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Décisions

ADLC, 22 juillet 2021, n° 21-D-20

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Émilie Baronnat, rapporteure et les interventions de M. Cédric Nouël de Buzonnière et M. Sven-Olof Fridolfsson, rapporteurs du service économique, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance, Mme Béatrice Bourgeois-Machureau et Mme Valérie Bros, membres.

ADLC n° 21-D-20

22 juillet 2021

L’Autorité de la concurrence (section II),

Vu la décision n° 10-SOI-05 du 9 septembre 2010, enregistrée sous le numéro 10/0080 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes ;

Vu la décision n° 11-SOI-04 du 29 mars 2011, enregistrée sous le numéro 11/0025 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans secteur de l’optique-lunetterie de détail à La Réunion ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et notamment, son article 101, paragraphe 1 ;

Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-1 ;

Vu la décision du 9 janvier 2013, par laquelle la rapporteure générale a procédé à la jonction de l’instruction des affaires n° 10/0080 F et 11/0025 F ;

Vu la décision n° 17-S-01 du 24 février 2017, par laquelle l’Autorité de la concurrence a renvoyé le dossier à l’instruction ;

Vu les procès-verbaux, par lesquels les sociétés suivantes ont déclaré ne pas contester le grief qui leur a été notifié et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, datés respectivement du :

- 24 juillet 2015, s’agissant des sociétés Logo SAS, Silhouette France SARL et Silhouette International Schmied AG ;

- 27 juillet 2015, s’agissant des sociétés GrandVision SA, absorbée par la société GrandVision France SAS, et des sociétés LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton ;

- 2 février 2016, s’agissant des sociétés Safilo France SARL et Safilo SpA ;

- 12 février 2016, s’agissant de la société Christian Dior Couture SA, devenue Christian Dior SE ; et

- 16 mai 2019, s’agissant des sociétés LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton ;

Vu les décisions de secret des affaires n° 18-DECR-380 du 24 octobre 2018, n° 18-DECR-414 du 22 novembre 2018, n° 18-DECR-415 du 22 novembre 2018, n° 19-DEC-027 du 15 janvier 2019, n° 19-DEC-028 du 15 janvier 2019, n° 19-DSA-029 du 16 janvier 2019, n° 19-DSA-032 du 17 janvier 2019, n° 19-DSA-062 du 18 février 2019, n° 19-DEC-084 du 01 mars 2019, n° 19-DSA-144 du 28 novembre 2019, n° 19-DSA-325 du 28 novembre 2019, n° 19-DSA-701 du 06 décembre 2019, n° 19-DSA-702 du 06 décembre 2019, n° 19-DSA-703 du 06 décembre 2019, n° 19-DSA-704 du 06 décembre 2019, n° 19-DSA-705 du 06 décembre 2019, n° 20-DSA-073 du 12 février 2020, n° 20-DSA-359 du 17 juillet 2020, n° 20-DSA-395 du 13 août 2020, n° 20-DSA-396 du 13 août 2020, n° 20-DSA-397 du 13 août 2020 ;

Vu les observations présentées par les sociétés Silhouette France SARL, Silhouette International Schmied AG, Alain Afflelou Franchiseur SA, Groupement d’achats des opticiens lunetiers (GADOL), Krys Group Services SA, Mikli Diffusion France SASU, Chanel Coordination SAS, Chanel SAS, Chanel international BV, Arnam SARL, Chanel Limited, Christian Dior Couture SA, Christian Dior SE, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE, Luxottica France SASU, Luxottica Group SpA, Luxottica Srl, Sunglass Hut Ireland Limited, LVMH Swiss Manufactures SA, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE, Safilo France SARL, Safilo SpA, Safilo Group SpA, Maui Jim Inc., Maui Jim Europe SARL et par le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré des sociétés Safilo Group SpA, Safilo SpA et Safilo France SARL du 28 janvier 2021 ;

Les rapporteurs, les représentants des sociétés Logo SAS, Silhouette France SARL, Silhouette International Schmied AG, GrandVision France SAS, Alain Afflelou Franchiseur SA, Groupement d’achats des opticiens lunetiers (GADOL), Krys Group Services SA, Mikli Diffusion France SASU, Mikli Diffusion France SAS, Chanel Coordination SAS, Chanel SAS, Chanel International BV, Chanel SARL, Chanel Limited, Christian Dior Couture SA, Christian Dior SE, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE, Luxottica France SASU, Luxottica Group SpA, Luxottica Srl, Sunglass Hut Ireland Limited, LVMH Swiss Manufactures SA, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, Maui Jim Inc., Maui Jim Europe SARL, Safilo France SARL, Safilo SpA, Safilo Group SpA et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 13 janvier 2021, les représentants de la société Optical Center ayant été régulièrement convoqués ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne plusieurs sociétés actives dans le secteur des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue pour avoir mis en œuvre, dans les conditions précisées ci-après, deux pratiques anticoncurrentielles contraires aux articles L 420-1 du code de commerce et au paragraphe premier de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consistant, pour la première, en une entente verticale visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs et, pour la seconde, en une entente, également verticale, visant à interdire à ces mêmes distributeurs la vente en ligne de ces produits.

Cette décision fait suite, d’une part, à des opérations de visite et saisie réalisées le 24 juin 2009 dans les locaux de plusieurs entreprises actives dans ce secteur, d’autre part, à un rapport administratif d’enquête transmis à l’Autorité le 29 septembre 2010 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

L’affaire, examinée une première fois par l’Autorité lors d’une séance tenue le 15 décembre 2016, a fait l’objet d’un renvoi à l’instruction, par décision n° 17-S-01 du 24 février 2017. Une seconde séance s’est tenue le 13 janvier 2021.

L’exploitation des milliers de pièces recueillies par les services d’instruction, complétée par de nombreuses auditions, a permis de parvenir aux constatations suivantes.

À la suite de deux notifications de griefs successives des 13 février 2015 et 28 mars 2019, trois griefs portant sur des ententes verticales restreignant la liberté tarifaire des distributeurs et faisant obstacle, partant, à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence, ainsi que deux griefs portant sur des pratiques d’interdiction de vente en ligne au détail ont été notifiés à quatorze entreprises, qui étaient, selon les cas, fournisseurs, distributeurs ou détentrices de marques. Le tableau suivant synthétise les griefs notifiés à chacune des entreprises2.

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Les ententes verticales sur les prix de détail

Après examen des éléments figurant au dossier, il a été constaté, tout d’abord, en application du troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce aux termes duquel, dans sa rédaction applicable du 22 novembre 2012 au 28 mai 2021, « […] la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu’un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s’est écoulé sans que l’Autorité de la concurrence ait statué sur celle- ci », que les pratiques étaient prescrites pour la plupart des entreprises et/ou des pratiques poursuivies.

L’Autorité s’est, par ailleurs, déclarée incompétente pour statuer sur le grief notifié le 28 mars 2019 à la société Maui Jim.

Elle a, en outre, considéré que les pratiques visées par le deuxième grief de la notification de griefs du 28 mars 2019 n’étaient pas établies pour les sociétés Luxottica France SASU et Luxottica Group SpA (ci-après « Luxottica ») et Chanel SAS, Chanel Coordination SAS, Chanel International BV, Chanel SARL et Chanel Ltd (ci-après « Chanel »).

Elle a, en revanche, au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015, sanctionné les sociétés Logo SAS (ci-après « Logo »), LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton (ci-après « LVMH ») et Luxottica, pour avoir participé à des ententes visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs.

S’agissant de Logo et LVMH, qui s’étaient engagées, par procès-verbaux, sur le fondement du III de l’article L. 464-2 du code de commerce alors en vigueur, à ne pas contester les griefs qui leur étaient notifiés, elle a constaté que les pratiques étaient établies, en se fondant pour ce faire sur les clauses figurant dans les contrats de licence et de distribution sélective, prévoyant un encadrement des prix et des promotions pratiqués, et/ou sur un faisceau d’indices comprenant, outre les clauses précitées, divers éléments, tels la diffusion de prix conseillés et la mise en place de mécanismes de surveillance.

S’agissant de Luxottica, l’Autorité s’est appuyée sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants, comprenant à la fois des preuves documentaires et de nature comportementale, pour démontrer l’existence, entre le 17 mai 2005 et le 1er octobre 2014, d’une invitation anticoncurrentielle de Luxottica et d’un acquiescement de l’ensemble de ses distributeurs quant aux prix pratiqués pour la vente de ses produits.

Elle a, notamment, relevé que Luxottica avait diffusé à ses distributeurs des prix dits « conseillés » et les avait incités à maintenir un certain niveau de prix de vente au détail de ses produits. En particulier, Luxottica a conclu, avec ses distributeurs, des contrats de distribution sélective qui étaient interprétés comme interdisant certaines pratiques tarifaires lors de la vente au détail, notamment les remises et promotions. En outre, Luxottica a imposé à ses distributeurs certaines restrictions quant à la publicité réalisée sur les prix. Luxottica a également organisé la surveillance des prix de vente au détail, en sollicitant l’aide de ses distributeurs. Luxottica est enfin intervenue auprès des distributeurs qui n’appliquaient pas ses consignes tarifaires et a sanctionné ceux qui persistaient à ignorer ses incitations en retardant les livraisons de leurs magasins, ou encore en leur retirant l’agrément nécessaire à la distribution de certaines de ses marques.

Les distributeurs de Luxottica ont, quant à eux, adhéré à sa politique d’encadrement des prix en signant les contrats et chartes de détaillant agréé qu’ils interprétaient comme leur interdisant certaines pratiques tarifaires, en excluant ses marques – telles que, par exemple, Chanel, Ray-Ban ou Prada – de leurs opérations commerciales, en appliquant les prix imposés par Luxottica ou encore en dénonçant à Luxottica les pratiques commerciales de leurs concurrents qu’ils jugeaient non-conformes aux engagements qu’ils avaient eux-mêmes pris auprès de Luxottica.

Ces pratiques, anticoncurrentielles par leur objet même, présentent un caractère certain de gravité, de par, notamment, leur nature, leurs répercussions sur les consommateurs finaux, pour partie captifs et vulnérables, et, enfin, les mécanismes de surveillance et de rétorsion mis en place. Elles ont engendré un dommage à l’économie à la fois certain, dans la mesure, notamment, où elles ont porté sur des marques notoires de montures et de lunettes, affecté la concurrence intra-marque pendant une longue durée, et concerné une part significative des distributeurs, dont notamment des enseignes telles qu’Alain Afflelou, Krys, GrandVision ou Optical Center, mais limité, dès lors qu’elles n’ont concerné qu’une partie du marché en cause. Dans ces conditions, et en tenant compte, pour LVMH, des termes du procès-verbal de non-contestation de griefs et, pour Logo, de son placement en liquidation judiciaire en 2016, l’Autorité a prononcé les sanctions figurant dans le tableau de synthèse ci-après.

Les ententes verticales sur l’interdiction de la vente en ligne

Les notifications de griefs des 13 février 2015 et du 28 mars 2019 avaient, toutes deux, reproché à plusieurs entreprises du secteur, fabricants et détentrices de marques, d’avoir interdit à leurs détaillants agréés de vendre en ligne les lunettes solaires et les montures de lunettes de vue.

L’Autorité a, tout d’abord, annulé le grief portant interdiction de vente en ligne notifié au titre de la notification de griefs du 13 février 2015, au motif qu’il ne permettait pas d’identifier les parties à l’entente et, partant, mettait les entreprises qui en étaient destinataires dans l’impossibilité d’exercer leurs droits de la défense.

Elle a, en revanche, sanctionné les sociétés Chanel, Luxottica et LVMH au titre du grief notifié le 28 mars 2019.

Elle a estimé, en effet, que les clauses des contrats de licence conclus, d’une part, entre Chanel et Luxottica, d’autre part, entre LVMH et Logo, de même que celles des contrats de distribution sélective conclus entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour les marques Chanel, Prada, Dolce & Gabbana et Bulgari, qui interdisaient la vente en ligne des produits susvisés, constituaient des restrictions anticoncurrentielles par objet et caractérisées, qui ne pouvaient faire l’objet d’une exemption, catégorielle ou individuelle.

Pour fixer la sanction infligée à ces entreprises, elle a, tout d’abord, pris en considération le fait que si ces pratiques, en tant qu’elles ont pour conséquence de fermer une voie de commercialisation au détriment des consommateurs et des distributeurs et de limiter la concurrence – principalement la concurrence intra-marque – sont graves par nature, leur gravité doit toutefois être atténuée, au regard, notamment, de l’incertitude quant à leur licéité jusqu’à l’arrêt Pierre Fabre du 13 octobre 2011 de la Cour de justice.

Elle a, par ailleurs, considéré que le dommage à l’économie était très limité, en raison de la faiblesse, au moins pour les montures de lunettes de vue, de la demande pour ce canal de vente dans ce secteur.

Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, elle a estimé, par ailleurs, justifié de ne pas appliquer, en l’espèce, la méthodologie exposée dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité a infligé les sanctions suivantes :

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I. Les constatations

1. Seront tout d’abord présentés dans cette partie la procédure (A), ainsi que le secteur (B) et les entités concernés (C).

2. Puis, après avoir rappelé les griefs notifiés (D), il sera constaté, à titre liminaire, que la prescription décennale est acquise pour les entreprises s’étant vu notifier des griefs ayant pris fin avant le 22 juillet 2011 (E).

3. Seront enfin examinées les pratiques constatées pour les entreprises s’étant vu notifier des griefs ayant pris fin après cette date (F).

 

A. LA PROCÉDURE

 

4. Sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) de Paris des 17 et 23 juin 2009, prise sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, des opérations de visite et saisie ont été menées, le 24 juin 2009, dans les locaux des sociétés Luxottica France SAS, Safilo France SARL, Logo, Marcolin France SAS, Mikli Diffusion France, Alain Afflelou Franchiseur SAS, Guildinvest Expansion, Centrale des opticiens, Groupement d’achats des opticiens lunetiers (GADOL), Alliance Optique, Groupe Luz, et Grand Optical France, ainsi que dans les locaux des sociétés appartenant aux mêmes groupes sises à la même adresse.

5. Par décision n° 10-SOI-05 du 9 septembre 2010, enregistrée sous le numéro 10/0080 F, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes.

6. Par lettre enregistrée le 29 septembre 2010, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après la « DGCCRF ») a transmis à l’Autorité un rapport administratif d’enquête relatif à l’existence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l’optique médicale à l’Île de La Réunion4. 7. Par décision n° 11-SOI-04 du 29 mars 2011, enregistrée sous le numéro 11/0025 F, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’optique-lunetterie de détail à La Réunion.

8. Par décision du 9 janvier 2013, il a été procédé à la jonction de l’instruction des saisines n° 10/0080 F et 11/0025 F susvisées.

9. Les sociétés Alain Afflelou Franchiseur, Luxottica, Grand Optical et Les Opticiens Économes (LOE) – Générale d’optique ont formé, sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, des recours à l’encontre des ordonnances des JLD, précitées, et du déroulement des opérations de visite et de saisie.

10. Par ordonnances du 28 janvier 2010, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel de Paris (ci-après « le magistrat délégué ») a constaté le désistement des appels formés par la société Alain Afflelou Franchiseur à l’encontre de l’ordonnance, précitée, du JLD de Paris du 17 juin 20095.

11. Par ordonnance du 25 octobre 2011, le magistrat délégué a débouté la société Alain Afflelou de toutes ses demandes de nullité fondées sur le déroulement des opérations de visite et saisie et constaté l’accord de l’Autorité pour restituer certains documents6.

12. La Cour de cassation, par arrêt du 24 avril 2013, a cassé cette décision, mais seulement en ce qu’elle s’est prononcée sur les documents et supports informatiques pouvant relever de la protection du secret professionnel entre un avocat et son client et des droits de la défense, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et renvoyé la cause et les parties devant la juridiction du premier président de la cour d’appel de Versailles7.

13. Par ordonnance du 30 janvier 2014, la cour d’appel de Versailles a annulé la saisie des documents portant sur des correspondances avocat-client8. Ces documents ont été restitués à la société Alain Afflelou Franchiseur le 29 juillet 20149.

14. Par ordonnance du 14 septembre 2010, le magistrat délégué a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de saisie formée par la société Luxottica mais a ordonné la restitution de certains documents saisis10. Le pourvoi formé par la société Luxottica a été rejeté le 11 janvier 201211. La restitution des documents concernés a eu lieu le 17 octobre 201212.

15. Par ordonnance du 1er juillet 2010, le magistrat délégué a constaté le désistement de l’appel formé par la société Les Opticiens Économes (LOE) – Générale d’optique à l’encontre de l’ordonnance, précitée, du JLD de Paris du 17 juin 200913.

16. Enfin, par quatre ordonnances du 26 novembre 2010, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel de Versailles a donné acte aux sociétés Grand Optical France et Les Opticiens Économes (LOE) – Générale d’optique du désistement du surplus de leurs recours14.

17. Une première notification de griefs a été adressée, le 13 février 2015, pour des pratiques prohibées au titre des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, aux sociétés suivantes :

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18. Par procès-verbaux des 24 juillet 201515, 27 juillet 201516, 2 février 201617 et 12 février 201618 les sociétés Logo SAS, Silhouette France SARL, Silhouette International Schmied AG, GrandVision France SAS, GrandVision SA, Safilo France SARL, Safilo SpA, LVMH Swiss Manufactures SA, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, Christian Dior Couture SA et Christian Dior SE ont déclaré ne pas contester le ou les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce.

19. L’affaire a été examinée lors d’une séance de l’Autorité tenue le 15 décembre 2016.

20. Par décision n° 17-S-01 du 24 février 2017, l’Autorité a renvoyé l’entier dossier à l’instruction, en application de l’article R. 463-7 du code de commerce.

21. Une seconde notification de griefs a été adressée, le 28 mars 2019, pour des pratiques prohibées au titre des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, aux sociétés suivantes :

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22. À la suite de la seconde notification des griefs, les groupes Safilo et Dior ont décidé de contester l’ensemble des griefs qui leur ont été notifiés, renonçant ainsi au bénéfice du régime de la non-contestation des griefs auquel ils avaient respectivement adhéré par procès-verbaux des 2 et 12 février 2016.

23. Par procès-verbal du 16 mai 201919, les sociétés LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés au titre de la première et de la seconde notification des griefs – ce procès-verbal remplaçant celui signé le 27 juillet 2015 – et ont sollicité le bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce.

24. L’affaire a été examinée lors d’une séance de l’Autorité tenue le 13 janvier 2021.

B. LE SECTEUR CONCERNÉ

25. Le secteur concerné par la présente procédure est celui de l’optique-lunetterie, qui regroupe plusieurs catégories de produits, tels que les verres correcteurs, leurs montures, les lunettes solaires et les lentilles de contact. En 2019, son chiffre d’affaires s’élevait à 7 milliards d’euros environ20, dont les verres correctifs, les montures de lunettes de vue, les lunettes solaires, les lentilles de contact et les produits d’entretien représentaient respectivement, en valeur, 61 %, 26 %, 7 %, 5 % et 1 %21 (voir ci-dessous).

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1. LA NATURE DES PRODUITS ET LE CADRE JURIDIQUE

26. Seront successivement examinés la nature des produits en cause (a), le cadre juridique qui leur est applicable (b), ainsi que l’organisation et l’évolution du secteur (c).

a) La nature des produits en cause

27. Les produits d’optique-lunetterie peuvent être regroupés en deux catégories :  les articles assimilés à des dispositifs médicaux, au sens de la directive n° 93/42/CEE du 14 juin 199322, par le code de la santé publique – tels que les verres correcteurs, les montures et les verres de contact. Parmi les exigences règlementaires auxquelles sont soumis les dispositifs médicaux, figurent notamment le marquage « CE », les obligations de déclaration auprès des autorités réglementaires – quant à l’activité, à la nature des produits commercialisés, et aux ventes annuelles en France – ainsi que le respect des règles en matière de publicité, de transparence et de matériovigilance et  les articles qui ne constituent pas des dispositifs médicaux – tels que les lunettes solaires, les lunettes pour le sport et les produits d’entretien des lentilles.

28. La présente procédure concerne spécifiquement les montures de lunettes de vue et les lunettes de soleil, non équipées de verres correcteurs.

29. Différents types de marques commercialisent ces produits23. Certaines sont considérées comme des marques « haut de gamme » ou de luxe. Elles correspondent essentiellement aux griffes des grands parfumeurs, couturiers, bijoutiers ou à des marques ayant percé dans le domaine sportif24. Il s’agit notamment de Chanel, Prada, Dolce & Gabbana, Bulgari, Chopard, Ferrari, Dupont, Porsche, Cartier, TAG Heuer, Oakley et Dior25. Il existe, par ailleurs, des marques moins prestigieuses, et des marques de distributeurs26. La plupart du temps, les magasins d’optique distribuent ces différents types de marques27.

30. De manière générale, chaque marque propose un nombre important de modèles, eux-mêmes déclinés en un grand nombre de références, en fonction, notamment, de la taille et de la couleur. Par exemple, un seul modèle Ray-Ban (RB 2140) comprenait 87 références au cours de l’année 201228.

b) Le cadre juridique

31. La législation pertinente a évolué à trois reprises au cours de la période visée par les griefs.

Les dispositions en vigueur jusqu’au 22 juin 2000

32. Aux termes des articles L. 505 et L. 508 du code de la santé publique, abrogés par l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 publiée le 22 juin 2000, seuls des établissements – ou des rayons spécialisés – dirigés ou gérés par une personne remplissant les conditions de diplôme requises pour l’exercice de la profession d’opticien pouvaient exercer l’activité d’optique-lunetterie. Le « colportage » – entendu généralement comme toute vente en dehors d’un point de vente physique, notamment par démarchage – des verres correcteurs d’amétropie29 était par ailleurs interdit.

Les dispositions en vigueur à partir du 22 juin 2000 jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Hamon le 19 mars 2014

33. Les opticiens-lunetiers ont été autorisés, à titre dérogatoire, en application de l’article L. 4211-4 du code de la santé publique, à vendre les produits destinés à l’entretien des lentilles oculaires de contact30. Les autres dispositions susvisées, désormais codifiées aux articles L. 4211-1 et L. 4362-9 du code de la santé publique, sont demeurées inchangées.

Les dispositions en vigueur depuis l’entrée en vigueur de la loi Hamon

34. La loi Hamon, tout en continuant à réserver la délivrance de verres correcteurs d’amétropie et de lentilles de contact oculaire correctrices aux personnes autorisées à exercer la profession d’opticien-lunetier (article L. 4362-9 du code de la santé publique), a supprimé l’interdiction de colportage. Elle a, par ailleurs, afin notamment de faciliter les ventes sur Internet, introduit l’obligation d’indiquer la valeur de l’écart pupillaire31 sur les prescriptions médicales de verres correcteurs (article L. 4134-1 du code de la santé publique). Elle a, enfin, supprimé la réserve relative au caractère dérogatoire de l’activité de vente des produits destinés à l’entretien des lentilles de contact32.

c) L’organisation et l’évolution du secteur

L’organisation du secteur

35. Trois types d’acteurs sont susceptibles d’intervenir lors de la fabrication et de la distribution des montures de lunettes de vue et des lunettes solaires : les détenteurs de marques, les fabricants et les distributeurs.

36. S’agissant de la fabrication, certaines entreprises, telles que Luxottica et Mikli, fabriquent elles-mêmes les lunettes des marques qu’elles détiennent. D’autres, telles que Chanel, LVMH et Dior, préfèrent ou ont préféré jusqu’à une date récente confier la fabrication des lunettes vendues sous leur marque à des entreprises tierces (voir les paragraphes 41 et 43 ci-après s’agissant de l’évolution du secteur). Dans cette hypothèse, elles concluent un contrat de licence de marque, accordant au fabricant une licence d’exploitation exclusive de la marque pour la fabrication et la vente en gros des produits, en échange de redevances assises sur le chiffre d’affaires engendré par cette vente.

37. S’agissant de la distribution, certains détenteurs de marques disposent de leurs propres boutiques, où ils écoulent une partie de leurs produits33. Cette modalité demeure toutefois marginale, et les intéressés confient généralement la distribution de leurs produits aux fabricants bénéficiant de la licence d’exploitation. Les fabricants, quant à eux, s’appuient le plus souvent sur des distributeurs indépendants pour la distribution de leurs produits propres ou sous licence34.

38. Pour certaines marques, considérées comme « haut de gamme » ou « de luxe », des réseaux de distribution sélective visant à protéger la notoriété et le prestige de ces marques peuvent être mis en place. Ce type de distribution, qui repose sur un processus de sélection des points de vente en fonction de critères qualitatifs, tels que l’équipement du magasin, son emplacement ou encore la présentation des produits et la formation du personnel, est couramment imposé au fabricant par les contrats de licence de marque.

39. Certains distributeurs de lunettes choisissent d’opérer en tant que franchise ou succursale d’une enseigne d’optique ou encore d’adhérer à un groupement coopératif35. D’autres, enfin, sont indépendants et s’approvisionnent via une centrale commune d’achat ou de référencement36. La répartition des points de vente en 2011 en fonction de ces différentes catégories est présentée dans le Tableau 3 ci-dessous37.

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40. Pour l’essentiel, les lunettes solaires et optiques sont distribuées via des boutiques physiques. Les ventes en ligne se développent depuis le début des années 2000, mais ne représenteraient que 4 % du marché en valeur en 202038.

L’évolution du secteur

41. Au cours des dernières années, le marché de l’optique-lunetterie a connu un mouvement de fusions-acquisitions, d’abord, en 201839, entre Essilor – alors numéro un mondial de la fabrication et de la vente de verres de lunettes – et Luxottica – leader mondial de la fabrication de montures de lunettes – puis, entre la nouvelle entité issue de ce rapprochement, EssilorLuxottica, et GrandVision40 – leader européen et numéro deux mondial de la distribution au détail de produits d’optique-lunetterie, dont le rapprochement a été finalisé le 1er juillet 2021.

42. Ce mouvement de concentration a également concerné certains sites de vente en ligne. Ainsi, Alain Afflelou s’est porté acquéreur, en 2016, du site Happyview, précurseur en France du commerce de lunettes en ligne41. Par ailleurs, la société Acuitis – qui avait déjà acquis en 2018 les boutiques françaises de l’enseigne néerlandaise Hans Anders, ainsi que les magasins et le site Internet de l’enseigne française Direct Optique – a racheté, en 2020, Sensee42 et lentillesmoinschères.com, pour former un des principaux groupes de e-commerce en France s’agissant des lunettes optiques43.

43. Par ailleurs, les grandes maisons de luxe se sont récemment lancées dans la production de montures, alors qu’elles déléguaient auparavant cette activité. Dès 2015, Kering – le numéro deux mondial du luxe, qui détient notamment les marques Gucci et Yves Saint Laurent – a créé Kering Eyewear, une filiale dédiée à la fabrication de lunettes44. En 2017, LVMH a, pour sa part, créé, avec le fabricant italien Marcolin, l’entreprise commune Thélios, qui produit aujourd’hui les montures des marques Dior, Céline, Loewe, Fred, Kenzo et Berluti. Dans le même temps, les maisons de luxe ont mis fin à certains contrats de licence qui les liaient à des fabricants indépendants, ce qui a contribué à la liquidation judiciaire de Logo, en 2016 (voir le paragraphe 66 ci-après), celle-ci ayant notamment perdu son contrat de licence pour certaines marques de LVMH.

44. S’agissant du degré de concurrence et du niveau des prix sur ce marché, la Cour des comptes a indiqué dans son rapport de 2013 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale : « De fait, sur les marchés français de l’optique et de l’audioprothèse, les critères de détermination des prix sont opaques, la comparaison des prix est très malaisée et la concurrence entre les principaux producteurs apparaît limitée : ce manque de transparence peut faire craindre que le patient français ne « surpaye » ces équipements. En tout état de cause, pour l’optique, le « panier » français est plus de deux fois supérieur à la moyenne des quatre grands pays voisin »45. Selon elle, « le niveau des prix s’explique dans une large mesure par celui des marges des intervenants de la filière »46 et il serait, partant, nécessaire de « rendre le marché plus transparent et concurrentiel en développant de nouveaux modes d’acquisition des produits, notamment par Internet »47. À cet égard, la Cour estimait qu’une progression de la part de la distribution par Internet jusqu’à 10 % pourrait entraîner une baisse des prix de 8 % à 30 %.

45. Les travaux parlementaires relatifs à la loi Hamon, précitée, attestent également que le prix des lunettes était un sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics48. Ainsi, selon M. Benoît Hamon, alors ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation, 3 millions de Français renonçaient à l’achat de lunettes en raison de leur prix trop élevé49.

C. LES ENTITÉS CONCERNÉES

46. Afin de faciliter la lecture, les entreprises concernées seront, sauf mention expresse contraire, désignées sous leur nom générique, selon le tableau de correspondance suivant.

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47. Seront présentés ci-après les entreprises détentrices de marques (1), les fabricants (2) et les distributeurs (3) poursuivis.

1. LES MARQUES

48. Seules seront présentées ici les entreprises détentrices de marques qui n’assurent pas elles-mêmes la fabrication des lunettes solaires et montures de lunettes de vue commercialisées sous ces marques. Les entreprises qui assurent la fabrication des produits des marques qu’elles détiennent seront examinées dans la section suivante, consacrée aux fabricants.

a) Chanel

49. Chanel est une maison de luxe, présente dans plusieurs secteurs d’activité (haute couture, prêt-à-porter, parfums et cosmétiques, accessoires, etc.)

50. La société Chanel Coordination SAS gère la branche lunettes du groupe Chanel en France50. Depuis 1999, les lunettes Chanel sont fabriquées à titre principal par la société Luxottica et, à l’exception de quelques modèles directement vendus dans les boutiques propres de Chanel, sont distribuées dans le cadre d’un réseau de distribution sélective mis en place par Luxottica (voir les paragraphes 154 et suivants ci-après). La société Chanel Coordination SAS est chargée de la formation de la force de vente chez Luxottica, s’agissant de l’image, de la culture, de l’histoire de la marque et de la réalisation d’audits relatifs à la qualité des magasins51.

51. De 1999 à 2005, les sociétés Chanel Coordination SAS et Chanel SAS étaient des sociétés sœurs52 détenues intégralement par la société Chanel International BV, elle-même détenue par la société Arnam SARL à compter de l’an 200053. En 2006, la société Chanel Coordination SAS est devenue une filiale à 100 % de la société Chanel SAS, alors détenue intégralement par Arnam SARL, et détenue par Chanel Limited depuis le 17 avril 200854. Depuis, Arnam SARL a été renommée Chanel SARL55.

b) Dior

52. La société Christian Dior Couture SA gère en France la branche lunettes du groupe Christian Dior SA, spécialisé dans les produits de luxe. Depuis au moins 1996 et jusqu’en 2020, les lunettes Christian Dior étaient produites et distribuées, dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, par la société Safilo56. Des lunettes de cette marque sont toutefois commercialisées directement dans les boutiques Christian Dior.

53. La société Christian Dior Couture SA est une filiale à 100 %57 du groupe Christian Dior SA, devenu Christian Dior SE en 2015, et détenu intégralement, depuis le 3 juillet 2017, par LVMH SE58.

c) LVMH

54. Le groupe LVMH, numéro un mondial de l’industrie du luxe, a acquis en 1999 la société suisse TAG Heuer SA, spécialisée dans l’horlogerie de luxe, qui s’est diversifiée dans le secteur des lunettes de vue et de soleil.

55. De 1999 à 2016, les lunettes vendues sous la marque TAG Heuer étaient fabriquées et distribuées à titre principal, dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, par la société Logo SA, en vertu d’un contrat de licence (voir les paragraphes 109 et suivants ci-dessous). Des lunettes de cette marque étaient toutefois commercialisées directement dans les boutiques TAG Heuer, en propre ou franchisées59.

56. La société TAG Heuer SA – qui est, indirectement, détenue intégralement depuis 1999 par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE60 – a été renommée LVMH Swiss Manufactures SA le 4 novembre 2009, à la suite d’opérations de fusion-absorption61.

2. LES FABRICANTS

a) Luxottica

57. Le groupe italien Luxottica est le premier fournisseur mondial et européen de lunettes62. Luxottica Group SpA, la holding du groupe, détient, notamment, directement ou indirectement, l’intégralité de63 :  la société Luxottica France SASU – anciennement Luxottica France SA jusqu’au 10 avril 2002, puis Luxottica France SARL jusqu’au 29 juin 200764 – qui est chargée de l’« exploitation de tous fonds de commerce de vente en gros de lunettes, de toute opération commerciale, d’importation ou d’exportation ayant trait à la fabrication, à l’achat ou à la vente de lunettes comportant des métaux précieux et/ou des gemmes »65 depuis au moins 199966 ;  la société Sunglass Hut Ireland Limited67, qui a absorbé la société Luxottica Trading & Finance Limited le 1er décembre 201668, qui était elle aussi détenue intégralement par la société Luxottica Group SpA depuis 200569 ; et  la société Luxottica SpA – devenue Luxottica Srl le 26 juillet 2001 – depuis au moins 199970.

58. Comme indiqué ci-avant (voir paragraphe 41), Luxottica et Essilor ont fusionné pour former EssilorLuxottica. Cette société a récemment pris le contrôle de GrandVision71. L’organigramme simplifié de Luxottica France au 11 décembre 2018 était le suivant72.

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59. Luxottica détient, fabrique et commercialise en propre des marques à forte notoriété, telles que Ray-Ban (depuis 1999), Persol (depuis 1995) et Oakley (depuis 2007)73. Elle dispose également d’un portefeuille important de marques de luxe, comme Chanel, sous contrat de licence. Au cours des dix dernières années, ce portefeuille s’est notamment enrichi des marques Armani, Michael Kors et Valentino, mais a perdu par ailleurs des marques telles que Stella McCartney, Anne Klein et Salvatore Ferragamo74. Le Tableau 5 ci-dessous recense les principales marques détenues en propre et sous licence par Luxottica en février 2015.

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60. Dans sa décision précitée, autorisant le rapprochement entre Essilor et Luxottica, la Commission européenne a indiqué qu’« un certain nombre de facteurs indiqu[ai]ent que Luxottica dispos[ait] d'un certain pouvoir de marché s’agissant de la vente en gros de lunettes de soleil dans l'EEE [espace économique européen], conformément à ce qui a été avancé par les plaignants »75.

61. En France, Luxottica détenait, en février 2011 et en valeur, environ 45 % du marché de la vente des lunettes de soleil et environ 21 % du marché de la vente des montures de lunettes d’optique76. La Commission souligne, par ailleurs, dans sa décision précitée, que le taux de pénétration de la marque Ray-Ban dans les magasins français est important et nettement supérieur à la moyenne européenne, s’agissant tant des lunettes de soleil que des montures de lunettes de vue77.

b) Safilo

62. Numéro deux mondial de la lunetterie, le groupe Safilo est implanté en France via la société Safilo France SARL, qui a pour activité l’importation et la vente de produits de lunetterie optique et paramédicaux78. La société Safilo Group SpA, dénommée Safilo Holding SpA jusqu’en 2005, détient plus de 90 % de la société Safilo SpA79, qui détient elle-même la société Safilo International BV dans son intégralité depuis 201180. Cette dernière détient 99,99 % de la société Safilo France SARL.

63. La société Safilo Group SpA détient des marques propres, telles que Carrera, dont elle assure la fabrication et la distribution. Elle s’est par ailleurs vu confier la fabrication et la distribution de lunettes de marques telles que Dior, Boss et Marc Jacobs81.

64. Le Tableau 6 ci-dessous retrace les principales marques détenues en propre et sous licence par Safilo en 201582.

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c) Maui Jim

65. La société américaine Maui Jim Inc., créée en 1980, est spécialisée dans les lunettes de soleil à verres polarisés. La distribution de ses produits en France est organisée par sa filiale à 100 %, Maui Jim France SARL83.

d) Logo

66. La société Logo SAS était une société française spécialisée dans la fabrication de lunettes. Elle détenait des marques en propre ainsi que des marques sous contrat de licence, dont TAG Heuer et Fred à titre principal. Par jugement du 15 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé sa liquidation judiciaire84. À la date de la présente décision, les opérations de liquidation sont toujours en cours.

e) Silhouette

67. La société Silhouette International Schmied AG est un fabricant de lunettes autrichien, détenteur de marques propres et de marques sous licence, telles Adidas et Swarovski85. La distribution de ses produits est assurée en France par sa filiale à 100 %, la société Silhouette France SARL86.

f) Mikli

68. Jusqu’au 31 décembre 2018, la société Mikli Diffusion France SAS avait pour activités la fabrication, l’achat, la création et la vente de tout article de lunetterie pour sa société mère, la société Alain Mikli International87, qui la détenait intégralement88, et qui était elle-même détenue intégralement par la société Luxottica Group SpA depuis 201389.

69. La société Alain Mikli International, devenue la société Mikli Diffusion France SASU, a par la suite repris l’intégralité de l’actif et du passif de la société Mikli Diffusion France SAS qui a été dissoute90.

70. La société Mikli détient les marques Alain Mikli, Mikli by Mikli, Starck Eyes et Vuarnet91.

71. Ses produits sont distribués pour partie dans ses boutiques propres (contrat « shop », 3 boutiques en France), pour partie par des opticiens, selon différentes formules – contrat « shop in shop » (mini-magasins Mikli au sein d’un magasin d’optique, 3 boutiques), « pocket shop » (meubles fournis par Mikli pour mise en avant de la marque, environ 200 boutiques) et « partner » (lunettes Mikli vendues dans les meubles de l’opticien, entre 600 et 800 boutiques). Les contrats « shop in shop », « pocket shop » et « partner » sont des contrats de distribution sélective.

3. LES DISTRIBUTEURS

a) Groupement d’achats des opticiens lunetiers (GADOL)

72. Constituée sous la forme d’une société anonyme coopérative à capital variable de commerçants détaillants, ayant pour activité les achats en commun de produits d’optique- lunetterie, la société GADOL est un des principaux acteurs de la distribution de produits d’optique en France, via ses enseignes Optic 2000 (1 200 points de vente en 201492) et Lissac (206 points de vente en 201493). Elle est détenue exclusivement par ses adhérents, des commerçants indépendants exerçant en général leur activité dans le cadre d’une société, au nombre de 1212 fin 201394.

b) Krys

73. La société Krys Group Services SA, dénommée Guildinvest jusqu’en 201195, autre acteur important de la distribution de produits optiques en France, est détenue à 87,48 % par la Guilde des Lunetiers, une société anonyme coopérative à conseil d’administration. Les membres de la coopérative sont les opticiens des enseignes Krys, Vision Plus, Lynx Optique et Opticien Lun’s96.

74. Elle détient la centrale d’achat dénommée Centrale des opticiens (CDO), à destination d’opticiens indépendants97, ainsi que 99,9 % de la société Codir qui exerce une activité de centrale d’achat et de revente pour le compte des adhérents des enseignes du groupe98.

75. En 2012, CDO comptait près de 2 300 adhérents. En 2014, la société Krys Group Services SA disposait de 1 346 points de vente en France99.

c) GrandVision

76. Le groupe néerlandais GrandVision – qui a récemment fusionné avec Essilor/Luxottica (voir ci-avant, paragraphe 58) – est un des leaders européens et mondiaux de la distribution au détail de produits d’optique-lunetterie. Il est présent en France par l’intermédiaire de sa filiale, la société GrandVision France SAS, filiale à 100 % de la société GrandVision SA, qui compte depuis 2011 les divisions Générale d’Optique et Grand Optical100, auparavant constituées sous forme de sociétés indépendantes.

77. En 2014, GrandVision disposait de 749 points de vente en France101.

d) Alain Afflelou

78. La société Alain Afflelou Franchiseur SA est la société opérationnelle en France du groupe Alain Afflelou. Elle exerce une activité de centrale de référencement et de paiement des fournisseurs pour le compte du réseau des magasins franchisés exploités sous les enseignes Alain Afflelou (772 enseignes en 2015) ou Claro by Afflelou (63 points de vente en 2015)102. Elle exploite par ailleurs, par le biais de sa filiale l’Opticien Afflelou, quelques magasins succursalistes situés en France103.

e) Optical Center

79. La société Optical Center SAS a été créée en 1991. Elle comptait, en 2013, 280 magasins franchisés et 98 succursales104.

D. LES GRIEFS NOTIFIÉS

80. Deux notifications de griefs ont été adressées aux entreprises mises en causes, les 13 février 2015105 et 28 mars 2019106. La première notification de griefs a fait l’objet d’une notification rectificative le 3 juin 2015, s’agissant de la durée des pratiques notifiées aux sociétés GrandVision France SAS et GrandVision SA107.

1. LES GRIEFS NOTIFIÉS LE 13 FÉVRIER 2015, TELS QUE MODIFIÉS PAR LA NOTIFICATION DE GRIEFS RECTIFICATIVE DU 3 JUIN 2015

a) Grief n° 1

Les fournisseurs

« Il est fait grief aux sociétés Luxottica France SASU, (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des Lucioles, les espaces de Sophia Antipolis - 06560 Valbonne - France en tant qu’auteure et à Luxottica Group SpA, société de droit italien (immatriculée 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadorna 3- Milan 20123 - Italie en tant que société mère de s’être entendues, depuis au moins 2005 jusqu’à aujourd’hui, avec l’ensemble de ses distributeurs, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief aux sociétés Safilo France SARL, (N° R.C.S : 347 527 350 Nanterre) sise 24, rue Jacques Ibert France – 92300 Levallois-Perret – en tant qu’auteure et imputé également à Safilo SpA, société de droit italien sise Pieve di cadore (BL) piazza Tiziano 8 CAP 32044 en tant que société mère de s’être entendues, depuis au moins 2003 jusqu’à aujourd’hui, avec l’ensemble de ses distributeurs, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief à la société Logo SAS, (N° R.C.S : 325 697 647 Lons-le-Saunier) sise 12, rue Voltaire - 39400 MOREZ - France de s’être entendue, entre le 3 mars 2002 et l’année 2011 avec l’ensemble de ses distributeurs agréés Tag Heuer et au moins depuis 2006 à aujourd’hui avec l’ensemble de ses distributeurs pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. Il est fait grief aux sociétés Silhouette France SARL, (N° R.C.S : 428 728 679 Bobigny) sise 16, rue Jules Saulnier - 93200 Saint Denis - France en tant qu’auteure et également à la société Silhouette International Schmied AG, société de droit autrichien (immatriculé sous le n° FN 78436y Linz, Autriche) en tant que société mère de s’être entendues, depuis au moins 2006 jusqu’à aujourd’hui, avec l’ensemble de ses distributeurs, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief aux sociétés Mikli Diffusion France SAS, (N° R.C.S : 342 136 710 Paris) sise 30, rue de Campo Fornio - 75013 Paris - France en tant qu’auteure et également aux sociétés Alain Mikli International (N° R.C.S : 313 767 360 Paris) sise 30, rue de Campo Fornio France et Luxottica Group SpA, société de droit italien (immatriculée 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadorna 3- Milan 20123 - Italie en tant que sociétés mères de s’être entendues, depuis au moins 2007 jusqu’à aujourd’hui, avec l’ensemble de ses distributeurs, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief aux sociétés Maui Jim France SARL, (N° R.C.S : 418 524 716 00028) sise 650, Avenue André Ampère - Z.A. des Garrigues à 34173 Castelnau-le-Lez - France en tant qu’auteure et également à la société Maui Jim Inc. société de droit américain (immatriculée 37-1173264) sise One Aloha Lane - Peoria, IL 61615 en tant que société mère de s’être entendues depuis au moins 2000 jusqu’à aujourd’hui, avec l’ensemble de ses distributeurs, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. » (gras dans le texte original).

Les marques « Il est fait grief aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, société de droit suisse (immatriculée IDE CHE-105.935.430) sise rue Louis-Joseph Chevrolet 6a - La-Chauxde- Fonds - Suisse en tant qu’auteure et également à la société LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton (N° R.C.S : 775 670 417 Paris) sise 22, Avenue Montaigne - 75008 Paris - France en tant que société mère de s’être entendues, de septembre 1999 à aujourd’hui, avec Logo SAS, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief aux sociétés Christian Dior Couture SA, (N° R.C.S : 612 035 832 Paris) sise 30, Avenue Montaigne - 75008 Paris -France en tant qu’auteure et également imputé à Christian Dior SA, (N° R.C.S : 582 110 987 Paris) sise 30, Avenue Montaigne - 75008 Paris -France en tant que société mère de s’être entendues, depuis au moins 2008 jusqu’à 2009, avec Safilo France SARL, pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. » (gras dans le texte original).

Les distributeurs

« Il est fait grief à la société Alain Afflelou Franchiseur SA, (N° R.C.S : 304 577 794 Paris) sise 11, rue d’Argenson - 75008 Paris - France de s’être entendue, depuis au moins 2003 jusqu’à 2009, avec les fournisseurs Luxottica France SASU, Safilo France SARL, Logo SAS, Mikli Diffusion France, Maui Jim France SARL et Silhouette France SARL pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief aux sociétés Grandvision France SAS société par actions simplifiée à associé unique, (N° R.C.S : 492 787 957 Versailles) sise 1, rue Jean-Pierre Timbaud - 78180 Montigny-le-Bretonneux - France en tant qu’auteure et également à la société GrandVision SA, sise à la même adresse en tant que société mère de s’être entendues, depuis 2004 jusqu’à fin 2009[108], avec les fournisseurs Luxottica France SASU, Safilo France SARL, Logo SAS, Mikli Diffusion France, Maui Jim France SARL et Silhouette France SARL pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief à la société Krys Group Services, (N° R.C.S : 421 390 188 Versailles) sise Les Hédauves, Avenue de Paris - 78550 Bazainville - France de s’être entendue, depuis au moins 2007 jusqu’à 2009, avec les fournisseurs Luxottica France SASU et Safilo France SARL pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief à la société GADOL - Groupement d’achats des opticiens lunetiers - (N° R.C.S : 326 980 018 Nanterre) sise 5, avenue Newton - 92140 Clamart - France de s’être entendue, depuis au moins 2005 jusqu’à 2009, avec les fournisseurs Luxottica France SASU pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

Il est fait grief à la société Optical Center, (N° R.C.S : 75017 Paris 382 372 993) sise 74-76, rue Laugier – 75017 Paris – France de s’être entendue, depuis au moins 2003 jusqu’à aujourd’hui, avec les fournisseurs Luxottica France SASU et Safilo France SARL pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. » (gras dans le texte original).

b) Grief n° 2

Les fournisseurs « Il est fait grief aux sociétés Luxottica France SASU, (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des lucioles les espaces de sophia antipolis - 06560 Valbonne - France en tant qu’auteure et Luxottica Group SpA, société de droit italien (immatriculée 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadorna 3- Milan 20123 - Italie en tant que société mère d’avoir depuis au moins 2006, en interdisant la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - de ses produits à ses distributeurs agrées pour les marques Chanel, Prada/Prada Line Rosa, Dolce Gabbana et Bulgari, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article 81 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE et qui n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Il est fait grief aux sociétés Luxottica France SASU, (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des lucioles les espaces de sophia antipolis - 06560 Valbonne - France en tant qu’auteure et Luxottica Group SpA, société de droit italien (immatriculée 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadorna 3- Milan 20123 - Italie en tant que société mère d’avoir depuis au moins 2006 jusqu’au 2007, en interdisant la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - de ses produits à ses distributeurs agrées pour les marques Burberry, et Versace/Versus, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article 81 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE et qui n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Il est fait grief à la société Logo SAS, (N° R.C.S : 325 697 647 Lons-le-Saunier) sise 12, rue Voltaire - 39400 MOREZ - France d’avoir depuis 2004, en interdisant la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - de ses produits à ses distributeurs agrées, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article 81 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE et qui n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce. » (gras dans le texte original).

Les marques

« Il est fait grief aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, société de droit suisse (immatriculée IDE CHE-105.935.430) sise rue Louis-Joseph Chevrolet 6a -La-Chaux-de- Fonds - Suisse en tant qu’auteure et également imputé à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton (N° R.C.S : 775 670 417 Paris) sise 22, Avenue Montaigne - 75008 Paris - France en tant que société mère d’avoir depuis 2007, en interdisant la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - de ses produits à ses distributeurs agrées pour la marque Tag Heuer, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article 81 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE et qui n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce. Il est fait grief aux sociétés Chanel Coordination SAS (N° R.C.S : 393 068 077 00022 Paris) sise 12, rue Duphot - 75001 Paris - France et également à la société Chanel SAS (N° R.C.S : 542 052 766 00012 Nanterre) sise 135, Avenue Charles de Gaulle - 92200 Neuilly-sur-Seine - France, d’avoir depuis 2002, en interdisant la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - de ses produits à ses distributeurs agrées, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article 81 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE et qui n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce. » (gras dans le texte original).

2. LES GRIEFS NOTIFIÉS LE 28 MARS 2019

a) Grief n° 1

« Il est fait grief à : - Maui Jim Europe SARL (N° R.C.S : 418 524 716) sise 650, Avenue André Ampère - Z.A. Les Garrigues à 34170 Castelnau-le-Lez - France, en sa qualité d’auteure ; - Maui Jim Inc. société de droit américain (immatriculée 37-1173264) sise One Aloha Lane - Peoria, IL 61615, en tant que société mère ; d’avoir mis en œuvre une pratique visant à limiter la liberté tarifaire d’un distributeur, en imposant des prix de vente, en ce qui concerne les lunettes solaires de marque Maui Jim en février 2018, pratique ayant pour objet et/ou pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché. Cette pratique est prohibée par les dispositions des articles 101, paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »

b) Grief n° 2

Dior et Safilo « Il est fait grief aux sociétés : - Safilo France SARL (N° R.C.S : 347 527 350 Nanterre) sise 24, rue Jacques Ibert - 92300 Levallois-Perret - France, en tant qu’auteure, - Safilo SpA, société de droit italien (enregistrée sous le numéro : 03 62 54 10 281) sise Zona Industriale VII strada 15, Padova (PD) Cap 35 129 - Italie, en tant qu’auteure ; - Safilo Group SpA, société de droit italien (enregistrée sous le numéro ; 03 03 29 50 242) sise Zona Industriale VII strada 15, Padova (PD) Cap 35 129 - Italie, en tant que mère ;

Et

- Christian Dior Couture SA (N° RCS : 612 035 832) sise 30 avenue Montaigne, 75 008 Paris - France, en tant qu’auteure, - Christian Dior SE (anciennement Christian Dior SA) (N° RCS : 582 110 987) sise 30 avenue Montaigne, 75 008 Paris - France, en tant que société mère, - LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton SE (N° RCS : 775 670 417) sise 22 avenue Montaigne, 75 008 Paris, en tant que société mère, de s’être entendues, dans le secteur des montures de lunettes et des lunettes solaires, depuis le 1er janvier 2004 jusqu’au 31 décembre 2017, pour contrôler, limiter et/ou interdire les promotions tarifaires appliquées et/ou envisagées par les distributeurs agréés pour la marque Dior, ce qui a restreint la liberté tarifaire de ces derniers et constitue ainsi une pratique anticoncurrentielle en tant que telle. Cette pratique a pour objet et/ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en fixant de façon directe et indirecte les prix de vente ou d’autres conditions de transactions.

Cette pratique est accompagnée et aggravée par d’autres restrictions visant également à limiter la liberté tarifaire de ces distributeurs, telles que l’imposition directe ou indirecte de prix (ou de niveaux de prix, y compris en référence à l’image de marque), les vérifications des politiques tarifaires, les menaces et/ou sanctions en cas d’incohérence alléguée avec l’image de marque ou avec la politique commerciale de Dior et/ou de Safilo.

Ces restrictions font obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et enfreignent les dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE (anciennement article 81, paragraphe 1, CE) et L. 420-1 du code de commerce.

Ces pratiques n’entrent pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »

Safilo et les détaillants agréés pour la marque Dior

« Il est fait grief aux sociétés : - Safilo France SARL, (N° R.C.S : 347 527 350) sise 24, rue Jacques Ibert – 92300 Levallois-Perret - France en tant qu’auteure, - Safilo Group SpA, société de droit italien (enregistrée sous le numéro : 03 03 29 50 242) sise Zona Industriale VII strada 15, Padova (PD) Cap 35 129 - Italie, en tant que société mère, de s’être entendues avec les distributeurs agréés pour la marque Dior, dans le secteur des montures de lunettes et des lunettes solaires, depuis le 6 mai 2010 jusqu’au 31 décembre 2017, aux fins de contrôler, limiter et/ou interdire les promotions tarifaires appliquées et/ou envisagées par les distributeurs agréés pour la marque Dior, ce qui a restreint la liberté tarifaire de ces derniers et constitue ainsi une pratique anticoncurrentielle en tant que telle.

Cette pratique a pour objet et/ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en fixant de façon directe et indirecte les prix de vente ou d’autres conditions de transactions.

Cette pratique est accompagnée et aggravée par d’autres restrictions visant également à limiter la liberté tarifaire de ces distributeurs, telles que l’imposition directe ou indirecte de prix (ou de niveaux de prix, y compris en référence à l’image de marque), les vérifications des politiques tarifaires, les menaces et/ou sanctions en cas d’incohérence alléguée avec l’image de marque ou avec la politique commerciale de Dior et/ou de Safilo.

Ces restrictions font obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et enfreignent les dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE (anciennement article 81, paragraphe 1, CE) et L. 420-1 du code de commerce.

Ces pratiques n’entrent pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »

Luxottica et Chanel

« Il est fait grief à : - Luxottica France SASU (anciennement Luxottica France SA, puis Luxottica SARL) (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des Lucioles, les espaces de Sophia Antipolis - 06560 Valbonne - France, en tant qu’auteure, - Luxottica S.p.A devenue Luxottica Srl, société de droit italien (enregistrée sous le numéro 00064820251) sise Agordo (BL) via Valcozzena 10 CAP 32 021 Italie, en tant qu’auteure, - Sunglass Hut Ireland Limited (enregistrée sous le n° 223263) (venant aux droits de Luxottica Trading and Finance Limited, société de droit irlandais, (n° 411650)) sise Riverside One, Sir John Rogerson’s Quay, Dublin 2, Irlande, en tant qu’auteure, - Luxottica Group SpA, société de droit italien (en registrée sous le n° 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadoma 3 CAP 20123 Milan - Italie en tant qu’auteure et mère ;

Et

- Chanel SAS (RCS : 542 052 766) sise 135 avenue Charles de Gaulle, 92 200 Neuilly sur Seine - France, en tant qu’auteure, - Chanel Coordination SAS (RCS : 393068 077) sise 12 rue Duphot, 75 001 Paris- France, en tant qu’auteure, Chanel International BV, société de droit néerlandais (enregistrée sous le numéro 005631701) sise Gustav Mahlerlaan 1001, 1082 MK Amsterdam, Pays-Bas en tant que société mère, - Arnam Sarl, société de droit luxembourgeois (RCS : B73680), sise 65 boulevard Grande-Duchesse Charlotte, 1331 Luxembourg - Luxembourg, en tant que société mère, - Chanel Limited, société de droit britannique, (enregistrée sous le numéro 20 36 69) sise 5 Barlow Place, London, W1J 6DG en tant que société mère, de s’être entendues, dans le secteur des montures de lunettes et des lunettes solaires, depuis le 1er mai 1999 jusqu’au 31 décembre 2018, pour contrôler, limiter et/ou interdire les promotions tarifaires appliquées et/ou envisagées par les distributeurs agréés pour la marque Chanel, ce qui a restreint la liberté tarifaire de ces derniers et constitue ainsi une pratique anticoncurrentielle en tant que telle. Cette pratique a pour objet et/ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en fixant de façon directe et indirecte les prix de vente ou d’autres conditions de transactions.

Cette pratique est accompagnée et aggravée par d’autres restrictions visant également à limiter la liberté tarifaire de ces distributeurs, telles que l’imposition directe ou indirecte de prix (ou de niveaux de prix, y compris en référence à l’image de marque), les vérifications des politiques tarifaires, les menaces et/ou sanctions en cas d’incohérence alléguée avec l’image de marque ou avec la politique commerciale de Chanel et/ou de Luxottica.

Ces restrictions font obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et enfreignent les dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE (anciennement article 81, paragraphe 1, CE) et L. 420-1 du code de commerce.

Ces pratiques n’entrent pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »

Luxottica et les détaillants agréés

« Il est fait grief aux sociétés Luxottica France SASU, (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des Lucioles, les espaces de Sophia Antipolis - 06560 Valbonne - France en tant qu’auteure et Luxottica Group SpA, société de droit italien (immatriculée 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadoma 3- Milan 20123 - Italie en tant que société mère de s’être entendues dans le secteur des montures de lunettes et des lunettes solaires, avec : - les distributeurs agréés pour la distribution des montures de lunettes et lunettes solaires de la marque Chanel du 14 juin 2002 jusqu’au 31 décembre 2018, - les distributeurs agréés pour la distribution des montures de lunettes et lunettes solaires de la marque Prada / Prada Linea Rosa du 30 octobre 2006 jusqu’à aujourd’hui, - les distributeurs agréés pour la distribution des montures de lunettes et lunettes solaires de la marque Dolce&Gabbana du 5 mars 2008 au 31 décembre 2013, - les distributeurs agréés pour la distribution des montures de lunettes et lunettes solaires de la marque Bulgari du 16 mai 2008 jusqu’à aujourd’hui, - les distributeurs agréés pour la distribution des montures de lunettes et lunettes solaires de la marque Ray-Ban de 2013 jusqu’à aujourd’hui, aux fins de contrôler, limiter et/ou interdire les promotions tarifaires appliquées et/ou envisagées par les distributeurs agréés pour les marques précitées, ce qui a restreint la liberté tarifaire de ces derniers et constitue ainsi une pratique anticoncurrentielle en tant que telle. Cette pratique a pour objet et/ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en fixant de façon directe et indirecte les prix de vente ou d’autres conditions de transactions.

Cette pratique est accompagnée et aggravée par d’autres restrictions visant également à limiter la liberté tarifaire de ces distributeurs, telles que l’imposition directe ou indirecte de prix (ou de niveaux de prix, y compris en référence à l’image de marque), les vérifications des politiques tarifaires, les menaces et/ou sanctions en cas d’incohérence alléguée avec l’image de marque ou avec la politique commerciale de ces marques et/ou de Luxottica.

Ces restrictions font obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et enfreignent les dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE (anciennement article 81, paragraphe 1, CE) et L. 420-1 du code de commerce. Ces pratiques n’entrent pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées » (gras dans le texte original).

c) Grief n° 3

Luxottica et Chanel

« Il est fait grief à : - Chanel SAS (N° R.C.S : 542 052 766 00012 Nanterre) sise 135, Avenue Charles de Gaulle - 92200 Neuilly-sur-Seine - France, de 1999 à 2014 en tant qu’auteure, - Chanel Coordination SAS (RCS : 393068 077) sise 12 rue Duphot, 75 001 Paris- France, en tant qu’auteure, - Chanel International BV, société de droit néerlandais (enregistrée sous le numéro 005631701) sise Gustav Mahlerlaan 1001, 1082 MK Amsterdam, Pays-Bas en tant que société mère, - Arnam Sarl, société de droit luxembourgeois (RCS : B73680), sise 65 boulevard Grande-Duchesse Charlotte, 1331 Luxembourg - Luxembourg, en tant que société mère,

et

- Luxottica France SASU (anciennement Luxottica France SA, puis Luxottica SARL) (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des Lucioles, les espaces de Sophia Antipolis - 06560 Valbonne - France, en tant qu’auteure, - Luxottica S.p.a, devenue Luxottica Sri, société de droit italien (enregistrée sous le numéro 00064820251) sise Agordo (BL) via Valcozzena 10 CAP 32 021 Italie, en tant qu’auteure. - Sunglass Hut Ireland Limited (enregistrée sous le n° 223263) (venant aux droits de Luxottica Trading and Finance, société de droit irlandais, (n° 411650)) sise Riverside One, Sir John Rogerson’s Quay, Dublin 2, Irlande, en tant qu’auteure, - Luxottica Group SpA, société de droit italien (en registrée sous le n° 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadoma 3 CAP 20123 Milan - Italie en tant qu’auteure et mère ; de s’être entendues, depuis le mai 1999 jusqu’au 31 décembre 2014 pour interdire, aux distributeurs agréés pour la marque Chanel, la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - des montures de lunettes et lunettes solaires sur le marché de détail.

Cette pratique est prohibée par 1’article 81 paragraphe 1 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce et n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. »

Luxottica et les détaillants agréés

« Il est fait grief aux sociétés Luxottica France SASU, (N° R.C.S : 334 705 332 Grasse) sise 80, route des lucioles les espaces de Sophia Antipolis - 06560 Valbonne - France en tant qu’auteure et Luxottica Group SpA, société de droit italien (immatriculée 00891030272 Milan) sise Piazzale Luigi Cadoma 3- Milan 20123 - Italie en tant que société mère, de s’être entendues avec : - les distributeurs agréés pour la marque Chanel depuis le 14 juin 2002 jusqu’au 11 février 2013, - les distributeurs agréés pour la marque Prada/Prada Line Rosa depuis le 30 octobre 2006 jusqu’au 11 février 2013, - les distributeurs agréés pour la marquer Dolce&Gabbana depuis le 5 mars 2008 jusqu’au 11 février 2013, - les distributeurs agréés pour la marque Bulgari depuis le 16 mai 2008 jusqu’au 11 février 2013, - pour interdire à ces distributeurs la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - des montures de lunettes et lunettes solaires.

Cette pratique est prohibée par l’article 81 paragraphe 1 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce et n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. » (gras dans le texte original). LVMH Swiss Manufactures

« Il est fait grief aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, société de droit suisse (immatriculée IDE CHE-105.935.430) sise rue Louis-Joseph Chevrolet 6a -La-Chaux-de- Fonds - Suisse en tant qu’auteure et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton (N° R.C.S : 775 670 417 Paris), société européenne, sise 22, Avenue Montaigne - 75008 Paris - France en tant que société mère, de s’être entendues avec la société Logo du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, pour interdire aux distributeurs agrées pour la marque Tag Heuer la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur internet - des montures de lunettes et lunettes solaires sur le marché de détail.

Cette pratique est prohibée par l’article 81 paragraphe 1 du traité CE devenu 101, paragraphe 1 du TFUE, ainsi que par l’article L. 420-1 du code de commerce et n’entre pas dans le champ d’exemption du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées » (gras dans le texte original).

3. SYNTHÈSE DES GRIEFS NOTIFIÉS

81. Le premier grief notifié le 13 février 2015, ainsi que les premier et deuxième griefs notifiés le 28 mars 2019, concernent des restrictions de la liberté tarifaire des distributeurs de montures de lunettes de vue et de montures de soleil, tandis que le second grief notifié le 13 février 2015 et le troisième grief notifié le 28 mars 2019 visent des pratiques d’interdiction de vente en ligne de tels produits.

82. Le Tableau 7 ci-dessous indique quels griefs (désignés par leur numéro) ont été notifiés à chaque entreprise poursuivie au terme des deux notifications de griefs successives.

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E. LA PRESCRIPTION DE CERTAINS GRIEFS NOTIFIÉS

83. Un certain nombre d’entreprises mises en cause, arguant de ce que les recours contre les opérations de visite et saisie introduits antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (dite « Loi Lurel », voir ci-après) ne sauraient avoir suspendu la prescription, et ce même s’ils n’étaient pas définitivement tranchés avant cette entrée en vigueur, soutiennent que les pratiques qui leur sont reprochées sont prescrites. Elles avancent, à cette fin, soit que les griefs qui leur ont été notifiés ont pris fin avant le 22 juillet 2011, et que le délai préfix de dix ans instaurés par l’article L. 462-7 du code de commerce est donc écoulé, soit que les pièces susceptibles de fonder lesdites pratiques sont antérieures à cette date.

84. En revanche, les services d’instruction considèrent que la prescription décennale n’est pas acquise en l’espèce, en raison de la survenance d’une condition suspensive applicable à l’égard de toutes les parties à la procédure, à savoir le recours à l’encontre des opérations de visite et de saisie introduit par la société Alain Afflelou le 2 juillet 2009, et non définitivement jugé lors de l’entrée en vigueur, le 22 novembre 2012, de la loi Lurel.

1. LE DROIT APPLICABLE

85. Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce, introduit par l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, « […] la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu’un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s’est écoulé sans que l’Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci ».

86. Il résulte, par ailleurs, du quatrième alinéa du même article – inséré par l’article 13 de la loi Lurel, mentionnée ci-dessus – que : « Le délai mentionné au troisième alinéa est suspendu jusqu’à la notification à l’Autorité de la concurrence d’une décision juridictionnelle irrévocable lorsque : 1° L’ordonnance délivrée en application de l’article L. 450-4 fait l’objet d’un appel ou lorsque le déroulement des opérations mentionnées au même article fait l’objet d’un recours, à compter du dépôt de cet appel ou de ce recours ; 2° La décision de l’Autorité de la concurrence fait l’objet d’un recours en application de l’article L. 464-8, à compter du dépôt de ce recours ; ».

87. Aucun des textes précités ne comportant de dispositions transitoires, l’application dans le temps des nouvelles dispositions est régie par les principes d’applicabilité immédiate et de non-rétroactivité.

88. L’instauration d’un délai préfix de dix ans constitue un nouveau régime de prescription, applicable aux procédures en cours, et donc aux décisions rendues par l’Autorité après le 15 novembre 2008, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée du 13 novembre 2008.

89. S’agissant de l’application dans le temps de la nouvelle cause de suspension résultant de l’introduction de recours contre les opérations de visites et de saisie diligentées par l’Autorité, il est de jurisprudence constante qu’un acte qui, en vertu de la loi nouvelle, a pour effet de suspendre la prescription, est dépourvu d’un tel effet lorsqu’il est intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi, et ce même s’il était toujours en cours d’exécution après l’entrée en vigueur de celle-ci. 90. La Cour de cassation a, ainsi, jugé à plusieurs reprises que l’ordonnance de désignation d’un expert délivrée avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile – qui fait des mesures d’instruction préalables une cause de suspension de la prescription quinquennale – ne peut être considérée comme un acte suspensif de prescription, quand bien même l’expertise ainsi ordonnée serait toujours en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi109.

91. Dans la droite ligne de cette analyse, la cour d’appel de Paris, appelée à statuer sur l’application dans le temps du quatrième alinéa de l’article L. 462-7 précité, a précisé : « Cette disposition est une loi de procédure qui, comme toute loi de procédure, en l’absence de disposition transitoire contraire, est d’application immédiate sauf si cette application immédiate conduit à lui faire produire un effet rétroactif. S’agissant d’une loi qui ne prévoit pas un nouveau délai de prescription mais attache à un événement précis, à savoir le dépôt d’un recours contre une décision de l’Autorité, un effet suspensif de prescription, son application immédiate est de nature à lui faire produire un effet rétroactif si elle conduit à remettre en cause une prescription acquise, ou à conférer un effet suspensif à un recours déposé avant son entrée en vigueur. »110.

92. Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’un recours contre des opérations de visite et saisie formé avant l’entrée en vigueur de la loi précitée du 20 novembre 2012 n’est pas susceptible de suspendre la prescription décennale instaurée par l’alinéa 3 de l’article L. 462-7 du code de commerce, quand bien même ce recours n’aurait pas été définitivement tranché après l’entrée en vigueur de ladite loi.

2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

93. Il ressort des éléments versés au dossier que, comme rappelé ci-avant, les sociétés Grand Optical, Les Opticiens économes (LOE) - Générale d’optique, Luxottica et Alain Afflelou ont introduit des recours contre les opérations de visite et saisie entre le 2 et le 6 juillet 2009. Ces recours ont été définitivement tranchés les 26 novembre 2010, 11 janvier 2012 et 30 janvier 2014 (voir les paragraphes 9 à 16 ci-avant).

94. Au regard des principes exposés supra, ces recours, tous introduits antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 20 novembre 2012, précitée, n’ont pu avoir pour effet de suspendre la prescription décennale. Partant, celle-ci est, en l’espèce, acquise pour les entreprises dont les pratiques ont cessé plus de dix ans avant le 22 juillet 2021, soit au plus tard le 22 juillet 2011.

95. S’agissant des entreprises qui se sont vu notifier des griefs prenant fin au plus tard le 22 juillet 2011, force est de constater que les pratiques qui leur sont reprochées sont, en toute hypothèse, prescrites, et qu’il convient, par conséquent, de les mettre dès à présent hors de cause, sans qu’il soit besoin d’analyser les éléments susceptibles de fonder leur éventuelle culpabilité. Tel est le cas des sociétés :  Alain Afflelou Franchiseur SA, le grief n° 1 lui ayant été notifié le 13 février 2015 courant de 2003 à 2009 ;  GADOL, le grief n° 1 lui ayant été notifié le 13 février 2015 courant de 2005 à 2009 ;  GrandVision France SAS et GrandVision SA, le grief n° 1 leur ayant été notifié le 13 février 2015 courant de 2004 à fin 2009 ;  Krys Group Services, le grief n° 1 lui ayant été notifié le 13 février 2015 courant de 2007 à 2009 ;  Christian Dior Couture SA et Christian Dior SA, le grief n° 1 notifié le 13 février 2015, courant de 2008 à 2009 ; et  Luxottica France SASU et Luxottica Group SpA, s’agissant de la branche du grief n° 2 notifié le 13 février 2015, relative à l’interdiction de vente sur Internet aux distributeurs agréés pour les marques Burberry, Versace et Versus, courant de 2006 à 2007111.

96. S’agissant des autres sociétés, qui se sont vu notifier des griefs postérieurs à cette date – que ce soit dès la première notification de griefs, ou bien, à l’instar de Dior, uniquement à l’issue de la seconde – et qui soutiennent que les pratiques retenues à leur encontre seraient prescrites, leur situation sera examinée dans la seconde partie de la présente décision (voir les paragraphes 633 et suivants ci-après).

F. LES PRATIQUES CONSTATÉES

97. Seront examinées la restriction de la liberté tarifaire des distributeurs s’agissant de la revente au détail des lunettes de soleil et des montures des lunettes de vue (1), puis l’interdiction de revente en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue (2).

1. LA RESTRICTION DE LA LIBERTÉ TARIFAIRE DES DISTRIBUTEURS S’AGISSANT DE LA REVENTE AU DÉTAIL DES LUNETTES DE SOLEIL ET DES MONTURES DES LUNETTES DE VUE

98. Pour rappel, les entreprises concernées par les griefs visant à encadrer la liberté tarifaire des distributeurs, qu’il s’agisse du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 ou des griefs n° 1 et n° 2 notifiés le 28 mars 2019, sont les suivantes :

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99. Seront successivement examinées les ententes entre Optical Center et Luxottica, et entre Optical Center et Safilo (a), entre Silhouette et ses distributeurs (b), entre Mikli et ses distributeurs (c), entre LVMH et Logo (d), entre Logo et ses distributeurs (e), entre Dior et Safilo (f), entre Safilo et ses distributeurs (g), entre Maui Jim et ses distributeurs (h), entre Chanel et Luxottica (i) et, enfin, entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs (j).

a) S’agissant des ententes entre Optical Center et Luxottica, et entre Optical Center et Safilo

100. Le grief notifié à Optical Center est synthétisé dans le Tableau 9 ci-dessous.

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101. L’examen des pièces versées au dossier révèle l’existence d’un échange de courriers daté du 4 octobre 2005 entre Optical Center et Luxottica, portant sur l’exclusion des montures Chanel des offres commerciales d’Optical Center. Un courrier d’Optical Center adressé au directeur commercial de Luxottica France indique ainsi : « Suite à votre intervention, nous vous certifions que nos offres commerciales ne concernent en aucun cas les montures Chanel. Nous ne faisons aucunes remises (sic) sur les montures de marque Chanel. De plus, le prix des montures est en conformité avec les prix que vous nous conseillez »112.

102. Par ailleurs, plusieurs pièces, et notamment différents courriels internes à Safilo datés de novembre 2003113, des courriels échangés entre Optical Center et Safilo le 18 février 2005114 et entre janvier et février 2009115, ainsi que la déclaration d’un opticien du 27 août 2008116 évoquent l’application de coefficients ou prix conseillés ainsi que la volonté de Safilo d’exclure certaines de ses marques (Dior, Armani) des promotions réalisées par les distributeurs.

b) S’agissant des pratiques relevées entre Silhouette et ses distributeurs

103. Le grief notifié à Silhouette est synthétisé dans le Tableau 10 ci-dessous.

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104. Ce grief repose sur des courriels échangés à partir du 10 novembre 2006 entre Silhouette, d’une part, et Grand Optical117, Alain Afflelou118, GrandVision119 et des opticiens anonymes120, d’autre part, ainsi que sur la déclaration de mai 2007 d’un opticien exploitant une boutique sous enseigne Optic Duroc121 qui évoque l’exclusion, à la demande de Silhouette, des produits de certaines marques (principalement Adidas) d’opérations promotionnelles et les interventions de Silhouette auprès des distributeurs s’agissant des prix qu’ils pratiquaient. La pièce la plus récente, à savoir un courriel de Silhouette à un opticien anonyme lui interdisant toute déviation de prix sur les lunettes de marque Adidas eyewear, qui « ne doivent pas subir de variation de prix tout au long de l’année », date du 2 février 2009122.

105. Figurent également au dossier des déclarations d’opticiens de juillet et octobre 2011, selon lesquelles Silhouette refusait qu’ils pratiquent des remises123 et les menaçait s’ils ne respectaient pas les prix qu’elle conseillait124. Enfin, un représentant de Safilo a déclaré en octobre 2011 qu’il « considère que des produits sont discountés lorsque le prix sont (sic) remisés avec une réduction de plus de 30 %, hors soldes »125.

c) S’agissant des pratiques relevées entre Mikli et ses distributeurs

106. Le grief notifié à Mikli est synthétisé dans le Tableau 11 ci-dessous.

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107. L’entente ainsi notifiée s’appuie à la fois sur des courriels et courriers échangés entre Mikli et certains de ses distributeurs126, des courriels internes d’Alain Afflelou127, des documents de Mikli128, Grand Optical129 et Optic Duroc130, ainsi que sur des déclarations d’opticiens131 et de Mikli elle-même132, qui attestent de l’encadrement, par Mikli, de la politique tarifaire et des opérations promotionnelles de ses distributeurs. La pièce la plus récente date du 15 avril 2009 et consiste en une lettre d’un opticien se plaignant auprès de Mikli des prix, selon lui trop bas et contraires aux termes du contrat « shop in shop », qui interdit les opérations promotionnelles susceptibles de porter atteinte au prestige de la marque, pratiquées lors d’opérations de déstockage organisées dans le cadre de ventes privées133.

108. Figurent également au dossier des déclarations d’opticiens de novembre 2011, novembre 2012 et septembre 2013 selon lesquelles Mikli communiquait des prix conseillés et refusait de vendre ses produits aux opticiens dont elle craignait qu’ils ne respectent pas ces prix134.

d) S’agissant de l’entente entre LVMH et Logo

109. Le grief notifié à LVMH s’agissant d’une entente visant à restreindre la liberté tarifaire des détaillants agréés pour la marque TAG Heuer est synthétisé dans le Tableau 12 ci-dessous.

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110. Ce grief repose sur l’article 7.1. des deux contrats de licence signés par les sociétés TAG Heuer SA et Logo SA135 et valables respectivement du 1er août 1999 au 31 décembre 2003136 et du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011137. Cet article stipule : « Il est d’ores et déjà précisé que les Produits ne devront pas être livrés à des points de vente notoirement connus pour leur pratique de discount et Logo s’engage à mettre tout en œuvre pour inciter et faire contrôler le respect des prix de détail sur les différents marchés, dans la mesure où la législation locale le permet »138.

111. L’article 1.7. de ces contrats stipule par ailleurs : « L’expression “prix de détail” signifie le prix de vente au consommateur final, non obligatoire, tel que recommandé par Logo pour la vente des Produits aux consommateurs »139.

112. Interrogé à ce sujet le directeur juridique de TAG Heuer a déclaré le 14 novembre 2014 : « Le terme “prix de détail” est défini dans le contrat comme étant le prix de vente recommandé. Nous demandons à Logo d’avoir une politique de prix de vente recommandé cohérente et que ce prix soit communiqué dans toute la chaîne de revente des produits jusqu’au consommateur final. Si un point de vente applique un prix très inférieur (50 %) au prix de vente recommandé, il faudra se poser la question de savoir si le point de vente remplit les critères de sélectivité et ne détériore pas l’image de marque »140.

113. Il a également précisé : « Nous avons une politique de prix de vente recommandé. Nous interdisons la vente à des distributeurs qui ont une pratique continuelle et perpétuelle de discount. Ça finit par porter atteinte à l’image de marque »141.

e) S’agissant des ententes entre Logo et l’ensemble de ses distributeurs ou certains d’entre eux

114. Le grief notifié à Logo est synthétisé dans le Tableau 13 ci-dessous. Pratique Ententes entre Logo et : a. l’ensemble de ses distributeurs de 2006 au 13 février 2015 ; b. l’ensemble de ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer du 3 mars 2002 à 2011. Objet et effet de la pratique Fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence.

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115. Figurent au dossier, outre les contrats de licence conclus entre Fred et Logo et les contrats de distribution sélective mis en place pour la distribution des produits de marque TAG Heuer, différents documents relatifs à l’existence, à la diffusion et à l’application effective de prix conseillés ainsi qu’à la mise en œuvre par Logo d’une politique d’encadrement des promotions tarifaires respectée par les distributeurs concernés.

Le contrat de licence conclu entre Fred et Logo

116. Les sociétés Fred Joaillier SA et Logo SA ont conclu, le 11 septembre 2009, un contrat de licence142, dont l’article 9, paragraphe 6, stipule : « Le Licencié sera responsable des conditions de vente des Produits, agissant en tant que commerçant indépendant ; cependant, il s’interdit toute formule de vente, de promotion, incompatible avec le renom et le prestige de la Marque »143.

117. Interrogé sur la notion de « formule de vente, de promotion, incompatible avec le renom et le prestige de la Marque », le directeur commercial de Logo SA a déclaré, le 26 juillet 2011 : « Nous faisons attention à que la marque ne soit pas dégradée par des remises supérieurs (sic) à 50 % et que le produit corresponde à l’image de la marque »144.

Les contrats de distribution sélective de TAG Heuer

118. Les contrats de dépositaire agréé signés par la société Logo SA et ses distributeurs les 3 mars 2002145, 17 novembre 2008146 et 20 mars 2009147 prévoient, via les clauses présentées dans le Tableau 14 ci-dessous, un encadrement des prix et des promotions pratiqués par ces distributeurs.

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4.19. « LE DÉTAILLANT AGRÉÉ s’engage à ne mener aucune politique de distribution, promotion, vente particulière sans en avoir avisé LOGO S.A, et en avoir obtenu par écrit son consentement. II est particulièrement spécifié que l’autorisation de distribution accordée par le présent accord ne concerne que la vente directe au consommateur en boutique, et exclu (sic) toute vente par correspondance, par Internet ou tout autre média électronique. »148.

7.1. « LOGO S.A. fournira au DÉTAILLANT AGRÉÉ une liste de prix conseillés à appliquer de préférence aux PRODUITS. LE DÉTAILLANT AGRÉÉ s’efforcera de s’y conformer, et s’engage à fournir une explication motivée en cas de variation de +/-5 % par rapport aux prix conseillés. »149.

7.2. « LE DÉTAILLANT AGRÉÉ admet qu’une variation de +/- 10 % pourrait potentiellement constituer un manquement sérieux à la politique qualitative de distribution décidée par les parties, et pourrait amener LOGO S.A à reconsidérer l’agrément de distribution. »150.

119. À cet égard, le directeur du référencement d’Alain Afflelou Franchiseur SAS a déclaré, lors de son audition du 15 novembre 2011 : « Si l’opticien veut faire de (sic) remises, promotions, des cadeaux, il faut qu’il prévienne Logo »151.

120. Interrogé à propos d’un contrat non signé contenant les clauses précitées, l’ex-responsable grands-comptes de la société Logo SA a reconnu le 13 juillet 2011 qu’il s’agissait du « contrat-type » entre les opticiens et Logo152.

121. Dans un courrier du 15 septembre 2011, Logo SA a, d’ailleurs, expressément reconnu avoir « pris conscience que son contrat type de dépositaire pourrait être amélioré pour mieux correspondre à la réalité qui vous a été décrite ainsi qu’aux prescriptions du Règlement N° 330/2010 » et a annoncé « finaliser un nouveau contrat type, que les représentants commerciaux auront pour mission de faire resigner à tous les dépositaires agréés au cours des 6 prochains mois »153. Le 10 novembre 2011, Logo a communiqué aux services d’instruction une copie non signée d’un document présenté comme le nouveau contrat type. Les clauses citées ci-dessus n’y figuraient plus et aucune clause n’évoquait les prix de vente de détail154.

122. Nonobstant ce supposé nouveau contrat type, il doit être relevé que l’article 7.1. d’un contrat signé le 30 avril 2014, soit postérieurement, par Logo SAS et un distributeur stipule toujours : « Logo SA fournira au DÉTAILLANT AGRÉÉ une liste de prix conseillés à appliquer de préférence aux PRODUITS »155.

La diffusion de listes de prix de revente conseillés

123. Plusieurs déclarations (voir le Tableau 15 ci-dessous) et documents attestent que Logo communiquait des prix conseillés à ses distributeurs.

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13 juillet 2011 « Nous communiquons aux opticiens les prix d’achat opticien et le prix de vente conseillé consommateurs depuis environ fin 2005. On communique des prix de vente conseillés pour toutes nos marques. Nous diffusons les prix de vente conseillés via les commerciaux qui ont des relations directes avec les opticiens ou via la centrale d’achat qui transmet aux opticiens cette information via Intranet ou lettre d’information. Nous calculons le prix de vente conseillé par rapport au positionnement du produit sur le marché et en prenant compte du coefficient moyen pratiqué par les opticiens. Ensuite, les opticiens sont libres de fixer leurs prix »156.

Directeur commercial de la société Logo SA

26 juillet 2011 « Nous appliquons des prix conseillés pour Tag Heuer et Fred. Le prix conseillés (sic) sont communiqués aux opticiens par les commerciaux sur document papier. Les prix de vente conseillés sont calculés en fonction des coefficients du marché (ces coefficients sont de 2.2 pour le solaire et 2.7 pour l’optique) »157.

124. Par ailleurs, le directeur général de la société Logo, responsable des lunettes TAG Heuer et Fred, a adressé à la société Alain Afflelou Franchiseur SA le 7 mars 2008 une liste de prix applicables à compter du 1er avril 2008 aux modèles de marque TAG Heuer, en indiquant, pour chaque modèle, un « retail price [prix de revente] »158.

Les procédés mis en place par Logo pour faire respecter les prix de vente conseillés 125. Figurent au dossier deux tableaux saisis lors des perquisitions qui ont eu lieu au siège de la société Logo SA, attestant de la surveillance des prix opérée par Logo.

126. Un premier tableau, daté de 2010 selon une mention manuscrite, présente le « prix actuel » de certains modèles de montures de lunettes portant la marque TAG Heuer159. Interrogé sur ce document, le directeur commercial de Logo SA a déclaré, lors de son audition du 26 juillet 2011, qu’il avait été réalisé pour TAG Heuer : « Ce tableau concerne le produit Panorama, un produit niche Tag Heuer. Ce type de produit concerne 1 % des ventes en France. Ce tableau a été élaboré pour le monde entier, y compris la France »160.

127. L’intéressé a par ailleurs explicité les expressions employées dans ledit tableau : « “Prix public” c’est la marge hypothétique de l’opticien. “Prix actuel” c’est un relevé de prix »161.

128. S’agissant enfin des conséquences d’une différence observée entre le « prix public » et le « prix actuel », le directeur commercial a indiqué : « On fait cette comparaison pour qu’on puisse communiquer un prix cohérent à l’opticien »162.

129. Un second tableau, non daté, comporte des colonnes intitulées respectivement « Retailer [détaillant] », « price [prix] » et « deviation [déviation] ». Les prix pour lesquels une déviation négative est constatée sont surlignés en rouge. Ce tableau porte par ailleurs le logo de la société Brand Weasel163, spécialisée dans la surveillance des prix et le suivi de l’application des politiques commerciales en ligne164. Le directeur commercial de Logo SA a déclaré, lors de son audition, que ce tableau avait été élaboré par le directeur général pour les lunettes TAG Heuer et Fred de Logo « pour recenser les remises affichées supérieures à 50 % sur des sites Internet qui ne sont pas agréés ».

130. S’agissant des conséquences d’une déviation observée, il a par ailleurs indiqué : « On surveille les sites. On essaie de réagir si les remises affichées sont supérieures à 50 %. Nos (sic) sommes, cependant, limités par le fait que la plupart de ces sites sont hébergés à l’étranger »165.

131. Il ressort, par ailleurs, de différentes déclarations au dossier que Logo intervenait auprès des opticiens lorsqu’elle constatait que des remises étaient pratiquées sur les produits de marque TAG Heuer (voir le Tableau 16 ci-dessous).

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Le respect des consignes de Logo s’agissant de l’interdiction des promotions

132. Les marques de Logo ont été exclues des opérations promotionnelles organisées par Alain Afflelou, GrandVision et Grand Optical.

133. S’agissant, d’abord, des opérations « La moitié de votre monture à l’œil » et « Moitié prix sur les montures » organisées ou envisagées par Alain Afflelou, un courrier d’Alain Afflelou aux opticiens du réseau pour l’opération « la moitié de votre monture à l’œil » de novembre 2006 à février 2007 indiquait : « Les montures Bulgari, Cartier, Chanel, Dolce & Gabbana, Fred, Montblanc, Oakley, Prada, Versace faisant l’objet d’un contrat dit de distribution sélective, nous ne sommes pas autorisés à effectuer ce type d’opération sur ces marques. En conséquence, le prix total TTC de la facture ne pourra jamais être inférieur au prix TTC affiché sur la monture de la dite marque »171. 134. Deux documents d’Alain Afflelou, intitulés « conditions d’application de l’offre » et concernant l’opération « la moitié de votre monture à l’œil », portent une mention similaire172.

135. Le premier document mentionne : « Les montures des marques suivantes : Bulgari, Cartier, Chanel, Dolce & Gabbana, Fred, Montblanc, Oakley, Prada, Versace font l’objet d’un contrat dit de distribution sélective ne nous autorisant pas à effectuer ce type d’opération. En conséquence, le prix total de la facture ne pourra jamais être inférieur au prix affiché de la monture pour ces marques uniquement »173.

136. Le second porte la mention suivante : « Les montures des marques suivantes : […] Fred […] font l’objet d’accords particuliers ne nous autorisant pas à effectuer ce type d’opération. En conséquence, le prix total de la facture ne pourra jamais être inférieur au prix affiché de la monture, pour ces marques »174.

137. En outre, il ressort du courriel envoyé par un responsable marketing opérationnel d’Alain Afflelou au directeur du référencement d’Alain Afflelou Franchiseur le 10 avril 2008 que : « Dans le cadre de l’opération « Monture à moitié prix », calée en fin 2007 mais qui n’a pas été mise en place, un certain nombre de marques étaient exclues en vertu du contrat de distribution sélective : […] Fred […] Tag Heuer »175.

138. Enfin, dans le guide pour la campagne Alain Afflelou relatif à l’opération « Moitié prix sur les montures » menée du 29 mai 2008 au 31 juillet 2008, et destiné aux boutiques de l’enseigne, il est indiqué : « Nous vous rappelons, en outre, que sont exclues de cette opération : • les montures dont la marque fait l’objet d’un contrat de distribution sélective ne nous autorisant pas ce type d’opération ([…] Fred, […] Tag Heuer, […]) »176.

139. S’agissant, ensuite, de l’opération « Pourcent’age » de l’enseigne GrandVision, une responsable marketing produits de Grand Optical indique, dans un courriel du 22 septembre 2006 à destination d’une employée de GrandVision, une liste de marques, dont TAG Heuer et Fred, dont les lunettes optiques sont exclues de l’opération177.

140. Cette même responsable a indiqué à d’autres employés de GrandVision, dans un courriel du 7 décembre 2006 dont l’objet est « Positions fournisseurs Ope % 2007 » : « - Exclusion des marques avec contrat sélectif : CHANEL, OAKLEY, TAG HEUER […] NB : Certaines marques ne se sont (anormalement) pas manifestées pendant l’opé % (ex fendi (sic), qui est en distribution sélective…) donc bien sûr nous ne les excluons pas mais nous serons peut être confrontés à des problématiques nouvelles lors des prochaines opérations qu’on gèrera au cas par cas. »178.

141. Enfin, un échange de courriels du 20 mars 2009 entre des employés de Grand Optical indique : « voici le message a (sic) adresser aux dm [directeurs de magasin179] pour réexpliquer les règles de bases et qu’ils devront conserver pour couverture, je doublerai d’un appel tel RS [responsable secteur] pour donner le sens sur Chanel afin de ne pas faire d’impair. »180.

142. Le message en cause était le suivant : « Dans le cadre du respect des contrats de distribution qui nous lient à certains fournisseurs nous vous rappelons que vous ne devez effectuer aucune remise sur les montures exclues de l’opération pourcentage (ex Chanel, Cartier etc). Merci de veiller au bon respect de cette règle »181.

143. S’agissant, enfin, de l’opération SMS de Grand Optical, un document saisi dans les locaux de cette entreprise et relatif à l’opération effectuée du 15 au 24 février 2008 précise : « Offre 1 : 41693 sms reçus “ 25 % de remise pour l’achat d’une paire de lunettes de soleil (hors Chanel, Cartier, Fred, Oakley, et Tag Heuer)” »182.

f) S’agissant des ententes entre Dior et Safilo

144. Les griefs notifiés à Dior et Safilo s’agissant des ententes entre ces deux sociétés sont synthétisés dans le Tableau 17 ci-dessous.

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145. Plusieurs types de pièces sont mentionnés au soutien de ces pratiques. Il s’agit, tout d’abord, des trois contrats de licence conclus entre Dior et Safilo pour les périodes 2002 à 2008183, 2004 à 2010184 et 2010 à 2017185, dont plusieurs clauses prévoient l’obligation, pour Safilo, de veiller au respect, par ses distributeurs agréés, de l’image de marque de Dior, et ce par différents moyens, dont l’interdiction de mentionner les rabais appliqués pendant les périodes de soldes autorisées186, l’interdiction des soldes en dehors des périodes légales187, le respect du positionnement des produits188, l’interdiction des promotions ou politiques commerciales « susceptibles de porter atteinte à la sensation de luxe des produits »189 (traduction libre), et l’engagement des distributeurs agréés à respecter l’image de marque des produits190.

146. Il s’agit, par ailleurs, de plusieurs courriels et documents – le plus récent remontant au 19 mai 2009 et indiquant « je ne suis pas trop pour attribuer de la plv [publicité sur le lieu de vente] à un réseau qui n’est pas en phase avec notre politique tarifaire. »191 – qui attestent de la surveillance et des interventions réalisées par Dior et Safilo s’agissant des prix192 et des promotions193 pratiqués par les opticiens pour les produits de marque Dior.

g) S’agissant des ententes entre Safilo et l’ensemble ou certains de ses distributeurs

147. Les griefs notifiés à Safilo s’agissant d’ententes avec ses distributeurs sont synthétisés dans le Tableau 18 ci-dessous.

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148. Les pièces invoquées à l’appui des griefs notifiés à Safilo consistent, d’une part, en des courriels échangés entre Safilo et des distributeurs194 et, d’autre part, en des documents internes de Safilo195, ces deux types d’éléments attestant de la surveillance conjointe, par Safilo et ses distributeurs, de la politique tarifaire du réseau de distribution et de l’exclusion, à la demande de Safilo, des produits de marque des opérations promotionnelles. La pièce la plus récente est un courriel à Optical Center du 13 juillet 2010 du responsable de la marque Dior chez Safilo196 présentant le bilan d’un audit, et indiquant : « 4. Conditions liées à la détention de la marque Dior. Conditions qualitatives

a. Pas de discount affichés hors périodes légales de soldes. S’agissant d’une marque de luxe, l’image est directement liée au respect du positionnement prix. Il s’agit d’un point primordial pour la maison Dior. »197.

149. Figurent également au dossier des déclarations d’opticiens d’octobre 2011 et de novembre 2012, selon lesquelles Safilo communiquait des prix conseillés198 et demandait que les produits de la marque Dior soient exclus des opérations commerciales199.

h) S’agissant des ententes entre Maui Jim et ses distributeurs ou l’un d’entre eux

150. Les griefs notifiés à Maui Jim sont synthétisés dans le Tableau 19 ci-dessous.

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151. Les éléments cités à l’appui du grief notifié le 13 février 2015 sont la clause 6 des conditions générales de vente de Maui Jim, en vigueur de 2000 à 2006 – imposant aux distributeurs le respect des prix conseillés200 – ainsi que certaines déclarations d’opticiens201 et des courriels échangés entre Maui Jim et ses distributeurs202, qui corroborent le contrôle par Maui Jim de la politique tarifaire des opticiens.

152. Le grief notifié le 28 mars 2019 s’appuie sur les déclarations d’un distributeur recueillies le 27 septembre 2018, selon lesquelles Maui Jim lui aurait demandé, par téléphone et de manière répétée depuis 2015, d’augmenter ses prix, sous peine de mesures de représailles203. L’intéressé a fourni, à l’appui de ses déclarations, un courriel du 10 février 2018 du directeur commercial de Maui Jim, reproduit ci-dessous, faisant suite à un appel téléphonique de février 2018 lui demandant d’augmenter le prix de vente en ligne de ses produits, sous peine de maintenir la suspension de livraison en cours ou de bloquer son compte : « A la suite de notre conversation de jeudi voici la liste des prix qui doit être immédiatement mise en place sur le site internet. Je vérifierai mardi. »204.

i) S’agissant de l’entente entre Chanel et Luxottica

153. Le grief notifié à Chanel et Luxottica est synthétisé dans le Tableau 20 ci-dessous.

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154. Ce grief s’appuie exclusivement sur les contrats de licence de marque conclus les 5 mai 1999, 16 février 2004, 30 janvier 2008 et 24 juillet 2014, par lesquels Chanel a confié à Luxottica la fabrication des lunettes de marque Chanel et leur distribution par le biais d’un réseau de distribution sélective.

155. Ces contrats prévoient que Luxottica doit mettre en place un réseau de distribution conforme à la stratégie de distribution sélective de Chanel et que le contrat conclu entre Luxottica et les détaillants agréés doit être substantiellement identique au contrat standard de distribution sélective figurant en annexe (voir le Tableau 21 ci-dessous).

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156. Par ailleurs, les articles 1.6.3 et 1.13.5. de ce contrat standard interdisent aux détaillants de pratiquer toute forme de vente qui serait incompatible avec le prestige de la marque et leur imposent de recueillir l’accord écrit de Luxottica préalablement à toute utilisation de la marque, notamment à titre publicitaire ou promotionnel (voir le Tableau 22 ci-dessous).

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j) S’agissant des ententes entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs ou certains d’entre eux

157. Les griefs notifiés à Luxottica s’agissant d’ententes avec ses distributeurs visant à restreindre leur liberté tarifaire sont synthétisés dans le Tableau 23 ci-dessous.

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158. Ces griefs s’appuient, d’une part, sur les pièces du dossier attestant, de la part de Luxottica, de la communication de prix et de coefficients conseillés aux distributeurs, de divers mécanismes d’incitation à l’application de ces prix, de la surveillance des pratiques tarifaires des détaillants et d’interventions et de sanctions à l’encontre de ceux qui ne respectaient pas ses consignes tarifaires. Ils reposent, d’autre part, sur les pièces du dossier montrant que les opticiens surveillaient les pratiques tarifaires de leurs concurrents, en informaient Luxottica et appliquaient les consignes que cette dernière leur communiquait (voir les paragraphes 159 et suivants ci-après). La diffusion de prix conseillés

159. Les pièces du dossier attestent que Luxottica communiquait des « prix conseillés » à ses distributeurs, soit directement, soit sous la forme de coefficients multiplicateurs qui permettaient de les calculer.

a. La diffusion directe de prix conseillés 160. Il ressort des déclarations des représentants de Luxottica et des distributeurs, ainsi que de nombreux autres documents figurant au dossier, que Luxottica déterminait des « prix conseillés » qu’elle diffusait à ses distributeurs.

• L’élaboration de prix conseillés 161. La détermination par Luxottica de prix conseillés est attestée par plusieurs types de documents. 162. Ainsi, des tableaux intitulés « Pricing proposal July 2009 », saisis chez Luxottica, listent des prix de vente au détail sous la dénomination « € retail » pour les marques Prada214, Bulgari215, Burberry216, D&G217, Versace218 et Dolce & Gabbana219.

163. Des courriels internes à Luxottica attestent également de l’élaboration d’une liste de prix de vente au détail pour les montures de lunettes de vue et les lunettes solaires de la marque Oakley.

164. À cet égard, un courriel interne à Luxottica du 22 avril 2008 indique : « Nous prévoyons de réviser la liste des prix OO RX [un modèle de lunette Oakley]. La réduction moyenne sera de l’ordre de 12 à 14 % sur la base de la liste de prix actuelle. Nous croyons que cette réduction de prix est nécessaire pour réaligner le positionnement des produits et des ventes OO RX et favoriser ainsi les ventes (comme vous tous aviez prévu dans le plan que vous avez fait pour Oakley). La réduction affectera tous les modèles (nouveaux et existants) et vous trouverez les nouveaux prix dans le "commissione copia" [liste de prix] qui sera imprimée dans les prochains jours. Nous aimerions vérifier avec vous la possibilité de fixer une « date de validité » pour la nouvelle liste de prix (probablement pour le modèle existant, vous devriez envisager de quelques semaines / mois pendant lesquels l’ancienne liste de prix sera toujours valable, ce qui limite les plaintes des clients) »220 (traduction libre).

165. La nouvelle liste de prix mise en place est jointe à un courriel interne à Luxottica du 28 avril 2008221, à propos duquel les représentants de Luxottica entendus le 11 juillet 2011 ont confirmé qu’il comporte des prix de vente au détail : « PubblicoItalia-Europa correspond au prix de détail estimé en appliquant le coefficient du marché sur nos prix de gros. »222. Si ces représentants ont, par ailleurs, indiqué que ce document constituait « un document interne destiné à tous les pays d’Europe. »223 , le courriel du 22 avril 2008, précité, We believe that this price reduction is necessary to realign the market positioning of OO RX products and thus foster sales (as ail of you forecasted in the plan you did for Oakley). The reduction will affect all models (new and existing) and you will find the new prices in the "copia commissione" that will be printed in the coming days. We would like to check with you the opportunity to set a "validity date" for the new price list (i.e. probably for existing model you should consider some weeks/months during which the old price list will be still valid, limiting complaints from customers). » ; voir cote 10804. évoque toutefois la réaction potentielle des distributeurs à sa modification – « ce qui limite les plaintes des clients »224.

166. De surcroît, un document saisi chez Luxottica – qui présente les « best sellers optique » ainsi que les « best sellers solaire » pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2009 – mentionne un « prix public indicatif » par modèle pour les marques Bulgari, Persol, Prada, Dolce & Gabbana, Ralph Lauren, Polo Ralph Lauren, Versace, Burberry, Vogue, Ralph, Miu Miu, D&G et Ray-Ban225.

167. Enfin, une présentation de Luxottica Group relative à la marque Ray-Ban, datée du 25 août 2008226, mentionne des « prix de vente publics conseillés », tant pour les montures de lunettes solaires que pour les montures de lunettes optiques227.

168. Les représentants de Chanel Coordination entendus le 21 mai 2013 ont confirmé que Luxottica élaborait des « prix conseillés » : « en fonction du produit, de son coût de fabrication et du positionnement marketing que Chanel souhaite donner à ce produit, Luxottica propose un prix recommandé pour lequel nous donnons notre accord. Ensuite, c’est à Luxottica de transmettre ces prix recommandés aux distributeurs. »228. 169. Cette déclaration a été corroborée par les représentants de Chanel SAS, qui ont indiqué, le 12 juillet 2013 : « Le niveau des prix conseillés est établi par l’équipe de Monsieur T... en collaboration avec Luxottica. Je n’en sais pas plus à ce propos. […] En théorie les prix conseillés sont toujours communiqués aux opticiens »229.

170. Ces déclarations attestent non seulement que Luxottica élaborait des « prix conseillés » mais également qu’elle les communiquait à ses distributeurs, ce qui ressort également des pièces citées ci-après.

• La diffusion de prix conseillés

171. Les déclarations des représentants de Luxottica attestent qu’elle a communiqué des « prix conseillés » à ses distributeurs pour les produits des marques Chanel et Ray-Ban. En outre, il se déduit des pièces et des déclarations des distributeurs, citées ci-après, que Luxottica a également communiqué de tels prix pour ses autres marques.

172. À cet égard, il ressort, en premier lieu, des déclarations des représentants de Luxottica, ainsi que des documents qu’ils ont communiqués aux services d’instruction, que Luxottica a diffusé des « prix conseillés » à ses distributeurs pour les produits des marques Chanel et Ray-Ban.

173. S’agissant de la marque Chanel, les représentants de Luxottica ont indiqué, lors d’une audition du 11 juillet 2011 : « Nous établissions des prix conseillés pour la marque Chanel depuis 1999, les derniers sont sortis au printemps 2010 »230. Dans un courriel du 4 décembre 2013, les conseils du fabricant ont précisé : « Luxottica France a cependant retrouvé deux types de documents marketing établis avec Chanel en 2010, 2011 et 2012 qui comprennent des prix de vente conseillés pour certains produits. Il s’agit, d’une part, de documents listant les 10 produits Chanel les plus vendus dans le monde par Luxottica aux détaillants (Annexe 1) et, d’autre part, de documents présentant des collections capsules (Annexe 2). Les représentants Chanel de Luxottica peuvent remettre ces documents aux distributeurs agréés lors de leurs visites. »231.

174. S’agissant de la marque Ray-Ban, les représentants de Luxottica ont déclaré, lors de l’audition du 11 juillet 2011 précitée : « Pour Ray-Ban solaire nous avons publié la dernière liste de prix de vente conseillés en 2004 et nous l’avons fait entre 1999 et 2004. Nous n’avons jamais eu de prix conseillé Ray-Ban pour l’optique. Pour Chanel on communiquait les prix conseillés avec le catalogue des produits sous forme de feuillet distinct et c’était pareil pour Ray-Ban. »232.

175. À cet égard, les conseils de Luxottica ont communiqué aux services d’instruction, le 4 décembre 2013, les catalogues publiés entre octobre 2003 et janvier 2006233 mentionnant les prix de vente conseillés de lunettes de soleil et de montures de lunettes de vue de la marque234.

176. S’agissant, en revanche, des autres marques distribuées par Luxottica, les représentants de Luxottica ont déclaré, lors de l’audition du 11 juillet 2011, précitée, que Luxottica n’avait pas diffusé de « prix conseillés » : « Nos clients ont accès au catalogue sur un Extranet, ils n’ont accès qu’au prix de gros »235. Selon eux, cette diffusion n’était pas nécessaire, faute de demande en ce sens des opticiens236.

177. Il ressort toutefois, en second lieu, de dix courriels du 12 décembre 2005 au 25 mai 2009, cités dans le Tableau 24 ci-dessous, que Luxottica échangeait avec ses distributeurs au sujet des « prix conseillés », non seulement pour les marques Chanel et Ray-Ban, mais également pour d’autres marques, telles que Persol, DKNY et Vogue.

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178. En troisième et dernier lieu, seuls deux des distributeurs interrogés ont indiqué ne pas avoir reçu de « prix conseillés », trente autres ayant, au contraire, confirmé avoir reçu de tels prix de la part de Luxottica.

179. Ainsi, d’une part, le gérant de la SARL Optique Saint-Agne, qui commercialise des produits des marques de Luxottica, a déclaré, le 27 janvier 2012 : « Aucune préconisation sur les prix de revente ne nous est communiquée »247. En outre, le président de la SAS Réunivest a indiqué, le 18 septembre 2013, « Non. Je n’en ai pas le souvenir [de recevoir des prix conseillés]. Nous avons toujours choisi nos prix de vente »248.

180. D’autre part, trente déclarations d’opticiens, recueillies entre le 10 octobre 2005 et le 13 décembre 2013, confirment que Luxottica communiquait des « prix conseillés » à ses distributeurs, non seulement pour les marques Chanel et Ray-Ban, mais également pour d’autres marques, telles qu’Oakley, Prada et Bulgari. Selon ces déclarations, la diffusion de ces « prix conseillés » a pris plusieurs formes : si certaines indiquent que Luxottica remettait à ses distributeurs des livrets ou des plaquettes comportant de tels prix, d’autres attestent que ces prix étaient communiqués aux opticiens le plus souvent à l’oral par Luxottica ou ses représentants (voir le Tableau 25 ci-dessous).

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b. La diffusion de prix conseillés par le biais de coefficients multiplicateurs

181. À titre liminaire, il convient de souligner que de nombreuses pièces du dossier attestent que des coefficients étaient couramment utilisés dans le secteur de l’optique-lunetterie afin de déterminer les prix de détail à partir des prix d’achat auprès des fabricants279. Sur ce point, un opticien anonyme a notamment déclaré, le 13 octobre 2011 :

« Il y a un coefficient historique qui existe sur le marché sans doute mis en place par les fournisseurs il y a une trentaine d’années. »280.

182. Plusieurs documents attestent, par ailleurs, que Luxottica utilisait de tels coefficients, notamment pour communiquer des « prix conseillés ». Ainsi, dans un courriel du 4 décembre 2013 aux services d’instruction, les conseils de Luxottica ont indiqué que le fabricant avait pu, dans certaines circonstances, rappeler aux détaillants « les coefficients habituellement pratiqués dans le secteur » :

« Luxottica France a pu, à quelques occasions, en règle générale à la demande des détaillants, leur rappeler les coefficients habituellement pratiqués dans le secteur, à savoir entre 2 et 2,2 pour le solaire et entre 2,5 et 2,8 pour l’optique. En revanche, Luxottica France ne précisait jamais sur quel prix l’appliquer »281.

183. En outre, selon une étude réalisée par un représentant de Safilo au printemps 2009 à partir de déclarations d’opticiens sur la distribution de la marque Chanel282, il ne s’agissait pas, de la part de Luxottica, d’indications ponctuelles d’un prix de marché, mais de coefficients recommandés visant à maintenir un prix homogène au sein de son réseau de distribution :

« Stratégie de distribution […]

L’aspect qualitatif se base sur plusieurs critères à respecter pour continuer à avoir la marque : […]

-Maintenir un prix homogène préconisé par Luxottica […]

Stratégie de prix […]

Les prix d’achats sont similaires à la marque Dior la moyenne allant de 90 à 120 E La différence se fait sur les coefficients recommandés par Luxottica.

Le coefficient sur le solaire est de 2.4 (info 2.35 en septembre dernier) contre 2.2 pour la marque Dior. Par contre, le coefficient sur l’optique est quasi similaire à Dior étant de 2.8. (attention Coef Dior reco = 2.6 à vérifier)

Chanel a une politique de prix élevés voulant rendre leur marque sélective avec un prix supérieur à la marque Dior »283.

184. Cette étude est corroborée par plusieurs pièces du dossier. Ainsi, un document relatif à la marque Sféroflex, intitulé « Luxottica Sferoflex Sophia Antipolis, juin 2009 » – qui précise l’équivalence entre les coefficients et les prix publics, après avoir évoqué la possibilité d’une « Hausse de la marge pour l’opticien » : « Coefficient 4,5 = 90 € - 94 € prix public »284 – atteste que Luxottica utilisait de tels coefficients. Par ailleurs, trois courriels et quatre déclarations d’opticiens attestent que Luxottica utilisait ces coefficients pour conseiller des prix de revente de ses produits. 185. S’agissant, en premier lieu, des courriels, le 19 mai 2009, la directrice marketing de Luxottica France fait état, dans un échange interne, de prix indicatifs, tels que calculés avec un « coefficient conseillé ». En effet, à propos des prix relevés chez un opticien par un de ses collègues – dont un prix de 118 € pour les modèles Clubmaster et Wayfarer de Ray-Ban, elle indique : « Clubmaster à partir de 56.1 € HT => 130 € TTC indicatif (coeff 2.32) Wayfarer à partir de 56.1 € HT => 130 € TTC indicatif (coeff 2.32) Donc lui applique plutôt un coeff de 2.1 »285.

186. Interrogés sur cet échange, le 11 juillet 2011, les représentants de Luxottica ont indiqué : « [la directrice marketing] donne les prix indicatifs sur Ray-Ban tel que calculés avec le coefficient qui était conseillé jusqu’en 2004 »286.

187. Par ailleurs, le 3 février 2006, une employée de Luxottica a communiqué au directeur du référencement d’Alain Afflelou Franchiseur, à sa demande, « les coefficients pour les marques Luxottica », en précisant « A priori ces coefficients n’ont pas changé depuis 2002 ». En particulier, elle a indiqué des coefficients généraux pour les lunettes optiques, d’une part, et les lunettes solaires, d’autre part, ainsi que des coefficients spécifiques à certaines marques comme Chanel, Ray-Ban, Prada, Miu Miu, Jil Sander, Dolce & Gabbana et D&G287.

188. Enfin, le 19 mai 2009, un cadre de Luxottica a précisé à l’un de ses collègues – qui lui demandait si les prix pratiqués par un opticien étaient « corrects[s] » – que les prix sont établis par le biais de coefficients : « Les prix que nous donnons par le biais des coefficients multiplicateurs sont « conseillés » »288.

189. S’agissant, en second lieu, des déclarations, quatre opticiens ont indiqué, entre le 7 février 2007 et le 18 septembre 2013, que Luxottica conseillait des prix à ses distributeurs en utilisant des coefficients multiplicateurs (voir le Tableau 26 ci-dessous).

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Les incitations à appliquer les prix et coefficients diffusés

190. Il ressort des pièces du dossier que Luxottica, dont la stratégie consistait à maintenir des prix homogènes au sein de son réseau de distribution, considérait que les opticiens devaient respecter un certain niveau de prix lors de la vente au détail des produits de ses marques.

191. À cet égard, outre l’étude réalisée par un représentant de Safilo au printemps 2009, citée au paragraphe 183 ci-avant293, figure au dossier une déclaration des représentants de GADOL du 20 septembre 2011, selon laquelle : « Pour Chanel, Luxottica peut avoir dans ses tarifs des prix de vente conseillés. […] [Les fabricants qui nous communiquent de tels prix conseillés] considèrent que leurs marques, pour être sauvegardées et défendues nécessitent, à tort ou à raison, un certain niveau de prix, au regard de leur image de marque »294.

192. En outre, il ressort d’un courriel du directeur commercial de Luxottica du 7 octobre 2008 que celui-ci considérait qu’il existait un prix « fixe » pour les produits « best de la décennie » : « Le colorize et way farer / Ray Ban c’est top, comme le 501, la GOLF, il y a un prix "fixe" pour les produits best de la décennie le prix c’est 129 Euros pour nous »295.

193. Enfin, trois courriels de Luxottica attestent qu’elle n’a pas renoncé à inciter ses détaillants à pratiquer des prix conformes à ceux qu’elle leur communiquait, alors même qu’elle savait que ces pratiques pouvaient être contraires au droit de la concurrence en vigueur (voir le Tableau 27 ci-dessous). Ces courriels attestent en effet, d’une part, que le fabricant ne s’estimait obligé ni de « collaborer », ni de fournir les « moyens moteurs »296 aux opticiens pratiquant des prix bas et, d’autre part, qu’il tentait, avec l’aide de certains distributeurs, de convaincre ces opticiens de pratiquer des prix élevés, en prenant soin, toutefois, d’effacer les traces écrites des échanges correspondants, compte-tenu du risque juridique identifié.

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194. La mise en place, par Luxottica, de divers mécanismes visant à inciter ses distributeurs à appliquer les prix qu’elle leur indiquait se déduit de plusieurs pièces du dossier. D’une part, Luxottica a conclu, pour certaines de ses marques, des contrats et chartes de détaillant agréé, qui étaient interprétés par ses distributeurs comme leur imposant le respect d’un certain niveau de prix. D’autre part, elle a demandé à ses distributeurs de pratiquer des prix conformes à ceux qu’elle leur diffusait, en leur interdisant certaines communications, remises et opérations promotionnelles, en raison des prix mentionnés ou pratiqués. Ces comportements seront examinés successivement aux paragraphes 195 et suivants ci-après.

a. Les contrats de distribution de Luxottica 195. Figurent au dossier des contrats de distribution sélective pour les marques Oakley, Persol, Chanel, Prada, Dolce & Gabbana, Bulgari, Versace, Burberry, Ray-Ban, Oakley et Persol, dont les stipulations sont détaillées ci-dessous.

• Les contrats de détaillant agréé pour la marque Oakley

196. Figurent au dossier un contrat de détaillant signé par Luxottica et un distributeur en 2011300, ainsi que plusieurs contrats similaires non-signés, communiqués par Optical Center, un membre du Syndicat des Opticiens de la Réunion (SOR), Alain Afflelou et Luxottica, datés respectivement des 13 juillet301, 7 novembre302, 30 novembre303 et 5 septembre 2011304.

197. L’article 4 de ces contrats stipule : « Toute forme de publicité ou autre forme de communication commerciale, notamment, sans que ce soit limitatif, par prospectus, affiche ou sur le site Internet, ne peut être effectuée qu’avec l’accord préalable et écrit du DISTRIBUTEUR OAKLEY. L’accord ne peut être refusé sans raison et est fondé sur le respect des Critères de Qualité. »305.

198. L’article 5 précise : « Le Contrat […] se renouvelle pour des périodes successives d’une (1) Année civile Contractuelle à moins que l’une ou l’autre des parties indique sa volonté de ne pas le renouveler, par une Notification adressée au moins soixante (60) jours avant l’expiration de l’Année civile Contractuelle en cours »306.

• Les contrats de détaillant agréé pour la marque Persol 199. Figure au dossier un contrat de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes et lunettes de soleil portant la marque Persol signé par Luxottica et un distributeur respectivement les 24 février et 27 mars 2012307.

200. L’article 7-5 de la fiche d’agrément du point de vente annexée à ce contrat stipule : « Les opérations publicitaires et de communication, dans leur contenu et leur diffusion, devront être compatibles avec l’image des Produits et de la Marque. Les épreuves des annonces ainsi que les supports de diffusion des publicités devront faire l’objet d’un accord écrit préalable de LUXOTTICA. Le contrôle ainsi réalisé par LUXOTTICA sur les publicités effectuées par le Détaillant Agréé a pour seul objet de vérifier la conformité du projet à l’image de la Marque et des Produits. Il ne saurait entraver sa liberté de fixer ses prix de vente aux consommateurs. Il ne saurait non plus constituer une validation juridique de l’opération au regard des règles du droit de la consommation ou de la promotion des ventes, le Détaillant Agréé devant s’assurer de leur parfait respect et s’entourer de tout conseil nécessaire en la matière »308.

201. En vertu de l’article 10-1 du contrat précité : « L’agrément est consenti pour une durée indéterminée. De ce fait, chacune des parties pourra y mettre fin quand elle le souhaite sous réserve d’informer l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception avec un préavis de 3 mois »309.

• Les contrats de détaillant agréé pour la marque Chanel

202. Onze contrats de détaillant agréé Chanel signés par Luxottica et des détaillants entre le 16 mars 2000 et le 19 octobre 2012 ont été versés au dossier310. Ont également été versés au dossier deux autres contrats, datés des 4 avril 2013311 et 10 octobre 2014312, sur lesquels figure le nom des distributeurs concernés, mais qui ne sont pas signés. 

203. L’ensemble de ces contrats se réfèrent explicitement aux contrats de licence conclus entre les sociétés Chanel et Luxottica313, qui engagent Luxottica à conclure, avec ses distributeurs, des contrats de détaillant agréé conformes à un contrat type qui leur est annexé, ainsi qu’il ressort du Tableau 21 ci-avant. Les dispositions des contrats de détaillant agréé conclus entre Luxottica et ses distributeurs correspondent à celles du contrat type précité (voir le Tableau 28 ci-dessous).

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204. En vertu de leur article 4, ces contrats sont reconduits tacitement, sauf résiliation anticipée318.

• Les chartes de détaillant agréé pour les marques Prada et Prada Linea Rossa

205. Figurent au dossier cinq chartes de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes et lunettes de soleil portant les marques Prada et Prada Linea Rossa signées par

Luxottica et un distributeur, les 30 octobre 2006319, 4 avril 2007320, 29 décembre 2008321, 30 juin 2009322 et 10 juillet 2009323.

206. Les chartes datées du 4 avril 2007, du 30 juin 2009, et l’amendement du 16 février 2012 à la première de ces chartes ont été communiqués à l’Autorité par Luxottica. Celle-ci a indiqué qu’elles correspondaient respectivement aux versions des chartes mises en place à compter du 20 janvier 2007 pour les petits points de vente, du 7 février 2007 pour les autres points de vente et du 19 janvier 2012 pour les petits points de vente.

207. Figurent également au dossier plusieurs chartes de détaillant agréé non signées324, dont une du 25 mars 2014 communiquée par Luxottica, et qui, selon celle-ci, correspond à la version mise en place à compter du 1er janvier 2013 pour tous les points de vente325.

208. Selon Luxottica, la principale différence entre les différentes versions mentionnées dans le Tableau 29 ci-dessous porte sur l’article 6 de ces contrats, relatif au nombre minimum de pièces à commander et à la représentativité des collections326.

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209. Enfin, en vertu de l’article 16 des chartes conclues à partir de 2007, l’agrément est consenti à compter de la date fixée dans la fiche d’agrément pour une durée indéterminée330.

• Les chartes de détaillant agréé pour la marque Dolce & Gabbana 210. Figurent au dossier six chartes de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes et lunettes de soleil portant la marque Dolce & Gabbana signées par Luxottica et un distributeur, datées des 30 octobre 2006331, 4 juillet 2007332, 5 mars 2008333, 15 juillet 2008334, 10 juillet 2009335 et 8 février 2011336.

211. Les articles 8, paragraphe 4, 10, paragraphe 1, et 16 de ces chartes sont identiques à celles des chartes de détaillant agréé pour les marques Prada et Prada Linea Rossa conclues aux mêmes périodes337 (voir le Tableau 29 et le paragraphe 209 ci-dessus).

212. Les chartes des 15 juillet 2008 et 8 février 2011 ont été communiquées aux services d’instruction par Luxottica. À leur propos, le fabricant a indiqué, dans un courriel adressé aux services d’instruction le 18 août 2014, qu’il s’agissait des versions de chartes successivement mises en place respectivement à compter du 19 mars 2008 et du 1er août 2008. Il a, en outre, précisé que la principale modification intervenue porte sur l’article 6 de ces contrats, relatif au nombre minimum de pièces à commander et à la représentativité des collections338.

213. Dans un courriel du 18 août 2014 adressé aux services d’instruction, Luxottica a précisé : « La version du 1er août 2008 a été en vigueur jusqu’en 2013. Depuis, il n’existe plus de contrat de détaillant agréé pour la marque Dolce & Gabbana. »339.

• Les chartes de détaillant agréé pour la marque Bulgari

214. Figurent au dossier trois chartes de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes et lunettes de soleil portant la marque Bulgari signées par Luxottica et un distributeur, les 30 octobre 2006340, 16 mai 2008341 et 14 mars 2012342. Luxottica a également fourni une charte non signée du 8 octobre 2008343.

215. Les articles 8, paragraphe 4, 10, paragraphe 1 et 16 de ces chartes sont identiques à celles des chartes de détaillant agréé pour les marques Prada et Prada Linea Rossa conclues aux mêmes périodes344 (voir le Tableau 29 et le paragraphe 209 ci-avant).

• Les chartes de détaillant agréé pour les marques Versace et Versus

216. Figure au dossier une charte de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes et lunettes de soleil portant les marque Versace et Versus signée par Luxottica et un distributeur le 30 octobre 2006345.

217. Les articles 8, paragraphe 4346, 10, paragraphe 1347, et 16348 de cette charte sont identiques à ceux de la charte relative aux produits Prada et Prada Linea Rossa du 30 octobre 2006 (voir le Tableau 29 et le paragraphe 209 ci-avant).

218. Interrogés sur les éventuelles modifications apportées postérieurement à cette charte, les conseils de Luxottica ont indiqué aux services d’instruction, par un courriel du 18 août 2014 : « Il n’existe pas de charte de détaillant agréé Versace/Versus. Dans le passé, Luxottica France a conclu avec la centrale d’achat Afflelou (i) un contrat cadre de référencement et (ii) des contrats cadres (dits « charte de détaillant agréé ») par marque (dont Versace/Versus). Toutefois, ces contrats cadres n’ont jamais été effectivement mis en place ni exécutés par les parties »349.

219. Ils ont, par ailleurs, communiqué un courrier envoyé par le directeur commercial de Luxottica France à Alain Afflelou le 14 novembre 2007, qui indique que la charte de détaillant agréé signée par ce distributeur pour la marque Versace serait résiliée350.

• Les chartes de détaillant agréé pour la marque Burberry

220. Figure au dossier une charte de détaillant agréé par Luxottica pour la distribution des montures de lunettes et lunettes de soleil portant la marque Burberry signée par Luxottica et un distributeur le 30 octobre 2006351.

221. Les articles 8, paragraphe 4352, 10, paragraphe 1353, et 16354 de cette charte sont identiques à ceux de la charte relative aux produits Prada et Prada Linea Rossa du 30 octobre 2006 (voir le Tableau 29 et le paragraphe 209 ci-avant).

222. Interrogés sur les modifications apportées postérieurement à ces chartes, les conseils de Luxottica ont apporté les mêmes précisions que celles mentionnées ci-avant pour les marques Versace et Versus. Par ailleurs, le courrier du 14 novembre 2007, précité (voir le paragraphe 219 ci-avant), indique également que la charte relative à la marque Burberry serait résiliée.

• Les chartes de détaillant agréé pour la marque Ray-Ban

223. Figurent au dossier trois chartes de détaillant agréé pour la distribution des lunettes solaires et montures de lunettes de vue portant la marque Ray Ban signées par Luxottica et un distributeur et datées des 30 octobre 2006355, 28 décembre 2010356 et 12 mars 2012357, ainsi qu’une charte signée en 2013358.

224. Les articles 8, paragraphe 4359, 10, paragraphe 1360, et 16361 de la charte du 30 octobre 2006 sont identiques à ceux de la charte relative aux produits Prada et Prada Linea Rossa conclue à la même date (voir le Tableau 29 et le paragraphe 209 ci-avant).

225. Par ailleurs, si les stipulations des chartes conclues du 28 décembre 2010 à 2013 relatives aux prix et aux opérations promotionnelles ne sont pas identiques à celles des chartes conclues pour les produits Prada et Prada Linea Rossa à la même période, leur portée est identique (voir le Tableau 30 ci-dessous). Ces chartes sont conclues pour une durée indéterminée362.

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226. Interrogés sur les marques de Luxottica distribuées via un réseau de distribution sélective, les représentants de Luxottica ont déclaré : « on a hérité du contrat de distribution sélective de Bausch & Lomb [ancien propriétaire de Ray-Ban] que nous n’avons jamais appliqué et nous avons mis en place le nôtre en 2008 »365.

• Les contrats de distribution pour les autres marques de Luxottica 227. Plusieurs documents attestent que Luxottica a conclu des contrats de distribution sélective pour d’autres marques que celles précitées.

228. Ainsi, le guide de campagne de l’opération « moitié prix sur les montures », menée par Alain Afflelou du 20 mai au 31 juillet 2008366, indique que plusieurs marques de Luxottica, dont, outre les marques Bulgari, Burberry, Chanel, D&G, Dolce & Gabbana, Oakley, Persol, Prada, Ray-Ban, Versace et Versus, visées ci-avant aux paragraphes 196 à 226, les marques Arnette, Ferragamo, Miu Miu, Polo Ralph Lauren, Vogue et D&G, font « l’objet d’un contrat de distribution sélective ne [lui] autorisant pas ce type d’opération »367.

229. Également, un document concernant l’opération « Pourcent’Age » menée par Grand Optical de février à mai 2007 indique parmi les « MARQUES optiques EXCLUES : (contrats de distribution spécifique) », outre les marques Chanel, Dolce & Gabbana, Prada, Ray-Ban, Versace, Persol, D&G, Oakley, et Bulgari, les marques Miu Miu et Vogue368.

230. Enfin, deux circulaires concernant l’opération « Pourcent’Age » menée par Grand Optical du 25 février au 26 avril 2008 précisent que sont exclues en raison d’accords contractuels signés avec les fournisseurs (et donc Luxottica) les marques Chanel, Versace, Vogue, Bulgari, Dolce & Gabbana, Oakley, Ray-Ban, D&G, Ralph Lauren et Miu Miu, toutes sous licence de Luxottica369.

231. Le Tableau 31 ci-dessous récapitule l’ensemble des marques de Luxottica faisant, au vu de l’ensemble des éléments décrits ci-avant et figurant au dossier, l’objet d’un contrat de distribution sélective.

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232. En outre, il a été constaté que Luxottica avait conclu un contrat-cadre avec Alain Afflelou SA370, daté du 29 janvier 2009, automatiquement prorogé pour une durée indéterminée, qui stipule que : « 4.2 : Les autorisations de reproduction des marques ou modèles LUXOTTICA ne sont données que pour la réalisation de l’opération pendant la période convenue. Par ailleurs tous les visuels et autres outils de communication reproduisant les produits LUXOTTICA, ses marques, modèles, logos, ou autres signes distinctifs doivent faire l’objet d’une validation, écrite de LUXOTTICA préalable à toute diffusion quelle qu’elle soit. Cette validation préalable a pour seul objet la vérification de la conformité du projet de communication aux chartes graphiques et à l’image des produits et des marques LUXOTTICA, et non la vérification de la validité des opérations envisagées par La Société ALAIN AFFLELOU S.A ou son affilié »371.

• L’interprétation des contrats par Luxottica et ses distributeurs 233. Plusieurs pièces du dossier évoquent l’interprétation des clauses des contrats et chartes de détaillant agréé précités.

i. L’interprétation des représentants de Luxottica

234. Plusieurs pièces du dossier montrent que les collaborateurs et représentants de Luxottica considéraient que les contrats et chartes de détaillants agréés pour les marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana, Bulgari, Versace et Versus, Burberry et Ray-Ban s’opposaient à des pratiques telles que l’offre d’ une seconde monture lors de l’achat d’une paire de lunettes ou l’application de remises supérieures à un certain pourcentage.

235. Ainsi, la « key-market coordinator » Chanel de la société Luxottica France, invitée par les enquêteurs de la DGCCRF à commenter l’article 1.6.3. du contrat de détaillant agréé pour la marque Chanel, qui interdit aux opticiens les formes de vente « incompatibles avec le prestige et la notoriété » de la marque (voir le paragraphe 203 ci-avant) a indiqué, le 3 avril 2007, que Luxottica ne souhaitait pas que les opticiens pratiquent des soldes, qui « décrédibilisent la marque » : « LUXOTTICA ne souhaite pas que s’effectue des ventes par lot (2 pour le prix d’un) qui décrédibilisent la marque. Il en est de même pour ce qui concerne les soldes sachant que nous n’avons pas la possibilité d’interdire cette pratique pour autant »372.

236. Lors de leur audition du 11 juillet 2011, le président et le directeur commercial de Luxottica France ont déclaré, s’agissant de cette clause : « La « vente incompatible avec le prestige de la marque » consiste par exemple à vendre des lunettes sur un marché en dehors des points de vente ou la vente pour un euro de plus. La braderie est également interdite cela consiste pour moi à vendre avec une remise de 80 % ou plus. Nous n’avons jamais fait application de cette clause »373.

237. S’agissant, par ailleurs, de l’article 10, paragraphe 1, des chartes de détaillant agréé pour les marques Prada et Prada Linea Rossa – qui, à l’instar des dispositions relatives aux marques Dolce & Gabbana, Bulgari, Versace et Versus, Burberry et Ray-Ban, prévoit que les détaillants s’interdisent « de mener une politique de prix d’appel ou de rabais promotionnel incompatible avec prestige, qualité caractère haut de gamme » (voir le Tableau 29 ci-avant) – les représentants de Luxottica ont indiqué, lors de cette même audition : « J’interprète comme « rabais promotionnel incompatible avec le prestige de la marque » une paire de lunettes offerte ou vendue avec plus de 80 % de remise »374.

238. Ils ont toutefois ajouté : « Optical Center a une politique commerciale de discount depuis 20 ans. Il fait moins 40 % sur l’optique et moins 25 % sur les solaires. […] Parfois, ils sont encore plus agressifs parce qu’ils offrent une paire en plus. Même si nous considérons que ces types d’opérations nuisent à l’image de la marque Ray-Ban, nous avons pris note mais nous n’avons rien fait. A ma connaissance il n’y a eu aucune intervention »375.

239. Par ailleurs, un courriel du 5 janvier 2006, envoyé par le directeur commercial de Luxottica à un employé de Luxottica, indique que la distribution chez les opticiens mutualistes de produits de la marque Prada est conditionnée au respect d’une politique de prix qui « ne soit pas sauvage et compatible avec le voisiange (sic) » :

« Prada n’ a pas sa place dans toutes les mutuelles, je suis d accord les critères sont - qualité et surface du point de vente - capacité à vendre la ligne en volume - politique de prix ne soit pas sauvage et compatible avec le voisiange (sic) Mais il faut lever les frustrations des opticiens mutualistes , éviter de repondre non en bloc (style chanel (sic)), étudier leur souhait, et y repondre positivement la ou les 3 critères sont respectés. Bernard et toi Dialoguez avec les Directeurs mutuelles, avant le show room pour éviter des quiproquos Si vous avez des soucis dérangez moi ( avec les codes des muts et des trads à problème) »376 (gras et soulignement dans le texte original).

240. Sur ce point, le directeur commercial de Luxottica France a déclaré, lors de son audition du 11 juillet 2011 : « Les « prix sauvages » sont des prix qui nuisent à l’image de la marque, notamment une paire de lunettes pour un euro ou une remise de 90 %. La politique de prix doit être « compatible avec le voisinage » signifie une politique qui doit respecter le standing des points de vente voisins, de la zone de chalandise »377.

241. Enfin, s’agissant de l’article 1.13.5. du contrat de détaillant pour la marque Chanel, selon lequel toute utilisation de la marque est conditionnée à l’accord écrit préalable de Luxottica (voir le Tableau 28 ci-avant), les représentants de Luxottica entendus le 11 juillet 2011 ont indiqué : « si un opticien veut faire de la publicité en utilisant la marque Chanel il doit nous communiquer les projets pour validation et nous demandons validation également à Chanel. Si l’opticien n’utilise pas la marque figurative, les logos ou les images Chanel, il n’a pas besoin d’autorisation. Notre validation porte sur le respect des visuels de Chanel et de sa charte graphique »378.

ii. L’interprétation des distributeurs

242. La plupart des opticiens interrogés sur ce point lors de l’enquête et de l’instruction ont indiqué que les contrats et chartes de détaillant agréé conclus avec Luxottica interdisaient des pratiques commerciales telles que le « discount » ou les promotions, qui seraient, par leur nature même, susceptibles de porter atteinte à l’image des marques du fabricant, ainsi qu’il ressort de plusieurs déclarations et courriels versés au dossier.

243. Seul un distributeur a déclaré que ces contrats n’interdisaient pas de recourir à ce type de pratiques commerciales. Ainsi, à la question « Estimez-vous que les contrats de distribution interdisent certaines pratiques commerciales ? », le président de la SAS Domop – qui gère deux magasins sous enseigne Krys – a répondu, lors de son audition du 19 septembre 2013 : « Non. Nous aimerions avoir la marque Oakley, mais Luxottica nous a répondu à l’oral qu’il y avait déjà assez de points de vente sur l’Ile [de la Réunion] »379.

244. En revanche, cinq autres opticiens ont déclaré que les contrats conclus avec Luxottica – s’agissant des marques Chanel, Ray-Ban, D&G et Luxottica – leur interdisaient de pratiquer des promotions ou des remises (voir le Tableau 32 ci-dessous).

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245. Ces cinq déclarations sont corroborées par de nombreuses pièces du dossier. Ainsi, les documents cités aux paragraphes 227 à 230 ci-avant attestent qu’Alain Afflelou et Grand Optical considéraient que les contrats de distribution sélective conclus avec Luxottica leur interdisaient de pratiquer leurs opérations respectives « moitié prix sur les montures » et « Pourcent’Age » pour les marques de Luxottica Arnette, Ferragamo, Miu Miu, Polo Ralph Lauren, Vogue, D&G, Chanel, Dolce & Gabbana, Prada, Ray-Ban, Versace, Persol, Oakley et Bulgari.

246. En outre, huit courriels, cités dans le Tableau 33 ci-dessous, attestent que, selon Alain Afflelou, Grand Optical, Éric Afflelou, Delta Optique, DPSF Optic et Optique Réunion, les contrats et chartes de détaillant agréé pour les marques Chanel, Ray-Ban, Prada et Bulgari leur interdisaient d’offrir une monture pour l’achat d’une paire de lunettes, de pratiquer des remises, de « discounter », ainsi que de pratiquer des prix inférieurs aux « prix conseillés ».

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247. Lors de son audition du 16 novembre 2011, le président d’Alain Afflelou a déclaré qu’il ne savait pas pourquoi le courriel de N… du 18 juin 2008, précité, avait été envoyé. À propos de la mention « cela leur permet d’interdire les remises en magasin sur la marque », il a indiqué : « A ma connaissance le contrat de distribution sélective Ray Ban n’interdit pas les remises sur cette marque »394.

b. Les consignes de Luxottica quant aux pratiques tarifaires de ses distributeurs 248. Si la « key-market coordinator » Chanel de Luxottica a déclaré qu’elle n’avait pas la possibilité d’interdire les soldes – dont elle considérait pourtant qu’elles portaient atteinte à la marque Chanel395 (voir le paragraphe 235 ci-avant) – il ressort des autres pièces du dossier que Luxottica posait comme condition à la distribution de ses produits le respect d’une certaine politique tarifaire.

• Les consignes de Luxottica relatives au respect de l’image de ses marques 249. Luxottica demandait à ses distributeurs de respecter l’image de ses marques, ce qui impliquait de ne pas pratiquer des soldes, du « discount de manière permanente » ou des prix « dégradé[s] ».

250. Ainsi, notamment, la directrice marketing produits de Grand Optical a déclaré, le 28 septembre 2011 : « Luxottica veille à préserver une image de marque. Les soldes sur certaines de ses marques sous licence le dérangeaient car pour ce fabricant ça dégradait l’image des marques. Grand Optical restait maître de sa politique de prix. […] Luxottica était en train d’agir auprès d’Optical Center qui pratiquait du discount de manière permanente sur leurs marques ; nous pensions que cette pratique n’était pas en cohérence avec le discours qui (sic) nous tenait Luxottica qui était un discours de préservation de l’image de la marque »396.

251. De surcroît, la directrice générale de la SA Nagabbo, un opticien indépendant397, a déclaré, le 15 octobre 2014, que Luxottica conditionnait la distribution des produits des marques Chanel, Prada et Bulgari au respect de l’image de ces marques, ce qui impliquait, selon elle, de pratiquer un certain niveau de prix : « Le magasin est détaillant agréé, entre autres, de Chanel, Prada, Bulgari et Tag Heuer. […] Luxottica nous demande de respecter l’image des marques. Pour moi, il s’agit de respecter un prix correct non-dégradé, c’est-à-dire appliquer le coefficient que nous avons toujours appliqué »398.

• Les consignes de Luxottica relatives aux prix affichés sur le matériel promotionnel des distributeurs 252. Il a été constaté que Luxottica posait comme condition à la diffusion du matériel promotionnel relatif aux produits de ses marques que celui-ci ne mentionne pas de prix, ou, à tout le moins, qu’il ne porte pas de prix inférieurs aux « prix conseillés ».

253. Si, interrogé sur la procédure suivie lors du lancement de ses opérations commerciales, le président de la société Réunivest SAS (enseignes Chevillard et Atol), entendu le 18 septembre 2013, a indiqué que ses fournisseurs ne prêtaient pas attention aux prix et aux remises pratiquées399, le directeur commercial de Luxottica France, à la suite d’un courriel de Grand Optical, indique, le 14 décembre 2006, à d’autres employés de cette entreprise : « En vitrine rapprocher Prada et soldes est incompatible »400.

254. Figurent également au dossier quatre déclarations attestant de consignes de Luxottica relatives au matériel promotionnel (voir le Tableau 34 ci-dessous).

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i. L’opération menée par Krys en 2007

256. Il a été constaté que Luxottica a imposé à Krys, qui souhaitait communiquer en mentionnant la marque Ray-Ban, d’afficher des prix conformes aux prix de vente publics conseillés.

257. En février 2007, Krys cherchait à obtenir l’accord de Luxottica quant aux documents promotionnels relatifs à une opération portant sur des lunettes Ray-Ban. Dans un courriel du 15 février 2007, Luxottica a alors indiqué : « Je fais suite à la conversation téléphonique que vous avez eu (sic) ce jour avec M. X… pour vous confirmer notre souhait de communiquer avec la mention Ray-Ban solaire adulte RB4088, à un prix de vente public conseillé de 104 €. Dans l’attente de vos modifications sur vos créations pour notre « Bon à tirer », je vous salue bien cordialement »405.

258. Dans un courriel du 19 février 2007, Luxottica a ensuite menacé d’annuler l’opération si le prix figurant sur le matériel promotionnel ne correspondait pas au prix public conseillé du modèle dont la photographie était utilisée : « Notre position est la suivante :

1/ Soit communiquer avec la monture Ray-Ban solaire adulte RB4088, à un prix de vente public conseillé de 104 €. 2/ Soit communiquer avec la monture Ray-Ban Junior solaire RJ9508S, à un prix public conseillé de 66 € avec la condition obligatoire du respect du message indiqué dans la proposition jointe : textes, positions, grosseur des caractères,… Nous ne pouvons pas cautionner « l’ambiguïté » entre les modèles adulte et junior. Si l’une ou l’autre des ces (sic) 2 propositions n’est pas retenue, nous préférons annuler toute l’opération 2007 »406.

ii. L’opération menée par Krys en 2008

259. Il a été constaté que, dans le cadre d’un partenariat entre Ray-Ban et l’enseigne Vision Plus du groupe Krys, Luxottica a validé le prix proposé par Krys et son engagement à ne pas mentionner de prix sur ses communications relatives aux lunettes solaires.

260. Dans un courriel du 27 octobre 2008 de Krys à Luxottica intitulé « partenariat Ray Ban/ Vision Plus », le distributeur s’engage à ne pas faire mention des prix sur ses communications relatives aux lunettes solaires : « Offres prix : L’optique sera mise en avant sous forme de monture + 2 verres antireflets + une deuxième paire solaire Vision Plus à un prix à définir selon la sélection. Il est probable que l’on reste sur 219 € comme l’an passé. Il ne sera pas fait mention de prix sur nos communications solaires : si vous avez une mécanique promotionnelle originale à nous proposez (sic) n’hésitez pas... Autrement, on se contentera de dire que nous les avons en magasin »407.

261. En réponse, Luxottica indique : « Tous les points sont conformes à nos discussions. »408.

iii. L’opération menée par Grand Optical en 2008

262. Il a été constaté que Luxottica a demandé à Grand Optical d’augmenter le prix de vente au détail prévu pour une opération commerciale visant la marque Ray-Ban.

263. En réponse à un courriel de la directrice marketing produits de Grand Optical relatif à une opération promotionnelle portant sur des produits de la marque Ray-Ban409, un cadre de Luxottica (W…) indique : « Nous considérons votre proposition vraiment intéressante ; En terme de dynamique promotionnelle nous n’avons qu’à vous demander si possible d’augmenter un peu le prix du 2 ° pack [sur le modèle Aviator] (169 € pourrait être parfait pour nous) »410 (traduction libre).

iv. L’opération menée par les Opticiens Mutualistes en 2008

264. Il a été constaté que Luxottica a demandé aux Opticiens Mutualistes de « respect[er] les prix « public » conseillés et affichés pour chacune des marques » sur « l’ensemble des supports et visuels », qui ont accepté cette condition.

265. Ainsi, dans un courriel du 27 octobre 2008 à Luxottica, les Opticiens Mutualistes indiquent « ce point est validé » s’agissant des deux points suivants : « Prix public conseillé ; Prix Duo Ray-Ban : Prix public à partir de 240 € à 248 € Prix Duo Vogue ; Prix public à partir de 199 € » « Luxottica donne son accord afin que Visaudio et son réseau Les Opticiens Mutualistes puissent communiquer sur l’ensemble des supports et visuels en couleur en respectant les prix « public » conseillés et affichés pour chacune des marques comme précédemment défini »411.

v. L’opération menée par Optic 2000 en 2008

266. Il a été constaté que Luxottica (i) considérait qu’il y avait un prix fixe pour les produits « best de la décennie », (ii) qu’elle s’est opposée à ce qu’Optic 2000 fasse figurer des prix sur les supports de communication diffusés en dehors du point de vente et, en tout état de cause, lui a demandé qu’elle n’indique pas « un prix à partir de 99 € », et (iii) qu’elle a incité ce distributeur à opter pour le « prix conseillé » de 129 €.

267. Ainsi, dans un courriel du 27 octobre 2008 à Optic 2000, Luxottica a indiqué : « Nous avons bien enregistré votre souhait de réaliser l’opération autour de Ray-Ban Colorize à 129 € PVP [prix de vente public] TTC »412.

268. Ce courriel fait suite à plusieurs courriels internes à Luxottica. Le 7 octobre 2008, le directeur commercial de Luxottica s’est vu rapporter qu’il avait été indiqué à Optic 2000 que « le prix d[eva]it être sobre » sur les supports de communication destinés à être diffusés en dehors du point de vente, alors qu’au sein de ce dernier « le prix figurera[it] » : « [Optic 2000 a] manifesté [son] intérêt pour une opération thématique autour de Ray-Ban Colorize. […] On leur a demandé de créer une communication à 2 niveaux : -une pour la plv [publicité sur point de vente] en pdv [point de vente] où le prix figurera -une pour la presse et l’affichage où le prix doit être sobre Ils souhaitent néanmoins indiquer un prix à partir de 99 €, ce que nous ne leur avons pas validé »413.

269. Il a alors répondu, dans un courriel du même jour : « Une RB 2140 le prix public est 129 Euros , II ne faut pas accepté (sic) 99 Euros + Colorize en affichage car nous entrons dans une confusion totale Le colorize et way farer / Ray Ban c’est top, comme le 501, la GOLF, il y a un prix "fixe" pour les produits best de la décennie le prix c’est 129 Euros pour nous »414.

270. Il s’était également prononcé, dans ce courriel, sur la campagne d’un autre opticien incluant les marques Ray-Ban et Vogue : « Avec cooptimut je négocie le non affichage extérieur avec prix : II accepte règle Ou Nous perdons le marché ? »415.

271. Interrogé sur ces courriels, leur auteur a confirmé, le 11 juillet 2011, que Luxottica s’opposait à ce qu’Optic 2000 mentionne la marque Ray-Ban dans ses communications : « Nous souhaitons éviter qu’Optic 2000 utilise nos visuels sur ses affiches avec des prix indiqués d’autant que tous les produits étaient des nouveautés. Le prix de 129 euros correspond au prix standard pour une Wayfarer. Ça n’empêche pas les promotions sur les points de vente »416.

vi. Le guide relatif aux animations promotionnelles Ray-Ban de 2009

272. Il a été constaté que Luxottica a imposé à l’ensemble de ses distributeurs les règles contenues dans le guide de 2009 relatif aux animations promotionnelles Ray-Ban, qui interdit les promotions portant sur le prix des produits de cette marque.

273. Le projet de guide indique : « Les règles Ray-Ban Ray-Ban est une légende vivante du marché de l’optique. Afin de préserver son capital et son attrait vis-à-vis des clients finaux, nous mettons en place quelques principes de base : • PAS d’exclusivité d’animation • UNIQUEMENT pour les points de vente dépositaires • PAS de promotion portant sur les prix • PAS de discount sur la collection »417 (cette mention est, toutefois, rayée à la main). 274. Au sujet de ce document, le président de Luxottica France a précisé, le 11 juillet 2011, que le fabricant ne souhaitait pas que les distributeurs utilisent ses visuels pour indiquer leur prix : « C’est un document interne à destination du directeur grands comptes et du directeur du développement. […] On ne veut pas que les enseignes utilisent nos visuels officiels pour indiquer leur prix. J’ai barré « pas de discount sur la collection » car nous n’avons pas à donner de consignes sur les prix pratiqués en magasins. La version définitive ne comportait donc pas cette mention »418.

275. La version dont Luxottica a indiqué, le 5 septembre 2011, qu’elle était définitive419, porte néanmoins la mention suivante : « Une promotion dont le message porte sur les prix n’est pas souhaitée. Nous favorisons les opérations thématiques (ex. : Polarisé, Mémo Ray, Colorize, rentrée des classes, nouveaux modèles. Titane...) »420.

276. Par ailleurs, des courriels de mai 2009 internes à Luxottica attestent que Luxottica a imposé les règles figurant dans ce document à l’ensemble de ses distributeurs.

277. En effet, après un courriel du 4 mai 2009, qui indique : « Attention que je me rappelle que les activités prix sur rayban (sic) n étaient (sic) plus autorisés en France (après le dernier problème de l’année passée). »421, un courriel du 6 mai 2009 demande la permission d’autoriser Grand Optical à mener une opération promotionnelle, tout en précisant : « Att : nous ne souhaitons pas faire de remise sur la monture. »422. En réponse, un autre courriel, du 6 mai 2009, précise : « Merci de te reporter aux règles prévues pour les animations RB que nous avons impose a (sic) tous nos clients. Dans un soucis (sic) de cohérence nous ne pouvons pas accepter ce type de promo. »423.

• Les consignes de Luxottica relatives aux prix pratiqués par les distributeurs

278. Il a été constaté que Luxottica enjoignait à ses distributeurs de respecter les « prix conseillés », et de ne pratiquer ni remises, ni promotions, ni opérations commerciales sur ses marques.

279. Il ressort en effet de plusieurs pièces du dossier que les distributeurs percevaient les « prix conseillés » du fabricant comme des prix imposés et considéraient qu’ils n’étaient pas libres de pratiquer des soldes, des remises ou des promotions, ou encore de « brader » les produits de Luxottica.

280. À cet égard, en mars 2008, le site de vente en ligne www.lunettes-de-soleil.fr indiquait, sous le prix de vente, « Tarif imposé par Oakley »424. En outre, sept courriels de distributeurs, du 13 avril 2005 au 15 septembre 2008, recensés dans le Tableau 35 ci-dessous, attestent de la diffusion, par Luxottica, de consignes tarifaires.

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281. S’agissant, spécifiquement, de la dernière déclaration figurant dans le Tableau 35 ci-dessus, et de l’interprétation qu’il convenait de donner au terme de « brader », il ressort de courriels des 13 avril et 14 décembre 2005 de l’ancienne directrice marketing produits de Grand Optical que l’intéressée assimilait des remises de 40 % au fait de « brader »432. En outre, interrogé par les services d’instruction sur la portée de cette notion, le président de la société Réunivest SAS (enseignes Chevillard et Atol) a déclaré le 18 septembre 2013 : « Pour moi, par exemple, donner une Chanel pour 0 € ou 1 € c’est dévaloriser la marque et le travail qui est fait dessus »433. 282. S’agissant, par ailleurs, du courriel du 10 juillet 2006, précité (voir Tableau 35), le représentant d’Alain Afflelou Franchiseur a commenté, le 15 novembre 2011 : « Je souhaitais « provoquer » commercialement Luxottica pour pouvoir bénéficier également d’offres avantageuses »434.

283. En outre, les pièces précitées sont corroborées, par trente déclarations d’opticiens, recueillies entre le 11 octobre 2005 et le 1er octobre 2014 (voir le Tableau 36 ci-après) s’agissant des pratiques de Luxottica pour l’ensemble de ses marques, et notamment Chanel, Oakley, Ray-Ban, Prada, Versace, Vogue, Dolce & Gabbana et Luxottica. Chacune de ces déclarations fait état d’actions de Luxottica portant sur les conditions de revente de ses produits par les distributeurs. En particulier, seize d’entre elles attestent que les « prix conseillés » étaient en réalité des prix imposés, neuf que Luxottica interdisait les promotions, les remises, ou les réductions de prix, dix-huit que Luxottica interdisait certaines remises, promotions ou opérations commerciales, une que Luxottica imposait des conditions abusives de revente et, enfin, neuf que les distributeurs s’exposaient à un risque de représailles s’ils ne respectaient pas les consignes du fabricant.

284. S’agissant des modalités de communication des consignes de Luxottica, le gérant de la SARL JMC Optique du 1er mars 2006, a déclaré : « D’une manière, (sic) toutes les observations, demandes s’effectuent de manière verbale dans ce type d’activité par les différents fournisseurs ou représentants des marques desdits fournisseurs »435.

285. Cette constatation est corroborée, concernant spécifiquement Luxottica, par trois des déclarations mentionnées au paragraphe 283 ci-avant.

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La surveillance des pratiques tarifaires des distributeurs

286. Il a été constaté que Luxottica surveillait les pratiques tarifaires de ses distributeurs, soit en association avec Chanel, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses distributeurs.

a. La surveillance en association avec Chanel

287. Selon l’étude, précitée au paragraphe 191 ci-avant, réalisée par un représentant de Safilo au printemps 2009 à partir de déclarations d’opticiens sur la distribution de la marque Chanel468 : « Chanel est regardant vigilant (sic) sur la politique de prix des opticiens et un relevé de prix réguliers permet de repérer les opticiens qui nuisent à la marque en baissant le prix »469.

288. Les déclarations des représentants de Chanel entendus par les services d’instruction attestent que Luxottica pouvait participer à ces contrôles. Ainsi, les représentants de Chanel Coordination ont indiqué, lors de leur audition du 21 mai 2013 : « [le] responsable commercial de l’activité lunettes pour plusieurs pays dont la France, […] réalise les visites en magasins. Il travaille pour Chanel SAS. Il vérifie que Luxottica applique bien le contrat en termes marketing […] En France, il visite environ 200 points de vente par an (20 % du réseau de distribution sélective Chanel) »470.

289. Par ailleurs, un représentant de Chanel SAS, entendu le 12 juillet 2013, a précisé que ce responsable était parfois « accompagné du représentant de Luxottica » lors de ses « visites sur le terrain »471.

b. La surveillance réalisée directement par Luxottica

290. Deux courriels et douze déclarations d’opticiens attestent que Luxottica surveillait elle-même la politique tarifaire de ses distributeurs.

291. Ainsi, dans un courriel interne du 28 novembre 2008, un cadre de Luxottica communique à ses collègues des devis réalisés chez Optical Center : « Pour continuer dans la série « Nos amis d’Optical Center », voilà deux devis qui nous montrent un peu comment ils travaillent : Dans le premier une monture RB solaire est offerte contre l’achat d’une monture optique Police ! ! Dans le deuxième une monture RX [Ray-Ban Optique] passe avec 40 % de remise (conformément à leur pub d’ailleurs. ) Est-ce que tu peux faire quelque chose ? »472.

292. Dans un courriel du 15 mai 2009 relatif à un opticien de Rouen, le directeur régional pour les régions nord et est de la France a écrit : « J’étais sur place hier […] J’ai relevé les PVP [prix de vente public] suivants : -RB 3112=100 € -RB Clubmaster et Wayfarer=118 € Cela te parait-il correct ? »473.

293. Un courriel du 22 juin 2009 interne à Luxottica indique : « PS : Durant la soirée Optical Discount, les Ray Ban étaient vendues à -30 % (Information de Thomas validée) »474.

294. Ces pièces documentaires sont corroborées par les déclarations des distributeurs versées au dossier. En effet, seul le directeur général de La Mutualité de la Réunion a indiqué aux enquêteurs, le 17 septembre 2013, que Luxottica ne surveillait pas ses prix : « Les fournisseurs des marques Chanel, Dior, Prada, Dolce Gabanna (sic) sont plus insistants, ils exigent des contrats de distribution, recommandent des prix mais ne surveillent pas pour autant si ces prix sont bien appliqués ou non. Avant 2009, nous étions trop petits pour intéresser les fournisseurs, et depuis 2009, nous n’avons pas eu de remarques ni sur les prix ni sur les offres promotionnelles que nous pratiquons »475.

295. En revanche, quinze autres déclarations d’opticiens, recueillies du 10 octobre 2005 au 12 décembre 2013 et citées dans le Tableau 37 ci-dessous, attestent que Luxottica surveillait directement les prix pratiqués et les promotions réalisées par ses distributeurs, s’agissant particulièrement des marques Chanel, Oakley, Prada, Bulgari et Dolce & Gabbana.

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296. Interrogés sur les audits évoqués par les représentants d’Optical Center lors de leur audition du 22 juin 2011 (voir le Tableau 37 ci-dessus), le représentant de Chanel, entendu le 12 juillet 2013, a contesté la teneur de ces déclarations : « Je ne suis pas d’accord avec ces déclarations. Les audits que nous faisons se limitent à l’évaluation qualitative des points de vente. Chanel ne fait réaliser ni étude ni contrôle sur les prix des opticiens »491.

c. La surveillance réalisée par Luxottica avec l’aide de ses distributeurs 297. Il a été constaté que certains distributeurs de Luxottica lui signalaient, à sa demande, le nom de leurs concurrents qui ne respectaient pas ses consignes tarifaires.

• Les informations communiquées à Luxottica par ses distributeurs 298. Il ressort des pièces du dossier que Luxottica a reçu de nombreuses plaintes de la part de distributeurs, visant les pratiques tarifaires de leurs concurrents. À cet égard, la gérante de la SARL Optique Lafayette a déclaré, le 6 février 2012, que les fournisseurs, dont Luxottica, sont « généralement aidés » par les opticiens « qui effectuent auprès de [se]s magasins une véritable police des prix »492. 299. Par ailleurs, des devis de 2006, 2007 et 2008 établis par des concurrents et concernant notamment les marques Chanel, D&G et Prada ont été saisis chez Grand Optical493. Certains portent des notes manuscrites qui détaillent les remises proposées par ces concurrents. Les représentants de Grand Optical ont déclaré, lors de leur audition du 28 septembre 2011, que ce type de devis pouvait être adressé aux fabricants : « Nous faisions régulièrement ce type de veille pour connaître les prix de nos concurrents et nous positionner par rapport à nos concurrents. Nous pouvions destiner certains de ces devis aux fabricants pour leur expliquer que d’autres enseignes menaient également leur propre politique commerciale. Nous considérions donc que les fabricants n’étaient pas fondés à nous faire des reproches d’autant que nous menions une politique très qualitative sur la marque »494.

300. En réponse à un courriel qui indique, s’agissant d’une publicité réalisée par Optical Center, « Grave quand même ! », un cadre d’Alain Afflelou a écrit, dans un courriel du 12 juin 2009 : « 100 % d’accord avec vous ! Nous sommes en contact avec Luxottica »495.

301. De surcroît, vingt-sept courriels, courriers et fax du 13 avril 2005 au 16 juin 2009, cités dans le Tableau 38 ci-dessous, attestent que les opticiens informaient Luxottica de la politique tarifaire de leurs concurrents. Dix de ces documents se réfèrent explicitement aux contrats conclus avec Luxottica ou aux consignes du fabricant.

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303. Plusieurs distributeurs, interrogés sur les courriels précités, ont apporté les précisions suivantes. Tout d’abord, au sujet du courriel du 14 décembre 2005, la directrice marketing produits de Grand Optical a déclaré, le 28 septembre 2011 : « J’ai retranscrit à mon Directeur général les propos que M. X... venait de me tenir à propos d’Optical Center. Luxottica était en train d’agir auprès d’Optical Center qui pratiquait du discount de manière permanente sur leurs marques ; nous pensions que cette pratique n’était pas en cohérence avec le discours qui nous tenait Luxottica qui était un discours de préservation de l’image de la marque. De ce fait, Luxottica n’était pas fondé à nous faire des reproches. Des clients pouvaient se présenter dans nos magasins en nous faisant part de remises pratiquées par Optical Center. Nous refusions de nous aligner car ce n’était pas notre politique commerciale. Grand Optical demandait à Luxottica d’exiger à Optical Center les mêmes exigences qualitatives qu’il exigeait envers nous »528.

304. Interrogée ensuite, sur le courriel du 16 octobre 2006, l’intéressée a déclaré : « Ce document concerne une réunion entre MM. A… et B… de Luxottica. Ma responsable hiérarchique (Mme C…) communiquait ce document à Luxottica pour lui faire parvenir des preuves que d’autres enseignes faisaient des opérations commerciales sur le marché avec les marques Luxottica. Nous voulions leur faire comprendre que ceci est une guerre commerciale légitime entre les enseignes. Ce document reprenait les opérations réalisées par trois enseignes : Optical Center, les Opticiens Conseils et Optical Discount qui ont un positionnement de discounter distinct de celui de Grand Optical. »529. 305. Enfin, le gérant de la SARL Optique Chaussin a déclaré, le 18 octobre 2011, à propos du courriel du 7 janvier 2006 : « J’ai signalé à Luxottica à ma propre initiative l’existence d’un site concurrent qui faisait une promotion sur les marques Ray-ban et Persol. Je lui ai demandé de se renseigner pour savoir qui était exactement derrière ce site. »530.

306. S’agissant de la notion de « tarif non conforme », l’intéressé a précisé : « Je fais référence au fait de pratiquer des promotions »531. Il a enfin indiqué : « je continue à leur faire part de ce type de pratiques mais je ne garde pas les courriels. »532.

307. Du reste, il ressort des documents cités dans le Tableau 38 ci-avant que certains opticiens ne se contentaient pas de porter les pratiques tarifaires de leurs concurrents à l’attention de Luxottica, mais l’invitaient explicitement à intervenir.

• L’invitation de Luxottica à coopérer sur la surveillance des prix

308. Si les représentants de Luxottica ont indiqué, lors de leur audition du 11 juillet 2011 : « c’est la mentalité des opticiens de se plaindre auprès de fournisseurs. […] Nous ne les incitons pas à nous faire part des problèmes rencontrés avec leurs concurrents »533, il ressort néanmoins des pièces du dossier que le fabricant demandait aux opticiens de lui communiquer des informations sur la politique tarifaire de leurs concurrents, voire de l’assister dans une entreprise d’harmonisation des prix de vente au consommateur.

309. S’agissant, en premier lieu, des demandes d’informations adressées par Luxottica aux distributeurs, Optique Rondeau a écrit à Luxottica, le 13 novembre 2005 : « Nous saisissons votre récente invitation quant à vous signaler l’état de l’art observé sur les sujets cités en objet. »534.

310. Par ailleurs, Grand Optical a écrit le 16 mai 2005 : « Suite à notre dernière discussion au MIDO, et comme vous me l’avez demandé (et j’en reste toujours fort étonnée !), je tiens à votre disposition plusieurs devis de l’enseigne Optical Center (dont Boulogne), attestant que pour l’achat d’une monture CHANEL, une 2eme monture CHANEL est offerte (la monture la plus chère étant facturée). »535.

311. Enfin, un document de la Générale d’Optique intitulé « Politique commerciale », communiqué aux responsables de secteur, le 10 juin 2005536, indique : « NOTRE POLITIQUE SUR LES SOLAIRES DE MARQUES : • Les montures sont vendues au prix du marché ; nous nous sommes engagés auprès des fournisseurs dans ce sens. • Si un concurrent pratique des prix différents, l’information devra être communiquée rapidement au service Produits qui fera le nécessaire auprès du fournisseur. => alignement mais devoir de remonter l’information, pour action. »537 (gras dans le texte original).

312. S’agissant, en second lieu, des demandes d’aide formulées par Luxottica à l’égard de ses distributeurs, le 16 octobre 2006, Grand Optical a écrit à Luxottica : « Je te confirme que nous sommes tout à fait prêts à vous aider pour lutter contre les dérives observées actuellement chez les discounters sur le marché français car nous savons tous que cette situation est à la fin dommageable pour vous comme pour nous. »538.

313. Étaient joints à ce courriel des devis et des factures accompagnés de commentaires de Grand Optical relatifs aux prix pratiqués par ses concurrents, tels que : « La monture payée est la plus chère des deux. Valable sur toutes les marques sans exception »539. « RayBan offerte (valeur 162 €) »540. « 40 % sur les Dior si la deuxième paire offerte fait partie de leur gamme private »541. « Sur la facture pas de trace de la deuxième monture (Prada à 0 €). Présente sur le récapitulatif inséré dans la péniche (ci-contre) »542. « Monture Chanel ou Prada : 2 € »543. « Monture Chanel Offerte remisée ! »544. « Communication clairement axée sur le discount de grandes marques »545 (sont entourées les marques Ray-Ban, Versace, Vogue et Persol). « [monture Dolce & Gabbana] annoncée avec 50 % de remise. Le prix de vente conseillé est : 225 € (soit -40 %) »546.

314. Enfin, un cadre de la direction commerciale de Luxottica a indiqué à Optique Chaussin, le 5 juin 2009, en réponse à une plainte de sa part : « Pourquoi vendre une RB à 80 € quand on peut très bien la vendre à 120 € ? On pourrait argumenter que on va en vendre plus, mais cela reste à démontrer (et puis la rotation augmente de combien ?) ; par contre il est mathématique que à chaque lunette on perd 40 € de marge ! ! Voilà le message que je répète comme un mantra depuis 3 ans avec des résultats très différents. Il est clair que la rapidité du net complique ma tâche et augmente les tentations.... Je vous invite donc à garder le cap de la marge et à nous aider à diffuser cette voie (sic) auprès de vos confrères. »547 (voir le Tableau 27 ci-avant).

Les interventions et sanctions à l’encontre des distributeurs qui ne respectaient pas les consignes de Luxottica

315. Il a été constaté que Luxottica est intervenue auprès des distributeurs pratiquant des prix inférieurs aux prix qu’elle diffusait, allant jusqu’à leur imposer des sanctions.

a. Les interventions de Luxottica auprès de certains de ses distributeurs

316. Lors d’un échange de courriels du 8 août 2005, le directeur d’Oakley Inc. demande au directeur du référencement d’Alain Afflelou de retirer les produits de sa marque de la vente, après avoir constaté qu’ils sont vendus à un prix inférieur aux « prix conseillés » : « Nous avons un nouveau magasin Afflelou qui revend nos produits sans autorisation : M. D... à La Baule. Des solaires ainsi que des montures optiques sont en vente à quelques mètres de notre revendeur autorisé, de plus les montures optiques sont affichées à un prix bien inférieur à celui que nous recommandons. Nous devrions savoir d’ici peu d’où viennent les produits en question, je vous en tiendrai bien entendu informé. D’ici là pouvez vous s’il vous plaît contacter d’urgence M. D... afin qu’il retire nos produits de la vente ? Vous pouvez constater que la situation semple désormais s’aggraver et qu’elle va dans le sens opposé de nos accords de référencement. »548.

317. Il apparaît, par ailleurs, que dix-sept des vingt-six plaintes d’opticiens citées dans le Tableau 38 ci-avant ne sont pas restées sans suite. Les courriels internes à Luxottica, ou adressés aux opticiens à l’origine de ces plaintes entre le 17 mai 2005 et le 12 juin 2009, attestent que Luxottica cherchait à tout le moins à obtenir des renseignements supplémentaires sur la politique tarifaire du distributeur objet de la plainte, voire intervenait directement auprès de l’opticien dont les pratiques avaient été dénoncées (voir le Tableau 39 ci-dessous).

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318. En outre, six déclarations, recueillies du 21 juin 2011 au 16 novembre 2012, retracées dans le Tableau 40 ci-dessous, attestent que Luxottica intervenait auprès des distributeurs dont elle savait qu’ils pratiquaient des remises ou des prix inférieurs aux prix qu’elle diffusait. Ces interventions étaient parfois assorties de menaces.

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318. En outre, six déclarations, recueillies du 21 juin 2011 au 16 novembre 2012, retracées dans le Tableau 40 ci-dessous, attestent que Luxottica intervenait auprès des distributeurs dont elle savait qu’ils pratiquaient des remises ou des prix inférieurs aux prix qu’elle diffusait. Ces interventions étaient parfois assorties de menaces.

319. Enfin, si vingt distributeurs ont déclaré ne pas avoir fait l’objet de remarques ou d’interventions de la part de Luxottica en raison des prix et des opérations promotionnelles qu’ils pratiquaient (voir le Tableau 41 ci-dessous), il convient néanmoins de relever que quatre d’entre eux ont, par ailleurs, fait état de consignes tarifaires, de mesures de surveillance ou de sanctions de la part de Luxottica, et que dix autres ont également précisé qu’ils tenaient compte des « prix conseillés » lors de la détermination de leurs propres prix ou excluaient des marques de Luxottica de certaines opérations commerciales.

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b. Les suspensions de livraisons infligées par Luxottica à certains de ses distributeurs

320. Il ressort de certaines pièces du dossier que les distributeurs qui n’ont pas tenu compte des consignes et des interventions de Luxottica, relatives à la nécessité de respecter les « prix conseillés » et de ne pas pratiquer de remises, ont dû faire face à des sanctions qui ont pris la forme de suspensions de livraisons.

321. À cet égard, un opticien anonyme a déclaré, le 13 octobre 2011 : « Chez Luxottica les pressions [s’agissant des prix ou des opérations commerciales] se manifestent indirectement, par exemple dans des retards de livraison. Par exemple, un mois d’attente pour des produits en stock alors que habituellement je les reçois en 5 jours. »602. 322. Dans le même sens, le consultant de GIB Optic SARL a indiqué, le 1er octobre 2014 : « Presque tous les fournisseurs nous donnent des prix conseillés que nous appliquons. Par exemple, Chanel nous donne des prix conseillés. Chanel est incontournable, du coup nous respectons les prix pour ne pas se voir enlever la marque. D’autres marques qui ne veulent pas que leurs produits soient bradés nous communiquent également des prix de vente conseillés. Néanmoins, les fournisseurs peuvent interrompre les livraisons si les prix conseillés ne sont pas respectés. »603. 323. Ces déclarations sont corroborées par celle du Président d’Optic Duroc SAS : « certaines marques […] refusent que nous pratiquions des remises : Chanel, Tom Ford, Oakley, Silhouette. On n’a pas des écrits mais leur pratique consiste à arrêter de nous livrer si nous pratiquons des remises. »604. 324. De surcroît, les pièces du dossier examinées ci-après attestent de sanctions prises à l’encontre d’Optical Center, de CODIR et de Sensee, entre 2005 et 2012.

• Les sanctions prises à l’encontre d’Optical Center en 2005 325. Le directeur commercial de Luxottica France a déclaré, lors de son audition du 11 juillet 2011, qu’Optical Center avait « une politique commerciale de discount depuis 20 ans […] [et pratiquait] moins 40 % sur l’optique et moins 25 % sur les solaires »605 (voir également les paragraphes 353 et 354 ci-après).

326. Ainsi qu’il a été rappelé au Tableau 38 ci-avant, Grand Optical s’est plaint auprès de Luxottica des opérations commerciales menées par Optical Center. Selon Grand Optical, Optical Center « "bradait" la marque Chanel en l’incluant à leur politique commerciale (-40 % sur la monture ou une 2eme Chanel offerte) »606. À la demande du fabricant, la directrice marketing produits de Grand Optical a transmis à Luxottica, le 16 mai 2005, des devis corroborant ses allégations. Le directeur commercial de Luxottica France a alors annoncé qu’il interviendrait une seconde fois auprès d’Optical Center607.

327. L’existence de cette intervention est corroborée par un courriel adressé par la directrice marketing produits de Grand Optical au directeur commercial de Luxottica France le 14 décembre 2005 – qui récapitule leur échange téléphonique du 12 décembre 2005. Selon ce courriel, à l’été 2005, Luxottica a « bloqué toutes les commandes/livraisons Chanel chez OC » et « menacé M. Y… (dirigeant OC) de retrait de la marque Chanel pour non respect des conditions contractuelles exigées par Chanel »608.

328. Elle est également confirmée par un courriel du 3 juin 2005, par lequel le directeur commercial de Luxottica France a informé des employés de Luxottica du blocage de certains comptes, en précisant que cette information était confidentielle : « Jusqu’ à nouvel ordre les comptes chanel des magasins suivants sont bloqués 292044 OC BREST pour rétrocession 921017 OC BOULOGNE pour devis 2X1 750898 OC CHAMPS ELYSEES pour devis 2X1 Ne plus passer prendre de cde , si appel des magasins je vous prie de me joindre téléphoniquement.

Cette communication est strictement confidentielle »609.

329. Il ressort du courriel du 14 décembre 2005, précité, qu’Optical Center s’est engagée à « exclure la marque Chanel de sa politique commerciale […] ne plus faire aucune remise client » et respecter les « prix conseillés », ce qui est d’ailleurs corroboré par un courrier antérieur de ce distributeur au directeur commercial de Luxottica France, daté du 4 octobre 2005, qui indique : « Suite à votre intervention, nous vous certifions que nos offres commerciales ne concernent en aucun cas les montures Chanel. Nous ne faisons aucunes (sic) remises sur les montures de marque Chanel. De plus, le prix des montures est en conformité avec les prix que vous nous conseillez. Notre environnement et notre concept sont en adéquation avec l’image et la notoriété de la marque Chanel. Nous sommes très satisfaits aujourd’hui de pouvoir proposer à notre clientèle des montures Chanel et notre souhait est de travailler en harmonie totale avec les règles et les critères de qualité de la marque Chanel »610.

330. Ce même courriel révèle que Luxottica a réalisé, à la suite de cet engagement d’Optical Center, « plusieurs contrôles par mois » attestant qu’elle « respecte ses engagements », étant précisé que « Si tel n était pas le cas, que (sic) Luxottica n’hésiterait pas à retirer définitivement la marque »611.

331. Dans un courriel interne à Grand Optical du 14 décembre 2005, la directrice marketing produits se félicite des résultats obtenus : « Si on n’a pas encore gagné le retrait de Chanel chez OC (et donc la Tour d’Argent ! ! !) , on a peut être retrouvé (au moins sur du court terme), le fait d’avoir une concurrence plus loyale sur le prix des montures Chanel (Y… a je le pense quand même eu chaud de perdre Chanel qui doit aussi peser lourd chez lui...donc il se sait très surveillé sur la marque) »612.

• Les sanctions prises à l’encontre de CODIR en 2008

332. Ainsi qu’il a été rappelé aux paragraphes 257 à 261 ci-avant, Luxottica et Krys ont échangé en 2007 et en 2008 sur les prix qui figureraient sur le matériel promotionnel de Krys utilisant la marque Ray-Ban.

333. Figurent également au dossier plusieurs courriels de 2008 attestant que Luxottica a suspendu les livraisons à Krys pour la marque Ray-Ban, en raison de soldes réalisées par CODIR et CDO (voir le paragraphe 74 ci-avant) sans en avoir préalablement informé Luxottica.

334. Un courriel du 29 mai 2008, interne au groupe Krys et intitulé « litiges Luxottica », indique : « Je viens de conclure une discussion polie mais sans équivoque, avec M. X… - Dir ccial de Luxottica […] Luxo s’est offusqué de la promotion RAY BAN "par CODIR " à destination des opticiens CDO qui leur cause, selon eux, un important préjudice. Ils se réfèrent aux forums au site Acuité sur lequel des messages laissent supposer que CODIR distribue toute la gamme à des prix inférieurs à Luxo. http://www.acuite.fr/forum.asp?f=pro. J’ai expliqué la nécessité que nous avons de liquider nos stocks et leur ai proposer (sic) de les reprendre. - Luxo reproche à CODIR de ne pas avoir travailler (sic) en concertation avec eux pour organiser cette promo. - l’utilisation du logo ‘RAY BAN" en plein page A4 sans autorisation de leur part, - de ne pas mentionner clairement qu’il s’agit d’un déstockage, - de ne pas mentionner les dates de sorties de collections des modèles brades […] En conséquence, LUXO nous informe - avoir perdu toute confiance pour poursuivre la distribution RAY BAN via CODIR. - attendre des éclaircissements sur la politique commerciale CODIR. - mettre en suspend (sic) toute livraison RAY BAN chez CODIR (et notamment une commande de 2000p en cours) »613 (gras et soulignement dans le texte original).

335. À cet égard, un courriel de la responsable « produits montures CODIR » du 21 juillet 2008 précise : « En raison des difficultés rencontrées sur Ray Ban, avec Luxottica, nous avons souhaité vous faire un point sur la situation. Nous avons été en rupture sur un certain nombre de modèles Ray Ban. Pendant plus de 3 mois, il a été difficile d’obtenir des informations de la part de Luxottica. Nous avons eu l’information la semaine dernière que nous ne serions pas livrés avant fin septembre. Sachant que ceci concernait des modèles solaires, nous avons décidé d’annuler les reliquats et d’en informer chaque opticien concerné, puisqu’une livraison sur fin septembre, alors que la saison solaire est terminée, n’était pas du tout concevable »614.

336. Dans un courriel en réponse du même jour, le responsable produits Krys rappelle que « La non livraison de luxo est lié (sic) à l’affaire des soldes codir ( ray ban en soldes par codir enseigne +CDO) sans informer ni valider auprès de luxo) »615.

• Les sanctions prises à l’encontre de Sensee en 2012

337. Sensee vend principalement des lunettes par Internet, avec l’objectif de pratiquer des prix compétitifs. Ses représentants ont ainsi déclaré, lors de leur audition du 24 avril 2013 : « Pour les lunettes de soleil, nous nous situons environ à 30 % de prix en dessous de nos concurrents magasins. Pour les montures optiques, cela est plus difficile de répondre car nous ne vendons pas de manière séparée verres et montures »616.

338. Lors de cette audition, ces représentants ont, par ailleurs, indiqué avoir décidé de diminuer les prix de vente au détail de certains modèles emblématiques de la marque Ray-Ban : « Avant mai 2012, nous vendions la marque Ray Ban 15 à 20 € moins chère (sic) qu’en magasin physique. En mai-juin 2012, démarrage de la saison solaire, nous avons décidé de baisser un certain nombre de prix sur la marque Ray Ban : environ 15 à 30 € sur quelques produits emblématiques. »617.

339. Selon eux, Luxottica a, alors, suspendu, du moins partiellement, les livraisons de produits de la marque Ray-Ban : « A partir de ce moment-là, nous avons rencontré de vraies difficultés lors de la livraison de nos commandes avec Luxottica ce qui nous a fait perdre beaucoup de clients car les principales références étaient de fait en rupture de stock. Nos commandes n’étaient pas honorées pour de multiples raisons qui se révélaient fallacieuses. Nous n’étions pas informés officiellement de la raison de ce blocage »618.

340. Plusieurs courriels communiqués aux services d’instruction par Sensee attestent de ces difficultés de livraison619. Par exemple, un courriel de Luxottica à Sensee du 20 juin 2012 indique : « Bonjour Marion, suite à notre conversation hier, pouvez vous me dire ce qu’il se passe avec la commande 5729483 du 12/06 ? Comme je vous l’ai expliqué, elle est toujours en attente d’expédition sur l’extranet alors que la 5751010 du 14/06 est déjà expédiée. Merci de me dire ce qui bloque (je ne pense pas que cela puisse être les encours cette fois ?) car bien sûr nous en avons besoin très rapidement »620.

341. Par ailleurs, un courriel du 9 juillet 2012, interne à Sensee, expose : « Je ne vois toujours rien venir de la part de Luxo, j’ai encore rappelé comme chaque jour et je n’ai pas l’ombre d’une info. Pas de raison du blocage, pas de délai de déblocage. »621.

342. Un autre courriel de Sensee à Luxottica, du 28 juin 2012, fait alors le constat suivant : « Nous avions parlé semaine dernière (sic) de ma commande du 14/06 qui avait été expédiée alors que les commandes du 12/06 ne l’étaient toujours pas. Vous m’aviez dit que le bug informatique était résolu, mais lorsque je regarde le suivi, je vous (sic) que mes commandes du 7 juin sont en cours d’expédition depuis, sans autre mouvement et que mes commandes du 12/06 et suivantes sont toujours en statut enregistré, elles n’ont pas bougé d’un iota et nos stocks s’amenuisent dangereusement, nous avons déjà des ruptures »622.

343. Enfin, le 3 décembre 2012, Sensee a écrit à Luxottica : « Suite à notre entretien, nous avons appelé Elodie qui nous a dit de voir avec F... et en gros il faut qu’il voit avec toi… Dois-je comprendre que contrairement à ce que tu m’as dit nous sommes blacklistés ? »623.

344. Lors de leur audition du 24 avril 2013, les représentants de Sensee ont précisé que Luxottica leur a alors demandé d’augmenter ses prix de revente, sous peine de ne plus être livrés : « Nous avons été contactés pour en parler à condition que ce ne soit ni écrit ni par téléphone. Lorsque nous avons rencontré L..., celui-ci nous a indiqué que si nous remontions les prix nous serions approvisionnés et que si on ne le faisait pas, nous ne le serions pas. Il demandait à ce que tous les produits emblématiques soient situés autour de 90 €. »624.

345. Selon eux, ce n’est qu’après avoir remonté ses prix de revente que Sensee a pu de nouveau être livrée : « Nous avons remonté un peu les prix, et nous avons été livrés, mais c’était l’hiver, la saison était finie. Nous avons raté la commande été 2012 pour le solaire »625.

346. Enfin, les représentants de Sensee ont déclaré que les difficultés de livraison se sont poursuivies au-delà de l’incident décrit ci-avant : « Il y a 15 jours [soit début avril 2013], nous avons passé une commande de 150 modèles via l’extranet de Luxottica. Luxottica nous indique que des commandes de 150 pièces n’étaient pas possibles, qu’il fallait faire des commandes de 50. Mais même en faisant de commandes de 50 pièces, cela ne passe pas sur l’extranet. Un message nous indique de prendre contact avec un responsable. Nous ne savons pas à ce jour si nous pourrons passer commande pour la saison été 2013. Pour les montures optiques, nous rencontrons un peu moins de problèmes notamment parce que les commandes sont beaucoup moins grandes et la comparaison des prix est plus difficile en optique étant donné que nous vendons des produits par package (montures+verres) »626.

c. Les refus d’agrément et fermetures de comptes

347. Il a été constaté que Luxottica a refusé de délivrer ou a retiré des agréments à certains distributeurs en raison de leur politique tarifaire.

• La fermeture du compte de la SARL Paris Optical en 2004

348. Selon sa gérante, entendue le 1er mars 2006, la SARL Paris Optical pratiquait des « prix légèrement inférieurs » aux « prix conseillés » pour les produits Chanel et « susceptibles d’attirer la clientèle vis-à-vis de la concurrence extérieure »627.

349. Selon elle, la marque Chanel lui a été retirée par Luxottica en raison, entre autres, du niveau des prix qu’elle pratiquait : « Luxottica m’a retiré la vente à la fin 2004 des lunettes CHANEL au motif que je ne remplissais pas les conditions minimales de quantités achetées figurant au contrat du mois de novembre 2000 et de son avenant du 26/02/03. […] Par ailleurs, à l’occasion de deux contrôles effectués par le représentant de la marque, on m’a indiqué que je n’appliquais pas le tarif conseillé CHANEL »628.

• Le refus de délivrer un agrément à des opticiens sous enseigne Alain Affelou en 2006

350. L’enseigne Alain Afflelou était généralement considérée comme un « discounter », comme en atteste, notamment, la déclaration du président de la société Réunivest SAS (enseignes Chevillard et Atol), entendu le 18 septembre 2013 : « nous avions déjà un discounteur au sein du SOR [syndicat des opticiens de la Réunion] avec l’enseigne Afflelou »629.

351. Dans un courriel du 15 décembre 2006 saisi lors de l’opération de visite et saisie, un franchisé d’Alain Afflelou informe Alain Afflelou Franchiseur que deux de ses magasins se sont vu refuser l’agrément Chanel après avoir pris part à l’opération « La moitié de votre monture à l’œil » : « Objet : contrat CHANEL […] Nous tenions à vous informer que CHANEL revoyait sa politique vis-à-vis des franchisés Alain AFFLELOU et notamment sur l’ouverture des nouveaux comptes suite à la dernière campagne publicitaire « -50 % ». Ils en (sic) souhaitent pas favoriser l’enseigne Alain AFFLELOU. De plus, ils nous précisent que le chevalet mentionnant « les conditions d’application de l’offre » n’est pas assez visible par notre clientèle pour ces marques prestigieuses. De ce fait, l’ouverture CHANEL dans nos boutiques de TOURCOING et d’ARRAS se trouve compromis (sic) »630.

352. À ce sujet, le directeur du référencement de la société Alain Afflelou Franchiseur a toutefois déclaré, le 15 novembre 2011 : « J’estime que ce courrier reflète le dépit d’un franchisé qui s’est vu refuser l’agrément Chanel pour deux de ses magasins. Il impute ce refus à l’opération commerciale la moitié de la monture à l’œil. Je ne suis pas d’accord avec ces propos. »631.

• La fermeture de comptes d’opticiens sous enseigne Optical Center en 2007

353. Il ressort d’un courriel du 28 août 2007 entre des employés de Luxottica que ce fabricant a fermé le compte Chanel de certains distributeurs, en raison de leur qualité de « discounter » : « Malheureusement, les points suivants ne satisfont pas les critères de Chanel. […] Optical Center : il s’agit d’un discounter qui pourrait nous générer des problèmes avec Chanel (3 Optical Center sont déjà fermés pour 2007 pour le même motif). »632.

354. Interrogée sur cette pièce, la société Luxottica apporte les commentaires suivants : « Optical Center est un discounter. Je ne sais pas si ce point de vente a été ouvert. Je vous donnerai plus d’informations à ce sujet. Nous n’avons pas de remarques spécifiques de la part de Chanel sur nos relations avec Optical Center. »633.

• La fermeture du compte d’un opticien sous enseigne Optic Duroc en 2008

355. Ainsi qu’il a été rappelé au Tableau 38 ci-avant, DPSF Optic a contacté Luxottica pour se plaindre des prix pratiqués par une boutique Optic Duroc « notoirement discounter »634 s’agissant de lunettes de marque Chanel et Prada.

356. Dans un courriel interne à Luxottica du 25 octobre 2011, faisant suite à cette plainte, le président de Luxottica France indique qu’il est prêt à fermer le compte de cette boutique si elle pratique des remises : « Donnez-moi la date du contrat. S’il y a des remises, nous fermons le compte avec préavis »635 (courriel interne à Luxottica, traduction libre).

357. Interrogés le 11 juillet 2011 à propos de ce courriel, les représentants de Luxottica ont déclaré qu’ils avaient considéré que le prix pratiqué par cet opticien était attentatoire à l’image de la marque : « Optic Duroc à Montpellier donnait une lunette soleil Chanel pour un euro de plus après achat d’une première monture. Il ne payait pas Luxottica depuis 12 mois. J’étais vexé pour deux raisons : il ne payait pas ses factures et j’ai considéré que donner une monture Chanel pour un euro portait atteinte à la marque. Je sais qu’en 2009, quand j’ai quitté mes fonctions de directeur général en France, il avait payé ses factures et était toujours dépositaire de la marque Chanel »636.

358. Enfin, le président de la société Optic Duroc SAS, entendu le 21 juin 2011 à ce sujet, a confirmé qu’un magasin Optic Duroc s’était vu retirer la marque Chanel car il avait offert une remise sur une monture de marque Chanel : « Il y a des fabricants qui nous demandent d’exclure leurs marques du bénéfice des remises. Je vous communiquerai les affiches où nous excluons certaines marques de bénéfice de remises. Par exemple pour la marque Chanel en 2008 un magasin de Montpellier a perdu la marque Chanel car un salarié avait fait une erreur en faisant un devis avec une remise sur une monture Chanel car il ne savait pas qu’il fallait exclure cette marque. »637.

L’application par les distributeurs des consignes tarifaires de Luxottica

359. À la demande de Luxottica, ses distributeurs ont exclu les produits de ses marques de leurs opérations promotionnelles. De manière générale, ils ne pratiquaient pas de remises sur ces produits, qu’ils vendaient à des prix conformes aux prix diffusés par le fabricant.

a. L’exclusion des marques de Luxottica des opérations promotionnelles

360. Il ressort des pièces du dossier que les marques de Luxottica étaient expressément exclues des opérations promotionnelles réalisées par les opticiens. Selon plusieurs opticiens, ces exclusions étaient demandées par Luxottica ou imposées par les contrats qu’elle concluait avec ses distributeurs.

• Opérations menées par Optical Center en 2005

361. Interrogées à propos d’une opération menée en janvier 2005, la directrice communication et marketing et la directrice produit d’Optical Center ont déclaré le 22 juin 2011 : « Cette opération consistait à offrir une paire de marque pour l’achat d’une autre paire de marque. On continue à faire cette opération (« offre plaisir »). C’est une offre régulière tous les ans pendant trois mois. Nous n’offrons pas de Chanel gratuite »638.

• Opération « La moitié de votre monture à l’œil » menée par Alain Afflelou en 2006 et en 2008

362. Il a été constaté que, à la demande de Luxottica, Alain Afflelou a modifié le matériel promotionnel relatif à l’opération « La moitié de votre monture à l’œil » menée en 2006, afin d’en exclure certaines des marques du fabricant.

363. Le 31 octobre 2006, un communiqué de presse d’Afflelou, paru sur le site Acuité annonçait : « News du 31/10/2006 Afflelou relance la monture à moitié prix » : […] Les porteurs pourront bénéficier d’une réduction de 50 % sur les montures optiques […] jusqu’à fin février 2007. Cette offre commerciale concerne également les montures de marques, comme Dior, Gucci, Hugo Boss, D&G, Armani... Les montures présentes depuis d’un mois dans les points de vente, ainsi que celles des marques Chanel, Cartier, Fred, Oakley, Montblanc, Bulgari, Prada, Versace et Dolce & Gabbana n’entrent pas dans le cadre de cette offre. »639.

364. Le 3 novembre 2006, le directeur commercial de Luxottica France a écrit au président d’Alain Afflelou le courriel suivant : « Nous vous prions de trouver ci joint les conditions que vous demandez d’afficher, vous avez oublié Ray Ban / Ray Ban Optique et D&G. Est-il possible de faire un erratum et de rajouter ces marques. »640.

365. En réponse, ce dernier a indiqué : « Tu as la réponse sur acuité.fr ou nous avons précisé que toutes les montures avec des contrats de distrib. étaient exclues »641.

366. Le directeur commercial de Luxottica France a alors précisé : « J ai bien lu Acuité, si vous pouvez rajouter Ray Ban / Ray Ban optique sur le courrier interne et me remettre copie cela serait plus démonstratif face aux nombreuses conversations que je dois soutenir concernant le cas Ray Ban. »642.

367. À la question « Luxottica vous demande-t-il de retirer les marques RayBan, Ray Ban Optique et D&G du bénéfice de l’opération « Moitié de la monture à l’œil » ? Quelles autres marques ? », un représentant d’Alain Afflelou entendu le 16 novembre 2011 a répondu : « Oui car nous les avions omises. Je ne crois pas qu’il ait d’autres marques pour lesquelles ils ont demandé l’exclusion. En effet pour Ray Ban et Dolce Gabanna (sic) il existait un contrat de distribution sélective. Je ne suis pas certain qu’un tel contrat existait pour D&G. »643.

368. L’intéressé a par ailleurs confirmé que, pour cette raison, Alain Afflelou avait publié un erratum sur le site Acuité644.

369. Les notes du directeur du référencement d’Alain Afflelou, qui, selon ce dernier, ont été prises le 15 décembre 2007 lors d’un rendez-vous téléphonique avec la responsable de la marque Chanel de Luxottica France645, indiquent : « Campagne Ne plait pas à Chanel Moitié Ci-joint copie de facture. Devis en date du 6/12/2006 M... totalement contre. Devis contre. Ne veut pas défendre les dossiers »646.

370. L’intéressé, entendu le 15 novembre 2011, a déclaré : « Madame M… me faisait part du mécontentement de Chanel par rapport à l’offre promotionnelle « la moitié de la monture à l’oeil ». Je ne me souviens pas ce que veut dire la suite de mes notes. D’ailleurs dans le document de la cote CP 365 [conditions de l’offre en magasin] la marque Chanel avait été exclue de l’offre à la manière que j’ai exposée à la réponse 27.1. »647.

• Opération menée par DPSF Optic (enseigne Alain Afflelou) en 2006

371. Dans un courriel du 24 octobre 2007, DPSF Optic – une boutique sous enseigne Alain Afflelou – a indiqué que l’année précédente il a respecté son engagement de ne pas appliquer l’offre prévue par Alain Afflelou sur les marques prestigieuses de Luxottica : « en passant devant la boutique d’un confrère : "DUROC OPTIC" j’ai eu à constater que sa vitrine était copieusement garnie de boites CHANEL, intrigué ,j’ai envoyé une de mes collaboratrices faire un devis chez cet opticien notoirement discounter pour constater que celui ci accordait une remise de 40 % sur un équipement optique : (monture CHANEL + deux verres) , ou bien pas de remise si la cliente prenait pour un euros EN PLUS DE LA CHANEL ? un équipement optique avec une PRADA : ces deux marques étant de votre fabrication et faisant l’objet de contrats sélectifs, je m’étonne que vous tolériez ce genre de pratiques alors que l’année passée lors de l’opération initiée par ALAIN AFFLELOU j’avais respecté à la lettre mon engagement de ne pas appliquer l’offre sur vos marques prestigieuses. je suis déçu et étonné ! en étiez vous seulement au courant ? désireux de conserver nos excellentes relations, je vous serai reconnaissant de bien vouloir me tenir au courant de vos intentions à ce sujet. »648.

• Opération « La moitié de votre monture à l’œil » prévue par Alain Afflelou pour la fin de l’année 2007

372. Un courriel interne à Alain Afflelou du 10 avril 2008 atteste que le distributeur avait envisagé d’exclure plusieurs marques de Luxottica de l’opération « Monture à moitié prix » qu’il avait prévue de mener en 2007 : « Dans le cadre de l’opération « Monture à moitié prix », prévue pour 2007, mais qui n’a pas été mise en place, un certain nombre de marques étaient exclues en vertu du contrat de distribution sélective : Bulgari […] Burberry […] Chanel […] Dolce Gabbana […] Oakley […] Prada […] Versace […] A ma connaissance, ces marques font l’objet d’une négociation au niveau de la centrale de référencement et à chaque contrat est annexé une liste des magasins autorisés à distribuer cette marque. »649.

• Opérations « moitié prix sur les montures » menée par Alain Afflelou en 2008

373. Le guide de campagne de l’opération « moitié prix sur les montures », menée par Alain Afflelou du 20 mai 2008 au 31 juillet 2008650, indique que plusieurs marques de Luxottica – dont Arnette, Ferragamo, Miu Miu, Polo Ralph Lauren, Vogue, Bulgari, Burberry, Chanel, Dolce & Gabbana, Versace, Versus et D&G – font « l’objet d’un contrat de distribution sélective ne [lui] autorisant pas ce type d’opération »651 (voir le paragraphe 228 ci-dessus).

374. En outre, dans un courriel du 29 octobre 2007 d’Alain Afflelou à CODIR s’agissant des modalités de l’opération « La monture à moitié prix du 2 janvier au 28 février », un cadre d’Alain Afflelou a indiqué que les marques qui font l’objet de contrats de distribution sélective sont exclues de cette opération : « Toutes les montures sont à moitié prix sauf les points rouges Les points rouges concernent : • Les montures présentes en magasin depuis moins d’un mois • Les marques régies par des contrats de distribution sélective »652. • Opération « SMS » menée par Grand Optical en 2008

375. Dans un courriel du 13 décembre 2007 de Grand Optical à Safilo, s’agissant des soldes de janvier 2008, la Directrice marketing produits de Grand Optical a écrit : « Nous excluons seulement les marques ayant un contrat de distribution sélective : Chanel, Oakley »653. Ces mêmes marques sont exclues de l’opération SMS du 15 au 24 février 2008, comme le précise le SMS envoyé par Grand Optical : « 25 % de remise pour l’achat d’une paire de lunettes de soleil (hors Chanel, […] Oakley) »654.

376. Dans un autre courriel du même jour – dont l’objet est « Pour information : soldes janvier 2008 + avancée Opération Anniversaire GrandOptical » – la directrice marketing produits de Grand Optical a indiqué à Luxottica que la marque Chanel avait déjà été exclue d’une opération l’année précédente : « Je t’en avais parlé lors de notre dernière rencontre à Guyancourt, nous faisons comme chaque année une opération Soldes. Voici un dossier de présentation à titre d’information. La mécanique est identique à celle de l’année passée où Anne m’avait donné son ok sur l’ensemble des marques hors Chanel bien sûr »655.

• Opération menée par Optic Duroc en 2008

377. Une capture d’écran réalisée le 28 juillet 2008 atteste qu’Optic Duroc offrait des réductions de 25 % aux détenteurs d’une carte premier ou d’une carte ISIC sur toute sa gamme solaire, à l’exception, notamment, des produits Chanel656.

• Opération Pourcent’age menée par Grand Optical de 2007 à 2011

378. Comme l’a précisé lors de son audition du 5 octobre 2011 le directeur général de la société Grand Optical, l’opération « Pourcent’age » consistait à accorder une réduction aux consommateurs en fonction de leur âge, dans la limite de 75 %657. Dans un courriel du 28 octobre 2011, les conseils de la société Grand Optical ont précisé que 11 campagnes de ce type avaient été menées du 16 septembre 2006 au 27 novembre 2011658.

379. Un représentant de Luxottica a déclaré le 11 juillet 2011 : « Pour information en 2008, 2009 et 2010 toutes les marques de Luxottica semblent avoir participé à l’opération « Pourcent’age » »659. Le directeur général de Grand Optical a expliqué, quant à lui, que les lunettes de luxe et les lunettes de joaillier en étaient toujours exclues « car les marges ne sont pas très importantes et nous n’avons pas de stock »660. L’exclusion de nombreuses marques est corroborée par les documents suivants.

380. Un document intitulé « Point d’avancement »661 et un post-it662 du 27 juillet 2006, saisis chez Grand Optical, attestent que l’exclusion des promotions de certaines marques dont Chanel, Oakley et Prada, s’agissant des lunettes de vue pour adultes, était envisagée avant même la création de l’opération Pourcent’age. Pour la marque Prada, il est précisé : « Délicat mais on gérera »663.

381. Plusieurs autres pièces portent sur l’exclusion de certaines marques des campagnes menées entre 2006 et 2008. Ainsi, un courriel du 22 septembre 2006 indique que plusieurs marques dont Chanel et Oakley, sont exclues de l’opération en cours664.

382. Par ailleurs, un tableau du 27 novembre 2006, saisi chez Grand Optical, recense les marques, dont Chanel, Dolce & Gabbana, D&G, Prada, Ray-Ban, Versace, Vogue, Versus, Miu Miu et Bulgari, devant être exclues de la campagne de février 2007. Il comporte une légende précisant : « Rappel négos […] à date : TTES LES MARQUES DE LUXOTTICA SONT A EXCLURE »665.

383. Sur cette même campagne, un opticien de l’enseigne Grand Optical a déclaré le 9 mars 2007 que parmi les marques exclues de cette campagne, qui étaient référencées dans son magasin, figuraient Oakley, Chanel, Prada et Ray-Ban666, ce qui est corroboré par les conditions générales de l’opération, qui mentionnent également les marques Dolce & Gabbana, D&G, Prada, Miu Miu, Ray-Ban, Versace, Vogue et Persol667.

384. L’intéressé a précisé que la politique tarifaire des magasins sous enseigne Grand Optical était décidée par le siège de cette dernière : « La politique tarifaire est décidée par le siège de Grand Optical à Guyancourt, je ne dispose pas de la liberté de proposer des remises sur les montures, sauf en cas d’alignement sur la concurrence. Concernant les montures exclues de l’offre publicitaire, je ne dispose pas de l’autorisation de faire la moindre remise excepté le cas du paiement avec notre carte privative « Grand Avantage » ou « Grand Avantage premium », qui offre 10 % de remise sur le prix global de la facture. [...] Si, par erreur, nous proposons ou pratiquons une remise non conforme à ce qui a été demandé, à l’aide du logiciel nous reliant au siège, nous recevons un message de mise en garde et une demande de justification. Je vous remets, comme exemple, un message lié à une erreur de remise à un client »668.

385. Enfin, un document concernant cette même campagne indique parmi les « MARQUES optiques EXCLUES : (contrats de distribution spécifique) » Chanel, Dolce & Gabbana, Prada, Ray-Ban, Versace, Persol, D&G, Oakley, Miu Miu, Vogue et Bulgari669 (voir le paragraphe 229 ci-avant).

386. Quant à la campagne menée du 25 février 2008 au 26 avril 2008, deux circulaires concernant l’opération « Pourcent’Age » précisent que sont exclues en raison d’accords contractuels signés avec les fournisseurs (et donc Luxottica) les marques Chanel, Versace, Vogue, Bulgari, Dolce & Gabbana, Oakley, Ray-Ban, D&G, Ralph Lauren et Miu Miu, toutes sous licence de Luxottica670 (voir le paragraphe 230 ci-avant).

387. Enfin, un courriel du 28 octobre 2011 des conseils de Grand Optical aux services d’instruction liste les marques ayant été exclues des campagnes menées de 2007 à 2011671. Le Tableau 42 ci-dessous récapitule, pour chaque marque de Luxottica concernée, la ou les campagnes dont elles ont été exclues.

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388. S’agissant des raisons qui ont conduit Grand Optical à exclure certaines marques de ses opérations, un représentant de Luxottica a soutenu, le 11 juillet 2011, que sa société ne refusait pas que ses marques fassent l’objet d’opérations promotionnelles et que, s’agissant spécifiquement de Pourcent’age, Luxottica n’avait pas donné l’ordre de ne pas inclure ses marques672.

389. Toutefois, lors de son audition du 28 septembre 2011, l’ancienne directrice marketing produits de la société Grand Optical a déclaré :

« Les fournisseurs nous ont contactés suite à la mise en place de l’opération Pourcent’Age. Cette opération a dérangé les fournisseurs parce qu’ils devaient faire face à la pression des marques et des autres enseignes qui se plaignaient auprès des fournisseurs en demandant pourquoi ils laissaient Grand Optical casser les prix sur le marché »673.

390. Invitée à citer les marques dont les sociétés détentrices ou les fabricants ne souhaitaient pas qu’elles fassent l’objet de l’opération Pourcent’age, l’intéressée a indiqué : « Celles dont je suis sûre sont Chanel et Prada. Je ne me souviens pas pour les autres. […] Pour Ray Ban, Chanel, Dolce Gabbana, Prada, […] nous savions que les fournisseurs n’appréciaient pas que ces marques fassent l’objet de l’opération. Mais pour autant notre décision de les retirer de l’opération était indépendante de la volonté des fabricants. »674.

391. Lors de la même audition, elle a également déclaré : « Lors du lancement de [l’opération Pourcent’age], les fournisseurs (principalement Safilo, Luxottica et Mikli) se sont interrogés sur la politique qu’on allait avoir à propos de leurs marques. Luxottica et Safilo ont une pression importante de la part des marques pour que l’image de ces marques soit respectée. Luxottica et Safilo veillaient alors à protéger l’image de ces marques pour en conserver la licence de distribution. Concernant ce document, Luxottica et Safilo nous demandaient si leurs marques étaient inclues ou non dans l’opération et nous leur avons répondu que nous avions décidé d’exclure de notre propre chef certaines de leurs marques pour les raisons déjà invoquées (absence de nécessité commerciale de faire des remises pour vendre des volumes importants). »675.

392. Le fait que Luxottica se soit opposée à l’opération concernant ses marques est corroboré par plusieurs documents versés au dossier.

393. Tout d’abord, un document du 14 novembre 2006, saisi chez Grand Optical, qui liste les marques dont le fournisseur s’est opposé à l’inclusion dans la campagne de promotion – « FRS [fournisseurs] PAS OK (a priori pas ok pour prochaine) » – cite les marques Ray-Ban, Prada, Versace et Vogue, distribuées par Luxottica676.

394. En outre, un courriel du 7 décembre 2006, de la directrice marketing produits au directeur général de Grand Optical, intitulé « Positions fournisseurs Opé % 2007 » indique : « LUXO : Exclusions pour 1ere opé de février de toutes leurs marques : - on montre qu’on joue leur jeu en début d’année, on attend juin pour faire le constat si oui ou non ils ont réussi à assainir le marché --> réajustement des exclusions sur ope de sept, en fonction »677.

395. À cet égard, l’auteur du courriel a déclaré le 28 septembre 2011 : « La pression de Luxottica était plus importante que celle de Safilo. Notre discours était de dire que les enseignes étaient libres vis-à-vis des fabricants de mener des opérations commerciales. […] Nous recueillions des devis auprès des concurrents pour démontrer à Luxottica que les autres enseignes faisaient également des opérations sur leurs marques et que nous devions être libres de notre politique commerciale. »678.

396. Enfin, le compte rendu d’une réunion organisée le 20 novembre 2007 entre Grand Optical et Luxottica indique : « Nous avons confirmé notre intention de ne pas non plus participer à ce type de promotion en 2008 afin de sauvegarder le positionnement de notre marque et de ne pas déroger à notre ligne de conduite au niveau européen. GO déplore le fait que cette rigueur en matière de « promotion » ne soit pas appliquée à leurs concurrents comme Optical Center, qui continue à se présenter comme un discounter. »679.

• Opération « grandes marques » menée par Krys en 2009

397. L’ancien directeur des achats de Guildinvest, devenue Krys, a déclaré le 14 octobre 2011, que Ray-Ban avait refusé de faire partie de l’opération « grandes marques » et que Chanel refusait systématiquement ce type d’opérations : « J’avais organisé une « Opération grandes marques » avec des conditions d’achat pour l’opticien très préférentielles obtenues grâce à un effet de volume. Cette opération passait par Codir. Cette opération n’a jamais été faite auparavant ; pour la première fois les opticiens pouvaient librement passer commande parmi une sélection de 25 marques. Cette opération a été mise en place en 2009 avec un fort succès. Elle a été reconduite après mon départ. Les marques qui faisaient partie de l’opération étaient par exemple Guess, Elle, Esprit, Façonnable, Roberto Cavalli, Ralph Lauren. Ray-ban (sic), Dior, Carrera n’ont pas souhaité faire partie de cette opération malgré notre demande. Je n’ai pas demandé à ce que la marque Chanel fasse partie de l’opération car elle refuse systématiquement ce type d’opérations. »680.

• Opération menée par Optic Duroc en 2010 et 2011

398. Optic Duroc a communiqué aux services d’instruction un document précisant les conditions générales de vente d’une offre valable du 13 décembre 2010 au 31 mars 2011, dont il ressort que la marque Chanel était exclue de cette offre : « -40 % sur les montures et verres optiques + une 2ème paire OFFERTE -25 % sur les solaires. Réduction appliquée sur le tarif magasin, sauf sur les montures Tom Ford, Chanel, Montblanc, Mikli et Silhouette. »681.

• Opérations menées par Vision Store en 2013

399. Un rapport de la DGCCRF du 28 novembre 2013 atteste que les affiches publicitaires placées dans le magasin Vision Store d’Aubervilliers indiquaient que la marque Chanel était exclue des opérations promotionnelles réalisées dans cette boutique : « Promotions d’Hiver VISION STORE C’est 40 % Sur TOUTES LES OPTIQUES et SOLAIRES (sauf Chanel) Du 25 Novembre 2013 au 15 février 2014 »682.

400. Selon ce rapport, Vision Store a, en outre, diffusé un tract publicitaire précisant également que la marque Chanel n’était pas concernée par l’opération : « PROMOTIONS Avec le retour du beau temps, Alexis et toutes ses équipes vous proposent sur toutes les montures optiques et solaires Partenaire des plus grands Fournisseurs de verres progressifs • sauf Chanel. »683.

b. L’exclusion des marques de Luxottica de toutes les remises

401. Certains opticiens ne pratiquaient aucune remise sur les marques de Luxottica, en vertu d’accords conclus avec le fabricant.

• S’agissant de Grand Optical

402. Le 14 décembre 2005, la directrice marketing produits de Grand Optical rappelle au directeur commercial de Luxottica que Grand Optical s’est engagée à ne plus faire aucune remise sur les produits de la marque Chanel, à la suite d’une intervention de Luxottica, et que les contrôles effectués par Luxottica attestent du respect de cet engagement : « M. Y… [dirigeant de Grand Optical] s’est officiellement et fermement engagé auprès de Luxo d’exclure la marque Chanel de sa politique commerciale et de ne plus faire aucune remise client. Après vérification sur son site, la mention (offre valable sauf sur Chanel pour les magasins dépositaires) apparaît bien dans les conditions de la 2eme paire de marque offerte : http7/vwvw optical-center.com/actualite/index.php ?m =offres […] Tu m’affirmes que vous avez fait plusieurs contrôles par mois depuis et que OC respecte ses engagements. »684.

• S’agissant d’N…

403. Dans un courriel du 18 juin 2008, N... indique à ses adhérents : « vous avez dû tous recevoir les contrats de distribution sélective concernant Ray Ban. si ce n’est pas le cas, veuillez m’en faire part. Pour nos fournisseurs, ces contrats consistent à mieux maîtriser les pratiques des opticiens. Notamment, cela leur permet d’interdire les remises en magasin sur la marque. Par conséquent, pas de remise sur Ray Ban pour le TP MGEN, ou pour l’application de la monture à moitié prix de Pluriel (remise sur les verres). »685.

• S’agissant de Transparence Optique

404. Il ressort du « Field Visit Report » réalisé par Safilo et Dior le 7 mai 2009 à Cannes et Antibes686 que figurait dans la boutique Transparence Optique située à Antibes un panonceau indiquant : « Aucune REMISE ou PROMOTION ne seront accordées sur les marques : Gucci, Christian Dior, Ray-Ban, Tag Heuer, Prada, Fred, Chanel, Bvlgari, D&G, Dolce & Gabbana »687.

• S’agissant d’Optical Center

405. Un document présent sur l’Intranet de la société Optical Center en juillet 2011 indique : « Toutes nos offres et promotions éventuellement en cours ne s’appliquent pas aux marques "Chanel" et "Fred" »688.

406. En outre, les représentants d’Optical Center SAS ont déclaré, le 22 juin 2011, avoir conclu un « accord tacite » avec les fabricants, par lequel le distributeur s’engageait à ne « jamais associer une marque à un prix ou à une réduction de prix quelque (sic) soit le support » (voir le Tableau 34 ci-avant).

• S’agissant d’Alain Afflelou

407. Le responsable adjoint du magasin Alain Afflelou des Champs-Élysées a déclaré, le 12 décembre 2013, que certaines marques, telles que Chanel, ont été exclues, dans un premier temps, d’une opération prévoyant des remises de l’ordre de 50 %, après avoir indiqué que les marques « hautes gammes » préfèreraient que les opticiens ne fassent pas de remises : « Non on ne fait pas de soldes mais il y a des remises avec des opérations commerciales. Les remises vont jusqu’à 5-10 %. Les marques hautes gammes préféreraient que nous ne fassions pas de remises, mais nous faisons ce que nous voulons en termes de politique tarifaire […] Lorsque nous avons organisé l’opération 50 % cette année (juin à août), nous avons au départ enlevé certaines marques telles que Chanel et Cartier à la demande du gérant des succursalistes. Par la suite, elles ont quand même fait l’objet de l’opération. Je ne connais pas les raisons de ces retraits, ce n’est pas moi qui gère les relations avec les fournisseurs. »689.

• S’agissant de Krys

408. Un opticien de la SARL Coin de Rue – qui exploite une boutique sous enseigne Krys – a déclaré, le 13 décembre 2013, que l’offre Krys prévoyant une remise de 50 % devrait exclure la marque Chanel, les remises sur les produits de cette marque étant interdites : « Je sais juste que Chanel est très exigeant étant donné que ma femme travaille chez un autre opticien (Optic 2000) et vend la marque Chanel. Par exemple, elle me dit qu’il n’est pas possible de faire des remises sur cette marque. Notre offre moins 50 % devrait prévoir d’exclure la marque Chanel pour ne pas avoir d’avertissement avec le risque de perdre la marque en distribution. »690.

c. L’application par les distributeurs des prix de revente communiqués par Luxottica

409. Plusieurs éléments figurant au dossier indiquent que les distributeurs de Luxottica appliquaient les prix de revente qu’elle communiquait.

410. En premier lieu, l’étude précitée réalisée par un représentant de Safilo au printemps 2009691 conclut que Luxottica parvient à assurer des prix homogènes au sein de son réseau de distribution : « Stratégie de prix […] La différence se fait sur les coefficients recommandés par Luxottica. […] Bien que Luxottica n’ait aucun pouvoir sur la politique des prix auprès des opticiens, la crainte de perdre la marque permet d’avoir des prix homogènes chez les opticiens. (Luxo a bel et bien le pouvoir de faire respecter les coef en utilisant la « carrotte » (sic) accès à la marque »692.

411. En deuxième lieu, il ressort de plusieurs pièces du dossier que certains opticiens s’engageaient auprès de Luxottica à respecter les prix de vente conseillés.

412. Ainsi, dans un courriel du 13 avril 2005, la directrice marketing produits Grand Optical s’est plainte auprès de Luxottica de la politique tarifaire de certains de ses concurrents s’agissant de plusieurs marques de Luxottica, dont Chanel, Prada et Versace. Elle a indiqué que Grand Optical continue de « tenir un discours plein de rigueur sur […] les prix » à ses directeurs de magasins : « Ce mail pour vous informer (je dirais même alerter) sur le fait que nous sommes de plus en plus confrontés à une sérieuse problématique prix sur plusieurs de vos marques dont CHANEL ( ! ! ! !) vis-à-vis de certaines enseignes concurrentes qui pratiquent des remises de 40 % ou offre une 2eme monture de la même marque, ce qui n’est pas sans poser problèmes à nos Directeurs de Magasins qui se retrouvent bien en difficultés face à leurs clients. Comme vous le savez, Grand Optical a fait et fait énormément d’efforts pour répondre aux exigences de la maison Chanel, notamment concernant le respect de son image de marque. C’était faire ces efforts et respecter nos engagements ou vous nous fermiez des comptes. Alors, comment une telle situation peut-elle être possible dans d’autres enseignes et quel discours pouvons-nous tenir à nos directeurs de magasin quand ils voient CHANEL distribuée et littéralement bradée chez leurs concurrents pendant que nous, nous continuons à leur [aux directeurs de magasins] tenir un discours plein de rigueur sur l’expo/les prix/les logo plaques etc etc... ? »693.

413. En outre, dans un courriel du 21 février 2008, une consommatrice a signalé à Krys qu’elle avait acheté, dans un de ses magasins, des montures Dolce & Gabbana et des verres correcteurs Krys à 600 euros, alors que le même produit chez Optical Center coûtait 260 euros. Une représentante du service relations clients de Krys lui répond : « Concernant la différence tarifaire que vous avez constaté (sic) d’une part sur la monture, nous tenons à vous assurer que chez Krys nous respectons nos engagements de politique commerciale auprès de nos fournisseurs et vous confirmons que Mr O... a appliqué le prix de vente public indiqué par Doce Gabbana (sic) à qui, nous signalons cette information »694.

414. Enfin, les Opticiens Mutualistes ont accepté la condition posée par Luxottica de « respect[er] les prix « public » conseillés et affichés pour chacune des marques » sur « l’ensemble des supports et visuels » (voir les paragraphes 264 et suivants ci-avant).

415. En troisième et dernier lieu, vingt-neuf déclarations, s’échelonnant entre le 11 octobre 2005 et le 1er octobre 2014, attestent que les distributeurs appliquaient les « prix conseillés » par Luxottica.

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416. Figurent, par ailleurs, au dossier dix déclarations de distributeurs soutenant qu’ils ne tenaient pas compte des « prix conseillés » pour déterminer leurs prix, ou qu’ils disposaient d’un coefficient unique pour déterminer le prix de vente au détail de tous leurs produits (voir le Tableau 44 ci-après).

417. Il convient néanmoins de rappeler que, parmi ces distributeurs, les gérants de l’EURL Optimik et de la SARL Optique Bank ont déclaré avoir retiré, respectivement, la marque Chanel et la marque Prada de leurs opérations promotionnelles (voir le Tableau 36 ci-avant), attestant ainsi qu’ils respectaient les consignes de Luxottica. La SARL Optique Bank a, d’ailleurs, précisé qu’elle pratiquait des prix qui n’étaient pas « aberrants » par rapport aux « prix conseillés », à l’instar du gérant de la SARL Dôme Optic, qui a indiqué que ses prix de vente au détail des produits Chanel étaient supérieurs à ces prix (voir le Tableau 44 ci-après).

418. En outre, les gérants de l’EURL Optimik et de la SARL FARMEDICA étaient conscients que leurs prix étaient surveillés par les représentants des marques (voir le Tableau 37 ci-avant).

419. Enfin, Grand Optical et le gérant de la SARL Optique Réunion surveillaient les prix pratiqués par leurs concurrents, dont ils informaient Luxottica, lorsqu’ils considéraient que ces prix n’étaient pas conformes aux contrats ou aux consignes du fabricant (voir, notamment, le paragraphe 310 et le Tableau 38 ci-avant).

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2. L’INTERDICTION DE REVENTE EN LIGNE DES LUNETTES SOLAIRES ET DES MONTURES DE LUNETTES DE VUE

420. Pour rappel, les entreprises concernées par les griefs visant à interdire les ventes par Internet des distributeurs, qu’il s’agisse du grief n° 2 notifié le 13 février 2015 ou du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019 sont retracées dans le Tableau 45 ci-dessous.

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421. Seront examinées les pratiques reprochées à LVMH et Logo (a), puis celles reprochées à Chanel et Luxottica (b).

a) S’agissant des pratiques reprochées à LVMH et Logo

422. Les pratiques reprochées respectivement à LVMH et Logo seront rappelées ci-après.

S’agissant des pratiques reprochées à LVMH

423. Les griefs notifiés à LVMH sont synthétisés dans le Tableau 46 ci-dessous.

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424. L’article 7.1. du contrat de licence signé par les sociétés TAG Heuer SA et Logo SA738 figurant au dossier stipule : « Logo s’interdira et interdira à ses distributeurs de vendre les Produits par catalogue ou sur Internet, sans l’autorisation préalable écrite de TAG Heuer. TAG Heuer s’interdit par elle-même ou par son réseau de distributeurs, de vendre les Produits sur internet sans l’accord préalable et écrit de Logo »739.

425. En vertu de son article 13.1., ce contrat est entré en vigueur le 1er janvier 2007 et l’est resté jusqu’au 31 décembre 2011740.

426. Invité à commenter la portée de cette clause, un représentant de TAG Heuer a déclaré, le 14 novembre 2014 : « En France comme dans tout l’espace économique européen, la vente sur internet est autorisée mais nous interdisons la vente à des « pure players » car, entre autres, ils n’ont pas de point de vente physique et ça fait partie des critères de sélectivité. […] »741.

S’agissant des pratiques reprochées à Logo

427. Le grief notifié à Logo, s’agissant des pratiques visant à interdire à ses distributeurs agréés de vendre en ligne, est synthétisé dans le Tableau 47 ci-dessous.

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428. Bien que ce grief ne vise pas spécifiquement, dans son dispositif, les détaillants agréés pour la marque TAG Heuer, il est fondé uniquement, dans le corps de la notification de griefs, sur les contrats de distribution sélective conclus par Logo pour cette marque. Figurent ainsi au dossier plusieurs contrats de distribution sélective mis en place par Logo pour la marque TAG Heuer, datés de mars 2002, novembre 2008, mars 2009, et avril 2014, aux termes desquels : « LE DÉTAILLANT AGRÉÉ s’engage à ne mener aucune politique de distribution, promotion, vente particulière sans en avoir avisé LOGO S.A, et en avoir obtenu par écrit son consentement. II est particulièrement spécifié que l’autorisation de distribution accordée par le présent accord ne concerne que la vente directe au consommateur en boutique, et exclut toute vente par correspondance, par Internet ou tout autre média électronique. »742.

429. Par ailleurs, le contrat-type non signé, communiqué en novembre 2011 (voir ci-avant paragraphe 120), comporte une clause 4. q. ainsi libellée : « le distributeur agréé accepte que l’autorisation de distribution accordée par le présent accord ne concerne que la vente directe au consommateur en boutique et exclut toute vente par correspondance. Toute autre forme de distribution, promotion ou vente particulière est soumise à l’agrément préalable et écrit de LOGO »743.

b) S’agissant des pratiques reprochées à Chanel et Luxottica

430. Seront successivement examinées les pratiques reprochées uniquement à Chanel et l’entente entre Chanel et Luxottica.

S’agissant des pratiques reprochées uniquement à Chanel

431. Le grief notifié à Chanel est synthétisé dans le Tableau 48 ci-dessous.

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432. Par plusieurs contrats de licence de marque conclus successivement, Chanel a confié à Luxottica la fabrication et la distribution des lunettes de marque Chanel au sein d’un réseau de distribution sélective. L’ensemble de ces contrats comportent des dispositions relatives à la vente à distance et sur internet, qui ont évolué dans le temps.

a. Les contrats de licence des 5 mai 1999, 16 février 2004 et 30 janvier 2008

433. Ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 155 ci-dessus, les contrats de licence engageaient Luxottica à conclure avec ses distributeurs des contrats de détaillant agréé conformes à un contrat-type. Ce dernier interdisait aux détaillants agréés de recourir à la vente à distance, ainsi qu’il ressort du Tableau 49 ci-dessous.

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434. En outre, les contrats de licence du 16 février 2004 et du 30 janvier 2008 mentionnaient expressément l’accord des parties sur le fait que les produits en cause ne pouvaient pas être vendus par Internet (voir le Tableau 50 ci-dessous).

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435. Enfin, les contrats de licence étaient valables pour une durée déterminée (voir le Tableau 51 ci-dessous).

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b. Le contrat de licence du 24 juillet 2014

436. Les clauses du contrat de licence signé le 24 juillet 2014751 engagent également Luxottica à n’accepter et à ne maintenir dans le réseau de distribution que des points de vente répondant à des critères qualitatifs752. Toutefois, à la différence des contrats précédents, ce contrat énumère spécifiquement les critères que le site Internet d’un détaillant agréé doit remplir753 (voir le Tableau 52 ci-dessous).

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437. Enfin, en vertu de l’article 4 du contrat : « Le présent accord entrera en vigueur le 1er janvier 2015. »756 (traduction libre).

S’agissant de l’entente entre Chanel et Luxottica

438. Le grief notifié à Chanel et Luxottica est synthétisé dans le Tableau 53 ci-dessous.

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439. Ce grief est fondé sur les contrats de licence cités aux paragraphes 432 et suivants ci-avant. Figurent également au dossier trois déclarations des représentants de Chanel et de Luxottica, exposées ci-après.

440. Lors de son audition du 11 juillet 2011, le directeur commercial de Luxottica France, interrogé sur la possibilité de vendre des lunettes Chanel sur Internet, a indiqué : « Je ne savais pas, à l’époque (début 2005) si nous pouvions ou pas interdire la vente sur internet. Aujourd’hui on permet la vente en ligne aux magasins dépositaires de la marque Chanel qui ont un point de vente physique. Nous n’avons encore pas eu de demande de la part de « pure players » internet […] Chanel n’a pas de politique sur les ventes Internet »757.

441. De son côté, le directeur international pour l’activité lunettes de la société Chanel Coordination a déclaré, le 21 mai 2013, qu’il était possible de vendre des lunettes Chanel en ligne et que des sites Internet faisaient partie du réseau de distribution sélective de la marque758.

442. Interrogé le 12 juillet 2013 sur cette déclaration, au regard de l’article 7-2 h du contrat de licence du 30 juin 2008 interdisant la vente sur internet (voir le Tableau 50 ci-avant), le représentant de la société Chanel SAS a déclaré : « Cet article n’est pas appliqué. Il existe des détaillants agréés qui vendent par Internet. Les détaillants non agréés qui vendent par internet sont considérés comme faisant partie du réseau de vente parallèle. A ce jour nous sommes en cours de définition de critères qualitatifs et d’une charte graphique pour la vente sur internet. »759.

S’agissant des pratiques d’interdiction de vente en ligne de Luxottica vis-à-vis de certains de ses distributeurs

443. Les griefs notifiés à Luxottica sont synthétisés dans le Tableau 54 ci-dessous.

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a. Les contrats de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes de vue et lunettes de soleil portant la marque Chanel

444. Ainsi qu’il a été rappelé dans le Tableau 49 ci-avant, le contrat-type figurant en annexe des contrats de licence conclus entre Chanel et Luxottica en vigueur du 5 mai 1999 au 1er janvier 2015 prévoyait une interdiction de toute vente en dehors du point de vente.

445. Les contrats de détaillant agréé conclus entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour la marque Chanel (voir les paragraphes 202 et suivants ci-avant) comportent des clauses substantiellement identiques, qui ont évolué dans le temps (voir le Tableau 55 ci-dessous). Tableau 55 : Clauses des contrats de détaillant agréé pour la revente des produits de marque Chanel

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446. Ces contrats sont reconductibles tacitement, comme prévu par leur article 4.

b. Les déclarations d’opticiens s’agissant de la vente en ligne des produits de la marque Chanel

447. Plusieurs déclarations d’opticiens attestent que Luxottica interdisait la vente en ligne des produits de la marque Chanel.

448. Ainsi, le gérant de la SARL Optique Chaussin a déclaré le 18 octobre 2011 : « J’ai ouvert le premier site Internet en optique en France et quand j’ai ouvert le site, Luxottica pour sa marque Chanel m’a demandé de ne pas mettre le produit en ligne pour ne pas porter atteinte à l’image de la marque. », étant précisé que son site a été créé en 2001767. 449. Par un courriel du 19 janvier 2005, le gérant de cette société a demandé au directeur commercial de Luxottica France : « Pourquoi me refuser de mettre Chanel en ligne alors qu’une rapide inspection m’a permis de trouver ces sites qui vendent Chanel ? » et lui a communiqué l’adresse de quatre sites Internet étrangers768. Le 16 février 2005, le directeur commercial de Luxottica France a transféré ce message à un employé de Luxottica en indiquant : « Pouvez-vous intervenir contre ces ventes sur internet »769.

450. Invité à se prononcer sur le sens du courrier précité, le gérant de la SARL Optique Chaussin a déclaré le 18 octobre 2011 : « J’ai arrêté la marque Chanel en 2007 ou 2008 car il y avait trop de contraintes avec la distribution de cette marque. Chanel m’avait interdit de mettre en ligne les lunettes Chanel et j’ai écrit à Luxottica pour leur indiquer que je ne comprenais pas leur position étant donné que ça se faisait sur d’autres sites »770. Il a confirmé, lors de la même audition, que Luxottica lui avait demandé de ne pas faire apparaître la marque Chanel sur son site Internet, « sans doute sous la pression de Chanel »771.

451. De leur côté, les services d’instruction ont constaté qu’à la date de la première notification de griefs, soit le 13 février 2015, un seul des sites évoqués par l’intéressé vendait des lunettes, exclusivement solaires, de marque Chanel772.

452. Par ailleurs, le consultant de la société GIB Optic SARL – détaillant agréé pour la marque Chanel773, qui exploite une boutique située à Paris sous l’enseigne Lunigal et administre le site de vente en ligne www.lunigal.fr depuis février 2013, a déclaré le 1er octobre 2014 qu’il ne vendait pas de produits de la marque Chanel sur ce site car « Chanel refuse que ses produits soient vendus sur internet »774. Il a précisé « Si nous vendons leurs produits sur Internet ils nous enlèvent la marque. Ces consignes sont données à l’oral jamais à l’écrit »775. Interrogé quant aux indications données par Luxottica s’agissant de la vente en ligne, l’intéressé a ajouté : « ils ne nous ont rien communiqué concernant les critères qualitatifs et/ou la charte graphique à respecter par votre site internet (sic). Chanel ne veut pas qu’on vende ses produits sur notre site. »776.

453. En revanche, plusieurs distributeurs ont déclaré vendre en ligne des lunettes solaires de la marque Chanel (voir le Tableau 56 ci-dessous).

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454. Toutefois, parmi ces opticiens ayant indiqué vendre en ligne des produits Chanel, deux ont précisé que leurs sites Internet étaient essentiellement des sites dits vitrines. Ainsi, la directrice de la SA Nagabbo a indiqué : « Nous ne réalisons pas beaucoup de ventes sur notre site internet car l’utilisateur internet est, en générale (sic), à la recherche de remises ou rabais. Il n’est pas attiré par les prix que je pratique. Notre site internet sert, alors, de site vitrine afin de montrer les produits que nous avons en magasin et générer du trafic en magasin. »783. Le gérant de l’EURL Novoptic a, de son côté, déclaré : « Le chiffre d’affaire (sic) sur le site est très faible. Il s’agit plus d’un site vitrine qu’autre chose. »784.

455. De surcroît, les quatre distributeurs concernés ont tous précisé que Luxottica et Chanel ne leur avaient communiqué ni critères qualitatifs, ni charte graphique devant être respectés par leurs sites Internet (voir le Tableau 57 ci-dessous).

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a. Les chartes de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes de vue et lunettes de soleil portant les marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari

456. L’article 2 des chartes de détaillant agréé pour la distribution des montures de lunettes de vue et lunettes de soleil portant les marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari, citées aux paragraphes 205 à 207, 210 et 214 ci-dessus, prévoit des restrictions s’agissant de la vente en ligne de ces produits (voir le Tableau 58 ci-dessous).

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457. L’article premier de la convention commerciale conclue entre Luxottica France SAS et la société Optical Center SAS792 le 11 février 2013793 stipule que : « l’activité de revente sur le site internet officiel de la société Optical Center fait partie des présentes conditions et est déclarée et rattachée à un magasin succursaliste existant. Toute revente à d’autres sites internet tiers en dehors de www.optical-center.eu n’est pas autorisée »794.

458. En vertu de son article 2, cette convention concerne notamment les collections des marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Bulgari et Dolce & Gabbana795.

459. Son article premier stipule cependant : « Le présent accord annule et remplace tout autre accord établi précédemment entre les parties à l’exception des contrats de distribution sélective nécessaires à la distribution de certaines marques. »796.

e. Les déclarations des opticiens s’agissant des marques autres que Chanel 460. L’exploitant du site de vente en ligne www.lunigal.fr a déclaré le 1er octobre 2014 vendre des lunettes solaires Prada et Bulgari par Internet797.

II. Discussion

461. Seront successivement examinés la procédure (A), l’applicabilité du droit de l’Union (B), les marchés pertinents (C), le bien-fondé des griefs notifiés (D), l’imputabilité des pratiques

(E) et les sanctions (F).

A. SUR LA PROCÉDURE

1. SUR LE SECRET DES CORRESPONDANCES AVOCAT-CLIENT

a) Le droit applicable

462. Il ressort des sixième et douzième alinéas de l’article L. 450-4 du code de commerce que les entreprises qui font l’objet d’opérations de visite et saisie peuvent contester, d’une part, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) qui les a autorisées et, d’autre part, leurs conditions de déroulement. En vertu de ces dispositions, « les pièces saisies sont conservées jusqu’à ce qu’une décision soit devenue définitive ». 463. S’agissant spécifiquement de la saisie de correspondances entre un avocat et son client, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que la violation du secret intervient dès que le document est saisi798, mais que la présence, dans la saisie informatique, de documents couverts par le secret de la correspondance avocat-client n’invalide ni la totalité de cette saisie, ni, a fortiori, l’ensemble des opérations799. En revanche, la Cour a précisé que « l’annulation de la saisie de tels documents interdit rétroactivement à l’administration d’en faire état »800.

b) L’application au cas d’espèce

464. Ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 14 ci-avant, certains documents saisis lors des opérations de visite et saisie ont été restitués à Luxottica le 17 octobre 2012801, conformément à l’ordonnance du 14 septembre 2010 du magistrat délégué802. Le pourvoi formé par la société Luxottica, au motif notamment que la connaissance acquise, par les services d’instruction, des pièces restituées avait permis à ces derniers d’orienter l’enquête en cours, de sorte que l’atteinte aux droits de la défense dépassait l’intérêt qu’il y aurait à interdire seulement à l’Autorité d’utiliser les pièces restituées comme preuves, a été rejeté le 11 janvier 2012803.

465. Conformément à la jurisprudence citée au paragraphe 463 ci-avant, les services d’instruction n’ont pas fait état des documents restitués dans les notifications de griefs et les rapports adressés aux entreprises poursuivies, ce qui n’est pas contesté par Luxottica.

466. Luxottica soutient néanmoins, dans ses écritures, que le secret des correspondances avocat- client a été violé, compromettant irrémédiablement ses droits804. En effet, selon elle, les services d’instruction, qui disposaient, jusqu’à leur restitution, des correspondances visées par l’ordonnance du 14 septembre 2010, précitée, en auraient pris connaissance et les auraient exploitées. En particulier, une des questions posées aux représentants de Luxottica par les rapporteurs au cours de l’audition du 11 juillet 2011 – « Quels sont vos rapports avec les enseignes Optical Center, Optic Duroc ? » – serait directement en rapport avec une correspondance avocat-client qui ferait état, selon les observations de Luxottica, d’un différend entre Optical Center et Luxottica s’agissant du respect de l’image de marque de cette dernière.

467. Or, en premier lieu, s’il ressort du procès-verbal de l’audition du 11 juillet 2011, précité, que les rapporteurs ont, effectivement, interrogé Luxottica sur les rapports qu’elle entretenait avec Chanel, Optical Center et Optic Duroc, rien ne permet d’affirmer que cette question ait été suscitée par le contenu d’une correspondance entre Luxottica et ses conseils, et ne résulte pas plutôt du déroulement même de l’audition.

468. De fait, il ressort du procès-verbal de cette audition qu’après avoir indiqué qu’Optical Center était un des cinq clients les plus importants de Luxottica, les représentants de cette dernière ont précisé que ce distributeur avait « une politique commerciale de discount depuis 20 ans […] [et pratiquait] moins 40 % sur l’optique et moins 25 % sur les solaires »805. Par la suite, les rapporteurs ont évoqué des courriels attestant de la plainte auprès de Luxottica d’un distributeur concurrent d’Optical Center, critiquant la politique de prix suivie par celle-ci, malgré son engagement, à la suite d’actions de représailles806 de Luxottica, fabricant, à ne pas pratiquer de promotion et appliquer les prix conseillés807. Enfin, les représentants de Luxottica ont été interrogés sur les problèmes « rencontrés avec Optical Center vis-à-vis de Chanel »808, sur le fondement d’un courriel interne à Luxottica indiquant, à propos de ce distributeur : « il s’agit d’un discounter qui pourrait nous générer des problèmes avec Chanel (3 Optical Center sont déjà fermés pour 2007 pour le même motif) »809.

469. Ainsi, les questions des rapporteurs relatives aux rapports qu’entretenait Luxottica avec Optical Center et Chanel s’inscrivent dans la suite logique de la série de questions posées aux représentants de Luxottica. Il convient d’ailleurs de relever que les services d’instruction se sont également enquis, au cours de cette audition, des rapports entre Luxottica et Optic Duroc, à la suite d’un courriel, évoqué précédemment pendant l’audition, attestant que Luxottica avait envisagé de fermer le compte de ce distributeur s’il pratiquait des remises810.

470. En second lieu, figure au dossier un courriel de 2005 relatif, précisément, à un différend entre Optical Center et Luxottica quant à la politique de Chanel et Luxottica. Dans ce courriel, le distributeur s’étonne que des conditions de vente lui aient été imposées au nom du respect de l’image de la marque Chanel, alors qu’elles ne l’auraient pas été à ses concurrents811.

471. Ainsi, Luxottica ne démontre pas que les services d’instruction aient pris connaissance des correspondances en cause et les aient exploitées. En toute hypothèse, dès lors que le moyen ne met en avant aucune atteinte effective aux droits de la défense, il doit être écarté.

1. SUR LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

472. Safilo812 et Chanel813 soutiennent que la procédure doit être annulée, dès lors que sa durée serait excessive et aurait porté une atteinte irrémédiable, effective et concrète à leurs droits de la défense.

a) Le droit applicable

473. Selon l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ».

474. Selon une jurisprudence européenne814 et nationale815 constante, le caractère raisonnable de la durée de la procédure s’apprécie in concreto « […] notamment au regard de l’ampleur et de la complexité de l’affaire, de son contexte et du comportement des parties au cours de la procédure »816, ainsi qu’en fonction « du comportement des autorités compétentes »817.

475. Par ailleurs, « la sanction qui s’attache à la violation par l’Autorité de l’obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n’est pas l’annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi, sous réserve, toutefois, que le délai écoulé durant la phase d’instruction, en ce compris la phase non contradictoire, devant l’Autorité n’ait pas causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre »818.

b) L’application au cas d’espèce

476. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, pour apprécier si le principe du délai raisonnable a été respecté en l’espèce, il convient d’examiner, dans un premier temps, si la durée de la procédure peut être considérée comme excessive compte tenu des circonstances de l’espèce, et, le cas échéant, dans un second temps, s’il est établi que la durée de la procédure a privé les entreprises poursuivies de la possibilité de se défendre utilement contre les griefs qui leur étaient reprochés.

477. S’agissant de la durée, Safilo et Chanel soutiennent qu’elle doit être considérée comme excessivement longue. Elles relèvent, à cet effet, que plus de cinq ans se sont écoulés entre les opérations de visite et saisie et la première notification de griefs, et plus de dix ans entre la saisine d’office de l’Autorité du 9 septembre 2010 et la seconde séance du collège le 13 janvier 2021819. Elles soulignent, en outre, que la seconde notification de griefs date du 28 mars 2019, soit plus de deux ans après la décision de renvoi, sans qu’aucun acte d’instruction supplémentaire les concernant ait été réalisé820. Elles indiquent, enfin, que la durée de la procédure ne saurait être justifiée par la complexité du dossier ou le nombre de parties à la procédure821, Chanel faisant plus particulièrement remarquer, à cet égard, que le caractère de restriction par objet retenu par les services d’instruction démontre en lui-même que les pratiques concernées ne nécessitaient nullement une instruction aussi longue822.

478. Sur ce point, il convient tout d’abord de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la durée de la procédure doit être appréciée en fonction des particularités propres de l’affaire, et non par comparaison avec des affaires antérieures. Par ailleurs, la circonstance qu’elle semble excéder le délai habituel de traitement des affaires ne suffit pas à démontrer son caractère excessif, lequel doit être apprécié en tenant compte desdites particularités.

479. Ainsi, dans un arrêt du 26 janvier 2012 concernant le secteur de la parfumerie de luxe, la cour d’appel de Paris, après avoir souligné que « nonobstant les exigences de rapidité de la vie des affaires, l’application des règles de fond de droit de la concurrence exige toujours une lourde mise en œuvre des normes de la légalité économique largement indéterminées, nécessitant pour leur application technique l’élaboration de critères précis passant par une appréciation des effets économiques des pratiques contestées et requérant une analyse économique en profondeur des marchés concernés », et relevé « qu’en l’espèce, le travail de qualification juridique à partir des données factuelles éparses révélées par le rapport d’enquête administrative et ses annexes s’est avéré manifestement difficile compte tenu du nombre d’opérateurs économiques agissant sur le marché très spécifique des produits de luxe et de la nature des pratiques visées mais compte tenu aussi, et ce de façon certaine, de l’enjeu du dossier qui concerne l’un des secteurs les plus importants de la vie économique du pays »823.

480. Dans cette espèce, la cour a d’ailleurs jugé que la durée de l’instruction était justifiée, alors même qu’elle avait relevé qu’elle était similaire à celle de l’affaire dite des « appareils de chauffage » dont « il est clair qu’[elle] […] présentait un degré de complexité d’emblée plus élevé »824.

481. De même, dans un arrêt du 3 décembre 2020, la cour d’appel de Paris a précisé que, même si la durée totale de la procédure, qui s’étend de l’auto-saisine de l’Autorité à la décision de sanction, « peut sembler de prime abord excéder le délai habituel de traitement des affaires, […] cette seule constatation ne suffit pas à démontrer son caractère excessif, lequel doit être apprécié concrètement en tenant compte des particularités propres de l’affaire. »825.

482. Par ailleurs, dans ce même arrêt, la cour a considéré que « la durée de la phase contradictoire de la procédure d’instruction, onze mois, est, quant à elle, parfaitement justifiée, compte tenu d’une part, du délai incompressible de deux mois ouvert aux sociétés mises en cause pour adresser les observations en réponse aux griefs qui leur ont été notifiés, du recours par certaines d’entre elles à la procédure de non contestation des griefs ayant donné lieu à l’établissement de procès-verbaux […] accordant à chacune des entreprises un délai pour transmettre leur engagement, et d’autre part, du temps nécessaire à la rédaction du rapport, […], au délai incompressible de deux mois ouvert aux sociétés mises en cause pour présenter leurs observations sur le rapport qui leur a été notifié, et à l’examen de l’affaire par l’Autorité ainsi qu’à la mise en forme de la décision. »826.

483. Enfin, dans un arrêt du 23 février 2012, la cour d’appel de Paris a jugé que « concernant l’appréciation de la durée de la procédure, pour conclure que la présente procédure, enquête comprise, n’est pas excessive eu égard à la nature, à l’ampleur et à la complexité de l’affaire, la Décision relève à juste titre, notamment : […] que les parties ont pu bénéficier des délais prévus par l’article L. 463-2 du code de commerce pour faire valoir leurs observations et que, par ailleurs, les actes d’instruction qui ont eu pour effet d’allonger la phase contradictoire de la procédure (désignation d’un expert, envoi d’un rapport complémentaire) ont été diligentés afin de respecter au mieux les droits des parties tant pour l’établissement des faits que pour la mise en œuvre du principe de contradiction ; qu’il en va de même de la décision n° 09-S-04 du 11 décembre 2009 [par laquelle l’Autorité a renvoyé le dossier à l’instruction], qui a permis aux parties d’accéder à l’intégralité des données du sondage de prix et de produire d’ultimes observations écrites »827.

484. Seront successivement analysées, à la lumière de ces principes, les phases non contradictoire et contradictoire de la présente procédure.

485. S’agissant, tout d’abord, de la phase non contradictoire de la procédure, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’instruction a porté sur trois séries de pratiques, consistant, au terme des deux notifications de griefs, en des ententes portant sur les montures de lunettes et les lunettes solaires et visant (i) à faire obstacle à la libre fixation des prix, (ii) à restreindre les promotions tarifaires et (iii) à interdire la vente en ligne de ces produits.

486. En deuxième lieu, les pratiques ont été mises en œuvre sur l’ensemble du territoire national, y compris sur l’île de La Réunion, et ont été analysées sur une période portant sur plus de vingt ans pour la plus longue d’entre elles. Par ailleurs, elles ont impliqué quatorze des principales entreprises actives dans le secteur de la lunetterie-optique en France, présentes à différents niveaux de la chaîne de valeur, et dont plusieurs appartiennent à des groupes d’envergure internationale organisant la distribution de multiples marques828 (voir, par analogie, le paragraphe 115 de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, précité).

487. En troisième lieu, si des éléments relatifs aux pratiques en cause ont été transmis à l’Autorité par la DGCCRF, ils ne concernaient que les pratiques mises en œuvre sur l’île de La Réunion, de sorte que l’essentiel des éléments recueillis et des actes d’enquête diligentés au cours de l’instruction l’ont été par les rapporteurs de l’Autorité. Ceux-ci ont notamment procédé à des opérations de visite et saisie, qui ont eu lieu en juin 2009 sur treize sites répartis sur l’ensemble du territoire national829 et au cours desquelles un volume important de pièces a été collecté. De nombreuses auditions et demandes de renseignements se sont ensuite succédé entre 2011 et 2014. Sur les 86 920 pièces du dossier, plus de 80 000 ont été retenues pour l’établissement des griefs, qui ont été notifiés dans deux documents totalisant 450 pages830 (voir, par analogie, le paragraphe 117 de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, précité).

488. En quatrième et dernier lieu, la mesure de renvoi à l’instruction décidée par le collège le 24 février 2017, afin notamment que soient examinés certains arguments soulevés par les entreprises mises en cause, a nécessairement eu pour effet d’engendrer des délais supplémentaires, résultants de la réalisation de nouveaux actes d’instruction ouvrant une nouvelle phase d’échanges contradictoires.

489. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du nombre d’entreprises mises en cause, de l’ampleur des pratiques dénoncées, du volume des pièces recueillies, de la multiplicité des actes d’enquête effectués et du renvoi à l’instruction ordonné par le collège, Safilo et Chanel ne peuvent utilement soutenir que la durée de la phase non contradictoire de la procédure serait excessive.

490. Cette analyse n’est pas remise en cause par l’argument de Chanel relatif à la qualification de restriction par objet retenue par les services d’instruction. Comme l’a relevé, en effet, la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 21 décembre 2017, il n’existe aucune « règle générale et absolue selon laquelle les accords restrictifs de concurrence par leur objet ne présenteraient jamais aucun caractère de complexité, ni factuelle, ni économique ni juridique, et ne devraient donner lieu qu’à de brèves instructions devant l’autorité de concurrence. »831. De plus, en tout état de cause, l’enquête et l’instruction n’ont nullement été limitées à l’objet des pratiques, dès lors que l’ensemble des griefs notifiés au cours de la procédure, à l’exception du grief d’interdiction des ventes sur internet notifié le 13 février 2015, visent à la fois des restrictions par objet et par effet832.

491. Enfin, la circonstance, quod non, que les services d’instruction n’aient procédé à aucun acte d’instruction spécifique à Chanel ou à Safilo après le renvoi à l’instruction ordonné par le collège est sans conséquence sur l’appréciation de la durée de la procédure, les rapporteurs étant maîtres de leur instruction, comme rappelé, notamment, dans l’arrêt précité du 26 janvier 2012 : « le fait que les rapporteurs successifs n’aient […] procédé à aucun acte d’instruction complémentaire aux investigations menées par les services de la DGCCRF, ne saurait être davantage significatif puisqu’aucun texte ne fait obligation au rapporteur d’effectuer un acte d’instruction s’il estime que cela ne présente aucune utilité »833.

492. S’agissant, ensuite, de la phase contradictoire de la procédure, il sera rappelé que les griefs, au nombre de cinq à l’issue de la seconde notification de griefs, ont été notifiés à quatorze entreprises, regroupant vingt-neuf sociétés. L’envoi de chaque notification de griefs et de chaque rapport a ouvert un délai incompressible de deux mois aux sociétés mises en cause pour adresser leurs observations. Ce délai a été prolongé – pour certaines des entreprises poursuivies et à leur demande – d’un mois s’agissant de la première notification de griefs834, de deux semaines et demi s’agissant de la seconde835, ainsi que d’un mois s’agissant du premier rapport836, et d’une semaine et demi s’agissant du second837.

493. Il convient également de tenir compte du temps nécessaire à la prise en compte de ces observations – certaines comptant, avec leurs annexes, plus de 800 pages auxquelles il faut ajouter des études économiques838 – à la mise en état du dossier, via notamment les 133 décisions prises afin d’assurer une protection adéquate du secret des affaires – à la rédaction des deux rapports – ces deux documents, établis l’un et l’autre à charge comme à décharge, comptant chacun entre 100 et 150 pages – au nouvel examen de l’affaire par le collège de l’Autorité, ainsi qu’à la mise en forme de la décision.

494. Il sera enfin précisé que, compte tenu des mesures mises en place par le Gouvernement afin de faire face à la pandémie de coronavirus Covid-19, l’Autorité a accordé un délai supplémentaire de 56 jours839 – auquel s’ajoutait, comme indiqué au paragraphe 492 ci-dessus, une semaine et demi pour certaines parties – pour produire leurs observations en réponse au rapport du 24 février 2020. Ces mesures ont également contraint l’Autorité à repousser la séance de plusieurs mois.

495. Il résulte de ce qui précède que la durée de la phase contradictoire de l’instruction paraît parfaitement justifiée (voir par analogie, le paragraphe 120 de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, précité).

496. S’agissant, à titre surabondant, de l’atteinte alléguée aux droits de la défense, Safilo soutient que la durée de la procédure lui a été préjudiciable, dans la mesure où elle a rendu impossible le recueil des éléments relatifs aux faits qui lui sont reprochés840. Elle invoque, à cet effet, le départ de l’entreprise de nombreux employés, les changements intervenus dans sa gouvernance, ainsi que la destruction et la perte de certains documents du fait des capacités limitées des boites de courrier électronique et du renouvellement nécessaire de ses outils informatiques841.

497. De son côté, Chanel estime se trouver dans une situation inéquitable par rapport aux autres entreprises visées, comme elle, par la seconde notification de griefs, dès lors que les pratiques relevées à son encontre remontent à 1999 et que Chanel, contrairement aux autres parties concernées, n’a pas été destinataire, dans la première notification de griefs, d’un grief relatif à la politique tarifaire des distributeurs et ne pouvait donc raisonnablement envisager qu’un grief de cette nature, remontant de surcroît à plus de vingt ans, pourrait lui être notifié842. Chanel ajoute qu’elle aurait été d’autant plus dans l’impossibilité de collecter les preuves nécessaires à sa défense que, durant cette période, son personnel et son prestataire d’archivage ont été renouvelés et qu’elle a subi un important dégât des eaux rendant impossible la consultation des archives dans les brefs délais requis pour répondre à la notification des griefs843.

498. Toutefois, ni Chanel, ni Safilo, n’établissent en quoi la durée prétendument excessive de la procédure aurait porté une atteinte concrète et irrémédiable à leurs droits de se défendre.

499. Il est constant, en effet, qu’il incombe aux entreprises qui allèguent une telle atteinte de démontrer en quoi certains évènements « auraient fait concrètement obstacle à l’exercice des droits de la défense »844, étant précisé que « la réalité d’une telle violation s’apprécie nécessairement à l’aune du devoir de prudence incombant à chaque opérateur économique qui se doit de veiller à la bonne conservation de ses livres et archives comme de tous éléments permettant de retracer la licéité de ses pratiques en cas d’actions judiciaire ou administrative »845.

500. S’agissant spécifiquement de la conservation des preuves, la Cour de cassation a rappelé que les entreprises poursuivies par l’Autorité sont « responsables de la déperdition éventuelle des preuves qu’elles entendaient faire valoir tant que la prescription […] n’était pas acquise »846.

501. Elle a également considéré qu’aucun préjudice du fait de la durée n’est démontré lorsque « les difficultés alléguées [relatives à la conservation des preuves] dues à des causes internes aux deux sociétés tenant aux changements intervenus dans leurs directions respectives par suite de leur fusion, sont sans lien avec le déroulement de l’instruction et de la procédure suivie devant [l’Autorité] »847.

502. Sur ce point, la cour d’appel de Paris a indiqué, dans son arrêt précité du 23 février 2012 : « la prudence commandait aux banques de conserver toute preuve de nature à établir la licéité de leurs pratiques jusqu’à la fin de la prescription fixée par l’article L. 462-7 du code de commerce, […] et ce d’autant plus qu’elles ont eu connaissance de l’enquête dont elles faisaient l’objet alors que les pratiques en cause n’avaient pas encore cessé »848.

503. Ainsi, en l’espèce, les arguments ayant trait au départ d’employés, à des changements de gouvernance ou de prestataires ou à des imprévus de toute nature ne peuvent être accueillis, faute de lien avec le déroulement de l’instruction et de la procédure suivie devant l’Autorité. En outre, conformément à la jurisprudence susvisée, il appartenait aux entreprises poursuivies, au titre de l’obligation de prudence et de vigilance qui s’impose à elles, de veiller à conserver toute preuve de nature à établir la licéité de leurs pratiques jusqu’à la fin de la prescription fixée par l’article L. 462-7 du code de commerce, tout particulièrement lorsque, comme en l’espèce, certaines d’entre elles ont eu connaissance de l’enquête dont elles faisaient l’objet alors que les pratiques en cause n’avaient pas encore cessé849.

504. En toute hypothèse, l’ensemble des entreprises poursuivies, y compris Chanel et Safilo, ont été en mesure de présenter des observations détaillées en réponse aux notifications de griefs et aux rapports. Elles n’ont donc pas été mises dans l’impossibilité de se défendre utilement (voir, par analogie, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements précité, point 40).

505. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la durée de la procédure, qui n’apparaît pas déraisonnable, n’a pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense de Chanel et Safilo. Le moyen tiré de la violation du délai raisonnable doit, par conséquent, être écarté.

2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE LA DÉCISION DE RENVOI N° 17-S-01 DU 24 FÉVRIER 2017

506. Chanel, Luxottica, Maui Jim et Safilo soutiennent que les services d’instruction ont méconnu la portée de la décision de renvoi.

507. Chanel allègue, ainsi, que les deuxième et troisième griefs notifiés le 28 mars 2019 sont nuls. En effet, en dépit du renvoi purement partiel à l’instruction qui aurait été décidé par le collège, dans le seul but de préciser les deux griefs notifiés le 13 février 2015 – et de permettre ainsi aux entreprises poursuivies de présenter efficacement leur défense – les services d’instruction ont notifié le premier grief du 28 mars 2019 à Chanel, alors qu’elle n’était pas concernée par le premier grief notifié le 13 février 2015 visant une entente entre Luxottica et ses distributeurs et portant également sur des pratiques tarifaires850. Elle soutient également que les services d’instruction lui auraient, en outre, notifié un grief relatif à des interdictions de vente en ligne visant une période plus étendue que celle visée par le second grief qui lui avait été notifié le 13 février 2015. Aucun précédent, selon elle, ne permettrait de justifier que les services d’instruction s’écartent de la sorte de la décision de renvoi851.

508. Luxottica estime également que les services d’instruction auraient outrepassé le champ de l’instruction complémentaire, tel qu’il aurait été défini dans la décision de renvoi, en identifiant une nouvelle entente entre Chanel et Luxottica dans la seconde notification de griefs.

509. Maui Jim soutient, de son côté, que le grief qui lui a été notifié le 28 mars 2019 est irrecevable. En effet, il couvrirait des pratiques qui datent de février 2018 et qui sont différentes de celles visées par le grief qui lui a été notifié le 13 février 2015, alors que la décision n° 17-S-01 aurait limité le renvoi aux pratiques qui font l’objet de ce dernier grief, à l’exclusion de celles postérieures au 13 février 2015852.

510. Enfin, contrairement aux entreprises précitées, Safilo soutient que le collège a renvoyé l’entier dossier à l’instruction. Elle en déduit que les services d’instruction auraient dû procéder à un réexamen et une modification du grief notifié le 13 février 2015, dès lors qu’il repose en majorité sur des éléments de preuve portant, non pas sur l’imposition de prix ou de coefficients aux distributeurs, mais sur des campagnes promotionnelles, qui font précisément l’objet du deuxième grief notifié le 28 mars 2019. En outre, dès lors que la décision de renvoi invitait les services d’instruction à distinguer les éléments relatifs à la fixation des prix de ceux afférents à la restriction des opérations promotionnelles, ceux-ci ne pouvaient se contenter d’ajouter un grief, sans s’assurer de son articulation et de sa cohérence avec les griefs précédemment notifiés853.

a) Le droit applicable

511. À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, le collège est toujours saisi de la totalité des griefs notifiés au cours de la procédure, quelle que soit la position exprimée par les services d’instruction au cours de la phase contradictoire de cette dernière854. En effet, comme l’a rappelé la Cour de cassation, « le rapporteur ne peut écarter ou annuler une notification de griefs à laquelle il a procédé »855.

512. En l’espèce, ainsi que rappelé ci-avant, une seconde notification de griefs a été adressée, le 28 mars 2019, par les services d’instruction à certaines entreprises concernées par la première notification des griefs, du 13 février 2015, à la suite de la décision de renvoi. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle précitées, cette notification de griefs précise expressément que « L’Autorité de la concurrence statuant sur la totalité des griefs qui ont été notifiés aux parties, les griefs et pratiques visés dans la Notification de griefs du 13 février 2015 sont ainsi maintenus jusqu’à la décision finale du Collège et les griefs adressés par la présente notification s’ajoutent à ceux du 13 février 2015. »856.

513. Ainsi, le collège est saisi de l’ensemble des griefs notifiés les 13 février 2015 et 28 mars 2019.

514. S’agissant, par ailleurs, de la possibilité pour le collège de renvoyer un dossier à l’instruction, l’article R. 463-7 du code de commerce dispose que : « Lorsqu’elle estime que l’instruction est incomplète, l’Autorité de la concurrence peut décider de renvoyer l’affaire en tout ou partie à l’instruction. Cette décision n’est pas susceptible de recours. ».

515. Conformément à ces dispositions, le renvoi à l’instruction ne constitue pas une obligation mais une faculté que le collège de l’Autorité est libre d’exercer au vu des éléments du dossier857. Par ailleurs, lorsqu’elle prend une décision dont le dispositif se limite à un renvoi du dossier à l’instruction, l’Autorité ne tranche définitivement aucun point de droit ou de fait et ne prend qu’une mesure interne concernant l’instruction d’une affaire estimée incomplète858.

516. Il en résulte que si le collège dispose de la faculté de renvoyer l’affaire, en tout ou partie à l’instruction, le champ du renvoi doit être apprécié au regard du dispositif de la décision de renvoi, dont les motifs ont seulement pour objet d’exposer les raisons pour lesquelles le collège a estimé que l’instruction de l’affaire était incomplète. Ces motifs ne peuvent, en revanche, être lus comme une prise de position du collège sur la nature, l’étendue et la réalité des pratiques. Ainsi, lorsque le dispositif de la décision de renvoi énonce que le dossier est renvoyé à l’instruction, sans plus de précision, les services d’instruction sont ressaisis de l’intégralité de l’affaire.

517. Dans un arrêt du 8 avril 2008, GlaxoSmithKline, la cour d’appel de Paris a jugé que la décision de renvoi, qui « se borne à indiquer que “le dossier doit être renvoyé à l’instruction afin que cette dernière soit complétée ou poursuivie”, sans limiter le champ de l’instruction complémentaire » était conforme à l’article R. 463-7 précité, qui « ne fixe aucune condition pour décider du renvoi à l’instruction »859.

518. S’agissant de la possibilité pour les services d’instruction de notifier de nouveaux griefs à la suite d’une décision de renvoi, le Conseil, dans sa décision n° 07-D-47 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’équipement pour la navigation aérienne, a considéré que le renvoi à l’instruction en raison d’une erreur d’imputabilité des pratiques poursuivies ne saurait interdire au rapporteur de formuler de nouveaux griefs860.

519. En outre, dans sa décision n° 16-D-26 du 24 novembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre par le Groupement des Installateurs Français dans le secteur de la fourniture, l’installation et la maintenance d’équipements professionnels de cuisine, l’Autorité a été amenée à se prononcer sur la décision de renvoi, qui avait considéré que le dossier n’était pas en état d’être jugé, dès lors que le rapport administratif d’enquête de la DGCCRF n’avait pas été versé au dossier. Elle a relevé que cette décision « se borne à indiquer dans son article unique que [le dossier est renvoyé à l’instruction] sans faire état des sujets devant faire l’objet d’une instruction complémentaire et sans limiter cette dernière […], à la prise en compte du [rapport administratif d’enquête] »861. Elle en a alors déduit que, « Dans ces conditions, les services d’instruction étaient fondés à produire une nouvelle notification de grief prenant en compte l’ensemble des pièces du dossier »862.

520. Dans son arrêt du 18 janvier 2018 relatif à cette décision, confirmé sur ces points par la Cour de cassation863, la cour d’appel de Paris a également considéré que le renvoi d’une affaire à l’instruction n’emportait la disparition rétroactive d’aucune pièce de la procédure et que les services d’instruction pouvaient donc se référer à ces pièces dans les documents produits à la suite de la reprise de l’instruction. Elle a par ailleurs jugé qu’il était loisible aux services d’instruction de notifier, postérieurement à la décision de renvoi, les mêmes griefs que ceux initialement notifiés864.

521. Enfin, si les services d’instruction peuvent notifier de nouveaux griefs, ils n’y sont pas tenus. La Cour de cassation a, en effet, déjà jugé que les services d’instruction travaillent sous la direction du rapporteur général et non du collège – qui n’assure pas l’instruction de l’affaire –, que l’indépendance des rapporteurs est garantie par les textes et que s’ils peuvent se conformer à la demande du collège et reprendre l’instruction d’un grief précédemment écarté, rien ne leur impose de le notifier865.

b) L’application au cas d’espèce

522. S’agissant de la portée de la décision de renvoi, contrairement à ce que soutiennent Chanel, Luxottica et Maui Jim, il ne saurait être déduit des motifs de cette décision que le collège a entendu limiter le champ de l’instruction complémentaire à laquelle les services d’instruction étaient invités à procéder.

523. En effet, si, par ses motifs, la décision n° 17-S-01 identifie avec précision les raisons pour lesquelles il y a lieu de renvoyer le dossier à l’instruction, son dispositif ne limite aucunement le champ du renvoi ainsi décidé. En premier lieu, en effet, son article unique se borne à indiquer que le dossier est renvoyé à l’instruction, sans faire état des points devant faire l’objet d’une instruction complémentaire et sans limiter cette dernière, contrairement à certaines décisions de l’Autorité866. En second lieu, il précise que l’« entier dossier » est renvoyé à l’instruction.

524. S’agissant du champ des griefs notifiés postérieurement à la décision de renvoi, compte tenu de ce qui précède, et en vertu de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence rappelées aux paragraphes 518 à 520 ci-avant, les services d’instruction étaient fondés à produire une nouvelle notification de griefs prenant en compte l’ensemble des pièces du dossier, y compris celles qui fondent les griefs précédemment notifiés.

525. En particulier, le champ des nouveaux griefs notifiés n’était aucunement limité par celui de la première notification de griefs. Chanel et Maui Jim ne peuvent ainsi reprocher aux griefs notifiés le 28 mars 2019 de viser une période plus étendue que ceux notifiés le 13 février 2015. En outre, contrairement à ce que soutiennent Chanel et Luxottica, rien ne s’opposait à ce que Chanel se voie notifier le 28 mars 2019 un grief relatif à des pratiques d’interdiction de vente en ligne, alors qu’elle n’était pas visée par le grief du même type notifié le 13 février 2015 (voir les paragraphes 80 et suivants ci-avant).

526. Par ailleurs, si la décision de renvoi indique, dans ses motifs, que les services d’instruction n’ont pas examiné si la pratique consistant à contrôler, limiter ou interdire les promotions tarifaires des distributeurs ne constituait pas une pratique anticoncurrentielle en tant que telle, indépendamment de la pratique de fixation des prix visée par le grief n° 1 de la première notification de griefs, il ne saurait en être déduit que les services d’instruction devaient nécessairement notifier un nouveau grief, ni qu’un nouveau grief devrait concerner exclusivement le contrôle des opérations promotionnelles. En effet, la décision de renvoi invite tout au plus les services d’instruction à examiner spécifiquement la pratique consistant à contrôler de telles opérations, sans se prononcer sur les conséquences qu’ils doivent tirer de cet examen. La décision de renvoi ne pouvait d’ailleurs pas donner une quelconque indication aux services d’instruction sur l’issue de leur instruction, dès lors que ces derniers travaillent sous l’autorité du rapporteur général et non du collège, ainsi qu’il a été rappelé aux paragraphes 520 et 521 ci-avant.

527. En vertu de ce qui précède, ainsi que du fait que les services d’instruction ne disposent pas de la faculté de revenir sur un grief notifié, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 511 ci-avant, Safilo ne peut utilement se prévaloir du fait que le grief qui lui a été notifié postérieurement à la décision de renvoi concernait à la fois des pratiques de contrôle des prix et des opérations promotionnelles.

528. Ainsi, en procédant à un réexamen de l’entier dossier et à la notification de nouveaux griefs le 28 mars 2019, dont le champ excède, pour certaines des entreprises mises en cause, celui des griefs qui leur avaient été notifiés le 13 février 2015, les services d’instruction n’ont pas violé la décision n° 17-S-01 du 24 février 2017.

3. SUR LA CLARTÉ DES GRIEFS NOTIFIÉS

a) Le droit applicable

529. Il ressort d’une jurisprudence constante que la notification des griefs doit informer précisément les entreprises poursuivies des pratiques reprochées867. Ainsi, la cour d’appel de Paris a déjà jugé que « le respect de ces principes fondamentaux de la procédure [respect du contradictoire, des droits de la défense, du droit à un procès équitable] impose que les faits soient formulés de manière suffisamment précise et les pratiques incriminées étayées d’éléments de preuve suffisants pour que les parties puissent préparer utilement leur défense », et que le collège de l’Autorité est « habilité à vérifier que les entreprises en cause n’[o]nt pu se méprendre sur les accusations portées contre elles et qu’elles [o]nt été en mesure de présenter utilement leur défense pour les marchés cités, cette vérification devant se faire au regard, non seulement de la formule finale d’accusation, mais aussi du corps même de la notification des griefs »868.

b) L’application au cas d’espèce

Sur le grief n° 1 de la notification de griefs du 13 février 2015

530. Safilo et Luxottica soutiennent toutes deux que le grief susvisé, – qui porte sur des pratiques d’entente visant à restreindre la liberté tarifaire des détaillants de lunettes (voir le paragraphe 81 ci-avant), manquerait de clarté et ne leur permettrait pas, par conséquent, de connaître la consistance exacte de l’accusation portée à leur encontre.

531. Selon Luxottica, ce grief prêterait à confusion, dans la mesure où, rédigé de façon extrêmement générale, contrairement au second grief notifié à la même date – dont le libellé énumère de manière claire et précise les marques de Luxottica concernées par les pratiques alléguées – il ne lui permettrait pas de déterminer les produits et les marques visés par ces pratiques. Le corps de la notification de griefs, de même que le rapport du 21 juillet 2016, ne lèveraient pas cette ambiguïté, dès lors, d’une part, qu’ils font indifféremment référence soit à « toutes les marques de Luxottica », soit à « certaines marques » sans plus de précision, soit encore à des marques spécifiques et, d’autre part, qu’ils entretiennent un amalgame infondé et préjudiciable à la compréhension des pratiques entre les marques relevant d’un réseau de distribution sélective et les autres. Pour ces raisons, Luxottica n’aurait pas été en mesure d’exercer pleinement sa défense et de contester efficacement les faits relevés par les services d’instruction869.

532. De même, Safilo soutient, notamment, qu’il lui est impossible de déterminer le champ des produits, des marques870 et des distributeurs871 concernés, du fait, principalement, de l’imprécision de l’expression « l’ensemble de ses distributeurs ».

533. Toutefois, il ressort du libellé même du grief concerné qu’il vise une entente de Luxottica et de Safilo avec « l’ensemble de [leurs] distributeurs ».

534. Ainsi, comme le relève d’ailleurs Luxottica, ce premier grief, contrairement au second grief qui lui a été notifié à la même date, ne vise pas uniquement les distributeurs qu’elle a agréés pour la distribution de marques spécifiques, ni même exclusivement ses distributeurs agréés. Il ne peut donc qu’en être déduit qu’il vise l’ensemble des distributeurs de Luxottica et de Safilo, indépendamment des marques que ceux-ci commercialisent et des modalités de distribution auxquelles ils ont recours.

535. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la notification de griefs du 13 février 2015 et le rapport du 21 juillet 2016 font référence, à titre d’exemple, à certaines marques spécifiques lors de la présentation des pièces du dossier ou pour les besoins de la démonstration de la réunion d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants permettant de conclure à la réalité d’une entente de Luxottica et Safilo avec l’ensemble de leurs distributeurs.

536. D’ailleurs, les écritures de Luxottica et de Safilo attestent qu’elles ont contesté le bien-fondé de ce grief en ce que, précisément, celui-ci concernait toutes leurs marques. Dans ses observations à la notification de griefs du 13 juillet 2015, Luxottica a, par exemple, indiqué : « pour les deux pratiques que la Notification de griefs semble vouloir appréhender (à savoir une pratique de fixation des prix de revente et une pratique restreignant la liberté des distributeurs de mettre en place des opérations promotionnelles), cette démonstration doit être faite pour toutes les marques de Luxottica ainsi qu’avec tous ses distributeurs »872.

537. Par ailleurs, Luxottica a contesté avoir « exprimé [une] volonté de s’entendre avec l’ensemble de ses distributeurs pour contrôler leur politique tarifaire, que ce soit pour la marque Chanel (I) ou pour ses autres marques (II) »873 et ne pas avoir « communiqué de prix de vente conseillés à l’ensemble de ses distributeurs, depuis 2005, pour toutes ses marques »874.

538. De même, Safilo a soutenu que les pratiques ne concernaient que les marques Dior, Gucci, Giorgio Armani, Yves-Saint-Laurent, Emporio Armani, Boss, Marc Jacobs et Ralph Lauren, soit précisément les seules marques mentionnées dans les pièces du dossier citées par la première notification de griefs875.

539. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent Luxottica et Safilo, le grief identifie avec suffisamment de précision les pratiques qui leur sont reprochées et ne prive pas ces entreprises de leur capacité d’exercer leurs droits de la défense de manière utile.

Sur le grief n° 2 de la notification de griefs du 13 février 2015

540. Chanel estime que le second grief notifié le 13 février 2015, portant sur des pratiques d’entente visant à interdire la vente en ligne aux distributeurs agréés, est imprécis (voir le paragraphe 81 ci-avant). Elle souligne, tout d’abord, que le libellé du grief laisse entendre qu’elle se serait entendue avec ses distributeurs agréés, alors qu’il ne peut s’agir que des distributeurs agréés de Luxottica, Chanel ne vendant pas de lunettes à des détaillants mais ayant accordé une licence exclusive à Luxottica pour la vente de ses lunettes aux opticiens agréés par Luxottica876. Elle allègue, de plus, que la durée de l’entente avec « ses » distributeurs qui lui est reprochée – de 2002 au 13 février 2015 – est incohérente avec celle retenue pour l’entente entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour la marque Chanel, soit de 2006 au 13 février 2015877.

541. S’agissant des arguments évoqués au paragraphe 540 ci-avant, force est tout d’abord de constater que, de fait, c’est à tort que le grief querellé reproche à Chanel d’avoir interdit la vente en ligne de ses produits à « ses distributeurs agréés » , eu égard au contrat de licence conclu avec Luxottica (voir les paragraphes 430 à 442 ci-dessus). Il en est de même, au demeurant, s’agissant de LVMH Swiss Manufactures SA, qui se voit reprocher d’avoir édicté une telle interdiction à l’attention de « ses distributeurs agréés TAG Heuer », alors qu’elle a conclu un contrat de licence avec Safilo réservant à cette dernière l’organisation de la distribution des produits TAG Heuer (voir les paragraphes 423 à 426 ci-avant).

542. Par ailleurs, et en tout état de cause, il ne peut qu’être constaté que le grief notifié, en ce qu’il vise l’article 81 CE du traité CE – devenu article 101, paragraphe 1, TFUE – et l’article L. 420-1 du code de commerce, est nécessairement afférent à une pratique d’entente. Or, comme l’a justement souligné la décision n° 17-S-01 du 24 février 2017 par laquelle le collège a renvoyé le dossier à l’instruction, « si la notification des griefs explicite bien la finalité de l’entente – l’interdiction de la vente par correspondance des lunettes et montures de lunettes aux distributeurs agréés – il n’est toutefois pas précisé si les détenteurs de marques se sont entendus avec les fournisseurs, les distributeurs ou les deux. De même, concernant les fournisseurs, il n’est pas précisé si ceux-ci se sont entendus avec les détenteurs de marques, les distributeurs ou les deux »878. Ainsi, faute de pouvoir identifier les parties à l’entente, que ce soit dans le corps de la notification de griefs ou dans le libellé même du grief, et donc de distinguer la pratique en cause d’une pratique unilatérale, il convient de considérer que le grief notifié n’informe pas de façon suffisamment précise les entreprises poursuivies des pratiques qui leur sont reprochées, les mettant, ainsi, dans l’impossibilité de s’en défendre utilement.

543. En conséquence, il y a lieu d’annuler, pour défaut de clarté, le second grief notifié le 13 février 2015, et ce pour l’ensemble des entreprises mises en cause de ce chef, soit Chanel, Logo, Luxottica et LVMH.

Sur le grief n° 2 de la notification de griefs du 28 mars 2019

544. S’agissant de ce grief, portant sur des pratiques d’entente visant à restreindre la liberté tarifaire des détaillants de lunettes (voir le paragraphe 81 ci-avant), Safilo879 et Chanel880 soutiennent, là encore, que son imprécision quant à la nature de la pratique reprochée et sa qualification juridique les empêcherait de se défendre utilement. Ainsi, selon Safilo, alors que le champ de ce grief devait, aux termes de la décision de renvoi, être limité aux pratiques de restriction des promotions, la notification de griefs du 28 mars 2019 y inclut des pratiques propres au grief n° 1 notifié le 13 février 2015881. Par ailleurs, Chanel reproche à la notification de griefs du 28 mars 2019 des imprécisions et des confusions entre son grief n° 2 et le grief n° 1 notifié le 13 février 2015882.

545. Enfin, Safilo allègue qu’il n’existait pas de distributeurs agréés pour la marque Dior avant 2010, et qu’ainsi le grief, aux termes duquel il lui est reproché de s’être entendue d’une part avec Dior, d’autre part avec les distributeurs agréés pour la marque Dior, pour restreindre la liberté tarifaire des distributeurs agréés pour cette marque, est indéterminé en son objet883.

546. Safilo et Chanel ne peuvent toutefois utilement soutenir que le grief n° 2 de la notification de griefs du 28 mars 2019 est imprécis en raison de prétendues similitudes qu’il présente avec un grief précédemment notifié. Les rapporteurs n’étaient, en effet, pas tenus d’analyser les relations réciproques entre ces deux griefs soumis à l’appréciation du collège, s’agissant de griefs distincts dont la démonstration fait l’objet de développements séparés884. Dès lors que les faits sont formulés de manière suffisamment précise et les pratiques incriminées étayées d’éléments de preuve suffisants pour que les parties puissent préparer utilement leur défense, le moyen de Safilo et Chanel doit être écarté.

547. Par ailleurs, si Safilo conteste l’existence de distributeurs agréés pour la marque Dior avant 2010, elle conteste ce faisant le bien-fondé du grief notifié, et non la régularité de la procédure. Ce moyen n’a donc pas lieu d’être examiné à ce stade.

B. SUR L’APPLICABILITÉ DU DROIT DE L’UNION

1. LE RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

548. Ainsi que l’expose la Commission dans ses lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE, il ressort du libellé de ces articles, ainsi que de la jurisprudence des juridictions de l’Union, que la démonstration de l’affectation sensible du commerce impose la réunion de trois éléments : l’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et, enfin, le caractère sensible de cette affectation885.

549. S’agissant du premier élément, le point 19 des lignes directrices précise que : « [l]a notion de « commerce » n’est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l’établissement »886.

550. S’agissant du deuxième élément, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu Tribunal de l’Union européenne, ci-après le « Tribunal ») a jugé, dans le cas d’ententes s’étendant à l’intégralité ou à la vaste majorité du territoire d’un État membre, « qu’il existe, à tout le moins, une forte présomption qu’une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l’ensemble du territoire d’un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d’affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l’analyse des caractéristiques de l’accord et du contexte économique dans lequel il s’insère démontre le contraire »887. Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à ce propos : « le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le [TFUE] »888.

551. La circonstance que des pratiques d’ententes ou d’abus de position dominante ne soient commises que sur le territoire d’un seul État membre ne fait donc pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter », énoncés par les articles 101 et 102 TFUE, « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la889 constatation d’un effet réalisé sur le commerce [entre États membres] »F . 552. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt, que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en890 cause »3 51F .

553. En outre, le point 53 des lignes directrices précitées indique que si un accord ou une pratique sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, il est présumé que l’affectation du commerce est sensible lorsque la part de marché des parties sur le marché affecté par l’accord est supérieure au seuil de 5 %891.

554. Sur ce point, la cour d’appel de Paris, a relevé, dans un arrêt du 16 mai 2013, Kontiki, qu’un ensemble d’accords portant sur la commercialisation et, en particulier, les prix de vente au détail des produits, ainsi que sur certaines modalités d’entrée ou de sortie des revendeurs dans le réseau de partenaires commerciaux d’un fabricant sur le territoire français était, eu égard à sa nature, à son ampleur géographique et à son économie, susceptible d’affecter sensiblement les échanges entre États membres892.

2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

555. En l’espèce, les pratiques visées par les griefs notifiés concernent les ventes au détail de lunettes de soleil et de montures de lunettes de vue et sont de nature à affecter directement et indirectement les prix. Elles ont été mises en œuvre à la fois par des entreprises détentrices de marques et des fabricants, dont certains sont établis dans d’autres États membres et par des distributeurs répartis sur l’ensemble du territoire national, y compris sur l’île de La Réunion893 (voir, notamment, le paragraphe 715 ci-après).

556. Parmi ces entreprises figurent notamment des marques françaises notoires et les deux leaders européens de la fabrication de lunettes, qui appartiennent tous à des groupes de dimension internationale de premier plan, ainsi que les distributeurs les plus importants sur le territoire français.

557. Ainsi, en vertu de la jurisprudence rappelée au paragraphe 554 ci-dessus et eu égard à leur nature, à leur économie et à leur ampleur géographique, les pratiques en cause dans la présente affaire sont susceptibles d’avoir affecté de manière sensible le commerce entre États membres, ce qui n’est d’ailleurs contesté par aucune des parties. Elles doivent, par conséquent, être analysées tant au regard des règles de concurrence de l’Union que des règles nationales.

C. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS

1. LE RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

558. Il résulte de la jurisprudence du Tribunal que « l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article [101 TFUE] s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun »894.

559. Ainsi, lorsque « les pratiques […] sont recherchées au titre de la prohibition des ententes », le Conseil, puis l’Autorité, estiment qu’« il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre »895.

560. Dans sa communication sur la définition du marché en cause, la Commission rappelle qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »896.

561. L’Autorité estime que « Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. […]. Une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, [l’Autorité] regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »897.

2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

562. En l’espèce, la définition de marché retenue par les services d’instruction n’est pas contestée par les parties.

563. Les pratiques poursuivies, de nature verticale, ont été constatées sur l’ensemble du territoire français.

564. Il convient de distinguer, d’une part, la distribution des lunettes solaires et celle des montures de lunettes de vue. Par ailleurs, dès lors que les principaux fournisseurs des produits en cause sont actifs sur l’ensemble du territoire français, sur lequel les conditions de concurrence sont homogènes, les marchés pertinents sont de dimension nationale.

565. Ainsi, au regard de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle citées aux paragraphes 558 et 559 ci-dessus, les pratiques seront examinées sur les marchés nationaux de la distribution de montures de lunettes de vue et de la distribution des lunettes de soleil.

D. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS NOTIFIÉS

1. LA RESTRICTION DE LA LIBERTÉ TARIFAIRE DES DISTRIBUTEURS S’AGISSANT DE LA REVENTE AU DÉTAIL DES LUNETTES DE SOLEIL ET DES MONTURES DES LUNETTES DE VUE

a) Rappel des principes applicables

Sur la démonstration de l’accord de volontés 566. Il ressort d’une jurisprudence constante, tant en droit de l’Union qu’en droit interne, que, pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée898.

567. Selon le Tribunal, la preuve d’un tel accord « doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l’élément subjectif qui caractérise la notion même d’accord, c’est-à-dire d’une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »899. 568. La démonstration de l’accord de volontés peut ainsi se faire par tout moyen, étant rappelé que le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale900. Sur ce point, la Cour de justice a qualifié de « preuves documentaires directes » des éléments suffisamment explicites, tels que des contrats, des notes internes, des déclarations, des comptes rendus de réunion, des projets d’ordre du jour ou encore des notes prises lors de réunions901.

569. La cour d’appel de Paris s’est inscrite dans la droite ligne de cette jurisprudence, en soulignant, dans un arrêt Société Canna France, que la démonstration de l’accord de volontés peut se faire par tout moyen. Dans ce même arrêt, la cour a également rappelé qu’en présence de preuves directes ou explicites résultant de documents ou de clauses contractuelles, « il n’est pas nécessaire de recourir à des preuves indirectes ou comportementales, constitutives d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, impliquant la caractérisation d’une application significative ou effective par les distributeurs des prix conseillés par le fournisseur »902.

570. Ainsi que l’a par ailleurs jugé la cour d’appel de Paris, dans son arrêt Epsé Joué Club, il appartient néanmoins à l’Autorité, pour démontrer le concours de volontés, d’établir « l’invitation d’une partie à l’accord à mettre en œuvre une pratique illicite et l’acquiescement de l’autre à cette invitation »903.

571. Les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales précisent, à cet égard, que la forme sous laquelle l’intention commune des parties est exprimée « n’est pas importante, pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celle-ci ». Selon la Commission, en l’absence d’accord explicite exprimant la volonté concordante des parties, il convient de prouver que la stratégie unilatérale d’une partie reçoit l’acquiescement de l’autre. L’existence d’un acquiescement tacite peut alors être démontrée, en vertu de la jurisprudence du Tribunal904, dès lors que, « premièrement, […] une partie exige, explicitement ou implicitement, la coopération de l’autre partie à la mise en œuvre de sa stratégie unilatérale et, deuxièmement, […] l’autre partie se plie à cette exigence en mettant cette stratégie unilatérale en œuvre ».

572. Par ailleurs, la Commission indique, s’agissant d’accords verticaux, que l’acquiescement tacite « peut être déduit du niveau de la coercition exercée par une partie pour imposer sa stratégie unilatérale à l’autre ou aux autres parties à l’accord, en liaison avec le nombre de distributeurs qui mettent effectivement en œuvre la stratégie unilatérale du fournisseur dans la pratique. Par exemple, un système de suivi et de pénalités instauré par un fournisseur pour sanctionner les distributeurs qui ne respectent pas sa stratégie unilatérale dénote un acquiescement tacite à cette stratégie si ce système permet au fournisseur de mettre en œuvre sa stratégie dans la pratique »905.

573. S’agissant plus particulièrement d’une entente verticale sur les prix, d’une part, l’invitation faite par un fabricant à ses distributeurs de participer à une pratique de prix imposés est généralement démontrée par la diffusion auxdits distributeurs des prix de revente conseillés et par la mise en œuvre d’une surveillance des prix, qui permet d’établir que les prix dits « conseillés » sont en réalité des prix imposés. D’autre part, l’acquiescement des distributeurs est généralement démontré par l’application effective desdits prix, la Cour de cassation ayant précisé que « l’application significative des prix est une donnée de fait qui se prouve par tout moyen, notamment par des éléments quantitatifs, tels que des relevés de prix, mais aussi par des éléments qualitatifs, tels que des déclarations du distributeur ou par des pièces établissant sans conteste cette application »906.

574. La réunion de ces trois indices, généralement qualifiée de « faisceau à trois branches », constitue un des modes de preuve utilisés afin de démontrer l’existence d’une entente verticale sur les prix. La cour d’appel de Paris a par exemple jugé, dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, qu’« il y a entente collusoire lorsqu’il résulte des engagements de ce distributeur ou des comportements des parties (application par le distributeur des prix communiqués et mise en place, par le fournisseur, de mécanismes de contrôle des prix pratiqués) que ces prix sont en réalité considérés comme des prix imposés »907.

575. Sur ce point, la Cour de justice a rappelé, dans son arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, qu’un accord interdit par l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne suppose pas nécessairement qu’il existe un système de contrôles a posteriori et, de sanctions908. En outre, la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, précité, a jugé que la preuve de l’acquiescement des distributeurs à l’entente peut être rapportée par tout moyen, notamment par la mise en place d’une surveillance intra-marque par ces derniers909.

576. En vertu de ce qui précède, l’Autorité ne saurait être tenue, en toute espèce, de réunir ce faisceau d’indices articulé en trois branches, lorsqu’elle dispose d’indices documentaires ou comportementaux qui viennent établir, d’une part, l’invitation du fabricant, et d’autre part, l’acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse910.

577. S’agissant, enfin, du niveau de preuve exigé de la part de l’Autorité, la Cour de cassation a jugé que la démonstration d’une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés reprochée à un fournisseur n’exige pas l’identification de tous les distributeurs ayant participé à l’entente, mais suppose seulement « que soit établi, à l’égard de chacun des distributeurs individualisés ou d’un nombre significatif d’entre eux, que les parties ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter de cette manière sur le marché »911. 578. En outre, la cour d’appel de Paris a jugé « [q]u’il n’est pas incompatible avec l’existence d [’une] entente [verticale généralisée] que quelques entreprises aient refusé d’y adhérer et n’aient pas fait l’objet de mesures de rétorsion, dès lors que [le fournisseur] [lui]-même ne conteste pas que des pressions ont été exercées sur les détaillants récalcitrants […] afin de les inviter à se plier à la discipline commune, qui ont été suivies d’effet »912.

Sur la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence 579. De manière générale, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article L. 420-1 du code de commerce913, un accord doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur914.

580. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, la notion de restriction de concurrence par objet doit être interprétée de manière restrictive. Elle ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire915.

581. Cependant, ceci n’implique nullement que l’autorité ou la juridiction compétente ne puisse procéder à un tel examen lorsqu’elle l’estime opportun916. En effet, l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un même comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition917.

582. Afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question918.

583. En outre, afin de qualifier un accord de restriction « par objet », il doit exister une expérience suffisamment solide et fiable pour qu’il puisse être considéré que cet accord est, par sa nature même, nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence919.

584. S’agissant de la prise en compte des objectifs poursuivis par une mesure faisant l’objet d’une appréciation au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la Cour de justice a déjà jugé que le fait qu’une mesure soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n’exclut pas que, eu égard à l’existence d’un autre objectif poursuivi par celle-ci et devant être regardé, quant à lui, comme illégitime, compte tenu également de la teneur des dispositions de cette mesure et du contexte dans lequel elle s’inscrit, ladite mesure puisse être considérée comme ayant un objet restrictif de la concurrence920.

585. Enfin, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte921.

a. Sur la définition d’une entente verticale sur les prix, et des différentes pratiques que peut recouvrir cette notion

586. Il ressort du libellé du l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE que sont notamment incompatibles avec le marché intérieur et interdits les accords entre entreprises consistant à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ». Par ailleurs, le 2° de l’article L. 420-1 du code de commerce dispose que sont notamment prohibées les ententes expresses ou tacites lorsqu’elles tendent à « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».

587. Les lignes directrices successives de la Commission sur les restrictions verticales précisent ainsi : « Lorsque des dispositions contractuelles ou des pratiques concertées fixent directement le prix de vente, la restriction est flagrante. Toutefois, un prix de vente peut aussi être imposé par des moyens indirects. À titre d’exemples, on pourrait citer un accord qui fixe […] le niveau maximal des réductions que peut accorder un distributeur à partir d’un certain niveau de prix prédéfini, un accord qui subordonne au respect d’un niveau de prix déterminé l’octroi de ristournes […], le fait de relier le prix de vente imposé aux prix de vente pratiqués par la concurrence, ainsi que des menaces, des intimidations, des avertissements, des sanctions, des retards ou suspensions de livraison ou la résiliation de l’accord en cas de non-respect d’un niveau de prix donné. L’efficacité des moyens directs ou indirects de fixation des prix peut être accrue si ces moyens sont combinés avec des mesures visant à détecter les distributeurs qui vendent à bas prix […] ou […] avec des mesures susceptibles de dissuader l’acheteur de diminuer le prix de vente […]. Les mêmes moyens indirects et les mêmes mesures d’accompagnement peuvent être utilisés pour faire d’un prix maximal ou recommandé l’équivalent d’un prix de vente imposé. La communication par le fournisseur à l’acheteur d’une liste de prix conseillés ou de prix maximaux n’est toutefois pas considérée en soi comme conduisant à des prix de vente imposés. »922.

588. En outre, selon une pratique décisionnelle constante aux niveaux européen et national, et selon les lignes directrices de la Commission, les clauses ou pratiques portant interdiction de certaines promotions consistent à fixer les prix de façon indirecte et doivent, partant, être prohibées.

589. Dans une affaire Hasselblad, la Commission a examiné une clause « qui oblige[ait], notamment, le détaillant à retirer et à ne pas renouveler toute annonce ou publicité contre laquelle [le fabricant] a fait des objections par écrit » et qui aurait eu, selon l’entreprise sanctionnée, pour seul objet de maintenir un haut niveau de qualité s’agissant de la publicité pour les produits en cause. Elle a considéré que cette allégation était démentie par le comportement de l’entreprise en cause, qui avait précisé, dans un courrier, qu’une annonce publicitaire créait des problèmes en raison des prix de vente annoncés et des mentions, telles que « prix imbattables », qu’elle comportait. La Cour a confirmé la décision de sanction de la Commission, jugeant que la clause litigieuse « a[vait] été rédigée de manière à permettre à la requérante d’interdire de telles annonces. »923.

590. Dans sa décision du 5 juillet 2000, Nathan, la Commission a estimé, s’agissant de l’interdiction de rabais, ristournes et liquidations de nature à porter atteinte à la marque Nathan, que « [m]ême à défaut de définition explicite et objective du niveau à partir duquel une promotion, un rabais ou une ristourne nuisent à l’image de marque, l’autonomie [des distributeurs] d’accorder des rabais est restreinte, comme ils ne sauraient l’ignorer, par rapport à une situation où ils seraient totalement libres de fixer leur prix total »924. Elle a alors conclu que la concurrence sur les prix était faussée ou restreinte, en s’appuyant sur l’arrêt Pronuptia, cité au paragraphe 601 ci-après925.

591. Dans une décision du 16 juillet 2003, Yamaha, elle a considéré qu’en présence d’une clause contractuelle obligeant les distributeurs à afficher les prix de vente au détail recommandés par le fournisseur, « même si des remises ont pu être pratiquées, il est clair que le vendeur était sévèrement limité dans sa liberté de communiquer au consommateur le prix qu’il fixait ». S’agissant d’une circulaire du fournisseur interdisant les promotions comportant des rabais de plus de 15 %, elle a, par ailleurs, indiqué que « même si la circulaire n’exclut pas totalement les remises, elle interdit strictement toute remise supérieure à 15 %. Cela constitue également une restriction de la capacité du vendeur à déterminer ses prix de vente. Cette pratique a pour objet de fixer le niveau maximum de remise et, par conséquent, le niveau minimum des prix de revente, restreignant ou faussant ainsi la concurrence par les prix. La Commission a reconnu que le maintien du prix de revente peut également être obtenu par des moyens indirects, tels que la fixation du niveau maximal de remise que le distributeur peut accorder à partir d’un niveau de prix prescrit […]. Si Yamaha interdit les remises de plus de 15 %, alors en réalité il y a une obligation de respecter un prix minimum : les prix conseillés moins 15 %. »926 (traduction libre).

592. Dans cette même décision, la Commission a, par ailleurs, considéré, s’agissant des pratiques de Yamaha spécifiquement mises en œuvre en Italie : « Étant donné que l’accord de distribution et les conditions commerciales interdisent aux revendeurs de publier des prix différents de ceux indiqués par Yamaha Musica Italia s.p.a., la liberté des revendeurs de fixer les prix est strictement limitée (considérants 72-78). Les revendeurs ne peuvent pas attirer les clients en annonçant des prix différents des « prix publiés » de Yamaha Musica Italia, ni en indiquant dans leurs magasins des prix différents de ceux indiqués par Yamaha Musica Italia spa. […] Ces accords ont pour objet d’influencer les prix de revente, limitant ou faussant ainsi la concurrence par les prix, quel que soit le degré exact de leur mise en œuvre. »927 (traduction libre).

593. De leur côté, le Conseil, puis l’Autorité, ont, à plusieurs reprises, sanctionné les clauses de contrats de distribution sélective utilisées afin de dissuader les distributeurs de faire porter leurs campagnes publicitaires sur les prix928 et se sont appuyés sur le contrôle ou l’interdiction, par le fournisseur, des promotions réalisées par les distributeurs pour sanctionner une entente anticoncurrentielle sur les prix.

594. En particulier, dans sa décision n° 01-D-45 du 19 juillet 2001 relative aux pratiques constatées dans la distribution des lunettes Ray-Ban, le Conseil a considéré qu’une clause du contrat de distribution des lunettes de marque Ray-Ban liant le fabricant des lunettes de marque Ray-Ban à ses distributeurs, selon laquelle « Toute pratique de promotion avec discount systématique sera considérée comme attentatoire à la marque et pourra donner lieu à résiliation immédiate du présent contrat », était utilisée pour imposer une politique tarifaire aux distributeurs, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce929.

595. Dans sa décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, le Conseil a indiqué, à propos d’une clause selon laquelle « Toute pratique de promotion avec discount systématique sera considérée comme attentatoire à la marque et pourra donner lieu à résiliation immédiate du présent contrat », que « s’il est licite pour un fabricant d’introduire dans un contrat de distribution sélective des critères de sélection des détaillants visant à préserver l’image de marque des produits distribués, […] le fait de considérer comme "attentatoire à la marque" "toute pratique de promotion avec discount systématique" peut permettre d’exclure certains types de magasins en fonction d’un critère (le caractère "systématique" du discount) qui n’est pas purement objectif [et] qu’une telle clause qui est susceptible de limiter l’accès au marché de certaines entreprises peut également faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence [et] est donc prohibée par les articles [101 TFUE] et L. 420-1 du code de commerce »930.

596. Dans sa décision n° 06-D-04 bis du 13 mars 2006 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe, il a retenu que le contrôle, par les fournisseurs, des opérations publi-promotionnelles réalisées par les distributeurs servait en réalité à contrôler l’application des prix imposés par les fournisseurs931. La cour d’appel de Paris a confirmé cette approche dans son arrêt du 26 janvier 2012, en se fondant notamment sur l’interdiction de certaines promotions pour démontrer qu’il existait une action concertée des fournisseurs et des distributeurs sur les prix932.

597. Dans sa décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, le Conseil a souligné que « l’évocation de prix minimum préconisés par le fabricant prenait la forme […] de courriers entre le fabricant et ses distributeurs ou de compte-rendus de réunions entre les parties mentionnant un taux de remise maximum, se référant nécessairement à un prix de vente préalablement conseillé » et que, « En faisant connaître à son distributeur sa « volonté » de voir le taux de remise maximum sur ses produits baisser de –20 à –15 %, le fabricant avait nécessairement communiqué auparavant à son distributeur des prix publics indicatifs sur lesquels devait s’appliquer cette remise »933.

598. Dans sa décision n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, l’Autorité a considéré que l’encadrement des promotions par Apple contribuait à conduire ses distributeurs à considérer les prix communiqués comme des prix qui devaient être respectés934.

599. Enfin, dans la décision n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, elle a estimé que la clause d’un accord de distribution en ligne engageant les distributeurs à « Ne pratiquer aucune offre promotionnelle, ni remise tarifaire sans accord préalable » avait été utilisée pour imposer des prix à ces distributeurs, et elle a retenu comme pièce matérialisant le point de départ de la pratique sanctionnée un courriel par lequel un distributeur s’engageait notamment à ne pas faire de promotions935.

b. Sur le degré de nocivité des ententes verticales sur les prix

600. Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice que les ententes sur les prix révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiées de restriction par objet, de sorte que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire936. En particulier, la Cour a jugé à plusieurs reprises que les accords qui imposent aux détaillants des prix de détail minimaux ou fixes, ou leur imposent de maintenir un certain niveau de prix, et limitent ainsi leur capacité à déterminer indépendamment leurs prix de revente, sont restrictifs de concurrence par objet937.

601. Outre la jurisprudence et la pratique décisionnelle rappelées aux paragraphes 586 à 599 ci-avant, il convient de rappeler que, dans son arrêt AEG v Commission, la Cour a jugé que « l’exigence d’un engagement en matière de prix [en l’espèce, des prix permettant une marge bénéficiaire assez élevée] constitue donc une condition manifestement étrangère aux besoins d’un système de distribution sélective et affectant ainsi également le libre jeu de la concurrence »938. Par ailleurs, dans l’arrêt Pronuptia, ayant trait à un contrat de franchise, elle a confirmé939 la décision de la Commission déclarant conforme au droit de la concurrence un contrat de franchise dans le secteur des vêtements de luxe, duquel le fabricant avait, à la demande de la Commission, « supprimé la clause qui imposait au franchisé de ne pas nuire, dans l’établissement de ses prix, à l’image de marque du franchiseur » et qui prévoyait un contrôle préalable de la publicité, en précisant que ce contrôle « ne concerne que la nature de la publicité et vise à ce que celle-ci soit conforme à l’image de marque du réseau Pronuptia »940.

602. La Commission a fait application de cette jurisprudence dans sa décision 92/428/CEE du 24 juillet 1992 relative aux parfums Givenchy. Après avoir rappelé que « puisque le maintien d’une image de marque de prestige constitue, sur le marché des produits cosmétiques de luxe, un facteur essentiel de concurrence, aucun producteur ne saurait conserver sa position sur ce marché sans un effort constant de promotion. Or, il est clair que de tels efforts seraient anéantis si, au stade de la vente au détail, les produits Givenchy étaient commercialisés d’une façon susceptible d’en altérer la perception par le consommateur. ». Elle a toutefois ajouté « à cet égard que le caractère dévalorisant d’un point de vente, ou de son enseigne, ne saurait en tout état de cause être associé à la politique habituelle de prix du distributeur »941.

603. Plus récemment, dans sa décision du 17 décembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre par Guess, la Commission a considéré, sur le fondement des arrêts précités, que les dispositions des contrats de distribution sélective de cette société, qui imposaient de respecter les prix qu’elle conseillait afin de préserver l’image de ses produits, restreignaient la liberté tarifaire de ses distributeurs942.

604. Au niveau national, dès le 1er décembre 1983, la Commission de la concurrence a indiqué qu’il « n’apparai[ssait] pas qu’un lien nécessaire puisse être établi entre le niveau des marges qui sont pratiquées par les détaillants et la qualité de la coopération commerciale de ces derniers dans la promotion des marques »943.

605. Dans sa décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, le Conseil a rappelé que « les interventions des fabricants à l’égard des distributeurs, régies par les clauses des contrats de distribution sélective qu’ils concluent entre eux, doivent rester limitées à la défense de l’image de la marque : une mauvaise présentation des produits pourra, ainsi, justifier une telle intervention, alors que toute intervention directe ou indirecte sur les prix des distributeurs est formellement interdite comme contraire aux articles [101 TFUE] et L. 420-1 du code de commerce ». Il a également indiqué qu’« il n’appartient pas au Conseil de définir le niveau de prix qui doit être atteint pour conférer à un produit une image de luxe. Il lui incombe en revanche lorsqu’un fournisseur choisit de confier la distribution de son produit à des entreprises autonomes, de faire respecter dans tous les cas l’article L. 410-1 du code de commerce qui garantit au distributeur la liberté de fixer ses prix sous la seule réserve de la législation relative à la revente à perte. »944.

606. Saisie de la validité de la décision n° 06-D-04 bis du 13 mars 2006 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe, la cour d’appel a souligné, dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, que si « [l]e système de distribution sélective tend à préserver la haute qualité et l’image de marque des produits […] et autorise les fournisseurs à établir un contrôle sur les méthodes et sur les points de vente de leurs distributeurs ainsi qu’à restreindre pour partie, leur liberté commerciale notamment en matière d’opérations promotionnelles […] [,] [e]n revanche, le distributeur sélectif conserve impérativement toute liberté pour fixer ses prix de vente au consommateur »945. Dans ce même arrêt, elle a, par ailleurs, indiqué : « si le respect de l’image de marque de chaque produit peut être assuré à travers des contrôles portant sur l’aménagement des points de vente agréés ou encore sur la formation du personnel ou la présentation des produits, il n’en va pas de même pour l’altération de la capacité du distributeur à fixer le prix de revente des produits au consommateur final »946.

607. Elle a enfin jugé, dans ce même arrêt, que « c’est à tort que certaines des sociétés requérantes prétendent que les agissements mis à jour par le Conseil n’avaient pour but que la défense de l’image de luxe de leurs produits ; qu’il s’est en réalité bien agi au cas présent, d’extraire du consommateur un supplément de profit au moyen d’une entente illicite visant d’une part, à sécuriser ce supplément en combattant, au besoin par des mesures coercitives, les comportements des distributeurs déviants risquant de le compromettre et d’autre part, à répartir ce supplément entre les participants à l’entente »947.

608. Enfin, la cour d’appel de Paris a souligné, dans son arrêt du 16 mai 2013, Kontiki, que « les pratiques de prix imposés sont considérées par le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 comme des restrictions caractérisées et que, dès lors, un accord ou une pratique concertée ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur est tenu de respecter, est présumé restreindre la concurrence »948.

609. Ainsi, les accords verticaux sur les prix constituent, selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, des restrictions de concurrence par objet, y compris lorsqu’ils s’inscrivent dans un contexte particulier de distribution sélective, et qu’ils sont prétendument mis en œuvre afin de protéger l’image de marque des produits en cause.

610. Enfin, la Commission considère que le fait qu’une clause qui, par sa nature même, constitue une restriction de concurrence, n’ait pas été mise en œuvre ne prouve pas qu’elle n’a eu aucun effet, car, comme indiqué par la Cour de justice dans son arrêt Miller949, elle peut créer un effet « optique et psychologique »950.

c. Sur la possibilité de justifier une entente verticale sur les prix

611. Il ressort d’une jurisprudence nationale et européenne constantes ainsi que des lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales, que la volonté d’un fournisseur de protéger l’image de luxe de ses produits ou la réputation de son réseau n’est pas un motif justifiant la mise en œuvre d’une pratique d’entente verticale sur les prix avec ses distributeurs sur le fondement de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

612. Dans l’arrêt Binon, la Cour de Justice a précisé que la justification objective de la pratique sanctionnée ainsi que ses effets pro-concurrentiels devaient être examinés sur le fondement de l’article 101, paragraphe 3, TFUE951. Dans l’arrêt Pronuptia, précité, elle a souligné que « loin d’être nécessaires à la protection du savoir-faire transmis ou à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau, certaines clauses restreignent la concurrence entre les membres de celui-ci [telles que celles qui] […] empêchent [les franchisés] de se livrer à une concurrence de prix entre eux. »952.

613. Dans le même sens, dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales, la Commission a exclu qu’une entente verticale sur les prix puisse échapper au champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et précisé que les gains d’efficience engendrés, le cas échéant, par une pratique de prix imposés devaient être appréciés sur le fondement du paragraphe 3 de cette disposition. Ainsi, au point 60 de ce document, elle a indiqué que : « Des restrictions caractérisées peuvent, dans des cas exceptionnels, être objectivement nécessaires à l’existence d’un accord d’une nature ou d’un type particuliers et par conséquent ne pas relever de l’article 101, paragraphe 1. […] La présente section fournit plusieurs exemples de restrictions appliquées aux (re)ventes, tandis que le cas du prix de vente imposé est traité à la section VI.2.10. »953, puis, dans cette section, que « Si un accord inclut des prix de vente imposés954, cet accord est présumé restreindre la concurrence, et donc relève de l’article 101, paragraphe 1. […] les prix de vente imposés […] peuvent aussi, notamment lorsqu’ils sont décidés par le fournisseur, entraîner des gains d’efficience, qui seront appréciés conformément à l’article 101, paragraphe 3. »955.

614. Sur ce fondement, la cour d’appel de Paris a jugé, dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, « que les entreprises en cause ayant mis en œuvre de telles pratiques [de prix imposés] peuvent uniquement se défendre en faisant valoir des gains d’efficience au sens de l’article 101 § 3 du TFUE »956.

615. Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 584 ci-avant, la Cour de justice a déjà jugé que le fait qu’une mesure soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n’exclut pas que, eu égard à l’existence d’un autre objectif poursuivi par celle-ci et devant être regardé, quant à lui, comme illégitime, compte tenu également de la teneur des dispositions de cette mesure et du contexte dans lequel elle s’inscrit, ladite mesure puisse être considérée comme ayant un objet restrictif de la concurrence957.

Sur l’exemption par catégorie et individuelle

616. S’agissant de l’exemption par catégorie, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, des règlements n° 2790/1999 et nº 330/2010, les accords verticaux peuvent, sauf exceptions, bénéficier, d’une exemption à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

617. Selon les articles 4 et 5 des règlements n° 2790/1999 et nº 330/2010, l’exemption est également écartée, sauf exceptions limitativement énumérées, en présence de restrictions dites « caractérisées », qui comprennent notamment, en vertu de l’article 4, sous a), desdits règlements, les restrictions de la capacité de l’acheteur de déterminer son prix de vente.

618. Au point 47 de ses lignes directrices sur les restrictions verticales de 2000 – repris au point 48 de ses lignes directrices sur les restrictions verticales de 2010 – la Commission précise que « La restriction caractérisée visée à l’article 4, point a), du règlement d’exemption par catégorie concerne les prix de vente imposés, c’est-à-dire les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimal. »958.

619. Enfin, il ressort, d’une pratique décisionnelle constante (voir les paragraphes 586 à 609 ci-avant) que les pratiques d’ententes verticales sur les prix constituent de telles « restrictions caractérisées » qui ne peuvent bénéficier d’une exemption catégorielle959.

620. S’agissant de l’exemption individuelle, l’article 101, paragraphe 3, TFUE énonce : « les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises, à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises et à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence ».

621. De même, l’article L. 420-4 du code de commerce dispose que : « ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques : [...] 2° Dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d’emplois, et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. ».

622. L’article 2 du règlement n° 1/2003 dispose par ailleurs qu’« il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article [101], paragraphe 3, du traité d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies ». Il ressort d’une jurisprudence constante, tant de l’Union que nationale, que « la personne qui se prévaut de cette disposition doit démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption sont réunies »960.

623. À cet égard, les autorités de concurrence sont uniquement tenues, afin de déterminer si un accord contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, d’examiner les arguments de fait et les éléments de preuve fournis par l’entreprise dans le cadre de sa demande d’exemption961.

624. Au point 223 de ses lignes directrices sur les restrictions verticales de 2010, la Commission indique qu’il est « présumé qu’il est peu probable que cet accord [incluant des prix de vente imposés] remplisse les conditions énoncées à l’article 101, paragraphe 3, auquel cas l’exemption par catégorie ne s’applique pas. »962.

625. Sur ce point, de nombreuses décisions, aux niveaux européen et national, ont considéré que les accords sur les prix en cause ne pouvaient bénéficier d’une exemption individuelle. En particulier, dans sa décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, le Conseil a précisé : « La validité de principe des accords de distribution sélective a été consacrée, de façon générale et pour l’ensemble des accords verticaux, par le règlement de la Commission n° 2790/1999 […] Mais les interventions des fabricants à l’égard des distributeurs, régies par les clauses des contrats de distribution sélective qu’ils concluent entre eux, doivent rester limitées à la défense de l’image de la marque : une mauvaise présentation des produits pourra, ainsi, justifier une telle intervention, alors que toute intervention directe ou indirecte sur les prix des distributeurs est formellement interdite comme contraire aux articles 81 du traité et L. 420-1 du code de commerce »963.

626. De même, dans la décision Yamaha, précitée, la Commission a précisé : « Les pratiques de prix imposés sont des restrictions caractérisées qui ne remplissent pas les conditions cumulatives de l’article [101, paragraphe 3, TFUE]. Elles ne contribuent pas à l’amélioration de la production ou, en l’espèce, de la distribution des marchandises, et les consommateurs n’ont pas non plus droit à une part du bénéfice qui en résulte. »964 (traduction libre).

627. La Commission s’est également prononcée sur l’argument de la protection de l’image de marque dans ses décisions Nathan et Guess, précitées. Dans la première, elle a considéré que « pour ce qui est des rabais et promotions, si le souci de maintenir une image de marque semble légitime, il n’en suffit pas moins de constater que Nathan est libre de fixer le prix de vente à ses distributeurs qu’il juge adéquat par rapport au coût objectif et au positionnement souhaité de ses produits sur le marché. Il existe donc des moyens moins restrictifs de l’autonomie des parties qu’une telle clause pour atteindre l’objectif recherché. »965.

628. Dans la seconde, elle a relevé que « rien n’indique que le comportement [les pratiques de prix imposés mis en œuvre par Guess au sein de son réseau de distribution sélective] ait contribué à améliorer la production ou la distribution des produits de Guess, ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux consommateurs une part équitable des avantages potentiels résultant des pratiques restrictives de Guess. De plus, rien n’indique que le comportement était indispensable, par exemple pour lutter contre le parasitisme, ou pour protéger l’image de marque de Guess. »966 (traduction libre).

Sur la démonstration de la continuité de la pratique

629. Pour déterminer la durée d’une infraction aux règles de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord en cause et la date à laquelle il y a été mis fin967.

630. En l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction et son caractère continu, l’autorité de concurrence doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises968.

631. Les juridictions nationales précisent sur ce point « qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu’elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu’elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »969.

632. Enfin, la suspension d’une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n’empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d’infraction continue dès lors que, après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités970.

b) Application au cas d’espèce

S’agissant du grief n° 1 notifié le 13 février 2015

633. Seront successivement examinées les ententes reprochées à Optical Center (a), Silhouette (b), Mikli (c), LVMH (d), Logo (e), Safilo (f), Maui Jim (g) et Luxottica (h), au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015.

a. S’agissant des ententes entre Optical Center et Luxottica, et entre Optical Center et Safilo (voir le Tableau 9 ci-avant)

634. Dans le rapport du 21 juillet 2016, les services d’instruction proposaient soit de limiter la durée des pratiques retenues à l’encontre d’Optical Center aux seules années 2003 et 2005, soit d’abandonner purement et simplement le grief notifié s’il était établi que « ces engagements [d’Optical Center à se conformer à la politique tarifaire mise en place par les fournisseurs] auraient été obtenus sous la contrainte et que l’absence d’acquiescement serait démontrée par l’existence de nombreuses remises incluant les marques non souhaitées par les fournisseurs, de dénonciations régulières dont elle a fait l’objet auprès des fournisseurs par ses concurrentes concernant ses promotions tarifaires, de remontrances des fournisseurs à son égard sur sa politique de promotions tarifaires »971.

635. De fait, il résulte de l’examen du dossier, d’une part, que les pièces de nature à étayer l’existence d’une entente entre Optical Center et Luxottica ne concernent que la période s’étendant du 14 octobre 2005 au 14 décembre 2005, d’autre part, qu’il n’existe aucune pièce de nature à démontrer l’existence d’une entente entre Optical Center et Safilo.

636. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié à Optical Center le 13 février 2015, la prescription étant acquise pour l’entente alléguée avec Luxottica et l’entente alléguée avec Safilo n’étant étayée d’aucun élément probant.

b. S’agissant de l’entente entre Silhouette et ses distributeurs (voir le Tableau 10 ci-avant)

637. Dans le rapport du 21 juillet 2016, les services d’instruction proposaient que l’entente visée par le grief notifié à Silhouette prenne fin en septembre 2009972. En effet, aucune des déclarations postérieures n’est de nature à démontrer l’existence d’un accord de volontés entre Silhouette et ses distributeurs (voir les paragraphes 104 à 105 ci-avant).

638. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié à Silhouette le 13 février 2015, la prescription étant acquise pour les pratiques correspondantes.

c. S’agissant de l’entente entre Mikli et ses distributeurs (voir le Tableau 11 ci-avant)

639. Dans le rapport du 21 juillet 2016, les services d’instruction proposaient que l’entente visée par le grief notifié à Mikli débute en février 2007 et prenne fin le 14 avril 2009973. En effet, aucune pièce postérieure n’est de nature à démontrer l’existence d’un accord de volontés entre Mikli et ses distributeurs (voir les paragraphes 107 et 108 ci-avant).

640. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié à Mikli le 13 février 2015, la prescription étant acquise pour les pratiques correspondantes.

d. S’agissant de l’entente entre LVMH et Logo (voir le Tableau 12 ci-avant)

641. Si LVMH ne conteste pas la matérialité de l’infraction poursuivie, elle soutient néanmoins qu’en vertu du principe d’égalité de traitement, elle devrait, pour les besoins de la détermination de la sanction, bénéficier – au même titre que les autres entreprises poursuivies – de la réduction de la durée du grief qui lui est reproché proposée par les services d’instruction. Elle rappelle, à cet égard, que le rapport du 21 juillet 2016 a porté la durée du grief n° 1 du 13 février 2015, qui visait initialement une période de 14 ans et 6 mois, à 11 ans et 4 mois974.

642. Dans le rapport du 21 juillet 2016, les services d’instruction proposaient effectivement que l’entente visée par le grief notifié à LVMH prenne fin en 2011975. Toutefois, il convient de rappeler que LVMH a signé, le 16 mai 2019, soit postérieurement au rapport du 21 juillet 2016, un procès-verbal de mise en œuvre du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, par lequel elle s’est engagée à ne pas contester le grief n° 1 du 13 février 2015, qui vise une entente de « septembre 1999 à aujourd’hui » (voir le paragraphe 80 et suivants ci-avant). Ce grief est donc établi à son égard.

e. S’agissant des ententes entre Logo et l’ensemble de ses distributeurs ou certains d’entre eux (voir le Tableau 13 ci-avant)

643. Le premier grief notifié le 13 février 2015, selon lequel Logo SAS s’est entendue, entre le 3 mars 2002 et l’année 2011 avec l’ensemble de ses distributeurs agréés TAG Heuer, et au moins depuis 2006 au 13 février 2015 avec l’ensemble de ses distributeurs pour fixer le prix de vente aux consommateurs et faire obstacle à la libre fixation des prix par le libre jeu de la concurrence, en violation des dispositions de l’article L.420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE, n’a pas été contesté par la société Logo SAS976. Il est donc établi à son égard.

f. S’agissant de l’entente entre Safilo et ses distributeurs (voir le Tableau 18 ci-avant)

644. Dans le rapport du 21 juillet 2016, les services d’instruction proposaient que l’entente visée par ce grief prenne fin le 13 juillet 2010977. En effet, aucune pièce postérieure n’est de nature à démontrer l’existence d’un accord de volontés entre Safilo et ses distributeurs (voir les paragraphes 148 et 149 ci-avant).

645. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié à Safilo le 13 février 2015, la prescription étant acquise pour les pratiques correspondantes.

g. S’agissant de l’entente entre Maui Jim et ses distributeurs (voir le Tableau 19 ci-avant)

646. Dans le rapport du 21 juillet 2016, les services d’instruction proposaient que l’entente visée par le grief notifié à Maui Jim débute le 27 juillet 2006 et prenne fin en décembre 2009978. En effet, aucune pièce postérieure n’est de nature à démontrer l’existence d’un accord de volontés entre Maui Jim et ses distributeurs (voir le paragraphe 151 ci-avant).

647. Il n’y a donc pas lieu de retenir le grief notifié à Maui Jim le 13 février 2015, la prescription étant acquise pour les pratiques correspondantes.

h. S’agissant de l’entente entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs

• Sur la démonstration de l’accord de volontés

648. À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, rappelée au paragraphe 577 ci-avant, la démonstration d’une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés reprochée à un fournisseur n’exige pas l’identification de tous les distributeurs ayant participé à l’entente. Elle suppose que soit établi, à l’égard d’un nombre significatif d’entre eux, que les parties ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter de cette manière sur le marché979.

649. Contrairement à ce que soutient Luxottica980, aux fins de cette démonstration, l’Autorité n’est pas tenue de réunir un faisceau d’indices articulé en trois branches, lorsqu’elle dispose d’indices documentaires ou comportementaux qui viennent établir, d’une part, l’invitation du fabricant, et d’autre part, l’acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse981 (voir le paragraphe 576 ci-avant). Elle n’est pas non plus tenue de démontrer l’existence de cette invitation et de cet acquiescement s’agissant de chaque indice sur lequel elle s’appuie982.

i. L’invitation de Luxottica à adopter un certain niveau de prix pour la revente de ses produits

650. Luxottica soutient que les éléments du dossier ne démontrent pas qu’elle aurait contrôlé les prix de vente au détail de l’ensemble de ses produits, par l’ensemble de ses distributeurs, lors de toute la période visée par le grief notifié983. Elle allègue également qu’en toute hypothèse, un tel contrôle ne pourrait pas exister en l’espèce. Selon elle, en effet, le fait que les montures optiques soient commercialisées avec des verres correcteurs, le grand nombre de références qu’elle fabrique et commercialise ainsi que la structure très diversifiée et fragmentée du marché français de la distribution, auraient rendu impossible tout mécanisme de surveillance, d’autant qu’elle ne disposait pas du personnel nécessaire à cette fin984.

651. Toutefois, ainsi qu’il sera démontré ci-après, il ressort des pièces du dossier que Luxottica, qui souhaitait que ses distributeurs respectent un certain niveau de prix (a.), leur communiquait des « prix conseillés » (b.), qu’elle les incitait à respecter par le biais de clauses contractuelles visant la protection de l’image de ses marques, de consignes relatives aux prix et aux promotions, ainsi que d’interventions et de sanctions visant les détaillants qui pratiquaient des prix ou des opérations auxquels elle s’opposait (c.).

a. La volonté que les opticiens respectent un certain niveau de prix

652. Il ressort, de manière non-équivoque, de nombreuses pièces du dossier que Luxottica a cherché à harmoniser les prix pratiqués par les opticiens qui distribuaient les produits de ses marques, en dépit du risque juridique, qu’elle avait clairement identifié, lié à l’application du droit de la concurrence.

653. Il ressort, ainsi, notamment, d’une étude réalisée par Safilo que, conformément à la politique de prix élevé de la marque Chanel, Luxottica avait pour stratégie de maintenir, au sein du réseau de distribution des produits de cette marque, un prix de revente homogène calculé à partir des coefficients qu’elle recommandait985 (voir le paragraphe 183 ci-avant). Cette étude est corroborée par deux déclarations d’opticiens, selon lesquelles Luxottica considérait qu’un certain niveau de prix devait être respecté lors de la vente au détail des produits de ses marques et que, pour certains de ces produits, il existait un prix « fixe »986 (voir le paragraphe 269 ci-avant). en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 835 ; n° 19-D-17 du 30 juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphes 141 à 151 et 154 à 160 ; n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats, paragraphes 180 et 181 ; et n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, paragraphes 119 et 120. Voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, 12/01227, page 6.

654. Enfin, le directeur commercial, la directrice marketing et le chargé des relations commerciales avec les centrales d’achats et les réseaux d’opticiens de Luxottica France – dont les courriels attestent qu’ils avaient conscience que le droit de la concurrence s’oppose aux ententes verticales sur les prix – recommandaient (i) à leurs équipes, s’agissant des distributeurs pratiquant des prix bas, de refuser de collaborer pleinement avec ces derniers987, (ii) aux opticiens qui dénonçaient les prix bas pratiqués par leurs concurrents récalcitrants, d’aider Luxottica à les convaincre de remonter leurs prix988, et (iii) aux commerciaux de Luxottica d’intervenir auprès desdits distributeurs en prenant soin d’effacer les traces écrites des échanges correspondants989 (voir le Tableau 27 ci-avant).

b. La communication de prix conseillés

655. Luxottica ne conteste pas, dans ses écritures, qu’elle a publié un catalogue de prix de vente conseillés pour les produits Chanel jusqu’en 2010990 et qu’elle a diffusé de tels catalogues pour les produits Ray-Ban jusqu’en 2006991. Elle allègue, toutefois, que le dossier ne contient aucun indice d’une telle pratique pour ses autres marques992. Ainsi, il n’existerait pas de preuve qu’elle aurait communiqué, à l’ensemble de ses distributeurs, des prix de revente ou des coefficients conseillés pour toutes ses marques et sur toute la période retenue par le grief993. Sur ce point, Luxottica soutient, notamment, que le document cité au paragraphe 161, intitulé « pricing proposals » [propositions de tarification], n’est qu’une étude marketing visant à lui permettre de déterminer, pour les marchés européen et américain, ses prix de vente en gros, selon les prix de vente au détail souhaités, ainsi que les prix de détail pratiqués dans ses propres boutiques, en dehors du territoire français, où elle pratique uniquement la vente en gros994.

656. En outre, selon Luxottica, les pièces identifiées par les services d’instruction ne suffiraient pas à démontrer la diffusion de prix ou de coefficients conseillés995.

657. S’agissant, en particulier, du courriel du 3 février 2006, adressé à Alain Afflelou996 (voir le paragraphe 187 ci-avant), Luxottica allègue qu’il correspond à l’une des rares fois où elle a communiqué à un distributeur, à sa demande, les coefficients qu’elle utilise pour positionner ses marques et déterminer ses prix de vente en gros. Elle soutient que cette communication ne correspondrait pas à une recommandation de sa part, dès lors qu’elle ne faisait que rappeler à un client les coefficients historiques applicables à ses marques, comme l’indiquerait la phrase « a priori ces coefficients n’ont pas changé depuis 2002 »997. En tout état de cause, ce courrier ne serait destiné qu’aux succursales Alain Afflelou, soit à seulement 80 points de vente environ, sur les 640 du réseau de cet opticien.

658. S’agissant, enfin, de la déclaration de l’opticien Territoire Prédéterminé – selon laquelle un représentant de Luxottica indiquerait parfois un coefficient reprenant les prix du marché pour toutes les marques du fabricant (voir le Tableau 26 ci-avant) – Luxottica indique qu’elle ne ferait que confirmer sa position, clairement exprimée aux enquêteurs, selon laquelle, de manière occasionnelle, à la demande d’un distributeur, les commerciaux pouvaient rappeler les coefficients historiques habituellement pratiqués dans le secteur. Selon Luxottica, ces rappels ne sauraient être assimilés à une recommandation998, dès lors qu’ils ne permettent pas d’établir qu’elle demanderait, ni même souhaiterait, que ses distributeurs appliquent lesdits coefficients999. En toute hypothèse, cette déclaration isolée d’un opticien de l’île de La Réunion serait insuffisante pour constituer un indice d’une entente impliquant la généralité des opticiens de France distribuant des produits Luxottica1000.

659. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Luxottica a communiqué des « prix conseillés » à ses distributeurs de 2005 à 2013, notamment pour les produits des marques Bulgari, Burberry, Chanel, D&G, DKNY, Dolce & Gabbana, Jil Sander, Miu Miu, Oakley, Persol, Polo Ralph Lauren, Prada, Ralph et Ralph Lauren, Ray-Ban, Sféroflex, Versace et Vogue. Les « prix conseillés » ont parfois été transmis aux distributeurs sous la forme de coefficients multiplicateurs.

660. Ainsi, Luxottica a indiqué, au cours de l’instruction, qu’elle a diffusé des « prix conseillés » pour la marque Ray-Ban jusqu’en 2006. S’agissant de la marque Chanel, elle a déclaré avoir publié des « prix conseillés » jusqu’en 2010 et avoir remis aux détaillants agréés des documents marketing mentionnant de tels prix jusqu’en 2012 (voir les paragraphes 171 à 175 ci-avant). Selon les représentants de Chanel SAS entendus le 12 juillet 2013, une telle pratique avait toujours cours à cette date pour leur marque (voir le paragraphe 169 ci-avant). Enfin, Luxottica a indiqué que de manière occasionnelle, à la demande d’un distributeur, ses commerciaux pouvaient rappeler les coefficients historiques habituellement pratiqués dans le secteur pour l’ensemble de ses marques, ce qu’elle a confirmé dans ses écritures1001 (voir les paragraphes 182 et 658 ci-avant).

661. Toutefois, contrairement à ce qu’elle soutient, Luxottica ne s’est pas contentée de communiquer des « prix conseillés » à l’ensemble de ses détaillants agréés pour ces seules marques. Il a ainsi été constaté que Luxottica élaborait, à tout le moins, des listes de prix de détail pour d’autres marques telles que Bulgari, Burberry, D&G, Dolce & Gabbana, Miu Miu, Oakley, Persol, Polo Ralph Lauren, Prada, Ralph Lauren, Ralph, Ray-Ban, Versace, Vogue, ainsi qu’il ressort non seulement de l’étude marketing mentionnée au paragraphe 655 ci-avant, mais également de courriels et documents internes saisis dans les locaux de Luxottica (voir les paragraphes 161 à 167 ci-avant).

662. L’un de ces courriels, interne à Luxottica, évoque la réaction potentielle des distributeurs de Luxottica à la modification d’une liste de prix pour les produits de la marque Oakley1002 (voir le paragraphe 164) et atteste donc que cette liste, prétendument à destination interne, avait, en réalité, vocation à être communiquée aux distributeurs de Luxottica. La communication des prix de détail élaborés par Luxottica est corroborée par dix courriels et trente déclarations d’opticiens, échelonnés de 2005 et 2013, visant, notamment les marques Bulgari, Chanel, DKNY, Oakley, Persol, Prada, Ray-Ban et Vogue (voir le Tableau 24 et le Tableau 25 ci-avant). Elle est également confirmée par trois courriels et quatre déclarations d’opticiens de 2007 à 2013, concernant notamment les marques Chanel, D&G, Dolce & Gabbana, Jil Sanders, Miu Miu, Prada, Sféroflex et Ray-Ban, selon lesquels Luxottica diffusait ses « prix conseillés » par l’intermédiaire de tels coefficients (voir les paragraphes 181 à 188 et le Tableau 26 ci-avant). En définitive, seuls deux opticiens ont indiqué ne pas avoir reçu de tels prix (voir le paragraphe 179 ci-avant).

c. Les incitations au maintien d’un certain niveau de prix

663. Luxottica soutient qu’aucune police de prix ne saurait lui être reprochée, dès lors qu’une telle pratique serait matériellement impossible. En effet, comme indiqué au paragraphe 650 ci-avant, elle disposerait de moyens humains et matériels insuffisants par rapport au nombre de modèles et de références commercialisés en France. Il lui serait, en outre, impossible de surveiller le prix des montures de lunettes optiques, étant donné que ces produits sont vendus avec des verres correcteurs, que les opticiens procèdent couramment à des ajustements de prix en fonction de la couverture santé dont bénéficient leurs clients, et qu’il existe un grand nombre de revendeurs en France1003.

664. Cependant, il ressort des pièces du dossier que Luxottica a incité l’ensemble de ses distributeurs à maintenir un certain niveau de prix lors de la vente au détail des produits de ses marques par l’intermédiaire de contrats, de consignes, d’interventions et de sanctions.

 Les incitations de nature contractuelle

665. Luxottica soutient qu’elle n’a mis en place de réseau de distribution sélective que pour les marques Armani, Bulgari, Chanel, Dolce & Gabbana, Oakley, Persol, Prada, Prada Linea Rossa et Ray-Ban, et que même à supposer que ce fait puisse constituer un indice d’une entente anti-concurrentielle, il ne pourrait pas valoir pour l’ensemble de ses marques1004. Elle allègue, en tout état de cause, que ses contrats et chartes de détaillant agréé ne limitaient pas la liberté tarifaire de ses distributeurs. Selon elle, en effet, la notion de « vente incompatible avec le prestige de la marque » à laquelle ils se réfèrent recouvre seulement des situations particulières, où (i) les produits sont soit « bradés », au moyen, par exemple, d’opérations « pour un euro de plus », soit offerts, (ii) des remises à des taux particulièrement élevés, notamment de 80 % ou plus, sont mises en avant ou (iii) la campagne promotionnelle est « tapageuse » et associe la marque à une réduction de prix1005. Elle indique, par ailleurs, que les campagnes promotionnelles qui associent la marque à une réduction de prix comptent parmi les ventes incompatibles avec l’image de marque1006.

666. S’agissant spécifiquement du contrat de détaillant agréé Chanel, Luxottica soutient qu’il interdirait uniquement les formes de vente incompatibles avec le prestige de la marque sans pour autant limiter la liberté tarifaire des détaillants1007.

667. S’agissant, par ailleurs, de la charte de détaillant agréé Prada, Luxottica indique que le courriel de janvier 2006 cité au paragraphe 305 ci-dessus, dans lequel elle rappelle que la politique de prix des détaillants ne doit pas être « sauvage et compatible avec le voisinage », ne démontre pas l’existence d’une interdiction de toute remise ou de pratiquer des prix ou coefficients inférieurs aux prix et coefficients conseillés. Les opticiens seraient libres de déterminer leurs prix de revente, sous réserve qu’ils n’aient pas une politique de prix dévalorisante pour cette marque de luxe. Sur ce point, les représentants de Luxottica auraient par ailleurs déjà précisé, en juillet 2011, que par « prix sauvage », il fallait entendre « des prix qui nuisent à l’image de la marque, notamment une paire de lunettes pour un euro ou une remise à 90 % »1008.

668. S’agissant, enfin, des chartes de détaillant agréé Burberry et Versace, Luxottica soutient que la signature d’un contrat-cadre – qui n’aurait jamais été appliqué – avec une centrale de référencement qui n’est pas elle-même distributeur, ne peut pas constituer un réseau de distribution sélective1009.

669. Toutefois, si Luxottica affirme n’avoir mis en place de réseau de distribution sélective que pour les marques Armani, Bulgari, Chanel, Dolce & Gabbana, Oakley, Persol, Prada, Prada Linea Rossa et Ray-Ban, les contrats et chartes de détaillant agréé conclus entre 1999 et 2014 versés au dossier concernent, outre ces marques1010, les marques Burberry, Versace et Versus (voir les paragraphes 195 à 226 ci-avant). Par ailleurs, les documents relatifs aux opérations promotionnelles menées par Alain Afflelou et Grand Optical en 2007 et 2008 attestent que Luxottica a également conclu des contrats de distribution sélective pour les marques Arnette, D&G, Ferragamo, Polo Ralph Lauren et Vogue (voir les paragraphes 227 à 232 ci-avant).

670. Il a été relevé, en outre, que les stipulations des contrats et chartes de détaillant agréé de Luxottica imposaient aux détaillants agréés de recueillir l’accord préalable écrit de Luxottica pour toutes les opérations publicitaires et de communication envisagées, qui devaient être compatibles avec l’image des marques concernées. Pour certaines marques, elles interdisaient, au surplus, les rabais1011, voire toute forme de vente incompatible avec le prestige de ces marques1012 (voir les paragraphes 195 à 232 ci-avant).

671. Interrogés sur ces documents, en 2007 et 2011, les représentants de Luxottica ont confirmé qu’ils interdisaient aux détaillants agréés les pratiques commerciales incompatibles avec le prestige des marques concernées – soit notamment la vente « par lot (2 pour le prix d’un) »1013, le fait d’offrir une paire1014, les « soldes »1015, les ventes « pour un euro de plus »1016, la « braderie » – définie comme une remise de 80 % ou plus1017 – et même une « politique de discount » permanente consistant à « fai[re] moins 40 % sur l’optique et moins 25 % sur les solaires »1018 (voir les paragraphes 234 à 238 ci-avant). En outre, en 2011, la directrice marketing produits de Grand Optical a confirmé que « Les soldes sur certaines de ses marques sous licence […] dérangeaient [Luxottica] car pour ce fabricant ça dégradait l’image des marques. »1019 (voir le paragraphe 250 ci-dessus).Ces différentes déclarations attestent toutes de la volonté de Luxottica de prohiber la vente au détail à des prix inférieurs à un certain niveau.

672. En particulier, les prix pratiqués par les détaillants agréés pour la marque Prada devaient, selon un courriel du directeur commercial de Luxottica, être « compatible[s] avec le voisin[age] » et ne pas être « sauvage[s] »1020, id est, selon l’intéressé, respecter le standing des points de vente appartenant à la même zone de chalandise et ne pas nuire à l’image de la marque (voir les paragraphes 239 à 241 ci-avant).

673. Il se déduit de ce qui précède que Luxottica considérait que les stipulations des contrats et des chartes de détaillant agréé interdisaient à ces détaillants de pratiquer certains niveaux de prix, considérés comme portant atteinte, de par leur nature même, à l’image des marques concernées.

 Les consignes relatives aux prix et aux promotions

674. Luxottica soutient qu’il ne ressort nullement des pièces énumérées par les services d’instruction qu’elle aurait demandé à ses distributeurs de respecter des prix ou coefficients conseillés, et ce, avant tout parce que de tels prix ou coefficients n’existaient pas – hormis pour Chanel jusqu’en 2010 et pour Ray-Ban jusqu’à l’été 20061021.

675. Il ressort néanmoins des pièces du dossier examinées ci-après que Luxottica ne se contentait pas de conclure des contrats et chartes de détaillant agréé prohibant certaines pratiques tarifaires pour ses marques dont les produits étaient distribués de façon sélective, mais donnait comme consigne à l’ensemble de ses distributeurs de respecter un certain niveau de prix, lors de la communication sur ces produits comme lors de leur vente au détail.

676. S’agissant, en premier lieu, de la communication sur les produits de Luxottica, celle-ci posait comme condition à la diffusion de matériel promotionnel que celui-ci ne mentionne pas de prix ou, à tout le moins, de prix inférieurs aux « prix conseillés ».

677. Selon le président du Syndicat des Opticiens de La Réunion (SOR), de manière générale, Luxottica ne souhaitait pas que les opticiens fassent des offres avec réduction de prix sur ses marques1022. Ceci ressort également de plusieurs autres pièces du dossier. Ainsi, en 2006, le directeur commercial de Luxottica a indiqué à Grand Optical « En vitrine rapprocher Prada et soldes est incompatible. »1023 (voir le paragraphe 253 ci-avant). En outre, en 2011, les représentants d’Optical Center ont déclaré que les fournisseurs – et donc Luxottica – s’opposaient, lors des opérations commerciales, à toute mention d’une période promotionnelle, d’une promotion ou d’un prix1024. En particulier, selon les intéressés, Luxottica refusait que la marque Ray-Ban soit mentionnée, à côté d’un prix, lors d’opérations commerciales – ce qui a été confirmé par les représentants d’Optique Finance – et que la marque Chanel soit associée à toute opération promotionnelle – ce qui est corroboré par la déclaration du président d’Alain Afflelou : « Luxottica nous interdit de citer la marque Chanel sur tous nos documents. »1025 (voir le Tableau 34 ci-avant).

678. Figurent également au dossier de nombreuses pièces attestant qu’à l’occasion d’opérations commerciales menées par Krys, Grand Optical, les Opticiens Mutualistes et Optic 2000, entre 2007 et 2008, Luxottica a pris l’attache de ces distributeurs s’agissant des prix affichés. Elle a alors validé certains prix ou la proposition de certains opticiens de ne pas afficher de prix pour certains produits. Elle a, par ailleurs, demandé à certains de remonter les prix affichés ou de les aligner sur les « prix conseillés » (voir les paragraphes 255 à 271 ci-avant).

679. En particulier, dans un courriel du 19 février 2007, Luxottica a menacé d’annuler une opération de Krys si le prix figurant sur le matériel promotionnel ne correspondait pas au prix public conseillé du modèle dont la photographie était utilisée : « Notre position est la suivante : 1/ Soit communiquer avec la monture Ray-Ban solaire adulte RB4088, à un prix de vente public conseillé de 104 €. 2/ Soit communiquer avec la monture Ray-Ban Junior solaire RJ9508S, à un prix public conseillé de 66 € avec la condition obligatoire du respect du message indiqué dans la proposition jointe : textes, positions, grosseur des caractères,… Nous ne pouvons pas cautionner « l’ambiguïté » entre les modèles adulte et junior. Si l’une ou l’autre des ces (sic) 2 propositions n’est pas retenue, nous préférons annuler toute l’opération 2007. »1026 (voir le paragraphe 258 ci-avant).

680. Par ailleurs, en réponse à un courriel de la directrice marketing produits de Grand Optical relatif à une opération promotionnelle portant sur des produits de la marque Ray-Ban1027, un cadre de Luxottica a indiqué : « Nous considérons votre proposition vraiment intéressante ; En terme de dynamique promotionnelle nous n’avons qu’à vous demander si possible d’augmenter un peu le prix du 2 ° pack [sur le modèle Aviator] (169 € pourrait être parfait pour nous) »1028 (traduction libre, voir le paragraphe 263 ci-avant).

681. Dans un courriel du 7 octobre 2008, le directeur commercial de Luxottica a également indiqué : « Une RB 2140 le prix public est 129 Euros , II ne faut pas accepté (sic) 99 Euros + Colorize en affichage car nous entrons dans une confusion totale Le colorize et way farer / Ray Ban c’est top, comme le 501, la GOLF, il y a un prix "fixe" pour les produits best de la décennie le prix c’est 129 Euros pour nous »1029 (voir le paragraphe 269 ci-avant).

682. Enfin, le guide élaboré par Luxottica en 2009 quant aux animations promotionnelles pour la marque Ray-Ban – dont les stipulations ont été imposées par Luxottica à l’ensemble des distributeurs des produits de cette marque, ainsi qu’il ressort de courriels internes à l’entreprise – indique que Luxottica s’opposait à ce que les distributeurs communiquent sur leurs prix, ce qui a été confirmé par Luxottica lors d’une audition (voir les paragraphes 272 à 277 ci-avant).

683. S’agissant, en second lieu, des pratiques tarifaires des distributeurs, Luxottica a enjoint à ces derniers de respecter les « prix conseillés », et de ne pratiquer ni remises, ni promotions, ni opérations commerciales sur ses marques.

684. À cet égard, l’interprétation d’un distributeur, dont le site Internet indiquait que les prix des produits Oakley lui étaient imposés (voir le paragraphe 280 ci-avant), est partagée par de nombreux autres opticiens, ainsi qu’en attestent sept courriels et trente déclarations, échelonnés de 2005 à 2014, évoquant des consignes de Luxottica, s’agissant à la fois du respect des « prix conseillés » et de l’interdiction des promotions, des opérations commerciales, des soldes et des remises. Ces consignes concernaient à la fois des marques telles que Chanel, Oakley, Ray-Ban, Prada, Versace, Vogue, Dolce & Gabbana, mais également d’autres marques, telles que Luxottica (voir les paragraphes 280 à 285 ci-avant). Parmi les pièces précitées relatives aux consignes de Luxottica portant sur le respect des « prix conseillés » figurent, notamment, le courriel et les déclarations citées dans le Tableau 59 ci-dessous (voir les paragraphes 280 à 285 ci-avant).

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685. Parmi les pièces précitées relatives aux consignes de Luxottica portant sur l’interdiction des promotions et des opérations commerciales, figurent, notamment, les déclarations citées dans le Tableau 60 ci-dessous (voir les paragraphes 280 à 285 ci-avant).

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 Les interventions et les sanctions

686. Luxottica allègue que le contrôle qu’elle exerce sur les opérations promotionnelles de ses distributeurs, s’agissant de certaines de ses marques, prend plusieurs formes. Elle vérifierait, avant leur mise en œuvre, les campagnes publicitaires utilisant les visuels ou logos de ces marques, afin de s’assurer du respect de ses chartes graphiques et du fait que ces campagnes ne sont pas axées sur le prix remisé. Par ailleurs, elle s’assurerait que les opérations n’allient pas prix bradés et communication publicitaire tapageuse à grande échelle, le cas échéant, en intervenant auprès des distributeurs pour faire cesser les opérations en cours1038. Luxottica précise, à cet égard, qu’elle est particulièrement vigilante s’agissant de la marque Chanel, en vertu du contrat de licence très contraignant auquel elle est partie1039.

687. En revanche, Luxottica conteste exercer le moindre contrôle sur la politique tarifaire de ses distributeurs. En particulier, elle conteste avoir réalisé des relevés de prix en magasins. Sur ce point, elle souligne que le dossier ne contiendrait pas de relevés de prix qu’elle aurait effectués1040, que les pièces retenues par les services d’instruction attesteraient, tout au plus, de relevés très épisodiques1041, et qu’aucun opticien n’aurait signalé de visites ou de relevés de prix effectués par ses soins1042.

688. Luxottica conteste également s’être opposée aux remises pratiquées sur ses produits, ce dont attesteraient de nombreuses déclarations d’opticiens1043, avoir exercé une police des prix – les documents sur lesquels se fondent les services d’instruction seraient dénaturés, espacés dans le temps, imprécis quant aux marques visées et essentiellement liés au marché de l’optique – et avoir sanctionné les distributeurs qui ne respectaient pas les prix et coefficients qu’elle aurait recommandés. À cet égard, elle soutient que de nombreux distributeurs auraient confirmé l’absence de mesures de rétorsion de sa part en cas de non-respect des prix conseillés, qu’elle n’aurait pas agi à la suite des plaintes de plusieurs opticiens s’agissant des prix ou remises pratiqués par leurs concurrents1044, et que même les opticiens qui auraient déclaré avoir fait l’objet de demandes ou de menaces de sa part n’auraient fait état d’aucune sanction1045.

689. Toutefois, contrairement à ce que soutient Luxottica, il ressort des pièces du dossier qu’elle a surveillé la politique tarifaire de ses distributeurs (i), qu’elle est intervenue auprès de ceux qui ne respectaient pas les consignes dont l’existence a été démontrée ci-avant, afin de les convaincre de remonter leurs prix, en les menaçant, le cas échéant de mesures de représailles (ii) et, enfin, qu’elle a sanctionné certains distributeurs en raison de leurs pratiques tarifaires (iii). Ces constatations ne sont pas remises en cause par les déclarations de certains opticiens relevées par ses soins (iv).

690. En premier lieu, Luxottica a surveillé les prix pratiqués par ses distributeurs et a vérifié, par ailleurs, qu’ils ne réalisaient aucune réduction.

691. En attestent des échanges internes de 2008 et 2009, relatifs à des devis réalisés et à des prix relevés par des représentants de Luxottica (voir les paragraphes 291 à 293 ci-avant), ainsi que quinze déclarations d’opticiens, recueillies du 10 octobre 2005 au 12 décembre 2013 (voir les paragraphes 295 à 296 ci-avant). Seul le directeur général de La Mutualité de La Réunion a indiqué, le 17 septembre 2013, que Luxottica ne surveillait pas si ses « prix conseillés » étaient respectés et ne lui faisait pas de remarques sur ses prix de vente au détail1046 (voir le paragraphe 294 ci-avant).

692. Aux fins de cette surveillance, Luxottica demandait à certains de ses distributeurs de lui fournir des informations sur leurs concurrents, voire de l’aider à convaincre ces derniers de tenir compte de ses consignes et à « lutter contre les dérives observées »1047, ce qui ressort d’un document et de quatre courriels de 2005 à 2009 (voir les paragraphes 309 à 314 ci-avant).

693. En deuxième lieu, Luxottica est intervenue auprès de certains distributeurs qui ne respectaient pas ses consignes tarifaires, afin de les convaincre de remonter leurs prix, en les menaçant, le cas échéant de prendre des mesures de représailles à leur encontre.

694. Cette politique de contrôle des prix ressort non seulement d’un courriel du directeur d’Oakley Inc. demandant au directeur du référencement d’Alain Afflelou de retirer les produits de sa marque de la vente, après avoir constaté qu’ils étaient vendus à un prix inférieur aux « prix conseillés », mais également de dix-sept courriels, faisant suite à des plaintes d’opticiens, et de six déclarations de distributeurs, échelonnés de 2005 à 2012 (voir les paragraphes 316 à 318 ci-avant).

695. Ces courriels, reproduits dans le Tableau 39 ci-avant, attestent que, à la suite de la majorité des plaintes reçues – qui seront examinées aux paragraphes 736 et suivants ci-après – Luxottica a cherché à obtenir des renseignements supplémentaires sur le distributeur objet de la plainte. Dans certaines hypothèses, elle est intervenue directement auprès de ce dernier. En particulier, six de ces courriels mentionnent expressément les prix de vente au détail pratiqués par l’opticien objet de la plainte, deux évoquant même les précautions qu’il convient de prendre compte tenu du risque de sanction au titre du droit de la concurrence pour entente sur les prix1048 (voir le Tableau 39 ci-avant). Ils constituent donc des preuves documentaires directes d’un accord de volontés entre Luxottica et ses distributeurs quant au maintien d’un certain niveau de prix de détail au sein du réseau de distribution de Luxottica.

696. Quant aux déclarations mentionnées au paragraphe 694 ci-avant, elles attestent d’interventions ponctuelles et récurrentes, et notamment de l’une d’entre elles auprès d’un opticien anonyme, qui a déclaré : « en décembre 2010 la représentante de Luxottica pour Chanel a vu que je pratiquais en vitrine une remise sur la marque Chanel et nous a menacé de fermer notre compte si on continuait »1049 (voir le Tableau 40 ci-avant).

697. Enfin, il ressort notamment de la déclaration de la directrice marketing produits de Grand Optical que les interventions relatives aux opérations promotionnelles visaient, en réalité, à empêcher les opticiens de « casser les prix » (voir le paragraphe 388 ci-avant) : « Les fournisseurs nous ont contactés suite à la mise en place de l’opération Pourcent’Age. Cette opération a dérangé les fournisseurs parce qu’ils devaient faire face à la pression des marques et des autres enseignes qui se plaignaient auprès des fournisseurs en demandant pourquoi ils laissaient Grand Optical casser les prix sur le marché. »1050.

698. En troisième lieu, Luxottica a sanctionné certains distributeurs en raison de leurs pratiques tarifaires.

699. À cet égard, plusieurs opticiens ont déclaré que les pressions de Luxottica se manifestaient par des interruptions de livraison. En effet, il a été constaté que Luxottica a sanctionné notamment Optical Center en 2005, CODIR en 2008 et Sensee en 2012.

700. En 2005, Optical Center, dont le directeur commercial de Luxottica a indiqué qu’il avait une politique « discount » depuis vingt ans, a fait l’objet d’une intervention de Luxottica, à la suite d’une plainte de Grand Optical auprès du fabricant, s’agissant de sa politique tarifaire. À la suite de cette plainte, Luxottica est intervenue, bloquant les comptes de certaines boutiques d’Optical Center – les empêchant alors de passer commande – et menaçant le dirigeant de cette enseigne de lui retirer la marque Chanel (voir les paragraphes 325 à 331 ci-avant).

701. Bien que ce document se réfère aux conditions contractuelles de la marque, il ressort sans ambiguïté d’un courriel du directeur commercial de Luxottica ordonnant le blocage de comptes d’Optical Center en raison de devis réalisés que cette mesure de rétorsion avait pour origine la politique tarifaire de certaines boutiques de l’enseigne. Ceci est d’ailleurs corroboré par le fait qu’après qu’Optical Center s’est engagée à ne plus faire aucune remise sur les montures de la marque Chanel et à pratiquer des prix sur ces produits conformes aux « prix conseillés », et que Luxottica a confirmé la mise en œuvre de cet engagement, Grand Optical s’est félicitée de l’intervention de Luxottica auprès d’Optical Center et de ses effets sur le prix de vente des montures de marque Chanel (voir les paragraphes 325 à 331 ci-avant) : « Si on n’a pas encore gagné le retrait de Chanel chez OC (et donc la Tour d’Argent ! ! !) , on a peut être retrouvé (au moins sur du court terme), le fait d’avoir une concurrence plus loyale sur le prix des montures Chanel (Y… a je le pense quand même eu chaud de perdre Chanel qui doit aussi peser lourd chez lui...donc il se sait très surveillé sur la marque) »1051.

702. De même, en 2008, Luxottica a informé CODIR qu’elle suspendait toute livraison de produits Ray-Ban qui leur était destinée en raison de soldes, ainsi qu’il ressort de plusieurs courriels (voir les paragraphes 332 à 336 ci-avant).

703. Enfin, en 2012, Luxottica a suspendu les livraisons au site de vente en ligne Sensee, à la suite d’une diminution du prix de vente au détail de certains modèles emblématiques de la marque Ray-Ban. Selon les dirigeants de Sensee, Luxottica a conditionné la reprise des livraisons à une augmentation des prix de ces produits et ce n’est qu’après avoir obtempéré qu’ils ont été livrés, des difficultés de livraisons ayant toutefois, depuis lors, perduré (voir les paragraphes 337 à 346 ci-avant).

704. Luxottica a également pris d’autres types de sanctions à l’encontre de six autres opticiens, qualifiés de « discounters ».

705. À cet égard, en 2004, Luxottica a retiré l’agrément pour la marque Chanel à la SARL Paris Optical. La gérante de cette société a déclaré que cette mesure de représailles était notamment liée au fait qu’elle n’appliquait pas le « tarif conseillé CHANEL » (voir les paragraphes 348 à 349 ci-dessus).

706. Par ailleurs, en 2006, Luxottica a tout d’abord refusé de délivrer un agrément à deux magasins, dont l’enseigne, Alain Afflelou, était considérée comme un « discounter ». Dans un courriel du 15 décembre 2006, un franchisé a ainsi informé Alain Afflelou Franchiseur que deux de ses magasins s’étaient vu refuser l’agrément pour la marque Chanel pour avoir participé à une campagne publicitaire. Cette affirmation est toutefois contestée par le directeur du référencement de la société Alain Afflelou Franchiseur (voir les paragraphes 350 à 352 ci-dessus).

707. Ensuite, en 2007, Luxottica a procédé à la fermeture de trois comptes d’opticiens sous enseigne Optical Center en raison du caractère « discount » de l’enseigne qui « pourrait [lui] générer des problèmes avec Chanel » (voir les paragraphes 353 à 354 ci-dessus).

708. Enfin, en 2008, Luxottica a retiré l’agrément pour la marque Chanel à un magasin sous enseigne Optic Duroc, considéré par un concurrent, DPSF Optic, comme « notoirement discounter ». Sur ce point, les représentants de Luxottica, entendus le 11 juillet 2011, ont déclaré, après avoir indiqué que ce détaillant était toujours agréé en 2009, que sa politique tarifaire, consistant à vendre des montures de la marque Chanel à un euro, portait atteinte à la marque. De son côté, le président de la SAS Optic Duroc, entendu le 21 juin 2011, a indiqué qu’un magasin de son enseigne s’était vu retirer la marque (voir les paragraphes 355 à 358 ci-dessus) : « un magasin de Montpellier a perdu la marque Chanel car un salarié avait fait une erreur en faisant un devis avec une remise sur une monture Chanel car il ne savait pas qu’il fallait exclure cette marque. »1052.

709. En quatrième et dernier lieu, si certains opticiens ont déclaré ne jamais avoir fait l’objet d’interventions de la part de leurs fournisseurs (voir le Tableau 41 ci-avant), ce dont Luxottica pense pouvoir tirer argument, leurs déclarations ne permettent pas de remettre en cause la réalité de l’entente poursuivie. En effet, en réalité, seuls quelques opticiens n’ont fait l’objet d’aucune mesure de la part de Luxottica, et la plupart suivaient une politique commerciale conforme à celle de Luxottica (voir le paragraphe 319 ci-avant).

710. Il résulte ainsi de ce qui précède que Luxottica a invité ses distributeurs à respecter certains niveaux de prix de revente. En particulier, l’examen des faits a révélé que le contrôle, par Luxottica, des opérations publi-promotionnelles des distributeurs, s’inscrivait dans une stratégie plus globale, mise en œuvre par ce fabricant, consistant à contrôler les prix que ces derniers pratiquaient et à mettre en œuvre des sanctions en cas de non-respect.

ii. L’acceptation par les distributeurs

711. Luxottica considère que l’acquiescement des distributeurs à l’invitation prétendue de Luxottica à pratiquer des prix déterminés n’est pas démontré1053.

a. L’acceptation de l’encadrement contractuel des prix de revente

712. Luxottica allègue que la position des services d’instruction, selon laquelle ses distributeurs interpréteraient les clauses des contrats de distribution sélective conclus avec elle comme les empêchant de pratiquer des remises en magasins, procède d’une interprétation erronée des déclarations des intéressés, qui porteraient essentiellement sur des pratiques promotionnelles, et non pas sur des remises ou le respect de prix conseillés1054. Selon Luxottica, figurent, en outre, au dossier plusieurs déclarations d’opticiens selon lesquels les contrats de distribution sélective de Luxottica ne les empêchaient pas de faire des remises.

713. Les contrats et chartes de détaillant agréé ainsi que les déclarations d’opticiens versés au dossier attestent que, de 1999 à 2014, de nombreux opticiens ont signé des contrats et des chartes de détaillant agréé avec Luxottica pour les marques Arnette, Bulgari, Burberry, Chanel, D&G, Dolce & Gabbana, Ferragamo, Miu Miu, Oakley, Persol, Polo Ralph Lauren, Prada Linea Rossa, Prada, Ray-Ban, Versace, Versus, et Vogue (voir les paragraphes 196 à 231 ci-avant).

714. Il ressort, par ailleurs, des documents relatifs aux opérations promotionnelles mentionnées au paragraphe 669 ci-avant que Grand Optical et Alain Afflelou considéraient que les contrats conclus pour les marques Arnette, Bulgari, Burberry, Chanel, D&G, Dolce & Gabbana, Ferragamo, Miu Miu, Oakley, Persol, Polo Ralph Lauren, Prada, Ralph Lauren, Ray-Ban, Versace, Versus et Vogue leur interdisaient d’inclure les produits de ces marques dans leurs opérations promotionnelles (voir également les paragraphes 227 à 230 ci-avant).

715. En outre, cinq déclarations et huit courriels d’opticiens, s’étendant sur une période comprise entre 2005 et 2013, attestent que les distributeurs de Luxottica considéraient que les contrats et chartes de détaillant agréé conclus avec le fabricant interdisaient des pratiques commerciales telles que le « discount » [les remises sur les prix] ou les promotions, qui seraient, par leur nature même, susceptibles de porter atteinte à l’image de ses marques (voir les paragraphes 244 à 247 ci-avant). Parmi ces pièces figure, notamment, un courriel adressé à Luxottica le 19 décembre 2007, où le directeur du référencement de la société Alain Afflelou Franchiseur indique que Luxottica faisait signer des contrats de distribution sélective « en vue de protéger du discount les montures de [son groupe] »1055 (voir le Tableau 33 ci-avant). Figure également, parmi ces mêmes éléments, la déclaration de la gérante de la boutique Optique La Rivière, située à La Réunion, selon laquelle : « Les contrats signés avec Luxo[ttica] […] nous imposent de ne pas pratiquer de promotions sur certaines de leurs marques »1056 (voir le Tableau 32 ci-avant).

716. En définitive, seul un opticien a déclaré que les contrats de distribution ne lui interdisaient pas certaines pratiques commerciales (voir le paragraphe 243 ci-avant).

717. Outre les contrats et chartes de détaillant agréé précités, il ressort des pièces du dossier que Luxottica a conclu avec ses distributeurs d’autres contrats et accords encadrant leur politique commerciale et, notamment, leur liberté tarifaire.

718. À cet égard, en 2005, à la suite d’une intervention du directeur commercial de Luxottica, Optical Center s’est engagée par courrier à exclure Chanel de toutes ses opérations commerciales et à respecter les « prix conseillés » pour cette marque (voir les paragraphes 325 à 329 ci-avant).

719. En 2008, les Opticiens Mutualistes ont accepté la consigne de Luxottica leur imposant de « respect[er] les prix « public » conseillés et affichés pour chacune des marques » sur « l’ensemble des supports et visuels », ainsi qu’en atteste un courriel adressé à Luxottica (voir le paragraphe 265 ci-avant).

720. En 2009, Alain Afflelou SA a conclu, avec Luxottica, un contrat-cadre automatiquement prorogé pour une durée indéterminée stipulant – à l’instar des contrats et chartes de détaillant agréé de Luxottica – que tous les visuels et outils de communication ayant trait aux produits du fabricant devaient faire l’objet d’une validation préalable et écrite de sa part1057 (voir le paragraphe 232 ci-avant)

721. En 2011, les représentants d’Optical Center SAS ont déclaré avoir conclu un « accord tacite » avec Luxottica les engageant à ne « jamais associer une marque à un prix ou à une réduction de prix quelque (sic) soit le support »1058 (voir le Tableau 34 ci-avant).

722. Enfin, en 2013, le président du Syndicat des Opticiens de La Réunion (SOR) a également déclaré convenir, avec Luxottica, des prix affichés et pratiqués lors des opérations commerciales (voir le Tableau 34 ci-avant).

723. Ainsi, il est démontré que Luxottica a conclu avec ses distributeurs un ensemble de contrats et accords qui étaient interprétés, à la fois par le fabricant et par ses distributeurs, comme interdisant certains niveaux de prix, considérés comme portant atteinte, de par leur nature même, à l’image des marques concernées. Les contrats et accords précités et les documents attestant de leur interprétation, qui revêtent le caractère de preuves documentaires directes, constituent en eux-mêmes la manifestation du concours de volontés entre le fabricant et les distributeurs signataires.

b. Le maintien d’un certain niveau de prix

724. Luxottica allègue que de nombreux devis et pièces du dossier attesteraient de l’application fréquente de remises sur ses lunettes et de l’existence de soldes de grande ampleur1059. Luxottica soutient, en outre, que les coefficients utilisés par les détaillants pour déterminer leurs prix de vente seraient le résultat d’une pratique historique, et constitueraient une sorte de « prix de marché », ce dont attesterait le fait qu’ils sont hétérogènes1060. Sur ce point, il existerait de nombreuses déclarations de distributeurs attestant de leur autonomie tarifaire ainsi que de l’utilisation de leurs propres coefficients lors de la détermination de leurs prix de vente au détail1061.

725. Enfin, selon Luxottica, les études économiques qu’elle a communiquées aux services d’instruction et celle élaborée par le service économique de l’Autorité, annexée au rapport du 21 juillet 20161062, démontreraient l’absence de suivi significatif des prix prétendument conseillés1063. Ainsi, pour la marque Chanel, le taux d’application effectif des « prix conseillés » varierait entre 52 % et 70 % entre 2008 et 2014 et les unités vendues à des prix inférieurs de plus de 10 % à ces prix représenteraient entre 9 % et 31 % des ventes totales pour ces années. Pour ses autres marques, ce taux varierait entre 3 % et 78 %, selon les marques, les années et les coefficients considérés1064.

726. Toutefois, en premier lieu, ainsi qu’il a été rappelé dans la note du service économique annexée au rapport du 21 juillet 2016, l'étude communiquée par Luxottica repose sur une analyse des prix pratiqués par les détaillants exclusivement pour des lunettes solaires, la distribution de ces prix étant fournie par GfK.

727. Or les représentants de GfK, entendus le 30 novembre 2012, ont déclaré que les données dont cette société dispose correspondent aux montants facturés par les opticiens1065. Par ailleurs, dans sa pratique décisionnelle, le Conseil a constamment exclu l'utilisation de telles données1066, en raison du fait qu’elles ne reflètent pas, notamment, les remises de fidélité qui peuvent être pratiquées. Cette approche n’a jamais été remise en cause par la cour d’appel de Paris ou la Cour de cassation1067.

728. En toute hypothèse, il convient de souligner que les taux d'application moyens par marque et année dont Luxottica cherche à se prévaloir ne sont pas négligeables. S’agissant, notamment, de la marque Ray-Ban, les taux d'application allégués dépassent 50 % toutes les années entre 2008 et 2012, et atteignent même 73 % en 2009 et 78 % en 2008. S’agissant, par ailleurs, de la marque Chanel, le taux d'application allégué dépasse 60 % toutes les années entre 2009 et 2013, et atteint même 70 % en 2012, et 73 % en 2011. L’étude économique de Luxottica atteste, enfin, de taux élevés pour d'autres marques, telles que Dolce & Gabbana, D&G ou Burberry, pour certaines années1068.

729. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, à la demande de Luxottica, les opticiens excluaient les marques de leurs opérations promotionnelles et de leurs remises, et appliquaient les « prix conseillés » qu’il leur communiquait.

730. À cet égard, de nombreuses pièces attestent que les marques de Luxottica étaient exclues des opérations consistant à offrir une deuxième paire ou monture de lunettes aux consommateurs, par les soldes et par les remises de 25 % à 75 % sur les montures de lunettes de vue et les lunettes solaires pratiquées par Optical Center, Alain Afflelou, Grand Optical, Optic Duroc, Krys et Vision Store entre 2005 et 2013 (voir les paragraphes 360 à 408 ci-avant). Ces opticiens ont, par ailleurs, indiqué qu’ils procédaient à l’exclusion des marques de Luxottica à la demande du fabricant (voir les paragraphes 364 à 367, et 391 à 396 ci-avant) ou en vertu de ses contrats de distribution (voir les paragraphes 374 à 375, 382 et 386 ci-avant).

731. Par ailleurs, le fait que les opticiens ne pratiquaient aucune remise sur les produits de Luxottica, à sa demande, ressort de plusieurs éléments, tels des courriels et des déclarations d’opticiens (voir les paragraphes 401 et suivants ci-avant). Il convient de préciser, qu’étaient notamment interdites, et donc exclues, les remises en magasin, ainsi que le fait d’associer une marque à un prix ou à une réduction de prix quel que soit le support (voir les paragraphes 403 et suivants ci-avant), et non seulement les opérations de grande ampleur, ainsi que le soutient Luxottica.

732. Quant à l’application, par les distributeurs, des prix de revente communiqués par Luxottica, elle est attestée par une étude réalisée par Safilo1069, ainsi que par trois courriels et vingt-neuf déclarations, s’échelonnant entre 2005 et 2014, dont certaines sont reproduites dans le Tableau 61 ci-dessous, à titre d’illustration (voir les paragraphes 411 et suivants ci-avant).

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733. S’agissant, toujours, de l’application des prix, les déclarations dont Luxottica fait état pour affirmer que les opticiens déterminaient leurs prix de revente au détail en toute autonomie ne présentent aucun caractère probant.

734. En effet, un certain nombre d’entre elles mentionnent simplement le coefficient moyen pratiqué par l’opticien, ou la fourchette au sein de laquelle il détermine le coefficient applicable à chacune des références commercialisées. Si d’autres déclarations – retracées dans le Tableau 44 ci-avant – font référence à un coefficient unique par opticien, plusieurs d’entre elles attestent que les distributeurs concernés adhéraient bien à la politique tarifaire de Luxottica, par exemple en prenant en considération les « prix conseillés » lors de la détermination de leurs propres prix1082, ou en retirant les marques du fabricant de leurs opérations commerciales (voir les paragraphes 416 et suivants). En outre, comme ces déclarations ne précisent pas les marques dont le prix des produits est déterminé par ce coefficient, il n’est pas exclu que l’application de ce coefficient corresponde, en réalité, au niveau de prix exigé par Luxottica.

735. En toute hypothèse, il est constant que l’existence d’une entente ne saurait être remise en cause par l’existence de déviations ponctuelles : les revendeurs qui sont parties à une entente verticale sur les prix peuvent avoir intérêt, de manière opportuniste, à s’affranchir ponctuellement des obligations de l’entente pour attirer une partie de la demande, les prix demeurant inchangés chez leurs concurrents1083.

c. La dénonciation par les distributeurs

736. Figurent au dossier plusieurs courriels de distributeurs et plusieurs devis réalisés par Grand Optical pour Luxottica, échelonnés entre 2005 et 2009, qui constituent des preuves documentaires directes d’un accord entre Luxottica et certains de ses distributeurs quant à la surveillance des pratiques tarifaires ayant cours au sein du réseau de distribution du fabricant (voir les paragraphes 308 à 314 ci-avant).

737. Ces preuves sont corroborées par de nombreuses autres pièces du dossier attestant de remontées d’informations, de la part des distributeurs, à l’attention de Luxottica. Ainsi, selon la gérante de la SARL Optique Lafayette, entendue le 6 février 2012, les fournisseurs, dont Luxottica, étaient « généralement aidés » par les opticiens « qui effectu[aie]nt auprès de [se]s magasins une véritable police des prix. »1084. En outre, figurent au dossier des devis effectués par Grand Optical entre 2006 et 2008, dans le cadre d’une veille régulière dont les résultats pouvaient être communiqués aux fabricants, selon les représentants de l’opticien, qui ont déclaré réaliser régulièrement ce type de veille, à l’attention, le cas échéant, des fabricants. Enfin, ont été recensés vingt-sept courriels, adressés à Luxottica de 2005 à 2009 par des distributeurs à propos des tarifs de leurs concurrents, qui invitaient, explicitement ou implicitement, le fabricant à intervenir auprès des opticiens dénoncés afin de mettre fin aux pratiques constatées (voir les paragraphes 298 à 307 ci-avant).

738. Par exemple, le 13 avril 2005, la directrice marketing produits de Grand Optical a écrit (voir le Tableau 38 ci-avant) : « Ce mail pour vous informer (je dirais même alerter) sur le fait que nous sommes de plus en plus confrontés à une sérieuse problématique prix sur plusieurs de vos marques dont CHANEL ( ! ! ! !) vis-à-vis de certaines enseignes concurrentes qui pratiquent des remises de 40 % ou offre une 2eme monture de la même marque, ce qui n’est pas sans poser problèmes à nos Directeurs de Magasins qui se retrouvent bien en difficultés face à leurs clients. […] NB : Nous parlons là de Chanel mais avons également relevé ce problème sur d’autres marques à vous comme Prada, Versace... elles aussi en "2 pour 1" ou à -40 %. »1085.

739. Par ailleurs, dans un courriel du 7 juin 2006, Optique Chaussin indique (voir le Tableau 38 ci-avant) : « Veuillez demander à ce site de faire respecter les tarifs de vente public des marques Ray Ban et Persol. Il en va ainsi pour la crédibilité de vos marques et de votre travail. Merci de nous informer de la suite à donner. »1086.

740. Interrogé sur ce courrier cité au paragraphe 739, le gérant de la SARL Optique Chaussin a déclaré, le 18 octobre 2011, qu’il continuait à dénoncer ses concurrents à Luxottica (voir le Tableau 38 ci-avant) : « J’ai signalé à Luxottica à ma propre initiative l’existence d’un site concurrent qui faisait une promotion sur les marques Ray-ban et Persol. Je lui ai demandé de se renseigner pour savoir qui était exactement derrière ce site. […] je continue à leur faire part de ce type de pratiques mais je ne garde pas les courriels. »1087.

741. Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 695 ci-avant, Luxottica a donné suite à la majorité de ces dénonciations, en intervenant auprès de ses distributeurs, ce qui atteste tant de sa volonté d’imposer certains niveaux de prix, que de celle des distributeurs d’adhérer à l’entente et démontre l’existence d’un accord de volontés entre le fabricant et ses distributeurs.

iii. Conclusion sur la démonstration de l’accord de volontés

742. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il existe un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant de la réunion de pièces documentaires et de nature comportementale, démontrant l’existence d’une invitation anticoncurrentielle de Luxottica et d’un acquiescement de ses distributeurs quant au niveau de prix pratiqués lors de la vente au détail de ses produits, et partant, d’une entente entre Luxottica et ces distributeurs sur ces niveaux de prix.

743. En vertu de la jurisprudence rappelée au paragraphe 578 ci-dessus, cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que quelques entreprises aient refusé d’adhérer à cette pratique sans faire l’objet de mesures de rétorsion, dès lors que le directeur commercial de Luxottica lui-même a fait état de sa volonté d’exercer des pressions sur les distributeurs récalcitrants afin de les inviter à se plier à la discipline commune (voir les paragraphes 652 à 654 ci-avant), et que les interventions et représailles constatées ont été suivies d’effet (voir les paragraphes 686 à 710 et 724 et suivants ci-avant).

• Sur la restriction de concurrence

744. Luxottica soutient qu’en raison du contexte très concurrentiel dans lequel elles s’inscriraient, et de l’absence d’expérience acquise en la matière, les clauses des contrats et chartes de détaillant agréé conclus avec ses distributeurs, qui poursuivraient exclusivement le but de protéger l’image des marques en cause, ne constitueraient pas des restrictions de concurrence par objet1088. Selon Luxottica, ses interventions auprès des distributeurs n’auraient pas non plus un tel objet1089, ces derniers ayant disposé de toute liberté tarifaire et ayant seulement été contraints de s’abstenir de communications tapageuses sur ses marques de prestige. Enfin, Luxottica allègue que les remontées d’informations de la part de certains opticiens visaient uniquement à éviter les « comportements de resquilleur » (ou « free riding ») dévalorisant les marques de prestige et portant atteinte aux investissements réalisés tant par elle que par ses distributeurs1090.

745. S’agissant du contexte économique dans lequel ces contrats et pratiques se sont inscrits, Luxottica soutient que le secteur des montures de lunettes d’optique est très spécifique. En effet, dès lors que la vente de montures de lunettes d’optique est intimement liée à celle de verres correcteurs, les consommateurs et les opticiens ne se préoccuperaient pas du prix de la monture seule1091. Luxottica allègue, en outre, que le montant élevé couvert par les assurances complémentaires aurait eu un effet inflationniste sur les tarifs pratiqués sur le marché français et aurait conduit les opticiens à frauder, ce qui aurait pour conséquence que le prix facturé est différent du prix affiché pour les montures1092.

746. Enfin, Luxottica indique qu’il existerait une vive concurrence inter-marques sur les marchés de la distribution des montures de lunettes de vue et des lunettes de soleil – dont attesterait la faible concentration de ces marchés ainsi que la faiblesse de leurs barrières à l’entrée, ce qui pousserait les opticiens à proposer de nombreuses promotions. Compte tenu de cette vive concurrence inter-marques, selon Luxottica, une réduction de la concurrence intra-marque par le biais de restrictions verticales ne serait pas susceptible de nuire aux consommateurs1093.

747. Sur ce point, Luxottica se réfère à l’étude économique de ses conseils, selon laquelle, lorsque la concurrence entre fournisseurs est forte, ces derniers n’auraient pas intérêt à élever leurs prix de détail à des niveaux supérieurs aux prix concurrentiels, car ils seraient immédiatement pénalisés, les consommateurs se reportant dans ce cas vers des produits de marques concurrents proposant des prix moins élevés1094. Dès lors, l’existence d’une concurrence inter-marques vive garantirait que les restrictions verticales mises en place par le fournisseur ne pourraient nuire au bien-être du consommateur1095.

748. S’agissant du contexte juridique des pratiques poursuivies, Luxottica allègue que les accords de licence conclus avec certaines marques et les contrats de distribution signés par les détaillants la soumettent, ainsi que ses détaillants, à des stipulations extrêmement contraignantes, visant à garantir la qualité et la cohérence du réseau de distribution. Selon elle, sanctionner les griefs notifiés risquerait de nuire à l’image de ses marques, en lui interdisant de s’opposer à certaines pratiques commerciales dégradantes et attentatoires à cette image, de lutter contre le parasitisme et même de mettre en place un réseau de distribution sélective1096.

749. Or, selon Luxottica, la Cour de justice a reconnu que des restrictions à la concurrence intra-marque, telles que celles résultant de la distribution sélective, sont admises dès lors (i) qu’elles stimulent la concurrence inter-marques, (ii) que ce type de distribution est de nature à générer d’importants gains d’efficacité et (iii) que, à condition qu’elle soit purement qualitative, elle échapperait au champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Dans ce contexte, la dimension tarifaire de la concurrence serait secondaire et, en outre, les pratiques qui lui sont reprochées n’auraient eu aucun effet sur la concurrence non-tarifaire. Luxottica en déduit que les clauses et pratiques litigieuses ne présenteraient dès lors pas un degré de nocivité suffisant pour être qualifiées de restriction de concurrence par objet1097.

750. S’agissant, enfin, de la justification des pratiques poursuivies par l’objectif de protection de l’image de marque, Luxottica conteste, en droit, la position des services d’instruction, selon laquelle, bien que l’objectif de protection de l’image de marque poursuivi soit légitime, l’autonomie des distributeurs de fixer leurs prix devrait être totale. Elle reconnaît toutefois que le contrôle des promotions ne doit pas conduire à des prix imposés1098.

751. Or, contrairement à ce que soutient Luxottica, il sera démontré que la pratique qu’elle a mise en œuvre constitue une restriction de concurrence par objet.

752. À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de la teneur et des objectifs de l’accord de volontés en cause, il ressort des paragraphes 648 à 743 ci-dessus que l’accord entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs a pour objet de restreindre la liberté tarifaire de ces distributeurs.

753. Or, selon la jurisprudence et la pratique décisionnelle constantes rappelées aux paragraphes 589 à 609 ci-avant, les ententes entre un fournisseur et ses distributeurs restreignant la liberté tarifaire de ces derniers révèlent un degré de nocivité justifiant de les qualifier de restrictions de concurrence par objet, y compris si elles visent uniquement à décourager lesdits distributeurs de pratiquer des prix inférieurs à un certain niveau1099 en empêchant l’affichage de certains prix1100, et même si ce niveau n’est pas défini de façon explicite et objective1101.

754. S’agissant, en deuxième lieu, du contexte juridique et économique dans lequel cet accord s’insère, Luxottica ne peut utilement se fonder sur ce contexte pour remettre en cause la matérialité des pratiques, notamment celle du contrôle exercé par Luxottica sur les prix de ses distributeurs, établie précédemment.

755. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Luxottica, il n’existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l’accord en cause restreigne la concurrence, s’agissant de la vente des lunettes de soleil et des montures de lunettes de vue.

756. Eu égard, en particulier, au degré de concurrence qui caractérise les marchés de la distribution des montures de lunettes de vue et des lunettes solaires, à supposer même, ainsi que le soutient Luxottica, qu’une concurrence inter-marques forte garantirait que l’existence d’un réseau de distribution sélective maximiserait toujours le bien-être du consommateur, quod non, l’expérience montre que la diminution de la concurrence intra-marque, qui découle notamment de restrictions tarifaires telles que celles sanctionnées par la présente décision, a pour effet indirect, en réduisant la pression à la baisse sur le prix des produits concernés, d’affaiblir la concurrence inter-marques, qui est déjà limitée par l’attachement des consommateurs à certaines marques1102.

757. Quant au contexte juridique de distribution sélective, outre le fait que l’entente établie ne concerne pas uniquement les marques de Luxottica distribuées de façon sélective, il ressort de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle constantes rappelées aux paragraphes 586 à 610 ci-avant que la mise en place d’un réseau de distribution sélective n’est pas de nature à faire obstacle à la qualification de restriction par objet d’ententes sur les prix telle que celle en cause.

758. S’agissant, en troisième et dernier lieu, de la possibilité de justifier la pratique constatée, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de justice, rappelée par Luxottica, que l’objectif de protection de l’image de luxe de certains produits est susceptible de justifier la constitution de réseaux de distribution sélective – lesquels limitent, par essence, la concurrence sur les prix – ainsi que des clauses contractuelles qui restreignent le recours à la vente en ligne au sein de tels réseaux1103.

759. Toutefois, ni la Cour de justice, ni la Commission européenne, n’ont admis qu’un tel objectif était de nature à justifier la conclusion d’ententes verticales sur les prix sur le fondement de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Au contraire, il ressort de la pratique décisionnelle constante de la Commission que le caractère proportionné ou non de telles pratiques à la poursuite de l’objectif de protection de l’image de luxe des produits doit être examiné sur le fondement de l’article 101, paragraphe 3, TFUE1104 (voir les paragraphes 627 et 628 ci-avant).

760. Par ailleurs, l’Autorité considère que des pratiques telles que celles mises en œuvre par Luxottica, en ce qu’elles limitent la concurrence en prix entre les distributeurs,, vont au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger l’image de luxe des produits en cause (voir, par analogie, l’arrêt Pronuptia de la Cour de justice, cité au paragraphe 612 ci-avant, point 23).

761. En l’espèce, les allégations de Luxottica – selon lesquelles elle serait intervenue auprès de ses distributeurs dans le seul but de mettre fin à certaines pratiques publicitaires tapageuses portant manifestement atteinte à l’image de ses marques – sont contredites par les pièces du dossier qui attestent de l’existence d’une entente sur les prix avec l’ensemble de ses distributeurs, sous couvert de la poursuite d’un objectif de protection de l’image de marque (voir, par analogie, les arrêts Hasselbald de la Cour de justice et Beauté Prestige International de la cour d’appel de Paris, cités aux paragraphes 589 et 596 ci-avant).

762. Enfin, et en toute hypothèse, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice rappelée au paragraphe 582 ci-avant que le fait qu’une mesure soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n’exclut pas que, eu égard à l’existence d’un autre objectif illégitime poursuivi par celle-ci, ladite mesure puisse être considérée comme ayant un objet restrictif de la concurrence1105. En l’espèce, compte tenu notamment du fait que Luxottica a cherché à harmoniser les prix pratiqués par les opticiens qui distribuaient les produits de ses marques, en dépit du risque juridique, qu’elle avait clairement identifié, lié à l’application du droit de la concurrence (voir les paragraphes 652 à 654 ci-avant), la pratique mise en œuvre par Luxottica doit être qualifiée de restriction de concurrence par objet.

• Sur la continuité de la pratique

763. Les ajustements de la durée des branches du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 à Luxottica, Optical Center, GrandVision et Alain Afflelou proposés par le rapport du 21 juillet 2016 sont rappelés dans le Tableau 62 ci-dessous.

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764. Luxottica soutient que, à la suite de la réduction de la durée proposée par le rapport du 21 juillet 2016, la durée de l’entente qui lui est reprochée serait incohérente avec celle, beaucoup plus courte, des griefs notifiés à Optical Center, GrandVision et Alain Afflelou, s’agissant de pratiques d’ententes avec leurs fournisseurs, dont Luxottica (voir le Tableau 62 ci-dessus). En tout état de cause, Luxottica allègue qu’il n’existerait pas de pièce permettant de retenir l’infraction qui lui a été notifiée au-delà de juin 20091107.

765. S’agissant du début de la pratique, il convient de rappeler que le directeur commercial de Luxottica est intervenu auprès d’Optical Center, ainsi qu’en atteste notamment un courriel de l’intéressé du 17 mai 2005, à la suite d’une dénonciation de la directrice marketing produits de Grand Optical, par un courriel du 16 mai 2005. À la suite de cette intervention, Optical Center s’est engagée, par un courrier du 14 décembre 2005, à ne pratiquer aucune remise et à respecter les « prix conseillés » transmis par Luxottica pour les produits de la marque Chanel (voir les paragraphes 327 à 331 et 700 à 701 ci-avant).

766. Ces pièces constituent des preuves documentaires directes d’un accord de volontés entre Luxottica et Grand Optical s’agissant du maintien d’un certain niveau de prix au sein du réseau de distribution du fabricant. En conséquence, il est considéré que la pratique d’entente sur les prix mise en œuvre par Luxottica et ses distributeurs a pour point de départ le 17 mai 2005.

767. S’agissant de la date de fin de la pratique, il sera relevé que, contrairement à ce que soutient Luxottica, il existe de nombreuses pièces attestant de la poursuite de la pratique poursuivie au-delà de juin 2009. En particulier, la déclaration du consultant de la SARL GIB Optic, reproduite ci-dessous, témoigne de l’adhésion de ce distributeur à la politique de Luxottica à la date du 1er octobre 2014 : « Presque tous les fournisseurs nous donnent des prix conseillés que nous appliquons. Par exemple, Chanel nous donne des prix conseillés. Chanel est incontournable, du coup nous respectons les prix pour ne pas se voir enlever la marque. D’autres marques qui ne veulent pas que leurs produits soient bradés nous communiquent également des prix de vente conseillés. Néanmoins, les fournisseurs peuvent interrompre les livraisons si les prix conseillés ne sont pas respectés. »1108 (voir le paragraphe 322 ci-avant).

768. En conséquence, il sera considéré que la pratique d’entente sur les prix mise en œuvre par Luxottica et ses distributeurs a pour date de fin le 1er octobre 2014.

769. S’agissant du caractère continu des pratiques, Luxottica ne saurait utilement se prévaloir du fait que la durée des ententes notifiées notamment à GrandVision, Alain Afflelou, Krys et GADOL est plus courte que celle de la pratique qui lui est reprochée. En effet, contrairement à ces ententes, qui n’ont concerné, chacune, qu’un des distributeurs de Luxottica, l’entente reprochée à Luxottica a impliqué l’ensemble de ses distributeurs. Par conséquent, les pièces qui l’étayent concernent non seulement les distributeurs visés par lesdites ententes, ainsi que les périodes infractionnelles correspondantes, mais également d’autres distributeurs et d’autres périodes, à l’instar de la déclaration, précitée, du 1er octobre 2014 issue de l’audition d’un opticien indépendant.

770. Il se déduit, par ailleurs, de l’ensemble de ces pièces, échelonnées du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014, que la pratique sanctionnée a été continue entre ces deux dates.

771. D’une part, plusieurs déclarations des cadres dirigeants de Luxottica attestent de la volonté du fabricant de contrôler les conditions de vente de ses produits (voir les paragraphes 652 à 654 ci-avant). Par ailleurs, le caractère réitéré de l’invitation de Luxottica – à tout le moins du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014 –s’agissant du maintien d’un certain niveau de prix ressort des éléments rappelés aux paragraphes 650 à 710 ci-avant, relatifs à la diffusion de « prix conseillés », à la conclusion d’accords interprétés par le fabricant comme limitant la liberté tarifaire de ses distributeurs, aux consignes adressées aux distributeurs s’agissant des opérations promotionnelles et des prix qu’ils pratiquaient, à la surveillance des distributeurs, ainsi qu’aux interventions et aux sanctions ayant visé certains d’entre eux.

772. D’autre part, l’acceptation réitérée par les distributeurs résulte d’un ensemble de pièces, échelonnées entre le 17 mai 2005 au 1er octobre 2014, relatives à la signature des accords susvisés, interprétés également par les distributeurs comme leur interdisant certains niveaux de prix, à l’exclusion des marques de Luxottica des opérations promotionnelles, au maintien d’un certain niveau de prix de revente et, enfin, à la surveillance par les distributeurs des prix pratiqués par leurs concurrents (voir les paragraphes 713 à 743 ci-avant).

• Sur l’exemption par catégorie

773. Selon Luxottica, il ressort du règlement d’exemption et des lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales que seuls « les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur est tenu de respecter » constitueraient une restriction caractérisée. Les moyens indirects peuvent, selon elle, consister en des accords fixant la marge d’un distributeur ou encore subordonnant au respect d’un niveau de prix déterminé l’octroi de ristournes ou le remboursement des coûts promotionnels par le fournisseur, mais pas en la limitation des promotions, et notamment pas celle visée en l’espèce, qui ne fixe pas de remise maximum (donc pas de prix minimum), les seules limites étant liées à l’atteinte à l’image de marque1109.

774. Luxottica en déduit que seule l’entente sur les prix de revente, entre Luxottica et ses distributeurs, constituerait, si elle était établie, une restriction caractérisée, contrairement à la pratique de contrôle des opérations promotionnelles des distributeurs sur certains produits1110.

775. Or la pratique mise en œuvre par Luxottica constitue une restriction caractérisée au sens de l’article 4 des règlements n° 2790/1999 et nº 330/20101111. Elle ne peut donc, selon la pratique décisionnelle constante rappelée au paragraphe 619 ci-avant, faire l’objet d’une exemption sur le fondement de l’article 2 de ces mêmes textes.

• Sur l’exemption individuelle

776. Dans la mesure où aucune demande en ce sens n’a été formulée par Luxottica, il n’est pas nécessaire d’examiner si la pratique d’entente sur les prix poursuivie au titre du grief n° 1 du 13 février 2015 peut faire l’objet d’une exemption individuelle.

777. Il sera néanmoins précisé, en toute hypothèse, qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que les pratiques mises en œuvre par Luxottica aient contribué à améliorer la production ou la distribution de ses produits, ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux consommateurs une part équitable des avantages potentiels en résultant. En particulier, rien n’indique que ces pratiques étaient indispensables, au sens de la pratique décisionnelle de la Commission rappelée au paragraphe 628 ci-avant, par exemple pour lutter contre le parasitisme, ou pour protéger l’image des marques de Luxottica.

S’agissant des griefs n° 1 et n° 2 notifiés le 28 mars 2019

778. Seront successivement examinées les ententes respectivement reprochées à Luxottica (a), à Chanel et à Luxottica (b), à Dior et à Safilo (c), et à Safilo seule (d), au titre du grief n° 2 notifié le 28 mars 2019. Sera, enfin, étudiée, l’entente reprochée à Maui Jim, au titre du grief n° 1 du 28 mars 2019 (e).

a. S’agissant de l’entente entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour les marques Chanel, Prada, Dolce & Gabbana, Bulgari et Ray-Ban (voir le Tableau 54 ci-avant)

779. Le grief n° 2 notifié le 28 mars 2019 portant sur une entente entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour les marques susvisées repose sur les clauses contractuelles prévues dans les accords et chartes de détaillant agréé conclus pour ces marques, ainsi que sur une série de pièces attestant le contrôle exercé par Luxottica sur ses distributeurs agréés, en vue d’interdire ou de limiter l’application de promotions tarifaires aux produits Chanel, Prada, Dolce & Gabbana, Bulgari et Ray-Ban. La durée du grief notifié au titre de chaque groupe de distributeurs agréés est indexée sur la durée des contrats conclus à ce titre.

780. S’agissant de la période du 17 avril 2005 au 1er octobre 2014, il a été établi que Luxottica a mis en œuvre une entente avec l’ensemble de ses distributeurs, y compris donc avec les détaillants agréés pour les marques précitées, visant à maintenir un certain niveau de prix dans son réseau de distribution sur le fondement, notamment, des pièces mentionnées ci-avant (voir les paragraphes 742 et 743 ci-dessus). Dès lors que ces faits ont déjà été qualifiés au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE, il est inutile de rechercher s’ils peuvent recevoir une seconde qualification au titre des mêmes dispositions1112.

781. S’agissant de la période du 2 octobre 2014 au 28 mars 2019, également visée par le grief n° 2 notifié le 28 mars 2019, il apparaît que les clauses contractuelles sur lesquelles se sont appuyés les services d’instruction ne suffisent pas, à elles seules, à démontrer l’existence d’une entente verticale en vue de, comme libellé dans le grief, « limiter et/ ou interdire les promotions tarifaires appliquées et/ou envisagées par les distributeurs agréés pour les marques précitées, ce qui a restreint la liberté tarifaire de ces derniers et constitue ainsi une pratique anticoncurrentielle en tant que telle ». Par ailleurs, le dossier ne comporte aucun autre indice suffisamment probant relatif à cette période.

782. Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de retenir le grief du 28 mars 2019 portant sur une entente entre Luxottica et certains de ses distributeurs agréés.

b. S’agissant de l’entente entre Chanel et Luxottica (voir le Tableau 20 ci-avant)

783. Le grief notifié à Chanel et à Luxottica le 28 mars 2019 repose, pour l’essentiel, sur les clauses prévues dans les contrats de licence successifs passés entre Luxottica et Chanel entre 1999 et 2014. L’Autorité estime que si certaines clauses présentes dans ces contrats de licence révèlent un contrôle strict par Chanel de la distribution de ses produits par Luxottica, aucune ne paraît comporter, en elle-même, une restriction de la liberté tarifaire.

784. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d’attester de l’adhésion de Chanel à une entente portant sur la limitation de la liberté tarifaire des distributeurs agréés de ses produits avec Luxottica. Il sera précisé que les éléments recueillis auprès de Luxottica n’évoquent pas, de manière explicite, l’existence d’une implication de Chanel dans la pratique de restriction tarifaire mise en œuvre par Luxottica (voir les paragraphes 648 à 743 ci-avant).

785. Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié le 28 mars 2019 à Chanel et à Luxottica portant sur la restriction de la liberté tarifaire des distributeurs agréés pour la marque Chanel.

c. S’agissant de l’entente entre Dior et Safilo (voir le Tableau 17 ci-avant)

786. Le grief notifié à Dior et Safilo le 28 mars 2019 repose, d’une part, sur les clauses des contrats de licence et de distribution sélective, d’autre part, sur un faisceau d’indices tels que des dénonciations d’opticiens ou des échanges entre Dior et Safilo sur les sanctions à mettre en place à l’encontre de certains opticiens ne respectant pas leur politique tarifaire.

787. S’agissant des clauses des contrats, il y a lieu de relever que si certaines d’entre elles révèlent un contrôle strict par Dior de la distribution de ses produits par Safilo, aucune ne paraît comporter en tant que telle une restriction de la liberté tarifaire. C’est donc à juste titre que les services d’instruction s’étaient appuyés, dans la première notification de griefs, pour la démonstration de l’existence du grief, sur un faisceau comprenant des indices de différentes natures et non sur le seul caractère illicite des clauses en question1113.

788. Dans ces conditions, il convient, pour établir la pratique alléguée, de démontrer l’existence d’un faisceau d’indices suffisamment probants en ce sens. En l’espèce, et ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, il résulte de l’examen du dossier que si certains des indices réunis révèlent, de fait, que Dior et Safilo exerçaient un contrôle poussé des promotions et pouvaient, dans certaines circonstances, exercer des représailles à l’encontre des distributeurs récalcitrants, ces éléments ne concernent, en toute hypothèse, qu’une période courant, au plus, d’avril 2008 à mai 2009 (voir les paragraphes 145 et 146 ci-avant).

789. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié à Dior et Safilo le 28 mars 2019, la prescription étant acquise pour les pratiques correspondantes.

d. S’agissant de l’entente entre Safilo et ses distributeurs agréés pour la marque Dior (voir le Tableau 18 ci-avant)

790. Le grief notifié à Safilo le 28 mars 2019 repose sur les clauses prévues dans les contrats conclus entre Safilo et les distributeurs agréés Dior ainsi que sur une série de pièces attestant le contrôle exercé par Safilo sur ces distributeurs agréés en vue d’interdire ou de limiter l’application de promotions tarifaires aux produits Dior.

791. S’agissant des clauses des contrats, si ces clauses révèlent un contrôle strict des opérations promotionnelles organisées par les distributeurs, elles ne comportent pas, en elles-mêmes, une interdiction des promotions tarifaires qui permettrait, en tant que telle, d’établir une pratique de restriction de la liberté tarifaire.

792. S’agissant des autres pièces au dossier, ainsi qu’il a été relevé précédemment s’agissant de la première notification des griefs, la pièce la plus récente de nature à démontrer un accord de volontés entre Safilo et les distributeurs agréés Dior date du 26 février 20091114.

793. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de retenir le grief notifié à Safilo le 28 mars 2019, la prescription étant acquise pour les pratiques correspondantes.

e. S’agissant de l’entente entre Maui Jim et un de ses distributeurs (voir le Tableau 19 ci-avant)

794. Au cours de la séance du 13 janvier 2021, les services d’instruction ont admis que ce grief, visant une pratique mise en œuvre en février 2018, devait être abandonné. Il ressort en effet d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes que l’Autorité est tenue par la date de sa saisine et ne peut retenir des pratiques postérieures à cette dernière que dans l’hypothèse où elles auraient été la continuation de celles dont elle était saisie1115.

795. Dans la mesure où la saisine de l’Autorité s’agissant des pratiques métropolitaines date du 9 septembre 2010 et qu’ainsi que le relève Maui Jim à juste titre, la pratique qui a fait l’objet du grief notifié le 28 mars 2019 ne se situe pas dans la continuité des pratiques reprochées à cette entreprise dans la notification des griefs du 13 février 20151116, il n’y a pas lieu, pour l’Autorité, de statuer sur ce grief.

Conclusion sur la restriction de la liberté tarifaire des distributeurs s’agissant de la revente au détail des lunettes de soleil et des montures des lunettes de vue

796. En vertu des paragraphes 633 à 795 ci-avant, les branches du grief n° 1 notifiées le 13 février 2015 à Luxottica, LVMH et Logo sont établies. En revanche, il n’y a pas lieu de retenir les branches de ce grief ainsi que les griefs n° 1 et 2 du 28 mars 2019 notifiés aux autres entreprises poursuivies (voir le Tableau 63 ci-dessous).

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2. SUR L’INTERDICTION DE REVENTE EN LIGNE DES LUNETTES SOLAIRES ET MONTURES DE LUNETTES DE VUE

797. Compte tenu de l’analyse exposée ci-avant quant à l’imprécision du grief d’interdiction de vente en ligne notifié au titre de la première notification de griefs (voir les paragraphes 540 à 543 ci-avant), seules seront examinées ci-après les branches du grief n° 3 du 28 mars 2019, visant des pratiques d’interdiction de vente en ligne, notifiées à LVMH, Luxottica et Chanel.

a) Rappel des principes applicables

Sur la démonstration de l’autonomie des comportements

798. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, un comportement anticoncurrentiel peut être exclu du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE dès lors qu’il a été imposé aux entreprises en question par la législation nationale existante ou que celle-ci a éliminé toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part.

799. Cette possibilité n’a toutefois été admise que de manière restrictive par la Cour de justice1117. En effet, selon cette dernière, l’article 101, paragraphe 1, TFUE, peut s’appliquer s’il s’avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises1118 ou si elle se limite à inciter ou à faciliter l’adoption, par les entreprises, de comportements anticoncurrentiels autonomes1119.

800. En droit interne, le 1° du I de l’article 420-4 du code de commerce dispose que « ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application ».

Sur la démonstration de l’accord de volontés

801. S’agissant du standard de preuve relatif à la démonstration d’un accord de volontés relatif à des pratiques d’ententes verticales, il est renvoyé aux paragraphes 566 à 578 ci-dessus.

802. S’agissant spécifiquement des interdictions de vente en ligne, la cour d’appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 13 mars 2014, Bang & Olufsen : « c’est sans méconnaître le standard de preuve défini par la jurisprudence [de l’Union européenne] que l’Autorité, afin de tenir pour établi que Bang & Olufsen France avait interdit de facto à ses distributeurs agréés de vendre ses produits par Internet, a dit que "cette interdiction ressortait en premier lieu, du contrat européen de distribution sélective » (gras dans le texte original). La cour a précisé que ce n’est « qu’au surplus, et pour répondre à l’argumentation de Bang & Olufsen qu’il sera ajouté qu’à supposer qu’elle n’ait pas interdit "contractuellement" à ses distributeurs la vente par Internet, il suffit de constater que l’Autorité n’a pas seulement analysé le contrat et la circulaire mais qu’elle a pris en compte l’ensemble des éléments recueillis au cours de l’enquête et de l’instruction de la procédure. »1120.

Sur la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence

803. S’agissant du standard de preuve d’une restriction de concurrence, il est renvoyé aux paragraphes 579 et suivants ci-dessus.

804. S’agissant spécifiquement de la clause d’un contrat de distribution sélective ayant pour conséquence une interdiction de vente en ligne, la Cour de justice a jugé, dans son arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre, qu’une telle clause constitue une restriction par objet si, « à la suite d’un examen individuel et concret de la teneur et de l’objectif de cette clause contractuelle et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que, eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause n’est pas objectivement justifiée »1121. Dans le même arrêt, la Cour a précisé que « l’objectif de préserver l’image de prestige ne saurait constituer un objectif légitime pour restreindre la concurrence et ne peut ainsi pas justifier qu’une clause contractuelle poursuivant un tel objectif ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE »1122.

805. Toutefois, la Cour a ultérieurement précisé, dans son arrêt du 6 décembre 2017, Coty, que cette dernière précision « se rapportait […] aux seuls produits en cause dans l’affaire [Pierre Fabre] et à la clause contractuelle concernée dans cette affaire. », étant précisé que l’affaire Pierre Fabre concernait une interdiction absolue de vente de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle sur Internet1123. Elle a également considéré qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt Pierre Fabre, précité, que « la protection de l’image de luxe ne saurait plus désormais être de nature à justifier une restriction de la concurrence […] au regard de tout produit, dont notamment les produits de luxe, et de modifier ainsi la jurisprudence constante de la Cour »1124.

806. Après avoir rappelé, en premier lieu, que la clause contractuelle en cause « a[vait] pour objectif de préserver l’image de luxe et de prestige des produits concernés […], [était] objective et uniforme et qu’elle s’appliqu[ait] sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés », la Cour a alors vérifié si « l’interdiction faite par un fournisseur à ses distributeurs agréés de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits de luxe concernés [était] proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, c’est-à-dire si une telle interdiction [était] appropriée pour préserver l’image de luxe de ces produits et si elle n[’allait] pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif »1125. S’agissant, en second lieu, du caractère nécessaire de la clause en cause, qui interdisait de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits de luxe, la Cour a relevé que, à la différence de la clause visée dans l’affaire Pierre Fabre, cette clause « n’interdit pas de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels. »1126.

807. En application de cette jurisprudence, la Commission a considéré, dans sa décision du 17 décembre 2018, Guess, que l’exigence d’autorisation écrite de la part du fournisseur pour la vente en ligne de ses produits constituait une restriction de concurrence par objet, dès lors qu’elle n’était liée à aucun critère qualitatif. Selon la Commission, cette exigence, loin de garantir le respect de critères objectifs de nature qualitative, avait donné au fournisseur « la plus grande discrétion possible s’agissant de la décision d’autoriser ou non les détaillants agréés à vendre en ligne »1127 (traduction libre).

808. L’Autorité, comme les juridictions nationales, se sont prononcées à plusieurs reprises sur la question des restrictions de vente en ligne.

809. Ainsi, dans l’affaire Pierre Fabre, à la suite de l’arrêt de la Cour de justice, précité, la cour d’appel de Paris a jugé, dans son arrêt du 31 janvier 2013, que « la clause contractuelle interdisant de facto toutes formes de vente par Internet pour les produits en cause n’apparaît […] pas justifiée par un objectif légitime […] [et] constitue une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE »1128.

810. Dans sa décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinema, confirmée sur ce point par la cour d’appel1129, l’Autorité a considéré qu’une interdiction de facto de la vente sur Internet par le fabricant était restrictive par son objet même, en l’absence de justifications objectives1130.

811. Dans sa décision n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 octobre 20191131, l’Autorité a estimé qu’une interdiction de facto de la vente en ligne de produits dits dangereux, comme les tronçonneuses, consistant en l’obligation de réceptionner les produits commandés sur le site Internet du distributeur agréé concerné en magasin, ou via une livraison à domicile pouvant uniquement être effectuée par le distributeur agréé lui-même ou l’un de ses employés, « n’apparaît ni appropriée, ni proportionnée pour atteindre les objectifs de préservation de la qualité des produits et de sécurisation de leur bon usage » et que « l’interdiction ainsi posée constitue partant, de par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce »1132.

812. Enfin, dans sa décision n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, l’Autorité a considéré que l’objectif de préservation d’un modèle économique à forte valeur ajoutée, fondé sur l’image de marque, la qualité du service et une relation personnalisée avec le client « pouvait être atteint autrement qu’en neutralisant le canal de distribution par Internet, notamment en imposant des obligations de service aux revendeurs, comme par exemple celle de fournir les conseils nécessaires pour bien choisir un vélo ou utiliser de manière optimale un cycle, via un service d’assistance spécialisé en ligne (« hotline » ou « live chat ») »1133. Elle a alors conclu que « L’interdiction ainsi posée constitue partant, de par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce »1134.

813. S’agissant, enfin, de l’incertitude existant avant l’arrêt Pierre Fabre de la Cour de justice, la cour d’appel de Paris a jugé avec constance, qu’il ne pouvait qu’être constaté qu’antérieurement à cet arrêt, le droit et la jurisprudence applicables relatifs à une interdiction de vente en ligne n’étaient pas clairement fixés. Elle a précisé que s’il ne pouvait en être déduit qu’aucune infraction ne pourrait être opposée aux entreprises sanctionnées par l’Autorité antérieurement à cette jurisprudence, l’incertitude tenant à la matière devait conduire à relativiser la gravité de la pratique1135. L’Autorité a fait application de cette jurisprudence dans deux décisions récentes1136.

Sur l’exemption par catégorie

814. Les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales précisent : « Internet est un instrument puissant qui permet d’atteindre un plus grand nombre et une plus grande variété de clients que par les seules méthodes de vente plus traditionnelles, ce qui explique pourquoi certaines restrictions à son utilisation sont considérées comme une restriction des (re)ventes. En principe, tout distributeur doit être autorisé à utiliser internet pour vendre ses produits. En règle générale, l’utilisation par un distributeur d’un site internet pour vendre des produits est considérée comme une forme de vente passive, car c’est un moyen raisonnable de permettre aux consommateurs d’atteindre le distributeur. L’utilisation d’un site internet peut avoir des effets au-delà du territoire et de la clientèle affectés au distributeur ; toutefois, ces effets sont le résultat de la technologie qui permet un accès facile à partir de n’importe quel lieu. […] La Commission considère donc les situations suivantes comme des exemples de restrictions de vente passive caractérisées, compte tenu de leur capacité de limiter l’accès du distributeur à un plus grand nombre et une plus grande variété de clients : […] c) convenir que le distributeur limite la part de ses ventes réalisées par internet. »1137.

815. Dans son arrêt, Pierre Fabre, la Cour de justice a jugé que : « l’article 4, sous c), du règlement n° 2790/1999 doit être interprété en ce sens que l’exemption par catégorie prévue à l’article 2 dudit règlement ne s’applique pas à un contrat de distribution sélective qui comporte une clause interdisant de facto Internet comme mode de commercialisation des produits contractuels. En revanche, un tel contrat peut bénéficier, à titre individuel, de l’applicabilité de l’exception légale de l’article 101, paragraphe 3, TFUE si les conditions de cette disposition sont réunies. »1138.

Sur la démonstration du caractère continu de la pratique

816. S’agissant des principes applicables à la démonstration du caractère continu de la pratique, il est renvoyé aux paragraphes 629 à 632 ci-avant.

b) Application au cas d’espèce

817. Seront successivement examinées, ci-après, les ententes reprochées respectivement, au titre du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019, à Chanel et à Luxottica (voir les paragraphes 818 à 884), à Luxottica seule (voir les paragraphes 886 à 930) et à LVMH (voir le paragraphe 931).

S’agissant de l’entente entre Chanel et Luxottica (voir le Tableau 53 ci-avant)

818. Chanel et Luxottica contestent toutes deux la pratique qui leur est reprochée. Après avoir soutenu qu’aucun accord de volontés n’était démontré en l’espèce, elles affirment, d’une part, que les clauses contractuelles visées par le grief n’ont aucun objet ni effet anticoncurrentiels, d’autre part, que la pratique poursuivie ne peut être qualifiée de continue. Luxottica estime, par ailleurs, qu’en toute hypothèse, la législation française antérieure à la loi Hamon interdisait la vente à distance des verres correcteurs d’amétropie et, partant, de leurs montures.

a. Sur l’autonomie des comportements

819. Selon Luxottica, si aucune disposition légale ou réglementaire n’interdisait expressis verbis la vente sur Internet, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 janvier 19971139, et le tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 10 mai 20101140, ont jugé la vente en ligne de produits d’optique incompatible avec les dispositions du code de la santé publique. Par ailleurs, Luxottica relève que la Commission européenne a, précisément, ouvert en juin 2007 une procédure d’infraction de ce chef à l’encontre de la France1141.

820. Luxottica en déduit que, en vertu de l’article L. 420-4 du code de commerce et de l’arrêt de la Cour de justice du 9 septembre 2003, CIF1142, l’Autorité est dans l’obligation d’écarter les griefs relatifs à l’interdiction des ventes en ligne pour ce qui concerne les montures de lunettes de vue1143.

821. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 799 ci-dessus, ce n’est qu’à des conditions strictement définies que la Cour de justice a admis qu’un comportement anticoncurrentiel pouvait être exclu du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE du fait d’une législation nationale contraignante.

822. En l’espèce, la législation nationale n’imposait pas aux détenteurs des marques et aux fabricants de lunettes d’interdire aux distributeurs la vente en ligne de leurs produits, ce qui n’est d’ailleurs pas allégué par Luxottica. Il ne peut ainsi être considéré que les pratiques constatées ont été imposées par la réglementation nationale, au sens de l’arrêt du 9 septembre 2003, CIF1144, ou « résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire » au sens de l’article L. 420-4 du code de commerce. Il convient néanmoins de vérifier si cette législation a éliminé toute possibilité de comportement concurrentiel pour les entreprises poursuivies.

823. S’agissant, tout d’abord, de la jurisprudence rappelée par Luxottica, la Cour de cassation a jugé, dans son arrêt du 14 janvier 1997, précité, que la cour d’appel de Paris, qui s’est fondée sur « l’absence d’intervention d’un opticien diplômé, a souverainement estimé que la livraison par correspondance de lentilles de contact et de produits d’entretien ne permettait pas un véritable contrôle »1145. Par ailleurs, dans son jugement du 10 mai 2010, précité, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que la vente de lentilles de contact sur Internet contrevenait aux dispositions de l’article L. 4362-9 du code de la santé publique, dès lors que ce type de vente ne permettait ni de s’assurer de l’intervention effective d’un opticien diplômé, ni à ce dernier de prodiguer des conseils adaptés aux besoins de chaque client1146. Cette jurisprudence concerne, par conséquent, la vente à distance de lentilles de contact et non celle de montures de lunettes de vue.

824. Or, ces deux types de produits n’étaient pas soumis au même régime avant l’entrée en vigueur de la loi Hamon. En particulier, l’article L. 508, devenu L. 4362-9, du code de la santé publique, interdisait « le colportage des verres correcteurs d’amétropie », mais pas celui des montures de lunettes non pourvues de verres correcteurs (voir les paragraphes 31 et suivants ci-avant). De surcroît, la Cour de cassation a cassé, dans un arrêt du 26 février 2003, un arrêt de la cour d’appel de Paris incluant dans le champ du monopole consacré par l’article L. 508 du code de la santé publique les lunettes pré-montées ou « lunettes loupes », au motif que tout texte instituant un monopole contraire au principe de la liberté du commerce et de l’industrie devait être interprété strictement1147.

825. Ainsi, la jurisprudence précitée, relative à la vente de lentilles de contact, n’est pas applicable à la vente des montures de lunettes qui ne sont pas pourvues, lors de la vente, de verres d’amétropie.

826. S’agissant, ensuite, de la procédure d’infraction ouverte par la Commission à l’encontre de la République française, si la Commission a effectivement soutenu, dans un premier temps, que le cadre juridique français interdisait la vente en ligne des produits d’optique-lunetterie, elle a néanmoins renoncé, dans un second temps, à saisir la Cour de justice d’un recours en manquement contre la République française et classé cette procédure d’infraction sans lui donner d’autre suite1148.

827. Il résulte de ce qui précède que Luxottica ne peut utilement soutenir que la jurisprudence et la procédure d’infraction précitées suffisent à démontrer que la législation française interdisait la vente en ligne des montures de lunettes de vue avant l’entrée en vigueur de la loi Hamon.

828. Il doit, par ailleurs, être souligné que l’analyse de Luxottica n’est partagée ni par les distributeurs, ni par les autorités françaises.

829. S’agissant des distributeurs, la société Sensee, un pure player, a confirmé, le 17 novembre 2014, en réponse à un questionnaire des services d’instruction, que : « L’exercice en ligne de la profession d’opticien et les conditions d’adaptation des équipements optiques à distance ne résultent pas, fort heureusement, de la loi du 18 mars 2014. Ils se sont développées en France, en Europe et dans le monde, depuis de nombreuses années »1149.

830. Cette déclaration est corroborée par plusieurs pièces du dossier, qui attestent qu’un certain nombre de sociétés vendaient en ligne des lunettes de vue ou de soleil : Optique Chaussin depuis 20011150, Novoptic depuis 2004 environ1151, Confort Visuel depuis 20051152, Direct Optic depuis 20081153, Happyview depuis 20091154, Misterspex et Easy-verres depuis 20101155, Opticien 241156 et Sensee1157 depuis 2011, l’Opticien Professionnel1158, Nagabbo1159 et Optical Discount depuis au moins 20121160 et Lunigal depuis 20131161. Elle est également confirmée par Luxottica elle-même, qui soutient, dans ses écritures, que certains de ses distributeurs vendent en ligne des montures de lunettes de vue de certaines marques, dont Prada, depuis 20011162.

831. Si certaines des sociétés précitées ont déclaré aux services d’instruction ne pas souhaiter commercialiser des lunettes d’optique par Internet « pour des raisons de professionnalisme »1163 ou parce que « cela est inapproprié »1164, aucune de celles qui ont fait un tel choix n’a précisé que c’était au motif de l’existence d’une interdiction légale.

832. S’agissant des autorités françaises, plusieurs questions adressées au Gouvernement attestent que certains parlementaires s’interrogeaient sur les risques pour la santé publique de la vente en ligne de produits d’optique, dont ils estimaient, en dépit de la jurisprudence citée par Luxottica, qu’elle n’était pas interdite1165.

833. En outre, ainsi que l’ont rappelé les services d’instruction, le ministère de la Santé a pris position publiquement sur le fait que le droit français n’interdisait pas la vente en ligne de produits d’optique1166. En effet, le 12 juin 2009, la responsable des relations presse et médias de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la Santé et des Sports a déclaré1167 : « La France ne s’oppose pas à la vente sur Internet de produits optique. C’est une voie de distribution, soumise aux mêmes règles que celles applicables aux professionnels installés et exerçant dans des structures. Ces règles visent à garantir la qualité et la sécurité des soins et des prestations de santé. Comme tous les produits de santé vendus sur Internet et en pharmacie, la France impose des règles d’exercice de la profession (diplômes, compétences...), de conseil au patient et de sécurité. Ces règles s’appliquent à tous les professionnels de santé quels que soient les supports de vente ».

834. Enfin, le fondateur de la société Happyview1168 a déclaré, dans une chronique du 18 octobre 2011 : « Happyview.fr, ainsi que d’autres sites français de vente en ligne de produits d’optiques, sont agréés par la Sécurité Sociale et exercent depuis plus de 2 ans leurs activités en totale transparence vis-à-vis des autorités françaises en charge de la santé et de la sécurité sanitaire, notamment le ministère de la Santé, la Haute Autorité de Santé, l’AFFSAPS, la sécurité sociale (CNAM-TS, RSA, CRAM) »1169.

835. Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité considère que la législation française en vigueur lors des pratiques n’a pas éliminé toute possibilité de comportement concurrentiel.

836. Il ressort de l’ensemble de ces considérations que les pratiques constatées, consistant à interdire la vente en ligne des produits en cause, ne peuvent échapper au champ d’application des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

b. Sur l’accord de volontés

837. Chanel et Luxottica contestent avoir interdit aux distributeurs des produits Chanel de vendre en ligne. En particulier, Chanel allègue que les stipulations du contrat de licence conclu avec Luxottica n’interdisaient pas, de façon générale et absolue, la vente de lunettes sur Internet1170, mais visaient simplement à différer la mise en place de règles d’agrément pour les sites de vente en ligne à la date où les détaillants agréés pourraient attendre un retour sur investissement raisonnable par rapport au coût de la mise en place d’un site Internet suffisamment qualitatif pour ne pas porter atteinte à l’image de la marque1171. Elle soutient, par ailleurs, que des discussions ont été amorcées avec Luxottica dès 2010, afin de mettre en place des critères qualitatifs d’agrément pour la vente en ligne, conformément aux stipulations du contrat du 30 janvier 20081172. Elle affirme, enfin, qu’elle a laissé les détaillants agréés de Luxottica libres de vendre ses produits sur Internet1173.

838. Pour sa part, Luxottica allègue qu’elle ne s’est pas opposée au développement de la vente par Internet de produits de la marque Chanel dès 20041174, et qu’ainsi, les clauses des contrats de licence et de détaillant agréé étaient obsolètes avant même leur modification, en 20081175. Elle soutient, à cet égard, qu’un seul opticien a déclaré que Chanel s’opposait à la vente en ligne de ses produits1176 et que le seul exemple d’intervention de sa part visant à faire cesser la vente en ligne d’un distributeur concerne des pure players, alors que le grief notifié vise exclusivement les détaillants agréés1177. Elle souligne, également, qu’elle proposait, dès le 30 janvier 2008, une nouvelle version du contrat de détaillant agréé pour les produits de la marque Chanel qui n’interdisait pas la vente sur Internet, contrairement à la version antérieure qui la prohibait expressément1178. Enfin, elle prétend que les services d’instruction admettraient eux-mêmes l’obsolescence de ses différents contrats, puisqu’ils retiennent comme date de fin des pratiques d’entente avec les détaillants agréés celle de la convention commerciale conclue le 11 février 2013 avec Optical Center1179, qui autorise, selon elle, la revente des produits Chanel sur Internet1180.

839. Toutefois, tout d’abord, il ressort du libellé même des contrats de licence conclus par Chanel et Luxottica les 5 mai 1999, 16 février 2004 et 30 janvier 2008 que ces derniers interdisaient aux détaillants agréés de vendre en ligne les produits de la marque Chanel.

840. En effet, dans les contrats du 5 mai 1999 et du 16 février 2004, Luxottica s’engageait à faire signer à ses distributeurs agréés un contrat leur interdisant « de recourir à la vente à distance ou, de manière générale, à toute vente en dehors du Point de Vente » (voir les paragraphes 433 à 435 ci-dessus). Le contrat du 30 janvier 2008 interdisait, quant à lui, uniquement expressément la vente « en dehors du point de vente » (articles 1.1.3 et 1.6.4 de l’annexe L). Toutefois, un responsable de la société Chanel SAS – interrogé sur le point de savoir si l’article 7.2 h1181 du même contrat interdisait la vente sur Internet – s’est contenté de répondre qu’il n’était pas appliqué et qu’il existait des détaillants agréés vendant sur Internet, confirmant ainsi implicitement que la stipulation en question équivalait bien à une interdiction de principe, fût-elle contournée par certains1182 (voir le paragraphe 442 ci-dessus).

841. Par ailleurs, les contrats du 16 février 2004 et du 30 janvier 2008 stipulaient que Chanel et Luxottica « ont conclu, […] que les Produits ne peuvent pas être vendus par Internet par les Distributeurs Agréés ». La précision selon laquelle cette interdiction valait « pour le moment » et pouvait être revue « si cette situation devait changer de façon significative » (contrat de 2004) et « dans les deux premières années du présent accord » (contrat de 2008) ne modifie ce constat ni en droit, ni en fait, aucune des entreprises en cause n’ayant fourni d’élément susceptible de démontrer une mise en œuvre effective de cette possibilité (voir le Tableau 50 ci-dessus).

842. D’une part, en effet, Chanel n’allègue pas que les négociations avec Luxottica à ce sujet ont abouti. La déclaration du 12 juillet 2013 d’un de ses cadres atteste, au demeurant, que les critères qualitatifs et la charte graphique pour la vente sur Internet étaient toujours en cours de définition à cette date1183 (voir le paragraphe 442 ci-dessus).

843. D’autre part, Luxottica a confirmé, dans ses écritures, que le contrat du 30 janvier 2008 avait été renouvelé, dans les mêmes termes, en 20111184. Luxottica n’a, par ailleurs, pas fait état d’accords entre Chanel et Luxottica s’agissant de la vente en ligne de lunettes qui auraient été conclus après 2011, à l’exception du contrat de licence du 24 juillet 20141185.

844. Les contrats de licence, qui constituent des preuves directes, suffisent ainsi à établir la réalité d’une entente entre Chanel et Luxottica pour interdire aux détaillants agréés la vente en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de la marque Chanel.

845. Cette analyse n’est, par ailleurs, pas remise en cause par les arguments de Chanel et Luxottica relatifs à l’existence de ventes sur Internet de produits Chanel depuis 2007.

846. À titre liminaire, et comme rappelé ci-avant (voir les paragraphes 568 et 569), il est de jurisprudence constante que la démonstration d’un accord de volontés n’exige pas, en présence de preuves contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale.

847. Du reste, les déclarations dont se prévalent Chanel et Luxottica attestent uniquement que quatre opticiens – qui ont d’ailleurs manifesté leur consentement aux clauses contractuelles litigieuses par la signature des contrats de détaillant agréé précités1186 – présentaient des lunettes Chanel en ligne. Elles ne démontrent pas, pour autant, que Luxottica les avait autorisés à vendre ces produits en ligne1187.

848. En effet, s’agissant, en premier lieu, de la réalité même des ventes en ligne, deux des quatre opticiens concernés ont expliqué que leurs sites Internet étaient essentiellement des « site[s] vitrine[s] »1188 (voir les paragraphes 453 et 454 ci-avant). S’agissant, en second lieu, du comportement de Luxottica, l’ensemble des opticiens cités par Chanel et Luxottica a confirmé n’avoir reçu, de la part de Luxottica, ni critères qualitatifs, ni charte graphique pour la vente en ligne1189, ce que l’un d’eux attribue au mécontentement des marques et à une stratégie, de la part de ces dernières, consistant à « mettre [les opticiens] en porte à faux vis-à-vis de leurs règles »1190 (voir les paragraphes 454 et suivants ci-avant).

849. Il ressort, enfin, du dossier que deux détaillants agréés pour la marque Chanel ont déclaré qu’il leur avait été interdit de vendre en ligne des produits de cette marque1191 (voir les paragraphes 447 à 452 ci-avant).

850. L’existence d’un accord de volontés entre Chanel et Luxottica pour interdire aux détaillants agréés la vente en ligne de produits Chanel n’est pas non plus remise en cause par la signature, par Luxottica et Optical Center, de la convention commerciale du 11 février 2013, précitée (voir les paragraphes 457 à 459 ci-avant).

851. À cet égard, selon une pratique décisionnelle constante de la Commission, lorsqu’il est démontré qu’un fournisseur a conclu avec l’ensemble de ses distributeurs des contrats-types dont certaines clauses revêtent un caractère anticoncurrentiel, la signature postérieure, par ce fournisseur et certains de ses distributeurs, de nouveaux contrats-types ne comportant pas lesdites clauses ne saurait suffire à mettre un terme à l’infraction. Seule la signature des nouveaux contrats par le fournisseur et la grande majorité, voire la totalité de ses distributeurs, est en effet susceptible de matérialiser la fin d’une telle entente1192.

852. En l’espèce, aux termes de son article premier, la convention commerciale du 11 février 2013 s’applique au site www.optical-center.esans préjudice des contrats de distribution sélective conclus pour la distribution de certains produits1193 (voir le paragraphe 459 ci-avant). Dès lors, à supposer même que cette convention autorise Optical Center à vendre des lunettes Chanel sur www.optical-center.eu – ce qui ne ressort pas clairement de son libellé – elle concernerait uniquement ce site Internet, à l’exclusion de ceux de tout autre opticien, qu’il appartienne ou non au réseau Optical Center.

853. Or, ainsi qu’il ressort des paragraphes 432 et suivants ci-avant, le fabricant s’est engagé, par la signature des contrats de licence susvisés antérieurs au 24 juillet 2014, à interdire la vente en ligne des produits Chanel à l’ensemble de ses distributeurs. En outre, la déclaration du consultant de la société GIB Optic SARL du 1er octobre 2014 atteste que l’interdiction de vente en ligne des produits Chanel était encore appliquée à cette date (voir le paragraphe 452 ci-avant).

854. Par conséquent, la convention commerciale conclue entre Luxottica et Optical Center le 11 février 2013 ne saurait suffire à démontrer que Luxottica n’adhérait plus à l’entente poursuivie à compter de sa signature.

855. Il ressort de ce qui précède que les stipulations des contrats de licence signés par Luxottica et Chanel avant le 24 juillet 2014 attestent de l’existence d’un accord de volontés entre ces deux entreprises, s’agissant de l’interdiction faite aux détaillants agréés par Luxottica de vendre en ligne des produits de marque Chanel.

c. Sur la restriction de concurrence

856. En vertu de la jurisprudence rappelée au paragraphe 582 ci-avant, afin d’apprécier si un accord entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question1194.

857. Il ressort, par ailleurs, de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 803 et suivants ci-avant, qu’une clause d’un contrat de distribution sélective interdisant aux distributeurs agréés de vendre en ligne les produits qui font l’objet de cette distribution constitue une restriction par objet si, à la suite d’un examen individuel et concret de la teneur et de l’objectif de cette clause contractuelle et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que, eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause n’est pas objectivement justifiée. Il en va de même, par analogie, des clauses de contrats de licence par lesquelles le fabricant s’est engagé à interdire la vente des produits de la marque en cause au sein du réseau de distribution sélective dont il a la charge.

858. En l’espèce, Chanel1195 et Luxottica1196 soutiennent qu’il existait, durant toute la période couverte par les griefs notifiés, des contraintes matérielles et des obstacles économiques tels que c’est à tort que les services d’instruction ont considéré que les pratiques poursuivies ont un objet anticoncurrentiel.

859. Chanel allègue notamment, à cet égard, que la libéralisation de la vente en ligne des montures de lunettes de vue – qui sont des dispositifs médicaux1197 – ne pouvait se faire sans prendre des précautions importantes pour protéger la santé des consommateurs1198. Or, selon elle, à l’époque des faits, il était difficile, voire impossible, de vendre des lunettes de vue en ligne car la mesure de l’écart pupillaire, et donc l’ajustement personnalisé des montures, ne pouvait être effectuée à distance1199. Luxottica – qui rappelle que tant les lunettes de soleil que les montures de lunettes de vue sont des produits à usage non médical1200 – ajoute que l’absence d’obligation pour le médecin prescripteur, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Hamon, de mentionner sur l’ordonnance l’écart pupillaire mesuré faisait également obstacle au développement de la vente en ligne, les différentes solutions techniques disponibles pour mesurer l’écart pupillaire à distance ne pouvant se substituer à l’examen réalisé par un opticien1201. Le faible essor de ce marché résulterait en outre, selon elle, des réserves sur la vente en ligne formulées à la fois par les ophtalmologistes, les associations de consommateurs, les fabricants de verres et les opticiens, réserves qui perdureraient encore aujourd’hui d’ailleurs1202.

860. En raison de ces circonstances, selon Chanel, il n’existait pas de marché lors de la mise en œuvre des pratiques, les ventes en ligne étant résiduelles, voire inexistantes1203, et leur absence de rentabilité étant démontrée par les performances économiques décevantes de ceux qui s’y étaient essayés1204.

861. Par ailleurs, Chanel et Luxottica considèrent que l’incertitude juridique quant à la licéité des pratiques d’interdiction de la vente en ligne, jusqu’à, selon Chanel, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 janvier 2013, Pierre Fabre1205, et jusqu’à la loi Hamon selon Luxottica, exclurait toute qualification par objet de la pratique1206.

862. Enfin, Chanel allègue que le développement de la vente en ligne ne paraissait pas souhaitable, d’un triple point de vue : économique, le respect des critères qualitatifs étant susceptible d’aboutir à un renchérissement du coût de la distribution en ligne1207 ; technique, les technologies existant en 1999 ne permettant pas d’assurer une distribution en ligne qualitative de produits de luxe1208 ; au regard, enfin, de la santé et du confort du consommateur1209, le fait que les produits d’optique soient des dispositifs médicaux représentant une différence fondamentale avec l’affaire Pierre Fabre1210. Par conséquent, la décision de différer la possibilité de vendre en ligne à une date à laquelle le marché serait plus mûr et les technologies plus affinées et plus sûres serait objectivement justifiée1211.

863. S’agissant, en premier lieu, de la teneur et des objectifs des stipulations en cause, il ressort des paragraphes 837 et suivants ci-avant que les stipulations des contrats de licence conclus entre Chanel et Luxottica ont clairement pour objet d’interdire la vente en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de la marque Chanel par les détaillants agréés.

864. S’agissant, en deuxième lieu, du contexte juridique et économique dans lequel ces contrats s’insèrent, contrairement à ce que soutiennent Chanel et Luxottica, il n’existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que les accords de licence en cause restreignent la concurrence, s’agissant de la vente des lunettes de soleil et des montures de lunettes de vue.

865. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 822 ci-avant, la législation française en vigueur avant la loi Hamon n’imposait pas aux détenteurs de marque et aux fabricants de lunettes d’interdire aux distributeurs de commercialiser leurs produits en ligne et n’éliminait pas, non plus, toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part. En outre, si la législation française encadre la distribution des produits d’optique – dont certains constituent des dispositifs médicaux – afin de protéger la santé publique, elle n’a jamais interdit leur vente sur Internet.

866. Ainsi, même à supposer qu’il existait une incertitude juridique jusqu’à l’arrêt Pierre Fabre de la Cour de justice – ou jusqu’à l’entrée en application de la loi Hamon, s’agissant de la vente des seules montures de lunettes de vue – il ne saurait en être déduit qu’aucune infraction ne peut être opposée aux entreprises poursuivies avant cette date (voir, par analogie, la jurisprudence rappelée au paragraphe 813 ci-avant).

867. Quant au contexte économique, la circonstance qu’un certain nombre d’entreprises aient vendu sur Internet les produits en cause, malgré les incertitudes alléguées (voir les paragraphes 829 et 830 ci-avant), fût-ce de manière résiduelle, atteste qu’il n’existait aucune contrainte dirimante de nature technique ou économique (voir également les paragraphes 871 à 874 ci-après), ce que Luxottica admet d’ailleurs s’agissant des lunettes solaires1212.

868. S’agissant, en troisième et dernier lieu, de la possibilité de justifier la pratique constatée par la poursuite d’objectifs légitimes, il apparaît que les arguments de Chanel et Luxottica ne justifient pas de s’écarter de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la jurisprudence constante de la cour d’appel de Paris, selon lesquelles les interdictions générales et absolues de vente par Internet ne sont pas justifiées par, ni proportionnées à, la poursuite d’un objectif légitime (voir les paragraphes 804 à 812 ci-avant).

869. En effet, il est tout d’abord, à tout le moins étonnant que Chanel soutienne que le développement de la vente en ligne n’était pas souhaitable pour des raisons économiques, technologiques et de santé publique, étant donné qu’elle allègue, par ailleurs, ne pas avoir empêché les détaillants agréés de Luxottica qui le souhaitaient de vendre des lunettes de sa marque, alors même qu’aucun accord n’avait encore été trouvé avec Luxottica quant aux règles d’agrément relatives à la vente en ligne1213.

870. Quant aux arguments tirés de la nature des produits en cause, dans son arrêt Pierre Fabre1214, la Cour de justice s’est expressément fondée sur ses arrêts Deutscher Apothekerverband1215 et Ker-Optika1216, dans lesquels elle a rejeté les arguments liés aux précautions particulières qu’il conviendrait de prendre lors de la vente en ligne de médicaments et de lentilles de contact, ces dernières étant, comme les montures de lunettes de vue, des dispositifs médicaux. Dès lors, Chanel et Luxottica ne peuvent tirer argument de la différence des produits en cause dans la présente décision avec ceux examinés par la Cour dans l’affaire Pierre Fabre.

871. En toute hypothèse, les lunettes de soleil non pourvues de verres correcteurs ne constituent pas des dispositifs médicaux et, s’agissant des montures de lunettes de vue, il ressort du dossier que les opticiens ont mis en place des modalités de vente en ligne permettant de s’assurer de leur bonne adaptation aux clients, en prévoyant, le cas échéant, l’intervention physique d’un opticien.

872. D’une part, en effet, certaines sociétés, telles que Sensee1217, Optical Center1218 et Krys1219, procédaient elles-mêmes au réglage des montures grâce à la mesure de l’écart pupillaire réalisée directement en ligne, étant précisé que, pour les verres progressifs, Sensee envoyait d’abord la monture au client, afin que les mesures soient effectuées avec la monture portée. À cet égard, cette société a indiqué, le 17 novembre 2014, en réponse à un questionnaire des services d’instruction : « Sensee […] a pu constater que les différences entre les mesures d’écart [pupillaire] faites en présence de la personne et celles faites à l’aide des procédures et technologies élaborées par Sensee étaient inférieures au seuil de tolérance admis de 5 millimètres. […] En trois années d’exercice, aucune plainte n’a été reçue concernant un équipement optique adapté par nos soins. »1220.

873. D’autre part, certaines sociétés, telles qu’Easy-verres, Happyview et Direct Optique1221, avaient conclu des partenariats avec des opticiens disposant de boutiques physiques, afin de permettre à leurs clients de faire ajuster les montures pourvues de verres correcteurs achetées en ligne. Pour les mêmes raisons, Alain Afflelou avait choisi d’adosser chaque vente en ligne réalisée sur son site à un point de vente physique1222, et les lunettes achetées sur le site Internet d’Optic 2000 étaient livrées chez un opticien du réseau1223.

874. De plus, il apparaît qu’en pratique, quel que soit le canal de distribution choisi, les consommateurs pouvaient avoir recours aux services des opticiens traditionnels. En effet, dans une interview du 15 décembre 2013, le président d’Optic 2000, très critique vis-à-vis des assouplissements envisagés par la loi Hamon et de la concurrence selon lui déloyale des sites de vente en ligne, soulignait, pour le déplorer, qu’en cas d’achat en ligne et de problèmes ultérieurs d’ajustement, les opticiens traditionnels procédaient gratuitement aux réglages nécessaires1224.

875. Ainsi, les clauses de l’espèce ne sont pas objectivement justifiées et constituent donc des restrictions par objet au sens des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

876. Sans qu’il soit besoin de déterminer si les règlements n° 2790/19991225 et nº 330/20101226 sont applicables en l’espèce, il convient de relever que, dès lors que la pratique poursuivie constitue une restriction caractérisée, au sens de l’article 4 de ces règlements (voir, par analogie, l’arrêt Pierre Fabre, cité au paragraphe 815 ci-avant), elle ne saurait faire l’objet d’une exemption sur le fondement de leur article 2. Par ailleurs, dans la mesure où aucune demande en ce sens n’a été formulée par les entreprises mises en cause, il n’y a pas lieu d’examiner si elle peut faire l’objet d’une exemption individuelle, sur le fondement des articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce.

d. Sur la continuité de la pratique

877. Chanel soutient que la date de début des pratiques, fixée au 1er mai 1999 par la notification de griefs, devrait être fixée au 14 juin 2002 – date, d’après elle, du premier contrat de détaillant agréé signé par Luxottica. Par ailleurs, les pratiques ne pourraient s’étendre au-delà du 30 janvier 2008 – date de la signature du contrat de licence supprimant selon elle l’interdiction des ventes à distance – ou, à la limite, du 23 juillet 2010 – date du courrier par lequel Chanel a pris l’attache de Luxottica pour la mise en place de critères qualitatifs pour la vente en ligne1227.

878. Luxottica allègue, de son côté, que l’Autorité ne peut considérer que Chanel et Luxottica ont interdit la vente en ligne aux détaillants agréés jusqu’au 31 décembre 2014, dans la mesure où le contrat de détaillant agréé Chanel a été modifié dès le 30 janvier 2008 et où, en tout état de cause, les services d’instruction ont reconnu que ces détaillants pouvaient pratiquer ce type de vente à partir du 11 février 2013, date de la convention précitée avec Optical Center1228.

879. S’agissant du début de la pratique, il doit, compte tenu des développements exposés ci-avant, être fixé au jour de la conclusion du premier contrat de licence attestant d’une entente entre Chanel et Luxottica pour interdire aux détaillants agréés la vente en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de la marque Chanel, soit le 5 mai 1999.

880. Cette date de début des pratiques, fixée par référence au contrat de licence, n’est pas susceptible d’être remise en cause par le fait que le premier contrat de détaillant agréé conclu par Luxottica versé au dossier date du 16 mai 2000, et non, au demeurant, du 14 juin 2002 comme le soutient Chanel.

881. S’agissant de la fin de la pratique, il ressort des paragraphes 837 à 855 de la présente décision, que les contrats de licence des 5 mai 1999, 16 février 2004 et 30 janvier 2008 suffisent à établir la réalité de l’entente poursuivie. Celle-ci n’est remise en cause ni par la modification du contrat de licence, le 30 janvier 2008, ni par les négociations, non abouties avant la conclusion du contrat de licence du 24 juillet 2014, relatives aux critères qualitatifs, ni par la convention commerciale conclue avec Optical Center le 11 février 2013.

882. Luxottica reconnaît d’ailleurs, dans ses écritures, que le contrat du 30 janvier 2008 avait été renouvelé en 20111229. Dès lors, seul le contrat de licence du 24 juillet 2014 – entré en vigueur le 1er janvier 2015 – met fin à l’interdiction de la vente en ligne convenue entre Chanel et Luxottica (voir les paragraphes 436 à 437 ci-avant).

883. S’agissant du caractère continu des pratiques, il se déduit de ce qui précède que la pratique sanctionnée a été continue entre le 5 mai 1999 et le 31 décembre 2014.

884. Il en résulte que la pratique d’entente sur l’interdiction de vendre en ligne mise en œuvre par Chanel et Luxottica est constituée et a perduré du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014.

S’agissant des ententes entre Luxottica et les distributeurs agréés Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari (voir le Tableau 54 ci-avant)

885. Seront successivement examinés l’autonomie des comportements (a), l’accord de volontés (b), la restriction de concurrence (c) et la continuité de la pratique (d).

a. Sur l’autonomie des comportements

886. Pour les motifs rappelés aux paragraphes 819 et suivants ci-avant, les pratiques mises en œuvre par Luxottica, consistant à interdire la vente en ligne des produits en cause, ne peuvent échapper à la prohibition des ententes au sens des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce en vertu de la législation française en vigueur lors de la période concernée.

b. Sur l’accord de volontés

887. Les ententes constatées ressortent directement des contrats et chartes de détaillant agréé, identiques pour l’ensemble des marques visées ci-dessus, conclus entre Luxottica et ses distributeurs pour la commercialisation des produits des marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari (voir les paragraphes 444 à 446 ci-avant).

• S’agissant des produits de la marque Chanel

888. Luxottica avance, pour partie, les mêmes arguments que ceux exposés ci-avant au paragraphe 838 ci-dessus. L’entreprise ne conteste pas, par ailleurs, que les contrats de détaillant agréé conclus jusqu’au 30 janvier 2008 – qui interdisent aux distributeurs signataires de « recourir à la vente à distance ou, de manière générale, à toute vente en dehors du Point de Vente »1230 et de « mettre en vente les Lunettes à l’extérieur du Point de Vente, et notamment devant son entrée et/ou ses vitrines »1231 (voir les paragraphes 433 à 435 ci-avant) – interdisent explicitement aux détaillants agréés la vente en ligne des produits Chanel1232. L’entreprise soutient, en revanche, avoir supprimé l’interdiction de vente sur Internet de ses contrats de détaillant agréé à compter du 30 janvier 20081233.

889. Ainsi que rappelé ci-avant, les contrats de détaillant agréé pour la marque Chanel conclus par Luxottica versés au dossier s’échelonnent entre le 16 mars 2000 et le 10 octobre 2014 (voir les paragraphes 202 et suivants ci-avant). Par ailleurs, il ressort de l’examen desdits contrats que, de fait, les stipulations interdisant de réaliser des ventes à distance ont effectivement été supprimées à compter du 30 janvier 2008.

890. Toutefois, les clauses stipulant que les distributeurs ne peuvent « avoir recours à toute forme de commercialisation en dehors du Point de Vente »1234 ni « proposer les Lunettes à la vente en dehors du Point de Vente, et en particulier, devant l’entrée ou les vitrines »1235 y figurent toujours (voir les paragraphes 444 et suivants ci-avant). Or, le libellé même de la clause des contrats conclus avant 2008 (voir ci-avant paragraphes 444 et suivants) atteste que la vente à distance ne constitue, en réalité, qu’une modalité particulière de vente en dehors du point de vente. Dans ces conditions, Luxottica ne peut utilement alléguer que ce type de vente était, désormais, autorisé.

891. Cette analyse est, en outre, corroborée par la teneur des contrats de licence en application desquels ces contrats ont été conclus durant la même période (voir les paragraphes 432 et suivants ci-avant), ainsi que par le fait que Luxottica et Chanel n’étaient toujours pas convenues, en 2013, de critères qualitatifs relatifs à la vente en ligne (voir le paragraphe 442 ci-avant), alors même que les contrats et chartes de détaillant agréé conclus par Luxottica pour les marques Persol, Oakley et Ray-Ban en prévoyaient1236.

892. Enfin, Luxottica ne peut déduire de la réponse, isolée et non étayée, d’Optical Center du 8 octobre 2014 à un questionnaire des services d’instruction – selon laquelle la clause interdisant de vendre en dehors du point de vente « ne stipule rien concernant l’activité de vente en ligne, la vente en ligne est donc compatible avec cette clause »1237 – que l’ensemble des distributeurs considéraient que cette clause permettait la vente en ligne (voir les paragraphes 448 et suivants ci-avant).

893. Ainsi, ces contrats de détaillant agréé, qui constituent des preuves directes, suffisent à établir la réalité de l’entente alléguée.

894. Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de Chanel et Luxottica relatifs à l’existence de ventes de produits Chanel réalisées sur Internet depuis 2007, pour les raisons évoquées aux paragraphes 845 et suivants ci-avant.

895. Il ressort de ce qui précède que l’interdiction de vente en ligne des produits de marque Chanel, faite par Luxottica à ses détaillants agréés, résulte directement des dispositions des contrats de détaillant agréé conclus du 16 mars 2000 au 10 octobre 20141238.

• S’agissant des produits des marques Prada, Dolce & Gabbana et Bulgari

896. Luxottica soutient que plusieurs distributeurs agréés commercialisent de longue date, sur Internet, des produits de marque Prada et Dolce & Gabbana. Elle ajoute en avoir connaissance depuis 20061239 et l’avoir explicitement autorisé, ainsi qu’en attesteraient la page d’accueil du site Internet d’Optique Chaussin, et deux courriels du 15 avril 2008 et du 10 février 2009 adressés à des employés de Luxottica par le directeur marketing de Luxottica France1240.

897. La page d’accueil du site susmentionné indiquait, le 28 août 2015 : « Eyeshop est le pionnier du e-commerce de lunettes de soleil en France. Plus de 150.000 clients nous ont fait confiance depuis notre ouverture en 1998. Nous travaillons avec les plus grandes marques depuis 1992 dans nos magasins à Chamonix Mont-Blanc, haut lieu mondial des sports de montagne, où une clientèle exigeante nous oblige à éprouver tous les articles que nos opticiens diplômés sélectionnent pour vous. Oakley, Ray-Ban, Prada, Persol, Dior, Gucci, Dragon, Electric, Julbo, POC, Von Zipper, Vuarnet, Smith, Spy, Adidas, Maui Jim, Quiksilver, Tom Ford, Tag Heuer, Anon, Silhouettée, Arnette, Carrera, Cébé, Bollé... Eyeshop est revendeur officiel de toutes les grandes marques de lunettes de soleil, lunettes de vue et de masques de ski/snowboard, avec qui nous entretenons des rapports privilégiés. »1241.

898. Le courriel du 15 avril 2008 évoque le courriel d’un opticien souhaitant créer un site de vente en ligne : « Je vous remercie de bien vouloir répondre à notre client ce qui suit. […] Concernant les sites développés par nos clients, ils ont la possibilité de vendre nos lunettes seulement si le site est l’extension du magasin. Ils ne peuvent utiliser que les photos de lunettes de leur propre assortiment. Nous ne fournissons pas de cd avec photos de montures car nous n’avons pas cet outil et il serait rapidement obsolète. Ils n’ont pas le droit d’utiliser ni logo, ni visuels de campagne de communication des marques vendues sur internet »1242.

899. Le courriel du 10 février 2009 énonce : « Afin de répondre à tous nos clients opticiens qui demandent des informations concernant la création de leur propre site de vente de lunettes sur internet, voici la réponse que vous pouvez leur donner : • Le client a le droit s’il le souhaite de développer un site internet de vente de montures qui soit en relation avec son activité commerciale ; • Il doit présenter sur son site une sélection de montures disponibles dans son magasin ; • Il doit faire réaliser lui-même les photos des montures qui seront présentées sur son site ; • Luxottica fournit à la demande du client seulement le(s) logos de nos marques propres (Ray-Ban, Vogue, Persol). Demande à transmettre à P... avec logo(s) demandé(s) et adresse e-mail du client pour envoi du logo. Tout autre élément graphique n’est pas fourni par Luxottica (catalogues électroniques de montures, visuels de communication, charte graphique Luxottica). • Luxottica n’octroie pas de participation financière »1243.

900. Luxottica cite, également, un courriel du 17 février 2009 du directeur précité à la SARL Rosset Optique, précisant : « Suite à votre demande transmise par Monsieur Q... concernant votre site internet, je vous informe que les seuls éléments que nous pouvons vous envoyer sont les logos de nos marques propres (Ray-Ban, Persol, Vogue). »1244.

901. Luxottica souligne, enfin, avoir encadré dès 2011 les ventes en ligne des détaillants agréés et des pure players1245 et qu’il aurait été incohérent pour la préservation de son image de marque d’interdire aux détaillants agréés de vendre sur Internet tout en autorisant les pure players à le faire1246. Elle en déduit que certaines clauses figurant dans les contrats de détaillant agréé étaient obsolètes avant même leur modification1247, ce que les services d’instruction reconnaîtraient d’ailleurs eux-mêmes, en retenant comme date de fin des pratiques celle de la convention commerciale avec Optical Center1248.

902. Les chartes de détaillant agréé pour les marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari conclues le 30 octobre 2006 interdisent aux détaillants agréés de « vendre ou présenter les Produits par catalogue, par correspondance ou sur Internet ». Celles conclues ultérieurement prohibent la vente ou la présentation des produits « par catalogue ou par correspondance » (voir le paragraphe 456 et le Tableau 58 ci-avant).

903. Luxottica ne conteste pas que ces chartes interdisent aux détaillants agréés de vendre en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de ces marques.

904. Ces chartes constituent donc des preuves directes qui suffisent à établir la réalité d’une entente entre Luxottica et ses détaillants agréés pour interdire à ces derniers la vente en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue des marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari.

905. Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de Luxottica relatifs à l’existence de ventes de produits de ces marques réalisées sur Internet depuis 2001.

906. De fait, comme rappelé ci-avant, la démonstration d’un accord de volontés n’exige pas, en présence de preuves documentaires directes, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale (voir les paragraphes 568 et 569 ci-avant).

907. Du reste, les documents mis en avant par Luxottica – qui attestent uniquement que certains opticiens souhaitaient développer leurs ventes en ligne – ne suffisent pas à démontrer que Luxottica les a, effectivement, autorisés à vendre en ligne.

908. S’agissant du site Internet de la SARL Optique Chaussin, la présence de l’extrait de la page d’accueil de ce site mis en avant par Luxottica a été constatée le 28 août 2015, soit postérieurement à la fin des pratiques. Ce document ne permet donc pas de déduire que ce site vendait des produits des marques en cause dès sa création en 2001.

909. S’agissant des deux courriels internes communiqués par Luxottica en annexe de ses écritures, si le premier concerne effectivement une des marques en cause (Prada), Luxottica ne démontre pas que les instructions qu’il contient ont été effectivement communiquées à l’opticien. Quant au second, il ne vise que des marques autres que celles concernées par le grief (Ray Ban, Vogue et Persol), à l’instar du courriel du directeur marketing de Luxottica France à la SARL Rosset Optique.

910. S’agissant de la convention commerciale conclue avec Optical Center, il sera renvoyé aux paragraphes 850 et suivants ci-avant.

911. Enfin, Luxottica reconnaît elle-même que les pure players ne sont pas visés par le grief1249. Le fabricant ne peut donc se prévaloir de son comportement vis-à-vis de ce type de distributeurs pour contester la pratique qui lui est reprochée.

912. Il ressort de ce qui précède que :  l’interdiction de vente en ligne des produits de marque Prada et Prada Linea Rossa résulte directement des dispositions des chartes de détaillant agréé conclues du 30 octobre 2006 au 25 mars 20141250 ;  l’interdiction de vente en ligne des produits de marque Dolce & Gabbana, résulte directement des dispositions des contrats de détaillant agréé conclu du 30 octobre 2006 au 8 février 20111251 ; et  l’interdiction de vente en ligne des produits de marque Bulgari résulte directement des dispositions des contrats de détaillant agréé conclus du 30 octobre 2006 au 14 mars 20121252.

c. Sur la restriction de concurrence

913. La pratique poursuivie sera examinée à la lumière des principes rappelés aux paragraphes 803 et suivants ci-dessus.

914. S’agissant de la teneur et des objectifs des stipulations en cause, les dispositions contractuelles précitées ont pour objet d’interdire la vente en ligne des produits des marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari par les détaillants agréés par Luxottica.

915. S’agissant du contexte économique et juridique dans lequel les contrats en cause s’insèrent et de la possibilité de justifier la pratique constatée par la poursuite d’objectifs légitimes, dès lors que Luxottica poursuivait, par la signature des chartes de détaillant agréé en cause et des contrats de licence évoqués ci-avant, des objectifs analogues dans un contexte identique, il est renvoyé aux paragraphes 864 à 867 ci-avant.

916. Il s’en déduit que, à l’instar des clauses des contrats de licence précités, les clauses des chartes de détaillant agréé en cause ne sont pas objectivement justifiées et constituent donc des restrictions par objet au sens des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

917. La pratique poursuivie constituant une restriction caractérisée au sens de l’article 4 des règlements n° 2790/19991253 et nº 330/20101254, elle ne peut faire l’objet d’une exemption sur le fondement de l’article 2 de ces mêmes textes. Par ailleurs, dans la mesure où aucune demande en ce sens n’a été formulée par les entreprises mises en cause, il n’y a pas lieu d’examiner si la pratique en cause peut faire l’objet d’une exemption individuelle, sur le fondement des articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce.

d. Sur la continuité de la pratique

918. Luxottica soutient que le choix, par les services d’instruction, de la date du 11 février 2013 pour la fin de la pratique est à la fois contradictoire et arbitraire, les ventes sur Internet étant déjà autorisées depuis le 29 octobre 2007 – date d’un courriel d’Optical Center lui demandant d’« envoyer le logo d&G (sic) ainsi que cinq lignes d’argumentaire pour présenter la collection, c’est pour notre site internet. »1255 , demande à laquelle elle ne se serait pas opposée1256.

919. Or, comme il l’a été rappelé ci-avant, la réalité de l’entente entre Luxottica et ses détaillants agréés pour les marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari n’est remise en cause ni par le fait qu’Optical Center aurait procédé à des ventes en ligne sans subir de mesures de représailles de la part de Luxottica, ni par la convention du 11 février 2013.

920. S’agissant des détaillants agréés pour la vente de produits de marque Chanel, Luxottica a conclu avec eux, du 16 mars 2000 au 10 octobre 2014, des contrats leur interdisant de vendre en ligne ces produits1257. Ces contrats étaient reconductibles tacitement (voir paragraphes 202 à 204 ci-avant).

921. En outre, lors de son audition du 15 octobre 2014, la directrice de la SA Nagabbo a déclaré : « Le contrat de détaillant agréé Chanel n’a pas été renouvelé depuis au moins 10 ans et ils nous ont informés qu’un nouveau contrat encadrant la vente sur internet va être signé en janvier 2015. »1258.

922. Il résulte de ce qui précède que la pratique mise en œuvre par Luxottica s’agissant de ces distributeurs a été continue au moins du 14 juin 2002 au 11 février 2013.

923. S’agissant des détaillants agréés pour la vente de produits de marque Prada et Prada Linea Rossa, Luxottica a conclu avec eux, du 30 octobre 2006 au 25 mars 2014 des chartes leur interdisant de vendre en ligne ces produits1259. L’ensemble de ces chartes, à l’exception de celle signée le 30 octobre 2006, a été conclu pour une durée indéterminée (voir les paragraphes 205 à 209 ci-avant).

924. Il résulte de ce qui précède que la pratique mise en œuvre par Luxottica s’agissant de ces distributeurs a été continue, à tout le moins du 30 octobre 2006 au 11 février 2013.

925. S’agissant des détaillants agréés pour la vente de produits de marque Dolce & Gabbana, Luxottica a conclu avec eux, du 30 octobre 2006 au 8 février 2011, des chartes leur interdisant de vendre en ligne ces produits1260. L’ensemble de ces chartes, à l’exception de celle signée le 30 octobre 2006, a été conclu pour une durée indéterminée (voir les paragraphes 210 à 212 ci-avant).

926. Par ailleurs, Luxottica a indiqué le 14 août 2014, que la charte du 8 février 2011 correspondait à la version mise en place à compter du 1er août 2008 et utilisée jusqu’au démantèlement du réseau de distribution sélective pour la marque Dolce & Gabbana en 20131261 (voir le paragraphe 213 ci-avant).

927. Il résulte de ce qui précède que la pratique mise en œuvre par Luxottica s’agissant de ces distributeurs a été continue à tout le moins du 5 mars 2008 au 11 février 2013.

928. S’agissant, enfin, des détaillants agréés pour la vente de produits de marque Bulgari, Luxottica a conclu avec ces détaillants, du 30 octobre 2006 au 14 mars 2012, des chartes leur interdisant de vendre en ligne ces produits1262. L’ensemble de ces chartes, à l’exception de celle signée le 30 octobre 2006, a été conclu pour une durée indéterminée (voir les paragraphes 214 et 215 ci-avant).

929. Dès lors, la pratique mise en œuvre par Luxottica s’agissant de ces distributeurs a été continue au moins du 16 mai 2008 au 11 février 2013.

930. Il résulte de ce qui précède que la pratique d’entente sur l’interdiction de vendre en ligne mise en œuvre par Luxottica et certains de ses détaillants agréés est constituée et a perduré au cours des périodes récapitulées dans le Tableau 64 ci-dessous, étant précisé que le collège ne peut retenir une date de fin des pratiques postérieure à celle notifiée par les services d’instruction, soit le 11 février 2013.

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S’agissant des pratiques mises en œuvre par LVMH (voir le Tableau 46 ci-avant)

931. Ainsi qu’il ressort du procès-verbal en ce sens du 16 mai 20191263, le troisième grief notifié à LVMH le 28 mars 2019, selon lequel « LVMH Swiss Manufactures SA s’est entendue avec la société Logo du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, pour interdire aux distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer la vente par correspondance – laquelle inclut la vente sur Internet des montures de lunettes et lunettes solaires sur le marché de détail » – n’a pas été contesté par LVMH Swiss Manufactures SA et sa société mère LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton. Il est donc établi à leur égard.

Conclusion sur l’interdiction de revente en ligne des lunettes solaires et montures de lunettes de vue.

932. En vertu des paragraphes 817 à 930 ci-avant, les branches du grief n° 3 notifiées le 28 mars 2019 reprochées respectivement à Chanel et Luxottica, à Luxottica seule et à LVMH sont établies (voir le Tableau 65 ci-dessous).

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E. SUR L’IMPUTABILITÉ

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

933. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1, L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises. La notion d’entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. C’est cette entité économique qui doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle1264.

a) Sur l’imputabilité en cas de détention directe ou indirecte du capital d’une société

934. Ainsi que l’a rappelé la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation, les règles d’imputabilité, qui découlent de la notion d’entreprise visée aux articles 101 TFUE et 102 TFUE, relèvent des règles matérielles du droit européen de la concurrence. L’interprétation qu’en donnent les juridictions européennes s’impose donc aux autorités nationales de concurrence lorsqu’elles appliquent le droit européen ainsi qu’aux juridictions qui les contrôlent1265.

935. Or, en droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques1266.

936. Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de justice que, dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’Autorité de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère1267.

937. Selon cette jurisprudence, s’il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché, en l’absence de renversement de cette présomption, l’Autorité est en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale1268.

938. Enfin, comme l’ont rappelé les juridictions tant internes que de l’Union, cette présomption est compatible avec les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines. En effet, lorsqu’une entité économique enfreint les règles de concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction1269.

b) Sur l’imputabilité en cas de transformation des entreprises

939. Il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit en être tenue responsable1270.

940. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins à répondre de l’infraction commise.

941. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a été juridiquement transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteure de l’infraction, et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle1271.

942. Dès lors qu’elle n’a pas cessé d’exister juridiquement, la mise en redressement ou liquidation judiciaire d’une entreprise auteure de pratiques anticoncurrentielles ne la fait pas échapper à la responsabilité des pratiques dont elle doit répondre, même si ses actifs ont été cédés1272.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

a) S’agissant de Logo

943. Le grief n° 1 du 13 février 2015 notifié à la société Logo SAS, en tant qu’auteure, n’a pas été contesté par cette société.

944. À ce jour, la liquidation judiciaire de la société Logo SAS (voir le paragraphe 66 ci-avant) est toujours en cours et le jugement de clôture n’est pas intervenu. La société demeure, ainsi, inscrite au R.C.S et il convient donc de lui imputer les pratiques.

b) S’agissant de LVMH

945. Dès lors que les procès-verbaux de non-contestation des griefs, notifiés aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, en tant qu’auteure, et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, en tant que société mère, portent à la fois sur le grief n° 1 du 13 février 2015 et sur le grief n° 3 du 28 mars 2019 (voir les paragraphes 642 et 931 ci-avant), il y a lieu de retenir la responsabilité de ces sociétés s’agissant des deux griefs précités.

c) S’agissant de Luxottica et de Chanel

946. Le grief n° 1 du 13 février 2015 et le grief n° 3 du 28 mars 2019 ont été notifiés aux sociétés suivantes.

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S’agissant de Luxottica

947. Seront successivement examinées l’imputabilité aux sociétés auteures des pratiques visées par le grief n° 3 notifié le 28 mars 2019 (a), et par le grief n° 1 notifié le 13 février 2015 (b), puis l’imputabilité à la société mère de ces pratiques (c).

a. S’agissant des sociétés auxquelles le grief n° 3 du 28 mars 2019 a été notifié en tant qu’auteures

948. Le grief n° 3 notifié le 28 mars 2019 reproche à Luxottica, d’une part, une entente avec Chanel et, d’autre part, une entente avec les détaillants agréés pour les marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari.

949. S’agissant de la première branche de ce grief, visant une entente entre Luxottica et Chanel, il convient de rappeler que Luxottica SpA1274, Luxottica Srl1275 et Luxottica Trading & Finance Limited1276 sont respectivement parties aux contrats de licence conclus les 5 mai 1999, 16 février 2004 et 30 janvier 2008 avec Chanel. En outre, Luxottica Group SpA est signataire du contrat du 30 janvier 2008, en tant que garant1277. Enfin, Luxottica France – qui gère, en France, la branche lunettes de Luxottica Group SpA – a été chargée de la mise en œuvre de ces contrats sur le marché français de la distribution des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue.

950. Or, à la suite d’opérations de concentration, la société Luxottica SpA est devenue Luxottica Srl le 26 juillet 2001 et la société Sunglass Hut Ireland Limited a absorbé la société Luxottica Trading & Finance le 1er décembre 2016 (voir le paragraphe 57 ci-avant).

951. Par ailleurs, la société Luxottica France a fait l’objet de plusieurs transformations depuis 1999. En effet, Luxottica France SA est devenue Luxottica France SARL le 10 avril 2002, puis Luxottica France SASU le 29 juin 2007 (voir le paragraphe 57 ci-avant).

952. Il y a donc lieu de retenir la responsabilité, en tant qu’auteures des pratiques visées par la première branche du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019, des sociétés suivantes :  Luxottica France SASU, pour la période du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014 ;  Luxottica Srl, pour la période du 5 mai 1999 au 29 janvier 2008 ;  Sunglass Hut Ireland Limited et Luxottica Group SpA, pour la période du 30 janvier 2008 au 31 décembre 2014.

953. S’agissant de la seconde branche de ce grief, visant une entente entre Luxottica et ses détaillants agréés pour les marques Chanel, Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari, il convient de rappeler que la société Luxottica France SASU a conclu avec ces détaillants des contrats et chartes leur interdisant de vendre ses produits sur Internet, au cours des périodes respectives récapitulées dans le Tableau 67 ci-dessous.

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954. Il y a donc lieu de retenir la responsabilité, en tant qu’auteure de ces pratiques visées par la deuxième branche du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019, de la société Luxottica France SASU.

b. S’agissant de la société à laquelle le grief n° 1 notifié 13 février 2015 est imputé en tant qu’auteure

955. Il est établi que Luxottica a mis en œuvre des pratiques visant à maintenir certains niveaux de prix au sein de son réseau de distribution du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014 (voir les paragraphes 648 à 743 ci-avant). En vertu de ce qui est indiqué au paragraphe 951 ci-avant, il y a lieu de retenir la responsabilité de Luxottica France SASU pour l’intégralité de cette période.

c. S’agissant de la société à laquelle le grief n° 1 notifié le 13 février 2015 et le grief n° 3 notifié le 28 mars 2019, sont imputés en tant que société mère

956. Il convient de rappeler, en premier lieu, que Luxottica Group SpA détient intégralement (voir les paragraphes 57 et suivants ci-avant) :  la société Luxottica SpA – devenue Luxottica Srl – depuis 19991278 ;  la société Luxottica Trading & Finance – devenue Sunglass Hut Ireland Limited – depuis le 29 novembre 20051279 ; et  la société Luxottica France SA – devenue Luxottica France SARL puis Luxottica France SAS – depuis 19991280.

957. Ainsi, l’influence déterminante de la société Luxottica Group SpA sur les sociétés précitées peut être présumée. Cette présomption n’étant pas contestée par Luxottica, elle est réputée établie. Il convient donc de retenir la responsabilité de la société Luxottica Group SpA, en tant que société mère des sociétés précitées, au titre des griefs n° 1 notifié le 13 février 2015 et n° 3 notifié le 28 mars 2019.

S’agissant de Chanel

958. Chanel soutient que les griefs sont entachés d’erreurs et d’imprécisions quant à l’imputabilité des pratiques reprochées. D’une part, alors que les notifications de griefs indiquent que Chanel Coordination SAS était détenue à 100 % depuis 2006 par Chanel SAS, elles imputent les pratiques poursuivies aux sociétés Chanel Coordination et Chanel SAS, en tant qu’auteures1281. D’autre part, les notifications de griefs ne distingueraient pas suffisamment entre les pratiques reprochées à l’une et à l’autre de ces sociétés1282. Selon Chanel, Chanel Coordination SAS aurait reçu une délégation de Chanel SAS afin de suivre la commercialisation des lunettes de manière quotidienne, étant précisé que, pour ce qui concerne le territoire français, cette dernière serait la titulaire de la marque Chanel, signerait les contrats de licence et percevrait les redevances correspondantes1283.

959. En vertu de ce qui précède et du fait que Chanel SAS est signataire des contrats de licence conclus les 5 mai 19991284, 16 février 20041285 et 30 janvier 20041286 avec Luxottica, il y a lieu de retenir la responsabilité de cette seule société en tant qu’auteure des pratiques visées par le grief n° 3 notifié le 28 mars 2019.

960. Par ailleurs, dès lors que Chanel International BV détenait intégralement Chanel SAS de 1999 au 31 décembre 2014, et était détenue à 99,99 % par la société Arnam SARL de 2000 à 20181287, l’influence déterminante des sociétés Arnam SARL et Chanel International BV sur la société Chanel SAS peut-être présumée au cours des périodes de détention effective, en vertu de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 934 à 938 ci-avant. Cette présomption n’étant pas contestée par Chanel, elle est réputée établie. Enfin, la société Arnam SARL a changé de dénomination sociale, pour prendre le nom de Chanel SARL1288.

961. Par conséquent, il convient de retenir la responsabilité, en tant que sociétés mères, de :  Chanel International BV pour la période du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014 ;  Chanel SARL – anciennement dénommée Arnam SARL – pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2014.

F. SUR LES SANCTIONS

1. SUR L’IMPOSITION D’UNE SANCTION NULLE OU SYMBOLIQUE EN PRÉSENCE DE PRATIQUES SANS PRÉCÉDENT OU JURIDIQUEMENT INCERTAINES

962. Luxottica soutient que les pratiques de restriction des ventes en ligne qui lui sont imputées ne devraient donner lieu à aucune sanction ou à une sanction symbolique. Elle allègue, à cet égard, que le grief relatif aux ventes sur Internet est caractérisé par une incertitude juridique relative, d’une part, au caractère restrictif de concurrence des pratiques d’interdiction des ventes en ligne dans un système de distribution sélective avant l’arrêt Pierre Fabre de la Cour de Justice1289 et, d’autre part, aux interrogations sur la licéité des ventes en ligne de montures optiques jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Hamon1290.

963. Sur ce point, l’Autorité rappelle que, conformément à la jurisprudence Bang & Olufsen – précitée au paragraphe 866 ci-dessus – dans l’hypothèse où une incertitude quant à la licéité de mesures d’interdiction des ventes en ligne au détail édictées par un fabricant serait avérée, elle n’est pas de nature à remettre en cause l’existence de l’infraction qui lui est reprochée à ce titre, et doit uniquement être prise en compte dans l’appréciation de la gravité des pratiques (voir les paragraphes 1063 et suivants ci-après).

2. S’AGISSANT DU GRIEF N° 1 NOTIFIÉ LE 13 FÉVRIER 2015

964. Seront successivement examinées la détermination du montant de base de la sanction (a) et l’individualisation de la sanction (b).

a) Sur la détermination du montant de base de la sanction

965. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et l’article 5 du règlement n° 1/20031291 habilitent l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, ainsi que par les articles 101 et 102 TFUE.

966. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce précité prévoit que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

967. Par ailleurs, aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du même code, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % de montant du chiffre d’affaires mondial hors taxe le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

968. En l’espèce, l’Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, le « communiqué sanctions »).

969. Seront successivement déterminées, ci-après, la valeur des ventes (voir les paragraphes 970 à 983), la gravité des pratiques (voir les paragraphes 984 à 994), l’importance du dommage à l’économie (voir les paragraphes 995 à 1018) et la durée de l’infraction (voir les paragraphes 1020 à 1023). Des précisions sur la nécessité d’ajuster le montant de base de la sanction s’agissant de Logo seront, par ailleurs, apportées (voir le paragraphe 1024 ci-après).

Sur la valeur des ventes

a. Rappel des principes

970. En application du point 23 du communiqué sanctions, la pratique décisionnelle de l’Autorité retient comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction, la valeur des ventes réalisées par l’entreprise mise en cause pour les biens ou les services qui sont en relation avec l’infraction.

971. Par ailleurs, selon le point 33 du communiqué sanctions, la valeur des ventes est déterminée par référence au dernier exercice comptable complet de mise en œuvre des pratiques. Toutefois, suivant le point 37 du même communiqué, lorsque ce dernier exercice « ne constitue manifestement pas une référence représentative, l’Autorité retient un exercice qu’elle estime plus approprié ou une moyenne d’exercices, en motivant ce choix ».

b. Sur le périmètre de la valeur des ventes

972. Les pratiques poursuivies au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 ont porté sur les marchés de la distribution de montures de lunettes de vue et de la distribution des lunettes de soleil. Elles ont eu pour objet de restreindre la concurrence en ce qui concerne la vente au détail des produits fabriqués par Logo, Luxottica et LVMH (voir les paragraphes 641, 642, 643 et 744 à 762 ci-avant).

973. Logo allègue que le chiffre d’affaires de référence susceptible d’être retenu pour déterminer la sanction au titre du premier grief englobe d’autres marques, moins notoires que TAG Heuer et Fred, seules concernées par les éléments probants retenus par les services d’instruction. Elle prétend, ainsi, que ces autres marques ne devraient pas être considérées comme concernées par les pratiques et ne pas être prises en compte, partant, dans la valeur des ventes.

974. Luxottica soutient, de son côté, que l’existence d’incertitudes dans la notification des griefs et le rapport s’agissant des marques visées pour chaque fournisseur ne permettrait pas de circonscrire avec précision le montant des ventes à prendre en considération. Elle soutient, en tout état de cause, que les services d’instruction n’ont pas établi l’existence d’une entente générale de prix imposé entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs pour la période retenue, de sorte que seul le chiffre d’affaires réalisé par Luxottica avec les distributeurs pour lesquels l’Autorité considérerait qu’une entente verticale est établie devrait être retenu au titre de la valeur des ventes.

975. S’agissant de Logo, l’Autorité relève que l’entreprise, qui a sollicité le bénéfice du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, s’est engagée à ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Ceux-ci visent, d’une part, une entente du fabricant avec l’ensemble de ses distributeurs agréés TAG Heuer et, d’autre part, une entente, sur une période différente, avec l’ensemble de ses distributeurs. Logo ne saurait ainsi contester la prise en compte, aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, des ventes réalisées avec l’ensemble de ses distributeurs – pour une partie de la période infractionnelle – sans remettre en cause le périmètre de l’infraction tel qu’il ressort de la notification des griefs et partant, renoncer au bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs.

976. Cependant, dès lors que ces deux ententes ont partiellement été mises en œuvre au cours d’une période commune, l’Autorité tiendra compte du fait que la valeur des ventes de Logo à l’ensemble de ses distributeurs inclut, notamment, la valeur des ventes de Logo à ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer et retraitera, en conséquence, les chiffres d’affaires correspondant aux ventes des produits TAG Heuer, afin d’éviter de les comptabiliser deux fois (voir le paragraphe 1024 ci-après).

977. S’agissant de Luxottica, comme il a été relevé aux paragraphes 533 et suivants ci-avant, il ressort du libellé même du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 que celui-ci vise une entente de Luxottica avec « l’ensemble de ses distributeurs », sans distinguer, à la différence du second grief notifié à la même date, le type de distributeurs concernés ni restreindre le champ du grief aux produits vendus sous certaines marques en particulier. L’existence d’une telle entente a, d’ailleurs, été démontrée aux paragraphes 648 à 743 ci-avant1292.

978. Par conséquent, Luxottica ne saurait tirer argument de la circonstance que la notification de griefs du 13 février 2015 et le rapport du 21 juillet 2016 font référence à certaines marques en particulier, afin d’illustrer la teneur des pratiques en cause, pour contester le caractère généralisé de cette entente.

979. Il ressort de ce qui précède que doivent être retenus, au titre de la valeur des ventes :  s’agissant de Luxottica, le chiffre d’affaires correspondant à la vente de l’ensemble des montures de lunettes et des lunettes de soleil fabriquées par Luxottica ;  s’agissant de LVMH, le chiffre d’affaires correspondant à la vente de l’ensemble des montures de lunettes et des lunettes de soleil de la marque TAG Heuer ;  s’agissant de Logo, les chiffres d’affaires correspondant aux ventes des montures de lunettes et des lunettes de soleil de l’ensemble des marques fabriquées par Logo et de la marque TAG Heuer, qui seront retraités selon la méthode décrite au paragraphe 1024 ci-après.

c. Sur l’exercice de référence

980. S’agissant de Logo, il a été établi, et n’a pas été contesté par l’entreprise, que celle-ci a mis en œuvre deux ententes – la première avec l’ensemble de ses distributeurs, de 2006 au 13 février 2015 et la seconde avec l’ensemble des distributeurs agréés TAG Heuer, du 3 mars 2002 à 2011 (voir les paragraphes 643 et suivants ci-avant). En conséquence, l’Autorité retiendra, au titre de l’exercice de référence, pour la première pratique, l’exercice 2014 et, pour la seconde, l’exercice 2011.

981. S’agissant de Luxottica, celle-ci soutient que le rapport n’identifie pas de manière suffisamment précise les éléments qui permettraient de retenir une entente avec ses distributeurs au-delà de 2009, de sorte que l’année de référence devrait être fixée à 2008. Il a, toutefois, été établi qu’elle s’est entendue avec l’ensemble de ses distributeurs du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014 (voir les paragraphes 648 à 743 ci-avant). En conséquence, le dernier exercice complet de participation de Luxottica à l’infraction est l’exercice 2013.

982. S’agissant de LVMH, il a été établi, et n’a pas été contesté par l’entreprise, que celle-ci s’est entendue avec Logo du 6 septembre 1999 au 13 février 2015. En conséquence, le dernier exercice complet de participation de LVMH à l’infraction est l’exercice 2014.

d. Conclusion

983. Il ressort de ce qui précède que l’assiette sur laquelle sera assise la sanction prononcée au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 est la suivante :

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Sur la gravité des pratiques

984. En vertu du point 26 du communiqué sanctions, afin d’apprécier la gravité des faits, il convient d’examiner successivement la nature de l’infraction, la qualité des personnes susceptibles d’être affectées et les caractéristiques objectives de l’infraction.

985. En l’espèce, il a été établi que :  Logo a mis en œuvre deux ententes – la première avec l’ensemble de ses distributeurs, la seconde avec l’ensemble des distributeurs agréés TAG Heuer. Le grief n’a pas été contesté par l’entreprise mise en cause ;  Luxottica s’est entendue avec l’ensemble de ses distributeurs du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014 sur les prix de vente au détail de ses produits ;  LVMH s’est entendue avec Logo SAS du 6 septembre 1999 au 13 février 2015. Le grief n’a pas été contesté par l’entreprise mise en cause.

986. Ces pratiques ont eu pour objet de restreindre le libre jeu de la concurrence en matière de fixation des prix aux consommateurs. Plus précisément, elles ont contribué à harmoniser les prix des produits fabriqués par Logo, Luxottica et LVMH et ainsi, à réduire la concurrence intra-marque au sein des revendeurs de ces produits, privant de ce fait les clients finals de la possibilité de profiter de prix concurrentiels. Les pratiques ont également pu contribuer à restreindre la concurrence inter-marques sur le marché de la distribution des montures de lunettes de vue et le marché de la distribution des lunettes de soleil.

987. Luxottica et LVMH soutiennent que la gravité des pratiques en cause doit être relativisée compte tenu de leur nature, de leurs caractéristiques objectives et de celles du secteur dans lequel elles ont été mises en œuvre.

988. S’agissant de la nature des pratiques en cause, Luxottica et LVMH soulignent que les pratiques verticales sont considérées avec constance comme d’une gravité moindre que celle attachée aux ententes horizontales.

989. Si ce constat est exact, il n’exclut pas, toutefois, que ce type de pratiques puisse être analysé comme présentant un degré certain de gravité1297. S’agissant, plus particulièrement, des ententes verticales sur les prix, la cour d’appel de Paris a, ainsi, rappelé, dans son arrêt du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, précité, que de telles ententes « même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; que les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d’autant plus d’être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marques demeure »1298.

990. S’agissant des caractéristiques objectives des pratiques en cause, Luxottica soutient que les services d’instruction n’ont pas démontré que les fournisseurs ont mis en place des mesures de surveillance et de police des prix. Toutefois, comme il a été relevé aux paragraphes 689 et suivants ci-avant, Luxottica surveillait les pratiques tarifaires de ses distributeurs, soit en association avec Chanel, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses distributeurs et est intervenue auprès des distributeurs pratiquant des prix inférieurs aux prix qu’elle diffusait, allant jusqu’à leur imposer des sanctions. De telles interventions sont de nature à accroître la gravité des pratiques en cause (voir le point 26 du communiqué sanctions).

991. S’agissant de la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause et de la nature des personnes susceptibles d’être affectées, Luxottica et LVMH mettent en cause l’analyse des services d’instruction selon laquelle les consommateurs affectés par les pratiques présentent un caractère captif, voire vulnérable. Selon Luxottica, le caractère captif de la clientèle est un critère d’appréciation du dommage à l’économie et non de la gravité et doit, par ailleurs, nécessairement être relativisé s’agissant des pratiques qui lui sont imputées, dans la mesure où 60 % de ses ventes concerneraient les montures solaires. LVMH souligne par ailleurs que les acheteurs de lunettes bénéficient d’une offre très diversifiée en raison de la faible concentration sur le marché et du nombre très important de points de vente au détail sur le marché français.

992. Comme le relève également LVMH, le secteur de l’optique-lunetterie dans lequel les pratiques ont été mises en œuvre est caractérisé par l’existence de nombreux points de vente, en croissance constante, et a représenté, en 2014, un chiffre d’affaires qui s’élevait à environ 6,5 milliards d’euros (voir le paragraphe 25 ci-avant). Toutefois, dans la mesure où elles ont été mises en œuvre par Luxottica et Logo avec l’ensemble de leurs distributeurs – y compris les points de vente nouvellement créés au cours de la période infractionnelle – les pratiques ont pu limiter les bénéfices que les consommateurs auraient pu retirer du surcroît de dynamisme concurrentiel constaté.

993. Enfin, comme l’ont relevé les services d’instruction, s’agissant des montures de lunettes de vue, les pratiques ont visé directement la vente des produits aux consommateurs finaux, pour partie captifs et vulnérables. En effet, plus de 70 % des Français, ainsi que plus de 90 % des adultes de plus de 50 ans, portent des lunettes d’optique – prescrites par un médecin afin de remédier au handicap dont ils souffrent1299 – et 61 % des Français portent régulièrement des lunettes solaires1300, conformément aux recommandations de Santé publique France relatives aux risques pour la santé causés par l’exposition au soleil1301. Par ailleurs, en 2019, le budget annuel moyen par ménage en articles d’optique s’élevait à 201 euros environ1302, ce qui représente un reste à charge élevé1303, conduisant 17 % des 20 % des Français aux revenus les plus faibles à renoncer, pour des raisons financières, à acquérir les équipements d’optique dont ils ont pourtant besoin.

994. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause présentent un caractère de gravité certain.

Sur l’importance du dommage causé à l’économie

a. Rappel des principes

995. L’importance du dommage causé à l’économie ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s’apprécie en fonction de la perturbation générale qu’elles sont de nature à engendrer pour l’économie1304.

996. Dans un arrêt du 26 janvier 2010, Adecco France, la cour d’appel de Paris a précisé, s’agissant du périmètre de cette perturbation générale, que « l’appréciation de l’importance du dommage à l’économie […], qui ne se limite pas, par principe, à la seule atteinte au surplus économique des consommateurs, doit porter sur la perte du surplus subie par l’ensemble des opérateurs du marché, entreprises concurrentes, offreurs ou demandeurs »1305.

997. L’existence du dommage à l’économie ne se présume pas1306. Elle s’apprécie de manière objective et globale en prenant en compte l’ensemble des éléments pertinents de l’espèce.

998. Il convient, par ailleurs, de rappeler que si, selon une jurisprudence constante, l’Autorité n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l’économie, elle doit néanmoins procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause1307. Pour apprécier le dommage causé à l’économie, l’Autorité prend en considération les effets tant avérés que potentiels de la pratique1308.

999. Enfin, l’Autorité tient notamment compte, pour apprécier l’incidence économique de la pratique en cause, de l’ampleur de l’infraction, telle que caractérisée en particulier par sa couverture géographique ou par la part de marché de l’entreprise sanctionnée sur le marché concerné, de sa durée, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques du secteur concerné1309.

b. Sur la prise en compte du dommage résultant de l’action cumulée des entreprises mises en cause

1000. Luxottica et LVMH considèrent que le dommage à l’économie causé par plusieurs ententes verticales – lorsque les pratiques en causes ne sont pas généralisées dans une profession donnée ou lorsqu’elles se combinent avec une pratique horizontale – ne s’apprécie pas globalement, mais en distinguant les pratiques mises en œuvre par chacune des entreprises mises en cause.

1001. Toutefois, en vertu d’une pratique décisionnelle et d’une jurisprudence constantes1310 et du point 31 du communiqué sanctions, l’Autorité apprécie globalement l’importance du dommage causé à l’économie, sans préjudice des éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chacune des entreprises concernées, qui sont pris en considération séparément.

1002. En l’espèce, les pratiques sanctionnées sont de même nature et ont été mises en œuvre sur le même marché. En conséquence, le dommage qu’elles ont causé à l’économie sera apprécié de manière globale, conformément aux principes rappelés au paragraphe précédent. Les éléments propres au comportement et à la situation de chacune des entreprises mises en cause seront examinés dans les développements relatifs à l’individualisation de la sanction (voir les paragraphes 1026 et suivants ci-après).

c. Sur l’ampleur des pratiques

1003. Luxottica et LVMH soutiennent que l’ampleur des pratiques en cause doit être relativisée. Elles allèguent, à cet égard, que l’essentiel du marché n’est pas concerné par les pratiques qui leur sont imputées, de sorte que, malgré les pratiques, la concurrence a continué de s’exercer sur une part substantielle du marché.

1004. À cet égard, nonobstant le fait que les parts de marché des entreprises mises en cause – appréciées sur les marchés des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue – ne permettent pas de considérer que les pratiques mises en œuvre ont couvert l’essentiel de ces marchés (voir le paragraphe 61 ci-avant), il a été établi que les restrictions en cause étaient d’une particulière intensité. Sur ce point, l’Autorité relève notamment que Logo et Luxottica, contrairement à ce que persiste à soutenir cette dernière pour en tempérer la portée, sont intervenues à de multiples reprises pour empêcher les détaillants de pratiquer des prix inférieurs aux prix et niveaux de prix imposés, en particulier en cas de promotions tarifaires (voir Tableau 16 et les paragraphes 686 à 710 ci-avant).

1005. De surcroît, Luxottica s’est appuyée sur les contrats signés avec ses distributeurs – interdisant, ainsi qu’il a été établi, certains niveaux de prix au détail – afin de mettre en œuvre l’entente verticale sur les prix dont l’existence a été démontrée aux paragraphes 648 à 743 ci-avant. Plus encore, LVMH a conclu des contrats de licence avec Logo engageant cette dernière à « mettre tout en œuvre pour inciter et faire contrôler le respect des prix de détail sur les différents marchés, dans la mesure où la législation locale le permet. »1311 (voir les paragraphes 110 à 113 ci-avant). Enfin, Logo a conclu avec ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer des contrats de dépositaire agréé qui prévoyaient explicitement un prix de vente minimum, obligeant les distributeurs à ne pas s’éloigner du prix de vente recommandé, au risque de « reconsidérer l’agrément de distribution »1312 (voir les paragraphes 118 à 121 ci-avant).

1006. Enfin, il convient de rappeler que les pratiques en cause ont été mises en œuvre sur l’ensemble du territoire français1313 pendant une période de près de seize années.

d. Sur les caractéristiques économiques du secteur

1007. Luxottica et LVMH allèguent que les spécificités structurelles du marché ont permis aux consommateurs, nonobstant les pratiques, de continuer à bénéficier de la concurrence qui s’est exercée entre de nombreux points de vente, concernant l’essentiel des produits. Luxottica soutient, par ailleurs, que le marché est faiblement concentré – et ainsi ne comprend pas de barrières à l’entrée – et qu’il est caractérisé par un niveau élevé de concurrence, à l’amont comme à l’aval, ainsi que par une forte élasticité-prix de la demande. Luxottica soutient également que c’est à tort que les services d’instruction considèrent que les promotions « tapageuses » de certaines enseignes de l’optique – telles qu’Optical Center, Optical Discount, Optic Duroc, Grand Optical et Alain Afflelou, qui représentaient un peu plus de 20 % du chiffre d’affaires des distributeurs – constituent la norme sur les marchés en cause. Enfin, selon Luxottica, si l’Autorité devait considérer qu’il est illicite d’exclure les marques de luxe, premium, ou haut de gamme de ces promotions, les titulaires de ces marques devraient nécessairement en tirer les conséquences et quitter le marché de l’optique, ou en internaliser totalement la distribution, ce qui réduirait, in fine, le choix pour les consommateurs.

1008. La portée de ces différents arguments doit toutefois être relativisée. S’agissant de la concurrence intra-marque, comme il a été relevé aux paragraphes 992 et suivants ci-avant à propos de la gravité des pratiques, le secteur dans lequel ces dernières ont été mises en œuvre est caractérisé par le nombre élevé de points de vente au détail. La distribution des montures d’optique et des montures solaires est assurée par une dizaine de milliers d’opticiens, pour partie regroupés au sein d’enseignes nationales.

1009. Par ailleurs, comme le relèvent Luxottica et LVMH, la concurrence entre les enseignes est relativement vive, ce dont attestent la fréquence et l’ampleur des campagnes de promotion qu’elles mettent en œuvre (voir, par exemple, les paragraphes 402 et suivants ci-avant). Un tel contexte aurait été de nature à favoriser la concurrence intra-marque, en l’absence des pratiques poursuivies.

1010. S’agissant de la concurrence inter-marques, la multiplicité des marques et le caractère limité de leurs parts de marchés respectives est de nature à favoriser une telle concurrence, bien que la circonstance que les mêmes acteurs soient responsables de la fabrication d’un grand nombre de montures sous des marques différentes, leur différenciation importante (en matière de niveau de gamme, de prix, d’image et de valeurs véhiculées) et la forte notoriété des marques concernées en limite l’intensité, les consommateurs pouvant être fortement attachés à une marque plutôt qu’à d’autres.

1011. En outre, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 756 ci-avant, la cour d’appel de Paris a souligné, dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International – en faisant référence aux lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales1314 – que « l’expérience a établi que la diminution de la concurrence intra-marquess (sic), en réduisant la pression à la baisse sur le prix du bien désigné, a pour effet indirect d’affaiblir la concurrence inter-marques »1315. Si la cour a relevé que cet effet est d’autant plus prononcé que le marché est concentré, elle ne l’a pas pour autant exclu lorsque le marché est, comme en l’espèce, relativement peu concentré.

1012. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent LVMH et Luxottica, les barrières à l’entrée sur le marché sont significatives. En effet, l’entrée sur le marché nécessite des investissements importants, notamment pour développer l’image de marque. C’est la raison pour laquelle, d’une part, peu de marques nouvelles sont entrées sur le marché au cours de la période couverte par les pratiques et, d’autre part, celles qui ont pu y entrer n’ont que des parts de marché marginales.

1013. Enfin, si, comme le soulignent les entreprises mises en cause, l’élasticité-prix de la demande est limitée, s’agissant des montures optiques, elle apparaît beaucoup plus forte s’agissant des lunettes solaires. De fait, les assurances complémentaires de santé limitent le reste à charge pour les consommateurs lors de l’achat de montures de lunettes de vue, mais ne prennent généralement pas en charge l’acquisition de lunettes solaires.

1014. Il convient toutefois de relever que l’augmentation du nombre de plateformes Internet vendant des montures à bas prix a pu mener, en dépit de son caractère limité, à une concurrence par les prix plus intense1316.

e. Sur les conséquences conjoncturelles et structurelles de l’infraction

1015. Luxottica – qui reproche aux services d’instruction d’avoir présumé l’existence du dommage en l’espèce – considère que les pratiques en cause n’ont eu aucun impact significatif sur le marché et n’ont, partant, entraîné aucune conséquence conjoncturelle. Elle soutient que les pratiques n’ont pu, dans le contexte dans lequel elles ont été mises en œuvre, causer qu’un très faible dommage à l’économie. De manière analogue, LVMH – qui ne conteste pas le grief d’entente qui lui a été notifié – prétend qu’une concurrence par les prix a perduré en dépit des pratiques.

1016. Toutefois, le poids économique des marques concernées par les pratiques et des détaillants qui les ont mises en œuvre permet de considérer qu’elles ont eu un effet conjoncturel sur les marchés considérés. C’est particulièrement le cas pour Luxottica, qui fabrique des montures de nombreuses marques et disposait, en 2011 et en valeur, de 45 % du marché de la vente des lunettes de soleil et de 21 % du marché de la vente des montures de lunettes d’optiques1317.

1017. Les pratiques en cause ont ainsi eu pour conséquence d’affaiblir la concurrence intra-marque pour les marques concernées par l’infraction, alors qu’en leur absence, la structure du marché aurait favorisé une vive concurrence entre les distributeurs da chacune desdites marques. L’Autorité relève, cependant, que le dommage causé à l’économie par les pratiques tarifaires de l’espèce a été tempéré par l’existence d’une concurrence plus vive pour les marques qui n’étaient pas concernées par ce type de restrictions.

f. Conclusion

1018. Il ressort de ce qui précède que le dommage causé à l’économie par les pratiques tarifaires en cause apparaît certain, dans la mesure où elles ont porté sur des marques notoires de montures et de lunettes, ont affecté la concurrence intra-marque pendant une longue durée, et ont notamment concerné de grandes enseignes nationales, telles qu’Alain Afflelou, Krys, GrandVision ou Optical Center. Le dommage présente toutefois un caractère modéré, dès lors que les pratiques poursuivies n’ont concerné qu’une partie des marchés en cause.

Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes

1019. Compte tenu de l’appréciation qu’elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et du caractère modéré du dommage causé à l’économie dans le secteur concerné, l’Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de 8 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires prononcées au titre des griefs de restriction de la liberté tarifaire des distributeurs notifiés à Logo, LVMH et Luxottica.

Sur la durée

1020. Dans le cas d’infractions qui se sont prolongées plus d’une année, l’Autorité s’est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle aux pratiques de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l’exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de participation suivantes. Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent1318.

1021. Dans chaque cas d’espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d’entre elles pendant l’exercice comptable retenu comme référence.

1022. Au cas présent, il a été établi que :  LVMH Swiss Manufactures SA s’est entendue avec Logo SAS, de septembre 1999 au 13 février 2015 (voir le paragraphe 642 ci-avant) ;  Logo s’est entendue avec l’ensemble de ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer, du 3 mars 2002 à 2011et avec l’ensemble de ses distributeurs, de 2006 au 13 février 2015 (voir le paragraphe 643 ci-avant)  Luxottica s’est entendue avec l’ensemble de ses distributeurs du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014 (voir les paragraphes 648 à 743 ci-avant).

1023. En conséquence, la durée des pratiques retenue pour la détermination du montant de base est de :  15 ans et 5 mois pour l’entente entre LVMH et Logo, soit un coefficient multiplicateur de 8,20 ;  9 ans et 9 mois pour l’entente entre Logo et ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer, soit un coefficient multiplicateur de 5,37 ;  9 ans et 1 mois pour l’entente entre Logo et l’ensemble de ses distributeurs, soit un coefficient multiplicateur de 5,04 ;  9 ans et 4 mois pour l’entente entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs, soit un coefficient multiplicateur de 5,16.

Sur l’ajustement du montant de base s’agissant de Logo

1024. Lors de la détermination du montant de base de la sanction pécuniaire encourue par Logo, il convient de tenir compte du fait que la valeur des ventes de Logo à l’ensemble de ses distributeurs inclut, notamment, la valeur des ventes de Logo à ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer. En effet, la somme des montants de base correspondant à chacune des deux ententes sanctionnées pour Logo comptabilise deux fois cette dernière valeur des ventes sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2011. En conséquence, la valeur des ventes sera retraitée afin de neutraliser cette double comptabilisation.

Conclusion sur la détermination du montant de base

1025. Eu égard à la gravité des faits et au dommage causé à l’économie par les pratiques en cause, le montant de base des sanctions pécuniaires, déterminé en proportion des ventes en relation avec l’infraction réalisées par les entreprises concernées, d’une part, et en fonction de la durée de l’infraction, d’autre part, est présenté dans le Tableau 68 ci-dessous.

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b) Sur l’individualisation de la sanction

1026. Dans son communiqué sanctions, l’Autorité s’est engagée à adapter le montant de base retenu reflétant la gravité des faits et l’importance du dommage causé à l’économie au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de l’entreprise sanctionnée et, quand c’est le cas, du groupe auquel elle appartient. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes et aggravantes caractérisant le comportement de l’entreprise mise en cause dans la commission des infractions, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en compte peut conduire à ajuster le montant de la sanction tant à la baisse qu’à la hausse1319.

1027. Luxottica et LVMH allèguent, à cet égard, que l’Autorité ne serait pas fondée, en l’espèce, à retenir à leur égard un facteur aggravant tiré de leur appartenance à des groupes disposant d’une taille et d’une puissance économique importante.

1028. Logo et Luxottica soutiennent, par ailleurs, que l’Autorité devrait adapter la sanction pécuniaire à la baisse pour tenir compte du fait qu’elles mènent la totalité ou l’essentiel de leur activité sur le secteur ou le marché en relation avec l’infraction (entreprise « mono-produit »). Sur le même point, Logo argue de son statut de PME pour soutenir qu’elle n’était pas en mesure de se distancier des pratiques décrites dans la notification des griefs comme étant généralisées dans le secteur.

1029. Luxottica allègue enfin qu’il incombe de modérer le montant de la sanction en raison des circonstances économiques et financières exceptionnelles résultant de la pandémie de coronavirus Covid-19.

1030. Sur le premier point, en vertu des points 47 et 48 du communiqué sanctions : « [a]fin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, l’Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise ou de l’organisme concerné. […] Elle peut aussi l’adapter à la hausse pour tenir compte du fait que : l’entreprise concernée dispose d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l’infraction ; le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ».

1031. En ce qui concerne l’adaptation à la hausse du montant de la sanction, il est de jurisprudence constante que l’appréciation de la situation individuelle peut conduire à prendre en considération l’envergure de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient1320.

1032. Ainsi, la Cour de justice, tout en soulignant que le recours à la valeur des ventes de l’entreprise en cause permet de proportionner l’assiette de la sanction à l’ampleur économique de l’infraction et au poids relatif de l’intéressée sur le secteur ou marché en cause, rappelle qu’il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d’affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources1321.

1033. De fait, la circonstance qu’une entreprise dispose d’une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d’une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire1322.

1034. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive – objectif également mis en exergue, s’agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence, par la Cour européenne des droits de l’homme1323, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée1324.

1035. La cour d’appel de Paris l’a encore récemment rappelé dans un arrêt du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag SAS1325. Elle a, en effet, précisé que la majoration du montant de base de la sanction en raison de l’appartenance à un groupe dépendait des circonstances de fait et du contexte propre à chaque espèce. Par ailleurs, elle a admis que cette puissance pouvait être révélée par le faible ratio entre la valeur des ventes retenues pour le calcul de l’assiette de la sanction et le chiffre d’affaires du groupe auquel appartient l’auteur de l’infraction.

En ce qui concerne LVMH

1036. LVMH soutient qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation1326 et de la cour d’appel de Paris1327 que lorsque l’entreprise auteure des pratiques sanctionnée s’est comportée de manière autonome sur le marché, l’Autorité doit, avant de lui appliquer une majoration de son amende pour appartenance à un grand groupe, démontrer que l’appartenance à un groupe disposant d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes a joué, dans les faits, un rôle dans la mise en œuvre de ces pratiques. Sur ce point, elle allègue, en outre, que cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme dispensant les services d’instruction de justifier l’application d’une telle majoration du seul fait que l’infraction a été, pour des raisons de pure détention capitalistique, imputée à la société mère de la société auteure des pratiques1328.

1037. Toutefois, la cour d’appel de Paris a jugé que, pour appliquer une telle majoration, l’Autorité n’est pas dans l’obligation « de démontrer en quoi l’appartenance à un groupe a joué un rôle dans la commission des pratiques, dès lors que la société faîtière du groupe, société mère, qui s’est vu imputer les pratiques, et la société auteur des pratiques constituent une entreprise unique au sens du droit de la concurrence »1329. De même, elle a jugé que, lorsque la société mère d’un groupe est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, et que, pour cette raison, les pratiques mises en œuvre par celle-ci doivent lui être imputées, « il s’en déduit, par définition, que l’appartenance [de la filiale au groupe] a joué un rôle dans la mise en œuvre de ces pratiques »1330. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ce n’est en effet que lorsque l’autonomie d’une filiale a été constatée qu’il convient de tenir compte du rôle joué par l’appartenance à un groupe dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou de son influence sur la gravité de ces pratiques1331.

1038. En l’espèce, l’infraction poursuivie a été imputée aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, en tant qu’auteure, et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, en tant que société mère, qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence (voir le paragraphe 945 ci-avant). Ainsi, LVMH, qui ne conteste pas cette imputabilité, ne peut utilement soutenir que LVMH Swiss Manufactures SA a agi de manière autonome.

1039. Par conséquent, l’Autorité ne saurait être tenue de démontrer que l’appartenance de cette société à un groupe a joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou a été de nature à influer sur l’appréciation de la gravité de ces pratiques.

1040. Il sera par ailleurs souligné que LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, devenue LVMH SE, jouit d’une taille et d’une puissance économique majeures. Ses ressources financières sont en effet très importantes, son chiffre d’affaires consolidé hors taxes s’élevant à 53 670 000 000 d’euros en 20191332. La valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions prononcées au titre de l’infraction poursuivie ne représente donc, pour l’année 2019, que 0,001 % du chiffre d’affaires total de LVMH SE.

1041. Compte tenu de ces éléments, le montant de base des sanctions pécuniaires infligées aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton doit être augmenté de 100 %.

1042. Enfin, les observations de LVMH quant à la durée des pratiques ne sauraient être prises en considération, compte tenu de la circonstance que l’entreprise a renoncé, sur le fondement du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, à contester les griefs (voir les paragraphes 641 et 642 ci-avant).

En ce qui concerne Logo

1043. Logo ne saurait, tout d’abord, soutenir que le montant de base de la sanction devrait être réduit au motif que son activité présenterait un caractère mono-produit. En effet, la valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions prononcées au titre de l’infraction poursuivie représente moins de 50 % des chiffres d’affaires réalisés par Logo pendant la période au cours de laquelle les pratiques ont été mises en œuvre1333.

1044. Par ailleurs, si l’Autorité peut, dans certaines circonstances, réduire le montant de base de la sanction pécuniaire encourue par une entreprise au motif qu’elle a été contrainte de participer à l’infraction, il incombe à cette dernière d’établir l’existence de la contrainte alléguée. En l’espèce, Logo ne fournit aucun élément en ce sens et l’existence d’une situation de contrainte ne saurait, à l’évidence, s’inférer de la seule comparaison des capacités économiques et financières respectives des différentes entreprises mises en cause.

1045. Pour l’ensemble de ces motifs, les arguments de Logo tendant à l’adaptation à la baisse du montant de la sanction retenue à son encontre doivent être écartés.

En ce qui concerne Luxottica

1046. En l’espèce, l’infraction poursuivie a été imputée aux sociétés Luxottica France SASU, Luxottica SpA, Luxottica Srl, Luxottica Trading & Finance Limited et Luxottica Group SpA, en tant qu’auteures, et à la société Luxottica Group SpA, en tant que société mère, qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence (voir les paragraphes 956 et 957 ci-avant).

1047. Ces sociétés appartiennent au groupe Luxottica, leader mondial dans la fabrication et la distribution de lunettes, qui jouit d’une taille et d’une puissance économique majeures. Ses ressources financières globales sont en effet très importantes, son chiffre d’affaires consolidé hors taxes s’élevant à 9 550 472 565 euros en 20191334. La valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions prononcées au titre de l’infraction poursuivie représente ainsi, pour l’année 2019, seulement 2,5 % du chiffre d’affaires total du groupe Luxottica.

1048. Compte tenu de ces éléments, ainsi que des principes rappelés au paragraphe 1037 ci-avant, le montant de base des sanctions pécuniaires infligées aux sociétés susvisées doit être augmenté de 10 %.

1049. Par ailleurs, si les circonstances économiques et financières résultant d’une situation de crise, telles que la pandémie de coronavirus Covid-19, peuvent, dans certaines hypothèses, être prises en considération pour minorer le montant de base de la sanction, il incombe aux entreprises qui s’en prévalent de démontrer que lesdites circonstances affectent leur capacité contributive. Or, Luxottica ne fournit aucun élément circonstancié à l’appui de ses allégations. Il sera observé, au surplus, que les magasins d’optique ont été considérés comme des commerces essentiels pendant les périodes de confinement et ont pu poursuivre leur activité.

1050. Enfin, Luxottica est infondée à soutenir que le montant de base de la sanction devrait être réduit au motif que son activité présenterait un caractère mono-produit. En effet, si l’Autorité peut, en vertu du point 48 de son communiqué sanctions, adapter le montant de base pour tenir compte de la circonstance que l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction, l’appréciation du caractère mono- produit de l’activité repose sur la comparaison entre la valeur des ventes en relation avec l’infraction et le chiffre d’affaires consolidé du groupe1335. Or, comme indiqué ci-avant, la valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions prononcées au titre de l’infraction poursuivie ne représente que 2,5 % du chiffre d’affaires total du groupe Luxottica pour l’année 2019. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de l’infraction imputée à Luxottica à ce titre.

2. S’AGISSANT DU GRIEF N° 3 DU 28 MARS 2019

1051. En application du point 7 du communiqué sanctions, lorsqu’elle détermine les sanctions pécuniaires qu’elle impose en vertu du I de l’article L.464-2 du code de commerce, l’Autorité applique les modalités décrites dans ce communiqué, sauf à ce qu’elle explique, dans la motivation de sa décision, « les circonstances particulières ou les raisons d’intérêt général la conduisant à s’en écarter dans un cas donné ».

1052. En l’espèce, les pratiques sanctionnées ont été mises en œuvre par Chanel, Logo, LVMH et Luxottica, au cours de périodes différentes, mais qui ont chacune pour point de départ une date antérieure à l’arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre. Or, comme l’a relevé la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 13 mai 2014, Bang & Olufsen, « le droit et la jurisprudence applicables en la matière n’étaient pas clairement fixés avant l’arrêt [Pierre Fabre] de la cour de justice du 13 octobre 2011 », selon lequel une clause portant interdiction des ventes en ligne constitue une restriction par objet si elle n’est pas objectivement justifiée1336 (voir le paragraphe 804 ci-avant). L’incertitude qui existait ainsi, avant l’arrêt Pierre Fabre, quant à la qualification des pratiques sanctionnées doit être prise en considération dans la détermination de la sanction infligée. Cette circonstance justifie, dans les circonstances particulières de l’espèce, de déroger à l’application du communiqué sanctions pour la détermination des sanctions pécuniaires infligées à Logo, LVMH et Luxottica au titre du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019.

a) Sur la gravité des pratiques

1053. Afin d’apprécier la gravité des faits au cas d’espèce, il convient d’examiner successivement la nature de l’infraction, la qualité des personnes susceptibles d’être affectées et les caractéristiques objectives de l’infraction.

1054. Luxottica et LVMH allèguent, tout d’abord, que la gravité des pratiques de l’espèce doit être relativisée dans la mesure où les pratiques verticales, qui n’affecteraient que la concurrence intra-marque, seraient considérées comme d’une gravité moindre que les pratiques horizontales et que les autres pratiques restreignant la concurrence inter-marques.

1055. Par ailleurs, Luxottica et LVMH soutiennent que l’Autorité doit prendre en considération, afin de relativiser la gravité de la pratique, les incertitudes juridiques quant à la légalité, du point de vue du droit de la concurrence, d’une interdiction faite aux membres d’un réseau de distribution sélective d’avoir recours à Internet pour revendre les produits d’un fournisseur. Les entreprises mises en cause considèrent, sur le même point, que toute prise en compte de la durée des pratiques dans l’appréciation de leur gravité devrait être limitée à la période postérieure à l’arrêt Pierre Fabre, ce qui porterait la durée de l’infraction de LVMH à moins de trois mois. Luxottica soutient, également, qu’outre l’incertitude générale liée à l’illicéité des restrictions à la vente sur Internet en droit de la concurrence, il existait des risques spécifiques de nature pénale qui pouvaient être encourus par toute entreprise vendant des produits d’optique lunetterie sur Internet jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Hamon en 2014.

1056. Luxottica, Chanel et LVMH observent, en outre, qu’en toute hypothèse, la circonstance que l’infraction est fondée sur des clauses contractuelles qui sont, en pratique, restées largement inappliquées, minimise sa gravité.

1057. Enfin, Luxottica et Chanel relèvent que, malgré le développement généralisé des ventes en ligne, la commercialisation des lunettes en ligne se heurtait à des contraintes matérielles importantes ainsi qu’à de nombreuses réticences de la part des acteurs du secteur de l’optique, en particulier du corps médical, et à l’absence d’une demande en ce sens.

1058. S’agissant de la nature de l’infraction, comme il a été rappelé aux paragraphes 989 et suivants ci-avant, il ressort d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes que les ententes verticales impliquant des entreprises actives à des stades différents de la chaîne de production sont généralement considérées avec moins de sévérité que les ententes horizontales entre concurrents.

1059. Ce constat n’exclut pas, toutefois, que ce type de pratiques puisse être analysé comme présentant un certain degré de gravité. Ainsi, dans sa décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques [d’interdiction de ventes sur Internet] mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques, le Conseil a souligné que « les pratiques d’entente ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la concurrence et de limiter ou contrôler des débouchés font partie des pratiques que le Conseil juge préjudiciables au bon fonctionnement du marché ». Plus précisément, il a relevé que « sans revêtir le degré de gravité d’une entente horizontale, elle est grave par nature car elle a pour conséquence de fermer une voie de commercialisation au détriment des consommateurs et des distributeurs »1337.

1060. De même, dans la décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma, l’Autorité a précisé que « de telles pratiques anticoncurrentielles sont considérées, de manière constante, en droit de l’Union comme en droit interne, comme revêtant un caractère certain de gravité, en ce qu’elles tendent non seulement à limiter la concurrence intra-marque sur le marché français mais aussi à cloisonner les marchés et à priver les consommateurs d’un canal de distribution »1338.

1061. S’agissant de la qualité des personnes susceptibles d’être affectées, il s’agit, en l’espèce, d’une part, des consommateurs finals dont la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence entre les distributeurs et de bénéficier du meilleur prix a été limitée, d’autre part, des distributeurs, qui ont été empêchés de vendre sur Internet et ainsi privés d’un canal de distribution en expansion.

1062. S’agissant des caractéristiques objectives de l’infraction, si cette dernière, comme le relève Chanel, n’est ni sophistiquée, ni secrète, il a été établi qu’elle a été mise en œuvre par Chanel, Luxottica et LVMH en s’appuyant sur les contrats de licence, ainsi que sur les contrats et chartes de détaillant agréé conclus avec certains distributeurs (voir les paragraphes 817 et suivants ci-avant).

1063. Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 813 ci-avant, dans son arrêt du 13 mars 2014, Bang & Olufsen, la cour d’appel a jugé qu’il ne peut être déduit de la circonstance que le droit et la jurisprudence n’étaient pas clairement fixés avant l’arrêt Pierre Fabre de la Cour de justice qu’aucune infraction ne pourrait être retenue par l’Autorité antérieurement à cet arrêt. Toutefois, en application de cette jurisprudence, l’incertitude doit conduire à relativiser la gravité d’une pratique d’interdiction de vente en ligne telle que celle de l’espèce dont le point de départ est antérieur à cet arrêt.

1064. En revanche, dès lors qu’il ne pouvait exister aucun doute, après cet arrêt, quant au fait que le droit de la concurrence prohibait les ententes visant à interdire la vente en ligne des montures de lunettes de vue et des lunettes solaires, il n’y a pas lieu d’atténuer, de ce fait, la gravité des pratiques sanctionnées s’agissant de la période infractionnelle comprise entre la publication de l’arrêt Pierre Fabre de la Cour de justice et l’entrée en vigueur de la loi Hamon.

1065. Quant à l’incertitude alléguée sur la portée des dispositions du code de la santé publique en vigueur avant la loi Hamon, à supposer même qu’il ait existé un risque pénal, comme le soutient Luxottica, celui-ci aurait pesé sur les détaillants agréés et non sur le fabricant. Cette circonstance n’est donc pas, en tout état de cause, de nature à atténuer la gravité de la pratique reprochée à Luxottica (voir, également, le paragraphe 870 ci-avant).

1066. Dès lors que cette circonstance a pu contribuer au faible développement de la vente en ligne, elle sera néanmoins prise en compte dans l’appréciation du dommage causé par ces pratiques à l’économie (voir les paragraphes 1067 et suivants ci-après). Il en va de même s’agissant des arguments invoqués par Chanel et Luxottica relatifs à l’existence de contraintes techniques, à la méfiance d’une partie des acteurs du secteur et à l’absence de demande.

b) Sur l’importance du dommage causé à l’économie

1067. Luxottica et LVMH soutiennent que le dommage à l’économie doit, s’agissant de pratiques verticales, être apprécié de façon individualisée et non globale. Ils soulignent, par ailleurs, l’ampleur limitée de l’infraction et l’absence de conséquences conjoncturelles et structurelles.

1068. LVMH allègue que la pratique n’a concerné qu’un nombre limité d’opérateurs, que la part du marché susceptible d’avoir été affectée par les pratiques qui lui ont été imputées est résiduelle dans la mesure où TAG Heuer est un petit acteur sur le marché, que l’essor de la vente en ligne est contraint par la nature même des produits concernés et que des ventes en ligne sont intervenues en dépit des clauses litigieuses.

1069. Enfin, selon Chanel, l’interdiction en cause n’était pas générale et absolue, la demande quasi inexistante et les distributeurs qui ont voulu vendre sur Internet ont pu le faire.

1070. Or, les interdictions de vente en ligne en cause figuraient directement, d’une part, dans les contrats de licence conclus entre Chanel et Luxottica, et entre LVMH et Logo ainsi que, d’autre part, dans les contrats de distribution sélective conclus entre Luxottica et ses distributeurs, et entre Logo et ses détaillants.

1071. Par ailleurs, le fait, soutenu notamment par Luxottica, que l’interdiction de la vente en ligne n’ait pas été appliquée de manière systématique n’implique pas l’absence de dommage à l’économie, puisqu’il ne saurait être présumé que la totalité ou la quasi-totalité des distributeurs se seraient affranchis des clauses contractuelles les liant aux fabricants, et singulièrement à Luxottica.

1072. Il est exact, cependant, que l’ampleur des pratiques doit être relativisée, compte tenu, principalement, du faible développement des ventes en ligne des montures de lunettes d’optique et des lunettes de vue, rappelé au paragraphe 40 ci-avant.

1073. Dès lors, les pratiques mises en œuvre par Chanel, Luxottica et LVMH n’ont causé qu’un dommage très limité à l’économie.

c) Sur l’individualisation des sanctions

En ce qui concerne LVMH

1074. S’agissant de la sanction imposée à LVMH, pour les motifs exposés aux paragraphes 1036 à 1040 ci-avant, l’Autorité prendra en considération l’envergure du groupe auquel appartient LVMH.

1075. S’agissant, spécifiquement, de la sanction imposée, en tant que société mère, à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, il convient de rappeler que cette société détenait la société LVMH Swiss Manufactures SA, auteure des pratiques, pendant toute la période infractionnelle – soit de septembre 1999 au 13 février 2015 (voir le paragraphe 945 ci-avant).

1076. Ainsi, la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton doit être tenue solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à la société LVMH Swiss Manufactures SA pour l’intégralité de la période infractionnelle.

En ce qui concerne Luxottica

1077. À titre liminaire, il sera indiqué que, pour les motifs exposés aux paragraphes 1046 et 1047 ci-avant, l’Autorité prendra en considération l’envergure du groupe auquel les différentes sociétés auxquelles les pratiques ont été imputées appartiennent pour déterminer les sanctions qui leur seront imposées. En outre, en vertu du paragraphe 1048 ci-avant, il n’y a pas lieu de réduire le montant de base de l’infraction imputée à Luxottica réduit au motif que son activité présenterait un caractère mono-produit.

1078. Ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 946 ci-avant, les pratiques reprochées à Luxottica par le grief n° 3 du 28 mars 2019 concernaient, d’une part, une entente avec Chanel et une entente avec les détaillants agréés pour cette marque (a) et, d’autre part, une entente avec les détaillants agréés pour les marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari (b). Les sanctions imposées au titre de ces deux types de pratiques seront examinées successivement.

a. S’agissant des pratiques relatives à la marque Chanel

1079. Selon une jurisprudence1339 et une pratique décisionnelle1340 constantes, si plusieurs sanctions peuvent être infligées à une entreprise ayant commis plusieurs infractions, en déterminant chacune d’elles en fonction des critères prévus par le code de commerce dans le respect du maximum légal applicable, il est loisible à l’Autorité d’infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions, nonobstant les différences relatives à leur durée, leur gravité ou les dommages qui en résultent, eu égard à l’identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause et à l’objet général des pratiques.

1080. En l’espèce, les deux branches des pratiques reprochées à Luxottica par le grief n° 3 du 28 mars 2019 s’agissant de la marque Chanel ont été mises en œuvre par Luxottica dans le secteur des lunettes de soleil et des montures de lunettes de vue et ont affecté le développement du marché de la vente en ligne de ces produits. En outre, elles avaient toutes deux pour objet d’interdire aux distributeurs agréés par Luxottica pour la marque Chanel de vendre les produits de cette marque par Internet, ce en quoi elles étaient du reste complémentaires, Luxottica s’étant engagée auprès de Chanel, par la signature des contrats de licence anticoncurrentiels qui font l’objet de la première branche du grief sanctionné, à conclure, avec ses distributeurs, les chartes de détaillant agréé anticoncurrentielles visées par la seconde branche dudit grief.

1081. Eu égard à ces éléments, l’Autorité imposera une sanction pécuniaire unique à Luxottica au titre de ces pratiques, en la proportionnant et en l’individualisant pour chacune des sociétés sanctionnées à ce titre.

1082. À cet égard, il convient de rappeler qu’il a été établi que :  Luxottica France SASU a participé du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014 à l’entente avec Chanel et du 14 juin 2002 au 11 février 2013 à l’entente avec les détaillants agréés pour cette marque ;  Luxottica Srl a participé du 5 mai 1999 au 29 janvier 2008 à l’entente avec Chanel ;  Sunglass Hut Ireland Limited et Luxottica Group SpA ont participé du 30 janvier 2008 au 31 décembre 2014 à l’entente avec Chanel.

1083. Ainsi, il convient de tenir compte non seulement des durées individuelles de participation aux infractions susvisées par ces sociétés, mais également du fait que Luxottica France SASU a participé aux deux branches de l’infraction, contrairement aux autres sociétés du groupe Luxottica.

1084. S’agissant de la sanction imposée à la société Luxottica Group SpA, en tant que mère de ces sociétés, il convient de rappeler qu’elle détenait chacune des sociétés précitées lors de l’ensemble de la période infractionnelle retenue à leur égard (voir les paragraphes 956 à 957 ci-avant). Ainsi, Luxottica Group SpA doit être tenue solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à ces sociétés pour cette période.

b. S’agissant des pratiques relatives aux marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari

1085. Les pratiques reprochées à Luxottica France SASU par le grief n° 3 du 28 mars 2019 s’agissant des marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana et Bulgari ont été mises en œuvre au cours des durées suivantes :  du 30 octobre 2006 au 11 février 2013, s’agissant des marques Prada et Prada Linea Rossa ;  du 5 mars 2008 au 11 février 2013, s’agissant de la marque Dolce & Gabbana ; et  du 16 mai 2008 au 11 février 2013, s’agissant de la marque Bulgari.

1086. S’agissant de la sanction imposée à la société Luxottica Group SpA, en tant que mère de ces sociétés, il convient de rappeler qu’elle détenait chacune des sociétés précitées lors de l’ensemble de la période infractionnelle retenue à leur égard (voir les paragraphes 956 à 957 ci-avant). Ainsi, Luxottica Group SpA doit être tenue solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à ces sociétés pour cette période.

En ce qui concerne Chanel

1087. S’agissant de la sanction imposée à Chanel International BV et Chanel SARL en leur qualité de sociétés mères de la société Chanel SAS, auteure des pratiques, il convient de rappeler que Chanel SAS était détenue par Chanel International BV pendant toute la période infractionnelle – soit du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014 – mais qu’elle n’était détenue par Arnam SARL, devenue Chanel SARL, que du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2014 (voir le paragraphe 961 ci-avant).

1088. Ainsi, la société Chanel International BV doit être tenue solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à la société Chanel SAS pour l’intégralité de la période infractionnelle.

1089. En revanche, la société Chanel SARL doit être tenue solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à la société Chanel SAS uniquement pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2014, soit pour 96 % de la période infractionnelle.

3. CONCLUSION SUR LE MONTANT DE LA SANCTION PÉCUNIAIRE

1090. Le montant de base des sanctions encourues au titre des griefs n° 1 du 13 février 2015 et n° 2 du 28 mars 2019 est récapitulé dans les tableaux ci-après.

a) S’agissant des sanctions encourues au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015

1091. Au vu des considérations qui précèdent, les sanctions encourues, au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 sont les suivantes :

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b) S’agissant des sanctions encourues au titre du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019

1092. Au vu des considérations qui précèdent, les sanctions encourues, au titre du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019, sont les suivantes.

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4. SUR LE MAXIMUM LÉGAL

1093. Aux termes du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque les comptes sont consolidés, le maximum légal de chaque sanction infligée correspond à 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes consolidé le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant le commencement des pratiques. En outre, en vertu du III du même article, dans sa version en vigueur jusqu’au 20 novembre 2012, le montant maximum de la sanction pécuniaire est réduit de moitié, en cas de mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, par rapport au montant maximum normalement applicable.

1094. Ainsi, chaque sanction pécuniaire imposée à Luxottica et à Chanel ne peut excéder 10 % du chiffre d’affaires mentionné au paragraphe précédent réalisé par chacune de ces entreprises. Par ailleurs, compte tenu de la non-contestation des griefs de LVMH et Logo, chaque sanction pécuniaire imposée à ces entreprises ne peut excéder 5 % du chiffre d’affaires mentionné au paragraphe précédent réalisé par chacune de ces entreprises.

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1095. Chacun des montants de sanctions indiqués dans le Tableau 69 et le Tableau 70 ci-avant étant inférieur aux plafonds légaux applicables, il n’y a pas lieu de les modifier de ce chef.

5. SUR LA MISE EN ŒUVRE DU III DE L’ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE

1096. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce permet au rapporteur général de proposer à l’Autorité de tenir compte, dans le cadre de la détermination de la sanction, du fait qu’une entreprise ou un organisme ne conteste pas les griefs qui lui ont été notifiés. Le rapporteur général peut, par ailleurs, lui proposer de tenir compte du fait que l’intéressé s’engage en outre à modifier son comportement pour l’avenir.

1097. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs par Logo SAS, LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton le rapporteur général adjoint a proposé que les sanctions éventuellement encourues soient réduites dans les proportions suivantes :  pour Logo SAS, de 10 % du montant qui lui aurait normalement été infligé1341 ;  pour LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, de 10 % du montant qui leur aurait normalement été infligé et, qu’en tout état de cause, la sanction pécuniaire n’excède pas 500 000 euros1342.

1098. Par conséquent, la sanction qui aurait normalement été infligée à Logo au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 est d’un montant de 4 549 143 euros (voir le Tableau 69 ci-avant). Pour tenir compte de la non-contestation des griefs, il convient de réduire ce montant de 10 %, ce qui le porte à 4 094 229 euros.

1099. Par ailleurs, la sanction qui aurait normalement été infligée à LVMH au titre des griefs n° 1 notifié le 13 février 2015 et n° 3 notifié le 28 mars 2019 est d’un montant de 592 200 euros (voir le Tableau 69 et le Tableau 70 ci-dessus). Pour tenir compte de la non-contestation des griefs, il convient, d’une part, de réduire ce montant de 10 %, ce qui le porte à 532 980 euros. D’autre part, dès lors que ce montant est supérieur au plafond de 500 000 euros susvisés, le montant de la sanction pécuniaire qui sera infligée à LVMH est de 500 000 euros.

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6. SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DES ENTREPRISES

1100. L’examen des éléments financiers et comptables que Logo – dont la liquidation judiciaire a été prononcée en 2016 (voir le paragraphe 66 ci-avant) – a communiqués ont conduit l’Autorité à constater l’existence de difficultés financières particulières affectant sa capacité à s’acquitter des sanctions qu’elle envisage de lui imposer.

1101. Dans ces conditions, il convient de réduire la sanction envisagée de 4 094 229 euros à 0 euro.

7. CONCLUSION RÉCAPITULATIVE SUR LES SANCTIONS PRONONCÉES

1102. Le montant des sanctions prononcées au titre du grief n° 1 notifié le 13 février 2015 et du grief n° 3 notifié le 28 mars 2019 est récapitulé dans le Tableau 73 ci-dessous.

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DÉCISION

Article 1er : La prescription décennale prévue au troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce est acquise s’agissant :

a) des pratiques visées par le grief n° 1 notifié le 13 février 2015 aux sociétés suivantes :

 la société Alain Afflelou Franchiseur SA ;

 la société GADOL ;

 les sociétés GrandVision France SAS et GrandVision SA ;

 la société Krys Group Services SA ;

 les sociétés Christian Dior Couture SA et Christian Dior SE ;

 la société Optical Center, s’agissant de l’entente avec Luxottica ;

 les sociétés Silhouette France SARL et Silhouette International Schmied AG ;

 les sociétés Mikli Diffusion France SAS, Alain Mikli International et Luxottica Group SpA, en tant que société mère de ces sociétés ;

 les sociétés Safilo France SARL et Safilo SpA ; et

 les sociétés Maui Jim France SARL et Maui Jim Inc. b) des pratiques visées par le grief n° 2 notifié le 28 mars 2019 aux sociétés suivantes :

 les sociétés Safilo France SARL, Safilo SpA et Safilo Group SpA ; et

 les sociétés Christian Dior Couture SA, Christian Dior SE, et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, en tant que société mère de ces sociétés. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, à poursuivre la procédure, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.

Article 2 : Les conditions d’une interdiction au titre de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, ne sont pas réunies s’agissant des pratiques visées par :

 le grief n° 1 notifié le 13 février 2015 à la société Optical Center, s’agissant de l’entente avec Safilo ;  le grief n° 2 notifié le 13 février 2015 ;

 le grief n° 1 du 28 mars 2019 notifié aux sociétés Maui Jim Europe SARL et Maui Jim Inc. ; et  le grief n° 2 du 28 mars 2019 notifié aux sociétés Luxottica France SASU, Luxottica SpA, Sunglass Hut Ireland Limited, Luxottica Group SpA, Chanel SAS, Chanel Coordination SAS, Arnam SARL et Chanel Limited.

Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 3 décembre 2002, ces pratiques ne peuvent pas non plus être interdites sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003 à poursuivre la procédure, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.

Article 3 : Il est établi que les sociétés Luxottica France SASU, en tant qu’auteure, et Luxottica Group SpA, en tant que mère, ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre, du 17 mai 2005 au 1er octobre 2014 inclus, une pratique visant à limiter la liberté tarifaire de l’ensemble des distributeurs de Luxottica France SASU, s’agissant de la vente de lunettes solaires et des montures de lunettes de vue.

Article 4 : Il est établi que la société Logo SAS a enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre des pratiques d’ententes visant à limiter la liberté tarifaire, s’agissant de la vente de lunettes solaires et des montures de lunettes de vue :

 de ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer, du 3 mars 2002 au 31 décembre 2011 ; et  de l’ensemble de ses distributeurs, du 1er janvier 2006 au 13 février 2015.

Article 5 : Il est établi que les sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, en tant qu’auteure, et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, en tant que mère, ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre, de septembre 1999 au 13 février 2015, des pratiques visant à limiter la liberté tarifaire des détaillants agréés pour la vente de lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de la marque TAG Heuer.

Article 6 : Il est établi que les sociétés LVMH Swiss Manufactures SA, en tant qu’auteure, et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, en tant que mère, ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre, du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, des pratiques visant à interdire aux détaillants agréés pour la vente de lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de la marque TAG Heuer de commercialiser ces produits en ligne.

Article 7 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre des pratiques visant à interdire la vente en ligne des lunettes solaires et des montures de lunettes de vue de marque Chanel :

a) Chanel SAS, en tant qu’auteure, et Chanel International BV, en tant que mère, du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014 ;

b) Chanel SARL, en tant que mère de Chanel SAS, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2014 ;

c) Luxottica Srl, en tant qu’auteure, et Luxottica Group SpA, en tant que société mère, du 5 mai 1999 au 29 janvier 2008 ;

d) Sunglass Hut Ireland Limited, Luxottica Group SpA en tant qu’auteures, et Luxottica Group SpA, en tant que société mère, du 30 janvier 2008 au 31 décembre 2014 ; et

e) Luxottica France SASU, en tant qu’auteure, et Luxottica Group SpA, en tant que société mère, du 5 mai 1999 au 31 décembre 2014.

Article 8 : Il est établi que les sociétés Luxottica France SASU, en tant qu’auteure, et Luxottica Group SpA, en tant que mère, ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre des pratiques d’entente visant à interdire la commercialisation en ligne de lunettes solaires et des montures de lunettes de vue à ses détaillants agréés pour les marques suivantes :

a) Chanel, du 14 juin 2002 au 11 février 2013 ;

b) Prada et Prada Linea Rossa, du 30 octobre 2006 au 11 février 2013 ;

c) Dolce & Gabbana du 5 mars 2008 au 11 février 2013 ; et

d) Bulgari, du 16 mai 2008 au 11 février 2013.

Article 9 : Est infligée, au titre des pratiques visées à l’article 3 une sanction pécuniaire d’un montant de 124 477 000 euros, solidairement aux sociétés Luxottica France SASU et Luxottica Group SpA.

Article 10 : Est infligée, au titre des pratiques visées aux articles 5 et 6, une sanction pécuniaire d’un montant de 500 000 euros, solidairement aux sociétés LVMH Swiss Manufactures SA et LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton.

Article 11 : Est infligée, au titre des pratiques visées aux articles 7 e) et 8 a), une sanction pécuniaire d’un montant de 243 000 euros, solidairement aux sociétés Luxottica France SASU et Luxottica Group SpA.

Article 12 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 7 a), 7 b), 7 c) et 7 d) les sanctions pécuniaires suivantes :

 5 000 euros, solidairement aux sociétés Chanel SAS, en tant qu’auteure, et Chanel International BV, en tant que mère ;

 125 000 euros, solidairement aux sociétés Chanel SAS, en tant qu’auteure, ainsi que Chanel International BV et Chanel SARL, en tant que mères ;

 86 400 euros, solidairement aux sociétés Luxottica Srl, en tant qu’auteure, et Luxottica Group SpA, en tant que société mère ; et

 70 600 euros, solidairement aux sociétés Sunglass Hut Ireland Limited et Luxottica Group SpA, en tant qu’auteures, et Luxottica Group SpA, en tant que société mère.

Article 13 : Est infligée au titre des pratiques visées à l’article 8 b), 8 c) et 8 d) une sanction pécuniaire d’un montant de 297 000 euros, solidairement aux sociétés Luxottica France SASU et Luxottica Group SpA.

 

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Seules les sociétés dont le nom est surligné en gras ont été sanctionnées par l’Autorité.

3 Plafond global de 500.000 euros fixé par le procès-verbal de non-contestation des griefs atteint en raison de la sanction infligée au titre du grief notifié le 13 février 2015.

4 Cotes 7 à 403 de la saisine 11/0025 F. Sauf mention expresse contraire, les cotes mentionnées dans la présente décision sont celles de la saisine 10/0080 F.

5 Ordonnances de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2010, 09/14452 et 09/14489.

6 Ordonnance de la cour d’appel de Paris du 25 octobre 2011, Alain Afflelou Franchiseur, 09/14462.

7 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 avril 2013, R 13-80336. Sauf mention expresse contraire, les arrêts de la Cour de cassation cités dans la présente décision sont des arrêts de la chambre commerciale de la Cour.

8 Ordonnance de la cour d’appel de Versailles du 30 janvier 2014, 13/04281.

9 Cotes 32346 à 32351.

10 Ordonnance de la cour d’appel de Paris, 14 septembre 2010, 09/14586 ; voir les cotes 32327 à 32331.

11 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 janvier 2012, S 10-87.087 ; voir les cotes 32333 à 32339.

12 Cotes 32341 à 32345.

13 Ordonnance de la cour d’appel de Paris du 1er juillet 2010, 09/14566,

14 Ordonnances de la cour d’appel de Versailles du 26 novembre 2010, 09/07087 et 09/07856.

15 Cotes 36602 à 36605 et 36607 à 36610 (sociétés Logo SAS, Silhouette SARL, Silhouette International Schmied).

16 Cotes 36616 à 36619 et 36642 à 36646 (sociétés GrandVision France SAS, GrandVision SA, LVMH Swiss Manufactures SA, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton).

17 Cotes 49167 à 49170 (sociétés Safilo France SARL, Safilo SpA).

18 Cotes 54433 à 54437 (sociétés Christian Dior Couture SA et Christian Dior SE).

19 Cotes 80035 à 80041.

20 Xerfi France, La fabrication de lunettes, verres et lentilles, juin 2020, page 20 ; en 2009, ce chiffre d’affaires était inférieur à 6 milliards d’euros.

21 Xerfi France, La fabrication de lunettes, verres et lentilles, juin 2020, page 12.

22 Directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux, JO L 169 du 12 juillet 1993, page 1.

23 Décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.

24 Décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, page 2.

25 Cotes 17720 (VC) et 18047 (VNC), 5318, 5322, 5472, 5473 et 21464.

26 Cote 21897.

27 Cote 37122.

28 Cote 58410.

29 Anomalie de la vision, due à un défaut des milieux réfringents de l'œil (myopie, hypermétropie, astigmatisme).

30 Jusqu’alors, cette activité était réservée aux pharmaciens, en vertu de l’article L. 4211-1 du code de la santé publique.

31 Cette distance entre les deux pupilles permet aux opticiens de centrer précisément les verres correcteurs des lunettes. Elle peut être mesurée, à distance, à l’aide des technologies adéquates (voir le paragraphe 872 ci-après).

32 Avis de l’Autorité n° 19-A-08 du 4 avril 2019 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée, point 840.

33 C’est notamment le cas de Chanel et TAG Heuer ; voir les cotes 31341 (VC) et 34568 (VNC), ainsi que 36046.

34 Par exemple, les boutiques ALAIN MIKLI SHOP distribuent les produits Mikli (cote 19720), et Maui Jim vend ses lunettes sur son site Internet, accessible à partir de l’URL : https://www.mauijim.com/

35 Cote 32791.

36 Telles qu’Alliance Optique, La Centrale des opticiens, Optalor, Luz ou Rev ; voir cote 32791.

37 Cote 32792.

38 H. CHARRONDIÈRE, « Acuitis se renforce dans la vente en ligne », 6 février 2020, Les Échos études, accessible à partir de l’URL : https://www.lesechos-etudes.fr/news/2020/02/06/acuitis-se-renforce-dans-la- vente-en-ligne/

39 Commission européenne, « Concentrations : la Commission donne son feu vert à la concentration entre Essilor et Luxottica », communiqué de presse du 1er mars 2018, IP/18/1442.

40 Commission européenne, « Mergers: Commission clears acquisition of GrandVision by EssilorLuxottica, subject to conditions », communiqué de presse du 23 mars 2021, IP/21/1348 ; EssilorLuxottica, « EssilorLuxottica announces decision to close acquisition of GrandVision on 1st July 2021 in accordance with the terms and conditions of the agreements signed on 30 July 2019 », communiqué de presse du 29 juin 2021, accessible à partir de l’URL suivant : https://www.essilorluxottica.com/essilorluxottica-announces-decision- close-acquisition-grandvision-1st-july-2021-accordance-terms.

41 Acuité, « Le site Happyview ouvre son premier magasin physique et développe un concept unique », 20 mars 2017, accessible à partir de l’URL : https://www.acuite.fr/actualite/magasin/108389/le-site- happyview-ouvre-son-premier-magasin-physique-et-developpe-un.

42 Société française créée le 1er avril 2011 qui a commercialisé des lunettes, d’abord exclusivement par Internet, puis également dans des boutiques physiques, jusqu’à son acquisition par Acuitis.

43 Acuité : « Marc Simoncini abandonne l’optique et cède son groupe Sensee », 28 janvier 2020, accessible à partir de l’URL : https://www.acuite.fr/actualite/magasin/175112/marc-simoncini-abandonne-loptique-et- cede-son-groupe-sensee.

44 Elle fabrique et distribue aujourd’hui les lunettes des marques Gucci, Cartier, Yves Saint Lauren, Bottega Veneta, Balenciaga, Chloé, Alexander McQueen, Montblanc, Brioni, Dunhill, Boucheron, Pomellato, Alaïa, Mcq, et Puma ; voir le site Internet de l’entreprise, accessible à partir de l’URL : https://www.kering.com/en/houses/kering-eyewear/.

45 Cour des comptes, La sécurité sociale, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013, page 399.

46 Cour des comptes, La sécurité sociale, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013, page 400 ; voir aussi sur ce point la décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, page 5.

47 Cour des comptes, La sécurité sociale, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013, page 419.

48 Amendement n° 22 présenté par Mme Massat, M. Frédéric Barbier, Mme Got, M. Potier, Mme Valter, M. Fekl, Mme Marcel, M. Destans, M. Gille et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen le 29 novembre 2013, lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la consommation du 21 novembre 2013.

49 Assemblée nationale, Compte rendu intégral de la première séance du jeudi 13 février 2014.

50 Cotes 24223 (VC) et 25804 (VNC).

51 Cotes 24546 (VC) et 25821 (VNC).

52 Cotes 28958 (VC) à 28960(VC), 63561(VC) et 63562(VC), ainsi que cotes 65593 (VNC) à 65604 (VNC), 63561 (VNC) et 63562 (VNC).

53 Cotes 63561 (VC), 63562 (VC) et 28958 (VC) à 28960 (VC), ainsi que 65643 (VNC), 63660 (VNC) et 65602 (VNC) à 65604 (VNC).

54 Cotes 28949 (VC) à 28957 (VC) et 63563 (VC) à 63565 (VC), ainsi que 65593 à 65601 (VNC) et 63661 à 63663 (VNC) ; voir aussi les cotes 25562 et 64070.

55 Cette information a été portée à l’attention de l’Autorité par les conseils de Chanel, en amont de la séance du 13 janvier 2021.

56 Cote 27199.

57 Cotes 28664 (VC) et 29983 (VNC).

58 Cotes 63078 et 63391.

59 Cotes 31341 (VC) et 34568 (VNC).

60 Cote 31346.

61 Cotes 31340 et 31355 à 31357.

62 Commission européenne, « Concentrations : la Commission donne son feu vert à la concentration entre Essilor et Luxottica », communiqué de presse du 1er mars 2018, IP/18/1442.

63 Cotes 28895 (VC) à 28905 (VC) et30105 (VNC) à 30115 (VNC) ; ainsi que 63435.

64 Cotes 63438 à 63452.

65 Cote 28908.

66 Cotes 28895 (VC) à 28905 (VC), 30105 (VNC) à 30115 (VNC), 63435, 74183, 74184, 74186, 74219, 74258 et 74296.

67 Cote 64068.

68 Cote 63665.

69 Cote 63435.

70 Cotes 63435 et 63436.

71 Commission européenne, « Concentrations : la Commission autorise l’acquisition de GrandVision par EssilorLuxottica, sous conditions », communiqué de presse du 23 mars 2021.

72 Cote 63435.

73 Le 14 novembre 2007, Luxottica Group SpA a fait l’acquisition à 100 % de la société Oakley Inc. ; cotes 29557 (VC) et 32283 (VNC).

74 Décision de la Commission du 1er mars 2008, M.8394 Essilor / Luxottica, C(2018) 1198 final, point 66.

75 Décision de la Commission du 1er mars 2008, M.8394 Essilor / Luxottica, C(2018) 1198 final, point 420.

76 Selon l’étude GfK fournie par Luxottica, qui soutient que ces parts de marchés doivent être respectivement ramenées à 19 % et 21 %, voir la cote 18070. Dans sa décision du 1er mars 2018, précitée, la Commission souligne que Luxottica détient 20 % à 30 % du marché des montures de lunettes de vue et 50 % à 60 % du marché des lunettes de soleil ; voir le point 531.

77 Selon la Commission, 80 % à 90 % des boutiques situées sur le territoire français distribueraient des lunettes de soleil de cette marque, et 80 % à 90 % distribueraient des montures de lunettes de vue de cette marque.

78 Cotes 28692 et 28693.

79 Cotes 63514 à 63521.

80 De 2005 à 2011, Safilo International BV était détenue à 25 % par la société Safilo SpA et à 75 % par la société holding Oxsol SpA, elle-même détenue par la société Safilo SpA à 100 % ; voir cotes 28686 à 28690.

81 Cote 35383.

82 Plusieurs marques, signalées par une étoile dans le Tableau 6, ont depuis mis fin à leur collaboration avec Safilo ; voir la note 44 ci-avant, ainsi que le site Internet du fabricant, accessible à partir de l’URL : https://www.safilogroup.com/en/product/brands.

83 Cotes 29068 à 29070.

84 Cotes 61309 à 61313.

85 Cote 21481.

86 Cotes 28442 (VC) et 28446 (VC), ainsi que 28463 (VNC) et 28464 (VNC).

87 Cotes 29557 (VC) et 32283 (VNC).

88 Cotes 28874 (VC) à 28880 (VC), ainsi que 29970 (VNC) à 29976 (VNC).

89 Cotes 29556 (VC) et 32282 (VNC).

90 Cote 83445.

91 Cotes 18341 et 37109.

92 Cote 33134.

93 Cote 33134.

94 Cotes 28542 (VC) et 29996 (VNC).

95 Cotes 29489 (VC) et 31191 (VNC).

96 Cote 19392.

97 Cote 33138.

98 Cotes 29237 (VC) et 31189 (VNC).

99 Cotes 33135 et 33138.

100 Cotes 28601 (VC) et 28967 (VNC).

101 Cote 33137.

102 Cote 36155.

103 Cote 36156.

104 Cote 17569.

105 Cotes 35362 à 35642.

106 Cotes 65662 à 65832.

107 Cote 35768.

108 La notification de griefs du 13 février 2015 indiquait « depuis au moins 2003 jusqu’à 2010 » (cote 35637) et a été modifiée par la notification de griefs rectificative du 3 juin 2015 (cote 35768).

109 Arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2018, 16-27.268 ; de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 22 mai 2013, 12-19.120 ; de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 3 octobre 2013, 12-22.908, 12-24.473, 12.25.759 ; et de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 5 septembre 2012, 11-19.200. La Cour de cassation a par ailleurs cassé un arrêt ayant rejeté des conclusions ne respectant pas les formalités d’une loi introduite entre le dépôt desdites conclusions et la date de l’ordonnance de clôture : arrêt de la deuxième chambre civile du 30 septembre 2003, 00-14.333.

110 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, points 162-163.

111 La question de la clarté de ce grief fait l’objet de développements aux paragraphes 544 et suivants ci-après.

112 Cotes 10842 et 10843.

113 Cotes 10957 et 10958.

114 Cotes 27506 et 27507.

115 Cotes 17966 et 27501 à 27504.

116 Cotes 19770 à 19774.

117 Cotes 5100, 5321 et 5322.

118 Cotes 9749, 9750 et 9753.

119 Cotes 5048, 5049, 5089 et 5090.

120 Cote 21469.

121 Cote 19755.

122 Cote 21469.

123 Cote 17563.

124 Cote 21464.

125 Cote 21484.

126 Cotes 5147, 5148, 5331 à 5334, ainsi que 9502 et 9503.

127 Cotes 9839 à 9843.

128 Cotes 9329 et 18368.

129 Cotes 472, 473 et 19797.

130 Cotes 19921 à 19924.

131 Cotes 9346, 19491 et 19749 à 19755.

132 Cotes 18369 à 18371.

133 Cotes 9502 et 9503.

134 Cotes 21886, 23983 et 25285.

135 Cotes 6774, 7328 et 29611.

136 Cote 29608.

137 Cotes 7324 (VC) et 34533 (VNC).

138 Cotes 6766, 29603 et 7317.

139 Cotes 6756 et 7306.

140 Cote 31342. Sauf mention expresse contraire, le soulignement est ajouté dans les extraits reproduits dans la présente décision.

141 Cote 31342.

142 Cotes 6642 et 6657

143 Cotes 6648 (VC) et 34256 (VNC).

144 Cotes 17778 et 17779.

145 Cotes 27814 et 27823.

146 Cotes 18151 et 18160.

147 Cotes 480 et 489.

148 Cotes 27818, 18155 et 484.

149 Cotes 27820, 18157 et 486.

150 Cotes 27820, 18157 et 486.

151 Cote 21885.

152 Cote 17762.

153 Cote 18146.

154 Cotes 21515 à 21527.

155 Cote 29516.

156 Cote 17760.

157 Cote 17777.

158 Cotes 490 à 493.

159 Cote 7888.

160 Cote 17782.

161 Cote 17782.

162 Cote 17782.

163 Cotes 7893 à 7898.

164 Cote 25799.

165 Cote 17783.

166 Cote 17761.

167 Cote 17777.

168 Cotes 24980 (VC) et 24981 (VC) et cotes 26206 (VNC) et 26207 (VNC).

169 Cote 125 de la saisine 11/0025 F.

170 Cote 25169.

171 Cote 366.

172 Cotes 365 et 19815.

173 Cote 365.

174 Cote 19815.

175 Cote 9839.

176 Cote 21448.

177 Cote 5099.

178 Cotes 5321 et 5322.

179 Cote 19294.

180 Cote 10690 (VC).

181 Cote 10691.

182 Cote 5545 (VC) et 17170 (VNC).

183 Cotes 28798, 28804 (VC) et 63017 (VNC), ainsi que 28820 (VC) et 30026 (VNC).

184 Cotes 18786 (VC) et 20334 (VNC), 18794 (VC) et 20339 (VNC), ainsi que 18813 (VC) et 20340 (VNC)

185 Cotes 18675 (VC) et 20327 (VNC), 18684 (VC) et 20332 (VNC), ainsi que 18711 (VC) et 20333(VNC).

186 Article 9.2 des contrats conclus pour les périodes 2002 à 2008 et de 2004 à 2010 ; voir cotes 18800 et 28809.

187 Article 9.2 du contrat conclu pour la période 2010 à 2017 ; voir cote 18695.

188 Article 9.2 du contrat conclu pour la période 2010 à 2017 ; voir cote 18695.

189 « likely to damage the aura of luxury of the Products » ; voir Article 9.2 du contrat conclu pour la période 2010 à 2017, cote 18695.

190 Charte de distribution sélective annexée au contrat conclu pour la période 2010 à 2017 ; voir cote 18739.

191 Cote 27509.

192 Cotes 11047 et 11048, 11181, 11188, 27499, 27509, 27510 et 27626 à 27635.

193 Cotes 27636 à 27650.

194 Cotes 458, 5321, 5322, 9631, 9699, 9700, 9735, 9754, 9760, 9839 à 9841, 9785, 10862, 10863, 10955, 10961, 10976 à 10979, 10999, 11000, 11017, 11124, 17803, 17804, 27463, 27464, 27509 et 27510.

195 Cotes 10956 à 10958, 10962, 10964, 10980 à 10982, 11002, 11003, 11023, 11047 à 11048, 11264, 17755, 27492, 27499, 27500, 27523, 27594 et 27595.

196 Cotes 17803 et 17804.

197 Cote 17866.

198 Cote 23983.

199 Cotes 19378 (VC) et 22424 (VNC).

200 Cotes 22694, 22695 et 27366.

201 Cotes 9782, 9783, 21464, 25002, 25286, 25017, 25285, 25291 et 27228.

202 Cote 5348.

203 Cotes 65581 à 65589.

204 Cote 65586.

205 Cotes 24740 et 24741.

206 Cotes 24643 (VC) et 63035 (VNC) ; ainsi que 24353 (VC) et 63035 (VNC).

207 Cotes 24629 (VC) et 63032 (VNC) ; 24340 (VC) et 24341 (VC), ainsi que 63032 (VNC) et 63033 (VNC).

208 Cotes 30747 (VC) et 30972 (VNC).

209 Cotes 30727 (VC) et 30952 (VNC).

210 Cotes 24789 ; 24703 (VC) et 63041 (VNC) ; ainsi que 24422 (VC) et 63030 (VNC).

211 Cotes 24791 (VC) et 24792 (VC) ainsi que 63048 (VNC) et 63049 (VNC) ; 24700 (VC) et 63039 (VNC) ; ainsi que 24419 (VC) et 63028 (VNC).

212 Cotes 30847 (VC) et 63059 (VNC).

213 Cotes 30851 (VC) et 31076 (VNC).

214 Cotes 8513, 8514 (VC), 8519 (VC), 8520 (VC), ainsi que 12441 (VNC) à 12521 (VNC).

215 Cotes 8381, 8385 (VC), 8402, 8403 (VC), 8407 (VC), ainsi que 12441 (VNC) à 12521 (VNC).

216 Cotes 8377 (VC) à 8453 (VC), ainsi que 12441 (VNC) à 12521 (VNC).

217 Cotes 8423 (VC), ainsi que 12441 (VNC) à 12521 (VNC).

218 Cotes 8448 (VC), 8449 (VC), ainsi que 12441 (VNC) à 12521 (VNC).

219 Cotes 8500 (VC), 8501 (VC), 8505 (VC), ainsi que 12441 (VNC) à 12521 (VNC).

220 « we are planning to revise the OO RX price list. The average reduction will be in the range of 12-14% based on current price list.

221 Cotes 10803 (VC) et 12722 (VNC), 10804, 10805, 10806 (VC) et 12722 (VNC), 10807 (VC) à 10808 (VNC), ainsi que 10808 (VC) et 12722 (VNC).

222 Cotes 17723 (VC) et 18050 (VNC).

223 Cotes 17723 (VC) et 18050 (VNC).

224 Cote 10804.

225 Cotes 8849 (VC) à 8877 (VC), ainsi que 12880 (VNC) à 12909 (VNC).

226 Cotes 8707 (VC) et 12743 (VNC).

227 Cotes 8709 (VC) et 8722 (VC), ainsi que 12745 (VNC) et 12758 (VNC).

228 Cote 24225.

229 Cote 24550.

230 Cotes 17721 (VC) et 18048 (VNC). Les chartes de détaillant agréé pour la marque Chanel comprenaient des « tarifs conseillés » ; voir, notamment, les cotes 19538 (VC) et 30273 (VNC), 19575 (VC) et 30299 (VNC), 19714 (VC) et 30314 (VNC), 22128, ainsi que 29546 (VC) et 35157 (VNC).

231 Cote 26229.

232 Cotes 17721 (VC) et 18048 (VNC).

233 Cotes 26229 et 26230.

234 Cotes 26264 à 26289.

235 Cotes 17721 (VC) et 18048 (VNC) ; voir aussi le courriel du 4 décembre 2013 des conseils de Luxottica, cote 26230.

236 Cotes 17721 (VC) et 18048 (VNC).

237 Cote 10845.

238 Cotes 10848 à 10850.

239 Cote 10853.

240 Cote 5226.

241 Cote 9961.

242 Cotes 10024 et 10025.

243 Cotes 27665 (VC) et 34902 (VNC).

244 Cotes 10915 (VC) et 34885 (VNC).

245 Cotes 27658 à 27660.

246 Cote 10933.

247 Cote 24821.

248 Cote 25176.

249 Cote 19593.

250 Cote 19579.

251 Cote 19601.

252 Cote 19558.

253 Cote 19589.

254 Cote 19684.

255 Cote 19585.

256 Cote 19526.

257 Cote 19554.

258 Cote 19674.

259 Cote 19617.

260 Cote 19639.

261 Cotes 19495 et 19496.

262 Cote 19508.

263 Cotes 19486 et 19487.

264 Cotes 20038 et 20039.

265 Cotes 19970 à 19973.

266 Cotes 18129 et 18130.

267 Cotes 18353 (VC) et 20095 (VNC).

268 Cotes 19301.

269 Cotes 19220 (VC) et 22748 (VNC).

270 Cote 21464.

271 Cotes 21884.

272 Cotes 21915.

273 Cotes 23983 et 23984.

276 Cotes 25017 et 25020.

277 Cote 27214.

278 Cote 27228.

279 Le prix d’achat multiplié par le coefficient en cause permet de déterminer le prix de vente au détail.

280 Cote 21463.

281 Cote 26230.

282 Cote 17755.

283 Cotes 11259 à 11262.

284 Cotes 8828 (VC) à 8842 (VC), ainsi que 12860 (VNC) à 12874 (VNC).

285 Cote 8592.

286 Cote 17725.

287 Cote 9746.

288 Cote 8592.

289 Cotes 20038 et 20039.

290 Cotes 19970 à 19973.

291 Cotes 23983 et 23984.

292 Cote 25250.

293 Cotes 11259 à 11262.

294 Cotes 20209 (VC) et 20095 (VNC).

295 Cotes 10814 (VC) et 34868 (VNC).

296 Tels que la fourniture de matériel publicitaire, évoquée dans cet échange de courriels.

297 Cote 27658.

298 Cote 8365.

299 Cote 8592.

300 Cotes 24913, 24914 et 24920.

301 Cotes 17915 et 17922.

302 Cotes 434, 496 (VC) et 503 de la saisine 11/0025 F, ainsi que la cote 35112 (VNC).

303 Cotes 22109, 22192 et 22199.

304 Cotes 18068 (VC) et 19243 (VNC), ainsi que 18073 et 18082.

305 Cotes 24918 ; 501 de la saisine 11/0025 F ; 17920 ; 22197 et 18079.

306 Cotes 24918 et 24919 ; 17920, 17921 (VC) et 35174 (VNC) ; 22197, 22198 (VC) et 35194 (VNC) ; 18080 (VC) et 19255 (VNC) ; ainsi que les cotes 501, 502 (VC) de la saisine 11/0025 F et la cote 35118 (VNC).

307 Cotes 27760 (VC) et 30420 (VNC).

308 Cote 27765.

309 Cote 27757.

310 S’agissant du contrat du 7 avril 2000, voir les cotes 19567 (VC) et 30291 (VNC) ; trois avenants à ce contrat ont été signés les 18 avril 2001, 11 juin 2002 et 19 novembre 2004, voir les cotes 19574 (VC) à 19576 (VC) et 30298 (VNC) à 30300 (VNC). S’agissant du contrat du 14 juin 2002, voir les cotes 22123 (VC) et 30327 (VNC) ; trois avenants à ce contrat ont été signés les 25 juillet 2003, 27 septembre 2004 et 28 septembre 2006, voir les cotes 22112 (VC) à 22114 (VC) et 30316 (VNC) à 30318 (VNC). S’agissant du contrat du 24 juin 2003, voir les cotes 19541 (VC) et 30276 (VNC) ; deux avenants à ce contrat ont été signés en 2003 et 2004, voir les cotes 19539 à 19540 (VC) et 19526, 30274 et 30275 (VNC). S’agissant du contrat du 2 décembre 2004, voir les cotes 225 (VC) et 30222 (VNC). S’agissant du contrat du 9 décembre 2008, voir les cotes 39052 (VC) et 38452 (VNC). S’agissant du contrat du 2 septembre 2009, voir les cotes 39068 (VC) et 38468 (VNC). S’agissant du contrat du 31 août 2010, voir les cotes 39084 (VC) et 38484 (VNC). S’agissant du contrat du 22 avril 2011, voir les cotes 27783 (VC) et 27783 (VNC). S’agissant du contrat du 21 novembre 2011, voir les cotes 39103 (VC) et 38503 (VNC). S’agissant du contrat 19 octobre 2012, voir les cotes 39121 (VC) et 38521 (VNC). 311 Cotes 39139 (VC) et 38538 (VNC). 312 Cotes 39158 (VC) et 38557 (VNC). 

311 Cotes 39139 (VC) et 38538 (VNC).

312 Cotes 39158 (VC) et 38557 (VNC).

313 Cotes 29533 (VC) et 35144 (VNC) ; 19559 ; 22115 (VC) et 30319 (VNC) ; 19529 ; 216 ; 39043 (VC) et 38443 (VNC) ; 39058 (VC) et 38458 (VNC) ; 39075 (VC) et 38475 (VNC) ; 27774 (VC) et 30348 (VNC) ; 39091 (VC) et 38491 (VNC) ; 39112 (VC) et 38512 (VNC) ; 39129 (VC) et 38528 (VNC) ; 39148 (VC) et 38547 (VNC).

314 Cotes 29535, 19561, 22117, 19531 et 218.

315 Cotes 39045 (VC) et 38445 (VNC) ; 39061 (VC) et 38461 (VNC) ; 39077 (VC) et 38477 (VNC) ; 27776 ; 39094 (VC) et 38494 (VNC) ; 39114 (VC) et 38514 (VNC) ; 39132 (VC) et 38531 (VNC) ; 39151 (VC) et 38550 (VNC).

316 Cotes 29537, 19563, 22119, 19533 et 220.

317 Cotes 39047 (VC) et 38447 (VNC) ; 39063 (VC) et 38463 (VNC) ; 39079 (VC) et 38479 (VNC) ; 27778 ; 39097 (VC) et 38497 (VNC) ; 39116 (VC) et 38516 (VNC) ; 39134 (VC) et 38533 (VNC) ; 39153 (VC) et 38552 (VNC).

318 Cotes 29539 ; 19565 ; 22121 ; 19535 ; 222 ; 39049 (VC) et 38449 (VNC) ; 39065 (VC) et 38465 (VNC) ; 39081 (VC) et 38481 (VNC) ; 27780 ; 39099 (VC) et 38499 (VNC) ; 39118 (VC) et 38518 (VNC) ; 39136 (VC) et 38535 (VNC) ; ainsi que 39155 (VC) et 38554 (VNC).

319 Cotes 122, ainsi que 130 (VC) et 30480 (VNC).

320 Cotes 28218 (VC) et 28225 (VC), ainsi que 28380 (VNC) et 28387 (VNC) ; un avenant à ce contrat a été signé le 16 février 2012, voir les cotes 28238 (VC) et cote 28400 (VNC).

321 Cotes 21498 (VC) et 21505 (VC), ainsi que 30459 (VNC) et 30466 (VNC).

322 Cotes 28228 (VC) et 28235 (VC), ainsi que 28390 (VNC) et cote 28397 (VNC).

323 Cotes 22150 (VC) et 22157 (VC), ainsi que 30467 (VNC) et 30474 (VNC).

324 Voir, notamment, les cotes 17880 (VC) à 17888 (VC) et 30443 (VNC) à 30450 (VNC) ; 19425 (VC) à 19432 (VC) et 30451 (VNC) à 30458 (VNC) ; 28241 (VC) à 28248 (VC) et 28403 (VNC) à 28410 (VNC).

325 Cotes 28241 à 28248 (VC) et 28403 à 28410 (VNC).

326 Cote 28214.

327 Cotes 124 (VC) et 30434 (VNC).

328 Cotes 28221, 21492, 28231, 22153 et 28244.

329 Cotes 124 (VC) et 30434 (VNC), 28221, 21492, 28231, 22153 et 28245.

330 Cotes 125, 28223, 21503, 28233, 22155 et 28408.

331 Cotes 131, ainsi que 135 (VC) et 30368 (VNC).

332 Cotes 483 (VC) et 490 (VC) de la saisine 11/0025 F, ainsi que 35097 (VNC) et 35104 (VNC).

333 Cotes 21489 (VC) et 21496 (VC), ainsi que 20293 (VNC) et 30400 (VNC).

334 Cotes 28256 (VC) et 28263 (VC), ainsi que 28416 (VNC) et 28423 (VNC).

335 Cotes 22140 (VC) et 22147 (VC), ainsi que 30402 (VNC) et 30409 (VNC).

336 Cotes 28266 (VC) et 28273 (VC), ainsi que 28426 (VNC) et 28433 (VNC).

337 S’agissant, d’une part, de la charte du 30 octobre 2006, voir les cotes 132 (VC) et 30365 (VNC) pour les articles 8, paragraphe 4 et 10, paragraphe 1 – et la cote 133 – pour l’article 16. S’agissant, d’autre part, des chartes ultérieures, voir les cotes 486 de la saisine 11/0025 F ; ainsi que 21492, 28259, 22143 et 28269 pour l’article 8, paragraphe 4 ; les cotes 486 de la saisine 11/0025 F ; ainsi que 21492, 28259, 22143 et 28269 pour l’article 10, paragraphe 1 ; et les cotes 488 de la saisine 11/0025 F ; ainsi que 21494, 28261, 22145 et 28271 pour l’article 16.

338 Cote 28215.

339 Cote 28215.

340 Cotes 19919 (VC) et 30165 (VNC).

341 Cotes 22130 (VC) et 22137 (VC), ainsi que 30166 (VNC) et 30173 (VNC).

342 Cotes 23993 (VC) et 24002 (VC), ainsi que 30176 (VNC) et 30185 (VNC).

343 Cotes 19422, 19441.

344 S’agissant, d’une part, de la charte du 30 octobre 2006, voir les cotes 19917 (VC) et 30163 (VNC) – pour les articles 8, paragraphe 4 et 10, paragraphe 1 – et la cote 19918 – pour l’article 16. S’agissant, d’autre part, des chartes ultérieures, voir les cotes 22133 et 23997 pour l’article 8, paragraphe 4 ; les cotes 22133 et 23997 pour l’article 10, paragraphe 1 ; et les cotes 22135 et 24000 pour l’article 16.

345 Cotes 19915 (VC) et 30534 (VNC).

346 Cotes 19913 (VC) et 30532 (VNC).

347 Cotes 19913 (VC) et 30532 (VNC).

348 Cote 19914.

349 Cotes 28214 et 28215.

350 Cote 33184.

351 Cotes 127, ainsi que 130 (VC) et 30480 (VNC).

352 Cotes 128 (VC) et 20478 (VNC).

353 Cotes 128 (VC) et 20478 (VNC).

354 Cote 129.

355 Cotes 556, ainsi que 560 (VC) et 30486 (VNC).

356 Cotes 37847 et 37857.

357 Cotes 25004 (VC) et 25014 (VC), ainsi que 35220 (VNC) et 35230 (VNC).

358 Cotes 24933, ainsi que 24943 (VC) et 30529 (VNC).

359 Cotes 557 (VC) et 30483 (VNC).

360 Cotes 557 (VC) et 30483 (VNC).

361 Cote 558.

362 Cotes 37857 et 25011, ainsi que 24940 (VC) et 30526 (VNC).

363 Cotes 37851, 25008, ainsi que 24937 (VC) et 30523 (VNC).

364 Cotes 37852, 25009, ainsi que 24938 (VC) et 30524 (VNC).

365 Cotes 17720 (VC) et 18047 (VNC).

366 Cote 21446.

367 Cote 21448.

368 Cote 5318.

369 Cotes 5472, 5473 et 5477.

370 Cotes 137 (VC) à 144 (VC), ainsi que 11341 (VNC) et 11342 (VNC).

371 Cotes 138 (VC) à 11342 (VNC).

372 Cote 20030.

373 Cotes 17733 (VC) et 18060 (VNC), ainsi que 17734.

374 Cote 17734.

375 Cote 17727.

376 Cote 10851.

377 Cotes 17732 (VC) et 18059 (VNC).

378 Cote 17734.

379 Cote 25257.

380 Cote 19755.

381 Cote 21878.

382 Cotes 19378 (VC) et 22424 (VNC).

383 Cote 21902.

384 Cotes 25001 et 25002.

385 Cote 10821.

386 Cotes 10778 à 10780.

387 Cote 9771.

388 Cotes 9842 et 9843.

389 Cote 8814.

390 Cote 8819.

391 Cotes 27658 à 27660.

392 Cotes 9822 et 9823.

393 Cote 9818.

394 Cote 21913.

395 Cote 20030.

396 Cotes 19597, 19299 et 19300.

397 Cote 29497.

398 Cote 29498.

399 Cote 25177.

400 Cotes 10868 à 10870.

401 Cotes 17570 et 17571.

402 Cote 21902.

403 Cote 23984.

404 Cote 24981.

405 Cote 9961.

406 Cotes 9959 et 9960.

407 Cotes 10276 et 10277.

408 Cote 10276.

409 Cote 10560.

410 « We consider your proposal really interesting; In term of promotional dynamic we have only to ask you if ifs possible increase a little bit the price of the 2° pack (169€ could be perfect for us). » ; voir cote 10561.

411 Cotes 27664 (VC) et 34901 (VNC).

412 Cotes 10915 (VC) et 34885 (VNC).

413 Cotes 10815 (VC) et 34869 (VNC).

414 Cotes 10814 (VC) et 34868 (VNC).

415 Cotes 10814 (VC) et 34868 (VNC).

416 Cote 17727.

417 Cotes 8485 (VC) à 8495 (VC), ainsi que 12549 (VNC) à 12559 (VNC).

418 Cotes 17728 (VC) et 17729 (VC), ainsi que 18055 (VNC) et 18056 (VNC).

419 Cote 18068 (VC) et 19243 (VNC).

420 Cote 18097.

421 Cote 8584.

422 Cote 8584.

423 Cote 8584.

424 Cotes 19925 à 19927.

425 Cote 5171.

426 Cote 10821.

427 Cotes 5167 et 5168.

428 Cotes 10848 à 10850.

429 Cote 10864.

430 Cotes 252 à 254.

431 Cote 10900.

432 Cotes 5172 et 10844 (VC).

433 Cote 25178.

434 Cote 21890.

435 Cote 19508.

436 Cote 19601.

437 Cote 19585.

438 Cotes 19683 et 19684.

439 Cote 19554.

440 Cote 19674.

441 Cote 19674.

442 Cotes 19695 et 19696.

443 Cote 19508.

444 Cotes 19486 et 19487.

445 Cotes 20038 et 20039.

446 Cotes 19749 à 19753.

447 Cote 19755.

448 Cotes 19970 à 19973.

449 Cote 15665.

450 Cotes 17563 et 17564.

451 Cote 17570.

452 Cote 18130.

453 Cotes 20209 (VC) et 20095 (VNC).

454 Cotes 19290, 19292 et 19301.

455 Cotes 21464 et 21465.

456 Cote 19378 (VC) et 22424 (VNC).

457 Cotes 23984 et 23985.

458 Cotes 24205 et 24207.

459 Cotes 25001 et 25002.

460 Cote 24981.

461 Cote 25017.

462 Cote 27214.

463 Cote 27228.

464 Cote 25168.

465 Cote 27220.

466 Cote 27230.

467 Cote 28939.

468 Cote 17755.

469 Cotes 11259 à 11262.

470 Cote 24225.

471 Cote 24553.

472 Cotes 10918 à 10922.

473 Cote 8592.

474 Cotes 8369 (VC) et 32272 (VNC).

475 Cotes 25017 et 25020.

476 Cote 19593.

477 Cote 19674.

478 Cote 19501.

479 Cotes 19486 et 19487.

480 Cotes 20038 et 20039.

481 Cote 19779.

482 Cotes 19971 et 19972.

483 Cote 15665.

484 Cote 17563.

485 Cote 17570.

488 Cote 24847.

489 Cote 23984.

490 Cotes 27219 et 27220.

491 Cotes 24552 (VC) et 25827 (VNC).

492 Cote 24847.

493 Cotes 5064 à 5070, ainsi que 5191 à 5214.

494 Cote 19298.

495 Cote 9863.

496 Cote 5171.

497 Cote 10821.

498 Cotes 5167 et 5168.

499 Cote 10839.

500 Cote 10845.

501 Cote 10844 (VC).

502 Cotes 10848 à 10850.

503 Cote 10853.

504 Cote 10855.

505 Cote 10864.

506 Cotes 252 à 254.

507 Cote 9747.

508 Cote 5227.

509 Cote 5217 à 5226.

510 Cotes 10778 à 10780.

511 Cote 9771.

512 Cotes 27480 à 27483.

513 Cotes 27481.

514 Cote 8819.

515 Cote 10900.

516 Cotes 8816 et 8817.

517 Cote 9784.

518 Cotes 27658 à 27660.

519 Cote 10932.

520 Cote 10933.

521 Cote 8362 et 8363

522 Cote 9818.

523 Cote 9818.

524 Cotes 788 à 794.

525 Cote 9863.

526 Cote 86.

527 Cotes 87 à 90.

528 Cotes 19299 et 19300.

529 Cote 19299.

530 Cote 21478.

531 Cote 21478.

532 Cote 21478.

533 Cotes 17731 (VC) et 18058 (VNC).

534 Cote 10839.

535 Cote 10821.

536 Cotes 6281 à 6339.

537 Cote 6291.

538 Cote 5227.

539 Cote 5218.

540 Cote 5219.

541 Cote 5219.

542 Cote 5220.

543 Cote 5223.

544 Cote 5224.

545 Cote 5225.

546 Cote 5226.

547 Cote 8365.

548 Cote 9743.

549 Cote 10821.

550 Cotes 10837 et 10838.

551 Cote 10836.

552 Cote 10845.

553 Cote 10848.

554 Cote 10853.

555 Cote 10855.

556 Cote 10864.

557 Cote 9747.

558 « Dammi la data del contratto Se fa sconti chiudiamo il conto con il preavviso » ; voir cote 10778.

559 « Puoi verificare se il cliente fa gli sconti su Chanel » ; cote 10778.

560 « Cerchiamo di tare chiarezza. Vedi i depositari Chanel di Duroc e invia qualcuno a prendere il foglio délie promozioni : voglio capire bene tutte le loro offerte. Parigi è "piena" di Duroc dunque non dovresti aver difficoltà ad avère le informazioni. E' innportante. » ; cote 10779.

561 « La signora I... mi ha mandato il preventivo di Duroc e una lettera di spiegazione dell'offerta fatta da Duroc alla sua collaboratrice su degli occhiali Prada e Chanel. Come puoi vedere nell'allegato, non è menzionato lo sconto sul preventivo. C'è solo scritto in basso piccolo « «votre deuxième paire de lunettes vous est offerte » Quindi chiedero a J... di mandare qualcuno ad acquistare un paio Chanel per averne la certezza. Il contratto del cliente scade a maggio 2008 » ; cote 10779.

562 Cote 27480.

563 « Abbiamo aviuto una segnalazione da un cliente sul sito americano sunglassesavenue, che vende occchiali Chanel. http://www. sunglassesavenue. com/category/Chanel_54609_Page 1.html Avete gia tentato qualcosa con questo sito ? corne procedete in questo caso ? » ; cote 10900.

564 Cote 9784.

565 Cote 27658.

566 Cote 10932.

567 Cote 10932.

568 « Abbiamo un piccolo problenna di allineamento prezzi con un certo "K..." che ci créa qualche incomprensione con Grand Optical Rouen.Mi puoi dare una mano, il prezzo di GO è giusto » ; voir cote 10933.

569 Cote 8365.

570 Cote 85.

571 Cote 17563.

572 Cote 17570.

573 Cote 17571.

574 Cote 17572.

575 Cotes 19220 (VC) et 22748 (VNC), ainsi que 19221.

576 Cotes 21464 et 21465.

577 Cote 24847.

578 Cotes 23983 et 23984.

579 Cote 23984.

580 Cote 23984.

581 Cote 23985.

582 Cote 19593.

583 Cote 19692.

584 Cote 19639.

585 Cote 19491.

586 Cote 18130.

587 Cotes 18140 et 28141.

588 Cotes 20214 (VC) et 20095 (VNC).

589 Cotes 19378 (VC) et 22424 (VNC), ainsi que 19379.

590 Cote 24207.

591 Cote 25018.

592 Cote 25177.

593 Cotes 25250 et 25251.

594 Cotes 25256 et 25257.

595 Cotes 25280 et 25281.

596 Cote 25286.

597 Cote 25374.

598 Cote 19394.

599 Cotes 27214 et 27215.

600 Cote 27230.

601 Cotes 29493 et 29494.

602 Cotes 21464 et 21465.

603 Cote 28939.

604 Cote 17563.

605 Cote 17727.

606 Cote 10844 (VC).

607 Cote 10821.

608 Cote 10844 (VC).

609 Cote 10823.

610 Cote 10843.

611 Cote 10844 (VC).

612 Cote 5166.

613 Cotes 10018 et 10019.

614 Cote 10026.

615 Cote 10026.

616 Cote 24207.

617 Cote 24205.

618 Cote 24205.

619 Cotes 24247 à 24268.

620 Cote 24253.

621 Cote 24250.

622 Cote 24252.

623 Cote 24248.

624 Cote 24205.

625 Cote 24205.

626 Cote 24205.

627 Cote 19501.

628 Cote 19501.

629 Cote 25177.

630 Cote 423.

631 Cote 21888.

632 Cote 10775.

633 Cotes 17734 (VC) et 17735 (VC), ainsi que cotes 18060 (VNC) et 18061 (VNC).

634 Cote 10780.

635 « Dammi la data del contratto Se fa sconti chiudiamo il conto con il preavviso » ; voir cotes 10778.

636 Cotes 17726 (VC) et 34905 (VNC).

637 Cote 17564.

638 Cote 17573.

639 Cotes 11015 et 11016.

640 Cote 10863.

641 Cote 10863.

642 Cote 10863.

643 Cote 21910.

644 Cote 21910.

645 Cote 21888.

646 Cote 426.

647 Cote 21888.

648 Cotes 10778 à 10780.

649 Cotes 9839 et 9840.

650 Cote 21446.

651 Cote 21448.

652 Cote 9737 (VC) et 63649 (VNC).

653 Cote 5034.

654 Cotes 5545 (VC) et 17170 (VNC).

655 Cote 5035.

656 Cotes 19921 à 19924.

657 Cote 19797.

658 Cote 21798.

659 Cotes 17730 (VC) et 18057 (VNC).

660 Cote 19223.

661 Cote 5103.

662 Cote 5107.

663 Cote 5107.

664 Cotes 5099 et 5100.

665 Cotes 5093 et 5094.

666 Cotes 19793 à 19795.

667 Cote 19797.

668 Cotes 19793 à 19795.

669 Cote 5318.

670 Cotes 5472, 5473 et 5477.

671 Cote 21806.

672 Cotes 17730 (VC) et 18057 (VNC).

673 Cote 19288.

674 Cotes 19290 et 19292.

675 Cote 19287.

676 Cotes 5095 et 5096, ainsi que 19288.

677 Cotes 5321 et 5322.

678 Cote 19291.

679 Cotes 10783 (VC) à 10786 (VC), ainsi que 34863 (VNC) à 34866 (VNC).

680 Cotes 19378 (VC) et 22424 (VNC).

681 Cotes 17798 et 17799.

682 Cotes 27383 et 27384.

683 Cote 27385.

684 Cote 10844 (VC).

685 Cote 8814.

686 Cote 27549.

687 Cote 27580.

688 Cotes 17963 et 17964.

689 Cotes 27214 et 27215.

690 Cote 27230.

691 Cote 17755.

692 Cote 11261.

693 Cote 5172.

694 Cote 9995.

695 Cote 19579.

696 Cote 19601.

697 Cote 19558.

698 Cote 19589.

699 Cote 19684.

700 Cote 19526.

701 Cote 19674.

702 Cote 19688.

703 Cotes 19695 et 19696.

704 Cote 19617.

705 Cote 19639.

706 Cote 19496.

707 Cote 19508.

708 Cotes 19485, 19486 et 19487.

709 Cotes 20038 et 20039.

710 Cote 19755.

711 Cotes 19970 à 19973.

712 Cote 15665.

713 Cote 17570.

714 Cote 17571.

715 Cote 17573.

716 Cotes 18129 et 18130.

717 Cotes 23983 et 23984.

718 Cote 23984.

719 Cote 24847.

720 Cote 24205.

721 Cote 24207.

722 Cote 24981.

723 Cote 25168.

724 Cote 25250.

725 Cote 27214.

726 Cote 27228.

727 Cote 28939.

728 Cote 19558.

729 Cote 19593.

730 Cote 19692.

731 Cote 19490.

732 Cotes 15664 et 15665.

733 Cote 19218.

734 Cote 24810.

735 Cote 24821.

736 Cote 25168.

737 Cote 25373.

738 Cote 7328.

739 Cote 7317.

740 Cote 7324 (VC) et cote 34533 (VNC).

741 Cote 31343 (VC) et cote 34570 (VNC), procès-verbal d’audition du 14 novembre 2014, page 4.

742 Cotes 27818, 18155 et 484.

743 Cote 21520.

744 Cotes 24418 (VC) et 63027 (VNC) ; 24787 (VC) et 26159 (VNC) ; ainsi que 24418 (VC) et 63027 (VNC).

745 Cotes 24789 ; 24700 (VC) et 63039 (VNC) ; ainsi que 24419 (VC) et 63028 (VNC).

746 Cote 24646.

747 Cote 24355.

748 Cotes 24729 (VC) et 63046 (VNC).

749 Cotes 24630 (VC) et 63033 (VNC).

750 Cotes 24342 (VC) et 65611 (VNC).

751 Cote 30723.

752 Cotes 30747 (VC) et 30972 (VNC).

753 Cotes 30749 (VC) et 30750 (VC), ainsi que 30974 (VNC) et 30975 (VNC).

754 Cotes 30747 (VC) et 30972 (VNC).

755 Cotes 30727 (VC) et 30952 (VNC).

756 Cote 30732.

757 Cotes 17736 (VC) et 24524 (VNC).

758 Cote 24226.

759 Cote 24553.

760 Cette branche n’est pas examinée ici, dès lors qu’elle est prescrite (voir le paragraphe 95 ci avant).

761 Contrats conclus les 16 mars 2000, 7 avril 2000, 14 juin 2002, 24 juin 2003 et 2 décembre 2004.

762 Contrats conclus les 9 décembre 2008, 2 septembre 2009, 31 août 2010, 22 avril 2011, 21 novembre 2011, 19 octobre 2012, 4 avril 2013 et 10 octobre 2014.

763 Cotes 29534 (VC) et 35145 (VNC) ; 19560, 22116, 19530 et 217.

764 Cotes 39044 (VC) et 38428 (VNC) ; 39060 (VC) et 38428 (VNC) ; 39076 (VC) et 38476 (VNC) ; 27775 ; 39092 (VC) et 38492 (VNC) ; 39113 (VC) et 38513 (VNC) ; 39130 (VC) et 38529 (VNC) ; 39149 (VC) et 38548 (VNC).

765 Cotes 29535, 19561, 22117, 19531 et 218.

766 Cotes 39045 (VC) et 38429 (VNC) ; 39061 (VC) et 38429 (VNC) ; 39077 (VC) et 38477 (VNC) ; 27776 ; 39094 (VC) et 38494 (VNC) ; 39114 (VC) et 38514 (VNC) ; 39132 (VC) et 38531 (VNC) ; 39151 (VC) et 38550 (VNC).

767 Cotes 21475 et 21476.

768 Il s’agit des sites www.sunglassesportal.com, www.eyewearcentre.com, www.italiansunglasses.com et www.optikcenter.it ; voir cotes 10817 et 65787.

769 Cote 10817.

770 Cote 21478.

771 Cote 21478.

772 Cotes 35595 et 35596. Seuls deux modèles de la collection été 2013 étaient concernés.

773 Cotes 28939 à 28941.

774 Cote 28940.

775 Cote 28940.

776 Cote 28941.

777 Cote 29062.

778 Cote 29062.

779 Cote 29497.

780 Cote 29498.

781 Cote 29822.

782 Cote 21465.

783 Cote 29498.

784 Cote 29822.

785 Cote 29062.

786 Cote 29498.

787 Cote 29498.

788 Cote 29823.

789 Cote 21465.

790 S’agissant des marques Prada et Prada Linea Rossa, voir la cote 123 ; S’agissant de la marque Dolce & Gabbana, voir la cote 131 ; S’agissant de la marque Bulgari, voir les cotes 22131 et 23995.

791 S’agissant des marques Prada et Prada Linea Rossa, voir les cotes 28219, 21499, 28229, 22151 et 28242 ; S’agissant de la marque Dolce & Gabbana, voir les cotes 484 de la saisine 11/0025 F (VC) et 35098 (VNC), ainsi que 21490, 28257, 22141 et 28267 ; S’agissant de la marque Bulgari, voir les cotes 22131 et 23995.

792 Cotes 37738 (VC) et 38570 (VNC).

793 Cotes 37744 (VC) et 38576 (VNC).

794 Cotes 37739 (VC) et cote 38571 (VNC).

795 Cotes 37739 (VC) et cote 38571 (VNC).

796 Cotes 37739 (VC) et cote 38571 (VNC).

797 Cote 28940.

798 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 avril 2013, Medtronic, n° 12-80.331.

799 Arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 décembre 2014, n° 13-87.276. ; du 27 novembre 2013, no 12-85.830 ; et du 11 janvier 2012, no 10-87.087. Voir également l’arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2011, n° 10-11.777.

800 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, 6 août 2014, n° 14-81.20.

801 Cotes 32341 à 32345.

802 Ordonnance de la cour d’appel de Paris, 14 septembre 2010, n° 09/14586 ; voir les cotes 32327 à 32331.

803 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 janvier 2012, S 10-87.087 ; voir les cotes 32333 à 32339.

804 Cotes 37134 et 37135.

805 Cote 17727.

806 Cote 10844 (VC).

807 Cotes 17724 (VC) et 18051 (VNC), 17728 (VC) et 18055 (VNC), 17729 (VC) et 18056 (VNC), 17730 (VC) et 18057 (VNC), 17731, ainsi que 17735.

808 Cote 17735.

809 Cote 17735.

810 Cotes 17726 (VC) et 18053 (VNC).

811 Cote 5172.

812 Cotes 80559 à 80563.

813 Cotes 80090 à 80093.

814 Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij NV (LVM) e.a. / Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 192 ; du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals ApS et Alpharma LLC / Commission, T-471/13, EU:T:2016:460, point 354 ; du 27 juin 2012, Bolloré / Commission, T-372/10, EU:T:2012:325, point 104 ; du 9 septembre 1999, UPS Europe SA / Commission, T-175/99, EU:T:2002:78, point 38 et du 22 octobre 1997, SCK et FNK / Commission, T-213/95 et T-18/96, EU:T:1997:157, point 57.

815 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, 20/07505, point 27 ; de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 109 et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 18.

816 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 109.

817 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 18.

818 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, 20/07505, point 28, et du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 109.

819 Cotes 83179 et 84449.

820 Cotes 80561 et 80091.

821 Cotes 80561, 80090 et 80091.

822 Cote 83180.

823 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 19.

824 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, pages 18 et 19.

825 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 113 ; voir aussi arrêts de la cour d’appel de Paris du 19 juin 2014, 13/01006 et du 30 janvier 2007, SA Le Foll TP, 06/00566, page 13.

826 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 120.

827 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 févier 2012, Crédit Lyonnais, 13/20555, pages 20 et 21.

828 Luxottica indique que son portefeuille se compose d’environ 39 marques, une dizaine en propre, le reste sous licence ; voir cote 37109.

829 Cotes 35370 et 35371.

830 Cotes 35362 à 35642 et 65662 à 65836.

831 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, Crédit Lyonnais, 15/1763, point 38, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 2020, T 18-10.967 et E 18-11.001.

832 Cotes 35624 et 65804 à 65813.

833 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 18.

834 Cotes 35845 à 35847, s’agissant de Luxottica et Mikli.

835 Cotes 79432 à 79434, s’agissant de Luxottica ; 79447 à 79450, s’agissant de Maui Jim ; et 80045 à 80047, s’agissant de Safilo. Un délai supplémentaire d’environ deux semaines et demi a été accordé à Luxottica et Safilo, tandis qu’environ deux semaines supplémentaires ont été accordées à Maui Jim.

836 Cotes 59334 à 59336, s’agissant de GrandVision ; 59337 à 59339, s’agissant de Chanel ; 59340 à 59342, s’agissant d’Alain Afflelou ; 59343 à 59345, s’agissant de Mikli ; 59346 à 59361, s’agissant de Luxottica ; 59358 à 59361, s’agissant de Maui Jim ; 59362 à 59364, s’agissant de Safilo ; ainsi que 59706 à 59708, s’agissant de Silhouette. Environ un mois supplémentaire a été accordé aux parties qui en ont fait la demande, Chanel et Alain Afflelou s’étant vues accorder un délai supplémentaire de deux semaines environ.

837 Cotes 83158 à 83160, s’agissant de Maui Jim ; et 83088 à 83090, s’agissant de Safilo.

838 Voir, par exemple, les observations de Luxottica en réponse à la première notification de griefs (cotes 37096 à 37896) et les données utilisées par ses conseils économiques, communiquées séparément (cotes 39016 à 39019).

839 L’échéance a été repoussée du 2 mai 2020 au 29 juin 2020.

840 Cote 80561.

841 Cotes 80561 et 80652.

842 Cotes 80091 et 80092.

843 Cote 80092.

844 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 8 avril 2008, 07/07008, page 7 ; et du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 121.

845 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945 et du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 122.

846 Arrêt de la Cour de cassation du 12 janvier 1999, 97-13.125.

847 Arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2003, 01-00.528.

848 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 février 2012, Crédit Lyonnais, 10/20555, page 21 ; voir aussi, sur ce point, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, 20/07505, points 38 et 39.

849 Arrêt du 23 février 2012, Crédit Lyonnais, 10/20555, page 21.

850 Cotes 80081 à 80082, 83170 à 83172 et 83175 à 83176.

851 Cotes 80081 à 80082, 83170 à 83172 et 83175 à 83176.

852 Cotes 80510 et 80511.

853 Cotes 80563, 80564, 84450 et 84451.

854 Arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2009, Advent, 08-17.269 08-17.476 08-17.484 08-17.616 08-17.622 08-17.640 08-17.641 08-17.642 08-17.669 08-17.772 08-17.773 08-21.132 ; Arrêts de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Chevalier Nord, 2011/03298, page 39 ; et du 19 juin 2007, Philips, 06/00628, page 7 ; et décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, point 291.

855 Arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2009, 08-17.269 08-17.476 08-17.484 08-17.616 08-17.622 08-17.640 08-17.641 08-17.642 08-17.669 08-17.772 08-17.773 08-21.132.

856 Cote 65672.

857 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 mai 2016, Société Brandalley, 15/00301, page 6.

858 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 avril 2010, Société France Télécom, 09/13347, page 5.

859 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 avril 2008, 07/07008, page 6.

860 Décision n° 07-D-47 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’équipement pour la navigation aérienne, paragraphe 162.

861 Décision n° 16-D-26 du 24 novembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre par le Groupement des Installateurs Français dans le secteur de la fourniture, l’installation et de la maintenance d’équipements professionnels de cuisine, paragraphes 47 et 48.

862 Décision n° 16-D-26 du 24 novembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre par le Groupement des Installateurs Français dans le secteur de la fourniture, l’installation et de la maintenance d’équipements professionnels de cuisine, paragraphes 47 et 48.

863 Arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2020, 18-11.998.

864 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 janvier 2018, 17/01703.

865 Arrêts de la cour d’appel de Paris du19 juin 2014, 13/01006 et de la Cour de cassation du 6 octobre 2015, 14-20.445 14-21.291.

866 Voir la décision n° 12-D-11 du 6 avril 2012 concernant une saisine de la société Roland Vlaemynck Tisseur à l’encontre de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de serviettes industrielles, dont l’article premier dispose : « Le dossier enregistré sous le numéro 09/0054 F est renvoyé à l’instruction en ce qui concerne les pratiques de clauses d’exclusivité dénoncées. », page 18.

867 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 27 janvier 2011, Société française de la radiotéléphonie, 10/08945, du 23 février 2010, Expédia, 09/05544 et du 29 mars 2005, Filmdis et Cinésogar, 04/19930.

868 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 24 juin 2008, France Travaux, 2006/06913, page 17 ; voir aussi décision n° 07-D-49 du 19 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical dans le cadre de l’approvisionnement des hôpitaux en défibrillateurs cardiaques implantables, paragraphes 160 à 163.

869 Cotes 37132 à 37134 et 59999 à 60001.

870 Cotes 80567 et 84454.

871 Cotes 80567, 80568 et 84454.

872 Cote 37136.

873 Cote 37170.

874 Cote 37183.

875 Cotes 80621 et 80622

876 Cotes 36046 et 59537.

877 Cotes 59540 et 59541. Chanel avance également que ce grief, ainsi que les griefs n° 2 et n° 3 de la notification de griefs du 28 mars 2019 sont imprécis quant à l’imputabilité des pratiques. Ce point sera examiné aux paragraphes 958 et suivants ci-après.

878 Décision n° 17-S-01 du 24 février 2017, paragraphe 12.

879 Cotes 80570, 84454 et 84455.

880 Cotes 80088 et 83179.

881 Cotes 80570, 84454 et 84455.

882 Cotes 80088 et 83179.

883 Cotes 80570 et 84459.

884 Décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, paragraphes 292 à 297, non remise en cause sur ce point par les arrêts de la cour d’appel de Paris du 19 juin 2014, 2013/01006, et de la Cour de cassation du 6 octobre 2015, 14-20.445 14-21.291.

885 Commission européenne, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO C 101 du 27 avril 2004, p. 0081–0096, point 18.

886 Commission européenne, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO C 101 du 27 avril 2004, p. 0081–0096, point 19.

887 Arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Österreichische Volksbanken et Niederösterreichische Landesbank- Hypothekenbank / Commission, T-259/02 à T–264/02 et T–271/02, EU:T:2006:396, point 181.

888 Arrêt de la Cour de justice 24 septembre 2009, Erste Group Bank / Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, EU:C:2009:576, point 38 ; voir aussi arrêt de la Cour de justice du 4 septembre 2014, API e.a., C-184/13 à C-187/13, C-194/13, C-195/13 et C-208/13, EU:C:2014:2147, point 44 et arrêt de la Cour de cassation du 7 octobre 2014, Kontiki, 13-19.476.

889 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., 10-25.772, page 6.

890 Arrêts de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., 10-25.772, page 6, et du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., 13-16.745 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., 11/18245.

891 Commission européenne, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO C 101 du 27 avril 2004, pages 81 à 96, point 53.

892 Décision n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, paragraphes 91 et suivants, arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, 12/01227, page 4 et arrêt de la Cour de cassation du 7 octobre 2014, P 13-19.476, page 3.

893 Cotes 17719 (VC) et 17720 (VC), ainsi que 18046 (VNC) et 18047 (VNC).

894 Arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a. / Commission, T-213/00, EU:T:2003:76, point 206.

895 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 ; Décision n° 10-D-13 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 221 ; Décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 364.

896 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.

897 Décision n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 à 159.

898 Arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma / Commission, C-41/69, EU:C:1970:71, point 112, et du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242, point 67 ; arrêt de la cour d’appel de Paris, 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, 08/00255, page 9, devenu définitif après les arrêts de rejet de la Cour de cassation du 7 avril 2010.

899 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242, point 173.

900 Arrêt du Tribunal du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services c/ Commission, T-168/01, EU:T:2006:265, points 83 et 84.

901 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a. / Commission, C-204/00, EU:C:2004:6, point 237.

902 Arrêt du 16 janvier 2020, Société Canna France, 19/03410, page 8.

903 Arrêt du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, 08/00255.

904 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer / Commission, T-41/96, EU:T:2000:242.

905 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

906 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Puériculture de France, 09-11853.

907 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 44, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648.

908 Arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, C-02/01 P, EU:C:2004:2, point 84.

909 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12- 14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648.

910 Voir notamment les décisions n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe186 ; n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 835 ; n° 19-D-17 du 30 juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphes 141 à 151 et 154 à 160 ; n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats, paragraphes 180 et 181 ; et n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, paragraphes 119 et 120. Voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, 12/01227, page 6.

911 Arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 2011, Société Philips France, 09-14.316, 09-14.667 ; voir également l’arrêt du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648, page 28.

912 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, 06/14057, page 16.

913 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, 12/01227.

914 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 33.

915 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 54.

916 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 40.

917 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 44.

918 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 51 et jurisprudence citée.

919 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 76.

920 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 52 et jurisprudence citée.

921 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 53 et jurisprudence citée.

922 Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 291 du 13 octobre 2000, page 1, point 47 et lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, page 1, point 48.

923 Arrêt de la Cour de justice du 21 février 1984, Hasselbald, 86/82, EU:C:1984:65, points 41 à 49.

924 Décision de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 86.

925 Décision de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 90.

926 Décision de la Commission du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, points 124 à 128.

927 Décision de la Commission du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, points 134 à 135.

928 Décision n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la distribution des montres Rolex, page 14 ; n° 01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France et n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, page 44.

929 Décision n° 01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France, page 10.

930 Décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, page 44.

931 Décision n° 06-D-04 bis du 13 mars 2006 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe.

932 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, pages 61, 62 et 84, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648.

933 Décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, paragraphes 179 et 181.

934 Décision n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphes 185 et suivants.

935 Décision n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphes 206 et 272.

936 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 36 et jurisprudence citée.

937 Arrêts de la Cour de justice du 3 juillet 1985, Binon, 243/83, EU:C:1985:284, point 43 ; du 1er octobre 1987, VVR v Sociale Dienst van de Plaatselijke en Gewestelijke Overheidsdiensten, C-311/85, EU:C:1987:418, point 17 ; du 19 avril 1988, SPRL Louis Erauw-Jacquery v La Hesbignonne SC, C-27/87, EU:C:1988:183, point 15.

938 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre1983, AEG v Commission, C-107/82, EU:C:1983:293, point 43.

939 Arrêt de la Cour de justice du 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris GmbH v Pronuptia de Paris Irmgard Schillgallis, C-161/84, EU:C:1986:41, point 25.

940 Décision de la Commission du 17 décembre 1986, Pronuptia, CEE (IV/30937), point 25.

941 Décision de la Commission du 24 juillet 1992, IV/33.542 Parfums Givenchy, 92/428/CEE, point 5.

942 Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

943 Décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, paragraphe 135.

944 Décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, paragraphes 135 et 224.

945 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 10, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401– A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 –V 12-14.648, page 10.

946 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 86, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401– A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 –V 12-14.648., page 10.

947 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, pages 87 et 88, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 –C 12-14.632 – V 12-14.648.

948 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, 12/01227.

949 Arrêt de la Cour de justice du 1er février 1978, Miller, 19/77, EU:C:1978:19, point 7.

950 Décision de la Commission du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, point 141.

951 Arrêt du 3 juillet 1985, Binon v AMP, 243/83, EU:C:1985:284, point 46.

952 Arrêt du 28 janvier 1986, Pronuptia, 161/84, EU:C:1986:41, point 23.

953 Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130, 19 mai 2010, point 60.

954 Selon la Commission, « les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur doit appliquer, sont considérés comme des restrictions caractérisées. », voir le point 223 des lignes directrices.

955 Commission européenne, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130, 19 mai 2010, points 223 et 225.

956 Arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 86.

957 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 52 et jurisprudence citée.

958 Commission européenne, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 291, 13 octobre 2000, point 47 et Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130, 19 mai 2010, point 48.

959 Voir, notamment les décisions de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 104 ; et du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, points 174 ; ainsi que les décisions du Conseil et de l’Autorité n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, page 44 ; et n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe 264.

960 Arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a. / Commission, C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, EU:C:2009:610, point 82, et jurisprudence citée ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 décembre 2011, Compagnie Emirates, 09/20639, page 1 et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, paragraphe 653.

961 Arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a. / Commission, précité, point 102.

962 Commission européenne, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130, 19 mai 2010, point 223.

963 Décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, paragraphes 132 à 135.

964 Décision de la Commission du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, point 175.

965 Décision de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 111.

966 Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, point 164.

967 Arrêt du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a. / Commission, T-49/02 à T-51/02, EU:T:2005:298, point 185.

968 Arrêts du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger / Commission, T-43/92, EU:T:1994:79, point 79, du 16 novembre 2006, Peroxidos Orgânicos / Commission, T-120/04, EU:T:2006:350, point 51 ; et du 5 avril 2006, Degussa / Commission, T-279/02, EU:T:2006:103, point 153.

969 Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055, confirmant l’arrêt de la cour d’appel du 29 septembre 2009 sur la décision n° 08-D-12 rendue le 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production du contreplaqué, pages 8 à 9.

970 Arrêts du 20 mars 2002, Dansk Rorindustri / Commission, T-21/99, EU:T:2002:74, points 53 à 56, du 5 avril 2006, Degussa / Commission, T-279/02, EU:T:2006:103, point 178, et du 19 mai 2010, IMI e.a. / Commission, T-18/05, EU:T:2010:202, points 96 à 97 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix signalisation e.a., 11/01228, p. 10.

971 Cotes 58673 et 58674.

972 Cotes 58705 et 58706.

973 Cotes 58705 et 58706.

974 Cote 83418.

975 Cotes 58705 et 58706

976 Cote 36603.

977 Cote 58705.

978 Cotes 58705 et 58706.

979 Arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 2011, Société Philips France, n° 09-14.316, 09-14.667 ; voir également l’arrêt du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, précité, page 28.

980 Cotes 37149 à 37151.

981 Voir notamment les décisions n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe 186 ; n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises

982 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, précité, page 43.

983 Cotes 37215 (VC) et 28265 (VNC).

984 Cotes 37215 (VC) et 28265 (VNC).

985 Cotes 11259 à 11262.

986 Cotes 10814 (VC) et 34868 (VNC).

987 Cote 8592.

988 Cote 8365.

989 Cote 27658.

990 Cote 37171.

991 Cotes 37183 (VC) et 38233 (VNC).

992 Cote 80863.

993 Cote 37195.

994 Cote 37187.

995 Cote 37190.

996 Cote 9746.

997 Cote 37193.

998 Cote 37194.

999 Cote 37194.

1000 Cote 37194.

1001 Cote 37194.

1002 Cote 10804.

1003 Cotes 37195, 37196 et 37215.

1004 Cote 37199.

1005 Cote 37244.

1006 Cote 37244.

1007 Cote 37173.

1008 Cote 37197.

1009 Cote 37196.

1010 À l’exception d’Armani.

1011 Notamment pour les marques Prada, Prada Linea Rossa, Dolce & Gabbana, Bulgari, Versace, Versus, Burberry et Ray-Ban.

1012 Notamment pour la marque Chanel.

1013 Cote 20030.

1014 Cote 17734.

1015 Cote 20030.

1016 Cotes 17733 (VC) et 18060 (VNC), ainsi que 17734.

1017 Cotes 17733 (VC) et 18060 (VNC), ainsi que 17734.

1018 Cote 17727.

1019 Cotes 19597, 19299 et 19300.

1020 Cote 10851.

1021 Cote 37202.

1022 Cote 24981.

1023 Cotes 10868 à 10870.

1024 Cotes 17570 et 17571.

1025 Cote 21902.

1026 Cotes 9959 et 9960.

1027 Cote 10560.

1028 « We consider your proposal really interesting; In term of promotional dynamic we have only to ask you if its possible increase a little bit the price of the 2° pack (169€ could be perfect for us). » ; voir cote 10561.

1029 Cotes 10814 (VC) et 34868 (VNC).

1030 Cotes 10848 à 10850.

1031 Cotes 19970 à 19973.

1032 Cotes 24205 et 24207.

1033 Cote 27228.

1034 Cote 19674.

1035 Cote 19508.

1036 Cotes 19378 (VC) et 22424 (VNC).

1037 Cote 25017.

1038 Cote 37245.

1039 Cote 37247.

1040 Cotes 37206 (VC) et 38256 (VNC).

1041 Cotes 37207 et 37208.

1042 Cote 37209.

1043 Cote 37205.

1044 Cotes 37205, 37213 et 37214.

1045 Cotes 37213 et 37214.

1046 Cotes 25017 et 25020.

1047 Cote 5227.

1048 Courriels des 12 et 23 décembre 2005, du 31 mars 2006, du 25 mai 2009, du 11 décembre 2008 et du 3 juin 2009.

1049 Cotes 21464 et 21465.

1050 Cote 19288

1051 Cote 5166.

1052 Cote 17564.

1053 Cote 80865.

1054 Cote 37197.

1055 Cote 9771.

1056 Cotes 25001 et 25002.

1057 Cotes 137 (VC) à 144 (VC), ainsi que 11341 (VNC) et 11342 (VNC).

1058 Cotes 17570 et 17571.

1059 Cotes 37173 et 37198.

1060 Cotes 37191 et 37192.

1061 Cotes 37229 à 37236.

1062 Cotes 5828 à 58579.

1063 Cote 80864.

1064 Cotes 37218 à 37225.

1065 GfK a indiqué : « Nous travaillons avec des données de vente finale aux consommateurs, c'est-à-dire à partir des sorties de caisse TTC, les remises sont incluses si elles sont faites en caisse » ; voir les cotes 24023 (VC) et 24182 (VNC).

1066 Voir notamment les décisions n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets et n° 06-D-04 bis du 13 mars 2006 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe.

1067 Dans l’affaire des parfums, la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel avait « exactement retenu que la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les prix affichés en magasin, nets des remises annoncées dans le point de vente, et ne saurait recouvrir les remises effectuées en caisse, qui constituent des gestes commerciaux accordés individuellement en fonction des caractéristiques du client et non en considération du produit vendu », voir l’arrêt du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648.

1068 Notamment en 2008, pour Prada, entre 2012 et 2014, pour Dolce & Gabbana, entre 2008 et 2011, pour D&G, ainsi qu’en 2010, pour Burberry.

1069 Cote 11261.

1070 Cote 19589.

1071 Cotes 19695 et 19696.

1072 Cote 19508.

1073 Cotes 19485, 19486 et 19487.

1074 Cotes 19970 à 19973.

1075 Cotes 18129 et 18130.

1076 Cotes 23983 et 23984.

1077 Cote 24847.

1078 Cote 24205.

1079 Cote 24207.

1080 Cote 27214.

1081 Cote 28939.

1082 Voir, notamment les cotes 19579, 19585, 19601, 19486, 19554, 19683, 25250 et 27214.

1083 Décisions n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe 288 ; et n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 917. Voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, 2006/14057, page 16.

1084 Cote 24847.

1085 Cote 5171.

1086 Cote 10853.

1087 Cote 21478.

1088 Cotes 80885 et 83579.

1089 Cote 80905.

1090 Cote 80936.

1091 Cotes 80937 à 80940, 83574 et 83575.

1092 Cotes 80940 à 80942 et 83575.

1093 Cotes 80943 à 80946.

1094 Cotes 80943 à 80946.

1095 Cotes 80943 à 80946.

1096 Cotes 80946 à 80950.

1097 Cotes 83575 à 83579.

1098 Cotes 83571 et 83572.

1099 Décision de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 86. Voir aussi les décisions n° 01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France, page 10 ; n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise, page 44 ; n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, paragraphes 179 et 181.

1100 Décision de la Commission du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, points 124 à 128 et 134 à 135.

1101 Décision de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 86 ; Décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe par la société Clarins SA, paragraphes 179 et 181.

1102 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 86.

1103 Arrêts de la Cour de justice du 6 décembre 2017, Coty Germany, C-230/16, EU:C:2017:941 ; du 13 octobre 2011, Pierre Fabre, C-439/09, EU:C:2011:649 ; et du 25 octobre1983, AEG v Commission, C-107/82, EU:C:1983:293, point 43.

1104 Décisions de la Commission du 5 juillet 2000, Nathan, COMP.F.1. 36.516, C(2000) 1853, point 111 ; et du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, point 164.

1105 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 52 et jurisprudence citée.

1106 Notification de griefs du 13 février 2015, telle que modifiée par la notification de griefs rectificative du 3 juin 2015.

1107 Cotes 60028 et 60107.

1108 Cote 28939.

1109 Cote 60091.

1110 Cote 60091.

1111 Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 102 du 23 avril 2010, page 1.

1112 Voir, par analogie, la décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, paragraphes 593 à 595 et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 octobre 2015, 14-20.445 14-21.291.

1113 Cote 35606.

1114 Cotes 27499 et 27500.

1115 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, n° 2007/14904, page 6 et décisions n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Télécom, paragraphe 125 ; n° 04-D-73 du 21 décembre 2004 relative à la situation de la concurrence dans le secteur de la fourniture d’accès à Internet, paragraphe 47 ; n° 07-D-23 du 12 juillet 2007 relative à la saisine de la SA Édition presse magazines 2000 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Nouvelles messageries de la presse parisienne NMPP, paragraphe 53 ; et n° 07-D-39 du 23 novembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport ferroviaire de personnes sur la route Paris-Londres, paragraphe 98.

1116 Cote 80509.

1117 Arrêt de la Cour de justice du 9 septembre 2003, CIF, EU:C:2003:430, point 67 et jurisprudence citée.

1118 Arrêt de la Cour de justice du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom / Commission, C-280/08 P, EU:C:2010:603, points 80 à 82 et jurisprudence citée ; voir aussi arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, CNSD, T-513/93, EU:T:2000:91, point 42.

1119 Arrêt de la Cour de justice du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom / Commission, C-280/08 P, EU:C:2010:603, point 82 et jurisprudence citée.

1120 Arrêt du 13 mars 2014, Bang & Olufsen, 13/00714, page 6.

1121 Arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09, EU:C:2011:649, point 47 et dispositif.

1122 Arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09, EU:C:2011:649, point 46.

1123 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C‑230/16, EU:C:2017:941, points 33 et 34.

1124 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C‑230/16, EU:C:2017:941, point 35.

1125 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C‑230/16, EU:C:2017:941, point 43.

1126 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, C‑230/16, EU:C:2017:941, point 52.

1127 Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 61 à 63 et

127 à 131.

1128 Arrêt du 31 janvier 2013, Pierre Fabre, 08/23812, page 15.

1129 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014, Bang & Olufsen, 13/0074, page 9.

1130 Décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma, paragraphe 73.

1131 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 octobre 2019, Stihl, 18/24456.

1132 Décision n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, paragraphes 221 et 244.

1133 Décision n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, paragraphes 132 et 133.

1134 Décision n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, paragraphe 151.

1135 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 17 octobre 2019, Stihl, 18/24456, point 355 ; et du 13 mars 2014, Bang & Olufsen, 13/00714, page 13.

1136 Décisions n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, paragraphe 182 ; et n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, paragraphe 308.

1137 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010, point 52.

1138 Arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09, EU:C:2011:649, point 59 et dispositif.

1139 Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 14 janvier 1997, 95-12.011.

1140 Jugement du TGI de Paris du 10 mai 2010, SYNOPE, 0907208039 ; cotes 60276 à 60284.

1141 Cotes 80987 et 80988.

1142 Arrêt de la Cour de justice du 9 septembre 2003, CIF, C-198/01, EU:C:2003:430.

1143 Cotes 60084, 80987, 80988 et 80989.

1144 Arrêt de la Cour de justice du 9 septembre 2003, CIF, C-198/01, EU:C:2003:430, point 51. 1145 Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 14 janvier 1997, 95-12.011. 1146 Cotes 60276 à 60284.

1147 Arrêt de la Cour de Cassation du 25 février 2003, 01-11.545.

1148 Base de donnée recensant les procédures d’infractions menées par la Commission européenne, décisions d’infraction, accessible à partie de l’URL : https://ec.europa.eu/atwork/applying-eu-law/infringements- proceedings/infringement_decisions/index.cfm ?lang_code =EN&typeOfSearch =true&active_only =0&nonc om =0&r_dossier =INFR %282005 %295070&decision_date_from =&decision_date_to =&EM =FR&title = &submit =Search

1149 Cote 32247.

1150 Cote 21476.

1151 Cote 29822. 1152 Cote 32805.

1153 Cote 32806.

1154 Cote 32805.

1155 Cote 32807.

1156 Cotes 32806 et 32807.

1157 Cote 24203.

1158 Cote 65581.

1159 Cote 29497.

1160 Cote 23985.

1161 Cote 28940.

1162 Cotes 37278 et 80981.

1163 Cote 29497.

1164 Cote 29822.

1165 Questions écrites du sénateur Roland Courteau du 25 mars 2010 ; du député Philippe Vigier du 29 juin 2010 ; du député Philippe Goujon du 3 août 2010 ; du député Jean-Paul Garraud du 3 août 2010 ; du sénateur Yves Détraigne du 19 avril 2012 ; du sénateur Yves Détraigne du 5 juillet 2012 ; du sénateur Roland Courteau du 9 août 2012 ; du sénateur Yves Détraigne du 8 août 2013.

1166 Cote 35378.

1167 Cote 35378.

1168 Cote 32806.

1169 2…, « Oui, la vente en ligne de lunettes de vue est bien légale ! », Happyview.fr, 18 octobre 2011, accessible à partir de l’URL : https://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/1030313-oui-la-vente-en- ligne-de-lunettes-de-vue-est-bien-legale/

1170 Cote 80152.

1171 Cote 80153.

1172 Cote 80154.

1173 Cotes 80158 et 80159.

1174 Cotes 80977 à 80979.

1175 Cote 80980.

1176 Cotes 80977 à 80979.

1177 Cote 80979.

1178 Cotes 780976 et 80977.

1179 Cote 83602.

1180 Cote 80980.

1181 Cet article stipule : « sur la base de leur expérience, les parties ont conclu, en vertu de l’accord précédent, que les Produits ne peuvent pas être vendus par Internet par les Distributeurs Agréés, en conformité avec les critères qualitatifs, à un coût raisonnable et avec des attentes raisonnables de retour sur l’investissement. Les parties conviennent de réévaluer cette position commune au cours des deux premières années du présent accord afin d’élaborer ensemble la façon dont la vente de produits par internet pourrait être organisée sans compromettre l’image de luxe de haute qualité de la marque » ; voir la cote 24355.

1182 Cote 24553.

1183 Cote 24553.

1184 Cote 80946.

1185 Cote 80979.

1186 Cotes 17572, 29498 et 29822.

1187 Décision n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, paragraphe 118.

1188 Cotes 29498 et 29822.

1189 Cotes 29062, 29498 et 29823.

1190 Cote 21465.

1191 Cotes 10817, 21478, 28940 et 28941.

1192 Décisions de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, point 170 ; et du 30 janvier 2020, AT.40433 Film merchandise, C(2020) 359 final, points 120 à 123.

1193 Cote 37739.

1194 Arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 51 et jurisprudence citée.

1195 Cotes 36049, 59544, 80094 et 83204.

1196 Cote 83598.

1197 Cote 80152.

1198 Cotes 36052, 36053 et 80152.

1199 Cote 36051.

1200 Cote 80937.

1201 Cote 83608.

1202 Cotes 37292 et 80989.

1203 Cotes 36053 et 83205.

1204 Cotes 36053, 80151 et 83205.

1205 Cour d’appel de Paris, 31 janvier 2013, Pierre Fabre, 2008/23812.

1206 Cotes 80144 et 80145.

1207 Cote 83205.

1208 Cotes 80146, 83205 et 83206.

1209 Cote 80152.

1210 Cotes 80148 et 83604.

1211 Cotes 80152 et 80153.

1212 Cote 80989.

1213 Cotes 80160 et 83206.

1214 Arrêt de la Cour de Justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09, EU:C:2011:649, point 44.

1215 Arrêt de la Cour de justice du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, EU:C:2003:664.

1216 Arrêt de la Cour de justice du 2 décembre 2010, Ker-Optika, C-108/09, EU:C:2010:725.

1217 Cotes 24205, 32247 et 32248.

1218 Cote 29062.

1219 Cote 19380.

1220 Cotes 32247 et 32248.

1221 Cotes 27858 et 80151.

1222 Cotes 80151 et 80152.

1223 Cote 33036.

1224 Cote 37884.

1225 Règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées.

1226 Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées.

1227 Cotes 83221 et 83222.

1228 Cote 83608.

1229 Cote 80946.

1230 Cotes 29535, 19561, 22117, 19531 et 218.

1231 Cotes 29534 (VC) et 35145 (VNC) ; 19560, 22116, 19530 et 217.

1232 Cotes 80976 et 80977.

1233 Cotes 80976, 80977, 83600 et 83601.

1234 Cotes 39045 (VC) et 38429 (VNC) ; 39061 (VC) et 38429 (VNC) ; 39077 (VC) et 38477 (VNC) ; 27776 ; 39094 (VC) et 38494 (VNC) ; 39114 (VC) et 38514 (VNC) ; 39132 (VC) et 38531 (VNC) ; 39151 (VC) et 38550 (VNC).

1235 Cotes 39044 (VC) et 38428 (VNC) ; 39060 (VC) et 38428 (VNC) ; 39076 (VC) et 38476 (VNC) ; 27775 ; 39092 (VC) et 38492 (VNC) ; 39113 (VC) et 38513 (VNC) ; 39130 (VC) et 38529 (VNC) ; 39149 (VC) et 38548 (VNC).

1236 Voir, par exemple, les cotes 27756, 27762, 27770, 27771 et 27772 (VC), ainsi que 30432 (VNC), s’agissant de Persol ; 17917, 17918, 17919, 17920 et 17927 (VC) à 17929 (VC), ainsi que 35178 (VNC) à 35184 (VNC), s’agissant de Oakley ; et 37849, s’agissant de Ray-Ban. 1237 Cote 29062.

1238 Voir les contrats des 16 mars 2000, 7 avril 2000, 14 juin 2002, 24 juin 2003, 2 décembre 2004, 9décembre 2008, 2 septembre 2009, 31 août 2010, 22 avril 2011, 21 novembre 2011, 19 octobre 2012, 4 avril 2013 et 10 octobre 2014.

1239 Cote 80983.

1240 Cotes 80982 et 80983.

1241 Cotes 37754 et 80981.

1242 Cotes 60267, 60268 et 80982.

1243 Cotes 60270 et 80983.

1244 Cote 60271.

1245 Cotes 80983, 80984 et 80985.

1246 Cote 80986.

1247 Cote 80986.

1248 Cote 83602.

1249 Cotes 80979 et 80984.

1250 Voir les chartes du 30 octobre 2006, 4 avril 2007, 29 décembre 2008, 30 juin 2009 et 10 juillet 2009 et 25 mars 2014, cette dernière étant un exemple fourni par Luxottica le 18 août 2014 des chartes signées par tous les points de vente à compter du 1er janvier 2013.

1251 Voir les chartes des 30 octobre 2006, 4 juillet 2007, 5 mars 2008, 15 juillet 2008, 10 juillet 2009 et 8 février 2011.

1252 Voir les chartes des 30 octobre 2006, 16 mai 2008 et 14 mars 2012.

1253 Règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 336 du 29 décembre 1999, page 21.

1254 Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 102 du 23 avril 2010, page 1.

1255 Cote 60265.

1256 Cote 83608.

1257 Voir les contrats des 16 mars 2000, 7 avril 2000, 14 juin 2002, 24 juin 2003, 2 décembre 2004, 9 décembre 2008, 2 septembre 2009, 31 août 2010, 22 avril 2011, 21 novembre 2011, 19 octobre 2012, 4 avril 2013 et 10 octobre 2014.

1258 Cote 29498.

1259 Voir les chartes du 30 octobre 2006, 4 avril 2007, 29 décembre 2008, 30 juin 2009 et 10 juillet 2009 et 25 mars 2014, cette dernière étant un exemple fourni par Luxottica le 18 août 2014 des chartes signées par tous les points de vente à compter du 1er janvier 2013.

1260 Voir les chartes des 30 octobre 2006, 4 juillet 2007, 5 mars 2008, 15 juillet 2008, 10 juillet 2009 et 8 février 2011.

1261 Cote 28215.

1262 Voir les chartes des 30 octobre 2006, 16 mai 2008 et 14 mars 2012.

1263 Cote 80038. 1264 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a. / Commission, C-97/08 P, EU:C:2009:536, points 55 et 56 ; et du 20 janvier 2011, General Química / Commission, C-90/09 P, EU:C:2011:21, point 36 ;voir, également, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., pages 18 et 20.

1265 Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, EU:C:2009:343, points 49 et 50.

1266 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Química / Commission, précité, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 19.

1267 Arrêts Akzo Nobel e.a. / Commission, précité, points 60 et 61, General Quimica / Commission, précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19-20.

1268 Arrêts Akzo Nobel e.a. / Commission, précité, points 60 et 61, General Química / Commission, précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19-20.

1269 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2011, General Química, C-90/09 P, EU:C:2011:21, point 52.

1270 Arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Cascades, C-279/98 P, point 78.

1271 Arrêts de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., 01-17896 et 02-10066 et de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., 08/01095, page 5.

1272 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphe 711 ; n° 06-D-03 bis du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation, paragraphe 1382 – en partie réformée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 janvier 2008, 06/07820, pages 27, 28 et 35 et n° 10-D-35 du 15 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture d’électrodes de soudure pour les constructeurs automobiles, paragraphe 206.

1273 Venant aux droits de Luxottica Trading and Finance.

1274 Cote 24725.

1275 Cote 24625.

1276 Cote 24337.

1277 Cote 24337.

1278 Cotes 63435 et 63436.

1279 Cote 63435.

1280 Cotes 63435 et 63436.

1281 Cotes 36048 et 80088.

1282 Cotes 36048 et 80089.

1283 Cotes 80088 et 80089.

1284 Cote 24725.

1285 Cote 24625.

1286 Cote 24337.

1287 Cotes 28949 (VC) à 28960 (VC), 63561 (VC) et 63562 (VC) ; ainsi que 65593 (VNC) à 65604 (VNC), 65643 (VNC) et 63660 (VNC).

1288 Cette information a été portée à l’attention de l’Autorité par les conseils de Chanel, en amont de la séance du 13 janvier 2021.

1289 Arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo cosmétique, C‑439/09, EU:C:2011:649.

1290 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi « Hamon ».

1291 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JO L 1 du 4 janvier 2003, page 1.

1292 C’est pourquoi ne sont abordées ci-après que les critiques des requérantes qui concernent les pratiques de prix imposés et non des pratiques qui n’auraient consisté qu’à restreindre la capacité des distributeurs de mettre en œuvre des promotions, indépendamment de toute autre restriction de leur liberté tarifaire.

1293 Cote 55087.

1294 Cote 55087.

1295 Cotes 54386 et 54397.

1296 Cote 40686.

1297 Arrêt de de la Cour de justice du 21 septembre 2006, JCB Service / Commission, C-167/04 P, EU:C:2006:594, point 211 ; Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mars 2008, José Alvarez e.a., 07/00370.

1298 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, 08/00255, page 17.

1299 Cotes 32816 et 82393.

1300 Sondage Odoxa pour Krys, 2018, disponible à partir de l’URL : http://www.odoxa.fr/wp- content/uploads/2018/09/Sondage-Odoxa-pour-KRYS-Les-Francais-les-opticiens-et-les-solaires.pdf

1301 Santé publique France, « Les risques de l’été : quelques précautions à prendre », disponible à partir de l’URL : https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/les-risques-de-l-ete-quelques-precautions-a- prendre

1302 Xerfi France, La fabrication de lunettes, verres et lentilles, juin 2020, page 21.

1303 Pour cette raison, le Gouvernement s’est engagé à donner à tous les Français un accès à des soins de qualité, pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie obligatoire et complémentaire, dans le domaine de l’optique, de l’audiologie et du dentaire, grâce au dispositif 100 % Santé ; voir le site du ministère de la Santé, disponible à partir de l’URL : https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/100pourcent- sante/article/100-sante-faciliter-l-acces-aux-soins-et-aux-equipements-auditifs-optiques-et

1304 Voir, par exemple, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, 07/18040, page 4.

1305 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France, 09/03532.

1306 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., 09-12984, 09-13163 et 09-65940.

1307 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., 09-12984, 09-13163 et 09-65940.

1308 Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, 04 13910.

1309 Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, 04 13910.

1310 Voir, par exemple, les arrêts de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole L’ardéchoise, 07/10371, page 6 et Cour de cassation, 18 février 2004, CERP e.a., 02-11.754.

1311 Cotes 6766, 29603 et 7317.

1312 Cotes 486, 27814 à 27823, 7820 et18157.

1313 Cotes 17719 (VC) et 17720 (VC), ainsi que 18046 (VNC) et 18047 (VNC).

1314 Commission européenne, lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C291 du 13 octobre 2000, point 112, non remises en cause sur ce point par les lignes directrices sur les relations verticales, JO C 130 du 19 mai 2010.

1315 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, 10/23945, page 86.

1316 Xerfi France, La fabrication de lunettes, verres et lentilles, juin 2020, page 28.

1317 Selon l’étude GfK fournie par Luxottica, qui soutient que ces parts de marchés doivent être respectivement ramenées à 19 % et 21 %, voir les cotes 18070 (VC) et 19245 (VNC).

1318 Point 42 du communiqué sanctions.

1319 Points 43 et suivants du communiqué sanctions.

1320 Voir en ce sens arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a. n° 02-15203.

1321 Arrêt de la Cour de justice du 4 septembre 2014, YKK Corporation, C-408/12, EU:C:2014:2153, point 86 ; du 26 juin 2006, Showa Denko / Commission, C-289/04 P, EU:C:2006:431, points 16 et 17 ; et du 7 juin 1983, Musique Diffusion Française / Commission, 100 à 103/80, EU:C:1983:158, points 119 à 121.

1322 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a. précité, page 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, 12/00723, page 41.

1323 Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics / Italie, 43509/08, point 41.

1324 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Séphora e.a, 12-14401.

1325 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag S.A.S e.a, n° 18/01945, points 581 et suivants.

1326 Arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2016, société Sanofi-Aventis France, 15-10.384 et du 18 février 2014, société Pradeau et Morin e.a, 12-27.643.

1327 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, société Laïta, 15/08224 et du 28 mai 2015, Pradeau et Morin, 14/09272.

1328 Cote 83416.

1329 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 octobre 2016, société Beiersdorf e.a, 15/01673, point 426.

1330 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations e.a., 17/01658, page 20.

1331 Arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2014, société Pradeau et Morin e.a, 12-27643.

1332 Cote 83400.

1333 La société Logo étant en liquidation judiciaire au jour de la présente décision, elle ne réalise plus de chiffre d’affaires, de sorte que toute comparaison de la valeur de ses ventes retenue au titre de la détermination du montant de base de l’infraction ramenée à son chiffre d’affaires actuel serait dépourvue de pertinence.

1334 Cote 83749.

1335 Arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017, société Graham & Brown et. a, 16-17226.

1336 Arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09, EU:C:2011:649, point 47 et dispositif.

1337 Décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques, paragraphes 88 et 89.

1338 Décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma, paragraphe 122 et jurisprudence citée.

1339 Voir les arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2016, SNCF, T 14-28.224, M 14-28.862, page 9 ; et de la cour d’appel de du 13 juin 2019, Alcyon, 18/20229, point 107.

1340 Voir, par exemple, la décision n° 19-D-05 du 28 mars 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Antibes Juan-les-Pins, paragraphe 153.

1341 Procès-verbal de non contestation de griefs du 24 juillet 2015, cotes 36602 à 36604.

1342 Procès-verbal de non contestation de griefs du 27 juillet 2015, cotes 36682 à 36684, réitéré par procès-verbal du 16 mai 2019, cotes 80036 à 80039.