Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 26 novembre 2019, n° 18/02399

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Rodet (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

Paris, 2e ch. pôle 5, du 10 juin 2016

10 juin 2016

La société RODET LOISIRS qui fabriquait du mobilier et M. François M., designer industriel, ont conclu, le 29 juin 1995, un contrat de collaboration qui a fait l'objet d'un avenant le 10 janvier 1997 et qui prévoyait le versement à M. M. d'honoraires forfaitaires pour ses journée de collaboration au sein de la société et de droits d'auteur calculés sur le chiffre d'affaires généré par les ventes des créations du designer. Ce contrat prévu pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, a ainsi été renouvelé pendant plusieurs années.

Par lettre du 8 janvier 2002, la société RODET LOISIRS a notifié à M. M. sa décision de mettre un terme à la relation contractuelle à la fin du mois de juin 2002.

La société RODET, créée en juin 2002 pour reprendre l'activité de la société RODET LOISIRS à la suite de la liquidation judiciaire de cette dernière, a poursuivi l'exploitation des modèles créés par M. M. tout en lui versant des redevances.

Par lettre du 8 décembre 2003, M. M., estimant que les redevances versées étaient insuffisantes et non conformes à celles prévues au contrat du 29 juin 1995, a signifié à la société RODET la suspension de l'autorisation de reproduction de ses modèles. Néanmoins, la société RODET a continué, au cours de l'année 2004, à exploiter les modèles de M. M. et à lui verser des redevances.

Par acte du 4 février 2005, M. M. a assigné la société RODET devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement d'honoraires et en réparation d'actes de contrefaçon de ses modèles du fait de la continuation de l'exploitation de ces modèles sans son autorisation.

Par jugement du 11 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Lyon a :

• dit que le modèle n° 412 865 était nul,

• débouté M. M. de l'ensemble de ses prétentions,

• débouté la société RODET de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,

• condamné M. M. aux dépens et au paiement à la société RODET de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 1er juillet 2010, la cour d'appel de Lyon a :

• déclaré recevables mais non fondées les demandes de M. M. concernant les actes de contrefaçon du modèle n° 963 976 et le paiement de factures émises en 2003,

• déclaré recevables les demandes de la société RODET tendant à la nullité des modèles n° 977 092 déposés le 4 décembre 1997 et n° 578 152 déposé le 28 avril 2000,

• confirmé le jugement en ce qu'il a dit nul le modèle n° 412 865 déposé par M. M. le 1er septembre 1995,

• dit nuls le modèle de piétement n° 578 152 en sa représentation 2 et le modèle n° 977 092 en sa représentation 3,

• débouté la société RODET de sa demande de nullité du modèle n° 977 092 en sa représentation 1,

• confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. M. sauf en ce qui concerne la contrefaçon du modèle de chaise n° 977 092 en sa représentation 1,

• statuant à nouveau sur ce point, dit que la société RODET a commis un acte de contrefaçon en commercialisant la chaise ALPEN DECO au cours de l'année 2005,

• condamné la société RODET à payer à M. M. la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi,

• confirmé le jugement sur le rejet de la demande reconventionnelle de la société RODET,

• dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés tant en première instance qu'en appel et dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties.

Sur le pourvoi formé par M. M., la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 novembre 2011 rectifié d'une erreur matérielle par un arrêt 20 mars 2013, a :

• cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon mais seulement en ce qu'il a débouté M. M. de ses demandes au titre de la contrefaçon et de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur,

• condamné la société RODET aux dépens et au paiement à M. M. de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 10 juin 2016, la cour d'appel de Paris désignée comme cour de renvoi (par l'arrêt rectificatif) a :

• constaté que l'arrêt rendu le 1er juillet 2010 par la cour d'appel de Lyon a confirmé le jugement rendu le 11 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Lyon'sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du modèle n° 412 865 déposé par monsieur M. le 1er septembre 1995, a dit que la société Rodet a commis des actes de contrefaçon en commercialisant la chaise référencée « Alpen Deco » au cours de l'année 2005 et a rejeté le surplus des demandes au titre de la contrefaçon, sans que ces dispositions soient soumises à la censure de la Cour de cassation',

• rejeté la demande de M. M. tendant à obtenir la mise à l'écart de plusieurs pièces adverses (n° 4 à 6, 8, 9, 13, 20 à 23),

• déclaré irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de M. M. tendant à obtenir la condamnation de la société RODET au paiement de factures impayées de 2003 et à voir juger de la contrefaçon du modèle n° 963 976, déposé le 8 juillet 1996 consistant en un combiné armoire-bibliothèque,

• dit que le modèle de piètement n° 997 972 (figures 2 et 3) enregistré par M. M. le 29 décembre 1999 incorporant 'l'embout à vérin' lui-même enregistré à titre de dessins et modèles sous le n°976 276 (figure 22) le 29 octobre 1997 ne satisfait pas aux conditions requises par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle et, par ailleurs, que cette oeuvre ne donne pas prise au droit d'auteur,

• débouté en conséquence M. M. de son action en contrefaçon de ce chef,

• débouté M. M. de sa demande au titre de l'atteinte à son droit moral d'auteur,

• rejeté le surplus des prétentions de M. M.,

• débouté la société RODET de sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure,

• condamné M. M. aux dépens et au versement à la société RODET d'une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le pourvoi formé par M. M., la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 novembre 2017, a :

• cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris 'mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par M. M. en réparation des actes de contrefaçon de ses modèles et en réparation de la violation des dispositions relatives à la mention de son nom, à l'exception des demandes formées pour le modèle n° 99 79 72 sur ces mêmes fondements, et en ce qu'il déclare irrecevables en cause d'appel ses demandes en paiement de factures de 2003 et en réparation de la contrefaçon du modèle n° 96 3976",

• condamné la société RODET aux dépens et au paiement à M. M. de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 janvier 2018, M. M. a saisi cette cour désignée comme cour de renvoi.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3 transmises le 3 mai 2019, M. M. demande à la cour :

• de lui donner acte du dépôt de sa plainte pénale en date du 4 janvier 2019 concernant des faits de violation du secret des correspondances et d'usurpation d'identité,

• de juger qu'il ressort d'une bonne administration de la justice de faire toute lumière sur les intrusions dont il a été victime sur sa boîte de messagerie e-mail,

• de surseoir à statuer sur l'intégralité des demandes formulées par les parties dans l'attente de l'issue de la procédure pénale actuellement en cours,

en tout état de cause :

• d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Lyon,

statuant à nouveau,

• de juger que ses demandes ne se heurtent à aucune autorité de la chose jugée,

• de rejeter l'ensemble des demandes en nullité de ses modèles présentées par la société RODET,

• de juger irrecevables les pièces communiquées par la société RODET sous les numéros 4, 5, 6, 8, 9, 13, 20, 21, 22 et 23,

• de juger que la société RODET a commis des actes de contrefaçon de ses modèles déposés ou non auprès de l'INPI :

• à compter du mois de juin 2002 pour les produits où aucune redevance n'a été versée,

• à compter du 8 décembre 2003 pour tous les autres,

• de juger que le non paiement des montants forfaitaires correspondant à ses journées de présence au sein de la société RODET lui a causé un préjudice de perte de chiffre d'affaire 'et de bénéfice indûment perçu par l'adversaire', d'un montant de 517 349,47 euros TTC,

• de condamner la société RODET à lui payer :

• des dommages et intérêts, à fixer après expertise pour le préjudice causé, et dès à présent, par provision, la somme de 100 000 euros,

• la somme de 15 129,31 € au titre des factures impayées de 2003 soumises à 2% par mois de retard, capitalisables depuis leur émission,

• les intérêts de retard, au taux de 2% capitalisable par mois de retard, sur toutes les sommes restant dues depuis juin 2002 et à compter de leur date d'exigibilité,

• d'ordonner la nomination d'un expert chargé d'obtenir toutes les informations financières et comptables, et notamment les relevés des ventes afférents aux modèles contrefaisants de la société RODET afin de déterminer l'ampleur réelle des actes de contrefaçon perpétrés depuis juin 2002,

• de dire :

• que l'expert aura pour mission de déterminer le juste taux de redevance que devra lui payer la société RODET en contrepartie de l'utilisation de ses modèles,

• que le rapport de l'expert devra être déposé dans les 3 mois suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir,

• que les frais des opérations d'expertises seront à la charge exclusive de la société RODET selon les conditions contractuelles applicables entre les parties,

• de dire que la société RODET a porté atteinte aux chances de développement de l'activité de M. M. en le privant de la possibilité de présenter ses modèles à d'autres entreprises du même secteur et de condamner de ce chef la société RODET à lui verser la somme de 91 893 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser la perte de chance de développement,

• de dire que la société RODETa contribué à la vulgarisation de ses modèles en reproduisant et en offrant à la vente sans son autorisation les produits contrefaisants et de la condamner de ce chef à lui verser la somme de 100 000 euros par année et depuis 2002 à titre de dommages et intérêts pour compenser la perte de chance de développement de ses modèles,

• de dire que la société RODET lui a causé un préjudice en ne le mentionnant pas comme l'auteur des modèles proposés à la vente dans ses brochures commerciales et catalogues et de la condamner de ce chef à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice moral,

• de faire défense à la société RODET de récidiver, sous astreinte, la production, fabrication et offre à la vente de tout objet reproduisant les enseignements d'un dessin et modèle lui appartenant, sous astreinte de 2 000 euros par article, et ce dès la signification de l'arrêt à intervenir,

• de juger que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon commis jusqu'à la date de dépôt du rapport de l'expert,

• d'ordonner la confiscation et la remise à M. M. de tous les objets contrefaisant, ainsi que de toutes les photos, catalogue, plans informatiques, nomenclature et outillages ayant servi à la contrefaçon et se trouvant en possession de la société RODET, de ses sous-traitant ou de toute tierce partie,

• de faire obligation à la société RODET de fournir le listing complet des coordonnées de toute tierce partie ayant acquis les objets jugés contrefaisants,

• d'autoriser M. M. à faire publier, par extrait, le 'jugement' à intervenir dans les journaux ou périodiques de son choix aux frais de la société RODET, à concurrence de 5000 euros H.T. par publication,

• d'ordonner la publication sur le site Internet de la société RODET www.rodet.net, texte noir sur fond blanc, caractères de 14 points, pour une durée équivalente à celle de la durée des actes de contrefaçon, la décision à intervenir entre les parties,

• d'ordonner l'affichage de la décision à intervenir dans les locaux de la société RODET,

• d'ordonner qu'une copie de la décision à intervenir soit adressée, aux frais de la société RODET et sous contrôle d'huissier, à l'ensemble des destinataires des catalogues de la société RODET,

• de rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles de la société RODET,

• de condamner la société RODET à lui payer la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

• de juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées à leur encontre par la décision à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie extra judiciaire ou judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions du décret du 26 février 2016 et de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice seront supportées par la société RODET.

Dans ses dernières conclusions numérotées 5 transmises le 6 mai 2019, la société RODET demande à la cour :

• de débouter M. M. de sa demande de sursis à statuer,

• de constater que la cour n'est saisie que des dispositions concernant les factures de 2003 et les actes de contrefaçon du modèle 963 976,

• de constater que les modèles 997 972 et 977 092 ne sont plus en cause devant la cour et débouter M. M. de toutes ses prétentions de ces chefs,

• de rejeter les demandes concernant les factures de 2003 et les actes de contrefaçon du modèle n°963 976 comme étant nouvelles en cause d'appel,

• en tout cas, de rejeter ces demandes concernant ces factures de 2003 et la prétendue contrefaçon du modèle 963 976, comme étant déjà jugées mal fondées et injustifiées et bénéficiant de l'autorité de la chose jugée,

• subsidiairement, de constater que la nullité prononcée du modèle 977 092 (représentation 2 et 3) déposés le 4 décembre 1997 et du modèle 578 152 déposé le 28 avril 2000 ainsi que du modèle 412 865 déposé le 1er septembre 1995 est définitive et de rejeter les demandes de M. M. de ce chef comme étant irrecevables,

• encore plus subsidiairement, de juger nul le modèle 977 092 (représentation 1) déposé le 4 décembre 1997 et de rejeter les demandes de M. M. de ce chef comme étant irrecevables,

• en tout cas, de dire 'qu'il a été définitivement jugé non contrefait ce modèle 977 092, sauf sa représentation 1 définitivement jugée également',

• en toute hypothèse, de juger les demandes de M. M. au titre de la contrefaçon et de l'atteinte à son droit moral irrecevables et mal fondées, ainsi que pour la prétendue absence de mention de son nom,

• en conséquence, de débouter M. M. de l'ensemble de ses demandes,

• faisant droit à sa demande reconventionnelle, de condamner M. M. à lui payer la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi depuis 2005,

• de condamner M. M. à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2019.

A l'audience, le conseil de M. M. a indiqué que la plainte contre X déposée auprès du procureur de la République de Lyon pour des faits de violation du secret des correspondances et d'usurpation d'identité, qu'il invoquait au soutien de sa demande de sursis à statuer, a fait l'objet d'un classement sans suite, ce dont il a été informé au début du mois de septembre 2019. Il a expressément indiqué qu'il renonçait, par conséquent, à sa demande de sursis à statuer, ce qui a été noté au plumitif d'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les questions définitivement jugées à la suite des deux arrêts de cassation partielle, l'étendue de la saisine de cette cour de renvoi et la recevabilité de certaines demandes

A la suite des deux arrêts de cassation partielle rendus par la Cour de cassation, sont définitivement jugés les points suivants :

• la nullité du modèle 412 865 (chaise) (disposition du jugement confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon qui n'est pas atteint sur ce point par la première cassation partielle),

• la nullité du modèle 578 152 (représentation 2) (disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon non atteinte par la première cassation partielle),

• la nullité du modèle 977 092 (représentation 3) (disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon non atteinte par la première cassation partielle),

• le rejet des demandes de M. M. relatives au modèle 977 972 à la fois sur le terrain des dessins et modèles et du droit d'auteur (disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris non atteinte par la seconde cassation partielle ; le second arrêt de la Cour de cassation excepte expressément les demandes formées pour le modèle 977 972 du champ de la cassation partielle),

• la validité et la contrefaçon par le modèle ALPEN du modèle 977 092 (représentation 1 - chaise bistro) et la condamnation de la société RODET à payer la somme de 5 000 € à M. M. en réparation de son préjudice né de la contrefaçon (disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon non atteinte par la première cassation partielle),

• la recevabilité de la demande en contrefaçon du modèle 963 976 (disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon non atteinte par la première cassation partielle ; l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a dit la demande irrecevable est cassé de ce chef),

• -le rejet de la demande de M. M. relative au paiement de journées de travail non effectuées au sein de la société RODET, sur la base de la rémunération forfaitaire prévue au contrat de collaboration conclu le 29 juin 1995 avec la société RODET LOISIRS (disposition du jugement confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon qui n'est pas atteint sur ce point par la première cassation partielle),

• la recevabilité de la demande de M. M. en paiement des factures de 2003 (disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon non atteinte par la première cassation partielle ; l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a dit la demande irrecevable est cassé de ce chef),

• le rejet de la demande reconventionnelle de la société RODET pour rupture brutale et abusive de la relation contractuelle par M. M. (disposition du jugement confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon qui n'est pas atteint sur ce point par la première cassation partielle),

• le rejet de la demande de M. M. tendant au rejet des pièces 4 à 6, 8, 9, 13, 20 à 23 de la société RODET.

Cette cour de renvoi se trouve saisie des questions suivantes :

• les demandes de M. M. en contrefaçon de ses modèles (exceptés le modèle 997 972 pour lequel les demandes ont été définitivement rejetées et les modèles 412 865, 578 152 (représentation 2) et 977 092 (représentation 3) définitivement annulés, mais y compris le modèle 963 976),

• les demandes de M. M. au titre de la violation de 'dispositions relatives à la mention de son nom' (exceptés le modèle 997 972 pour lequel les demandes ont été définitivement rejetées et les modèles 412 865, 578 152 (représentation 2) et 977 092 (représentation 3) définitivement annulés, mais y compris le modèle 963 976),

• les demande de M. M. en paiement des factures de 2003,

• la demande de la société RODET pour procédure abusive.

Apparaissent par conséquent irrecevables les demandes suivantes de M. M. comme se heurtant à l'autorité de la chose définitivement jugée :

• la demande tendant à l'irrecevabilité des pièces 4 à 6, 8, 9, 13, 20 à 23 produites par la société RODET (demande identique déjà rejetée définitivement par la cour d'appel de Paris),

• la demande en contrefaçon du modèle de chaise 412 865,

• la demande en contrefaçon du modèle 997 972, et ce dans toutes ses représentations - compte tenu de la généralité des termes précités du dispositif de l'arrêt de cassation partielle du 8 novembre 2017 (' ...à l'exception des demandes formées pour le modèle n° 99 79 72 sur ces mêmes fondements...') - , ce qui inclut les demandes présentées en appel concernant les modèles 578 139, 578 140, 578 141 et 578 142 (correspondant aux représentations 11 à 14 du modèle déposé sous le n° 997 972), 578 862 (correspondant à la représentation 16 du même modèle), 578 861 (correspondant à la représentation 15 du même modèle), 578 126 (correspondant à la représentation 8 du même modèle), 578 859 et 578 860 (correspondant aux représentations 9 et 10 du même modèle), 578 123 (correspondant à la représentation 5 du même modèle), 578 151 (correspondant à la représentation 1 du même modèle), 578 134 (position fermée) et 578 135 (position ouverte) (correspondant aux représentations 17 et 18 du même modèle)

• la demande en contrefaçon modèle 977 092 (représentation 1) (contrefaçon déjà reconnue et sanctionnée définitivement par la cour d'appel de Lyon)

• la demande en contrefaçon modèle 977 092 (représentation 3) (modèle définitivement annulé par la cour d'appel de Lyon),

• la demande de M. M. en paiement d'honoraires forfaitaires, à hauteur de 517 349,72 € TTC, pour les journées de travail qu'il n'a pu effectuer au sein de la société RODET.

Est également irrecevable la demande indemnitaire de la société RODET motivée par la notification brutale par M. M. (lettre du 8 décembre 2003) de la suspension d'autorisation de reproduction de ses modèles.

Les demandes des parties contraires à ces motifs seront rejetées.

Sur les demandes de M. M. en contrefaçon de modèles

Compte tenu des développements qui précèdent sur la portée des arrêts de cassation partielle et le caractère irrecevable de certaines demandes de M. M., la cour n'a à examiner si les contrefaçons alléguées par M. M. sont réalisées qu'au titre des modèles suivants :

• 977 092 (représentation n° 7) : modèle de coque de chaise qui serait contrefait par la coque de chaise de la gamme OPERA,

• 977 092 (représentation n° 8) : modèle de table rectangulaire qui serait contrefait par une table SEXTANT,

• 977 092 (représentation n° 9) : modèle de table ronde qui serait contrefait par une table SEXTANT,

• 977 092 (représentation n° 10) : modèle de table qui serait contrefait par une table MOSQUITO,

• 977 092 (représentation n° 13) : modèle de chaise bridge qui serait contrefait par une chaise bridge de la gamme OPERA,

• 976 276 (représentation n° 18) : modèle de tabouret qui serait contrefait par un tabouret de la gamme OPERA,

• 963 976 (représentations n° 3 (position ouverte), 4 et 5 (position fermée)) : modèle de bibliothèque-étagère qui serait contrefait par des meubles de la gamme ALBA.

Aux demandes en contrefaçon de ces modèles, la société RODET oppose que la nouvelle société RODET a poursuivi la relation commerciale avec M. M. en lui versant régulièrement les redevances dues en contrepartie de la commercialisation des modèles, un accord tacite s'établissant entre les parties sur la base d'un taux de redevance de 1,2 % ou 2 % des ventes des modèles, que dans sa lettre du 8 décembre 2003 intitulée 'Suspension immédiate d'autorisation de reproduction de modèles', M. M. reconnaît l'avoir autorisée à continuer la commercialisation des modèles et qu'eu égard aux termes du contrat de collaboration de1995, elle avait le droit d'exploiter les modèles au moins pendant les 5 années suivant leur date de lancement.

Mais si les demandes en contrefaçon sont irrecevables, comme l'ont jugé le tribunal de grande instance de Lyon et la cour d'appel de Lyon par des décisions non remises en cause sur ce point, pour la période antérieure au 8 décembre 2003 - date du courrier adressé à la (nouvelle) société RODET par M. M. pour lui signifier la suspension de son autorisation de reproduction de ses modèles et lui indiquer que'toute fabrication, vente ou simple proposition à la vente pourrait alors être considérée comme contrefaçon' -, il n'en est pas de même pour la période postérieure, le contrat de collaboration conclu en 1995 entre M. M. et la société RODET LOISIRS n'ayant pu produire d'effet à l'égard de la société RODET, ainsi qu'en a jugé la Cour de cassation dans le premier arrêt de cassation partielle, au visa de l'article 1165 ancien du code civil ('Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes...').

L'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'Sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle'. L'article L. 513-5 du même code prévoit que 'La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente'.

Sur les actes de contrefaçon

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 977 092 (représentation n° 7)

Il s'agit d'un modèle de coque de chaise qui serait contrefait, selon M. M., par la coque de chaise de la gamme OPERA commercialisée par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 4 décembre 1997 (sa pièce 100). Il expose que cette coque de chaise présente en combinaison les caractéristiques suivantes : volonté du designer de créer une image d'un siège ample, confortable, large et unique ; succession de lignes droites horizontales (rainures) ; vue de profil : courbe tendue dans les pieds arrières, qui sont de section rectangulaire, alors qu'ils sont carrés à l'avant ; présence d'une courbe en partie haute et avant de l'assise ; longueur du dossier supérieure à celle des pieds, afin de renforcer le côté théâtral de l'objet.

La société RODET ne conteste pas la validité du modèle dans cette représentation.

La chaise de la gamme OPERA de la société RODET, qui présente un dossier avec une succession de rainures horizontales, des pieds arrière courbes de section rectangulaire alors qu'ils ont carrés à l'avant, une courbe à l'avant et à l'arrière de l'assise, un dossier plus haut que les pieds, reprend les caractéristiques essentielles du modèle déposé et ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle générée par le modèle de chaise revendiqué.

Cette chaise OPERA figure dans les catalogues RODET 'Restauration collective' et 'Cafés - Hôtels - Restaurants' de 2004 (pièces 7 et 9 M.), pour ne retenir que les catalogues présentant une date certaine (en l'occurrence, la date de 2004 figure au verso de la première page de ces deux catalogues), les mentions chiffrées figurant sur la dernière page de couverture d'autres catalogues (ex. 06/03, 11/05...) n'étant pas suffisamment probantes ainsi que le souligne l'intimée, nonobstant l'appréciation portée quant à ces mentions par Me F., huissier de justice mandaté par M. M. (pièce 75 de M. M.), qui ne lie pas la cour. La chaise OPERA était commercialisée par la société RODET le 5 janvier 2005 ainsi que le révèle le procès-verbal de constat d'huissier établi ce même jour par Me D. sur le site internet www.rodet.net de l'intimée (pièce 2 de M. M.). En revanche, la cour n'a pas retrouvé cette chaise OPERA dans le très volumineux constat d'huissier fourni par M. M. (procès-verbal de Me P. des 11 et 12 février 2016 - sa pièce 76), censé établir la continuation de la commercialisation litigieuse en 2016, étant souligné que l'appelant n'a pas cru devoir préciser les pages de ce constat auxquelles il convenait, le cas échéant, de se référer.

La contrefaçon alléguée est donc caractérisée.

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 977 092 (représentation n° 8)

Il s'agit d'un modèle de table rectangulaire qui serait contrefait, selon M. M., par une table de la gamme SEXTANT commercialisée par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 4 décembre 1997 (sa pièce 100). Il expose que cette table présente en combinaison les caractéristiques suivantes : table rectangulaire disposant d'un plateau en bois ; présence de lignes tendues et de courbes droites ; présence d'une courbe en fil fin, destinée à affiner les droites des pieds ; présence de pieds en tube rond ; présence, sur les côtés, d'une rondelle métallique enchâssée comme un bijou ; présence de traverses hautes soulignées par des points en rappel de celui de la rondelle.

La société RODET ne conteste pas la validité de ce modèle.

La table de la gamme SEXTANT de la société RODET présente un plateau rectangulaire, une courbe fine reliant les pieds de chaque côté de la table, des pieds en tube rond, une rondelle enchâssée de chaque côté du piètement. Cette table reprend les caractéristiques essentielles du modèle déposé et ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle générée par le modèle de table revendiqué.

Cette table SEXTANT figure dans le catalogue RODET 'Restauration collective' de 2004 (pièce 9 M.). Elle était commercialisée par la société RODET le 5 janvier 2005 ainsi que le révèle le procès-verbal de constat d'huissier établi ce même jour par Me D. sur le site internet www.rodet.net de l'intimée (pièce 2 M.). La cour n'a pas retrouvé cette table SEXTANT dans le procès-verbal de Me P. des 11 et 12 février 2016 (pièce 76).

La contrefaçon alléguée est caractérisée.

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 977 092 (représentation n° 9)

Il s'agit d'un modèle de table ronde qui serait contrefait, selon M. M., par une table de la gamme SEXTANT commercialisée par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 4 décembre 1997 (sa pièce 100). Il expose que cette table présente en combinaison les caractéristiques suivantes : table ronde disposant d'un plateau en bois ; présence de lignes tendues et de courbes droites ; présence de courbes en fil fin, destinées à rappeler la courbe des panneaux de la gamme Sextant et affiner les droites des pieds ; présence de pieds en tube rond ; présence d'une liaison 'invisible' en partie centrale haute.

La société RODET ne conteste pas la validité de ce modèle.

La table ronde de la gamme SEXTANT de la société RODET présente un plateau rond, quatre pieds en tube rond reliés à leur sommet et par un fil métallique fin en leur milieu, les mêmes patins en bout des pieds que le modèle revendiqué. Cette table reprend les caractéristiques essentielles du modèle déposé et ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle générée par le modèle de table revendiqué.

Cette table ronde SEXTANT figure dans le catalogue RODET 'Restauration collective' de 2004 (pièce 9 M.). Elle était commercialisée par la société RODET le 5 janvier 2005 ainsi que le révèle le procès-verbal de constat d'huissier établi par Me D. ce même jour sur le site internet www.rodet.net de l'intimée (pièce 2 M.). La cour n'a pas retrouvé cette table SEXTANT dans le procès-verbal de Me P. des 11 et 12 février 2016 (pièce 76).

La contrefaçon alléguée est caractérisée.

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 977 092 (représentation n° 10)

Il s'agit d'un modèle de table rectangulaire qui serait contrefait, selon M. M., par une table MOSQUITO commercialisée par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 4 décembre 1997 (sa pièce 100). Il expose que cette table présente en combinaison les caractéristiques suivantes : table rectangulaire disposant d'un plateau en bois ; présence de lignes tendues et de courbes droites ; présence de pieds en tube rond ; inclinaison des éléments supérieurs afin d'équilibrer la finesse de la ligne générale de la table ; jonction deux à deux des pieds de la table en un arc de cercle tendu ; présence d'une traverse haute sous le plateau ; utilisation de l'embout déposé par M. François M. le 29 décembre 1999, sous le n° de dépôt 99 7972 (représentation n° 22), incluant un système de vérin.

La société RODET ne conteste pas la validité de ce modèle.

La table MOSQUITO de la société RODET présente un plateau rectangulaire, une alternance de courbes et de lignes droites, des pieds en tube ronds, se resserrant vers le bas, des traverses hautes sous le plateau, deux arcs de cercle de chaque côté sur lesquels viennent se rattacher les pieds de la table, de mêmes embouts que ceux du modèle revendiqué. Cette table reprend les caractéristiques essentielles du modèle déposé et ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle générée par le modèle de table revendiqué.

Cette table MOSQUITO était commercialisée par la société RODET le 5 janvier 2005 ainsi que le révèle le procès-verbal de constat d'huissier établi par Me D. ce même jour sur le site internet www.rodet.net de l'intimée (pièce 2 M.). La cour n'a pas retrouvé cette table MOSQUITO dans le procès-verbal de Me P. des 11 et 12 février 2016 (pièce 76).

La contrefaçon alléguée est caractérisée.

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 977 092 (représentation n° 13)

Il s'agit d'un modèle de chaise bridge qui serait contrefait, selon M. M., par une chaise bridge de la gamme OPERA commercialisée par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 4 décembre 1997 (sa pièce 3). Il expose que cette chaise bridge présente en combinaison les caractéristiques suivantes : succession de lignes droites horizontales (rainures) : vue de profil : courbe tendue dans les pieds arrières, qui sont de section rectangulaire, alors qu'ils sont carrés à l'avant ; le dossier est en forme de queue de pie, c'est à dire qu'il se prolonge au delà de l'assise ; présence d'une courbe en partie haute et avant de l'assise ; la longueur du dossier dépasse celle des pieds, afin de renforcer le côté théâtral de l'objet ; accoudoir dessiné d'un seul jet et qui s'inscrit naturellement dans l'ensemble en reliant les 2 courbes tendues des assises et du dossier ; les fils reliant la repose pied sont en courbe tendue.

La société RODET ne conteste pas la validité de ce modèle.

La chaise bridge de la gamme OPERA de la société RODET, reproduite, sans susciter de critiques, en page 93 des conclusions de l'appelant, présente un dossier avec une succession de rainures horizontales, des pieds arrière courbes de section rectangulaire alors qu'ils ont carrés à l'avant, une courbe à l'avant et à l'arrière de l'assise, un dossier plus haut que les pieds, des accoudoirs d'une seule pièce arrondis vers l'avant. Cette chaise bridge reprend les caractéristiques essentielles du modèle déposé et ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle générée par le modèle de chaise bridge revendiqué.

Cette chaise bridge figure dans les catalogues RODET 'Restauration collective' et 'Cafés - Hôtels - Restaurants' de 2004 (pièces 7 et 9 M.). Elle était commercialisée par la société RODET le 5 janvier 2005 ainsi que le révèle le procès-verbal de constat d'huissier établi par Me D. ce même jour sur le site internet www.rodet.net de l'intimée (pièce 2 M.). La cour n'a pas retrouvé cette chaise bridge OPERA dans le procès-verbal de Me P. des 11 et 12 février 2016 (pièce 76).

La contrefaçon alléguée est caractérisée.

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 976 276 (représentation n° 18)

Il s'agit d'un modèle de tabouret de bar qui serait contrefait, selon M. M., par un tabouret de bar de la gamme OPERA commercialisé par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 20 octobre 1997 (sa pièce 101). Il expose que ce tabouret haut présente en combinaison les caractéristiques suivantes : succession de lignes droites horizontales (rainures) ; vue de profil : courbe tendue dans les pieds arrières, qui sont de section rectangulaire, alors qu'ils sont carrés à l'avant ; le dossier est en forme de queue de pie, c'est à dire qu'il se prolonge au delà de l'assise ; présence d'une courbe en partie haute et avant de l'assise ; la longueur du dossier dépasse celle des pieds, afin de renforcer le côté théâtral de l'objet ; des fils reliant les reposes pieds sont en courbe tendue.

La société RODET ne conteste pas la validité de ce modèle.

Le tabouret haut de la gamme OPERA de la société RODET présente un dossier avec trois rainures horizontales, des pieds arrière courbes de section rectangulaire alors qu'ils ont carrés à l'avant, une courbe à l'avant et à l'arrière de l'assise, un fil reliant les repose-pied en courbe comme sur le modèle revendiqué, un dossier dépassant en hauteur les pieds arrière du tabouret. Ce tabouret haut reprend les caractéristiques essentielles du modèle déposé et ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle générée par le modèle de tabouret haut revendiqué.

Ce tabouret de bar figure dans les catalogues RODET 'Restauration collective' et 'Cafés - Hôtels - Restaurants' de 2004 (pièces 7 et 9 M.). Il était commercialisé par la société RODET le 5 janvier 2005 ainsi que le révèle le procès-verbal de constat d'huissier établi par Me D. ce même jour sur le site internet www.rodet.net de l'intimée (pièce 2 M.). La cour n'a pas retrouvé ce tabouret de bar OPERA dans le procès-verbal de Me P. des 11 et 12 février 2016 (pièce 76).

La contrefaçon alléguée est caractérisée.

En ce qui concerne la contrefaçon du modèle 963 976 (combiné armoire-bibliothèque)

Contrairement à ce que soutient la société RODET, la demande en contrefaçon de M. M. au titre de ce modèle n'est pas nouvelle en appel et partant, irrecevable. Comme il a été dit, cette demande a en effet été déclarée recevable mais non fondée par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 1er juillet 2010 ; cet arrêt a été cassé (1ère cassation partielle) en ce qu'il a débouté M. M. de sa demande fondée sur ce modèle et l'arrêt de la cour d'appel de Paris a ensuite été cassé (seconde cassation partielle) en ce qu'il a dit la demande fondée sur ce modèle irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

Sur le fond, il s'agit d'un modèle d'armoire-bibliothèque qui serait contrefait, selon M. M., par des meubles de la gamme ALBA commercialisés par la société RODET.

M. M. produit le dépôt correspondant auprès de l'INPI en date du 8 juillet 1996 (sa pièce 31). Il explique que le modèle était destiné à être exploité pour meubler des chambres d'internats de lycées et des chambres d'étudiants.

Cependant M. M. ne décrit pas les caractéristiques du modèle d'armoire-bibliothèque, mais celles d'un 'lit superposé' de la gamme OLYMPIE qui ne figure sur aucune des représentations (3, 4 et 5) du modèle invoqué et versé aux débats et il fait état de la reproduction abusive d'une poignée d'armoire OLYMPIE qui ne se rapporte manifestement pas au modèle d'armoire-bibliothèque invoqué. Il fait par ailleurs grief à la société RODET de la commercialisation d'une armoire ALBA sur le site internet de l'UGAP et d'une autre sur le site internet de la CAMIF alors que la reproduction de ces deux armoires dans ses conclusions (pages 114 et 115) montre qu'elles sont très différentes du modèle d'armoire-bibliothèque revendiqué.

Sa demande ne pourra donc prospérer de ce chef.

Sur les réparations

Sur les demandes indemnitaires

Malgré le caractère confus de la présentation de ses demandes indemnitaires (page 137 et suivantes), il est possible de constater que M. M. sollicite réparation des faits de contrefaçon commis à son encontre comme suit :

• perte de chiffre d'affaires du fait de non versement des redevances correspondantes : une provision de 100 000 € et l'organisation d'une expertise,

• perte de chance de développement de son activité (le litige l'a empêché de proposer ses modèles à d'autres sociétés, la reproduction et l'offre à la vente par la société RODET de ses modèles rendant impossible toute négociation avec d'autres sociétés) : 91 893 €,

• vulgarisation des modèles ayant compromis leur bonne exploitation pour l'avenir : 100 000 €.

Il est rappelé que M. M. ne peut demander réparation d'actes de contrefaçon au titre de la période antérieure au 8 décembre 2003, date qui est celle du courrier qu'il a adressé à la (nouvelle) société RODET pour lui signifier la suspension de son autorisation de reproduction de ses modèles et lui indiquer que'toute fabrication, vente ou simple proposition à la vente pourrait alors être considérée comme contrefaçon', le jugement et l'arrêt de la cour d'appel de Lyon qui ont dit les demandes en contrefaçon irrecevables pour la période antérieure au 8 décembre 2003 n'ayant pas été remis en cause sur ce point par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris et les deux arrêts de cassation partielle intervenus.

Au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour est en mesure d'évaluer à 30 000 € (6 x 5 000 €) la somme globale devant réparer le préjudice subi par M. M. du fait des actes de contrefaçon des modèles précités.

La demande d'expertise, qui ne s'avère pas nécessaire à l'évaluation du préjudice, sera rejetée.

L'indemnité allouée portera intérêts au taux légal à compter de cet arrêt, M. M. ne pouvant prétendre voir appliquer à cette somme à caractère indemnitaire le taux de 2 % prévu au contrat de collaboration signé en 1995 avec la société RODET LOISIRS auquel, de surcroît, n'était pas partie la société RODET.

Il ne sera pas fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, la somme allouée correspondant à l'évaluation d'un préjudice fixé à la date de cet arrêt.

Sur les autres demandes

Eu égard à l'ancienneté des faits, la preuve de leur continuation au-delà de l'année 2005 n'étant pas rapportée, et le préjudice de M. M. étant suffisamment réparé par la somme allouée, il ne sera pas fait droit aux autres demandes formées à l'encontre de la société RODET (mesures d'interdiction, de confiscation, de communication des coordonnées de tiers ayant acquis les objets contrefaisants, de publication et d'affichage, de transmission de la décision aux destinataires des catalogues RODET).

Sur la demande de M. M. au titre de l'atteinte à son droit moral d'auteur

M. M. réclame, à hauteur de 100 000 €, réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur résultant du fait que la société RODET ne l'a pas mentionné, en violation de l'article 8 du contrat de collaboration initialement conclu avec la société RODET LOISIRS, comme l'auteur des modèles proposés à la vente dans ses brochures commerciales et catalogues.

La cour constate que M. M. vise le livre I du code de la propriété intellectuelle dans le dispositif de ses écritures mais fonde ses demandes en contrefaçon sur ses modèles déposés, sans consacrer de développements particuliers à des créations qu'il revendiquerait au titre du droit d'auteur. Il invoque cependant l''originalité' de certains de ses modèles invoqués, à savoir :

• le piètement (ou embout) selon le modèle 997972 (représentation 22) et la coque de chaise selon le modèle 997972 (représentation 8) ;

• la chaise selon le modèle 412 865 ;

• -la chaise selon le modèle 977 092 (représentation 1) ;

• et un plan de lit superposé qui serait commercialisé par RODET dans la gamme OLYMPIE.

Sa demande en ce qu'elle concerne les meuble ou élément de mobilier selon le modèle 997972 est irrecevable comme il a été dit supra.

En ce qui concerne la chaise selon le modèle (définitivement annulé) 412 865, M. M. expose que son originalité réside dans un 'dossier arrondi caractérisé par une forme de plein cintre en partie supérieure et avec une découpe semi-courbe en sa partie inférieure', une 'assise dont l'extrémité avant est également courbe', des 'pieds tubulaires'. Cette pure description ne permet pas de caractériser l'originalité alléguée, laquelle ne peut résulter du fait que la centrale d'achat qui a commercialisé la chaise prétendument contrefaisante la décrive dans son catalogue comme 'une chaise scolaire à l'esthétique originale' ou de la circonstance que la société RODET n'aurait pas été en mesure de rapporter la preuve de l'existence d'antériorités. La demande à ce titre sera rejetée.

En ce qui concerne la chaise selon le modèle 977 092 (représentation 1) (modèle jugé définitivement contrefait par la chaise ALPEN DECO), M. M. se borne à arguer qu'il a fait preuve d'originalité en imaginant 'des fils présents dans le dossier de faible diamètre ; une assise ronde', ce qui ne suffit pas à caractériser un apport original du créateur, reflet de sa personnalité, permettant à la création revendiquée de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur. Sa demande à ce titre sera également rejetée.

En ce qui concerne le lit superposé, M. M. fournit un plan daté du 27 août 1993 signé 'A. S.', intitulé 'lits superposés indissociable' (sic) (pièce 96), et un reçu pour solde de tout compte daté du 9 mai 1994 montrant que M. Stéphane A. a été son salarié. Il argue que ce lit superposé a été commercialisé par la société RODET dans une gamme OLYMPIE et renvoie à cet égard à sa pièce 21 qui est un catalogue UGAP 1995.

M. M. décrit ainsi le lit : 'Un lit superposés est haut, par conséquent, j'ai voulu 4 pieds en GROS TUBE surdimensionné un peu « BD » / Bande Dessinée, 'coupés NET' même si le coût en serait augmenté, un peu comme 4 gros 'troncs d'arbre' bien rassurants sur lesquels on aurait accroché un lit en 'lianes' (tubes beaucoup plus fins' Des tubes plus petits, inattendus pour les barrières et les traverses. C'est aussi un tube en forme OVALE ' PLAT : un peu rond mais aussi ovale et carré. C'est ce tube dont on trouve la description dans le dépôt de l'INPI qui fait aussi la preuve de l'originalité et la personnalité de son Créateur François M. et l'association d'un GROS TUBE coupé net avec des petits tubes comme des 'lianes' accrochées à 4 gros troncs d'arbres. Ce tube est 'associé' à un inhabituel tube très gros et visuellement présent : - Les barrières du lit supérieure sont au nombre de 3 + le sommier = 4 comme le nombre de l'arrondissement de François M., et comme le nombre des barreaux de l'échelle. 4 barreaux et on arrive au « 4 » ; - En dessous : 2 tubes + le sommier = 3 barreaux. Près du « 4 » on a le « 3 ».. Et c'est en dessous ; - Le tube de la barrière près de l'échelle part vers le gros tube comme si l'échelle continuait en horizontale'. La cour n'est pas en mesure d'apprécier la pertinence de cet exposé au vu du plan qui est fourni en pièce 96. En outre, rien ne démontre que les lits superposés commercialisés dans le catalogue UGAP 1995 correspondent au plan invoqué et en tout état de cause, ils ne peuvent provenir de la société RODET, laquelle n'a été créée qu'en 2002.

La demande de M. M. au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur sera en conséquence rejetée.

Au surplus, M. M. fonde expressément sa demande sur les stipulations du contrat signé avec la société RODET LOISIRS en 1995, l'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017 ayant d'ailleurs cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en ce qu'il avait rejeté les demandes de M. M. en réparation de 'la violation des dispositions relatives à la mention de son nom'. Or, conformément à ce qu'a jugé la Cour de cassation dans ce même arrêt, le contrat conclu entre M. M. et la société RODET LOISIRS a pris fin au mois de juin 2002 et aucun contrat n'a été conclu entre M. M. et la société RODET, de sorte que M. M. ne peut invoquer les stipulations du contrat résilié à l'encontre de la société RODET.

Sur les demandes de M. M. au titre de factures impayées en 2003

M. M. demande le paiement de trois factures adressées à la société RODET, en date des 31 mars, 30 juin et 30 septembre 2003, pour une somme totale de 15 129,31 €.

La société RODET conclut à l'irrecevabilité de la demande comme nouvelle en appel et sur le fond à son rejet, faisant valoir que ces factures concernent des droits d'auteur établis de manière purement discrétionnaire par M. M..

Contrairement à ce que soutient la société RODET, cette demande de M. M. n'est pas nouvelle en appel et partant, irrecevable. Comme il a été dit, cette demande a en effet été déclarée recevable par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 1er juillet 2010, non remis en cause sur ce point par le premier arrêt de cassation partielle, et l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a dit cette demande irrecevable comme nouvelle en cause d'appel a été cassé de ce chef.

Ces factures intitulées 'Note d'honoraires... Royalties /Droits d'auteur' comportent la mention 'Complément afin d'atteindre MINIMUM convenu : 5 000 euros HT/Trim' et correspondent manifestement à un reliquat que M. M. estime lui être dû sur des redevances précédemment versées par la société RODET. Cependant, comme l'avait à juste raison retenu la cour d'appel de Lyon, M. M. ne justifie aucunement du minimum convenu de 5 000 € qu'il invoque.

Sa demande en paiement sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de la société RODET pour procédure abusive

La société RODET soutient que M. M., en formulant des demandes totalement irrecevables et mal fondées depuis plus de 15 ans et en présentant des demandes 'hallucinantes' de près de 900 000 € avant expertise, fait peser sur elle une pression économique abusive et outrancière.

Cependant, l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus.

En l'espèce, le bien fondé, même seulement très partiel, des prétentions de M. M. fait obstacle à la reconnaissance d'une faute quelconque de sa part ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

La demande sera rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société RODET, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société RODET au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. M. en première instance et en appel peut être équitablement fixée à 20 000 €.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant dans les limites des deux cassations partielles intervenues,

Déclare irrecevables :

les demandes suivantes de M. M. :

• la demande tendant à l'irrecevabilité des pièces 4 à 6, 8, 9, 13, 20 à 23 produites par la société RODET,

• la demande en contrefaçon du modèle 412 865,

• -la demande en contrefaçon du modèle 997 972, et ce dans toutes ses représentations,

• la demande en contrefaçon du modèle 977 092 (représentation 1),

• la demande en contrefaçon du modèle 977 092 (représentation 3),

• la demande de M. M. en paiement d'honoraires forfaitaires pour les journées de travail qu'il n'a pu effectuer au sein de la société RODET,

• la demande de la société RODET en dommages et intérêts pour notification brutale par M. M. (lettre du 8 décembre 2003) de la suspension d'autorisation de reproduction de ses modèles,

Dit que la société RODET a commis des actes de contrefaçon :

• du modèle 977 092 (représentations n° 7, 8, 9, 10 et 13) de M. M.,

• du modèle 976 276 (représentation n° 18) de M. M.,

Condamne la société RODET à payer à M. M. la somme globale de 30 000 € en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon de ses modèles, outre les intérêts au taux légal à compter de cet arrêt,

Déboute M. M. de ses demandes au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur et de factures impayées de 2003,

Déboute la société RODET de sa demande pour procédure abusive,

Condamne la société RODET aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société RODET à payer à M. M. la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.