CA Paris, 16e ch. A, 20 juin 1995, n° 94/3351
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Harcourt
Défendeur :
Chiba
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Conseillers :
M. Guerin, M. Morel
Avocats :
SCP Fisseluer, Chiloux et Boulay, Me Dechezlepretre, Me Kieffer Joly, Me Rouch
La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame D'Harcourt du jugement du 26 octobre 1993 par lequel le tribunal d'instance de Paris 9ème arrondissement a :
- dit que la cave litigieuse est l'accession du fonds de commerce et que sa privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds,
- dit n'y avoir lieu à valider le congé délivré le 15 juillet 1993 pour le 31 août 1993,
- débouté Madame D'Harcourt de ses demandes,
- débouté Yoshio Chiba et Mukuno Sadako épouse Chiba de leur demande de dommages-intérêts,
- a condamné Madame d'Harcourt à payer à Yoshio Chiba et Mukuno Sadako épouse Chiba la somme de 4.000 francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C.
Madame D'Harcourt fait valoir, au soutien de son recours, que la cave qu'elle a louée aux époux Chiba ne présente aucun caractère commercial et ne peut être considérée comme l'accessoire du fonds de commerce qu'elle leur loue également, ainsi que l'a cru à tort le tribunal. Elle prie en conséquence la Cour d'infirmer le jugement, de valider le congé, de dire que, depuis le 1er septembre 1993, les époux Chiba sont occupants sans droit ni titre, de les débouter de toutes leurs prétentions et d'ordonner leur expulsion immédiate et celle de tous occupants de leur chef. Elle la prie d'autre part de fixer l'indemnité journalière d'occupation à 1.000 francs à compter du 1er septembre 1993. Elle réclame enfin la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C.
Les époux Chiba, intimés, estiment au contraire que le premier juge a à juste titre constaté que la cave est l'accessoire de leur fonds de commerce et que sa privation serait de nature à compromettre l'exploitation dudit fonds ; Ils sollicitent en conséquence la confirmation du jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à valider le congé et débouté Madame d'Harcourt de toutes ses prétentions. Formant appel incident, ils sollicitent la condamnation de Madame D'Harcourt à leur payer la somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C.
CELA ÉTANT EXPOSE,
Considérant que par acte du 13 janvier 1986, Madame d'Harcourt a donné en location aux époux Chiba une cave située au sous-sol de l'immeuble sis 28 rue Vignon dans le 9ème arrondissement de Paris, cette location étant consentie pour une période d'un mois à compter du 1er janvier 1986 et renouvelable de mois en mois sauf congé préalable; que par exploit du 15 juillet 1993 elle leur a donné congé pour le 31 août suivant, et que ceux-ci ayant formé opposition elle a saisi le tribunal d'instance, qui a rendu la décision déférée;
Qu'il est constant par ailleurs que les époux Chiba ont par acte du 1er mars 1980 acquis le bail commercial d'une boutique à usage de “confiserie-pâtisserie salon de thé-lunch, petits repas“ dépendant du même immeuble et appartenant également à Madame d’Harcourt ; qu'ils soutiennent que la cave est un accessoire à l'exploitation de leur fonds de commerce et que sa location est en conséquence soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 conformément à l'article 1er de ce texte ;
Considérant qu'aux termes de l'acte du 13 janvier 1986 les preneurs se sont engagés à n'exercer “aucune activité quelle qu'elle soit dans cette cave qui est louée à usage exclusif de réserve et d'entrepôt“; qu'il n'apparaît nullement qu'ils n'utilisent pas les lieux selon leur destination conventionnelle et se servent de la cave litigieuse comme d'une cuisine ainsi que le soutient la bailleresse, alors qu'il résulte au contraire des pièces produites qu'ils ont installé leur cuisine dans un autre local situé sous la boutique et expressément mentionné dans le bail commercial;
Que comme l'a relevé le premier juge, l'usage de réserve et d'entrepôt ainsi voulu par les parties, suppose une activité commerciale et révèle le lien économique existant entre la boutique et la cave litigieuse; que d'ailleurs, le bail commercial ne comportant aucun local à usage d'habitation, la location de cette cave serait sans intérêt pour les preneurs si celle-ci n'était pas destinée à l'exploitation de leurs fonds de commerce; que c'est donc à bon droit que le tribunal d'instance a estimé qu'il s'agissait d'un local accessoire dont la privation serait de nature à compromettre l'exploitation du fonds, et a débouté en conséquence Madame d'Harcourt de ses prétentions;
Considérant qu'il convient donc de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Que Madame d'Harcourt a cependant pu se méprendre sur ses droits et que ni la procédure intentée devant le premier juge, ni son appel devant la Cour ne revêtant un caractère abusif, les époux Chiba doivent être déboutés de la demande de dommages-intérêts qu'ils formulent de ce chef ; qu'il n'est par ailleurs pas inéquitable de rejeter leur demande d'allocation d'une somme supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.
Par ces motifs
LA COUR
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Déboute Madame D'Harcourt de ses prétentions ;
Déboute les époux Chiba de leur demande de dommages-intérêts et de leur demande en paiement d'une somme supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.
Condamne Madame d'Harcourt aux entiers dépens ;
Admet Maître Kieffer-Joly, avoué, au bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.