Livv
Décisions

Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-13.356

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocat :

SCP Gadiou et Chevallier

Paris, du 2 déc. 2011

2 décembre 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Coline Diffusion (la société Coline), qui a pour activité la vente d'articles de textile auprès de détaillants, a, le 5 décembre 2007, déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) un modèle de robe et un modèle de chemisier portant les références 817382 et 817374 et enregistrés sous le n° 075523 ; que cette société, reprochant à la société Ida 2000 de commercialiser des vêtements qui reproduiraient ses modèles, l'a fait assigner en contrefaçon après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon ; que reconventionnellement la société Ida 2000 a sollicité l'annulation des deux modèles et réclamé le paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que la société Coline fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nuls, pour défaut de nouveauté et de caractère propre, les modèles n° 817382 et 817374 déposés le 5 décembre 2007, alors, selon le moyen :

1°) qu'en relevant, pour écarter la nouveauté des modèles déposés par la société Coline, que cette dernière a reconnu dans ses conclusions récapitulatives d'appel que la société Himalayan Cotton and Fashion, fournisseur népalais de la société Ida 2000, a diffusé et commercialisé en 2006 en France les mêmes modèles que ceux déposés par elle cependant que la société Coline contestait expressément la réalité de ces livraisons et soulignait que la société Ida 2000 ne communiquait aucune facture de la société Himalayan Cotton and Fashion comportant les références des produits contrefaisants prétendument livrés et vendus en France dès 2006, la cour d'appel, qui a dénaturé ses conclusions, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) qu'en retenant, pour écarter la nouveauté des modèles déposés par la société Coline que la société Himalayan Cotton and Fashion a attesté avoir créé les deux modèles contestés pour la société Ida 2000 en 2006 et que la société Ida 2000 produit un catalogue valide sans rechercher, comme elle y était expressément invitée si l'établissement de ce témoignage comme de ce catalogue ne s'inscrivait pas dans un contexte de fraude étendu dans lequel les fournisseurs népalais, unis en syndicat, avec la complicité de leur gouvernement, attestent systématiquement de l'antériorité de la commercialisation de toute marchandise et fabriquent des catalogues confortant leurs déclarations à seule fin de maintenir des relations économiques avec leurs clients français, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ qu'une antériorité ne peut être retenue pour détruire la nouveauté d'un modèle s'il n'est pas établi, de manière certaine, qu'elle avait bien été publiée ou divulguée avant le dépôt dont la validité est contestée ; qu'en se bornant à affirmer que la fausseté des factures ou des témoignages versés aux débats par la société Ida 2000 sont sans conséquence sur la validité du catalogue de la société Himalayan Cotton and Fashion qu'elle produit sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mise à l'écart de quasiment l'ensemble des éléments de preuve réunis par la société Ida 2000 n'avait pas pour effet de rendre incertaine la date de ce catalogue, et partant, celle de la prétendue divulgation de ces produits sur le territoire français, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a relevé que la société Coline reconnaissait, dans ses écritures, que la société Himalayan Cotton and Fashion avait diffusé et commercialisé des vêtements en 2006, en France, sans retenir qu'il s'agissait des mêmes modèles que ceux déposés par la société Coline ;

Et attendu, en second lieu, que sous le couvert d'un manque de base légale, les deuxième et troisième branches ne tendent qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont retenu que le catalogue de la société Himalayan Cotton and Fashion édité en 2006 et l'attestation de cette société établissaient que les modèles contestés avaient été divulgués en France à la date du dépôt et que la société Coline ne rapportait pas la preuve que la validité de ce catalogue était contestable ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur ce moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour écarter le caractère propre des modèles de la société Coline, l'arrêt retient que l'observateur averti est le consommateur auquel le produit est destiné ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'observateur averti se définit comme un observateur doté d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.