Cass. 3e civ., 14 juin 1983, n° 81-12.764
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Léon
Rapporteur :
M. Francon
Avocat général :
M. Marcelli
Avocat :
M. Lemaître
Sur le premier moyen : attendu, selon l'arrêt attaque (Pau, 19 mars 1981), que la société hôtelière et de restauration (SHR) est locataire de locaux à usage d'hôtel, de bar, de salon de thé et de restaurant appartenant, les uns a la société civile immobilière Eurotel Biarritz (SCIEB), les autres à la société civile immobilière des restaurants Eurotel Biarritz (SCIREB) ;
Que le prix de chacun des deux baux concernant ces locaux a été fixé par l'addition de deux sommes ;
Une somme déterminée dans son montant et une somme variable, égale à certains pourcentages des chiffres d'affaires réalisés par la SHR dans l'exploitation de chacun des commerces exercés dans les lieux loués ;
Que la SCIEB et la SCIREB ont demandé la révision de la partie déterminée du prix de chaque bail à compter du 1er janvier 1977 ;
Que la SHR a prétendu que le prix global de chaque bail devait être révisé en application de l'article 28 du décret du 30 septembre 1953 ;
Que les juges du fond ont fixé le nouveau prix de chaque bail en majorant la partie déterminée du loyer proportionnellement à la variation de l'indice du coût de la construction et la partie variable conformément aux stipulations contractuelles ;
Attendu que la SHR fait grief à l'arrêté d'avoir, pour fixer les prix révisés des baux, exclu l'application de l'article 28 du décret du 30 septembre 1953, alors, selon le moyen, "que les loyers comportant une partie fixe non indexée et une partie variable calculée sur un pourcentage progressif du chiffre d'affaires du locataire, il en résultait une variation du loyer automatique en fonction d'une valeur de référence ;
Qu'ainsi cette variation s'analysait comme une clause d'échelle mobile, en sorte que l'arrêté qui a écarté l'application de l'article 28 du décret du 30 septembre 1953 au motif que les loyers n'étaient pas affectés d'une clause d'échelle mobile a violé ce texte par refus d'application" ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la partie du loyer déterminée en application de certains pourcentages du chiffre d'affaires de la SHR n'est pas une clause d'échelle mobile ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : attendu que la SHR fait aussi grief à l'arrêt d'avoir fixé le prix de révision des loyers par application, a la partie fixe du loyer, de la variation de l'indice trimestriel du cout de la construction intervenue depuis la dernière fixation amiable du loyer, sans tenir compte de la valeur locative que l'expert n'avait pas déterminée, alors, selon le moyen, "que cette variation qui détermine le plafond du loyer révisé doit s'appliquer à la totalité du loyer, c'est-à-dire a sa partie fixe, plus sa partie variable ;
Qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article 27 du décret du 30 septembre 1953 d'où il résulte que la détermination du plafond par l'application de l'indice doit s'apprécier au regard de la totalité du loyer et non de sa seule partie fixe ;
Et alors que l'arrêt qui a fixé le loyer révisé par simple application de la variation de l'indice du cout de la construction, sans tenir compte de la valeur locative, a violé les articles 23 et 27 du décret d'où il résulte que le montant du loyer révisé ne peut dépasser la valeur locative" ;
Mais attendu, d'une part, que la SHR ayant soutenu dans les conclusions prises en cause d'appel, que les dispositions de l'article 28 du décret du 30 septembre 1953 étaient applicables à la révision de la partie fixe et de la partie mobile, à l'exclusion des dispositions de l'article 27, cette société ne peut invoquer devant la cour de cassation un moyen qui contredit celui qu'elle avait soumis aux juges du fond ;
Attendu, d'autre part, que la limitation du loyer révisé au montant de la valeur locative suppose une révision du prix global du bail ;
Qu'en l'absence de possibilité de révision des modalités de fixation de la partie variable de ce prix, l'arrêt n'avait pas à rechercher si le loyer qu'il fixait excédait la valeur locative ;
D'où il suit que le moyen, pour la partie irrecevable, est pour le surplus, non fondé ;
Mais sur le troisième moyen : vu l'article 8 de la loi du 29 octobre 1976 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, pour la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1977, le loyer ne peut augmenter de plus de 6,5 % par rapport à celui en vigueur pour le même local ou immeuble à la date du 15 septembre 1976 et que, en matière de révision du loyer, il n'est dérogé à cette limitation qu'au cas de majoration résultant de l'application de l'article 27 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu que pour refuser d'appliquer la loi du 29 octobre 1976, l'arrêt retient que la monovalence des locaux exclut les règles du plafonnement ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur un motif erroné et alors qu'une partie seulement du prix de chaque bail serait révisée, dans les conditions prévues à l'article 27 du décret du 30 septembre 1953, l'arrêt a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce que l'arrêt a écarté l'application de l'alinéa 3 de l'article 8 de la loi du 29 octobre 1976, l'arrêt rendu entre les parties le 19 mars 1981 par la cour d'appel de Pau ;
Remet, en conséquence, quant a ce, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.