CA Paris, 4e ch. A, 31 mars 2004, n° 2002/19102
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cricket and Co Europe (SA), Create and Concept France (SA)
Défendeur :
Publicis conseil (SA), Jean Cassegrain (SA), Longchamp (SA), Renault (Sté), Travel Products Corporation Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pderrat
Conseillers :
Mme Magueur, Mme Rosenthal-Rolland
Avocats :
SCP Fisselier, Chiloux et Boulay, SCP Bommart et Forster, SCP Monin, Me de Baecque, SCP Hardoutin
Vu l'appel interjeté, le 29 octobre 2002, par les sociétés CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE d'un jugement rendu le 13 septembre 2002, rectifié par jugement en date du 15 novembre 2002, qui a :
* déclaré recevable l'intervention volontaire de la société CREATE & CONCEPT FRANCE,
* rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par les sociétés CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE,
* rejeté la demande de mise hors de cause de la société CRICKET & CO EUROPE,
* dit qu'en distribuant un sac de voyage reproduisant les caractéristiques essentielles du sac Spider, les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE ont porté atteinte au droit moral de Philippe C sur le sac Spider dont il est l'auteur ainsi, qu'aux droits patrimoniaux dont est titulaire la société Jean CASSEGRAIN et ont commis des actes de concurrence déloyale à rencontre de la société LONGCHAMP,
* condamné in solidum les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE à payer à Philippe C la somme de 7.000 euros au titre de l'atteinte portée à son droit moral, à la société Jean CASSEGRAIN une somme de 152.440 euros au titre de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux et à la société LONGCHAMP une indemnité de 200.000 euros sur le fondement d'actes de concurrence déloyale et parasitaire,
* interdit aux sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE de fabriquer, distribuer ou commercialiser, sous quelque forme que ce soit, des sacs contrefaisants du modèle de sac Spider, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
* ordonné à titre de dommages et intérêts complémentaires la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux, ou revues au choix des demandeurs et aux frais in solidum des défendeurs sans que le coût de chaque publication excède la somme de 3.100 euros,
* débouté les demandeurs de leurs autres demandes accessoires, d'interdiction, de publication ou de confiscation,
* débouté la société RENAULT de son appel en garantie formé contre la société CRICKET & CO EUROPE,
* débouté les sociétés CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE en leur appel en garantie formé à rencontre de la société TRAVEL PRODUCT CORPORATION LTD,
* débouté la société PUBLICIS en son appel en garantie à rencontre des sociétés CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE,
*dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, à l'exception de la mesure d'interdiction sous astreinte,
* condamné in solidum les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET & CO EUROPE et CREATE & CONCEPT FRANCE à payer aux demandeurs une somme totale de 2.700 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;
Vu les uniques conclusions signifiées le 19 février 2003, aux termes desquelles la société CRICKET & CO EUROPE (ci-après la société CRICKET) et la société CREATE & CONCEPT FRANCE (ci-après la société CREATE) demandent à la Cour de :
* in limine litis, constater l'irrecevabilité des demandes présentées par les demandeurs principaux en raison de fins de non-recevoir qui affectent leurs demandes, et les en débouter,
* à titre subsidiaire, constater le malfondé des demandes présentées par les demandeurs principaux, et les en débouter,
* à titre reconventionnel, les recevoir, en tout état de cause, en leurs demandes et condamner les intimés in solidum à leur payer la somme de 15.244,90 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et une somme identique au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
* à titre infiniment subsidiaire, juger que la société TRAVEL PRODUCTS CORPORATION LTD sera tenue à la garantir intégralement des condamnations, en principal, intérêts, indemnités et frais de toutes sortes prononcées à son encontre ;
Vu les uniques conclusions, en date du 15 décembre 2003, par lesquelles la société PUBLICIS CONSEIL, demande à la Cour de :
* à titre principal, prononcer sa mise hors de cause,
* à titre subsidiaire, lui adjuger le bénéfice des conclusions des sociétés RENAULT et CREATE, débouter les demandeurs initiaux de l'ensemble de leurs demandes, juger que le sac Spider n'est pas protégeable, ni par le droit d'auteur, ni par le droit des dessins et modèles à défaut d'être original et nouveau et de prononcer la nullité de la figure 5 du modèle n° DN031-849, déposé le 13 avril 1995 auprès de l'OMPI par la société Philippe CASSEGRAIN,
* à titre infiniment subsidiaire, condamner la société CRICKET et la société CREATE à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et, constatant sa bonne foi, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée tant au titre de la contrefaçon qu'à celui de parasitisme,
* à défaut, juger qu'elle n'est pas responsable des faits de concurrence déloyale et ne saurait être condamnée solidairement avec les autres défendeurs, et infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné des mesures de publication judiciaire à rencontre des parties en général et d'elle en particulier,
* en tout état de cause, condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les uniques conclusions signifiées le 15 décembre 2003, aux termes desquelles, la société RENAULT, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la Cour de:
* débouter Philippe C, la société Jean CASSEGRAIN et la société LONGCHAMP de l'ensemble de leurs demandes,
* juger que le sac Spider n'est pas protégeable ni par le droit d'auteur ni par le droit des dessins et modèles, à défaut d'être original et nouveau,
* prononcer la nullité de la figure 5 du modèle n°DN031-849, déposé le 13 avril 1995 auprès de l'OMPI par la société Philippe CASSEGRAIN,
* à titre subsidiaire, condamner la société CRICKET et la société CRÉATE à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et les condamner à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépetibles, ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions, en date du 6 janvier 2004, par lesquelles Philippe C, la société JEAN CASSEGRAIN et la société LONGCHAMP, poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables leurs actions, protégeable le modèle Spider invoqué, au titre des droits d'auteur et de modèle déposé, jugé que les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET et CRÉATE ont commis des actes de contrefaçon du modèle de sac Spider et commis de actes de concurrence déloyale, demandent à la Cour de :
* faire interdiction aux sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET et CRÉATE de fabriquer, faire fabriquer, importer, détenir, proposer à la vente ou distribuer, exposer, reproduire, vendre et, d'une manière générale, commercialiser des contrefaçons ou copies du modèle invoqué sous astreinte in solidum de 1.500 euros par infraction constatée et ce, dès la signification de la décision à intervenir,
* condamner les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET et CREATE à remettre l'intégralité des documents publicitaires et sacs restant en leur possession et ce, sous astreinte in solidum de 1.500 euros par jour de retard, pour être détruits sous le contrôle d'un huissier de justice et à leurs frais in solidum,
* condamner in solidum les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET et CREATE au paiement des sommes de :
. 45.000 euros à Philippe C en réparation des atteintes à son droit moral,
. 152.440 euros à la société Jean CASSEGRAIN, en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis à son encontre,
. 1.524.490 euros à la société LONGCHAMP, en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre,
* autoriser la publication de l'arrêt, par extraits ou in extenso, dans 10 revues ou journaux de leur choix; dire que le texte de ces publications pourra être accompagné d'un dessin du sac Spider,
* condamner in solidum les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET et CREATE à rembourser le coût de ces publications à hauteur d'une somme globale de 80.000 euros H.T.,
* au surplus, autoriser les demandeurs à faire effectuer la publication du dispositif de la décision à leurs frais dans les revues ou journaux de leur choix,
* ordonner qu'un texte d'information faisant uniquement référence au dispositif de la décision et comportant un dessin du sac Spider concerné sera adressée par voie postale, sous pli fermé à l'ensemble des personnes qui ont personnellement reçu l'offre du jeu RENAULT dans les mêmes conditions,
* juger que cet envoi sera effectué aux frais in solidum des défendeurs et sous le contrôle d'un huissier de justice,
* condamner in solidum les sociétés RENAULT, PUBLICIS CONSEIL, CRICKET et CREATE au paiement à chacun d'eux d'une somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépetibles d'appel ainsi qu'aux dépens, lesquels comprendront notamment les frais de saisie contrefaçon, de récupération et de destruction des sacs et catalogues litigieux ;
La société TRAVEL PRODUCTS CORPORATION LIMITED, bien que régulièrement assignée, n'a pas constitué avoué ; que le présent arrêt sera donc réputé contradictoire ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :
* du 22 au 26 mars 2001, la société RENAULT a réalisé une opération promotionnelle Portes Ouvertes Renault comportant l'envoi de documents publicitaires ainsi qu'un jeu gratuit permettant de gagner un lot parmi 7 véhicules Renault Scenic, 70 VTT Renault Sport et 200.000 sacs de voyages,
* l'opération commerciale a été réalisée en collaboration avec l'agence de publicité PUBLICIS CONSEIL et l'assistance de la société CREATE,
* les sacs litigieux ont été facturés à la société RENAULT par la société CRICKET,
* estimant que ces sacs constituaient une contrefaçon du sac Spider, Philippe C, la société Jean CASSEGRAIN et la société LONGCHAMP ont, après y avoir été autorisés, fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 2 avril 2001 au siège de la société Renaul t et le 10 avril 2001 au siège de la société CRICKET ;
Sur la procédure :
sur la mise hors de cause de la société CRICKET et l'intervention volontaire de la société CREATE :
Considérant que la société CRICKET & CO EUROPE demande sa mise hors de cause motif pris qu'elle serait totalement étrangère aux faits de la présente affaire ; qu'elle fait valoir, au soutien de sa demande, que son activité se développant régulièrement en France, elle a, le 25 juin 1996, décidé de créer la société CREATE & CONCEPT FRANCE qui, intervenante volontaire à la procédure, serait la seule concernée par la présente procédure ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que, ainsi que les premiers juges l'ont justement apprécié, la saisie contrefaçon pratiquée le 10 avril 2001 au siège de la société CRICKET & CO EUROPE révèle qu'elle a facturé les sacs litigieux à la société RENAULT ;
Qu'il s'ensuit que, de ce chef, le jugement déféré doit être confirmé ;
sur l'irrecevabilité de l'action engagée par Philippe C :
Considérant que les sociétés CRICKET et CREATE soutiennent que Philippe C serait irrecevable en son action dès lors qu'il ne justifierait pas de sa qualité d'auteur du modèle ou dessin du sac Spider ;
Mais considérant que, aux termes d'une analyse précise des attestations versées aux débats, le tribunal a justement retenu que la preuve était rapportée que le modèle de sac Spider a été créé, au début de l'année 1989, par Philippe C ; que les attestations initiales qui avaient été établies à l'occasion de précédentes procédures ayant déjà admis la qualité d'auteur de l'intimé relativement au modèle contesté, sont corroborées par celles manuscrites et régulières en la forme, produites en cause d'appel, de Joselyne M et de Lucien F ;
Que, de ce chef, le jugement déféré mérite aussi confirmation ;
sur l'irrecevabilité de l'action engagée par la société JEAN CASSEGRAIN :
Considérant que les sociétés CRICKET et CREATE soutiennent que la société Jean CASSEGRAIN serait irrecevable en son action dès lors qu'elle ne justifierait de la cession à son profit des droits de Philippe C ;
Mais considérant qu'il est justifié par les pièces versées à la procédure, d'une part, la cession par Philippe C de ses droits patrimoniaux à la société Philippe CASSEGRAIN qui, à son tour, les a, par acte d'apport partiel d'actif du 29 novembre 2000, transmis à la société Jean CASSEGRAIN, cession approuvée par les assemblées générales de chacune de ces sociétés et, d'autre part, du dépôt international désignant la France n°DM 031 849 (dessin n°5) effectué le 19 janvier 1995 par la société Philippe CASSEGRAIN auprès de l'OMPI, renouvelé jusqu'au 19 janvier 2005 et dont la société Jean CASSEGRAIN est cessionnaire par application de l'apport partiel susvisé, ladite cession ayant été inscrite auprès de l'OMPI le 20 mars 2001 ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer sur ce point également le jugement déféré ;
sur la recevabilité de l'action de la société LONGCHAMP :
Considérant que les sociétés CRICKET et CREATE soutiennent tout aussi vainement que la société LONGCHAMP serait irrecevable à agir faute de justifier d'une licence exclusive d'exploitation de dessins et modèles ;
Qu'en effet, les premiers juges ont exactement relevé qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société LONGCHAMP fabrique et distribue en France les sacs Spider et effectue à cet effet les investissements publicitaires et commerciaux nécessaires et que, dès lors, en sa qualité de distributeur, laquelle n'est pas contestable, elle est fondée à se prévaloir des articles 1382 et suivants du Code civil pour demander réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire dont elle fait état, sans qu'elle ait à justifier d'une licence pour former une demande de dommages et intérêts ;
Qu'il ya donc lieu de confirmer également le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette exception d'irrecevabilité ;
Sur le fond :
sur le caractère protégeable du sac Spider :
Considérant que les sociétés RENAULT, PUBLICIS, CRICKET et CREATE pour s'opposer à l'action en contrefaçon engagée à leur encontre persévèrent à soutenir que les caractéristiques essentielles du sac litigieux seraient de simples effets techniques ; qu'il n'aurait donc rien de nouveau et d'original ;
Mais considérant que, par une motivation précise et pertinente que la Cour adopte expressément, les premiers juges ont justement estimé que la combinaison des éléments caractérisants revendiqués par les intimés confère, d'une part, au modèle de sac SPIDER un caractère nouveau et propre, au sens des articles L. 511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, et, d'autre part, révèle l'empreinte de la personnalité de son auteur et donne au modèle son originalité, justifiant le droit moral dont fait état Philippe C ;
Qu'en effet, en dehors des nécessités techniques: liées à la fonction utilitaire d'un sac de voyage, la sac Spider présente, contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés mises en cause, des caractéristiques esthétiques nouvelles et originales indépendantes de cette fonction, dont il n'est pas justifié, ni même allégué, qu'elles existeraient dans des modèles de maroquinerie préexistants, et qui révèlent l'effort créatif de son auteur ; qu'il en est ainsi du rabat triangulaire comportant une fente dans laquelle passent les courroies du sac et du dessin particulier, décrit au jugement dont appel, de la patte de fermeture ;
Qu'il s'ensuit que le sac Spider mérite protection tant sur le fondement du livre I que du livre V du Code de la propriété intellectuelle, de sorte que le jugement déféré sera, de ce chef, confirmé ;
Considérant qu'il convient, en conséquence, de rejeter la demande de la société RENAULT et de la société PUBLICIS tendant à la nullité de la figure n°5 du modèle n°DM 031.849, déposé le 13 avril 1995 auprès de l'OMPI ;
sur la contrefaçon :
Considérant que les sociétés appelantes contestent vainement la réalité du grief de contrefaçon argué à leur encontre ;
Qu'en effet, le tribunal qui s'est livré à un examen comparatif détaillé du sac Spider et des sacs ayant fait l'objet des saisie-contrefaçons, a justement retenu que les caractéristiques identiques relevées donnaient aux sacs distribués par la société RENAULT une même impression d'ensemble constitutive de la contrefaçon alléguée, peu important que les sacs en cause ne comportent pas la marque LONGCHAMP, la présente procédure n'ayant pas été introduite sur le fondement de la contrefaçon de marque ;
Qu'en outre, sont sans incidence les quelques différences minimes qui apparaissent sur les sacs contestés - rabat légèrement arrondi et patte de fermeture avec une pièce rapportée - dès lors que, ainsi que le rappelle le tribunal, la contrefaçon s'apprécie d'après les ressemblances et non d'après les différences ;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer sur ce point le jugement déféré ;
sur la concurrence déloyale :
Considérant que, pour s'opposer au grief de concurrence déloyale ou parasitaire argué à leur encontre, les sociétés mises en cause font valoir, en premier lieu, qu'elles ne se trouveraient pas en situation de concurrence avec la société LONGCHAMP dès lors qu'elles n'exercent pas leurs activités dans le même secteur économique ;
Mais considérant que, d'abord, les sociétés CRICKET et CREATE sont en tant qu'acteurs sur le marché de la maroquinerie, puisque importateurs et vendeurs de sacs, directement en situation de concurrence avec la société LONGCHAMP, d'autant que ces sociétés ont en commun la clientèle du groupe RENAULT ;
Que, ensuite, les agissements parasitaires d'une société peuvent être constitutifs d'une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, même en l'absence de toute situation de concurrence ;
Considérant que les faits de contrefaçon précédemment constatés, constituent à l'égard de la Société LONGCHAMP des actes de concurrence déloyale ;
Qu'elle est également fondée à soutenir que la déclinaison du modèle dans la même taille, la même matière et le même coloris, que celles qu'elle utilise, n'est pas fortuite et traduit une volonté délibérée de s'inscrire dans son sillage ;
Considérant, en outre, que si la vente à vil prix n'est pas en soi un élément de nature à constituer un fait de concurrence déloyale, il convient de relever que, d'une part, la circonstance selon laquelle le sac contrefaisant a été vendu à un prix de moins de 20 euros, confine à une absence de prix, d'ailleurs dans la logique d'une opération publicitaire grand public, alors que celui du modèle original était de l'ordre de 280 euros et que, d'autre part, la diffusion du sac contrefaisant dans le cadre d'un jeu concours gratuit dévalorise la notoriété du modèle Spider qui est établi par les documents versés aux débats par la société LONGCHAMP ;
Qu'il s'ensuit que se trouvent caractérisée la responsabilité civile des sociétés CRICKET et CREATE sur le fondement de la concurrence déloyale et des sociétés RENAULT et PUBLICIS sur le fondement de la concurrence parasitaire à rencontre de la société LONGCHAMP ;
Que le jugement déféré mérite donc confirmation ;
sur les mesures réparatrices :
Considérant qu'il est établi, et non contesté, que la masse contrefaisante est constituée de 200.000 sacs et que, à l'occasion de la campagne publicitaire massive organisée par la société PUBLICIS pour le compte de la société RENAULT, ont été distribués 1.456.000 tracts qui comportaient la photographie du modèle de sac contrefaisant ;
Que, à l'époque des faits, la société LONGCHAMP vendait son modèle de sac Spider à un prix de gros unitaire équivalent à 128 euros alors que son prix de revient était de 70 euros HT, de sorte que sa marge était de 58 euros HT ; que, toutefois, il convient de retenir le principe d'un abattement dès lors que les personnes qui se sont portées acquéreurs des sacs contrefaits n'auraient pas reporté en totalité leur acquisition auprès de la société LONGCHAMP ; que, compte tenu de la nature du modèle contrefait et de la clientèle ayant participé aux Journées Portes Ouvertes de la société RENAULT, le critère de pondération applicable est de 5% de la masse contrefaisante ;
Que doit être également pris en considération la dévalorisation conséquente, du fait de la masse contrefaisante, du modèle en cause, de sa vente présentée comme un accessoire publicitaire de la campagne nationale de la société RENAULT ;
Qu'il s'ensuit que :
. s'agissant de l'atteinte portée au droit moral de Philippe C, il y a lieu de lui accorder la somme de 20.000 euros,
. s'agissant de la réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à rencontre de la société LONGCHAMP, il lui sera allouée une indemnité de 620.000 euros ;
. s'agissant de l'atteinte portée aux droits patrimoniaux de la société Jean CASSEGRAIN, les premiers juges ont, en lui accordant une indemnité de 152.440 euros, fait une juste appréciation de son préjudice ;
Considérant, en outre, qu'il convient, pour mettre un terme aux agissements délictueux, de confirmer les mesures d'interdiction et de publication ordonnées par le tribunal, sauf pour ces dernières à faire mention du présent arrêt ;
Considérant que, compte tenu du fait que l'opération, au cours de laquelle les sacs contrefaits ont été vendus, était limitée à la période du 22 au 26 mars 2001,au sein du seul réseau de la société RENAULT, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes complémentaires de publication ,de restitution ou d'information formées par les intimés ;
sur les responsabilités et les appels en garantie :
Considérant que, par une motivation précise et pertinente que la Cour adopte, les premiers juges ont, à bon droit, imputé la responsabilité des actes délictueux ainsi que de ceux constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire aux sociétés CRICKET, CREATE, RENAULT et PUBLICIS ;
Considérant que la société RENAULT, qui fait état de sa bonne foi, recherche la garantie de son fournisseur, la société CRICKET ;
Mais considérant que la bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon et que s'agissant des actes de concurrence déloyale et parasitaire, il est établi que la société RENAULT a activement participé à l'élaboration des Journées PortesOuvertes et, notamment, au choix du sac contrefaisant alors, au surplus, que, depuis plusieurs années, ainsi qu'il en est justifié, elle achetait, par l'intermédiaire de sa filiale RENAULT SUR LA ROUTE des sacs à la société LONGCHAMP pour des opérations de communication, allant même jusqu'à sélectionner à plusieurs reprises le sac Spider dans le cadre de ses études commerciales, ainsi qu'en atteste une lettre, en date du 18 février 2000, adressée par la société intimée en réponse à une sollicitation de cette filiale ;
Que, toutefois, la société RENAULT, si elle ne peut exciper d'une garantie contractuelle, est en droit de se prévaloir, à rencontre des sociétés CRICKET et CREATE, des dispositions de l'article 1626 du Code civil ; que, compte tenu des fautes directement imputables à la société RENAULT qui ont concourues au préjudice subi par les intimés, il convient de limiter la garantie des sociétés CRICKET et CRÉATE à la moitié des condamnations prononcées à rencontre de la société RENAULT ;
Considérant que la société PUBLICIS formule la même demande à rencontre des sociétés CRICKET et CRÉATE en invoquant également sa bonne foi qui est tout aussi inopérante ; que, ne pouvant se prévaloir ni d'une garantie contractuelle, ni, à la différence de la société RENAULT, d'une garantie légale, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande en garantie ;
Considérant que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie formée par les sociétés CRICKET et CRÉATE à rencontre de la Société TRAVEL PRODUCS, aucune indication n'étant donnée sur la nature des relations contractuelles pouvant exister entre les parties ;
sur les autres demandes :
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que les sociétés CRICKET et CREATE ne sont pas fondées à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive ni à bénéficier, ainsi que les sociétés RENAULT et PUBLICIS, des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que, en revanche, l'équité commande, sur le fondement de ces dernières dispositions, de les condamner in solidum à verser une indemnité complémentaire de 2.000 euros chacun à Philippe C, la société Jean CASSEGRAIN et la société LONGCHAMP ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne les indemnités revenant à Philippe C et à la société LONGCHAMP et l'appel en garantie formé par la société RENAULT à rencontre des sociétés CRICKET et CREATE ;
Et, statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées ;
Condamne in solidum les sociétés CRICKET & CO EUROPE, CREATE & CONCEPT FRANCE, RENAULT et PUBLICIS CONSEIL à verser les indemnités suivantes :
* 20.000 euros à Philippe C, en réparation de l'atteinte portée à son droit moral ;
* 620.000 euros à la société LONGCHAMP, en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre ;
Dit que la mesure de publication ordonnée par le tribunal devra faire mention du présent arrêt ;
Condamne in solidum les sociétés CRICKET & CO EUROPE, CREATE & CONCEPT FRANCE à garantir la société RENAULT de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, à hauteur de la moitié de celles-ci ;
Rejette toutes autres demandes ;
Les condamne en outre in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Condamne in solidum les sociétés CRICKET & CO EUROPE, CREATE & CONCEPT FRANCE, RENAULT et PUBLICIS CONSEIL à verser une indemnité complémentaire de 2000 euros chacun à Philippe C, la société Jean CASSEGRAIN et la société LONGCHAMP au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.