CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 29 novembre 2013, n° 13/01515
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Vetstar (SARL)
Défendeur :
Moncey Textiles (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mme Nerot, Mme Renard
Avocats :
Me Cheviller, Me Sitbon, Me Belfayol Broquet, Me Galichet, Me Fournet
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 10 janvier 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 4ème section),
Vu l'appel interjeté les 25 janvier et 15 février 2013 par la S.A.R.L. Vetstar,
Vu l'ordonnance de jonction des deux procédures d'appel du 7 mars 2013,
Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. Vetstar appelante en date du 27 septembre 2013,
Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. Moncey Textiles intimée et incidemment appelante en date du 23 septembre 2013,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 octobre 2013,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
La S.A.R.L. Moncey Textiles a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements de prêt à porter et d'accessoires.
Elle est titulaire des marques :
* française Rivaldi déposée le 22 avril 1998 à l'INPI sous le numéro 98730813,
* communautaire Rivaldi déposée le 15 février 2007 sous le numéro 5718556
qui désignent en classe 25 notamment les vêtements.
Elle a notamment commercialisé 2 chemises référencées Cody et Crown à compter du mois de janvier 2010.
La S.A.R.L. Vetstar a notamment pour activité la création, la commercialisation et l'importation et l'exportation de vêtements de prêt à portera déposé la marque Gov Denim.
Le 17 mai 2011 la S.A.R.L. Moncey Textiles a acquis une chemise de la marque Gov Denim sur le site internet blzjeans.com portant la référence Z 9096 et HEFOE PATCH H et une autre le 20 mai 2010 portant la référence 7787 qui reproduisaient selon elle les caractéristiques essentielles de ses modèles référencés Cody et Crown. Elle a relevé que sur la seconde chemise et sur une autre chemise Gov Denim référencée Z 9093 était apposée l'inscription Rivaldi.
C'est dans ces circonstances qu'elle a fait procéder le 15 juin 2011 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la S.A.R.L. Vetstar.
Elle a également fait procéder le 13 juillet 2011 à des saisies-contrefaçon dans les locaux du magasin Adventure Land et, le 4 août 2011, au sein de la société BLZ qui commercialisaient les chemises litigieuses vendues par la société Vetstar.
Elle a fait assigner le 18 juillet 2011 la S.A.R.L. VETSTAR devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés de ses chemises référencées Cody et Crown, contrefaçon de ses marques et concurrence déloyale.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement, avec exécution provisoire :
- débouté la société Moncey Textiles de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur,
- dit que les chemises Crown et Cody bénéficient de la protection au titre des modèles communautaires non enregistrés,
- dit que la société Vetstar a commis des actes de contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés Crown et Cody en commercialisant respectivement les chemises référencées 7797/Z 9093, 7787, Z9092 et Z 9096, Z9088 et 7786,
- condamné la société Vetstar, outre à des mesures d'interdiction sous astreinte, à payer à la société Moncey Textiles la somme de 60.000 euros au titre des actes de contrefaçon du modèle Crown et celle de 60.000 euros au titre des actes de contrefaçon du modèle Cody,
- dit que la société Vetstar a commis des actes de contrefaçon de la marque Rivaldi en commercialisant la chemise référencée Z 9093,
- condamné la société Vetstar, outre à des mesures d'interdiction sous astreinte, à payer à la société Moncey Textiles la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des actes de contrefaçon de sa marque,
- dit que la société Moncey Textiles a commis des actes de concurrence déloyale distincts,
- a condamné la société Vetstar à payer à la société Moncey Textiles la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les actes de concurrence déloyale,
- condamné la société Vetstar à payer à la société Moncey Textiles la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens y compris les frais de constats et de saisies-contrefaçon.
En cause d'appel la S.A.R.L. Vetstar demande essentiellement dans ses dernières e-écritures du 27 septembre 2013 de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Moncey Textiles de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur,
- l'infirmer pour le surplus,
- statuant à nouveau,
- constater la nullité des trois procès verbaux de saisie-contrefaçon,
- subsidiairement, écarter des débats les pièces versées par l'intimée dont l'origine est inconnue,
- dire irrecevable et mal fondé l'appel incident de la société intimée au titre de la contrefaçon des droits d'auteur,
- débouter la société intimée de ses demandes formées aux titres des dessins et modèles non enregistrés et de la concurrence déloyale,
- lui donner acte de ce qu'elle reconnaît avoir commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire Rivaldi N° 5718556 sous la référence Research 9092 pour 190 chemisettes,
- réduire le montant des condamnation au titre de la contrefaçon de marque à la somme de 1.260 euros,
- débouter la société intimée de ses plus amples demandes formées au titre de la contrefaçon de sa marque,
- subsidiairement, réduire les condamnations prononcées à son encontre à la somme de 9.680 euros,
- condamner la société intimée à lui restituer le trop perçu (sic) augmenté des intérêts au taux légal à compter de la saisie-contrefaçon du 18 janvier 2013,
- lui donner acte des quantités commercialisées aux titres des modèles Fashion et Research et lui donner acte de ce qu'elle a cessé toute commercialisation des produits argués de contrefaçon,
- condamner la société intimée à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.R.L. Moncey Textiles, intimée demande dans ses dernières e-écritures en date du 23 septembre 2013 de :
- débouter la société appelante de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes formées au titre du droit d'auteur,
- dire et juger qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur les chemises Cody et Crown,
- dire et juger que la société appelante a commis des actes de contrefaçon de ces chemises,
- condamner la société appelante à lui payer les sommes suivantes :
* 300.000 euros aux titres des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés,
* 200.000 euros au titre des actes de contrefaçon de sa marque,
* 100.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale,
- ordonner la publication de l'arrêt,
- condamner la société appelante à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ordonnance.
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Sur la validité des procès verbaux des saisies-contrefaçon :
* procès verbal de saisie-contrefaçon du 15 juin 2011 au siège de la société Vetstar :
Autorisée par ordonnance présidentielle du 9 juin 2011 la société Moncey Textiles a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon le 15 juin 2011 au sein de la société Vetstar.
La société Vetstar soulève la nullité de ce procès verbal au motif que contrairement aux dispositions des articles L. 716-7 et R. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, la société Moncey Textiles ne s'est pas pourvue au fond dans le délai requis de 31 jours à compter de la date des opérations de saisie-contrefaçon.
Mais le délai de 31 jours qui a commencé à courir le 16 juin 2011 pour expirer le 16 juillet 2011 qui était un samedi a donc été prorogé, en application des dispositions de l'article 642 du code civil, au lundi suivant, 18 juillet 2011 date à laquelle l'assignation a été délivrée à la société Vetstar.
L'assignation ayant été délivrée dans le délais requis, cette mesure de saisie-contrefaçon est valide de ce chef.
La société Vetstar soutient par ailleurs que la société Moncey Textiles ne serait pas titulaire de la marque française Rivaldi enregistrée sous le numéro 98730813.
Cependant il est justifié que la société Moncey Textiles a acquis le 30 juin 2010 cette marque selon contrat inscrit auprès de l'INPI le 1er septembre 2010 et était recevable à solliciter des mesures de saisie-contrefaçon en sa qualité de titulaire de cette marque.
La société Vetstar relève une incohérence entre les constations de l'huissier qui indique ne pas avoir trouvé sur place un article sur lequel est mentionné 'Rivaldi' et les pièces annexées au procès-verbal car une des photographies annexées à celui-ci représente une chemise Gov Denim sur laquelle est reproduit le signe 'Rivaldi since DNM 1986 Edition limited'.
Mais la saisie réelle pratiquée par l'huissier conformément à l'ordonnance confirme la représentation de la chemise sur cette photographie qui n'a pas été contestée par la société intimée lorsqu'elle lui a été dénoncée, de sorte que la mention écrite de l'huissier résulte d'une erreur matérielle ou d'une maladresse d'écriture distinguant le signe Rivaldi de l'expression Rivaldi since DNM 1986 Edition limited.
La matérialité de la présence de cette chemise est par ailleurs attestée par l'huissier instrumentaire
Cette discordance entre la mention écrite et la photographie n'est pas, dans ces circonstances, de nature à vicier le procès verbal de saisie-contrefaçon.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté l'exception de nullité de ce procès verbal.
* procès verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 au siège de la société BLZ :
Autorisée par ordonnance présidentielle du 13 juillet 2011 la société Moncey Textiles a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon le 4 août 2011 au sein de la société BLZ.
La société Vetstar conteste la validité de ce procès verbal au motif que l'heure indiquée sur le procès verbal de signification serait identique à celle mentionnée sur le procès verbal de saisie-contrefaçon, de sorte que le saisi n'a pas bénéficié d'un délai raisonnable entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations.
Cependant, il ressort du déroulement des opérations de saisie-contrefaçon mentionné au procès verbal que l'huissier est arrivé sur les lieux à 9 h10 ; que la requête et l'ordonnance ont été signifiées préalablement au représentant de la société BLZ auquel il a été donné lecture de l'ordonnance, et que celui-ci a visé le premier original de l'acte.
Il s'en évince que le représentant de la partie saisie a pu utilement prendre connaissance de la mission de l'huissier et des motifs de la requête, préalablement au début des opérations dans un délai suffisant.
C'est également à bon droit que le tribunal a rejeté cette exception de nullité de ce procès verbal.
* procès verbal de saisie-contrefaçon du 13 juillet 2011 au siège du magasin Adventure Land :
Autorisée par ordonnance présidentielle du 8 juillet 2011 la société Moncey Textiles a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon le 13 juillet 2011 au sein de la société Adventure Land.
La société Vetstar conteste la validité de cette mesure au motif que l'heure de la signification de l'ordonnance n'est pas mentionnée et que l'on n'est donc pas en mesure de savoir si un délai raisonnable a été accordé au saisi entre cette signification et le début des opérations.
Cependant il ressort des termes du procès verbal de saisie-contrefaçon que la requête et l'ordonnance ont été signifiées préalablement aux opérations et qu'une lecture en a été donnée au saisi qui a signé le procès verbal de sorte qu'il a eu connaissance de la portée de la mesure puisque les termes de l'ordonnance sont repris dans le procès verbal et qu'il n'a formulé aucune réserve.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté l'exception de nullité de ce procès verbal de saisie-conservatoire.
Sur la protection au titre du droit d'auteur :
L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.
Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
Il s'en déduit le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.
La société Vetstar conteste la qualité à agir de la société Moncey Textiles au motif qu'elle ne justifie pas par des documents probants être titulaire des droits d'auteur revendiqués.
Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;
Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;
Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;
En l'espèce, la société Moncey Textiles a divulgué de manière non équivoque sous son nom les chemises référencées Cody et Crown comme cela ressort des factures de leur commercialisation, corroborées par les attestations relatives au chiffre d'affaires dégagé sur les deux modèles revendiqués et les factures du façonnier comportant les références des deux modèles, présentés également dans le catalogue Rivaldi Eté 2010.
De plus, elle justifie détenir les droits patrimoniaux sur ces modèles qui ont été cédés par sa styliste et auteur comme celle-ci en atteste en joignant à son attestation les fiches techniques des modèles datés et signés.
De sorte qu'il est suffisamment établi sa qualité à agir.
La société Vetstar poursuit en contestant tout caractère original aux modèles de chemise de la société Moncey Textiles car la forme des chemise est classique, qui s'apparente au style 'cow boy'. Elle ajoute que les imprimés à carreaux dont sont pourvues les chemises se retrouvent dans de nombreux modèles divulgués antérieurement, que les inscriptions sont banales car elles se retrouvent dans de nombreux modèles similaires, inspirés du style des vêtements d'universités américaines.
La société Moncey Textiles caractérise l'originalité des chemises par la combinaison des éléments suivants :
* la chemise Cody :
- le dessin de carreaux de la chemise : l'originalité réside dans la succession de séquence de rayures horizontales composées comme suit : une large bande blanche de 3 cm, deux fines bandes de 2 mm noire et bleu marine, une bande blanche de 8 mm, coupée au milieu par un trait violet, une bande bleu marine de 15 mm sur laquelle se superpose une succession de trois traits fins parallèles noirs, une bande violette de 7 mm. La même séquence étant reproduite verticalement, les couleurs étant plus soutenues avec un liseré argenté.
- modèle de chemise : chemise à manche courte fermée de face par 6 boutons, au niveau de la poitrine sont plaquées des poches carrées dont le coin intérieur est coupé en biais ; le rabat de la poche est fermé par un bouton excentré, créant un effet asymétrique ; au dessus de la poche gauche est brodée l'inscription 'Brand Rivaldi Since 1986" en lettres bâtons brodées en fil blanc. La taille des caractères de l'inscription centrale 'Rivaldi' est plus petite au milieu du terme ; la manche droite est ornée d'un écusson où est apposée le chiffre 86, surpiqué d'un fils blanc, et entouré de quatre étoiles ; l'inscription de la marque est brodée en lettres bâtons en bas de l'écusson ; le bas des manches est bordé d'une tripe surpiqûre en fils blanc et surmonté d'une patte ornée d'un bouton nacré et surpiquée ; au dos de la chemise figure un motif composé de l'inscription 'authentic brand', brodée en lettres manuscrites, ainsi qu'une broderie du chiffre 86 ; une inscription rivaldi est composé de lettres en volume, cousues sur la chemise, apposées sur un morceau de feutrine, surmonté de morceaux de tissu effilochés ; un motif rond représentant un sceau est apposé en haut à gauche de l'inscription.
Ce modèle est décliné en quatre coloris.
L'originalité du dessin réside dans le choix de la succession et du rythme des séquences de rayures, qui résulte du parti pris esthétique reflétant la personnalité de son auteur et l'originalité du modèle réside dans l'agencement particulier et la composition des poches, des boutons et des inscriptions brodées en surimpression sur les rayures reflétant la personnalité de son auteur.
* la chemise Crown :
- le dessin de carreaux : l'originalité selon l'appelante réside dans la succession de séquences de rayures horizontales composées d'une bande blanche de 25 mm, une bande bleu ciel de 15 mm, une bande bleu plus soutenu de 16 mm, sur 16 mm, une succession de 3 lignes bleues légèrement supérieures à 1 mm et 4 fins traits bleus.
- le modèle de la chemise : chemise à manches courtes fermée de face par 7 boutons, présentant des poches plaquées au niveau de la poitrine formant pointe vers le bas ; au dessus de la poche gauche figure une inscription brodée en lettres manuscrites ; au niveau de l'épaule se trouve une broderie formant un angle, composée de la succession de lignes suivantes : quatre lignes blanches, une ligne noire, une ligne blanche, trois lignes bleues, trois lignes blanches, une ligne noire, deux lignes bleues, une ligne noire, deux lignes bleues ; au dos de la chemise est brodée l'inscription 'Rivaldi DNM Since 1986" ; la broderie est composée d'une succession de fils : blanc, bleu, noir, bleu, blanc ; l'inscription reproduit une écriture manuscrite stylisée, les courbes de chaque majuscule étant très prononcées ; sous cette broderie colorée figure une seconde inscription 'Edition Limited' brodée de fil noir, en lettres bats ; des bandes de toiles à l'intérieur de la chemise structurent de part et d'autre la découpe du vêtement.
La société Moncey Textiles qui ne revendique pas un genre, un style ou une tendance mais un dessin et un modèle particulier pour le dessin dans le choix de la succession et du rythme des séquences et pour le modèle dans l'agencement particulier et la composition des poches, des boutons et des inscriptions brodées en surimpression sur les rayures de sorte que si certains des éléments sont connus et appartiennent pris séparément au fonds commun du motif écossais, l'impression d'ensemble de cette combinaison propre au modèle en cause lui confère une physionomie singulière distincte des autres modèles du même genre, qui traduit un effort créatif et procède d'un parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de son auteur.
Aucun des autres modèles produits par l'appelante et pour certains non datés, ne présente une séquence comparable de lignes de largeurs et de couleur qui pourraient détruire l'originalité de la déclinaison personnelle dont témoigne ces modèles.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré sur ce chef et de dire que les chemises référencées Cody et Crown sont éligible à la protection du droit d'auteur.
Sur la protection au titre de la contrefaçon de modèles non enregistrés :
Sont protégeables les dessins ou modèles communautaires conformément aux termes du règlement communautaire n°6/2002 du 12 décembre 2001 pendant une durée de trois ans à compter de leur divulgation au public et s'ils sont nouveaux et présentent un caractère individuel.
Le dessin et le modèle sont nouveaux en ce qu'aucun modèle identique n'a été divulgué au public antérieurement à la première divulgation au public.
Ils présentent un caractère individuel en ce que l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur les consommateurs diffèrent de celle que produisent des modèles divulgués au public avant leur première date de commercialisation.
Aux termes de l'article 14 alinéa 1 du Règlement précité 'lorsqu'un dessin ou modèle st réalisé par un salarié dans l'exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou modèle appartient à l'employeur, sauf convention contraire ou sauf disposition contraire de la législation nationale applicable.
La société Moncey Textiles bénéficie de cette présomption de titularité faute de convention contraire avec la salariée styliste qui atteste lui avoir cédé ses droits et faute de législation contraire nationale au titre des dessins et modèles de sorte qu'elle justifie être titulaire des dessins et modèles communautaires non enregistrés sur les modèles Cody et Crown les actes de contrefaçon ayant été constatés moins de trois ans après leur divulgation respectivement les 29 janvier et 26 mars 2010.
Les dessins et modèles Cody et Crown sont nouveaux en ce qu'aucun modèle identique n'a été divulgué au public antérieurement à leur première divulgation.
Ils présentent un caractère individuel en ce que l'impression globale qu'ils produisent sur les consommateurs diffère de celle que produisent des modèles divulgués au public avant leur première date de commercialisation.
En effet la société intimée ne produit aucun document antériorisant ces modèles.
C'est donc à bon droit que le tribunal a, par des motifs pertinents que la cour fait siens, reconnu la protection de ceux-ci sur le fondement des dessins et modèles communautaires non enregistrés.
Sur les actes de contrefaçon :
En application de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle 'Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite'.
En application de l'article 19 du Règlement communautaire n°6/2002 du 12 décembre 2001'le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mis sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins'.
Il est établi par les actes d'achat des chemises litigieuses, les constats d'huissier du 20 mai 2011 des sites internet www.blzjeans.fr et www.kikietgalou.com, les procès verbaux de saisies-contrefaçon des 15 juin 2011, 13 juillet 2011 et 4 juillet 2011 que la société Vetstar a commercialisé des chemises reproduisant les modèles Cody et Crown de la société Moncey Textiles et sa marque Rivaldi.
En effet les modèles de chemises à manches courtes référencés Z 9096 (violet) 7786 (rose) et 9088 (bleu) de la société appelante reproduisent le même tissus le même emplacement des poches plaquées avec rabat de devant, la manche droite est ornée d'un écusson où est apposé le chiffre 86, au dos de la chemise est apposée au même emplacement selon la même broderie le chiffre 86 que le modèle Cody tandis modèles de chemises à manches courtes référencés 7787/ Z 9993 (bleu) 7787/Z 9092 (noir) Z 9095 (rose) reproduisent le même tissu, les mêmes poches plaquées au niveau de la poitrine formant pointe vers le bas, une broderie au niveau de l'épaule, au dos au même emplacement une broderie en lettres manuscrites selon la même représentation pour le modèle Crown de sorte que l'impression d'ensemble pour un acheteur qui n'a pas en même temps les deux modèles sous les yeux, est identique.
La reproduction de la marque Rivaldi sans autorisation de son titulaire est reconnue par la société Vetstar.
C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que la société Vetstar a commis des actes de contrefaçon des dessins et modèles communautaires non enregistrés et de la marque de la société Moncey Textiles, mais il convient d'y ajouter que celle-ci a également commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur.
Sur la concurrence déloyale :
La société Moncey Textiles soutient que la société Vetstar a commis des actes de concurrence déloyale en reproduisant deux de ses modèles de la même collection.
Cependant elle ne justifie d'aucun acte distinct de ceux invoqués aux titres des contrefaçon et l'effet de gamme invoqué et non établi en l'espèce n'est pas de nature à lui seul à caractériser un dommage distinct.
Il convient en conséquence, réformant le jugement de ce chef de rejeter la demande de la société Moncey Textiles formée au titre de la concurrence déloyale.
Sur les mesures réparatrices :
En regard de la commercialisation de ces deux modèles au travers de deux sites internet, et de deux sociétés revendeurs, Adventure Land et BLZ, et à défaut de production de pièces pertinentes établissant l'ampleur de cette commercialisation, il convient de fixer à la somme de 150.000 euros le préjudice commercial subi par la société Moncey Textiles du fait des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires ayant porté atteinte à ses investissements, et avili ses dessins et modèles et dévalorisé son travail.
L'atteinte portée à la jouissance paisible de sa marque par la commercialisation d'un modèle la reproduisant sans autorisation a justement été évaluée par le tribunal à la somme de 10.000 euros.
Le préjudice étant suffisamment réparé par ces indemnités et les mesures d'interdiction prononcées par le tribunal, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes complémentaires de destruction et de publication formées par la société Moncey Textiles.
L'équité commande d'allouer à la société intimée la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.
Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Réforme le jugement en ce qu'il a débouté la société Moncey Textiles de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur, a admis sa demande au titre de la concurrence déloyale et sur le montant des indemnisations,
En conséquence,
Dit que les dessins et modèles des chemises référencées Cody et Crown dans la collection de la société Moncey Textiles sont éligibles à la protection du droit d'auteur,
Dit que la société Vetstar a commis des actes de contrefaçon de ces dessins et modèles au titre du droit d'auteur,
Condamne la société Vetstar à payer à la société Moncey Textiles la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts aux titres de la contrefaçon du droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la société Vetstar à payer à la société Moncey Textiles la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes de la société intimée,
Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante,
Condamne la société Vetstar aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.