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Décisions

CA Paris, ch. réunies A, 27 octobre 2004, n° 03/16588

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fretex (SARL)

Défendeur :

Julien Faure (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mme Magueur, Mme Rosenthal-Rolland

Avocats :

SCP Menard, Scelle et Millet, SCP Bernabe, Chardin et Cheviller

TGI Paris, du 27 juin 2003

27 juin 2003

Vu l'appel interjeté, le 22 juillet 2003, par la société FRETEX d'un  jugement rendu le 27 juin 2003 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

* dit les sociétés défenderesses coupables d'actes de contrefaçon,

* dit les sociétés défenderesses solidairement tenues d'une dette de 70.000 euros à l'égard de la société JULIEN FAURE, condamné la société FRETEX à payer cette dette et fixé, au passif de la société COTE SUD, ladite somme,

* ordonné la publication du jugement dans trois journaux ou publications au choix de la société JULIEN FAURE et aux frais des défenderesses pour un montant maximum par insertion de 4.500 euros HT, déboutant pour le surplus des demandes,

* ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, sans constitution de garantie, sauf en ce qui concerne les publications,

* débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

* condamné la société FRETEX et Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, solidairement à payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, déboutant pour le surplus et les condamnant en outre solidairement aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2004, aux termes desquelles la société FRETEX poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la Cour de:

* à titre principal, la mettre hors de cause,

* à titre subsidiaire, déclarer irrecevable et en tous cas mal fondée tant en fait qu'en droit la société JULIEN FAURE, en toutes ses demandes, tant au titre de la contrefaçon qu'à celui de la concurrence déloyale,

* à titre infiniment subsidiaire, dire que le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société JULIEN FAURE de par la fabrication de l'échantillonnage du tissu litigieux, ne pourra être supérieur à la somme de 150 euros,

* condamner la société JULIEN FAURE à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les ultimes conclusions, en date du 11 juin 2004, par lesquelles la société JULIEN FAURE, poursuivant la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé que la société COTE SUD et la société FRETEX n'avaient pas commis d'actes de concurrence déloyale, fixé son préjudice du fait des actes de contrefaçon à 70.000 euros et fixé le nombre de publications de l'arrêt à intervenir à trois insertions, demande à la Cour, statuant à nouveau, de :

* interdire à Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, et à la société FRETEX ainsi qu'à l'ensemble de leurs sous-traitants, détaillants, fabricants, établissements secondaires, de fabriquer, faire fabriquer, commercialiser, faire commercialiser, importer ou exporter tant en France qu'à l'étranger le dessin contrefaisant qu'il orne ou non un article textile, et ce sous astreinte définitive de 1.524,49 euros par article contrefait fabriqué ou commercialisé et par jour à compter du jugement à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte directement,

* ordonner la publication de la décision à intervenir dans dix journaux ou publications professionnelles de son choix, et ce aux frais solidaires de Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD et de la société FRETEX sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 4.573,47 euros H.T., soit la somme totale de 45.734,71 euros H.T.,

* condamner solidairement Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD et la société FRETEX à lui verser la somme de 137.204,11 euros en réparation de son préjudice du fait des actes de contrefaçon toutes causes de préjudices confondues,

* juger que la société COTE SUD et la société FRETEX se sont rendues coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

* condamner solidairement Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, et la société FRETEX à lui verser la somme de 152.449,02 euros au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

* fixer à hauteur de 350.632,74 euros sa créance au passif de la société COTE SUD eu égard à l'assignation délivrée le 16 août 2001,

* ordonner l'inscription des sommes dues au passif de la société COTE SUD et ce à titre chirographaire,

* condamner solidairement Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, et la société FRETEX à lui verser la somme de 15.244,90 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, bien que régulièrement assigné, n'a pas constitué avoué, de sorte que l'arrêt à intervenir sera réputé contradictoire ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :

* la société JULIEN FAURE, ayant pour activité la création et la fabrication d'articles de textiles et notamment de tissus, est propriétaire des droits de création et d'exploitation d'un dessin qu'elle tisse sur du tissu référencé dans sa collection PAMIR 28822, PAMIR 29618 et PAMIR 29794,

* elle a acquis, auprès d'une société VICKY BOUTIQUE située à Lyon (69), une jupe et une veste confectionnées dans un tissu reprenant à l'identique le dessin lui appartenant, ces vêtements étant revêtus d'un étiquette portant la marque FILLE DU SUD, régulièrement déposée à l'INPI au profit de Antoine A, par ailleurs, gérant de la société COTE SUD,

* en 1999, la société JULIEN FAURE lui a vendu ainsi qu'à la société COTE SUD du tissu tissé dont le motif était le dessin PAMIR,

* la société JULIEN FAURE a fait procéder, le 23 juillet 2001, à une saisie- contrefaçon,

* le 27 juillet 2001, la société COTE SUD a adressé à l'huissier instrumentale une facture, en date du 9 février 2001, de la société FRETEX relative à l'achat du tissu litigieux,

* le 14 septembre 2001, la société JULIEN FAURE a fait pratiquer à une saisie- contrefaçon dans les locaux de la société FRETEX ;

* sur la titularité des droits de création :

Considérant que la titularité des droits de création de la société JULIEN FAURE sur le tissu référencé PAMIR ne peut être sérieusement contestée dès lors qu'elle est fondée à se prévaloir de la présomption de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle , puisqu'elle justifie avoir commercialisé le dessin référencé PAMIR 28822, 29618 et 29794 depuis sa collection du mois de novembre 1999, et que la société FRETEX, se bornant à alléguer que la société intimée n'apporterait la moindre preuve de la commercialisation du tissu litigieux, n'apporte aucun élément de nature à combattre la présomption légale ;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a reconnu la titularité des droits de la société JULIEN FAURE sur le dessin PAMIR ;

* sur l'originalité :

Considérant que la Cour constate que la nouveauté et l'originalité du dessin dont la protection est revendiquée par la société JULIEN FAURE ne sont plus contestées devant la Cour, la société FRETEX affirmant seulement qu'en matière de mode, les collections sont sans cesse renouvelées, de saison en saison, qu 'ainsi un modèle qui a pu être original à un moment donné, ne l'est plus quelques temps après, sans tirer de cette circonstance une quelconque incidence juridique ;

Que le jugement déféré sera donc, sur ce point, confirmé ;

*sur la contrefaçon :

Considérant qu'il n'est pas plus contesté que la société FRETEX et la société COTE SUD ont, pour la première, tissé et, pour la seconde, commercialisé des vêtements confectionnés dans un tissu représentant le dessin PAMIR, propriété de la société JULIEN FAURE ;

Que, au demeurant, la Cour a, par l'examen auquel elle s'est livrée, pu constater que le tissu litigieux reprend l'ensemble des caractéristiques originales du tissu référencé PAMIR - dessin représentant une succession d'arcades au centre, le dessus composé d'une frise florale et le dessous comportant une forme géométrique - propriété de la société JULIEN FAURE ;

Considérant que la société FRETEX sollicite sa mise hors de cause en invoquant, d'abord, sa bonne foi, et, ensuite, qu'elle aurait eu un rôle tout à fait insignifiant pour ne pas dire inexistant dans la mesure où elle n'aurait fabriqué que 61 mètres de tissu à la demande et pour le compte de la société COTE SUD ;

Mais considérant, en premier lieu, que, en matière de contrefaçon, la bonne foi est inopérante ;

Que, en deuxième lieu, la société FRETEX aurait dû, en sa qualité de professionnelle, s'interroger sur la titularité des droits de création de la société COTE SUD dans la mesure où celle-ci n'a jamais revendiqué une telle activité qui se limite à la création de produits de prêt-à-porter ; que, en outre, c'est tout aussi vainement que la société FRETEX fait valoir qu'il ne lui incombait pas de se livrer à cette vérification dans la mesure où la société COTE SUD ne lui aurait passé cette commande qu'à titre d'essai, alors qu'il est établi, notamment par les procès-verbaux de saisie- contrefaçon, que des vêtements ont été confectionnés dans le tissu litigieux reprenant le dessin PAMIR, propriété de la société JULIEN FAURE ;

Que, en troisième lieu, il y a lieu de relever que, même à supposer que le tissu litigieux ait été fabriqué à titre d'essai, une telle circonstance n'est pas de nature à exonérer la société FRETEX de sa responsabilité, le seul acte de fabrication étant constitutif de contrefaçon ;

Qu'il s'ensuit que, s'agissant des actes de contrefaçon, le jugement déféré sera également confirmé ;

*sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire :

Considérant que la société JULIEN FAURE soutient que, outre les actes de contrefaçon, la société FRETEX et la société COTE SUD auraient commis des actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme, en premier lieu, en copiant servilement le tissu litigieux ;

Mais considérant, que ce grief, s'il constitue une circonstance aggravante de la contrefaçon et doit être pris en compte dans l'appréciation du préjudice subi de ce fait, n'est pas en soi un fait distinct de concurrence déloyale et parasitaire ;

Considérant que, en second lieu, s'agissant de la société COTE SUD, la société JULIEN FAURE lui fait justement grief, d'abord, d'avoir manqué à la loyauté qui doit régir les rapports commerciaux dans la mesure où elles entretenaient des relations d'affaires puisque la société COTE SUD s'était, antérieurement aux actes reprochés, approvisionnée, auprès d'elle, en tissu référencé PAMIR ;

Que, en outre, il est établi que la société COTE SUD a sciemment conservé, sur les vêtements qu'elle a, avec le tissu contrefaisant le dessin litigieux, commercialisés, les mêmes références que celles de la société JULIEN FAURE, c'est à dire PAMIR, entraînant ainsi une confusion certaine dans l'esprit du consommateur sur l'origine du tissu ;

Qu'il est par ailleurs établi que la société COTE SUD s'est délibérément placée dans le sillage de la société JULIEN FAURE, sans risquer le moindre investissement dans la création d'un dessin original ;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé à l'égard de la société FRETEX, à laquelle aucun acte de concurrence déloyale ne peut être imputé, et infirmer en ce qui concerne la société COTE SUD qui s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à rencontre de la société JULIEN FAURE ;

* sur les mesures réparatrices :

Considérant que, s'agissant du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, la société JULIEN FAURE qui conteste l'évaluation qui en a été faite par le tribunal, fait valoir que la masse contrefaisante serait incontestablement plus importante que celle qui résulterait de la confection des 61 mètres de tissu que prétend avoir livré la société FRETEX dès lors qu'au cours des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 23 juillet 2001, au siège de la société COTE SUD , le gérant de cette société a indiqué à l'huissier instrumentaire avoir acheté ce tissu, en lot, environ deux cent mètres, pour environ cent pièces fabriquées ;

Qu'il résulte de cette déclaration exempte de toute ambiguïté que la société FRETEX a certainement livré une quantité de tissu supérieure à celle par elle alléguée; que la Cour ne saurait se satisfaire de la production par la société FRETEX, société contrefaisante, d'une seule facture datée du 9 février 2001, alors qu'il se déduit d'autres éléments et du nombre de pièces confectionnées qu'elle a tissé un métrage supérieur d'autant que, en matière de contrefaçon dans le monde du textile, il est de pratique courante de pratiquer une facturation aléatoire, pour ne pas dire une absence de facturation, propre à ce type d'opération, de sorte que l'attestation de l'expert-comptable de la société FRETEX est inopérante puisque par essence ce professionnel ne peut attester de l'existence de factures évidemment inexistantes ;

Considérant qu'il résulte de ces circonstances et des éléments relatifs à la dépréciation des caractéristiques originales du dessin PAMIR, à l'atteinte portée à l'image de marque de l'entreprise, que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de l'ensemble des préjudices subis par la société JULIEN FAURE en raison des actes de contrefaçon retenus ;

Que le jugement déféré sera donc, sur ce point confirmé, étant seulement substitué à la condamnation solidaire prononcée une condamnation in solidum ;

Considérant que, s'agissant du préjudice subi par la société JULIEN FAURE du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire retenus à rencontre de la société COTE SUD, la Cour dispose des éléments nécessaires, sans avoir recours à une mesure d'expertise, pour fixer ce préjudice à la somme de 40.000 euros ;

Considérant que, pour mettre fin aux actes délictueux, déloyaux et parasitaires retenus, il convient de confirmer la mesure de publication ordonnée par les premiers juges, sans qu'il soit besoin d'en modifier, comme le demande la société JULIEN FAURE, les modalités, sauf à faire mention du présent arrêt, et d'y ajouter une mesure d'interdiction suivant les modalités précisées au dispositif du présent arrêt ;

* sur les autres demandes :

Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société FRETEX ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, en revanche, l'équité commande, sur ce même fondement de la condamner à verser à la société JULIEN FAURE in solidum avec Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, une indemnité complémentaire de 10.000 euros ;

Considérant qu'il convient de fixer la créance de la société JULIEN FAURE au passif de la liquidation judiciaire de la société COTE SUD à la somme de 110.000 euros, étant précisé qu'il n'appartient pas à la Cour de se substituer au juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société COTE SUD pour en ordonner l'inscription au passif de cette société :

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, en précisant qu'il convient de substituer à la condamnation solidaire prononcée une condamnation in solidum, et sauf en ce qui concerne la demande de la société JULIEN FAURE au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à rencontre de la société COTE SUD et en ce qu'il a prononcé une condamnation solidaire entre la société FRETEX et la société COTE SUD,

Et, statuant à nouveau,

Dit que la société COTE SUD s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme à rencontre de la société JULIEN FAURE,

Fait interdiction à Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, et à la société FRETEX ainsi qu'à l'ensemble de leurs sous-traitants, détaillants, fabricants, établissements secondaires, de fabriquer, faire fabriquer, commercialiser, faire commercialiser, importer ou exporter tant en France qu'à l'étranger le dessin contrefaisant qu'il orne ou non un article textile, et ce sous astreinte de 500 euros par article contrefait fabriqué ou commercialisé et par jour à compter de la signification du présent arrêt, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte directement,

Dit que le préjudice subi par la société JULIEN FAURE du fait des actes de concurrence déloyale sera réparé par une indemnité de 40.000 euros,

Fixe la créance de la société JULIEN FAURE au passif de la liquidation judiciaire de la société COTE SUD à la somme de 110.000 euros,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne in solidum la société FRETEX et Me Pierre-Yves P, es qualités de liquidateur de la société COTE SUD, à verser à la société COTE SUD une indemnité complémentaire de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Les condamne, en outre, in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.