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Décisions

Cass. 3e civ., 15 mars 2000, n° 98-11.855

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Dupertuys

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, Me Odent

Versailles, du 7 nov. 1997

7 novembre 1997

Joint les pourvois n°s 98-11.855 et 98-13.028 ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 98-13.028 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 1997), que la compagnie Assurances générales de France (les AGF) a donné à bail à la société Markdis, le 22 janvier 1987, des locaux à usage professionnel pour une durée de trois ans, à compter du 1er avril 1987 ; que les AGF ont délivré congé à la société Markdis le 20 septembre 1989, pour le 31 mars 1990 et lui ont proposé un nouveau contrat de location avec un loyer majoré ; que la société Markdis, qui n'a pas accepté cette proposition, est demeurée dans les lieux et a formulé, le 19 avril 1991, une contre-proposition sur le montant du loyer ; que les AGF ont assigné le 9 février 1993 la société Markdis pour faire fixer le loyer du bail renouvelé pour six ans, à compter du 1er avril 1990 ;

Attendu que les AGF font grief à l'arrêt de dire que le bail, expiré le 31 mars 1990, a été poursuivi par un bail verbal exécuté par les deux parties jusqu'au départ des lieux de la société Markdis, le 31 décembre 1994, alors, selon le moyen, 1° que l'existence d'un bail verbal suppose, comme tout contrat, un accord des parties sur la chose et sur le prix ; qu'en retenant l'existence d'un bail verbal unissant les AGF et la société Markdis, après expiration d'un précédent bail tout en relevant que le congé avait été délivré par les AGF et que la proposition du nouveau loyer n'avait pas été acceptée par la société Markdis, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1714 du Code civil ; 2° que l'article 1716 du Code civil, qui prévoit les conditions dans lesquelles une contestation sur le prix du bail verbal peut être résolue, n'a nullement pour effet de régir les conditions de formation d'un tel contrat ; qu'en relevant que ce texte autorisait la formation d'un bail verbal en cas de désaccord sur le prix du loyer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1716 du Code civil ; 3° qu'en déduisant une attitude sans équivoque des AGF et leur volonté certaine de poursuivre les relations contractuelles avec la société Markdis du seul fait qu'elles n'avaient pas mis en demeure la société Markdis, qui se maintenait dans les lieux, de signer un nouveau bail et n'avaient engagé une action en justice que près de trois ans après la fin du bail écrit, demandant au Tribunal la fixation du prix du loyer sans répondre aux conclusions des AGF signifiées le 7 octobre 1996 indiquant qu'il n'y avait pas d'accord des parties sur le prix, que la durée de trois ans invoquée par la société Markdis résultait uniquement de la durée de la procédure et d'une difficulté sur la compétence et qu'enfin le prix proposé par les AGF n'avait pas été accepté par la société Markdis qui avait fait une contre-proposition, éléments écartant l'existence d'un bail verbal, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4° que la délivrance d'un congé, qui doit produire immédiatement ses effets lorsqu'il n'est pas contesté, témoigne sans équivoque de la volonté de la partie qui le délivre de mettre un terme aux relations contractuelles ; que la tolérance de la présence du locataire dans les lieux, ne peut donc caractériser une manifestation sans équivoque de la volonté du propriétaire de poursuivre des relations contractuelles ; que pour en avoir décidé autrement, la cour d'appel a violé les articles 1714 et suivants et 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que lorsqu'elles avaient engagé une action en justice, près de trois ans après la fin du bail écrit, les AGF n'avaient pas sollicité la constatation de l'expiration du bail et le prononcé de l'expulsion de l'occupante sans droit ni titre, mais la fixation du montant du loyer et souverainement retenu que cette attitude démontrait la volonté certaine des AGF de poursuivre ses relations contractuelles avec la société Markdis, laquelle avait manifesté la même volonté en payant régulièrement le loyer sur la base de l'ancien prix, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, sans se fonder sur les dispositions de l'article 1716 du Code civil, que le bail expiré le 31 mars 1990, s'était poursuivi par un bail verbal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 98-13.028 et sur le moyen unique du pourvoi n° 98-11.855, réunis :

Vu l'article 1716 du Code civil ;

Attendu que, lorsqu'il y aura contestation sur le prix du bail verbal dont l'exécution a commencé et qu'il n'existera point de quittance, le propriétaire en sera cru sur son serment, si mieux n'aime le locataire demander l'estimation par experts ;

Attendu que pour fixer le prix du bail verbal dû par la société Markdis, l'arrêt retient que l'article 1716 du Code civil n'étant pas d'ordre public, le juge conserve la faculté de fixer le prix, selon les circonstances, en fonction d'autres éléments, et principalement en se référant aux manifestations de volonté des parties ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le prix du bail verbal à 248 000 francs par an, payable par trimestre, à terme échu, entre le 1er avril 1990 et le 31 mars 1991 et 270 000 francs au-delà, avec indexation sur l'indice trimestriel du coût de la construction, la première indexation devant intervenir au 1er avril 1991, l'arrêt rendu le 7 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.