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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 29 octobre 2009, n° 08/01805

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mme Brylinsky, Mme Beauvois

Avocats :

Me Ribis, Me Henoussene

TGI Pontoise, du 14 janv. 2008

14 janvier 2008

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur et Madame B. sont propriétaires d'un immeuble sis [...], acquis le 9 juillet 1981, dans lequel ils exploitaient un fonds de commerce d'hôtel café restaurant.

Le 4 avril 1991, Monsieur B. a vendu à Messieurs Omar M., Rachid T. et Mouloud T. le fonds de commerce et leur a donné à bail lesdits locaux.

Monsieur Mouloud T., à la suite de la cession des parts indivises de Monsieur M. à Rachid T. le 29 octobre 1993 puis de l'acquisition de celles de Rachid T. par acte sous seing privé du 29 août 1996, est devenu seul propriétaire du fonds de commerce.

Un différend est né entre les époux B. et Monsieur T. qui a donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance de Pontoise le 12 avril 2002 et un arrêt de la cour d'appel de Versailles le 30 octobre 2003.

Par acte extra-judiciaire du 26 novembre 2004, les époux B. ont mis en demeure Monsieur T. de mettre fin aux manquements graves et répétés à ses obligations contractuelles et légales dans le délai d'un mois et le 3 mars 2005, ont fait signifier un congé de refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.

Par acte d'huissier du 10 août 2005, Monsieur et Madame B. ont assigné Monsieur T., visant l'article L.145-17 du code de commerce, aux fins de voir juger que les motifs graves et légitimes sont justifiés à l'encontre de Monsieur T., de valider le congé pour le 15 septembre 2005, de dire que le bailleur n'est tenu d'aucune indemnité d'éviction et à défaut de libération des lieux par le preneur, de voir ordonner l'expulsion.

Cet acte a été signifié le 24 août 2005 à Me V. en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de Monsieur T..

Par jugement rendu le 14 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Pontoise a mis hors de cause Me V. ès qualités, a rejeté l'exception d'irrégularité de la mise en demeure du 26 novembre 2004, débouté les époux B. de leur demande tendant à voir refuser à Monsieur T. une indemnité d'éviction et ordonné avant dire droit, une expertise sur le montant de cette indemnité et de l'indemnité d'occupation, ordonné l'exécution provisoire de la mesure d'expertise, débouté Monsieur T. de ses demandes de dommages et intérêts, de remboursement du coût des travaux qu'il a engagés et de la perte d'exploitation des chambres, sursis à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.

Appelant de ce jugement, par conclusions signifiées le 29 mai 2009, Monsieur T. demande à la cour,

- à titre principal, d'infirmer la décision attaquée, et statuant à nouveau de déclarer nulle et de nul effet la mise en demeure en date du 22 novembre 2004 et de déclarer nul et de nul effet le congé, de dire qu'il ne remplit pas les conditions de l'article L. 145-17 1° du code de commerce, de dire le bail en date du 4 avril 1991 renouvelé,

- subsidiairement, de dire qu'il n'y a pas de motifs graves et légitimes pouvant justifier le congé avec refus de renouvellement, de débouter les époux B. de leur demande de refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes, de les condamner à lui payer :

•         56.083,60 € au titre des travaux réalisés pour la réhabilitation des locaux loués,

•         343.925 € au titre de la perte d'exploitation de 7 chambres, arrêtée à la date de mai 2009,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,

•         30.000 € de dommages et intérêts et 7.500 € HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et de confirmer le jugement entrepris pour le surplus, de condamner les époux B. aux entiers dépens d'instance.

Par conclusions signifiées le 24 octobre 2008, les intimés demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit régulière la mise en demeure du 26 novembre 2004 et validé le congé, en ce qu'il a rejeté la demande de renouvellement du bail présentée par Monsieur T. et débouté Monsieur T. de ses demandes de dommages et intérêts ainsi qu'en remboursement des travaux et de la perte d'exploitation,

- l'infirmer sur la demande en paiement de l'indemnité d'éviction, de constater l'existence de motifs graves et légitimes, de valider le congé sans indemnité d'éviction, de fixer l'indemnité d'occupation due à compter du 15 septembre 2005 et désigner à cet effet l'expert commis par le premier juge,

- tout à fait subsidiairement, si la cour estimait que Monsieur T. doit bénéficier d'une indemnité d'éviction, confirmer le jugement en ce qu'il a désigné un expert aux fins d'évaluer cette indemnité,

- condamner Monsieur T. à leur payer une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de constat sur ordonnance présidentielle dressée le 26 avril 2006, les dépens de l'ordonnance de référé du 21 février 2006 et les dépens de l'ordonnance d'incident du 12 juin 2006.

A l'appui de ses prétentions, Monsieur T. soutient à titre principal que la procédure de refus de renouvellement est affecté de plusieurs irrégularités. Il fait valoir que :

- la mise en demeure du 26 novembre 2004 a été remise par l'huissier de justice à une personne présente se disant «ami» qui n'était probablement qu'un client, et que faute de l'avoir remis à un salarié ou à son destinataire, l'huissier de justice aurait dû procéder selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile, à défaut la mise en demeure est nulle et de nul effet, et partant le congé également,

- la mise en demeure rappelle des faits constatés entre 1997 et 2001 et à l'exception de la police d'assurance qu'il a produite dans les délais impartis, il ne peut lui être reproché des faits constatés dans le cours de la rénovation, voire de la réhabilitation, de l'immeuble vétuste, qui étaient régularisés, bien avant la délivrance de cette mise en demeure,

- le congé ne contient aucune injonction à faire cesser l'infraction dans un certain délai, les motifs évoqués dans le congé sont insuffisants et imprécis, le fait que le congé ait été précédé d'une mise en demeure énumérant les infractions reprochées n'est pas suffisant.

Subsidiairement, il conteste avoir effectué des travaux affectant le gros oeuvre de l'immeuble et des travaux sans l'autorisation des bailleurs et prétend avoir procédé aux réparations d'entretien prévues par l'article 606 alinéa 3 du code civil, ce dont les bailleurs ont été informés. Il rappelle que les travaux prescrits par l'autorité administrative incombent au bailleur.

Il soutient que les bailleurs n'établissent pas l'existence de motifs graves et légitimes pouvant justifier le refus d'une indemnité d'éviction.

Il considère que la clause figurant au bail selon laquelle il avait parfaitement connaissance des travaux requis par la préfecture pour la mise en conformité des installations est une clause de style, que Monsieur B. a omis de préciser dans l'acte de cession que 7 chambres sur 19 étaient interdites à la location, selon arrêté du préfet du Val d'Oise du 7 janvier 1991, que la vétusté s'est révélée après la prise de possession et que les époux B. n'ont pas respecté les obligations qui étaient les leurs, ce qui justifient sur le fondement de l'article1134 du code civil, leur condamnation.

De leur côté, les époux B. répondent que les dispositions des articles 657 et 658 du code de procédure civile ont été strictement respectées par l'huissier instrumentaire notamment quant aux indications relatives à la personne à laquelle la copie a été laissée, que l'avis de passage prévu à l'article 655 du même code a été indiqué dans l'acte.

Tant les clauses du bail que celles de l'acte de cession du fonds de commerce, et encore les circonstances dans lesquelles Monsieur T. s'est porté acquéreur des deux tiers du fonds de commerce en faisant valoir son droit de préemption démontrent à leur sens que Monsieur T. non seulement avait une parfaite connaissance des lieux loués mais que ceux-ci gardaient tout leur intérêt.

Les époux B. estiment que le bâtiment sur cour qui était déjà en 1980 impropre à l'usage auquel il était destiné, ce dont les parties avaient une parfaite connaissance, doit être exclu du litige.

Ils soutiennent que Monsieur T. a fait effectuer des travaux sans autorisation, que tant le bail que les dispositions impératives de la loi du 1er juillet 1964 n'ont pas été respectées ainsi que cela ressort du rapport d'expertise de Monsieur L. du 25 décembre 1995, que les mêmes constatations résultent du rapport de Monsieur D. du 12 août 1997 et du constat de Me G., huissier de justice, du 24 octobre 2002, enfin du constat de Me P., huissier de justice, dressé le 26 avril 2006 et de l'avis de Monsieur H., architecte. Ils ajoutent que le preneur a méconnu son obligation d'entretien des lieux loués, que les règles de police et de sécurité ont été violées, que l'ensemble de ces faits constituent le motif grave et légitime de l'article L.145-17 1° du code de commerce.

Ils concluent en dernier lieu que le bail du 4 avril 1991 d'une durée de neuf ans s'est poursuivi au-delà de son terme par tacite reconduction conformément aux dispositions de l'article L.145-9 du code de commerce et que le bail renouvelé peut prendre fin à tout moment par un congé donné au moins six mois à l'avance, de sorte que la prétention à renouvellement formulée par Monsieur T. est particulièrement infondée.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 25 juin 2009.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Au vu de la décision rendue par le tribunal de commerce de Pontoise le 2 septembre 2005 constatant le désintéressement de l'ensemble des créanciers inscrits et la bonne exécution du plan de continuation de Monsieur T., il y a lieu de confirmer la mise hors de cause de Me V. ès qualités.

Sur la demande de nullité de la mise en demeure

L'huissier de justice qui s'est présenté le 26 novembre 2004 pour délivrer la mise en demeure à Monsieur T. au [...] a indiqué que, les circonstances rendant impossible la signification au destinataire et n'ayant pu avoir de précisions suffisantes sur le lieu où il se trouvait, la copie de l'acte a été remise, selon les déclarations qui lui ont été faites, à une personne présente au domicile Monsieur Amar Y., un ami qui a accepté la remise de la copie.

Selon les articles 654 et 655 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne et si la signification s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence.

Lorsque la copie est remise à une personne présente, celle-ci doit l'accepter et déclarer ses nom, prénoms et qualité.

Monsieur T. ne conteste pas avoir son domicile dans les lieux loués, et tant devant le premier juge que dans sa déclaration d'appel et devant la cour, il s'est déclaré domicilié [...].

Il résulte des mentions de l'acte que Monsieur T. n'était pas présent lors du passage de l'huissier de justice à son domicile mais qu'une personne présente qui a décliné son nom, son prénom et sa qualité a déclaré accepter la remise de la copie de l'acte. Dans ces conditions, il a été satisfait aux exigences des articles 654 et 655 du code de procédure civile et l'huissier qui n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations faites par la personne présente qui accepte la remise, n'avait pas à délivrer l'acte selon les formes prévues par l'article 656 du même code.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de nullité du congé

En application de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Aux termes de l'article L. 145-17 1° du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extra-judiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.

Conformément à l'article L. 145-9 dernier alinéa du même code dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008, le congé doit être délivré par acte extra-judiciaire et à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

La mise en demeure du 26 novembre 2004 reproduit les termes de l'article L. 145-17 1° du code de commerce et énonce qu'il est fait reproche au preneur :

- des travaux effectués sans en informer régulièrement le bailleur et mettant en cause la structure du bâtiment tels que travaux en cours ayant découvert le haut des fondations de l'immeuble, branchement irrégulier en cuisine et absence d'isolation du tableau électrique, location de pièces sous combles en 3ème étage interdit à la location en raison de leur superficie, modification des ouvertures de la salle de réception continue à la salle de bar, installation de toilettes modifiant les locaux, présence de quatre chiens assis au regard du 3ème étage mansardé, les châssis vitrés étant différents des précédents et incorrectement raccordés aux ouvrage de couvertures d'où absence d'étanchéité (rapport d'expertise L. désigné par ordonnance de référé du 07.06.1995), en général absence de justification de la réalisation des travaux par une entreprise qualifiée (OPQCB/QUALIBAT) et absence d'accord du bailleur,

- d'un défaut d'entretien des lieux loués qui se dégradent dangereusement tels que tête de souche située à l'angle nord ouest de la couverture en mauvais état dont les éléments risquent de tomber sur les couvertures des bâtiments situés en contrebas, (rapport d'expertise de Michel D. du 12.08.1997), pignon dans la zone la plus haute "ruellée" en partie détachée, nombreux joints creux provoquant un risque de chute, (rapport d'expertise de Michel D. du 12.08.1997), réalisation nécessaire d'un véritable réseau d'évacuation des eaux pluviales usées et vannes, assurant la conformité de la relation des canalisations des wc et éventuellement, en neutralisant l'ancienne fosse fixe et sa ventilation hors d'usage, (rapport d'expertise de Michel D. du 12.08.1997), l'ensemble de la couverture est en mauvais état, gouttières pendantes, descentes EP, rives, zinguerie, etc..., état des souches en mauvais état, plus particulièrement la souche endommagée devant faire l'objet de travaux immédiats (rapport d'expertise H., ordonnance de référé du TGI de Pontoise du 15.05.1998),

- d'avoir commis diverses infractions aux dispositions légales et administratives applicables en matière d'exploitation hôtelière ayant conduit à des fermetures administratives, notamment à l'arrêté de fermeture administrative du 12.09.2001 par le Maire de Bezons, arrêté de fermeture du 09.10.2001 et arrêté de fermeture du 08.11.2001,

- de n'avoir pas justifié être assuré pour la responsabilité civile et décennale.

Le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction qui reproduit les termes de l'article L. 145-9 dernier alinéa alors en vigueur, a été délivré à la requête des époux B. le 3 mars 2005, au motif grave et légitime suivant :

« non respect des obligations de locataire d'un établissement hôtelier tant au regard des dispositions légales qu'administratives et notamment :

- travaux effectués sans information ni autorisation du bailleur et mettant en péril la structure même du bâtiment ;

- défaut d'entretien des lieux loués ayant entraîné des dégradations importantes des locaux ;

- infraction aux dispositions légales et administratives applicables en matière d'exploitation hôtelière ayant entraîné plusieurs fermetures administratives ;

- non justification d'un assurance pour la responsabilité civile et décennale.

En conséquence, les requérants s'estiment en droit de refuser le renouvellement du bail sans indemnité.

Vous rappelant que suivant acte du 29.11.2004, il vous a été fait sommation de mettre fin à ces infractions commises à vos obligations et que vous avez néanmoins persisté après le délai d'un mois qui vous était imparti.»

Le preneur n'a pu se méprendre sur l'exacte nature des griefs invoqués à son encontre par le congé délivré le 3 mars 2005, lequel se référant à la mise en demeure du 26 novembre 2004 contenant l'énumération détaillée de chacun des griefs, a repris l'énonciation des manquements du preneur aux obligations contractuelles ou légales reprochés.

Le congé délivré satisfait donc aux exigences de motivation de l'article L. 145-9 sus-cité.

Sur le refus de renouvellement

Le bail commercial stipule qu'il est fait aux charges et conditions suivantes :

- de prendre les lieux loués dans leur état actuel [...] le propriétaire n'ayant à sa charge aucune réparation même celles prévues à l'article 606 du code civil,

- d'entretenir les lieux loués et de les rendre en fin de bail en bon état de réparations locatives et d'entretien, les preneurs reconnaissant avoir pris les lieux en bon état,

- de ne pas faire de travaux de percement ou de démolition sans le consentement exprès et par écrit des bailleurs, tous embellissements et améliorations faits par le preneur restant en fin de bail la propriété de bailleurs.

Les dispositions du bail mettant à la charge du preneur toutes les réparations, même celles prévues par l'article 606 du code civil, n'ont pas pour effet de l'obliger à rendre les locaux en meilleur état qu'il ne les a lui-même reçus.

Les époux B., pour étayer l'existence d'un motif grave et légitime tenant à l'exécution de travaux sans autorisation et au défaut d'entretien, invoquent les constatations faites tout au long du bail suivant divers rapports d'expertise, procès-verbaux d'huissier de justice ou avis consultatifs, notamment par Monsieur L., architecte dans son compte-rendu de visite du 12 août 1997, Monsieur L., expert, dans son rapport du 19 décembre 1995, Monsieur H., expert, dans son rapport du 15 juillet 1999, Me G., huissier de justice, dans son constat le 14 mai 2001 et Monsieur L. le même jour, Me G. le 6 novembre 2002.

Or, il résulte de ces pièces versées mais également des constats établis à la demande de Monsieur T. les 20 juillet et 18 octobre 1994, 21 août 1997, que les locaux loués étaient dès l'origine dans un état de vétusté avancé, que le bâtiment sur cour était délabré et impropre à sa destination hôtelière lors de la prise de possession, que Monsieur T. a effectué de nombreux travaux d'entretien, d'amélioration et de rénovation des locaux loués.

Les bailleurs ayant déjà invoqué à l'appui de leur demande de résiliation du bail, l'inexécution par le preneur de ses obligations notamment d'entretien et de réparation, il a été jugé par le tribunal de grande instance de Pontoise le 12 avril 2002 et l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 30 octobre 2003 que Monsieur T. n'avait commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, la mise en demeure du 26 novembre 2004 ne faisant que reprendre les mêmes rapports, constats et avis que ceux déjà connus des parties et discutés dans cette précédente instance.

Les seules pièces que les époux B. produisent sur l'état des locaux loués, postérieures à l'expiration du délai d'un mois visé dans la mise en demeure du 26 novembre 2004, sont un constat établi le 26 avril 2006, par Me P., huissier de justice, et un courrier d'observations émanant de Monsieur H., architecte, présent lors du constat d'huissier.

S'agissant du constat de Me P., il y fait mention des points suivants :

- s'agissant des sanitaires hommes et femmes, que Monsieur B. a déclaré que ces sanitaires ont été agrandis, le mur extérieur des toilettes a été démoli et reconstruit sans porte, l'accès se faisant à ce jour par l'intérieur du bâtiment, et que Monsieur T. a répondu qu'il n'avait pas agrandi les toilettes mais seulement changé l'accès pour la commodité de la clientèle du bar-restaurant,

- que le regard d'évacuation des eaux usées des toilettes est partiellement recouvert par le mur des toilettes précédemment visitées et que le mur empiète d'environ 15 centimètres, que Monsieur B. déclare qu'il s'agit d'une modification des lieux réalisée par Monsieur T. mais que ce dernier indique que cette situation existait déjà au moment de sa prise de possession,

- en ce qui concerne le bâtiment insalubre situé dans la cour en arrière de l'immeuble principal, Monsieur T. demande s'il peut réaliser la remise en état de ce bâtiment, et Monsieur B. déclare qu'il est en demande de résiliation du bail et qu'en conséquence, il n'accepte pas cette remise en état.

Les autres lieux visités n'ont fait l'objet d'aucune observation particulière des parties en présence de l'huissier de justice.

Aucune des constatations de l'huissier de justice ne permet d'établir l'exécution par le preneur de travaux mettant en péril la structure même du bâtiment qui auraient nécessité l'information et l'autorisation des bailleurs ou le défaut d'entretien des lieux loués ayant entraîné des dégradations importantes des locaux reprochés qui auraient persisté postérieurement à l'expiration du délai d'un mois visé dans la mise en demeure du 26 novembre 2004.

Ne peuvent pas être retenues à l'appui des prétentions des bailleurs, les observations de Monsieur H., architecte des époux B., qu'il a adressées à ces derniers par courrier le 10 mai 2006, donnant son avis sur des installations ou des ouvrages sur lesquels l'huissier de justice, désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Pontoise, n'a pas lui-même fait de constatations contradictoires, le 26 avril 2006, en présence des époux B., de l'architecte et de Monsieur T..

S'agissant de la violation des règles administratives et de police dans le cadre de la tenue de l'hôtel et des interdictions administratives visées, la mise en demeure ne contenait pas d'injonction de faire des travaux pour mettre fin à une violation d'une règle de police ou à un manquement aux dispositions du bail ou encore à une infraction aux dispositions légales et administratives en matière d'exploitation hôtelière, et il n'est pas fait grief dans le congé à Monsieur T. d'exploiter malgré une fermeture administrative.

Il n'est donc pas justifié à cet égard de l'existence d'une infraction commise par le preneur qui se serait poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après avoir été mis en demeure d'avoir à la faire cesser.

S'agissant du bâtiment sur cour faisant l'objet d'un arrêté de péril, reprenant les conclusions du rapport L. de 1995, les époux B. concluent eux-mêmes qu'il doit être exclu du litige comme déjà en 1980 impropre à l'usage auquel il était destiné, s'étant opposé aux travaux de remise en état, ce qu'ils ont confirmé le 26 avril 2004 à l'huissier de justice, de sorte qu'ils ne peuvent en faire grief à Monsieur T..

Les époux B. ont renoncé à invoquer le grief tiré du défaut de justification de l'assurance de l'immeuble.

En conséquence, il n'est pas établi par les époux B. l'existence d'un motif grave et légitime au sens de l'article L. 145-17 1° du code de commerce.

Toutefois, le défaut de motif grave et légitime n'entraîne pas la nullité du congé et en conséquence le renouvellement du bail mais ouvre seulement droit à une indemnité d'éviction au preneur évincé, étant relevé que les époux B. pouvaient donner congé à tout moment suivant les usages locaux, au moins six mois à l'avance, le bail du 4 avril 1991 s'étant poursuivi par tacite reconduction à compter du 4 avril 2000.

C'est à bon droit et pour des motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu de désigner un expert afin d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction ainsi que celui de l'indemnité d'occupation due à compter du 15 septembre 2005, de fixer, dans l'attente du dépôt du rapport, au montant du loyer en cours le montant de l'indemnité d'occupation.

Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur T.

Monsieur T. prétend au paiement de dommages et intérêts motif pris de ce qu'ayant eu quelques retards de paiement à l'égard de la banque San Paolo, il a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire au cours de laquelle les époux B. auraient fait inscrire une créance de 483.867,13 € pendant plus de deux années, totalement injustifiée, dans le but d'empêcher la sortie du redressement judiciaire.

Les seules pièces produites, à savoir la liste provisoire des créances établies le 20 janvier 2003 en application de l'article L.621-103 du code de commerce sur laquelle figurent des créances au nom des époux B. au titre de loyers et indemnités d'occupation, réparations et travaux, contestées par Monsieur T. et le jugement du 2 septembre 2005 rendu par le tribunal de commerce de Pontoise mettant fin à la procédure de redressement, ne sont pas de nature à apporter la preuve qui incombe à l'appelant d'une faute des bailleurs et d'un préjudice en l'absence de décision d'admission desdites créances.

Sur les demandes de Monsieur T. relatives au remboursement des travaux et à la perte d'exploitation

Monsieur T. soutient qu'il a engagé des frais de remise en état des lieux loués du fait de la carence des bailleurs et que Monsieur B. a omis de préciser dans l'acte de cession que 7 chambres sur 19 étaient interdites à la location, selon arrêté du préfet du Val d'Oise du 7 janvier 1991, qu'il subit en conséquence une perte d'exploitation importante.

Il sollicite 56.083,60 € réalisés pour la réhabilitation des locaux loués et 343.925 € au titre de la perte d'exploitation de 7 chambres, arrêtée à la date de mai 2009.

Suivant le jugement en date du12 avril 2002 du tribunal de grande instance de Pontoise rendu entre les mêmes parties, confirmé sur ce point par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 30 octobre 2003, Monsieur T. a été débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 56.083,60 € au titre des travaux réalisés pour la réhabilitation des locaux loués et d'une demande en perte d'exploitation qu'il avait alors chiffrée à hauteur de la somme de 160.254,79 €.

Il avait alors été considéré que ces demandes ne pouvaient aboutir au motif que le preneur a pris les lieux en connaissance de leur état de vétusté apparent et accepté de faire son affaire de toutes sortes de réparations, que les travaux dont il réclamait au bailleur l'exécution était à la charge du preneur aux termes du bail.

Monsieur T. est donc mal fondé à demander que les bailleurs supportent les travaux de remise en état des locaux et l'est également, pour les mêmes motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte, en ce qui concerne la perte d'exploitation alléguée relative non seulement aux quatre chambres situées dans le bâtiment sur cour mais également aux trois chambres situées sous combles.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties succombant partiellement conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés et il serait inéquitable de mettre à la charge de l'une des parties les frais, exposés par l'autre partie, non compris dans les dépens.

Les époux B. qui sont déboutés de leurs demandes tendant à voir refuser à Monsieur T. le bénéfice d'une indemnité d'éviction conserveront à leur charge les frais de constat du 24 avril 2006 et les dépens de l'ordonnance de référé du 21 février 2006.

Il appartiendra au premier juge qui a réservé le sort des dépens de première instance dans l'attente du rapport d'expertise de statuer sur les dépens de l'ordonnance d'incident du 12 juin 2006 rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute Monsieur et Madame B. de leur demande tendant à voir supporter par Monsieur T. les frais de constat du 24 avril 2006 et les dépens de l'ordonnance de référé du 21 février 2006.

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.