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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 5 avril 2019, n° 18/02322

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Altadif International (SARL)

Défendeur :

Vente-privée.com (SA), Euro Communication Equipements (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaber

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Lehmann

TGI Paris, 3e ch. sect. 4, du 16 nov. 20…

16 novembre 2017

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu le jugement contradictoire du 16 novembre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'appel interjeté le 31 janvier 2018 par la société Altadif International (Altadif),

Vu l'ordonnance du 5 avril 2018, par laquelle le délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 29 octobre 2018, de la société Altadif, appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 30 juillet 2018, de la société Euro Communication Equipements (ECE), intimée et incidemment appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 22 juin 2018, de la société Vente Privée.Com, intimée et incidemment appelante,

Vu l'ordonnance de clôture du 10 janvier 2019,

Vu les conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture de la société Altadif notifiées par voie électronique le 19 février 2019,

Vu les conclusions en réponse sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture de la société ECE notifiées par voie électronique le 19 février 2019,

Vu la note d'audience du 20 février 2019 aux termes de laquelle le conseil de la société Altadif renonce à sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture sans opposition de ses confrères,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société ECE, fondée en 1987, a pour activité la conception et la vente de produits électroniques grand public. Elle revendique des droits d'auteur et de modèle communautaire sur un kit mains-libres pour voiture dénommé « Supertooth buddy », ayant été créé en avril 2009, qu'elle commercialise en Europe depuis février 2010 sous sa marque Supertooth, avec un clip qui permet de le fixer au pare soleil du véhicule.

Le modèle communautaire a été déposé le 27 novembre 2009 et publié le 2 décembre 2009 à l'EUIPO sous le n° 001641085-0002.

La société ECE expose avoir découvert le 20 décembre 2015 dans le cadre d'une vente événementielle dite « one day » organisée sur son site internet par la société Vente Privée.Com que la société Altadif, société française spécialisée dans la commercialisation de produits axés sur la mobilité, commercialisait, selon elle une copie servile de son kit mains-libres sous la marque Akashi.

Après une mise en demeure en date du 5 janvier 2016, restée vaine, et une saisie contrefaçon réalisée le 8 mars 2016, autorisée par ordonnance présidentielle du 18 février 2016, la société ECE a fait assigner les sociétés Altadif et Vente privée.Com en contrefaçon de modèle communautaire, de droit d'auteur et en concurrence déloyale par exploit en date du 5 avril 2016.

Par jugement du 16 novembre 2017, dont appel, le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 4ème section) a essentiellement :

- Rejeté la demande en nullité du modèle n° 001641085-0002 formée par la société Altadif;

- Rejeté la demande en nullité du procès verbal de saisie contrefaçon du 8 mars 2016 ;

- Déclaré la société ECE recevable à agir en contrefaçon du modèle communautaire n° 001641085-0002 mais irrecevable à agir en contrefaçon du droit d'auteur ;

- Dit qu'en important, en offrant à la vente et en commercialisant en France des kits mains-libres portant la marque Akashi et la référence Altcarbthblk, les sociétés Altadif et Vente Privée.Com se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon du modèle communautaire n° 001641085-0002 dont la société ECE est titulaire ;

- Condamné in solidum les sociétés Altadif et Vente Privée.Com. à verser à la société ECE la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, 'tout préjudice confondu' ;

- Débouté la société ECE de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire;

- Interdit aux sociétés Altadif et Vente Privée.Com d'importer, d'offrir à la vente, de promouvoir et/ou de commercialiser dans l'ensemble de l'Union européenne, de quelque façon que ce soit, les kits mains-libres contrefaisants portant la marque Akashi et la référence Altcarbthblk et ce sous astreinte de 100 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement pendant un délai de 4 mois, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ainsi ordonnée ;

- Dit n'y avoir lieu à rappel des circuits commerciaux ;

- Dit n'y avoir lieu à la publication du dispositif du jugement ;

- Condamné la société Altadif à relever et garantir la société Vente Privée.Com de l'intégralité des sommes mises à sa charge ;

- Condamné in solidum les sociétés Altadif et Vente Privée.Com à verser à la société ECE la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'huissiers relatifs au procès-verbal de saisie-contrefaçon du 8 mars 2016 ;

- Débouté la société Vente Privée.Com de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée contre la société Altadif ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné les défenderesses aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Maxime C., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il ressort des dernières écritures des parties que la présente décision n'est pas critiquée s'agissant de la nullité du procès-verbal de saisie, de la concurrence déloyale et parasitaire, de la garantie, et de l'inclusion des frais d'huissiers dans les frais irrépétibles. Elle ne peut dès lors qu'être confirmée de ces chefs.

Sur la demande en nullité du modèle

La société Vente Privée.Com soutient que le modèle litigieux existait déjà au mois d'avril 2009 dans sa forme, sa structure et l'emplacement des touches, et que la société ECE ne justifie pas en conséquence de l'antériorité de la représentation graphique du modèle déposé, de sorte qu'il doit être annulé.

La société Altadif conteste le caractère individuel du modèle litigieux. Elle oppose six antériorités et prétend que le modèle litigieux ne produit pas une impression globale clairement différente des modèles antérieurs.

Sur la nouveauté

L'article 5 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 dispose : 'Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public : (...) avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement (...) ou (...) avant la date de priorité. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants'.

L'article 7 du même règlement énonce : 1. '(...) Un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s'il a été publié à la suite de l'enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l'article 5 (...) selon les cas, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public s'il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.

2. (...), il n'est pas tenu compte d'une divulgation si un dessin ou modèle (...) a été divulgué au public : a) par le créateur ou son ayant droit ou par un tiers sur la base d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant-droit, et ce,

b) pendant la période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou la date de priorité (...)'.

En l'espèce, la société Vente Privée.Com, tente de tirer parti d'un courriel daté du 9 juin 2009 versé à la procédure par la société ECE pour justifier de ses droits, ledit courriel contenant une proposition de marquage d'un kit mains libres, qui selon elle antérioriserait le modèle litigieux n° 001145767-002 déposé le 27 novembre 2009.

Cependant ce courriel, qui émane de la société ID'S, agence de design à laquelle la société ECE a confié la création du kit main-libres ainsi qu'il résulte du contrat conclu le 2 mars 2005, renouvelable chaque année par tacite reconduction, ainsi que des échanges de courriels d'avril à octobre 2009 (pièces 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11) relatant les différentes étapes du processus créatif, et dont les destinataires sont les salariés de ladite agence de création travaillant sur le projet, ainsi que ceux de la société ECE (l'adresse du courriel comprend le terme 'cbhouse' qui est le nom d'enseigne de la société ECE ainsi qu'il est démontré par l'extrait Kbis versé au dossier) ne constitue pas une divulgation au public au sens des articles 5 et 7 précités, de nature à détruire la nouveauté du modèle revendiqué. Ce grief de la société Vente.privée.Com sera donc rejeté.

Sur le caractère individuel

L'article 6 du règlement CE n°6/2002 du 12 décembre 2001 énonce : ' Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public ; (...), avant la date de dépôt ou si une priorité est revendiquée avant la date de priorité. Pour apprécier le caractère individuel il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle.'

En l'espèce, le modèle chinois opposé (pièce 16 de la société Vente Privée.com) et les deux modèles communautaires déposés en 2006 et 2008 par la société ECE (pièces 3A et 3D de la société Altadif) n'ont ni la même forme, ni la même structure ni le même emplacement des touches que le kit mains-libres litigieux de sorte que la combinaison de ces éléments diffère totalement du modèle revendiqué pris dans son ensemble. Il en est de même des modèles opposés par la société Altadif en pièces 3C, 3E et 3F, dont la forme oblongue est moins étirée, la partie périphérique ne comprend aucune touche, n'est ni biseautée, ni aussi large, sauf pour le modèle 3F qui comporte en réalité deux ceintures périphériques, outre que les modèles 3E et 3F ne sont pas de couleur noire, de sorte que ces éléments pris dans leur ensemble, pour chacune des antériorités opposées, ne produisent pas, sur l'utilisateur de kits mains-libres, la même impression globale que celle du modèle revendiqué.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité du modèle n° 001641085-0002. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande fondée sur les droits d'auteur

La société Altadif soutient que la société ECE ne démontre pas sa qualité à agir en ce qu'elle ne justifie pas d'une cession des droits en bonne et due forme, et qu'elle n'exploite pas sous son nom, la commercialisation étant effectuée sous le nom Supertooth. Elle conteste en outre le bénéfice de la protection du kit mains-libres litigieux du fait de l'absence de démonstration d'une originalité.

La société Vente Privée.Com conteste aussi la recevabilité de la société ECE à agir sur le fondement du droit d'auteur ainsi que l'originalité de l'oeuvre revendiquée.

Sur la titularité

Il résulte du contrat conclu le 2 mars 2005 entre la société ID'S, agence de création 'déclarant posséder une expertise reconnue dans le domaine des nouvelles technologies mobiles', représentée par son gérant M. Bertrand M., et la société ECE, que cette dernière souhaite recourir aux services de la première qui assurera la création et le suivi de ses projets d'accessoires, l'article 7 dudit contrat stipulant que la société ECE devient seule propriétaire des droits portant sur le concept retenu par elle, ainsi que sur les travaux réalisés dans le cadre des prestations de conseils en création. Les appelantes opposent en vain l'ancienneté de sa signature en 2005, l'article 9 dudit contrat stipulant qu'il 'sera renouvelé par tacite reconduction d'année en année sauf avis contraire exprimé par l'une ou l'autre des parties', de sorte qu'en l'absence de preuves contraires, il est établi que le contrat était toujours en cours en 2009, au moment de la création du kit mains-libres litigieux.

Il ressort en outre de l'attestation de M. Bertrand M., à laquelle ne peut être retirée toute force probante du fait qu'elle n'est pas manuscrite et que la photocopie d'un document officiel de son auteur n'y est pas annexée, la cour constatant que sa signature est identique à celle portée sur le contrat susvisé, que son auteur certifie, sur un papier à entête de l'agence ID'S dont il est le gérant, 'qu'en vertu du contrat du 2 mars 2005, notre agence vous a cédé l'ensemble des droits de propriété intellectuelle portant sur le kit mains libres Supertooth Slim/ Supertooth Buddy dont les dessins vous ont été présentés en juin et octobre 2009", attestation à laquelle est jointe la copie datée et signée desdits dessins, et notamment ceux du 27 octobre 2009 correspondant en tous points au kit mains-libres litigieux.

Sont enfin versés à la procédure les échanges d'avril à octobre 2009, entre l'agence ID'S et la société ECE relativement au kit mains-libres 'Supertooth Slim', étant observé que la société ECE justifie de sa propriété sur la marque française Supertooth, lesdits échanges comprenant notamment la présentation en mai 2009 de trois propositions de dessins en 3D, la proposition n°2 ayant été retenue par la société ECE, ainsi que le choix du changement de nom au profit de Supertooth Buddy.

Force est de constater que l'ensemble de ces éléments établit sans équivoque que la société ECE est cessionnaire des droits d'auteur afférents au kit mains-libres litigieux Supertooth Buddy, de sorte qu'elle est recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur, et que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la protection au titre du droit d'auteur

La société ECE reproche au tribunal de n'avoir pas jugé le kit mains-libres Supertooth éligible à la protection au titre du droit d'auteur. Elle soutient qu'elle décrit précisément les caractéristiques esthétiques du produit, que la combinaison particulière de ces éléments confère à l'ensemble sa physionomie singulière, et ajoute que le design innovant de ce produit a d'ailleurs été reconnu par le public.

La société Altadif soutient que la société ECE ne fait que décrire purement et simplement le produit sans démontrer une originalité et des choix propres.

La société Vente Privée.Com prétend que la société ECE n'a procédé qu'à une 'customisation' d'un modèle préexistant, et que les logos utilisés pour les touches qui sont de forme banale et usuelle dans le commerce ne reflètent pas la personnalité de leur auteur.

L'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité du seul fait qu'elle constitue une création originale.

Néanmoins lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité de l'oeuvre doit être explicitée par celui qui se prévaut d'un droit d'auteur.

La société ECE revendique la combinaison des éléments suivants qui selon elle traduit les partis pris esthétique de son auteur :

- une structure noire de forme oblongue composée d'une partie centrale d'aspect brillant et d'une large partie périphérique d'aspect mat,

- une partie centrale, de forme oblongue et de couleur « noir brillant », qui comprend, à gauche, un bouton creux à large bord dont la partie centrale est verte et les bords de couleur noire,

- un bouton vert partiellement enveloppé par le côté gauche arrondi de la partie centrale qui comprend également, au centre et à droite, les termes Supertooth et Buddy, écrits en caractères blancs,

- une partie périphérique qui enveloppe la partie centrale en reprenant sa forme oblongue, les deux parties étant délimitées par une large rainure,

- une partie périphérique qui comprend, à son extrémité gauche, une petite rainure située dans l'axe longitudinal et, en partie haute et en partie basse, quatre boutons rectangulaires disposés deux par deux, de manière symétrique les uns par rapport aux autres, de part et d'autre de la partie centrale,

- quatre boutons, qui comportent respectivement un dessin de haut parleur ajouré orienté à gauche précédé du signe « - », un dessin de haut parleur plein orienté à droite suivi du signe « + », un point rouge et un cercle blanc comprenant en son centre un trait blanc vertical, sont fondus dans l'épaisseur de la partie périphérique. Les rainures qui délimitent chaque bouton ne se prolongent pas jusqu'à la rainure de la partie centrale,

- une partie centrale plate et une partie périphérique très légèrement biseautée.

La cour observe que si le choix d'une forme oblongue est usuel en matière d'accessoires de téléphonie, et que les pictogrammes reproduits sur les boutons à savoir un haut parleur avec un signe + ou - pour commander le volume du son, un rond rouge pour l'arrêt et un cercle blanc avec un trait au milieu pour la mise en marche, font partie du fonds commun des appareils diffusant du son, en revanche, la combinaison telle que revendiquée, d'une forme oblongue comprenant une partie centrale plate, d'aspect brillant, contrastant avec une partie périphérique, légèrement biseautée, d'aspect mat, sur laquelle sont fondus quatre boutons rectangulaires, délimités par des rainures, placés de manière symétrique de part et d'autre de la partie centrale, les parties centrale et périphérique étant délimitées par une large rainure, confère à ce kit mains-libres une forme particulière de galet oblongue épurée, avec un effet de délimitation et de symétrie, qui ne s'imposait pas, qui le distingue des autres produits du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

La société ECE justifie en conséquence de l'originalité du kit mains-libres litigieux, lequel bénéficie en conséquence de la protection prévue par le droit d'auteur. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon de modèle

La société Vente Privée.Com soutient que les kits mains-libres Supertooth Buddy et Akashi ne sont pas identiques du fait de l'absence de reprise de l'élément verbal sur le second produit.

La cour rappelle que l'article 10 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires, intitulé 'Etendue de la protection' énonce que : '1.La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle', et que l'article 19§1 du même règlement dispose que 'le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins'.

En outre, conformément aux articles L. 515-1 et L. 522-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

En l'espèce, le kit mains-libres Akashi portant la référence Altcarbthblk commercialisé par les sociétés Altadif et Vente Privée.Com reproduit à l'identique l'ensemble des éléments constitutifs du modèle revendiqué à l'exception de la marque 'supertooth buddy' qui y est apposée, et qui est remplacée par les signes 'Akashi Bluetooth'. La reprise à l'identique de l'ensemble des caractéristiques de forme, d'agencement, de matière et de couleur du modèle revendiqué confère au kit mains-libres incriminé la même impression visuelle globale pour l'utilisateur averti. Les faits de contrefaçon de modèle sont dès lors caractérisés. Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon de droit d'auteur

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

Le kit mains-libres Akashi incriminé reproduit à l'identique l'ensemble des éléments caractéristiques du produit Supertooth Buddy de la société ECE, protégé au titre du droit d'auteur. Les faits de contrefaçon de droit d'auteur commis par les sociétés Altadif et Ventes Privée.Com au préjudice de la société ECE sont dès lors caractérisés.

Sur la réparation du préjudice

La société Altadif critique la marge théorique unitaire de 17,80 euros ainsi que le taux de report de 88% appliqués par le tribunal, et demande à la cour d'appliquer une marge de 5 euros et un taux de report de 25%, de sorte que le gain manqué n'excède pas 6 375 euros. Elle demande à la cour de revoir à la baisse le montant des dommages-intérêts pour atteinte à l'image et aux investissements de la société ECE, et soutient qu'il doit être tenu compte de la quantité limitée de kits mains-libres vendus (moins de 4 500), de la durée limitée de la vente (24h), de la diffusion restreinte de l'offre à la vente de ces produits (uniquement sur le site internet de Vente Privée.Com) et de l'absence totale de communication à cet égard.

La cour constate qu'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon que la société Altadif a importé, suivant facture du 23 novembre 2015, 5 100 kits mains-libres Altcarbthblk, acquis auprès d'une société chinoise au prix unitaire de 8,90$ pour un montant total de 45 390 $. Suivant facture du 21 décembre 2015, elle en a vendu 4 500 exemplaires à la société Vente Privée.Com pour un montant total de 68 580 euros HT correspondant à un prix unitaire de 15,24 euros, la société Vente Privée.Com les revendant sur son site à un prix de 29,45 euros. 322 kits mains-libres Altcarbthblk ont été vendus à 27 autres clients à un prix unitaire se situant entre 15,24 euros et 19,95 euros, 271 kits mains-libres Altcarbthblk étant restés en stock.

Ces éléments établissent, comme l'a retenu à juste titre le tribunal, que les ventes de kit mains-libres contrefaisants ont généré pour la société Altadis un chiffre d'affaires d'environ 75 000 euros et un bénéfice de l'ordre de 35 000 euros, et pour la société Vente Privée.Com un chiffre d'affaires et un bénéfice qui peuvent respectivement être évalués à 130 500 euros et 62 000 euros, les sociétés Altadis et Vente Privée.Com ne contestant pas ces chiffres relatifs à l'appréciation du bénéfice des contrefacteurs.

S'agissant des gains manqués, après pondération d'un taux de report de 85% de la masse contrefaisante du fait du succès commercial du modèle contrefait qui a généré en Europe près de 24 millions d'euros de chiffre d'affaires pour les années 2010 à 2015, et prise en compte d'une marge unitaire de 17,80 euros, dont le montant est certifié par le commissaire aux comptes de la société ECE dans son attestation du 4 avril 2016, ils ont justement été évalués par le tribunal à la somme de 80 000 euros.

Enfin le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a justement retenu qu'en commercialisant à moindre prix des copies du produit de la société ECE, les sociétés Altadif et Ventes Privée.Com ont dévalorisé le kit mains-libres Supertooth Buddy et ont profité des investissements faits pour sa commercialisation, l'atteinte à l'image et aux investissements ainsi causée, ayant été justement évaluée par le tribunal à la somme de 10 000 euros.

Au vu de ces éléments que la cour a pris en considération distinctement, la cour estime que l'allocation d'une somme de 90 000 euros, à laquelle les sociétés intimées doivent être condamnées in solidum, réparera pleinement le dommage ainsi subi par la société ECE au titre de l'ensemble des actes de contrefaçon retenus en cause d'appel. Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef ainsi qu'en la mesure d'interdiction prononcée, qui s'avère pertinente et justifiée en l'espèce sans qu'il y ait lieu d'y ajouter un rappel des produits.

L'entier dommage étant ainsi suffisamment réparé, il ne sera pas fait droit à la demande de publication. Le jugement entrepris sera donc confirmé également sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré la société Euro Communication Equipements irrecevable à agir en contrefaçon du droit d'auteur,

Statuant à nouveau du chef ainsi infirmé et y ajoutant,

Déclare la société Euro Communication Equipements recevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur,

Dit que le kit mains-libres 'Supertooth Buddy' de la société Euro Communication Equipements bénéficie de la protection au titre du droit d'auteur,

Dit que les sociétés Altadif International et Vente Privée.Com ont commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur au préjudice de la société Euro Communication Equipements,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne in solidum les sociétés Altadif International et Vente Privée.Com aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et vu l'article 700 du code de procédure civile les condamne, in solidum, à verser à la société Euro Communication Equipements à ce titre, pour les frais irrépétibles d'appel, une somme complémentaire globale de 5 000 euros.