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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 12 septembre 1991, n° 91/004972

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SMANOR (SA)

Défendeur :

Syndifrais (Syndicat), Gervais Danone France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gourlet

Conseillers :

M. Launay, M. Canivet, Mme Simon, Mme Mandel

Avocats :

Me Villemot, Me Giroux-Buhagiar

CA Paris n° 91/004972

12 septembre 1991

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours.

Saisi par la société Smanor de pratiques prétendument mises en œuvre sur le marché des yaourts et simultanément d’une demande de mesures conservatoires, le Conseil de la concurrence a par décision n° 91-D-06 :

- déclaré la saisine au fond irrecevable ;

- rejeté la demande de mesures conservatoires.

Par déclaration déposée au greffe le 8 mars 1991, la société Smanor représentée par Hubert Segaud, son président-directeur général, et Monique Gantzer, épouse Segaud, a formé contre cette décision un recours dont les moyens ont été exposés dans un mémoire en date du 8 avril 1991 et selon lesquels :

- contrairement à ce que prétend la décision déférée, il a été articulé à l’encontre de la société Gervais-Danone et du syndicat national Syndifrais des faits précis justifiant la saisine du Conseil de la concurrence ;

- que l’arrêt rendu, le 14 juillet 1988 par la Cour de justice des communautés européennes a remis la législation française en l’état où elle se trouvait en 1977 et a pour conséquence que les yaourts surgelés ne peuvent désormais faire l’objet d’une discrimination ;

- que, dès lors, la réunion organisée le 27 août 1978 pour défendre exclusivement les intérêts de la société Gervais-Danone, à Djibouti, par des représentants des services de la répression des fraudes et du ministère de l’agriculture constitue une manœuvre dont le seul but était d’empêcher la société requérante d’exercer normalement son activité ;

- que la société Gervais-Danone et le syndicat Syndifrais ont trompé les diverses juridictions saisies, particulièrement le Conseil d’Etat.

La société Smanor prie en conséquence la cour d’annuler la décision déférée, de dire la saisine recevable et de faire droit à sa demande de mesures conservatoires.

Aux termes de mémoires ultérieurs, elle sollicite le renvoi préjudiciel à la Cour de justice des communautés européennes aux fins d’interprétation des dispositions du Traité instituant la Communauté économique européenne au regard des pratiques dénoncées.

Le syndicat Syndifrais et la société Gervais-Danone se sont joints à l’instance pour demander le rejet du recours, cette dernière poursuivant en outre la condamnation de la requérante en paiement de dommages et intérêts et en remboursement des frais irrépétibles exposés à l’occasion de la procédure.

Dans ses observations le ministre d’Etat, ministre de l’économie et du budget, estime que le recours doit être rejeté.

Le ministère public conclut à l’irrecevabilité du recours formé, faute de qualité des époux Segaud pour représenter la société Smanor déclarée en liquidation par jugement du 5 avril 1988.

Sur quoi :

Considérant que le recours formé contre une décision du conseil déclarant sa saisine irrecevable n’est pas une action patrimoniale au sens de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985; qu’en conséquence il peut être exercé par le président-directeur général de la société Smanor en liquidation, agissant seul ;

Considérant que la demande dc la société Smanor vise à faire sanctionner, sur le fondement des articles 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ou 85 et 86 du traité instituant la Communauté économique européenne, les pratiques ayant consisté à lui interdire, sur la base des dispositions françaises applicables en cette matière, la commercialisation de ses produits sous la dénomination «yaourt » ou « yoghourts» et à l’obliger de ce fait à les vendre sur le territoire français sous la dénomination « lait fermenté surgelé», alors que par un arrêt du 14juillet1988, la Cour de justice des communautés a estimé une telle mesure contraire à l’article 30 du traité CEE et à la directive n° 79-112 ;

Mais considérant qu’ainsi que l’a relevé le conseil la société requérante n’articule au soutien de ses allégations aucun fait précis susceptible d’entrer dans le champ des dispositions du titre III de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ou 85 et 86 du traité CEE; que ni les fautes qu’il impute à des fonctionnaires publics ni les prétendues escroqueries au jugement qu’il reproche aux sociétés et syndicats en cause ne sont, à l’évidence, dc nature à recevoir une qualification au regard des textes susvisés et qu’il ne fournit en outre aucun élément propre à établir la réalité et l’objet d’une réunion qui se serait tenue le 23 août 1978 ;

Considérant de ce fait il n’y a lieu à saisir la Cour de justice des communautés européennes de questions préjudicielles, en particulier telles que formulées par la société requérante ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a décidé à bon droit que, dès lors qu’il déclarait la saisine irrecevable, il n’avait pas le pouvoir de prendre des mesures conservatoires ;

Considérant que le recours formé par la société Smanor ne peut être tenu pour fautif à l’égard de la société Gervais-Danone et que l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Par ces motifs :

Rejette le recours formé par la société Smanor ;

Rejette toutes autres demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Laisse les dépens à la charge de la société requérante.