CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 juin 2019, n° 16/16167
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
FP (SARL)
Défendeur :
Maje (SAS), Maje Boutique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
La société MAJE a pour activité la fabrication de vêtements, chaussures et accessoires pour femme.
La société MAJE BOUTIQUE, filiale de la société MAJE, avait en charge l'activité de vente au détail des produits de la marque MAJE par le biais d'un réseau de boutiques à l'enseigne MAJE.
La société MAJE BOUTIQUE a commercialisé deux vêtements créés par Mme Cécile S., styliste salariée de la société MAJE, pour la collection Eté 2015:
• une robe, dénommée RAYURE créée le 30 juillet 2014 ;
• une jupe dénommée JAM créée le 25 juillet 2014.
La société MAJE expose que, conformément à son contrat de travail, Mme Cécile S. lui a cédé ses droits d'auteur quant à ses deux vêtements, qui ont par ailleurs fait l'objet d'un dépôt Fidéalis le 14 octobre 2014.
Elle revendique être titulaire sur ces deux articles de droits d'auteur et de droits de dessins et modèles communautaires non enregistrés.
La société FP se présente comme une société créée en 2011 et spécialisée dans le commerce de gros d'articles d'habillement et de chaussures.
Ayant constaté que la société FP proposait à la vente deux modèles reprenant, selon elle, les caractéristiques de la robe RAYURE et de la jupe JAM, la société MAJE, après avoir acheté, dans une boutique à l'enseigne DILEMME située [...] (75004) et dans une boutique à l'enseigne LES FILLES A LA VANILLE située 56 de cette même rue, un exemplaire de ces articles revêtus de la marque F& P dont est titulaire la société FP, a, suivant autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris rendue par ordonnances du 3 juin 2015, fait procéder ce même jour à :
• une saisie-contrefaçon au siège de la société FP à Aubervilliers (93000) au cours de laquelle ont été saisies deux robes référencées CM 835, l'une de couleur blanche et l'autre rose, et une jupe référencée CM 826 de couleur bleue, ainsi qu'un stock de 48 exemplaires de la jupe CM 826 existant également en couleur blanche ;
• une saisie-contrefaçon dans la boutique à l'enseigne DILEMME [...] et dans l'annexe de cette boutique [...], qui a permis la découverte d'un modèle de robe griffé F&P, portant sur une carteline la référence CM 837 et un stock de 18 de ces robes déclinées en couleur noire, blanche et jaune ; aucune comptabilité ou bordereau d'achat de ces pièces n'a été retrouvé ;
• une saisie-contrefaçon dans la boutique LES FILLES A LA VANILLE située [...] ayant permis la découverte de six exemplaires, de couleur blanche ou noire, d'une robe étiquetée F&P et référencée CM 835.
Des documents ont été transmis ultérieurement pas la société FP accompagnés d'une lettre faisant état des quantités suivantes :152 pièces du modèle de jupe CM 826 ; 124 pièces du modèle de robe CM 835 ; 85 pièces du modèle de robe CM 837.
Toutefois la société MAJE estime qu'au vu des documents transmis, la quantité totale d'articles contrefaisants serait de 7 025 pièces pour la robe et de 781 pour la jupe.
C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier du18 juin 2015, la société MAJE et la société MAJE BOUTIQUE, après avoir adressé à la société FP une mise en demeure le 4 juin 2015 restée sans réponse, l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés, et en concurrence déloyale et parasitisme.
Par acte du 29 août 2015, l'intégralité du patrimoine de la société MAJE BOUTIQUE a été transférée à la société MAJE.
Par jugement rendu le 10 juin 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
• annulé le procès-verbal de constat d'huissier du 10 juillet 2015 établi par Me Maxime B. ;
• dit que la robe RAYURE et la jupe JAM de la société MAJE bénéficient de la protection au titre du droit d'auteur ;
• dit que la robe RAYURE et la jupe JAM bénéficient de la protection au titre du droit des dessins ou modèles non enregistrés ;
• déclaré recevables les demandes de la société MAJE au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et de la contrefaçon de dessins et modèles communautaires non enregistrés concernant la robe RAYURE et la jupe JAM ;
• dit que la société FP a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur et du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés en important et commercialisant les robes référencées MC835 et MC837 ;
• rejeté les demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés relatives à la jupe JAM ;
• dit que la société FP, en important et commercialisant les robes référencées MC 835 et MC837, a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société MAJE BOUTIQUE [à l'époque des faits, distributeur de la marque MAJE en France] aux droits de laquelle vient la société MAJE ;
• rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale au préjudice de la société MAJE ;
• interdit à la société FP de commercialiser les robes référencées MC835 et MC837 ou toute robe identique à celles-ci, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;
• dit qu'il se réservait la liquidation des astreintes ;
• condamné la société FP à payer à la société MAJE :
• une somme de 20 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés,
• une somme de 40 124,70 euros au titre des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société MAJE BOUTIQUE ;
• rejeté le surplus des demandes ;
• condamné la société FP aux dépens et au paiement à la société MAJE, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'une somme de 10 000 euros, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon ;
• ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 22 juillet 2016, la société FP a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses uniques conclusions transmises le 24 octobre 2016, la société FP demande à la cour :
• de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, ainsi qu'en toutes ses demandes,
• d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
• de déclarer régulier le procès verbal de constat d'huissier du 10 juillet 2015 établi par Me Maxime B.,
• de débouter les sociétés MAJE et MAJE BOUTIQUE de toutes leurs demandes,
• de les condamner solidairement à lui payer la somme de 7 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses uniques conclusions transmises le 16 décembre 2016, les sociétés MAJE et MAJE BOUTIQUE demandent à la cour :
• de confirmer le jugement en ce qu'il a :
• donné acte à la société MAJE de la transmission universelle de patrimoine intervenue le 29 août 2015, la société MAJE ayant intégralement absorbé la société MAJE BOUTIQUE,
• annulé le procès-verbal de constat d'huissier du 10 juillet 2015 établi par Me Maxime B.,
• dit que la robe RAYURE et la jupe JAM de la société MAJE bénéficiaient de la protection au titre du droit d'auteur et du droit des dessins ou modèles communautaires non enregistrés,
• déclaré recevables les demandes de la société MAJE au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés concernant la robe RAYURE et la jupe JAM,
• dit que la société FP a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur et des dessins et modèles communautaires non enregistrés en important et en commercialisant les robes référencées CM835 et CM837,
• dit que la société FP a commis des actes de concurrence déloyale en important et en commercialisant les robes référencées CM835 et CM837 au préjudice de la société MAJE BOUTIQUE,
• interdit à la société FP de commercialiser les robes référencées CM835 et CM837 ou toutes robes identiques à celles-ci, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
• condamné la société FP à payer à la société MAJE la somme de 20 000 euros au titre de la contrefaçon des droits d'auteur et des dessins et modèles communautaires non enregistrés,
• condamné la société FP à payer à la société MAJE venant aux droits de MAJE BOUTIQUE la somme de 40 124,70 euros au titre d'actes de concurrence déloyale,
• condamné la société FP aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros au bénéficie de la société MAJE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
• d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
• rejeté les demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés relatives à la jupe JAM,
• rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale au préjudice de la société MAJE,
• rejeté le surplus des demandes indemnitaires de la société MAJE,
statuant à nouveau,
• de débouter la société FP de l'ensemble de ses demandes,
à titre principal :
• de juger que la société FP, en commercialisant la jupe CM826, s'est rendue coupable de contrefaçon de droit d'auteur et de droits de dessins et modèles communautaires non enregistrés appartenant à MAJE relatifs au modèle JAM,
• de juger que la société FP s'est également rendue coupable d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société MAJE compte-tenu de l'inobservation de l'article L.123-14 du code de commerce,
• de condamner la société FP à payer les sommes suivantes :
• à la société MAJE : 230 000 euros supplémentaires à titre de dommages et intérêts du fait de l'atteinte aux droits de la société MAJE, constitutive de contrefaçon de ses droits d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés ou, à titre subsidiaire, la somme minimum de 30 000 euros supplémentaires, compte tenu de la facture du fournisseur de FP produite aux débats et de la dissimulation manifeste de la société FP de la réalité de la masse contrefaisante,
• à la société MAJE venant aux droits de la société MAJE BOUTIQUE : 959 875 euros à titre de dommages et intérêts du fait des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ou, à titre subsidiaire, la somme minimum de 59 875 euros supplémentaires, compte tenu de la facture du fournisseur de FP produite aux débats et de la dissimulation manifeste de la société FP de la réalité de la masse contrefaisante,
• à la société MAJE : 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire compte-tenu de l'inobservation de l'article L.123-14 du code de commerce,
• d'ordonner à titre de supplément de dommages et intérêts, la parution de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux au choix de la société MAJE et aux frais avancés de la société FP dans une limite de 5 000 € HT maximum par insertion,
• à titre subsidiaire, si la cour estimait que les faits ne constituent pas des actes de contrefaçon des droits de la société MAJE, de juger qu'à tout le moins ces actes constituent des agissements de concurrence déloyale sur le fondement de l'article '1382" du code civil, compte tenu du risque de confusion et des actes de parasitisme, et de condamner la société FP au paiement des sommes ci-dessus indiquées,
• de condamner la société FP aux entiers dépens de première instance et d'appel, en plus des frais de constat et de procès-verbal de saisie-contrefaçon de la SCP J. & D. et de la SCP K. & S. exposés par la société MAJE, en ce compris les honoraires des huissiers,
• de condamner la société FP au paiement de la somme supplémentaire de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés, en application de l'article 700 code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 15 janvier 2019.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur la contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés sur la robe RAYURE et la jupe JAM de la société MAJE
Sur la nullité du procès-verbal de constat d'huissier du 10 juillet 2015
Considérant que la société FP soutient que le procès-verbal de constat d'huissier en date du 10 juillet 2015, qu'elle a fait établir sur des comptes de créateurs de mode sur des réseaux sociaux en vue de démontrer l'absence d'originalité de la robe revendiquée par la société MAJE, n'est entaché d'aucune irrégularité dès lors que l'huissier a procédé en étant constamment guidé par sa gérante sans excéder le champ des simples constatations ;
Que la société MAJE conclut à la nullité dudit procès-verbal, demandant la confirmation du jugement pour les motifs qu'ils contient ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que les premiers juges, après avoir constaté que l'huissier a procédé de lui-même à une sélection des robes lui paraissant comporter les caractéristiques de la robe RAYURE de la société MAJE, précédemment énoncées par la gérante de la société FP, ainsi qu'à une analyse de la similarité des caractéristiques des robes trouvées sur internet et de celles de la robe RAYURE, ont estimé qu'il avait outrepassé ses pouvoirs et prononcé en conséquence la nullité du procès-verbal ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la protection de la robe RAYURE et de la jupe JAM
Sur la protection par le droit d'auteur (l'originalité)
Considérant qu'en vertu de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ; que l'article L.112-1 du même code protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ; qu'il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale ;
Que selon l'article L. 112-2, 14° du même code, sont considérées comme œuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure ;
Que lorsque la protection est contestée en défense, l'originalité doit être explicitée et démontrée par celui qui se prétend auteur ;
En ce qui concerne la robe RAYURE
Considérant que la société FP conteste l'originalité de la robe RAYURE de la société MAJE, soutenant qu'elle n'est que la reproduction servile d'un modèle de confection préexistant largement diffusé via les réseaux sociaux comme le démontrent à la fois les deux constats d'huissier dressés les 10 juillet 2015 et 22 juin 2016 à sa demande et le magazine Cosmopolitain chinois du mois de septembre 2014 ;
Que la société MAJE répond que le constat d'huissier du 10 juillet 2015 est entaché de nullité, ainsi que l'a retenu le tribunal, que les prétendues créations opposées résultant du procès-verbal de constat du 22 juin 2016 sont soit antérieures à la robe RAYURE soit sans rapport avec elle et que le magazine chinois, dont ni la date ni le contenu ne sont certains, n'est pas susceptible de détruire l'originalité de la robe RAYURE ni la nouveauté du modèle correspondant ;
Considérant que la société MAJE expose que la robe RAYURE présente la combinaison originale des caractéristiques suivantes :
'- Il s'agit d'une robe comportant un haut ajusté,
- comportant un empiècement vertical sur l'avant du modèle, s'arrêtant à la taille, et composéde bandes verticales de mailles ajourées,
- comportant également, à droite et à gauche de la bande verticale ajourée, des empiècementssymétriques, disposés de biais, traçant une diagonale des aisselles à la taille,
- le bas de la robe est composé d'une jupe évasée,
- en maille ajourée,
- resserrée à la taille,
- comportant une série de pinces à l'avant et à l'arrière de la jupe, disposée de façonsymétrique,
- l'intégralité de la robe est composée d'une série de bandes de tissu latérales alternant sur toute la longueur du modèle,
- avec des bandes de mailles ajourées, présentant un motif géométrique composé d'alvéoles s'enchevêtrant, présentant un effet nid d'abeille,
- la robe comporte une doublure intérieure plus courte que la robe' ;
Qu'il est justifié que la robe a été créée le 30 juillet 2014 par Mme S., styliste de la société MAJE ; que cette dernière produit l'attestation de sa salariée, laquelle joint un croquis daté de la robe et relate qu'elle a voulu 'créer une robe présentant un effet très structuré pour le haut de la robe et une jupe évasée, d'une grande légèreté, laissant apparaître les jambes en transparence, compte-tenu du tissu, ajouré ci-dessus décrit. En choisissant d'utiliser une matière légère et alvéolée, de type nid d'abeilles, j'ai voulu créer une robe présentant à la fois un jeu de transparence et une allure chic et structurée. J'ai désiré surprendre la clientèle par la combinaison d'une coupe particulière et d'un tissu inattendu. En effet, par ce haut structuré présentant des empiècements disposés de biais pour affiner la taille, j'ai recherché un effet de corset soulignant la féminité du modèle. Ce haut contraste avec le bas de la robe présentant un effet boule, ce qui affine encore davantage la taille. J'ai voulu créer une robe très féminine, élégante et surprenante, permettant ainsi tout usage' ; que comme il a été dit, la robe a en outre fait l'objet d'un dépôt Fidéalis en date du 14 octobre 2014 ;
Que pour l'appréciation de l'originalité de la robe, il n'y a lieu de prendre en compte les constatations du procès-verbal de constat établi le 10 juillet 2015 qui a été annulé ;
Que le procès-verbal de constat en date du 22 juin 2016 établi à la demande de la société FP sur divers sites internet fait apparaître :
- une photographie de robe sur la page Facebook de la créatrice Ivana M. mise en ligne le 19 août 2014 (page 23 du PV), soit postérieurement à la date de création de la robe MAJE ; qu'en outre, la robe M. présente des différences importantes par rapport à la robe revendiquée, dans la forme tant du haut (décolleté arrondi et non pas en 'V') que du bas (absence de grands plis creux ou 'pinces à l'avant et à l'arrière de la jupe, disposée de façon symétrique') du vêtement, la qualité de la reproduction ne permettant pas de vérifier que la robe est confectionnée dans un tissu 'maille',
• une photographie de robe multicolore sur la page Facebook du créateur SKAZI mise en ligne le 26 septembre 2015 (page 29 du PV), soit postérieurement à la date de création et au dépôt Fidéalis de la robe RAYURE de MAJE,
• une photographie de robe noire sur la page Instagram du créateur SKAZI portant la date du 27 février 2015 (page 33 du PV), postérieure à la date de création de la robe RAYURE et au dépôt Fidéalis,
• une photographie (non commentée par la société FP) d'un ensemble bustier blanc et jupe multicolore sur la page Instagram du même créateur SKAZI, portant la date du 19 septembre 2014 (page 36 du PV) ou du 3 août 2014 (page 39 du PV) ; que ces dates sont donc postérieures à celle de création de la robe RAYURE ; qu'il s'agit en outre manifestement d'un ensemble (jupe + bustier) et non d'une robe ; que si le bustier blanc semble être confectionné dans un tissu en maille ajouré très proche de celui de la robe MAJE et comporte des empiècements en biais, il diffère dans sa structure et ses finitions (décolleté 'ras du cou' et non pas en 'V', large bande verticale centrale, liseré foncé en bordure du col et des emmanchures) ; que la jupe multicolore n'est pas en maille et ne comporte pas de grands plis creux ('pinces à l'avant et à l'arrière de la jupe, disposée de façon symétrique') comme le bas de la robe MAJE mais est froncée à la taille,
• une photographie d'une robe longue blanche sur la page Instagram du créateur COSH mise en ligne le 22 octobre 2014 (page 47 du PV), soit postérieurement à la date de création et au dépôt Fidéalis de la robe RAYURE de MAJE ; qu'en outre cette robe présente des différences importantes par rapport à la robe revendiquée (manches longues, décolleté arrondi et absence de grands plis couchés à la taille) et il n'est pas possible de vérifier qu'elle est réalisée dans un tissu en maille,
• une photographie d'un ensemble short + bustier (ou combi-short) (non commentée par la société FP) sur la page Instagram de COSH mise en ligne le 19 août 2014 (page 50 du PV) ou 29 juin 2014 (page 57 du PV) ; que ce vêtement ne ressemble en rien à la robe revendiquée, si ce n'est que la partie bustier comporte une bande centrale verticale,
• une photographie d'une robe longue verte sur page Instagram de COSH mise en ligne le 18 août 2014 (page 54 du PV), soit postérieurement à la date de création de la robe RAYURE de MAJE ; que cette robe présente en outre des différences importantes par rapport à la robe revendiquée (emmanchures américaines, décolleté arrondi, pas de bande centrale verticale sur la partie haute et absence de grands plis creux à la taille) et il n'est pas permis de vérifier qu'elle est réalisée dans un tissu en maille,
• une photographie (non commentée par la société FP) d'une robe blanche sur la page Instagram de WARESTYLE mise en ligne dans la 'seconde quinzaine du mois d'avril 2015", soit postérieurement à la date de création et au dépôt Fidéalis de la robe RAYURE de MAJE,
• une photographie d'une robe rayée blanche et noire sur la page Instagram de WARESTYLE mise en ligne également dans la 'seconde quinzaine du mois de janvier 2015", soit postérieurement à la date de création et au dépôt Fidéalis de la robe RAYURE de MAJE ;
Qu'aucun de ces éléments n'est donc susceptible de détruire l'originalité de la robe RAYURE de la société MAJE ;
Considérant que la société FP produit par ailleurs un magazine Cosmopolitain en langue chinoise du mois de septembre 2014 qui fait apparaître en page 202 une robe crème ; que la société MAJE objecte toutefois à raison que cette robe, qui présente des différences importantes par rapport à la robe revendiquée (petites manches, encolure ronde), n'est pas clairement attribuée à un quelconque créateur ou à une quelconque marque, à la différence des autres articles de mode présentés sur la même page, ce qui, ajouté au fait qu'il est indiqué que ce magazine aurait été découvert fortuitement, est de nature à jeter le doute sur sa valeur probante ;
Considérant, dans ces conditions, que l'originalité de la robe RAYURE, qui réside, comme l'explique la styliste créatrice, dans le contraste entre un haut très structuré, de type corset, composé d'empiècements en biais et une jupe de forme 'boule', la robe étant coupée dans un tissu ajouré évoquant la légèreté, ces choix révélant un effort créatif et portant l'empreinte de la personnalité de sa créatrice, ne se trouve pas détruite ;
Que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
En ce qui concerne la jupe JAM
Considérant que la société MAJE expose que la jupe JAM, créée par sa styliste le 25 juillet 2014, présente la combinaison originale des caractéristiques suivantes :
' Il s'agit d'une jupe évasée,
- en maille ajourée,
- resserrée à la taille,
- comportant une série de plis à l'avant et à l'arrière de la jupe, disposée de façon symétrique, - l'intégralité de la jupe est composée d'une série de bandes latérales alternant sur toute la longueur du modèle,
- avec des bandes de mailles ajourées, présentant un motif géométrique composé d'alvéoles s'enchevêtrant, présentant un effet nid d'abeille,
- le modèle comporte une doublure intérieure et une fermeture zippée' ;
Que Mme S., styliste de la société MAJE, fournit un croquis daté du 25 juillet 2014 et relate qu'elle a 'voulu créer un contraste entre un effet très structuré en apparence et une grande légèreté du modèle compte-tenu du tissu ajouré ci-dessus décrit. J'ai voulu donner au modèle un effet années 60 revisité et modernisé, faisant que cette jupe peut être portée en toute occasion, soit pour aller travailler, soit pour sortir le soir. Cette jupe, à l'esthétique particulière, compte tenu du contraste qu'elle présente, est un parfait vêtement d'été, alliant élégance et festivité grâce à ce jeu de transparence. J'ai voulu créer une jupe féminine et facile à porter mais élégante à la fois pour les grandes occasions, permettant ainsi tout usage' ;
Que l'originalité de la jupe JAM , qui n'est, pas plus qu'en première instance, contestée par la société FP est ainsi établie ;
Sur la protection au titre des dessins et modèles communautaire non enregistrés
Considérant que l'article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ; qu'en application des articles 5 § 1 a) et 6 § 1 a) du même règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois et comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant cette même date ;
Qu'en application de l'article 11 du même règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s'il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté ;
En ce qui concerne la robe RAYURE
Considérant que la société FP, sans consacrer des développements particuliers dans ses écritures à la protection de la robe RAYURE par le droit des dessins et modèles non enregistrés, demande l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et, par conséquent, en ce qu'il a reconnu cette protection ;
Que la société MAJE soutient que son modèle RAYURE est nouveau et présente un caractère individuel, précisant qu'il a fait l'objet d'une première divulgation au public le 14 novembre 2014 ;
Considérant que les pièces 2 (reçu horodatage Fidéalis de la robe RAYURE), 4 (factures en date du 14 novembre 2014 adressées à deux magasins des centres commerciaux de Beaugrenelle à Paris et Parly 2 au Chesnay) et 5 (book de la collection MAJE printemps/été 2015) de la société MAJE établissent que la robe RAYURE a été divulguée au public pour la première fois le 14 novembre 2014 ;
Qu'il résulte des développements précédents relatifs à l'originalité de la robe RAYURE que la société FP n'oppose pas d'antériorité susceptible de combattre la nouveauté et le caractère individuel du modèle de robe RAYURE, qui bénéficie ainsi de la protection au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés pour une durée de 3 ans à compter du 14 novembre 2014 ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
En ce qui concerne la jupe JAM
Considérant que pas plus qu'en première instance, la société FP ne conteste la protection au titre du droit des dessins et modèles non enregistrés de la jupe JAM de la société MAJE ;
Considérant que la société MAJE justifie par ses pièces 6 (reçu horodatage Fidéalis de la jupe JAM), 8 (factures en date du 14 janvier 2015 adressées à un magasin du centre commercial Beaugrenelle à Paris et à un magasin situé [...]) et 5 que la jupe JAM a été divulguée au public pour la première fois le 15 janvier 2015 ;
Que la jupe JAM bénéficie de la protection au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés pour une durée de 3 ans à compter de cette date ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point également ;
Sur les actes de contrefaçon
Sur la contrefaçon de la robe RAYURE par les robes référencées CM835 et CM837
La contrefaçon de droits d'auteur
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, 'Toute représentation, ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque' ;
Considérant que la société FP soutient qu'hormis la similarité du tissu et la disposition d'un empiècement central et d'empiècements obliques sur le haut de la robe, éléments pré-existants chez d'autres créateurs, les robes CM835 et CM837 qu'elle commercialise diffèrent très nettement de la robe RAYURE de la société MAJE ;
Que la société MAJE soutient que, comme l'a jugé le tribunal, les deux robes commercialisées par la société FP constituent des contrefaçons à l'identique ou de façon quasi-identique de sa robe RAYURE, du fait de la reproduction servile ou quasi-servile de la combinaison originale des caractéristiques essentielles de ses créations ;
Considérant qu'ainsi que le tribunal l'a relevé, la robe référencée CM835 est composée, comme la robe RAYURE, d'un haut ajusté et d'un bas (jupe) évasé ; qu'elle est confectionnée dans un tissu très proche, si ce n'est identique, en maille ajourée (qualifiée de 'maille abeille' dans le book de la société MAJE), composé d'une alternance de bandes de tissus en relief et de mailles à structure alvéolée produisant un effet de transparence ; que cependant, la composition de la robe comprenant un haut ajusté et une jupe évasée relève d'un genre et ne saurait être approprié par la société MAJE ; que par ailleurs celle-ci ne revendique pas de droits privatifs sur le tissu en maille dans lequel sont confectionnées les robes en présence, la société FP observant en outre, à juste raison, que la pièce 22 des intimées (page d'un site 'Show room project') révèle que 'la résille sporty', titre de la rubrique sous laquelle figurent la jupe JAM de la société MAJE, mais aussi un top ajouté H&M, une robe DKNY et une robe BALENCIAGA, était l'une des tendances de la collection printemps/été 2015 ; que le fait que la robe incriminée comporte, à l'instar de la robe RAYURE, une doublure plus courte que la robe, ce qui est banal, est de peu d'emport ;
Qu'en outre, la robe CM835 présente une encolure droite (ou carrée), très différente de celle de la robe MAJE qui est en 'V', et sa partie basse (jupe) ne comporte pas 'une série de pinces à l'avant et à l'arrière de la jupe, disposée de façon symétrique', plus exactement des grands plis creux, donnant à la robe MAJE un aspect évasé très prononcé à effet 'boule' - au demeurant revendiqué par la créatrice - qui ne se retrouve nullement sur la robe litigieuse dont la partie jupe présente une forme en trapèze sans volume marqué ; qu'enfin, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la disposition des empiècements sur le haut de la robe n'est pas la même, la robe MAJE présentant trois bandes en biais de chaque côté (l'une constituant la bretelle) et une courte bande centrale verticale montant de la jupe jusqu'au bas de la pointe du 'V' de l'encolure, alors que la robe litigieuse comporte une seule bande en biais de chaque côté et deux bandes verticales latérales (l'une constituant la bretelle) de part et d'autre d'une longue bande centrale verticale traversant tout le haut de la robe ;
Que toutes ces différences ne sont pas secondaires par rapport aux ressemblances ; que l'essentiel des caractéristiques originales de la robe RAYURE - qui tient au contraste entre un haut très structuré évoquant 'un corset' constitué d''empiècements disposés de biais pour affiner la taille' (cf. attestation de Mme S.) et d'une jupe 'présentant un effet boule, ce qui affine encore davantage la taille' (idem) - n'est pas reproduit sur la robe CM835 qui ne constitue donc pas la contrefaçon de la robe RAYURE ;
Que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;
Considérant que la robe référencée CM837, coupée dans le même tissu en maille ajourée que celui décrit précédemment, présente en partie basse une jupe comprenant des plis creux tels ceux que l'on retrouve sur la robe RAYURE, lui donnant un même effet de volume 'boule' ; qu'elle comprend aussi, comme la robe MAJE, un haut avec un empiècement de biais et une bande centrale verticale ; que cette robe diffère cependant de la robe revendiquée non seulement en ce qu'elle comporte un col rond et de petites manches alors que la robe revendiquée est sans manches et à col 'V', ce qui suffit à lui donner une forme générale très différente de celle de la robe revendiquée, mais aussi en ce que le haut est composé, de chaque côté d'une longue bande centrale verticale traversant tout le haut de la robe, d'un seul empiècement en biais surmonté d'un empiècement horizontal et qu'il est de forme droite de sorte que l'on ne retrouve pas avec la robe litigieuse l'effet de contraste entre un haut de type bustier ajusté ('corset') et une jupe 'boule' ; que comme précédemment, le fait que la robe incriminée comporte une doublure plus courte que la robe est de peu d'emport ;
Que ces différences ne sont pas secondaires par rapport aux ressemblances ; que l'essentiel des caractéristiques originales de la robe RAYURE n'est pas reproduit sur la robe CM837 qui n'en constitue donc pas la contrefaçon ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a dit que la société FP a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur au préjudice de la société MAJE en important et commercialisant les robes référencées MC835 et MC837 ;
La contrefaçon de dessin et modèle communautaire non enregistré
Considérant que l'article 10 du règlement n° 6/2002 dispose : '1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle globale différente.
2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle' ;
Qu'il résulte de l'article 19.2 du même règlement que le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère à son titulaire le droit d'interdire les actes de contrefaçon que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé, l'utilisation contestée n'étant pas considérée comme résultant d'une copie si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire ;
Considérant que la société FP, sans y consacrer des développements particuliers dans ses écritures, poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la contrefaçon des droits de dessins et modèles communautaires détenus par la société MAJE sur le modèle de robe RAYURE par les robes référencées CM835 et CM837 qu'elle commercialise ;
Que la société MAJE soutient que la société FP a commercialisé des copies serviles ou quasi-serviles de son modèle RAYURE ;
Que pour les raisons qui ont été exposées ci-dessus, les robes commercialisées par la société FP référencées CM835 et CM837, différant de la robe RAYURE par des différences qui ne sont pas que de détail, ne produisent pas sur l'observateur averti une impression visuelle globale identique à celle produite par la robe revendiquée et n'en sont pas des copies ; que la contrefaçon de modèle communautaire non enregistré n'est donc pas caractérisée ;
Considérant que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a dit que la société FP a commis des actes de contrefaçon du droit de dessins et modèles communautaires non enregistrés au préjudice de la société MAJE en important et commercialisant les robes référencées MC835 et MC837 ;
Sur la contrefaçon de la jupe JAM par la jupe CM826
La contrefaçon de droits d'auteur
Considérant que la société MAJE soutient que la jupe référencée CM826 commercialisée par la société FP reproduit les caractéristiques essentielles de la jupe JAM et qu'elle en constitue une contrefaçon ;
Que la société FP oppose que la jupe CM826 n'a de ressemblance avec la modèle JAM que dans le choix du tissu ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a dit que, malgré des similitudes liées au même tissu employé, la forme générale de la jupe n'est pas reproduite, de sorte que la contrefaçon n'est pas établie ;
Qu'il sera rappelé que la société MAJE ne revendique pas de droits privatifs sur le tissu dans lequel est confectionné la jupe JAM ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
La contrefaçon de dessin et modèle communautaire non enregistré
Considérant que le jugement doit être également confirmé en ce qu'il a écarté la contrefaçon du modèle communautaire non enregistré dès lors qu'en raison de la différence de forme constatée, l'impression visuelle d'ensemble produite sur l'observateur averti par la jupe litigieuse est différente de celle générée par la jupe JAM de la société MAJE ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point également ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Sur la demande de la société MAJE BOUTIQUE (distributeur des produits MAJE) aux droits de laquelle est la société MAJE
Considérant qu'en l'absence de contrefaçon de la robe RAYURE et de la jupe JAM de la société MAJE distribués par la société MAJE BOUTIQUE (aujourd'hui MAJE), la demande de cette dernière en concurrence déloyale, pour obtenir réparation du préjudice propre (marge perdue) découlant des actes de contrefaçon, n'est pas fondée et doit être rejetée ;
Que le jugement doit être infirmé de ce chef également ;
Sur la demande de la société MAJE
Considérant que la société MAJE demande, à titre subsidiaire, que la cour qualifie d'actes de concurrence déloyale et parasitaire les faits dénoncés au titre de la contrefaçon, en raison du risque de confusion créé par la société FP entre les modèles en cause et de la captation indue de ses efforts de création et de ses investissements promotionnels ; qu'elle invoque, par ailleurs, comme en première instance, des actes distincts de concurrence déloyale résultant de ce que les factures remises par la société FP à l'huissier à la suite des saisies-contrefaçons ne comportaient pas les références relevées lors des saisies opérées sur place (CMP835, CM837, CM826) mais seulement des termes génériques ('robe' ou 'jupe') et soutient que la société FP a commercialisé sciemment des vêtements contrefaisants en omettant d'apposer leurs références précises permettant de les identifier, en violation des articles L. 441-3 alinéa 3 du code de commerce et 289-II du code général des impôts, et ce, afin de dissimuler l'ampleur exacte de la masse contrefaisante ; qu'elle ajoute qu'il est certain que la société FP agit ainsi de façon habituelle afin d'occulter la réalité de ses ventes, ce défaut de respect de l'article L. 123-14 du code de commerce constituant un acte de concurrence déloyale dès lors qu'elle même s'astreint à respecter les prescriptions légales ;
Que la société FP conclut au rejet des demandes ;
Considérant que le principe étant celui de la liberté du commerce, ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui consistent à tirer profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;
Que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ;
Sur la demande formée titre subsidiaire
Considérant que compte tenu des différences significatives relevées supra entre les vêtements en cause, le risque de confusion allégué n'est pas démontré, la similarité du tissu utilisé n'étant pas en soi reprochable à la société FP ;
Que par ailleurs, la société MAJE ne justifie pas des investissements réalisés pour la création et la promotion de sa robe RAYURE et de sa jupe JAM ;
Que la demande sera rejetée ;
Sur la demande formée au titre de faits distincts
Considérant que le défaut de mention sur les factures remises aux huissiers de justice par la société FP des références précises des articles litigieux, s'il était de nature à affecter la valeur probante des éléments transmis et pouvait conduire à considérer qu'une partie de la masse contrefaisante avait été dissimulée comme l'a retenu le tribunal dans sa décision de condamnation pour contrefaçon, ne constitue cependant pas un comportement susceptible d'influencer le comportement de la clientèle ; qu'il ne s'agit donc pas d'un acte contraire aux usages de la vie des affaires, visant à créer de façon déloyale un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des produits ou à profiter indûment des investissements d'autrui, cause d'un préjudice pour la société MAJE ;
Qu'il n'est pas établi par ailleurs que, comme le soutient la société MAJE, la société FP omette habituellement de mentionner les références des produits qu'elle commercialise sur ses factures ou s'abstienne de tenir une comptabilité régulière et sincère au sens de l'article L. 123-14 du code de commerce, ce qui pourrait lui conférer un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents qui eux respecteraient la législation invoquée ;
Que le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société MAJE ;
Sur la publication
Considérant que la demande de publication des sociétés MAJE qui succombent devient sans objet ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que la société MAJE qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées ;
Que la somme qui doit être mise à la charge de la société MAJE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société FP peut être équitablement fixée à 5 000 € ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :
• dit que la société FP a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur et du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés en important et commercialisant les robes référencées MC835 et MC837,
• -dit que la société FP, en important et commercialisant les robes référencées MC 835 et MC837, a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société MAJE BOUTIQUE aux droits de laquelle vient la société MAJE,
• interdit à la société FP de commercialiser les robes référencées MC835 et MC837 ou toute robe identique à celles-ci, sous astreinte,
• condamné la société FP à payer à la société MAJE :
• une somme de 20 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés,
• une somme de 40 124,70 euros au titre des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société MAJE BOUTIQUE, aux droits de laquelle vient la société MAJE,
• condamné la société FP aux dépens et au paiement à la société MAJE, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'une somme de 10 000 euros, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute la société MAJE de toutes ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés et la société MAJE BOUTIQUE, aux droits de laquelle vient la société MAJE, de ses demandes en concurrence déloyale,
Condamne la société MAJE aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Déboute la société MAJE de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire formée à titre subsidiaire,
Condamne la société MAJE aux dépens d'appel et au paiement à la société FP de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.