Cass. 1re civ., 13 juillet 2004, n° 02-10.991
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Renard-Payen
Attendu que par acte sous seing privé du 10 mai 1995, Mme X a donné mandat non exclusif à la société Fim, de vendre un immeuble et le fonds de commerce d'hôtel restaurant exploité dans celui-ci au prix de 3 000 000 francs ; que la rémunération du mandataire était fixée à 110 000 francs à la charge de l'acquéreur et la durée du mandat fixée à trois mois renouvelable tacitement dans la limite d'une année ; que Mme X a été mise en redressement judiciaire le 9 novembre 1995 par le tribunal de commerce de Dieppe, qui a désigné Maître Y en qualité d'administrateur ; que le 25 mars 1997 M. Z a signé une reconnaissance d'honoraires pour la somme de 75 000 francs ; que par jugement du 5 juin 1997, le tribunal de commerce a ordonné la cession de l'immeuble et du fonds de commerce à M. Z pour un prix total de 1 520 000 francs ; que le 13 juin 1997, M. Z a été autorisé à exploiter immédiatement le fonds sous contrôle du mandataire judiciaire ; que l'acte authentique de vente a été signé le 11 mai 1998 ; que la société Fim a assigné M. Z en paiement de sa commission qu'elle a ramenée à la somme de 61 500 francs HT, soit 74 169 francs TTC ; que M. Z s'est opposé à cette demande et a sollicité la condamnation de la société Fim au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de conseil ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°) qu'en déclarant qu'en entreprenant des démarches aux fins d'obtenir une diminution du prix et en commençant à effectuer des travaux de mise en conformité, après qu'il eut pris connaissance de la situation administrative exacte de l'immeuble et du fonds de commerce postérieurement au jugement du 5 juin 1997 arrêtant la cession, M. Z, pourtant tenu de l'obligation d'exécuter le plan, aurait révélé sans équivoque sa volonté de continuer à se porter acquéreur malgré les difficultés dont il avait parfaitement connaissance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 62 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-63 du Code de commerce ;
2°) qu'en affirmant que M. Z ne serait pas fondé à se prévaloir à l'encontre de la société Fim d'un quelconque manquement à l'obligation de conseil, au motif qu'il avait accepté de se porter acquéreur après avoir obtenu une réduction du prix, sans rechercher si M. Z n'avait pas subi, du fait des manquements commis par la société Fim et dont il n'avait pu se convaincre que postérieurement au jugement du 5 juin 1997 ayant ordonné la cession à son profit, un préjudice dont le montant était supérieur au montant de la réduction de prix consentie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé que M. Z, après avoir eu connaissance de la situation administrative exacte de l'immeuble et entrepris des travaux de mise en conformité, avait obtenu satisfaction sur la réduction du prix d'acquisition qu'il sollicitait et accepté de se porter acquéreur dans ces conditions, a caractérisé l'absence de préjudice subi par l'intéressé, lequel avait la faculté, sans qu'une faute puisse être retenue à son encontre, de renoncer à poursuivre l'acquisition d'un bien, qui s'était révélé non conforme à l'usage auquel il était destiné ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Z reproche également à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné au paiement de la commission alors, selon le moyen, qu'en affirmant que rien n'indiquait une quelconque volonté de l'administrateur judiciaire de modifier les termes du mandat initial conclu par Mme X, la cour d'appel s'est fondée sur un mandat tacitement délivré par l'administrateur judiciaire, violant ainsi les articles 1 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ainsi que les articles 72 et 73 du décret du 20 juillet 1972 ;
Mais attendu que l'ouverture d'une procédure collective n'affecte pas en elle-même le contrat en cours qui se poursuit de plein droit dans les termes initialement convenus, sous réserve de l'exercice de la faculté d'option de l'administrateur ; qu'après avoir constaté que la régularité du mandat de vente écrit donné le 10 mai 1995 par Mme X à la société Fim n'était pas contestée, la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'en adressant, le 17 janvier 1997, à la société Fim un courrier l'informant qu'il était prêt à étudier toute proposition sérieuse et à la soumettre au tribunal dans le cadre d'un plan de cession, l'administrateur avait manifesté son intention d'opter pour la continuation du contrat de mandat initial ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 73 du décret n° 72-658 du 20 juillet 1972 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le montant de la rémunération ou de la commission de l'agent immobilier, ainsi que l'indication de la ou les parties qui en ont la charge doivent être portés impérativement dans l'engagement des parties ;
Attendu que pour condamner M. Z à payer à la société Fim le montant de la commission, l'arrêt retient que si la reconnaissance d'honoraires signée antérieurement à la vente, le 25 mars 1997, par M. Z, pour un montant de 75 000 francs HT, n'est pas suffisante pour justifier le droit à rémunération de l'agent immobilier, celle-ci a été suivie d'un acte sous seing privé rédigé le 23 avril 1997 par la société Fim, aux termes duquel M. Z s'est engagé à acquérir l'immeuble et le fonds de commerce au prix de 1 500 000 francs, stipulant que tous les frais résultant de cette opération sont à la charge de l'acquéreur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cet acte du 23 avril 1997 ne constituait qu'une offre d'achat ne mentionnant pas les conditions de détermination de la commission, et qu'il résulte des productions que le contrat de vente ne contenait aucune mention relative à la rémunération de la société Fim, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la cour étant en mesure de mettre fin au litige ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z à payer à la société Fim, la somme de 74 169 francs, l'arrêt rendu le 15 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.