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Décisions

Cass. com., 23 juin 2021, n° 18-20.170

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Générale de Diététique (SAS)

Défendeur :

Clavis (SRL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Mollard

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié

Paris, Pôle 5, ch. 1, le 12 déc. 2017

12 décembre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2017), la société Compagnie générale de diététique (la société CGD), qui fabrique et commercialise des compléments alimentaires et des produits diététiques, est titulaire : – des marques verbales française « Garum armoricum » n 1 384 517 et  communautaire « Garum armoricum » n 003497484, déposées, la première,  le 11 décembre 1986, la seconde, le 31 octobre 2003 pour, en classe 3, les « produits cosmétiques et de beauté ; parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons », en classe 5, les « produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques » et, en classe 29, les « produits alimentaires à base de poissons, de crustacés ou de mollusques ou d'organes de ces poissons, crustacés ou mollusques » ; – des marques verbales française « Garum » n 1 703 642 et communautaire « Garum » n 003501939, déposées, la première, le  30 octobre 1991, la seconde, le 31 octobre 2003 pour, notamment, en classe 5, les « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants » et, en classe 29, les « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; huiles et graisses comestibles » ainsi que, s'agissant de la marque française, les « conserves, pickles » et, s'agissant de la marque communautaire, les « conserves de poissons, pickles ».

2. Elle a assigné la société de droit italien Clavis, qui a pour principale activité la fabrication et la commercialisation de produits naturels et de compléments alimentaires, en paiement de dommages-intérêts pour contrefaçon de ses marques ainsi que pour concurrence déloyale, parasitisme et pratiques commerciales trompeuses.

3. La société Clavis a reconventionnellement demandé l'annulation des marques en cause pour absence de caractère distinctif propre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième, neuvième, douzième, seizième, dix-neuvième, vingtième et vingt-et-unième branches, le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, douzième et treizième branches, et le même moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, dixième et onzième branches en tant qu'elles font grief à l'arrêt d'annuler les marques « Garum armoricum » pour les produits alimentaires à base de poissons ou d'organes de ces poissons, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. La société CGD fait grief à l'arrêt d'annuler la marque française « Garum » n 1 703 642 et la marque communautaire « Garum » n 003501939 déposées, en classes 5 et 29, pour les produits et services suivants « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants ; viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; huiles et graisses comestibles ; conserves, pickles » et, pour la marque communautaire, « conserves de poissons ; pickles », alors : « 3°) que le caractère distinctif d'une marque doit s'apprécier à la date de son  dépôt ; qu'une marque ne peut être annulée pour caractère descriptif que lorsqu'il est raisonnable d'envisager qu'elle sera effectivement reconnue par les milieux intéressés comme une description de l'une des caractéristiques des produits ou services désignés dans l'enregistrement de la marque, ce qui suppose que le public pertinent puisse établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre ledit signe et lesdits produits ou services ; qu'en retenant – tout en ayant relevé que le terme latin "garum" était utilisé dans l'Antiquité mais ne constitue pas un terme courant, qu'il résulte de l'étude BVA de janvier 2015 que seulement 3 % des pharmaciens interrogés connaîtraient la définition du garum, qu'ils ont une "connaissance non assurée en latin", et que ce terme ne figure pas dans les dictionnaires médicaux et pharmaceutiques versés aux débats par la société CGD – que "ce terme peut être utilisé pour désigner la caractéristique même de produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades, d'emplâtres et matériels pour pansements, soit des produits qui s'adressent notamment à un public composé de pharmaciens qui, malgré une connaissance non assurée du latin, aura une certaine attention pour ces produits, du fait de la nécessité de conseiller les consommateurs finaux, même s'agissant de préparations qui ne sont pas considérées comme des médicaments", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser en quoi il serait raisonnable d'envisager que le signe "garum" sera effectivement reconnu par les pharmaciens comme une description de l'une des caractéristiques des produits précités ni en quoi ce public pourrait établir "immédiatement et sans réflexion" un rapport concret et direct entre le terme "garum" et les produits en cause ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, s'agissant de la marque française "Garum" n 1 703 642, privé sa décision o de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, à le supposer applicable en la cause ; 4°) qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, pour les mêmes raisons, s'agissant de la marque de l'Union européenne "Garum" n 3 501 939, privé sa décision de base légale au regard de l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. »  

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n 2019-1169 du 13 novembre 2019, interprété à la lumière de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive n 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire :

6. Il résulte de ces textes que sont refusées à l'enregistrement ou sont susceptibles d'être déclarées nulles si elles sont enregistrées les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci.

7. Un signe doit être refusé à l'enregistrement s'il constitue alors, pour les milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir.

8. Pour constater que le terme « garum » décrit les produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques, produits diététiques pour enfants et malades, emplâtres, matériel pour pansement, désinfectants, viande, poisson, volaille et gibier, extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits, gelées, confitures, huiles et graisses comestibles, ainsi que conserves, conserves de poissons, pickles, ou une de leurs caractéristiques, et confirmer le jugement en ce qu'il annulait les marques française et communautaire « Garum » en tant qu'elles avaient été enregistrées pour ces produits, l'arrêt, après avoir relevé que l'étude de notoriété réalisée par l'institut BVA en janvier 2015 à la demande de la société CGD montre que 3 % des pharmaciens interrogés connaissent la définition du garum, qui ne figure pas dans les dictionnaires médicaux et pharmaceutiques communiqués par la société CGD, et que 2 % du public connaît le terme « garum », retient d'abord que, pour autant, ce terme peut être utilisé pour désigner la caractéristique même des produits pharmaceutiques, des produits diététiques pour enfants et malades ainsi que des emplâtres et matériel pour pansement, soit des produits qui s'adressent notamment à un public composé de pharmaciens qui, malgré une connaissance non assurée du latin, aura une certaine attention pour ces produits, du fait de la nécessité de conseiller les consommateurs finals. L'arrêt retient ensuite que les produits, notamment comestibles, visés par l'enregistrement des marques « Garum » s'adressent aussi à des professionnels de préparations de compléments alimentaires, soit un public ayant lui aussi une certaine connaissance des termes latins utilisés dans leur domaine d'intervention. Il retient enfin qu'en matière de produits pharmaceutiques, diététiques et alimentaires, une partie du public est composée de consommateurs développant un intérêt particulier pour ce domaine et montrant une attention particulière s'agissant de produits liés à la santé et à l'alimentation.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'en 1991 et en 2003, dates respectives de dépôt des marques française et communautaire « Garum », les milieux intéressés, qui, en 2015 encore, ignoraient dans leur grande majorité le sens du mot « garum », percevaient cette marque comme descriptive des produits en cause, ou d'une de leurs caractéristiques, ou qu'il était raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le moyen, pris en sa quinzième branche

Enoncé du moyen

10. La société CGD fait le même grief à l'arrêt, alors « que le caractère distinctif d'une marque doit s'apprécier au regard de chacun des produits et services visés dans l'enregistrement ; qu'en retenant, après avoir relevé que le terme "garum" était utilisé dans l'Antiquité pour désigner une préparation résultant de la macération de morceaux de poisson et de viscères de poisson constituant une sauce appréciée et à laquelle étaient reconnues des vertus médicinales naturelles, que ce signe apparaît descriptif pour les "produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants ; Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; huiles et graisses comestibles ; conserves, pickles", et, pour la marque communautaire, "conserves de poissons, pickles", "en ce qu'il décrit le produit ou une de ses caractéristiques, notamment son mode de fabrication", sans préciser en quoi une telle préparation à base de poisson pourrait constituer une caractéristique de chacun de ces produits, la cour d'appel a violé l'article  du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

12. Pour retenir, notamment, que le terme « garum » décrit les produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques, produits diététiques pour enfants et malades, emplâtres, matériel pour pansement, désinfectants, viande, poisson, volaille et gibier, extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits, gelées, confitures, huiles et graisses comestibles, ainsi que conserves, conserves de poissons, pickles, ou une de leurs caractéristiques, et confirmer le jugement en ce qu'il annulait les marques française et communautaire « Garum » en tant qu'elles avaient été enregistrées pour ces produits, l'arrêt, après avoir rappelé que le terme « garum » était utilisé dans l'Antiquité pour désigner une préparation résultant de la macération de morceaux de poisson et de viscères de poisson, constituant une sauce appréciée, à laquelle était reconnue des vertus médicinales naturelles, retient, d'abord, que ce terme peut être utilisé pour désigner la caractéristique même des produits pharmaceutiques, des produits diététiques pour enfants et malades ainsi que des emplâtres et matériel pour pansement, soit des produits qui s'adressent notamment à un public composé de pharmaciens qui, malgré une connaissance non assurée du latin, aura une certaine attention pour ces produits, du fait de la nécessité de conseiller les consommateurs finals. L'arrêt retient ensuite que les produits notamment comestibles visés par l'enregistrement des marques « Garum » s'adressent aussi à des professionnels de préparations de compléments alimentaires, soit un public ayant lui aussi une certaine connaissance des termes latins utilisés dans leur domaine d'intervention, enfin, qu'en matière de produits pharmaceutiques, diététiques et alimentaires, une partie du public est composée de consommateurs développant un intérêt particulier pour ce domaine et montrant une attention particulière, s'agissant de produits liés à la santé et à l'alimentation. Il retient encore, par motifs adoptés, que le garum ayant des effets bénéfiques sur la santé et étant utilisé soit comme condiment, soit comme complément alimentaire pour ses vertus médicinales, le terme « garum » sert à décrire la qualité essentielle des produits et services en classe 5 et 29 visés dans l'enregistrement des marques « Garum ».

13. En statuant ainsi, sans préciser en quoi le terme « garum » était descriptif de chacun de ces produits, et alors qu'elle n'avait pas constaté que le garum était susceptible d'entrer dans leur composition, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, dixième et onzième branche, en tant qu'elles font grief à l'arrêt d'annuler les marques « Garum armoricum » pour les produits cosmétiques et de beauté, parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons, produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques et produits alimentaires à base de crustacés ou de mollusques ou d'organes de ces crustacés ou mollusques

Enoncé du moyen

14. La société CGD fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°) que pour annuler la marque française "Garum armoricum" n 1 384 517  et la marque de l'Union européenne "Garum armoricum" n 3 497 484, la  cour d'appel a relevé, en particulier, que le terme "garum armoricum" est la combinaison du "terme garum déjà analysé" et du terme armoricum et que "l'association de ces deux termes descriptifs" "ne saurait écarter l'absence de distinctivité" de la marque "Garum armoricum", "qui sera comprise comme désignant du garum provenant de Bretagne" ; que la cassation à intervenir, sur le premier moyen, de la partie de l'arrêt ayant annulé partiellement les marques "Garum" pour caractère descriptif, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a annulé la marque française "Garum armoricum" n 1 384 517 et la marque de l'Union  européenne "Garum armoricum" n 3 497 484, et ce par application de  l'article 624 du code de procédure civile ; 10. qu'un signe présente un caractère descriptif lorsqu'il constitue, au jour de son dépôt, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en affirmant que le caractère descriptif du signe "garum armoricum" ressortirait du produit "Stabilium 200" sur la boîte duquel est indiqué au titre des ingrédients "GARUM ARMORICUM (hydrolysat de poisson)" et dont le document de présentation indique également en en-tête que ce produit est réalisé à base de garum armoricum et précise qu'il "est un produit diététique à base de ‘Garum Armoricum' obtenu par autolyse enzymatique contrôl[é]e à partir de viscères de poissons spécifiques des grands fonds océaniques", la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser en quoi au jour du dépôt de la marque française "Garum armoricum", le 11 décembre 1986, le signe éponyme aurait constitué, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits visés dans l'enregistrement de cette marque ni en quoi il serait raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en statuant ainsi, elle a, s'agissant de la marque française "Garum armoricum" n 1 384 517, privé sa décision de base légale au regard o de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 ; 11 / qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser en quoi au jour o du dépôt de la marque de l'Union européenne "Garum armoricum" n 3 497 484, le 31 octobre 2003, le signe éponyme aurait constitué, aux o yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits visés dans l'enregistrement de cette marque ni en quoi il serait raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 [lire "l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n 40/94  du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire"]. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964, 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n 40/94 et 624 du code de procédure civile :  

15. Il résulte des deux premiers de ces textes que le caractère descriptif d'une marque aux yeux des milieux intéressés s'apprécie au jour de son dépôt. Selon le troisième, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

16. Pour constater que le signe « garum armoricum » décrit les produits cosmétiques et de beauté, parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons, les produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques, et les produits alimentaires à base de crustacés ou de mollusques et d'organes de ces crustacés ou mollusques, ou une de leurs caractéristiques, et confirmer le jugement en ce qu'il annulait les marques française et communautaire « Garum armoricum » en tant qu'elles avaient été enregistrées pour ces produits, l'arrêt retient que ce signe est la combinaison du terme « garum » déjà analysé et du terme « armoricum », que l'association de deux termes descriptifs ne saurait écarter l'absence de distinctivité des marques française et communautaire « Garum armoricum » et sera comprise comme désignant du garum provenant de Bretagne et que, dès lors, un tel signe, utilisé à titre de marque, ne permet pas d'établir la distinction entre les produits protégés par cette marque et les produits concurrents. Il ajoute que le caractère descriptif des termes « garum armoricum » ressort également de leur utilisation dans le document de présentation du produit « Stabilium 200 », commercialisé par la société CGD, pour désigner un ingrédient de ce produit.

17. En déduisant le caractère descriptif des marques française et communautaire « Garum armoricum », pour l'ensemble des produits en cause, à la fois du caractère descriptif du terme « garum » et du terme « armoricum » et de l'utilisation des termes « garum armoricum » pour désigner un ingrédient d'un produit diététique commercialisé à une date inconnue par la société CGD, la cour d'appel, qui, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, n'a pas établi le caractère descriptif du terme « garum » et qui, en outre, s'est déterminée par des motifs impropres à établir qu'en 1986 et en 2003, dates de leurs dépôts respectifs, ces marques étaient perçues par les milieux intéressés comme descriptives de ces produits ou qu'il était raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir, a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

18. La société CGD fait grief à l'arrêt attaqué de la débouter de ses autres demandes, et notamment de ses demandes pour contrefaçon de marques, alors « que la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des quatre [lire "deux"] premiers moyens entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt visé par le présent moyen, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

19. La cassation prononcée sur les premier et deuxième moyens entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en tant qu'il déboute la société CGD de ses demandes fondées sur la contrefaçon de ses marques « Garum » en tant que celles-ci ont été enregistrées, en classe 5, pour les « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants » et, en classe 29, pour les « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; huiles et graisses comestibles ; conserves, conserves de poissons, pickles », et de ses marques « Garum armoricum », en tant que celles-ci ont été enregistrées, en classe 3, pour les « produits cosmétiques et de beauté ; parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons », en classe 5, pour les « produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques », et en classe 29, pour les « produits alimentaires à base de crustacés ou de mollusques ou d'organes de ces crustacés ou mollusques. »

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que :

– confirmant le jugement, il annule les marques française « Garum » n 1 703 642 et communautaire « Garum » n 0035[0]1939 pour les  « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants ; viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; huiles et graisses comestibles », ainsi que, s'agissant de la marque française, les « conserves, pickles » et, s'agissant de la marque communautaire, les « conserves de poissons ; pickles », et les marques française « Garum armoricum » n 1 384  517 et communautaire « Garum armoricum » 003497484 pour les « produits cosmétiques et de beauté ; parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons », les « produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques » et les « produits alimentaires à base de crustacés ou de mollusques ou d'organes de ces crustacés ou mollusques » ;

– il ordonne l'inscription de l'arrêt au registre de l'INPI et à celui de l'EUIPO ;  – il déboute la société Compagnie générale de diététique de sa demande tendant à voir interdire sous astreinte à la société Clavis toute utilisation des signes « garum » et « garum armoricum » ou signes similaires, de sa demande tendant à voir ordonner la destruction de tous emballages et documents contrefaisants aux frais de la société Clavis et de sa demande de condamnation de la société Clavis à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon ;

– il condamne la société Compagnie générale de diététique aux dépens et à payer à la société Clavis la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Clavis aux dépens ;  

En application de l'article 700 du code de procédure civile,  

Rejette la demande formée par la société Clavis et la condamne à payer à la société Compagnie générale de diététique la somme de 3 000 euros.