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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 27 mai 2011, n° 09/28922

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Beaba (SAS)

Défendeur :

Artsana France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mme Regniez, Mme Nerot

Avocats :

SCP Fisselier, Chiloux et Boulay, Me Michel, Me Bocqueraz, SCP Grappotte, Benetreau et Pelit-Jumel, Me Cousin, Me Moatty

TGI Paris, 3e ch. sect. 4, du 12 nov. 20…

12 novembre 2009

La société BEABA fabrique et commercialise des articles de puériculture parmi lesquels un 'robot cuiseur vapeur' destiné plus particulièrement à l'alimentation des enfants , et qu'elle dénomme Baby Cook.

Elle est titulaire d'un brevet français n° 98 01571, intitulé 'dispositif pour assurer le réchauffement et/ou la cuisson d'aliments' intégrant un générateur de vapeur. Elle a également protégé cette invention par un brevet européen EP 0 971 616 délivré sous priorité du brevet français mais qui ne désigne pas la France. Elle est par ailleurs titulaire d'un dessin et modèle international visant la France, n° DM/050 070 déposé le 1er décembre 1999 qui porte sur l'apparence donnée à un appareil 'mixeur chauffant'.

Faisant grief aux sociétés Artsana et Puériculture de France devenue Artsana France de commercialiser en France des appareils, dénommés Baby Pappa et Easy Meal, de réchauffement et /ou de cuisson des aliments destinés aux nourrissons qui reproduisent selon elle les revendications de son brevet français et porte atteinte à ses droits d'auteur et de dessin et modèle, elle a fait assigner les sociétés Artsana et Puériculture de France devenue Artsana France, en contrefaçon et en concurrence déloyale, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement entrepris en date du 12 novembre 2009, le tribunal débouta la société BEABA de l'intégralité de ses demandes et la condamna à verser aux défenderesses la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures en date du 7 avril 2011 de la société Beaba qui soutient que les appareils Baby Pappa et Easy Meal reproduisent les revendications de son brevet, portent atteinte à ses droits de dessin set modèle ainsi qu'à ses droits d'auteur, et fondent son action en concurrence déloyale, pour conclure à la condamnation solidaire des intimées à lui verser la somme provisionnelle de 600 000 euros à valoir sur le montant de la réparation allouée après expertise au titre des actes de contrefaçon et celle de 2 700 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale, outre la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle sollicite en outre le prononcé de mesures de publication et de production sous astreinte de tout document relatif à la production et à la commercialisation des produits argués de contrefaçon ;

Vu les dernières écritures en date du 30 mars 2011des sociétés Artsana France et de la société de droit italien Artsana qui concluent à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de l'appelante à leur verser la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Sur la portée du brevet :

Considérant que l'appareil pour chauffer et/ou cuire des aliments pour enfants est constitué d'un générateur à vapeur, assurant la production de vapeur, et d'un récipient destiné à recevoir les aliments ;

Que selon la description, les appareils préexistants, qui assuraient une fonction de mixer par la mise en oeuvre d'un couteau rotatif, comportaient un orifice d'arrivée de la vapeur situé au fond du récipient au voisinage du couteau rotatif si bien que par le double effet de l'acheminement de la vapeur au fond du récipient et de la rotation du couteau mixeur, on parvenait à une homogénéisation de la température et à la cuisson recherchée ;

Que cependant, ce dispositif supposait d'installer une canalisation centrale pour conduire la vapeur, occupant un volume relativement important, et reposait sur la mise en 'oeuvre d'un couteau mixer ;

Que l'invention porte ainsi sur un appareil plus simple, exempt de toute canalisation d'amenée de la vapeur, permettant un réchauffement même en l'absence de phase de mixage ;

Qu'elle consiste (page 2, lignes 10 à 18) à 'aménager un circuit forcé pour le cheminement de la vapeur de sorte, compte tenu du positionnement respectif des orifices d'entrée et de sortie de la vapeur dans et hors du récipient, à constituer une chicane dans laquelle la vapeur va traverser l'intégralité du panier de cuisson, l'orifice d'entrée étant en effet situé au dessus du panier de cuisson. Ainsi, afin de pouvoir s'échapper, la vapeur doit nécessairement traverser le contenu du panier de cuisson avant de remonter le long de la paroi latérale définissant le récipient et ainsi accéder à l'orifice de sortie ménagé à l'extrémité supérieure du récipient', assurant de la sorte une cuisson homogène des aliments, même en l'absence de phase de mixage ;

Que le dispositif qui comprend un générateur de vapeur et un récipient de cuisson, recevant un panier de cuisson amovible pourvu d'ouvertures traversantes, destinées à permettre le passage de la vapeur, est caractérisé en ce que :

-  le couvercle amovible du récipient est muni d'une ouverture traversante par laquelle arrive la vapeur,

-  les ouvertures traversantes du panier de cuisson sont ménagées au voisinage de la base,

-  le récipient est muni d'une ouverture traversante ménagée sensiblement au voisinage de l'extrémité supérieure de sa paroi le définissant ;

Considérant que la revendication n° 1 se lit comme suit :

<<Dispositif pour assurer le réchauffement et/ou la cuisson d'aliments comprenant :

-  un générateur de vapeur destiné à produire de la vapeur pour chauffer ou cuire les aliments,

-  un récipient de cuisson , recevant un panier de cuisson amovible pourvu d'ouvertures traversantes destinées à permettre le passage de la vapeur, ledit récipient étant obturé réversiblement au niveau de son extrémité supérieure au moyen d'un couvercle amovible,

caractérisé :

-  en ce que le couvercle amovible est muni d'une ouverture traversante destinée à permettre la mise en communication du générateur de vapeur avec l'intérieur dudit récipient, et notamment du panier de cuisson,

-  en ce que les ouvertures traversantes du panier de cuisson sont ménagées au voisinage de sa base,

-  et, en ce que le récipient est muni d'une ouverture traversante ménagée sensiblement

au voisinage de l'extrémité supérieure de la paroi le définissant.>> ;

Considérant que l'appelante fait grief à la décision déférée d'avoir rejeté l'action en contrefaçon alors que, selon elle, les produits dénommés Baby Pappa et Easy Meal comportent

-  un générateur de vapeur et un récipient de cuisson recevant un panier de cuisson amovible pourvu d'ouvertures traversantes,

-  ledit récipient étant fermé au niveau de sa partie supérieure au moyen d'un couvercle amovible,

-  le couvercle amovible est muni d'une ouverture traversante afin de permettre le passage de la vapeur du générateur vers le récipient,

-  les ouvertures traversantes du panier sont ménagées au niveau de sa base,

-  l'ouverture traversante de sortie de la vapeur est située au niveau de la base du couvercle en vis à vis du bec verseur du récipient ménagé sensiblement au voisinage de l'extrémité supérieure de la paroi du récipient permettant une communication de l'ouverture traversante de la sortie vers l'extérieur,

-  deux chicanes situées au niveau de l'ouverture traversante d'entrée de la vapeur et de l'ouverture traversante de sortie de la vapeur ;

Qu'elle précise que ces deux chicanes, contrairement à ce que retinrent les premiers juges, permettent de s'assurer que la vapeur ne s'échappe pas en l'acheminant dans le panier de cuisson pour ensuite passer par les ouvertures traversantes situées en son fond avant de s'échapper par l'ouverture de sortie située en vis-à-vis de du bec verseur, à l'extrémité supérieure du panier de cuisson ;

Considérant ceci rappelé, que les appareils litigieux Baby Pappa et Easy Meal sont destinés à assurer le réchauffement et /ou la cuisson d'aliments ; qu'ils sont pourvus d'un générateur de vapeur qui produit la vapeur nécessaire à la cuisson et d'un panier de cuisson amovible pourvu d'ouvertures traversantes pratiquées au voisinage de sa base ;

Considérant en revanche que, comme décrit par le procès verbal de saisie contrefaçon à propos de l'appareil Easy Meal, cet appareil est pourvu de deux ouvertures traversantes ou orifices, pratiquées toutes deux dans la paroi du couvercle, l'une, disposée au dessus du récipient qui contient le panier de cuisson ,permet l'entrée de la vapeur dans le récipient de cuisson, l'autre pratiquée dans le même couvercle, également au dessus du niveau du panier de cuisson, est un orifice de sortie de la vapeur ;

Que le procès verbal est rédigé en ces termes : 'le couvercle comporte deux orifices traversant ménagés au niveau de sa paroi latérale, l'un situé au voisinage immédiat de sa surface supérieure, l'autre, situé légèrement en dessous par rapport à ce dernier' ;

Qu'il convient de souligner que ce deuxième orifice est situé à proximité du premier et que le couvercle est équipé de deux chicanes situées dans un plan horizontal et destinées à répartir la vapeur dans ce même plan ;

Que ces observations valent aussi bien pour l'appareil Baby Pappa qui a la même structure ;

Considérant qu'il suit, qu'au regard de la partie caractérisante de la revendication n° 1, les appareil argués de contrefaçon , présentent bien un orifice d'entrée de la vapeur situé dans le couvercle , mais ne présente pas un orifice de sortie de la vapeur, ménagé dans la paroi extérieure, au voisinage de l'extrémité supérieure de cette paroi ;

Considérant qu'il convient de rappeler à ce stade que, c'est le positionnement respectif des orifices d'entrée et de sortie de la vapeur dans et hors du récipient , qui selon la description de l'invention, permet de diriger la vapeur de telle sorte qu'elle traverse l'intégralité du panier de cuisson avant de remonter la paroi latérale et de s'échapper par un orifice pratiqué dans le récipient (page 2 lignes 10 à 17) ;

Considérant que les dispositifs incriminés, dotés de deux orifices situés à proximité l'un de l'autre et pratiqués dans le couvercle, ne reproduisent donc pas l'un des trois moyens essentiels de l'invention ;

Qu'il ne peut dès lors caractériser une contrefaçon littérale de la revendication n° 1 ;

Considérant que s'agissant de la contrefaçon par équivalence, les deux chicanes sont placées dans un plan horizontal, comme décrit ci-dessus, en sorte que si, comme le soutiennent les appelantes, elles sont destinées à diriger la vapeur, elles ne peuvent le faire que dans un plan horizontal et non pas vertical ;

Qu'ainsi, elles ne sont pas habiles à conduire la vapeur à traverser le panier ;

Considérant qu'il suit que si la vapeur entre par un orifice pratiqué dans le couvercle puis pénètre dans le panier de cuisson, elle s'échappe par un autre orifice pratiqué dans ce même couvercle sans avoir été forcée à traverser la panier pour pouvoir s'échapper ;

Considérant que les premiers juges ont ainsi déduit avec pertinence qu'il n'apparaissait pas au vu de la disposition des orifices d'entrée et de sortie situés dans le couvercle, que le flux de vapeur poursuivait son trajet en traversant le panier - par les ouvertures dont il est doté -, pour remonter le long de la paroi latérale du récipient, vers l'orifice de sortie ;

Considérant en conséquence que le positionnement de l'orifice de sortie ne remplit pas la même fonction que celui objet de la revendication n° 1 ;

Que la contrefaçon par équivalence n'est aucunement caractérisée ;

Considérant que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté l'action en contrefaçon de la revendication n° 1 et des revendications 2 et 3 placées dans la dépendance de cette dernière ;

Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles :

Considérant que l'appelante revendique la titularité de droits d'auteur et de dessins et modèles au sens des articles L. 111-1 et 511-9 du Code de la propriété intellectuelle sur la forme ornementale du produit Baby Cook caractérisée comme suit :

-  un appareil aux formes arrondies,

-  composé de deux parties situées côte à côté selon un plan horizontal,

-  une première partie opaque de couleur blanche correspondante au générateur de vapeur et une deuxième partie cylindrique transparente correspondant au récipient de cuisson recevant le panier de cuisson amovible,

-  un récipient qui présente un fond, une anse et un moyen de préhension du couvercle de couleur jaune,

-  un bouton rond permettant la mise en marche et l'extinction de l'appareil selon le positionnement du curseur sur les pictogrammes ;

Considérant que l'appelante soutient que la forme conférée à l'appareil dénommé Baby Pappa est pareillement composée de deux parties, qui reprennent le même jeu de transparence, de couleurs et le même bouton rond ;

Qu'elle ajoute que les ressemblances sont d'autant plus flagrantes que les autres appareils présents sur le marché se distinguent nettement de celui qu'elle a créé ;

Mais considérant que l'appelante ne saurait sous le couvert du droits des dessins et modèles et du droit d'auteur, revendiquer des caractéristiques purement fonctionnelles et générales telles qu'une structure en deux parties correspondant pour l'une, à un générateur doté d'un bouton de manœuvre rond, et pour l'autre, d'un récipient de cuisson doté d'un panier amovible, cylindrique, dont la transparence facilite la visibilité de l'état de préparation des aliments ;

Considérant qu'elle ne peut pas plus revendiquer de droits sur 'un appareil aux formes arrondies', description manifestement inopérante en raison de son imprécision ;

Considérant qu'en revanche, ses droits portent sur un appareil doté d'un générateur de vapeur dont la forme du flanc latéral extérieur est courbe, tandis que la forme du côté dans lequel vient se loger le récipient de cuisson présente une courbe plus prononcée, enveloppante, que rappelle et prolonge la courbe de l'anse de préhension du récipient ;

Que, comme le relèvent les intimées, l'extrémité supérieure du générateur et celle du couvercle épousent une forme concave ;

Considérant que l'appareil incriminé se présente sous la forme de deux cylindres identiques, disposés côte à côte sur un socle ovale et recouverts d'un couvercle de forme hémisphérique ;

Considérant qu'il suit que c'est à bon droit que les premiers juges ont pu en déduire que l'appareil litigieux ne reprenait pas les caractéristiques essentielles de l'oeuvre protégée et qu'il produisait sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble nettement différente de celle produite par le modèle déposé ;

Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société Beaba articule ici différents griefs tenant à l'existence d'un risque de confusion, - sur le mérite duquel il vient d'être répondu par la constatation d'une impression d'ensemble nettement différente -, ou à un prix qui serait nettement inférieur, lequel, à le supposer avéré, n'est pas en lui même de nature à fonder une action en concurrence déloyale ;

Qu'il en va pareillement du grief de parasitisme fondé sur le fait que les société Artsana fut de 1998 à 2003 le distributeur exclusif du produit de la société Beaba pour l'Italie et qu'elle a pu avoir accès à des informations techniques et au savoir faire de l'appelante, dans la mesure où cette dernière n'énonce aucune information technique ou commerciale précise qui aurait été détournée par son ancien contractant et alors surtout, que les appareils en cause ne peuvent être confondus par le public ; que la seule identité des fonctions qu'ils remplissent n'est d'évidence pas susceptible, sur un marché ouvert à la concurrence, de constituer une faute ;

Considérant en conséquence que la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté l'action en concurrence déloyale ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de condamner l'appelante à verser aux intimées la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée,

Y ajoutant,

Condamne la société Beaba à verser aux sociétés Artsana France et à la société de droit italien Artsana, la somme globale de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même code.