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Décisions

Cass. com., 11 juin 1996, n° 94-12.095

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Alvéodalle (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Vuitton, SCP Peignot et Garreau

Aix-en-Provence, 1re ch. B, du 23 nov. 1…

23 novembre 1993

Statuant tant sur le pourvoi principal de M. X... que sur le pourvoi incident de la société Alvéodalle :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 23 novembre 1993), qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la société Gandolfo et la désignation de M. X... en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assister la débitrice pour tous les actes de gestion et de disposition, cette société a demandé à la société Alvéodalle de poursuivre les livraisons de fournitures commandées, en précisant que le règlement serait effectué par chèques contresignés par l'administrateur judiciaire; que deux factures étant demeurées impayées, la société Alvéodalle a demandé que l'administrateur soit condamné personnellement à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir déclaré responsable du préjudice causé à la société Alvéodalle par le défaut de règlement des deux factures et de l'avoir condamné, en conséquence, à payer à cette société une provision de 200 000 francs, alors, selon le pourvoi, qu'en se contentant d'énoncer, pour retenir la responsabilité de l'administrateur judiciaire, que celui-ci avait manqué de vigilance dans la poursuite de l'activité de la société Gandolfo, sans rechercher s'il avait induit en erreur le fournisseur par des assurances imprudemment données sur la situation de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'administrateur judiciaire, chargé d'assister la société débitrice dans tous les actes de gestion, avait contresigné les chèques émis au profit de la société Alvéodalle en paiement des précédentes factures et relevé que ce contreseing démontrait sa connaissance de la poursuite des relations contractuelles entre les deux sociétés, l'arrêt retient qu'il lui appartenait de s'opposer à la continuation de ces relations s'il n'était pas certain des possibilités de paiement au fournisseur; que l'arrêt relève encore que l'administrateur avait laissé la société prendre des engagements hors de proportion avec les facultés financières de la société, le plan de cession de l'entreprise proposé par lui à l'époque des factures litigieuses interdisant toute possibilité de régler les créances nées après le jugement d'ouverture, compte tenu des créances de salaires privilégiées; que par ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la signature apposée par l'administrateur sur les chèques émis en règlement des premières livraisons effectuées postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire avait incité le fournisseur à les poursuivre en lui inspirant une confiance injustifiée, la cour d'appel a pu décider que l'administrateur avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité personnelle; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné M. X... à payer à la société Alvéodalle la somme de 200 000 francs à titre de provision, alors, selon les pourvois, d'une part, qu'ayant relevé que toute possibilité de règlement des factures litigieuses n'était pas encore totalement exclue, les juges du fond devaient tirer de ces constatations les conséquences légales et rejeter comme irrecevable en l'état la demande formée par la société Alvéodalle; qu'en condamnant, néanmoins M. X... à lui verser une provision eu égard au caractère certain et actuel de la créance invoquée, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985; et alors, d'autre part, que tout en constatant que le préjudice invoqué par la société Alvéodalle, causé par le défaut de règlement des deux factures, était certain et actuel au moment où elle devait statuer, la cour d'appel, qui a cependant décidé de reporter le caractère définitif de la créance à la clôture des opérations de liquidation, n'a pas tiré les conséquences de ses observations au regard de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu qu'ayant retenu que la créance de la société Alvéodalle était exigible et certaine dans son existence, la cour d'appel, après avoir constaté que le préjudice de cette société ne pouvait être liquidé dans la mesure où l'administrateur judiciaire justifiait que des actifs de la société débitrice, autres que ceux résultant de la cession de l'entreprise, étaient de nature à permettre un règlement des factures litigieuses, a relevé que le défaut de règlement des créances exigibles depuis plus de trois ans entraînait un préjudice économique et commercial à la société Alvéodalle ;

qu'ainsi, en accordant une provision à la société Alvéodalle, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.