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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 6 octobre 2010, n° 09/03891

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

STEF 1 Copropriété Immobilière (Sté civ.)

Défendeur :

Nocibe france (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Imbaud Content, Mme Degrelle Croissant

Avocats :

Me Huyghe, Me Atlan, SCP Fisselier, Chiloux et Boulay, Me Cohen Guilleminet

TGI Paris, du 10 oct. 2008

10 octobre 2008

La Cour statue sur l'appel interjeté par la société COURS HATTEMER à l'encontre du jugement rendu le 10/10/2008 par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de PARIS qui a :

- fixé à 133 000 € à compter du 1er/1/2005 le loyer annuel en principal du bail renouvelé depuis cette date entre Mme C. épouse H. et la société NOCIBE FRANCE pour les locaux sis à PARIS 6ème, 128 boulevard Saint Germain,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- partagé par moitié les dépens entre les parties en ce inclus les frais d' expertise ;

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Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

La société NOCIBE FRANCE est locataire (comme venue en novembre 2006 par effet d un traité de fusion aux droits de la société HLL PARIS RIVE DROITE) de locaux sis à PARIS 6éme,128 boulevard Saint Germain, ce en vertu d'un bail conclu le 4/4/1995 pour 9 ans à compter du 1er /5/1995 pour l'activité d achat et vente de produits pharmaceutiques, cosmétiques, diététiques, de parfumerie, d'herboristerie, de produits vétérinaires, de podologie, produits de beauté et soins d'esthétique' et moyennant un loyer annuel en principal de 800 000 francs ;

Par acte extra judiciaire du 25/6/2004, Mme C., bailleresse (aux droits de laquelle se trouve actuellement la société STEF 1 COPROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE pour avoir acquis de celle ci l'immeuble) a notifié à sa locataire un congé pour le 1er/1//2005 avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné ;

Le juge des loyers commerciaux, saisi par Mme C. aux fins de fixation a, par jugement du 9/9/2005 constaté que le bail s'était renouvelé à effet du 1er/1/2005, désigné expert en la personne de Mme M. G. avec la mission habituelle en la matière et fixé le loyer provisionnel au montant du loyer contractuel ;

Mme M. G., dans son rapport du 11/9/2007, a parmi les motifs de déplafonnement allégués, écarté celui tenant à la modification des caractéristiques des locaux mais retenu celui tenant à une modification notable des facteurs locaux de commercialité du fait de l'augmentation du trafic de la station de métro Odéon proche des locaux en cause; elle a conclu à une valeur locative de 133 000 € sur la base d'une surface pondérée de 133 m2 et d'un prix unitaire de 1000 € , indiquant que le loyer plafonné s'établissait, à la date considérée, à 151 790,10 € par an ; 

Ensuite du dépôt du rapport d'expertise, Mme C. a conclu à l'extinction de l'instance et subsidiairement à la fixation du loyer en renouvellement à la somme de 226 500 € par an, la société COURS HATTEMER, critiquant, pour sa part, l'absence de pondération pour les locaux en étages et le prix unitaire retenu par l'expert et concluant à une fixation de ce loyer à la somme de 129 175 € € par an, montant par elle estimé de la valeur locative inférieure au loyer indiciaire ;

C'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu ;

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La société STEF 1 COPROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE( venue aux droits de Mme C.), appelante, demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement déféré en fixant le loyer du bail renouvelé au 1er/1/2005 à la somme de 226 500 € par an,

- de dire que les compléments de loyer produiront intérêts au taux légal à compter du 1er /1/2005 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts,

- de condamner la société NOCIBE FRANCE au paiement d'une indemnité de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

La société NOCIBE FRANCE, intimée, demande, pour sa part, à la Cour:

- d'infirmer le jugement déféré sur le montant du loyer en fixant celui ci à la somme de 129 175 € par an,

- de condamner la société STEF 1 COPROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers trop versés depuis le 1er /1/2005 et ce au fur et à mesure des paiements et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts,

- de condamner la société STEF 1 COPROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE au paiement d'une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que la bailleresse se prévalant de motifs de déplafonnement pour solliciter fixation du loyer en renouvellement à la valeur locative et la locataire (qui conteste l'existence de tels motifs ) revendiquant néanmoins fixation à la valeur locative dés lors, selon elle, que celle ci est inférieure au montant du loyer résultant de la variation indiciaire, il convient de déterminer tout d'abord la valeur locative dans la mesure où le loyer devrait, en application des dispositions L145-33 et L145-34 du code de commerce, être fixé cette valeur si celle ci s'avérait effectivement inférieure au loyer résultant de la variation indiciaire et où il serait alors inutile d'examiner des moyens de la bailleresse sur les motifs de déplafonnement, étant ici précisé que le loyer résultant de la variation indiciaire s'établit à la date considérée à la somme de 151 790,10 € ; 

Considérant que la contestation par la bailleresse de l'appréciation faite par l'expert et le tribunal de la valeur locative à la date considérée du 1er/1/2005 porte sur le coefficient de pondération appliqué au sous sol qu'elle estime devoir être de 0,50 au lieu de 0,30 comme retenu par l'expert et le tribunal et sur le prix unitaire qu'elle évalue essentiellement au regard des références France Telecom, La Tabatière Odéon et BNP Paribas comme relatives à des commerces situés à proximité directe des locaux litigieux, revendiquant ainsi fixation du prix unitaire pour ces derniers locaux à 1500 € au lieu de 1000 € comme retenu par l'expert et le tribunal ;

Que la locataire, elle, admet les pondérations et le prix unitaire retenus par l'expert et le tribunal mais estime qu'il doit être retranché de la valeur locative fixée sur ces bases le montant de la taxe foncière mise à sa charge selon le bail d'où la fixation par elle revendiquée du prix du bail renouvelé à la somme de 129 175 € par an ;

Considérant, sur ces points, concernant la surface pondérée, qu'en raison de l'utilité que représente pour la locataire la surface en cause par elle utilisée pour les soins esthétiques, le coefficient de pondération pour cette partie des locaux apparaît devoir être fixé à 0,40;soit une surface pondérée globale de 141,98m2 ;

Considérant, concernant le prix unitaire, que la référence France Telecom citée par la bailleresse ne peut être privilégiée alors qu'elle se rapporte à un loyer décapitalisé lequel, artificiellement déterminé, ne reflète pas exactement la réalité du marché et qui doit donc être recoupé avec d'autres références pour approcher cette réalité ;

Que pour la référence afférente à la Tabatière Odéon, que le prix en renouvellement amiable, comme l'observe justement la locataire, peut résulter des conditions particulières reportant la date de la première révision du loyer et ayant pu conduire le preneur à accepter un prix plus élevé que le prix normal de sorte que cette référence n'apparaît pas pertinente;

Que les références SONIA R. et BNP PARIBAS sont à prendre en compte mais avec d'autres références parmi lesquelles celles relatives à la même activité ;

Considérant qu'au vu de ces références et eu égard aux caractéristiques de locaux, à leur emplacement adapté à l'activité exercée, en prenant en compte, ainsi que l'ont fait l'expert et le tribunal, comme facteur de minoration la charge exorbitante que constitue pour la locataire le paiement de la taxe foncière et des charges de gros entretien, et, comme facteur de majoration l'avantage conféré par la sous location au profit d'une société du groupe, que le prix unitaire sera fixé comme justement retenu par expert à la somme de 1000 € .

Que la charge exorbitante du droit commun constituée par l'impôt foncier ayant déjà été pris en compte comme élément de minoration du prix unitaire, il n'y a pas lieu de déduire cette taxe , comme le demande pourtant la locataire, de la valeur locative ;

Considérant que cette valeur sur les bases ci dessus retenues pour la surface pondérée et le prix unitaire s'établit, à la date considérée, à la somme de 141 980 € par an ;

Considérant que cette valeur étant inférieure au montant du loyer plafonné s'établissant, lui, à la somme de 151 700,10 € , le loyer du bail renouvelé au 1er /1/2005 sera fixé à ladite valeur soit à la somme ci dessus de 141 980 € sans qu'il soit, dés lors, utile d'examiner s'il existe, comme le soutient la bailleresse, des motifs de déplafonnement ;

Considérant, sur les intérêts sollicités par la locataire sur les trop versés de loyer, que s'agissant d'intérêts moratoires, ils supposent, même pour les revenus échus tels que loyers visés à l'article 1155 du code civil, que ces revenus soient déterminés dans leur montant, le retard ne pouvant, dans le cas contraire, être caractérisé ;

Que tel n'étant pas le cas de loyers échus mais, faute d'accord, non encore déterminés en leur montant et restant en attente d'une fixation judiciaire, les intérêts sur les trop versés après fixation ne peuvent courir qu'à compter de cette fixation soit à compter du présent arrêt ;

Que ces intérêts seront, sur demande en ce sens de la locataire, capitalisés dans les conditions et en application de l'article 1154 du code civil ;

Considérant que le jugement qui a partagés les dépens de première instance par moitié ainsi que les frais d'expertise et débouté les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé , que la nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce justifient que chaque partie supporte la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés ;

Considérant que dans ces circonstances, chaque partie supportera également les frais irrépétibles par elles exposés.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a partagé par moitié les dépens ainsi que les frais d'expertise et débouté les parties de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Reformant jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,

Fixe le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2005 à la somme de 141 980 € par an,

Dit que les trop versés de loyers résultant de cette fixation produiront intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions et en application de l'article 1154 du code civil,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dit que chaque partie supportera les dépens d'appel qu'elle a exposés et déboute chaque partie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure Civile.