judiciaire et a indiqué : « Si et au cas où, après le dépôt du rapport, la société CMT obtient une ordonnance l'autorisant à saisir d'autres conteneurs ou tout autre bien de la société Cosco et de la société CSCL, la société CMT s'engage à en informer les sociétés Cosco et CSCL et à ne procéder à aucune saisie pendant 45 jours pour permettre à les sociétés Cosco et à CSCL de mettre en place une garantie bancaire pour un montant devant être déterminé entre les parties et ne pouvant être supérieur à celui retenu par l'expert judiciaire, ladite garantie se substituera à toute mesure de saisie. »

Il résulte encore d'un échange de correspondances des 1ers et 3 mars 2017 que les conseils des parties se sont opposés quant aux engagements pris de part et d'autre lors de la réunion du 8 décembre 2016.

C'est dans ces conditions que la société CMT a été conduite à déposer une plainte pénale pensant que son consentement avait été extorqué.

Cette méprise de la société CMT sur l'étendue de ses droits ne saurait caractériser un abus de son droit d'agir en justice.

Dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts formée par les sociétés intimées sera rejetée et le jugement entrepris infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les sociétés CSLC France, Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société CSCL, Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société CSCL HK et Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co succombent au litige.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Cosco Shipping Agency aux dépens ainsi qu'au titre des frais irrépétibles. Le surplus des dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé y compris en ce que le coût des frais d'expertise a été exclu des dépens. Il sera à cet égard relevé qu'il s'agit d'une expertise ordonnée par une juridiction étrangère dont les frais ne sont pas compris dans la liste limitative de l'article 695 du code de procédure civile.

Les sociétés CSLC France, Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société CSCL, Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société CSCL HK et Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co supporteront également in solidum les dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Me T. selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile, et seront condamnées in solidum à payer à la société CMT une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande formée à ce titre par les sociétés intimées sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et arrêt réputé contradictoire,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société China Shipping France Agency , en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Compagnie Méditerranéenne de Transport (CMT) au titre de son préjudice d'image et d'atteinte à sa réputation d'agent maritime, en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles en paiement au titre du fret et des surestaries, d'indemnisation de conteneurs perdus, d'indemnisation au titre de saisies conservatoires abusives, d'indemnisation au titre de l'interruption de la ligne sur Tunis, d'indemnisation au titre d'une atteinte à l'image commerciale de Coscon et en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés China Shipping (France) Agency, China Shipping Container Line Co Ltd, China Shipping Container Line Co Hong Kong, Cosco Container Lines Co à payer à la société Compagnie Méditerranéenne de Transport (CMT) la somme de 12.000 euros et à supporter les dépens ;

Statuant à nouveau,

MET HORS DE CAUSE la société Cosco Shipping Agency ;

DÉBOUTE la société Compagnie Méditerranéenne de Transport de sa demande tendant à voir déclarer nul ou inopposable l'article 8.2 du contrat du 8 mai 2015 sur le fondement de l'article L. 442-6 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige ;

DÉBOUTE la société Compagnie Méditerranéenne de Transport de sa demande de dommages et intérêts pour abus du droit de résilier le contrat du 8 mai 2015 de manière anticipée ;

DIT que les sociétés China Shipping France Agency, China Shipping Container Lines Co, China Shipping Container Lines Hong Kong Co et Cosco Container Lines Co Ltd n'ont pas respecté le délai de préavis prévu au contrat et ont ainsi commis une faute contractuelle engageant leur responsabilité ;

DIT n'y avoir lieu de rejeter des débats le rapport de M. X commis par ordonnance du 18 mai 2016 du président du tribunal de première instance de Ben Arous (Tunisie) ;

CONDAMNE in solidum la société China Shipping France Agency, la société Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Co, la société Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Hong Kong Co, la société Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co à payer à la société Compagnie Méditerranéenne de Transport (CMT) une somme de 505,50 euros en réparation du préjudice résultant du non-respect de la période de préavis prévue au contrat du 8 mai 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016 ;

CONDAMNE in solidum la société China Shipping France Agency, la société Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Co, la société Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Hong Kong Co, la société Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co à payer à la société Compagnie Méditerranéenne de Transport (CMT) une somme de 123.004,82 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agence maritime avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016 ;

DIT que les intérêts de ces sommes seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE les sociétés Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Co et la société Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co de leurs demandes d'indemnisation au titre d'un abus du droit de saisir le Conseil de la concurrence tunisien et d'un abus du droit de déposer une plainte pénale ;

CONDAMNE in solidum la société China Shipping France Agency, la société Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Co, la société Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Hong Kong Co et la société Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co à payer à la société CMT une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE in solidum la société China Shipping France Agency, la société Cosco Shipping Development Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Co, la société Cosco Shipping Development Hong Kong Co venant aux droits de la société China Shipping Container Lines Hong Kong Co et la société Cosco Shipping Lines Co Ltd venant aux droits de la société Cosco Container Lines Co aux dépens d'appel ;

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me T. selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.