CA Paris, 4e ch. B, 2 juin 2006, n° 04/14252
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Acome (Sté)
Défendeur :
Styrpac (SA), B2M Industries (SA), Isobox Technologies (SAS), Pastyrobel (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
Mme Regniez, M. Marcus
Avocats :
SCP Duboscq et Pellerin, Me Triet, SCP Garnier, Me Herrou, Me Couturier, Me Mazni
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société anonyme ACOME à l'encontre du jugement contradictoire rendu par la troisième section de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris en date du 8 juin 2004 qui a :
- rejeté les exceptions d'incompétence soulevées,
- dit que la forme des plots des dalles ACOME TH 2300, TH 130 et TH 2300 P n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur,
- débouté les sociétés B2M INDUSTRIES (ci-après B2M) et STYRPAC de leurs demandes en contrefaçon de ce chef,
- prononcé la nullité du modèle 02 3472 déposé par la société B2M le 30 mai 2002 et publié le 11 octobre 2002 en application des articles L.511-8 et L.512-4 du Code de la propriété intellectuelle,
- dit que Monsieur RENARD, salarié de la société B2M, et Monsieur MOREIRA, Président-directeur général de cette société, sont co-inventeurs de l'invention, objet de la demande de brevet français enregistrée sous le n°00 00682 et déposée le 20 janvier 2000 par la société ACOME et sont coauteurs du modèle déposé par celle-ci le 18 octobre 1999 et enregistré sous le n°99 64 78,
- en conséquence, dit que la société B2M, employeur de Monsieur RENARD, est copropriétaire avec la société ACOME de cette demande de brevet et de toutes celles européenne et étrangères protégeant la même invention ainsi que du modèle précité,
- dit que la société B2M a droit à une indemnité équitable du fait de l'exploitation par la société ACOME du brevet en cause,
- dit que la société ACOME devra résilier tout contrat de licence d'exploitation ou de cession du modèle n°99 64 78 passé avec des tiers sans l'autorisation de la société B2M et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois après la signification de la présente décision,
- condamné la société ACOME à payer à la société B2M une somme provisionnelle de 100 euros à valoir sur la réparation définitive de son préjudice et celle de 15 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- désigné en qualité d'expert Monsieur Frédéric WAGRET demeurant Cabinet WAGRET[...] (Tel : [...]) avec pour mission de :
se faire communiquer l'ensemble des documents utiles pour l'établissement de sa mission,
donner des éléments pour chiffrer le montant de la masse des dalles reproduisant les caractéristiques du brevet et du modèle litigieux et commercialisés par la société ACOME sans l'autorisation de la société B2M et ce, jusque la date du dépôt de son rapport,
donner des éléments pour évaluer le préjudice subi par la société B2M du fait de la fabrication et de la commercialisation de ces dalles,
- dit que les opérations d'expert seront mises en oeuvre conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du nouveau Code de procédure civile et que l'expert devra remettre au présent greffe son rapport en double exemplaire (annexes comprises) avant le 31 décembre 2004, sauf prorogation du délai sollicité en temps utile auprès du juge de la mise en état,
- dit que la société B2M devra consigner la somme de 4 500 euros au service de la Régie du tribunal de grande instance de Paris à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert et ce, avant 31 août 2004, à défaut de quoi la désignation de l'expert sera considérée comme caduque,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en ce qui concerne la condamnation à dommages et intérêts et la mise en oeuvre de la mesure d'expertise,
- dit que la décision devenue définitive sera transmise à l'INPI pour inscription sur le registre des brevets et celui des modèles par le présent greffier, préalablement requis par la partie la plus diligente,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société ACOME aux dépens et fait application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de Maître JAUFFRET, avocat, pour la part des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision.
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Il convient de rappeler que la société STYRPAC est une société de fabrication industrielle de polystyrène expansé créée en 1990. Elle est membre du groupe B2M qui compte une autre filiale, la société STYRPAC LORRAINE.
Monsieur MOREIRA, animateur du groupe B2M, a déposé le 24 juillet 1996 un brevet enregistré sous le n°96 09542 relatif à un dispositif de moulage de plots de dalles d'isolation en polystyrène expansé de systèmes de plancher chauffant et/ou rafraîchissant permettant de fabriquer sans risque des plots conçus avec une forte cavité ou 'contre dépouille' périphérique (profondeur supérieure à 1,5 mm). La société STYRPAC fabrique ces dalles qui sont commercialisées par la société EUROP'FLUIDES depuis 1996.
La société ACOME est une entreprise à l'origine spécialisée dans la production de câbles électriques. À cette occasion, elle a développé une compétence en matière d'extrusion de matière plastique et s'est ouverte dans les années 1980 aux marchés du bâtiment en extrudant des tubes en plastique pour notamment la distribution d'eau sanitaire et le chauffage par le sol.
La société ACOME s'est rapprochée de la société STYRPAC en 1998 et des relations ont été entretenues par ces deux sociétés qui ont donné lieu notamment à la signature d'un contrat de fournitures en juin 2000 aux termes duquel la société ACOME s'engageait à commander prioritairement à la société STYRPAC des produits TH 2300 et TH 2300 P pendant une durée de trois ans reconductible, la société STYRPAC s'interdisant toute commercialisation autre que vers la société ACOME.
Le 31 octobre 2001, la société STYRPAC faisait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à un plan de continuation homologué par jugement du 30 octobre 2002.
Le 30 mai 2002, la société STYRPAC déposait à son nom un modèle de dalles à plots qu'elle prétendait avoir créé en septembre 1999, suivant un plan du 3 de ce même mois.
Le 9 décembre 2002, la société ACOME adressait à la société STYRPAC une lettre l'informant de son souhait de résilier le contrat les liant.
Par acte du 21 janvier 2003, les sociétés B2M et STYRPAC assignaient la société ACOME en revendication du brevet déposé par celle-ci le 20 janvier 2000 sous le numéro FR 2 804 144 et du modèle déposé le 18 octobre 1999 et enregistré sous le n°99 64 78.
À la suite d'une saisie-contrefaçon en date du 29 janvier 2003, les sociétés B2M et STYRPAC assignaient la société ACOME ainsi que les sociétés ISOBOX TECHNOLOGIES (ci-après société ISOBOX) et PLASTYROBEL en contrefaçon des droits d'auteur de la société B2M du fait de la fabrication par ces dernières du modèle de dalles TH 2300.
Les deux instances pendantes devant les juridictions de première instance ont fait l'objet d'une jonction le 7 juillet 2003.
Parallèlement, les sociétés B2M et STYRPAC ont assigné la société ACOME devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité contractuelle.
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Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 mars 2006, la société ACOME, appelante, prie la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :
' débouté les sociétés STYRPAC et B2M de leur exception d'incompétence relative à ses demandes reconventionnelles,
' dit que la forme des plots des dalles ACOME TH 2300, TH 130 et TH 2300 P n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur,
' débouté les sociétés STYRPAC et B2M de leurs demandes en contrefaçon de ce chef,
' prononcé la nullité du modèle 02 3472 déposé par la société B2M le 30 mai 2002 en application des articles L.511-8 et L.512-4 du Code de la propriété intellectuelle,
- infirmer pour le surplus le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
Sur l'action en revendication de brevet,
déclarer la société B2M irrecevable à agir en revendication du brevet FR 2 804 144 qu'elle a déposé le 20 janvier 2000 et de la demande de brevet européen EP 1 134 503 déposée sous priorité dudit brevet français,
à titre subsidiaire, débouter la société B2M de ses demandes en revendication du brevet FR 2 804 144 qu'elle a déposé le 20 janvier 2000 et de la demande de brevet européen EP 1 134 503 déposée sous priorité dudit brevet français,
dire que les dalles ACOME objet du litige ne sont pas couvertes par le brevet FR 2 804 144 qu'elle a déposé le 20 janvier 2000 et la demande de brevet européen EP 1 134 503 déposée sous priorité dudit brevet français,
Sur l'action en revendication de modèle,
déclarer la société B2M irrecevable à agir en revendication du modèle n°99 64 78 qu'elle a déposé le 18 octobre 1999,
débouter la société B2M de ses demandes en revendication du modèle n°99 64 78 qu'elle a déposé le 18 octobre 1999,
à titre subsidiaire, prononcer la nullité du modèle n°99 6478 qu'elle a déposé le 18 octobre 1999 et déclarer sans objet l'action en revendication dudit modèle par la société B2M,
Sur l'action en contrefaçon de droits d'auteur,
juger que les sociétés B2M et STYRPAC sont irrecevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur ces dalles, faute d'apporter la preuve qu'elles sont titulaires de tels droits,
Sur les demandes indemnitaires,
évoquer la procédure d'expertise,
dire que les sociétés STYRPAC et B2M n'ont subi aucun préjudice,
débouter les sociétés STYRPAC et B2M de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formées tant au titre de l'action en revendication du brevet FR 2 804 144 et du modèle n°99 64 78, qu'au titre de l'action en contrefaçon de droits d'auteur,
à titre subsidiaire, dire que le préjudice subi par la société B2M au titre de la prétendue soustraction de brevet ne peut excéder 188 144 euros,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés STYRPAC et B2M de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement les sociétés STYRPAC et B2M à lui payer la somme de 1 000 000 d'euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- autoriser la publication de la décision à intervenir dans trois publications de son choix et aux frais des sociétés STYRPAC et B2M dans la limite de 10 000 euros par insertion,
- condamner in solidum chacune des sociétés STYRPAC et B2M à payer la somme de 300 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
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Les sociétés anonymes STYRPAC et B2M INDUSTRIES, intimées, demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions signifiées le 23 mars 2006, de :
Sur la revendication du brevet,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société B2M est copropriétaire avec la société ACOME du brevet FR 2 804 144, du brevet européen s'y rapportant, du modèle n°99 64 78,
- dire que le brevet publié par la société ACOME FR 2 804 144 concernant une dalle à plots a été demandé et obtenu en violation des droits exclusifs de la société B2M et par conséquent a été demandé pour une invention soustraite à celle-ci,
- dire que le brevet européen, déposé sous priorité du brevet français n°00 00682 a été demandé en violation des droits de la société B2M,
- juger par conséquent que la société B2M est fondée à agir en revendication du brevet FR 2 804 144,
- subroger la société B2M dans la totalité des droits de la société ACOME sur la demande de brevet FR 2 804 144 et le brevet lui-même,
- subroger la société B2M dans la totalité les droits de la société ACOME sur le brevet européen, déposé sous priorité du brevet français n°00 00682,
- dire par conséquent que le droit à l'obtention du brevet européen EP 1 134 503 A 1 appartient à la société B2M,
- condamner la société ACOME sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à effectuer au profit de la société B2M le transfert de propriété du brevet français revendiqué et des éventuels brevets étrangers correspondants,
- ordonner à la société ACOME également sous la même astreinte de résilier tous les contrats de cession ou de licence du brevet français et des brevets étrangers conclu avec des tiers,
Sur la revendication du modèle,
- déclarer irrecevable la demande en nullité du modèle par application des articles 564 et 70 du nouveau Code de procédure civile,
- dire que le modèle de dalle de plancher déposé par la société ACOME le 18 octobre 1999 et enregistré sous le n°99 64 78 a été déposé en fraude des droits de la société B2M,
- juger par conséquent que la société B2M est fondée à agir en revendication dudit modèle déposé,
- subroger la société B2M dans les droits de la société ACOME sur ledit modèle,
- condamner la société ACOME sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à effectuer au profit de la société B2M le transfert de propriété du modèle revendiqué,
- ordonner à la société ACOME également sous la même astreinte de résilier tous les contrats de cession ou de licence du modèle conclus avec des tiers,
- ordonner la publication de la décision à intervenir auprès de l'INPI aux frais des défenderesses,
En tous les cas,
- faire défense à la société ACOME de fabriquer, de faire fabriquer des dalles polystyrènes référencées TH 2300 P, TH 130, TH 2650, PRIMACOME 0,75, PRIMACOME 1,25 et PRIMACOME 1,50 NOVACOME 0,75, NOVACOME 1,25, NOVACOME 1,50 et NOVACOME 2,00 et/ou toute autre dalle équipée de plots créés par la société B2M, par d'autres fournisseurs que la société STYRPAC, et ce sous astreinte de 50 000 euros par dalle fabriquée, à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
- faire défense à la société ACOME de commercialiser et d'offrir en vente des dalles polystyrènes TH 2300 P, TH 130, TH 2650, PRIMACOME 0,75, PRIMACOME 1,25 et PRIMACOME 1,50 NOVACOME 0,75, NOVACOME 1,25, NOVACOME 1,50 et NOVACOME 2,00 et/ou toute autre dalle équipée de plots créés par la société B2M qui ne seraient pas fabriquées par la société STYRPAC, et ce sous astreinte de 50 000 euros par dalle fabriquée, à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
- faire défense à la société par actions simplifiée ISOBOX et la société PLASTYROBEL de fabriquer, de faire fabriquer, et de commercialiser des dalles polystyrènes équipées de plots créés par la société B2M, notamment les dalles référencées par ACOME TH 2300 P, TH 130, TH 2650, PRIMACOME 0,75, PRIMACOME 1,25 et PRIMACOME 1,50 NOVACOME 0,75, NOVACOME 1,25, NOVACOME 1,50 et NOVACOME 2,00 et ce sous astreinte de 50 000 euros par dalle fabriquée, à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
Sur la contrefaçon de droits d'auteurs,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les sociétés B2M et STYRPAC de leurs demandes relatives au droits d'auteur de la société B2M,
- dire que la société B2M est l'auteur, au sens de l'article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, de la forme des plots équipant les dalles commercialisées par la société ACOME sous les références TH 2300 P, TH 130 et TH 2650,
- juger que la société ACOME , en falsifiant les plans de la société B2M, en faisant fabriquer les dalles TH 2300 P, TH 130 et TH 2650 par les sociétés PLASTYROBEL et ISOBOX, et en commercialisant et en offrant à la vente lesdites plaques, a contrefait les droits d'auteur de la société B2M sur les plots équipant lesdites dalles,
- dire qu'en fabriquant les dalles TH 2300 P, TH 130 et TH 2650 les sociétés ISOBOX et PLASTYROBEL ont contrefait les droits d'auteur de la société B2M sur les plots équipant lesdites dalles,
- dire que la cour sera compétente pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu'elle aura ordonnées,
- juger que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon commis jusqu'au jour de la décision définitive à intervenir,
- ordonner la confiscation ou à défaut la destruction aux frais des sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL et sous le contrôle d'un huissier de justice de tout stock de dalles contrefaisantes détenues par les défenderesses au jour de l'arrêt à intervenir,
Sur les préjudices,
A titre principal, si la cour estime la société B2M propriétaire exclusif des brevets français et européen et du modèle :
- condamner la société ACOME à payer à la société B2M la somme de 72 931 061 euros au titre des revenus à restituer,
- condamner à titre subsidiaire, la société ACOME à payer une somme provisionnelle de 16 643 181 euros et désigner un expert comptable judiciaire, pour évaluer le montant de la totalité du préjudice subi au titre des dépôts frauduleux,
Au titre de la revendication du modèle et de la contrefaçon de droits d'auteur,
- condamner les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à payer à la société STYRPAC la somme de 7 232 878 euros, arrêtée au 31 décembre 2005 et à parfaire à la date de l'arrêt de la cour,
A titre subsidiaire, si la cour reconnaît à la société ACOME une part de copropriété dans le brevet ou le modèle,
Au titre de la copropriété du brevet,
- condamner la société ACOME à payer à la société B2M la somme de 18 722 807 euros au titre de l'indemnité équitable au titre du brevet,
- à titre subsidiaire, dire que cette indemnité ne saurait être inférieure à 7 032 330 euros,
Au titre de la copropriété du modèle,
- condamner in solidum les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à payer à la société B2M la somme de 9 361 404 euros au titre de la redevance du modèle,
- à titre subsidiaire, condamner in solidum les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à payer à la société B2M la somme minimum de 3 516 165 euros,
- désigner, le cas échéant, tel expert comptable qu'il plaira à la cour de désigner, pour évaluer le préjudice véritablement subi par les sociétés B2M et STYRPAC, et en particulier pour la période postérieure au 30 juin 2005, date du dépôt du rapport de Monsieur WAGRET,
En tout état de cause,
- condamner in solidum les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à payer à la société B2M la somme de 2 308 355 euros au titre de la dépréciation de la valeur des titres STYRPAC et STYRPAC LORRAINE,
- condamner in solidum les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à payer à la société B2M la somme de 6 840 457 euros au titre de la dépréciation de la valeur des actions STYRPAC et STYRPAC LORRAINE,
- condamner in solidum les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à payer à la société B2M et à la société STYRPAC la somme de 202 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
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La société par actions simplifiée ISOBOX TECHNOLOGIES, intimée, dans ses dernières conclusions signifiées le 16 mars 2006, sollicite de la cour de :
Statuant à nouveau,
- la déclarer recevable et fondée en ses moyens et prétentions,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ne lui faisant pas grief, et l'infirmer partiellement pour le surplus,
- lui donner acte de ce qu'elle s'associe aux exceptions, fins de non-recevoir et moyens de fait et de droit développés par la société ACOME et qu'elle les reprend en tant que de besoin à son compte,
En conséquence,
- prononcer la nullité des dépôts de modèle évoqués et déclarer les parties mal fondées à invoquer un quelconque droit d'auteur protégeable,
- dire que les appelantes incidentes ne pouvaient par principe solliciter de réparation qu'à seule proportion d'une fraction du montant hors taxe de la perte d'une chance d'obtenir un bénéfice net prouvé dans son principe et dans son quantum, cette fraction ne pouvant excéder la mesure du sérieux établi de la chance alléguée,
- dire que pour prospérer dans ces limites théoriques, les appelantes incidentes devaient prouver, outre le principe de la chance alléguée et son degré de sérieux la faute personnelle imputée à chacune des parties, et le lien de causalité exclusif et adéquat susceptible d'unir le préjudice revendiqué et la faute invoquée,
- dire qu'elles ne pouvaient agir qu'en justifiant d'une qualité légale à cet effet,
- constater qu'elles ne pouvaient rapporter et n'ont pas rapporté les preuves nécessaires au succès de leur demande, et plus particulièrement de leurs demandes telles que dirigées à son encontre dans le champ limité du contentieux pouvant la concerner,
- les déclarer en conséquence irrecevables et à tout le moins mal fondées en ces prétentions pour les motifs évoqués, et les condamner in solidum à lui payer 50 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
A titre très subsidiaire et si par impossible il était fait droit en tout ou partie aux prétentions des appelantes incidentes telles que dirigées à son encontre,
- condamner la société ACOME à la relever indemne et à la garantir de l'ensemble de ces condamnations,
En tout état de cause,
- condamner in solidum tous succombants, à lui payer 25 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
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Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 mai 2005, la société PLASTYROBEL, intimée, invite la cour à :
- déclarer recevable mais mal fondée la société ACOME en son appel, l'en débouter ainsi que de ses demandes,
- déclarer recevables mais mal fondées les sociétés STYRPAC et B2M en leur appel incident dirigé à son encontre, les en débouter ainsi que de leurs demandes,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause,
- dire qu'elle ne s'est pas rendue complice d'acte de contrefaçon,
- à titre subsidiaire, et si par impossible il était fait droit aux demandes des sociétés STYRPAC et B2M, en tant que dirigées à son encontre, condamner la société ACOME à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées au profit des sociétés STYRPAC et B2M,
- condamner solidairement les sociétés STYRPAC et B2M à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et vexatoire et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
SUR LE BREVET FRANÇAIS N°00 00 682
Considérant que les sociétés ACOME et ISOBOX critiquent la décision des premiers juges en ce qu'ils ont dit que la société B2M est copropriétaire avec la société ACOME de cette demande de brevet et toutes celles européenne et étrangères protégeant la même invention, aux motifs d'une part que l'action serait irrecevable pour absence de qualité à agir de la société B2M, d'autre part que cette action serait mal fondée ;
Sur la qualité à agir de la société B2M
Considérant que la société B2M, propriétaire de la totalité des titres de la société STYRPAC, concentre l'administration des sociétés du groupe, l'action commerciale, le développement technique, et le bureau d'études, dans laquelle le PDG, Monsieur MOREIRA, ingénieur des Arts et Métiers, joue un rôle très actif, étant titulaire de plusieurs brevets et modèles déposés ; que Monsieur RENARD est son employé, ainsi qu'il ressort de ses attestations et fiches de paie versées aux débats ;
Qu'il n'est pas contesté que Messieurs MOREIRA et RENARD ont pris part de façon effective au projet d'élaboration des dalles à plots, objet du litige, dont la paternité de l'invention est discutée ; que dès lors, en tant qu'employeur de l'éventuel inventeur, la société B2M a qualité à agir en revendication de cette invention en application de l'article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'en conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la société ACOME sera rejetée et l'action de la société B2M déclarée recevable ;
Sur la revendication du brevet
Considérant qu'il est admis par la société ACOME en cause d'appel, ce qui n'était pas le cas en première instance, qu'en 1998, elle avait demandé à la société STYRPAC de concevoir des dalles pelliculées à plots spécifiques permettant la mise en place de tubes quelle que soit la configuration de ceux-ci ;
Considérant que sur le bien-fondé de la revendication du brevet par la société B2M, la société ACOME oppose les trois antériorités suivantes :
la dalle TH 2000,
la dalle TH 3D,
la dalle TH 30,
dont elle est titulaire et qui sont présentées pages 17 à 19 de ses conclusions ;
Considérant que le brevet revendiqué porte sur l'invention ainsi décrite :
« L'invention a pour but de remédier aux insuffisances des dalles antérieures, et de proposer une dalle perfectionnée qui soit d'un emploi plus souple et donc plus universel, qui facilite notamment le processus de mise en place des tubes quelle que soit la configuration souhaitée pour ceux-ci, et qui possède des plots présentant une bonne résistance à l'écrasement » (description page 2, lignes 19 à 24) ;
Qu'en particulier, la revendication 1 se lit comme suit :
« Dalle à plots (1) constituée en un matériau thermiquement isolant, les plots (2) ayant un contour général sensiblement carré et étant disposés en rangées adjacentes mutuellement décalées et en colonnes adjacentes mutuellement décalées de sorte qu'ils sont alignés diagonalement sur des diagonales perpendiculaires, ces plots étant propres à retenir des tubes (6) de circulation de fluide encliquetés entre des paires de plots diagonalement contigus, caractérisée en ce que
à chacun des ses angles, chaque plot (2) possède, dans sa zone supérieure, un nez saillant (3) d'étendue diagonale, (caractéristique I)
en ce que les portions de paroi, sous-jacentes au nez, des deux côtés du plot qui sont contigus au nez, sont concaves sensiblement parallèlement à la diagonale, (caractéristique II)
et en ce que deux nez (3) en vis-à-vis appartenant respectivement à deux plots (2) diagonalement contigus sont séparés d'un intervalle (5) inférieur au diamètre d'un tube (6) et définissant, pour un tube, un passage avec retenue (4), (caractéristique III)
ce grâce à quoi chaque passage avec retenue (4) ainsi défini peut être traversé soit par un tube s'étendant (8, 9) le long des côtés adjacents du plot (2), soit par un tube s'étendant diagonalement (7) perpendiculairement à l'étendue du nez (3) » (caractéristique IV) ;
Que l'examen des pièces relatives aux trois dalles présentées au titre de l'art antérieur par la société ACOME révèle que les trois modèles de dalles à plots permettent de positionner et de retenir les tubes de circulation de fluide à la fois dans un axe diagonal (à 45°) entre deux plots diagonalement contigus, dans un axe horizontal (à 0°) ou dans un axe vertical (à 90°), dans les gouttières subdivisant chaque plot ; qu'au surplus, les modèles de dalles TH 2000 et TH 30 comportent chacun des protubérances d'étendue diagonale dans la zone supérieure de chaque plot ; que ces protubérances, assimilables à des 'nez', ont essentiellement pour fonction de maintenir étroitement les tubes de circulation de fluide afin de permettre de meilleurs retenue et encliquetage de ceux-ci entre deux plots diagonalement contigus ; qu'il convient dès lors de constater que les caractéristiques I et III de la revendication 1 du brevet litigieux faisaient partie de l'art antérieur ;
Qu'en outre, les pièces versées aux débats révèlent que la dalle Profil créée par Monsieur MOREIRA et fabriquée sous licence par la société STYRPAC pour la société EUROP'FLUIDES permet notamment d'ajuster un tube latéralement sans jeu, tangentiellement aux plots, et retenu verticalement sans jeu par deux 'nez' en vis-à-vis appartenant à deux plots décalés d'un pas ; qu'ainsi la caractéristique IV de la revendication 1 précitée était également connue de l'art antérieur ;
Qu'en conséquence, l'objet innovant de l'invention réside dans la combinaison de la caractéristique II, laquelle offre une définition précise de la configuration du 'nez' avec les trois caractéristiques préexistantes ( I, III et IV) précitées ;
Que, s'agissant de la titularité du brevet, il ressort des pièces versées aux débats notamment que :
- le 22 juillet 1998, la société ACOME a donné à la société STYRPAC un cahier des charges en vue de la création d'une dalle à plots, qui ne comportait aucune spécification technique sur la forme des plots et leur regroupement,
- le 16 octobre 1998, la société STYRPAC a produit un plan de dalle à plots destiné à la société ACOME, qui comportait le détail d'un plot globalement triangulaire à parois verticales concaves avec une saillie supérieure périphérique de largeur constante,
- le 26 novembre 1998, la société ACOME a donné un nouveau cahier des charges à la société STYRPAC, lequel ne comportait toujours aucune définition relative à la forme des plots,
- lors d'une réunion du 15 mars 1999, un schéma en deux dimensions a été remis par la société ACOME à la société STYRPAC, lequel faisait apparaître, vu de dessus, un ensemble de quatre plots de forme carrée avec des protubérances à l'extrémité diagonale de leur face supérieure,
- le 24 mars 1999, un plan de Monsieur RENARD a été remis à la société ACOME et précisait les formes et les cotes des plots réalisables industriellement, dont les parois verticales se présentaient concaves,
- de nombreux échanges ont alors eu lieu entre les deux sociétés, qui ont finalement donné lieu à des plans datés du 26 juin 1999 de la société STYRPAC, réalisés par le bureau d'études de la société B2M, permettant la réalisation d'un moule d'essai,
- après de nouvelles modifications mineures, le modèle de dalle a été approuvé par la société ACOME et le moule définitif a pu être commandé selon les derniers plans en date des 27 juillet et 3 septembre 1999 du bureau d'études de la société B2M ;
Que de ces constatations, il résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'invention litigieuse est le fruit d'un travail commun et complémentaire des sociétés ACOME et B2M ; qu'en effet, si le plan de la société ACOME du 15 mars 1999, qui a fait l'apport de la présence d'un nez sur une structure de plot de forme carrée, a servi de base à l'élaboration du dessin final, il ne comportait toutefois pas l'ensemble des caractéristiques protégées par la demande de brevet, lesquelles ont fait l'objet de propositions successives de la part des ingénieurs de la société B2M, amendées ou validées par la société ACOME ;
Qu'en particulier, le plan du 24 mars 1999 révèle la configuration complémentaire de deux nez appartenant à deux plots diagonalement opposés dont les parois verticales forment un soubassement concave, qui n'était pas visible sur les plans du 15 mars 1999 ;
Que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu la société B2M copropriétaire du brevet n°00 00 682 avec la société ACOME ainsi que de toutes les demandes de brevet européenne et étrangères protégeant la même invention ;
Sur le préjudice et les mesures réparatrices
Considérant que la société ACOME invite la cour à évoquer le litige relatif à l'estimation du préjudice subi par la société B2M en raison de son éviction de l'exploitation du brevet n°00 00 682 ; que la société B2M a conclu sur les dommages et intérêts ;
Considérant qu'une bonne administration de la justice commande en l'espèce de faire droit à cette demande, la cour disposant des éléments nécessaires et suffisants pour se prononcer de ce chef ;
Qu'en vertu de l'article L.613-29 du Code de la propriété intellectuelle, « chacun des copropriétaires peut exploiter l'invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n'exploitent pas personnellement l'invention ou qui n'ont pas concédé de licence d'exploitation » ;
Que la cour relève en l'espèce que la société B2M, en étant évincée de l'exploitation du brevet dont elle est copropriétaire, a été privée du gain qu'elle aurait pu en retirer ;
Considérant que les sociétés STYRPAC et B2M INDUSTRIES demandent la résiliation de tous les contrats de cession ou de licence du brevet litigieux ;
Considérant que la société ACOME expose qu'elle n'a jamais concédé la moindre licence relative au brevet litigieux ni ne l'a jamais exploité, les dalles à plots qu'elle commercialise et fait fabriquer par les sociétés ISOBOX et PLASTYROBEL, sous les références TH 2300 P, TH 130 et TH 2650, ne reproduisant pas ledit brevet, et notamment pas la caractéristique II de la première revendication ;
Considérant que la cour ne dispose d'aucun élément de nature à démontrer que la société ACOME aurait effectivement consenti une licence relativement au brevet n°00 00 682 ; que les intimées seront dès lors déboutées de leurs demandes tendant à la résiliation des cessions ;
Considérant en revanche que la cour constate que les dalles commercialisées sous les références TH 2300 P, TH 130 et TH 2650 permettent d'obtenir le résultat recherché par l'invention, à savoir un positionnement optimal du tube de circulation de fluide ; que ces trois modèles de dalles reproduisent à l'identique les caractéristiques essentielles I, III et IV de la revendication 1 et sa caractéristique II par équivalence de moyens ; que même si lesdites dalles comportent des parois d'angle qui s'étendent suivant un angle de 45° par rapport à la diagonale du plot, et qui sont sensiblement perpendiculaires l'une par rapport l'autre, il n'en demeure pas moins que cette configuration se pose en équivalent d'une disposition des portions de parois d'angle sensiblement parallèles à la diagonale du plot ; qu'en effet, la fonction du parallélisme des portions de parois d'angle n'est pas déterminante dans l'obtention du résultat revendiqué par l'invention ; que dès lors, il convient de juger que les dalles référencées TH 2300 P, TH 130 et TH 2650, commercialisées par la société ACOME, reproduisent le dispositif breveté sous le n°00 00 682 ;
Qu'aux fins d'établir la consistance du gain manqué de la société B2M, le rapport d'expertise versé aux débats propose une méthode de calcul de la redevance indemnitaire due au copropriétaire évincé qui permet une réparation de l'entier préjudice que ce dernier a subi ; que la cour constate que l'expert a écarté de son raisonnement la recherche de l'indemnité due au titre du modèle litigieux en relevant que les caractéristiques et le mode de réalisation de ce dernier pouvaient être 'a priori considérés comme inclus dans la portée de la revendication 1 du brevet' (page 8 du rapport d'expertise en date du 30 juin 2005) ; que dès lors, son calcul n'a tenu compte que de l'exploitation du brevet n° 00 00 682 ;
Que l'expert retient à juste titre et conformément à ce qui précède un taux de copropriété de 50 % entre les sociétés ACOME et B2M ; qu'aux fins de déterminer précisément le gain manqué par la société B2M, l'expert procède au calcul d'une redevance indemnitaire sur la base d'un taux de redevance communément appliqué dans le domaine technique en cause, majoré de 30 % pour tenir compte de l'entier préjudice subi par cette société ; qu'à ce titre, le taux de 2 % avant majoration ne correspond pas, selon les éléments dont la cour dispose, aux taux communément appliqués pour ce type d'invention ; qu'il convient afin de refléter au mieux l'économie du secteur en cause de porter ce taux à 3 % ; qu'en revanche, le taux de majoration de 30 % apparaît parfaitement justifié au regard des faits de l'espèce ;
Que l'expert a, en outre, déterminé avec raison les éléments constitutifs de l'assiette de la redevance indemnitaire ; qu'en effet, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des dalles commercialisées par ACOME sous les références TH 2300, TH 130, TH 2650, NOVACOME et PRIMACOME (dont il n'est pas contesté qu'elles sont dérivées des dalles TH 2650), y compris les dalles fabriquées par la société STYRPAC, l'objectif étant d'indemniser la société B2M ; qu'au titre du chiffre d'affaires de la société ACOME, l'expert retient justement l'addition du chiffre d'affaires réalisé en France et du chiffre d'affaire destiné à l'export ; qu'il a judicieusement décidé d'appliquer le 'tout commercial indivisible' tout en pondérant la masse des ventes de l'ensemble des composants des planchers chauffants (hors dalles) d'un coefficient de 80 % ;
Que la mission de l'expert l'a conduit à prendre en compte la période s'étendant du 20 janvier 2000 au 30 juin 2005 (date de la remise du rapport) ; qu'en l'absence d'éléments nouveaux de nature à établir la commercialisation postérieure par la société ACOME de dalles susceptibles de reproduire l'invention, objet du brevet, il y a lieu de réparer le préjudice subi par la société B2M pour cette seule période ;
Qu'il ressort des développements qui précèdent les calculs suivants :
Chiffre d'affaires dalles France = 21 338 020 euros
Chiffre d'affaires dalles export = 269 588 euros
> Chiffre d'affaires dalles = 21 607 608 euros
Chiffre d'affaires pour le 'tout commercial' hors dalles = 48 462 966 euros
Taux d'abattement = 80 %
> Assiette pour le 'tout commercial' hors dalles = 9 692 593 euros
Taux de redevance = 3 %
Majoration du taux = 30 %
> Taux de redevance indemnitaire = 3,9 %
Chiffre d'affaires dalles = 21 607 608 euros
Assiette pour le 'tout commercial' hors dalles = 9 692 593 euros
> Assiette globale = 31 300 201 euros
>> Redevance = 31 300 201 x 3,9 % = 1 220 708 euros
Qu'en conséquence, il y a lieu de condamner la société ACOME à verser à la société B2M la somme de 610 354 euros en réparation de son entier préjudice au titre de l'exploitation du brevet n°00 00 682 ; que de cette somme sera retranchée la somme de 100 000 euros d'ores et déjà versée à titre de provision à valoir sur la réparation définitive ;
SUR LE MODÈLE N°99 64 78
Considérant que la société ACOME demande l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu la copropriété de la société B2M sur le modèle n°99 64 78 ; qu'elle fait valoir à l'appui de ses prétentions que la demande en revendication du modèle par la société B2M sur le fondement de l'article L.511-10 du Code de la propriété intellectuelle est irrecevable au motif que ce modèle a été déposé antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 25 juillet 2001 ; qu'au surplus, la société B2M est dans l'incapacité de rapporter la preuve de sa titularité ; qu'elle invoque subsidiairement la nullité du modèle n°99 64 78 en opposant d'une part, que ce moyen n'est pas nouveau et d'autre part, que le modèle déposé répond à des caractéristiques fonctionnelles ;
Considérant que la société ISOBOX demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'associe aux demandes d'irrecevabilité et de nullité présentées par la société ACOME ;
Considérant que l'action en revendication est recevable dès lors qu'il s'agit de l'exercice d'un droit conféré par le dépôt d'un modèle ; qu'ainsi, la société B2M est recevable à agir sur le fondement de l'article L.511-10 du Code de la propriété intellectuelle, peu important que la date du dépôt soit antérieur à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée ;
Que c'est à bon droit que le tribunal reconnaît le dépôt frauduleux effectué par la société ACOME dès lors qu'il ressort des pièces versées aux débats, et citées ci-dessus, que les plots sont identiques à ceux élaborés en trois dimensions par la société B2M, d'après les plans du 26 juin 1999 ; que même si la société ACOME a élaboré la base du modèle communiquée à la société STYRPAC le 15 mars 1999, il n'en demeure pas moins que les sociétés ACOME et B2M ont conjointement mis au point les formes de la dalle ;
Que toutefois, il convient d'examiner la demande en nullité de la société ACOME tendant à voir prononcer la nullité de son dépôt de modèle n°99 64 78 aux fins d'écarter la demande d'indemnisation formulée par la société B2M au titre de son action en revendication ; que, contrairement à ce que prétend l'intimée, cette demande n'est pas nouvelle dans la mesure où elle constitue une défense au fond pour l'appelante ; qu'en conséquence, la demande sera déclarée recevable ;
Que comme le soutient l'appelante, les caractéristiques du modèle sont exclusivement imposées par la fonction technique des dalles à plots ; qu'à cet égard, c'est avec raison que le tribunal retient que les courriers entre la société ACOME et STYRPAC ainsi que les plans établis par cette dernière révèlent des caractéristiques fonctionnelles, notamment en ce que :
- les surfaces sont maintenues verticales lorsqu'elles ne contribuent pas au positionnement du tube pour éviter des difficultés de démoulage des plots, diminuer les échanges thermiques et réduire sa solidité par diminution de la section du plot,
- les soubassements inclinés à 45 % servent à renforcer la solidité du plot en augmentant la surface de contact avec la dalle et en réduisant les risques d'arrachement ;
Qu'en effet, ces caractéristiques, qui se retrouvent à la fois dans la description du brevet n°00 00 682 préalablement étudié et dans les anciens produits de dalles à plots, correspondent toutes à des exigences fonctionnelles ; qu'en tout état de cause, l'ensemble des éléments définissant le modèle ne saurait conférer à ce dernier ni un caractère de nouveauté ni une physionomie propre ou nouvelle ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par l'appelante et de prononcer la nullité du modèle n°99 64 78 ; que le jugement sera réformé de ce chef ;
Que les demandes de dommages et intérêts et d'interdiction ainsi que celles tendant à la résiliation de tous les contrats de cession ou de licence du modèle formées par les sociétés B2M et STYRPAC, devenues sans objet, seront en conséquence rejetées ;
SUR LES DROITS D'AUTEUR
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont relevé que la dalle à plots litigieuse possède une forme générale non appropriable par le droit d'auteur en ce que sa forme carrée doit rester dans le domaine public et que son nez résulte de la nécessité fonctionnelle de maintien des tuyaux quel que soit leur positionnement ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Que les demandes de dommages et intérêts et de confiscation formées par les sociétés B2M et STYRPAC, devenues sans objet, seront rejetées ;
SUR LES AUTRES DEMANDES
Considérant que la société B2M demande à la cour de condamner les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la dépréciation de la valeur des titres et actions des sociétés STYRPAC et STYRPAC LORRAINE ;
Mais considérant que la société B2M ne produit, à l'appui de sa demande, aucune pièce de nature à établir la réalité du préjudice qu'elle souhaite voir indemnisé ; qu'il convient dès lors de la débouter de ce chef ;
Considérant que les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL sollicitent de la cour qu'elle condamne les sociétés B2M et STYRPAC à leur verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de la présente procédure, qualifiée d'abusive et de vexatoire ;
Mais considérant qu'il ressort des développements qui précèdent que les sociétés B2M et STYRPAC étaient pour partie fondées en leur action et n'ont fait qu'user de leur droit d'agir en justice pour la défense de leurs intérêts légitimes ; qu'une telle action ne saurait donner lieu à réparation sur le fondement d'un abus dont la preuve n'est pas rapportée ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés ACOME, ISOBOX et PLASTYROBEL de leurs demandes de ce chef ;
Considérant que les sociétés ISOBOX et PLASTYROBEL sollicitent d'être relevées en garantie par la société ACOME relativement à toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ;
Mais considérant que ces demandes sont sans objet, les sociétés ISOBOX et PLASTYROBEL ne devant supporter aucune condamnation ;
Considérant qu'eu égard aux faits de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication de la société ACOME ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société ACOME à payer à la société B2M la somme complémentaire de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;
Qu'en revanche, pour des raisons tirées de l'équité, il y a lieu de laisser à chacune des autres parties la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité du modèle n°99 64 78 ;
L'infirme sur ce point et y ajoutant ;
Prononce la nullité du dépôt de modèle n°99 64 78 ;
Dit que la décision devenue définitive sera transmise à l'INPI pour inscription sur le Registre national des dessins et modèles par le présent greffier, préalablement requis par la partie la plus diligente ;
Évoque l'évaluation des dommages-intérêts pendante devant le tribunal ;
Dit que les dalles référencées TH 2300 P, TH 130, TH 2650, commercialisées par la société ACOME reproduisent l'invention brevetée sous le n°00 00 682 ;
Condamne la société ACOME à payer à la société B2M la somme de 610 354 euros sous déduction de la provision d'ores et déjà versée par la société ACOME, à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'exploitation du brevet n°00 00 682 ;
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société ACOME à payer à la société B2M la somme complémentaire de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Dit que chacune des autres parties conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société ACOME aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise exposés par la société B2M, et admet la SCP d'avoués GARNIER et maître COUTURIER, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.