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Décisions

CJUE, 4e ch., 2 septembre 2021, n° C-647/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ja zum Nürburgring eV

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras (rapporteur)

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin, Mme Jürimäe

Avocat général :

M. Pitruzzella

Avocats :

Me Frey , Me Rudolph

CJUE n° C-647/19 P

2 septembre 2021

Arrêt

1 Par son pourvoi, Ja zum Nürburgring eV demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 juin 2019, Ja zum Nürburgring/Commission (T‑373/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:432), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring (JO 2016, L 34, p. 1, ci-après la « décision finale »).

Le cadre juridique

2 Le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013 (JO 2013, L 204, p. 15) (ci-après le « règlement no 659/1999), qui a été abrogé par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), est applicable aux faits de la présente affaire.

3 L’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 définit, aux fins de ce règlement, la notion de « parties intéressées » comme visant « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

4 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission », dispose, à ses paragraphes 2 à 4 :

«2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107], paragraphe 1, [TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée “décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108], paragraphe 2, [TFUE] (ci-après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”). »

5 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement :

« La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »

6 L’article 13, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 659/1999 prévoit que l’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement.

Les antécédents du litige et les décisions litigieuses

7 Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 16 de l’arrêt attaqué et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.

8 Le complexe du Nürburgring (ci-après le « Nürburgring »), situé dans le Land de Rhénanie-Palatinat (Allemagne), comprend un circuit de course automobile (ci-après le « circuit du Nürburgring »), un parc de loisirs, des hôtels et des restaurants.

9 Entre l’année 2002 et l’année 2012, les entreprises publiques propriétaires du Nürburgring (ci-après les « vendeurs ») ont bénéficié d’aides principalement de la part du Land de Rhénanie-Palatinat. Au cours de l’année 2011, la requérante, une association allemande de sport automobile, a déposé une première plainte auprès de la Commission au sujet de ces aides. Lesdites aides ont fait l’objet d’une procédure formelle d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ouverte par la Commission au cours de l’année 2012. La même année, l’Amtsgericht Bad Neuenahr-Ahrweiler (tribunal de district de Bad Neuenahr-Ahrweiler, Allemagne) a conclu à l’insolvabilité des vendeurs et il a été décidé de procéder à la vente de leurs actifs. Une procédure d’appel d’offres (ci-après la « procédure d’appel d’offres ») a été lancée et elle a abouti à la vente de ces actifs à Capricorn Nürburgring Besitzgesellschaft GmbH (ci-après « Capricorn »).

10 Au cours de l’année 2013, la requérante a déposé une seconde plainte auprès de la Commission, au motif que la procédure d’appel d’offres ne serait pas ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle. Selon la requérante l’acquéreur qui serait retenu recevrait ainsi de nouvelles aides et assurerait la continuité des activités économiques des vendeurs, de sorte que l’ordre de récupération des aides perçues par les vendeurs devait s’étendre à lui.

11 À l’article 2 de la décision finale, la Commission a constaté l’illégalité et l’incompatibilité avec le marché intérieur de certaines des mesures de soutien en faveur des vendeurs (ci-après les « aides aux vendeurs »). À l’article 3, paragraphe 2, de cette décision, elle a énoncé que Capricorn et ses filiales n’étaient pas concernées par une éventuelle récupération des aides aux vendeurs (ci-après la « première décision litigieuse »).

12 À l’article 1er, dernier tiret, de ladite décision, la Commission a établi que la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn ne constituait pas une aide d’État (ci-après la « seconde décision litigieuse »). La Commission a considéré, à cet égard, que la procédure d’appel d’offres avait été menée de manière ouverte, transparente et non discriminatoire, que cette procédure avait abouti à un prix de vente conforme au marché et qu’il n’y avait pas de continuité économique entre les vendeurs et l’acquéreur.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juillet 2015, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des première et seconde décisions litigieuses.

14 Le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours, en tant qu’il tendait à l’annulation de la première décision litigieuse, la requérante n’ayant pas démontré être individuellement concernée par cette décision. Pour les motifs exposés aux points 48 à 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé, premièrement, que la requérante n’avait pas établi à suffisance de droit que cette décision avait affecté substantiellement une position concurrentielle qu’elle aurait détenue sur les marchés pertinents, deuxièmement, qu’elle ne pouvait pas se prévaloir, en tant qu’association professionnelle, d’une qualité pour agir au titre de l’un de ses membres et, troisièmement, qu’elle n’avait pas établi avoir occupé, dans le cadre de la procédure formelle d’examen ayant précédé l’adoption de la première décision litigieuse, une position de négociatrice, clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de cette décision.

15 S’agissant de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse, le Tribunal a constaté, au point 83 de l’arrêt attaqué, que les parties s’accordaient sur le fait que cette décision était une décision adoptée à l’issue de la phase d’examen préliminaire des aides, instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et non d’une procédure formelle d’examen.

16 Au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé qu’il ne pouvait pas être exclu que la requérante, compte tenu de son objet, qui vise précisément au rétablissement et à la promotion d’un circuit de course automobile au Nürburgring, et du fait qu’elle a participé à la première phase de la procédure d’appel d’offres en vue de la vente des actifs du Nürburgring et recueilli, dans ce cadre, un grand nombre d’informations portant sur ces actifs, soit en mesure de présenter à la Commission, dans le cadre de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, des observations que celle-ci serait susceptible d’intégrer dans son appréciation du caractère ouvert, transparent, non discriminatoire et inconditionnel de la procédure d’appel d’offres et de la question de savoir si les actifs du Nürburgring ont été cédés, dans ce cadre, au prix de marché. Il a donc considéré, au point 89 de l’arrêt attaqué, que la requérante devait se voir reconnaître la qualité de partie intéressée s’agissant de la seconde décision litigieuse et a, dès lors, relevé, au point 93 de l’arrêt attaqué, que, en ce qui concernait la seconde décision litigieuse, la requérante avait qualité pour agir pour sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tirait de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

17 Au point 129 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, afin de pouvoir se prononcer sur le fond du recours, pour autant qu’il visait l’annulation de la seconde décision litigieuse et, en particulier, sur les cinquième et huitième moyens tirés d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 ainsi que des droits procéduraux de la requérante, il convenait d’examiner si les premier à quatrième moyens permettaient d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

18 À l’issue de cet examen, le Tribunal a constaté, au point 176 de l’arrêt attaqué, que les cinquième et huitième moyens, examinés en tenant compte des arguments avancés par la requérante dans le cadre des premiers à quatrième moyens, ne permettaient pas d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen et devaient, dès lors, être rejetés.

19 Le Tribunal a également examiné et rejeté, respectivement aux points 182 à 190 et 193 à 197, les sixième et neuvième moyens, tirés de la violation par la Commission, respectivement, de l’obligation de motivation et du droit à une bonne administration.

20 En conséquence, au point 198 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Les conclusions des parties devant la Cour

21 La requérante demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler les première et seconde décisions litigieuses ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

22 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler les points 73 à 94 de l’arrêt attaqué, aux termes desquels le Tribunal a jugé que le recours dirigé contre la seconde décision litigieuse était recevable ;

–  de rejeter ce recours comme étant irrecevable ;

– de rejeter le pourvoi, et

– de condamner la requérante aux dépens de l’instance.

Sur le pourvoi

23 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a considéré qu’elle n’était pas individuellement concernée par la première décision litigieuse, en tant que concurrente du bénéficiaire des aides en cause, le deuxième, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a jugé qu’elle n’était pas individuellement concernée par la première décision litigieuse, en tant qu’association professionnelle, le troisième, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a estimé qu’elle n’avait pas qualité pour agir contre la seconde décision litigieuse, le quatrième, d’une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué, d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve ainsi que d’une erreur de droit dans l’examen des moyens dirigés contre le refus implicite de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, et, le cinquième, d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’appréciation du caractère suffisant de la motivation de la seconde décision litigieuse.

24 Les premier et deuxième moyens visent le rejet, par le Tribunal, de la demande d’annulation de la première décision litigieuse, alors que les troisième à cinquième moyens visent le rejet de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse.

Sur les moyens relatifs à la demande d’annulation de la première décision litigieuse

Sur le premier moyen

25 Le premier moyen vise le point 56 de l’arrêt attaqué, qui est ainsi libellé :

« Par ailleurs, pour autant que la requérante soutient que sa position sur le marché a été substantiellement affectée en raison des investissements passés qu’elle a réalisés sur le circuit du Nürburgring, il y a lieu d’observer que le simple fait qu’elle aurait investi, à un titre ou un autre, dans le Nürburgring ne suffit pas à constater qu’elle aurait été présente, en tant qu’opérateur économique, sur les marchés pertinents, ce qu’elle ne prétend d’ailleurs pas, ni, a fortiori, que sa position sur lesdits marchés, en tant qu’opérateur économique, aurait été substantiellement affectée par les aides aux vendeurs qui, selon elle, auraient rendu ces investissements inutiles. En tout état de cause, la requérante n’explique pas comment la première décision [litigieuse], aux termes de laquelle l’acquéreur des actifs du Nürburgring n’était pas tenu de rembourser les aides aux vendeurs, aurait affecté l’utilité des investissements qu’elle aurait réalisés dans le Nürburgring. »

–  Argumentation des parties

26 Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à suffisance de droit à son argumentation relative à l’atteinte substantielle portée à sa position sur le marché ce qui, selon la requérante, constitue une violation de l’obligation de motivation ainsi que de son droit à être entendue et de son droit à une protection juridictionnelle effective.

27 La requérante fait valoir, en particulier, que, en affirmant, à la seconde phrase du point 56 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’avait pas expliqué comment la première décision litigieuse aurait affecté l’utilité des investissements qu’elle avait réalisés dans le Nürburgring, le Tribunal a ignoré son argumentation, avancée au point 32 de son mémoire en réplique devant le Tribunal, selon laquelle, en substance, ces investissements auraient été contrecarrés et détournés de leur objectif, qui était de promouvoir l’exploitation du circuit traditionnel du Nürburgring et de garantir que des organisateurs de manifestations sportives y aient accès dans des conditions servant l’intérêt général, pour financer, au moyen d’une subvention croisée, des installations hôtelières et de loisir, sans lien avec le sport automobile, construites avec les aides aux vendeurs. La requérante aurait ajouté que la vente des éléments d’actif du Nürburgring à Capricorn perpétuait, en tant que conséquence illégale directe, l’atteinte portée à sa position sur le marché qui aurait résulté des aides illégales. 

28 Elle estime que, compte tenu du lien étroit entre ses investissements sur le circuit du Nürburgring et l’exploitation de celui-ci dans des conditions servant l’intérêt général, elle est tellement liée à l’exploitation de ce circuit qu’elle a acquis une position sur le marché pertinent pour l’exploitation de circuits de course automobile. Elle rappelle, à cet égard, que, devant le Tribunal, elle avait attiré l’attention sur le fait que le circuit du Nürburgring représente un monopole naturel. Or, le Tribunal aurait ignoré le fait qu’il ne peut y avoir qu’une concurrence potentielle pour l’exploitation d’un monopole naturel. Dès lors, les investissements réalisés par la requérante seraient la façon la plus directe pour acquérir une position sur le marché. Pour les mêmes motifs, l’affirmation, à la première phrase du point 56 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la requérante n’avait pas prétendu que sa position sur le marché a été substantiellement affectée par les aides aux vendeurs, serait aussi inexacte.

29 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour considérer, au point 56 de l’arrêt attaqué, qu’un investissement réalisé à un titre ou à un autre ne suffit pas pour constater que l’investisseur est présent, en tant qu’opérateur économique, sur le marché auquel les investissements ont bénéficié.

30 La Commission fait valoir que le premier moyen est inopérant ou, en tout état de cause, non fondé.

–  Appréciation de la Cour

31 Aux fins de l’examen conjoint des deux branches du premier moyen, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 93, ainsi que du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 33).

32 Si, comme en l’espèce, un requérant met en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier, au sens de la jurisprudence rappelée au point précédent. Il en est notamment ainsi dans le cas où la position de ce requérant sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 97, ainsi que du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 37).

33 Comme le Tribunal l’a lui-même rappelé au point 48 de l’arrêt attaqué, ont notamment été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 98, ainsi que du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 38).

34 Or, la simple réalisation d’investissements sur un élément d’infrastructure déterminé ne signifie pas que l’investisseur en cause est actif sur un quelconque marché lié à l’exploitation de cette infrastructure. Il en est d’autant plus ainsi lorsque de tels investissements visent à promouvoir l’exploitation de ladite infrastructure par différents opérateurs dans des conditions servant l’intérêt général, comme c’était le cas, selon les affirmations de la requérante, des investissements qu’elle prétend avoir réalisés sur le circuit du Nürburgring.

35 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, en substance, considéré, au point 56 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation de la requérante relative aux investissements qu’elle aurait réalisés sur le circuit du Nürburgring ne suffisaient pas à démontrer qu’elle était individuellement concernée, au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt, par la première décision litigieuse. Par conséquent, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

36 S’agissant de la première branche du premier moyen, tirée, en substance, de la violation de l’obligation de motivation par le Tribunal, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions, en vertu de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait de manière exhaustive et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 96 ainsi que jurisprudence citée).

37 Or, il ressort, à tout le moins implicitement, mais clairement, du point 56 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que l’argumentation de la requérante, tirée des investissements qu’elle aurait réalisés sur le circuit du Nürburgring, ne suffisait à démontrer ni qu’elle était présente sur le marché pertinent ni, encore moins, que sa position concurrentielle sur ce marché aurait été substantiellement affectée par la mesure faisant l’objet de la première décision litigieuse.

38 Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée, tout comme ce moyen dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen

39 Le deuxième moyen vise le point 69 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a relevé que, au regard des conditions strictes posées dans l’arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:761, points 53 à 59), il y avait lieu de considérer que la requérante n’avait pas établi avoir occupé, dans le cadre de la procédure formelle d’examen ayant précédé l’adoption de la première décision litigieuse, une position de négociatrice, clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de cette décision, susceptible de démontrer qu’elle était individuellement concernée par celle-ci.

–  Argumentation des parties

40 La requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’obligation de motivation et a dénaturé les faits et les éléments de preuve soumis à son appréciation. Elle estime avoir démontré, devant le Tribunal, qu’elle avait joué, dans la procédure administrative ayant abouti à l’adoption de la première décision litigieuse, un rôle actif et unique concernant l’exploitation du circuit du Nürburgring dans un but d’intérêt général. Sa position de négociatrice, clairement circonscrite et intimement liée à l’objet de cette décision, serait comparable à celle du Landbouwschap (organisme de droit public institué pour assurer dans le secteur agricole la protection des intérêts communs des opérateurs dans le respect de l’intérêt général, Pays-Bas) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, points 20 à 24), ainsi que du Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques (CIRFS) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111, points 29 et 30).

41 En effet, la requérante aurait négocié avec la Commission les aides qui font l’objet de la première décision litigieuse, en vue de garantir pour ses membres d’une manière conforme au droit des aides et dans un but d’intérêt général, l’exploitation de ce circuit et de s’assurer que ses investissements continueraient à contribuer à cet objectif. Ces circonstances matérielles caractériseraient la requérante par rapport à toute autre personne, de manière à lui conférer qualité pour agir contre la première décision litigieuse.

42 Dès lors, le Tribunal n’aurait pas pu écarter la qualité pour agir de la requérante sans expliquer pourquoi, à la lumière des moyens, des preuves et des arguments détaillés invoqués par celle-ci, les conditions nécessaires pour lui reconnaître une telle qualité n’étaient pas remplies. La référence du Tribunal, au point 69 de l’arrêt attaqué, aux « conditions strictes posées dans l’arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:761, points 53 à 59) », ne permettrait pas de comprendre quelles sont les conditions que le Tribunal a examinées. Le Tribunal aurait, dès lors, entaché son arrêt d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, ce qui constitue aussi une violation du droit d’être entendu et du droit à une protection juridictionnelle effective. De surcroît, en estimant que la requérante « n’a pas établi » avoir occupé, dans le cadre de la procédure formelle d’examen ayant précédé l’adoption de la première décision litigieuse, une position de négociatrice, sans toutefois expliquer quelles preuves produites par la requérante il a examinées, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de fait et de preuve.

43 La Commission estime que le deuxième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

–  Appréciation de la Cour

44 Il ressort du point 58 de l’arrêt attaqué que, devant le Tribunal, la requérante avait, notamment, soutenu qu’elle menait des négociations pour défendre les intérêts du sport automobile allemand, en particulier concernant le rétablissement et la promotion d’un circuit de course automobile au Nürburgring, et qu’elle avait participé à la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la première décision litigieuse en déposant une plainte et en communiquant des observations écrites et des éléments de preuve.

45 Aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé les considérations ayant amené la Cour à déclarer recevables les recours dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38), ainsi que du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111). En outre, au point 68 de cet arrêt, le Tribunal a énoncé, en se référant à sa propre jurisprudence et à celle de la Cour, que le fait qu’une association professionnelle a introduit la plainte à l’origine de la procédure formelle d’examen ou a présenté des observations lors de celle-ci ne suffisait pas pour reconnaître à cette association un statut particulier de négociateur.

46 Enfin, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a évoqué les « conditions strictes posées dans l’arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:761, points 53 à 59) », dans lequel la Cour avait elle-même rappelé les circonstances particulières des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38), ainsi que du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111), et expliqué en quoi celles-ci se distinguaient de la situation d’un simple intéressé ayant participé activement à la procédure qui a conduit à l’adoption d’une décision relative à une aide d’État.

47 Ces rappels jurisprudentiels permettent de comprendre pourquoi l’argumentation de la requérante, résumée au point 58 de l’arrêt attaqué, ne suffisait pas pour lui conférer la qualité de négociatrice, au sens de la jurisprudence citée aux points 66 à 69 de l’arrêt attaqué.

48 Dès lors, la motivation exposée par le Tribunal aux points 65 à 69 de l’arrêt attaqué, quoique relativement succincte, suffit pour permettre à la requérante de comprendre les motifs du rejet de son argumentation avancée à l’appui de la recevabilité de sa demande d’annulation de la première décision litigieuse, fondée sur la jurisprudence issue des arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38), ainsi que du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, EU:C:1993:111).

49 Quant à l’allégation d’une prétendue dénaturation, par le Tribunal, des éléments de fait et de preuve, elle doit être écartée comme étant irrecevable, dans la mesure où la requérante n’a identifié ni les éléments précis que le Tribunal aurait dénaturés ni en quoi ce dernier les aurait dénaturés (voir, en ce sens, ordonnance du 1er février 2017, Vidmar e.a./Commission, C‑240/16 P, EU:C:2017:89, points 26 et 27).

50 Il ressort des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

51 Les premier et deuxième moyens devant être rejetés, il y a lieu de rejeter le pourvoi pour autant qu’il vise l’annulation de l’arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la première décision litigieuse.

Sur les moyens relatifs à la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse

Sur la recevabilité du recours devant le Tribunal

52 Sans former un pourvoi incident, la Commission demande à la Cour d’examiner la recevabilité du recours, en tant qu’il visait l’annulation de la seconde décision litigieuse, dès lors que, selon elle, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion de « partie intéressée », au sens de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE ainsi que de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 et a considéré à tort que la requérante pouvait prétendre à cette qualité.

53 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Cour, saisie d’un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, est tenue de se prononcer, au besoin d’office, sur le moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance des conditions de recevabilité d’un recours en annulation introduit par un particulier au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

54 Il ressort des points 84 à 89 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, en substance, jugé que la requérante était recevable à demander l’annulation de la seconde décision litigieuse en tant que partie intéressée et afin d’assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

55 En premier lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a effectué une lecture partielle de la jurisprudence de la Cour en la matière et a méconnu le fait que la qualité de partie intéressée présuppose l’existence d’un rapport de concurrence.

56 Cet argument doit toutefois être écarté. En effet, la notion de « partie intéressée » est définie à l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 comme visant « toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ». Cette disposition reprend la définition de la notion d’« intéressés », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, telle qu’elle résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

57 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 30 de ses conclusions, si une entreprise concurrente du bénéficiaire d’une mesure d’aide présente incontestablement la qualité de « partie intéressée », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, un organisme qui n’est pas concurrent du bénéficiaire de l’aide en cause peut aussi se voir reconnaître cette qualité, pour autant qu’il ait démontré que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de cette aide. Selon la jurisprudence de la Cour, cela exige qu’il démontre que ladite aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 65, ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).

58 Dès lors, doit être écarté l’argument de la Commission selon lequel il découle des arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435), du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341), ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873), que la qualité de partie intéressée présuppose une relation de concurrence.

59 En effet, ainsi qu’il ressort du point 104 de l’arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435), la Cour a reconnu à un syndicat d’ouvriers la qualité de partie intéressée en se fondant sur l’atteinte potentielle portée aux intérêts de celui-ci ainsi qu’à ceux de ses membres, par les mesures en cause dans cette affaire, lors des négociations collectives.

60 Quant à l’arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 64), la Cour n’a pas fondé son analyse sur un rapport de concurrence entre le bénéficiaire de l’aide et l’entreprise partie requérante dans cette affaire, mais s’est fondée sur le fait que cette dernière entreprise nécessitait pour son processus de production la même matière première que ce bénéficiaire.

61 Enfin, l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43), invoqué par la Commission, est dépourvu de pertinence. En effet, au point 43 de cet arrêt, il était question non pas de la qualité de partie intéressée d’une personne ou d’une entreprise, mais de l’éventuelle atteinte directe, au regard d’une décision de la Commission ayant laissé entiers les effets des mesures nationales en cause qui instituaient un régime d’aides, à la situation juridique d’un plaignant qui allègue que ces mesures le placent dans une situation concurrentielle désavantageuse.

62 En second lieu, la Commission fait valoir que la reconnaissance par le Tribunal de la qualité de partie intéressée de la requérante repose, ainsi qu’il ressort du point 88 de l’arrêt attaqué, sur le fait que celle-ci dispose potentiellement d’informations pertinentes. Or, le simple fait qu’une personne dispose d’informations qui pourraient être pertinentes dans le cadre d’une procédure formelle d’examen d’une mesure en vue de déterminer si elle constitue une aide d’État illégale ne suffirait pas à lui reconnaître une telle qualité.

63 Certes, au point 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé à la qualité, que présentait la requérante, « d’association dont le but, non lucratif, est le rétablissement et la promotion d’un circuit de course automobile au Nürburgring et la promotion des intérêts collectifs de ses membres, dont certains organisent des manifestations sportives sur ledit circuit », ainsi qu’au fait que les intérêts de la requérante « ont pu être concrètement affectés par l’octroi de l’aide qui, selon la requérante, aurait dû être constatée dans la seconde décision [litigieuse], du fait que la procédure d’appel d’offres n’aurait pas été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle et n’aurait pas abouti à la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn au prix de marché ».

64 Toutefois, il ressort du point 88 de cet arrêt que, afin de reconnaître à la requérante la qualité de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, le Tribunal s’est en définitive fondé sur le fait qu’il ne pouvait « être exclu que la requérante, compte tenu de son objet, qui vise précisément au rétablissement et à la promotion d’un circuit de course automobile au Nürburgring, et du fait qu’elle a participé à la première phase de la procédure d’appel d’offres et recueilli, dans ce cadre, un grand nombre d’informations portant sur les actifs du Nürburgring, soit en mesure de présenter à la Commission, dans le cadre de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, des observations que celle-ci serait susceptible d’intégrer dans son appréciation du caractère ouvert, transparent, non discriminatoire et inconditionnel de la procédure d’appel d’offres et de la question de savoir si les actifs du Nürburgring ont été cédés, dans ce cadre, au prix de marché ».

65 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 33 et 34 de ses conclusions, le fait qu’une personne dispose d’informations qui pourraient être pertinentes dans le cadre d’une procédure formelle d’examen d’une aide ne signifie pas que les intérêts d’une telle personne pourraient être affectés par l’octroi de cette aide et que celle-ci risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation, au sens de la jurisprudence citée au point 57 du présent arrêt. Partant, la simple détention d’informations pertinentes ne suffit pas pour qualifier cette personne de partie intéressée.

66 Il ressort cependant du dossier de première instance, transmis à la Cour conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que, devant le Tribunal, la requérante avait, notamment, fait valoir qu’elle est une association qui défend les intérêts de l’ensemble du sport automobile allemand en rapport avec le circuit du Nürburgring, que son objectif central est de garantir l’exploitation de ce circuit dans des conditions économiques orientées sur l’intérêt général assurant l’accès à celui-ci également aux sportifs amateurs et que Capricorn poursuit un concept visant la maximalisation des gains, incompatible avec les objectifs de la requérante.

67 Au regard de ces arguments, non contestés par la Commission, il doit être admis que l’octroi allégué d’une aide à Capricorn en lien avec l’acquisition du Nürburgring pourrait affecter les intérêts de la requérante et de ses membres, de telle sorte que celle-ci doit être qualifiée de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999.

68 Partant, il y a lieu de de considérer que la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse est recevable.

Sur le troisième moyen

69 Par son troisième moyen, la requérante conteste le point 83 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a considéré qu’elle-même ou l’un ou l’autre de ses membres ne pouvaient pas, pour les mêmes raisons que celles indiquées à l’égard de la première décision litigieuse, être considérés comme étant individuellement concernés par la seconde décision litigieuse.

70 Ce moyen vise des motifs de l’arrêt attaqué qui ne constituent pas le soutien nécessaire de son dispositif. En effet, ainsi qu’il ressort du point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la requérante était recevable à demander l’annulation de la seconde décision litigieuse et, comme il ressort du point 68 du présent arrêt, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette conclusion.

71 Partant, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant inopérant.

Sur le quatrième moyen

72 Le quatrième moyen s’articule en cinq branches. Il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les deuxième, quatrième et cinquième branches de ce moyen.

–  Argumentation des parties

73 Par la deuxième branche du quatrième moyen la requérante fait valoir que, aux points 152 à 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé une lettre de Deutsche Bank AG du 10 mars 2014, qui venait au soutien de l’offre de Capricorn, en considérant qu’il n’apparaissait pas que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère contraignant de cette lettre. La requérante rappelle que, devant le Tribunal, elle avait attiré l’attention sur le fait que ladite lettre comportait, à la dernière page, une « remarque importante », dont il ressortait que les termes et les conditions y figurant n’étaient pas censés fonder des obligations juridiquement contraignantes. D’autres passages de la même remarque confirmeraient cette appréciation. Selon la requérante, si le Tribunal n’avait pas dénaturé la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, il aurait dû constater que cette dernière ne s’estimait pas liée par ladite lettre.

74 Dans le cadre de la quatrième branche du quatrième moyen, la requérante fait valoir que l’affirmation du Tribunal, au point 166 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les faits postérieurs au 11 mars 2014 n’étaient pas pertinents pour l’examen de la question de savoir si une aide avait éventuellement été octroyée à Capricorn dans le cadre de la procédure d’appel d’offres témoigne d’une erreur de droit et d’une dénaturation des preuves par le Tribunal et est, en outre, entachée d’une insuffisance de motivation.

75 Selon la requérante, la Commission disposait, lors de l’adoption de la seconde décision litigieuse, d’informations et d’indices détaillés attestant que Capricorn avait bénéficié d’un avantage injustifié, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres non transparente et discriminatoire, qui a conduit à ce que les actifs du Nürburgring lui soient adjugés, malgré son absence de solvabilité. Ces informations auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, et ce contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 167 de l’arrêt attaqué, même en l’absence de nouvelle plainte déposée par la requérante.

76 Enfin, la cinquième branche du quatrième moyen vise les points 173 à 176 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a rejeté les arguments de la requérante résumés aux points 170 et 171 de cet arrêt. Selon la requérante, le Tribunal s’est limité à résumer son argumentation au point 170 de l’arrêt attaqué, sans l’examiner ni fournir une motivation pour le rejet de celle-ci. Il en irait de même de l’argumentation relative au contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring, évoqué au point 171 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal se serait limité à indiquer que le loyer a été payé à une société indépendante des vendeurs et que le prix de vente des actifs du Nürburgring a été réduit du montant des loyers, qui devaient être imputés sur ce prix jusqu’au jour où la vente soit devenue parfaite. Le Tribunal aurait simplement jugé, sans fournir d’explication, que la Commission n’aurait pas dû avoir de doutes à l’égard de l’existence d’un avantage injustifié, ce qui constitue une dénaturation des éléments de preuve avancés par la requérante et témoigne d’une erreur de droit dans l’application de l’article 107 et de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

77 La Commission estime, à titre principal, que la deuxième branche du quatrième moyen est inopérante. Selon elle, les constatations figurant aux points 152, 154 et 155 de l’arrêt attaqué, non contestées par la requérante, suffisent pour étayer les considérations du Tribunal relatives au fait qu’il n’apparaissait pas que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère contraignant de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, à supposer que, au point 153 de cet arrêt, le Tribunal ait dénaturé les faits.

78 En tout état de cause, la deuxième branche du quatrième moyen serait non fondée. La lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 utiliserait, à maintes reprises, le terme « engagement ». En réalité, la requérante ne contesterait que l’interprétation de ce terme par le Tribunal, dans le contexte d’autres déclarations contenues dans la même lettre. Or, cela relèverait de l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal, laquelle comprendrait également l’interprétation de contrats conclus en vertu du droit national.

79 Pour ce qui est de la quatrième branche du quatrième moyen, la Commission estime qu’elle procède d’une lecture erronée des points 165 à 169 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y aurait apporté une réponse négative à la question de savoir si l’allégation de la requérante, résumée au point 163 de cet arrêt, selon laquelle le 13 août 2014 Capricorn aurait été remplacée par un sous-acquéreur dans le cadre d’une procédure non transparente de revente des actifs du Nürburgring, aurait dû être examinée dans la seconde décision litigieuse. Selon la Commission, cette réponse est correcte, dans la mesure où des circonstances postérieures à la vente des actifs du Nürburgring ne sont pas pertinentes pour l’appréciation de la question de savoir si l’administrateur judiciaire du Nürburgring a, lors de cette vente, agi comme un investisseur en économie de marché. Or, un tel investisseur n’aurait pas pu prendre en considération des faits, tels que ceux allégués par la requérante, qui ne se sont produits qu’après la conclusion de la vente. Quand bien même la Commission aurait disposé, lors de l’adoption de la seconde décision litigieuse, des informations invoquées par la requérante dans son argumentation, celles-ci seraient dépourvues de pertinence pour l’application du principe du vendeur en économie de marché au contrat de vente du 11 mars 2014, conclu entre l’administrateur judiciaire du Nürburgring et Capricorn.

80 Enfin, en réponse à la cinquième branche du quatrième moyen, la Commission soutient que l’argumentation de la requérante, résumée aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué, ne remettait pas en cause le respect du critère du vendeur en économie de marché. En particulier, les arguments résumés au point 170 de cet arrêt porteraient sur des événements postérieurs à la conclusion dudit contrat de vente. Il en irait de même de la conclusion d’un contrat de bail, évoquée au point 171 dudit arrêt. Aux points 173 à 174 du même arrêt, le Tribunal aurait fourni une motivation concise mais claire pour justifier le rejet de ces arguments. Il aurait été logique pour le Tribunal de renvoyer aux points 138 à 158 de l’arrêt attaqué, dès lors que le Tribunal y a exposé que le prix de vente des actifs du Nürburgring a été déterminé dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres ouverte et transparente et qu’aucun doute n’existait quant au financement de l’offre retenue. Quant à l’argument de la requérante tiré d’une dénaturation des éléments de preuve, il serait impossible de comprendre quelle est la base de cette affirmation, ce d’autant plus que la requérante reconnaîtrait, elle-même, que le Tribunal a correctement résumé son argumentation aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué.

–  Appréciation de la Cour

81 Il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, la deuxième branche du quatrième moyen vise non seulement le point 153 de l’arrêt attaqué, mais aussi les points 152 et 154 à 156 de cet arrêt. Partant, elle ne saurait être écartée comme étant inopérante.

82 Aux fins de l’examen de cette branche, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 151 de l’arrêt attaqué, il avait été précisé aux investisseurs intéressés par l’acquisition des actifs du Nürburgring qu’ils seraient notamment sélectionnés à la lumière de la probabilité de conclusion de la transaction. L’un des facteurs devant être pris en considération à cet égard était la sécurisation du financement de leur offre, attestée par une confirmation du financement émise par leurs partenaires financiers.

83 Il ressort des considérants 50, 273 et 278 de la décision finale que la Commission a estimé que le financement de l’offre de Capricorn était assuré, dès lors que cette dernière avait produit la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, laquelle présenterait un caractère contraignant.

84 Aux points 152 à 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a vérifié si l’examen effectué par la Commission, rejoignant l’analyse des autorités allemandes, était de nature à écarter la présence de doutes quant au caractère contraignant de cette lettre et il est parvenu à la conclusion, au point 156 de cet arrêt, que tel était effectivement le cas.

85 Il y a lieu, dès lors, d’examiner si, comme le fait valoir la requérante, dans le cadre de cet examen, le Tribunal a dénaturé le contenu de ladite lettre.

86 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37, ainsi que du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 60).

87 En l’espèce, il ressort de la lecture de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, telle qu’elle a été produite par la Commission devant le Tribunal et figure au dossier de première instance, que celle-ci comporte, à la première page, une indication claire selon laquelle l’« engagement » contenu dans cette lettre est soumis aux conditions exposées, notamment, dans la « feuille de conditions » annexée à ladite lettre en tant qu’annexe A. 

88 Or, comme le fait valoir à juste titre la requérante, cette annexe comporte, à la fin, une « remarque importante », laquelle indique, notamment, que « cette feuille de conditions sert uniquement à des fins de discussion et n’est pas censée créer des obligations juridiquement contraignantes entre nous [...] Par conséquent nous n’acceptons pas de responsabilité pour toute perte directe, consécutive ou autre résultant du fait de s’être basé sur cette [même] lettre ».

89 Il ressort de manière manifeste de ces indications que la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 ne créait pas d’obligation de financement contraignante à la charge de la banque qui l’a émise et au profit de Capricorn.

90 Cette conclusion est, au demeurant, confirmée par l’indication figurant au paragraphe 9 de la page 5 de cette lettre, intitulé « Droit applicable et compétence », lequel se réfère à « toute obligation non contractuelle éventuelle » découlant de ladite lettre, sans évoquer des obligations contractuelles, précisément parce que cette même lettre n’était pas censée créer de telles obligations.

91 Il importe peu, à cet égard, que, comme le Tribunal l’a relevé aux points 152 et 153 de l’arrêt attaqué, la même lettre indique que Deutsche Bank est « disposée à consentir » à Capricorn un prêt de 45 millions d’euros et qu’elle se réfère, à plusieurs reprises, à l’« engagement » pris par Deutsche Bank à l’égard de Capricorn, dans la mesure où il ressort clairement des indications rappelées au point 88 du présent arrêt que cet « engagement » ne créait pas d’obligations juridiquement contraignantes de financement, pas plus que les lettres antérieures de Deutsche Bank évoquées par le Tribunal au point 154 de l’arrêt attaqué. Le fait que l’absence de caractère contraignant de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 a été évoquée en des termes différents de ceux des dernières lettres ne remet pas en cause cette conclusion.

92 Il s’ensuit que, comme le fait valoir la requérante par la deuxième branche du quatrième moyen, le Tribunal a dénaturé le contenu de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 et que, partant, cette branche est fondée.

93 Dans le cadre de la quatrième branche du quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis une erreur de droit en écartant, au point 166 de l’arrêt attaqué, ses arguments résumés aux points 162 et 163 de cet arrêt.

94 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 108 de ses conclusions, devant le Tribunal, la requérante a, en substance, fait valoir que, après la conclusion, le 11 mars 2014, de la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn, cette dernière et les vendeurs avaient conclu un accord de garantie pour le paiement des tranches du prix de vente, lequel prévoyait la possibilité, en cas de défaut de paiement réitéré de la deuxième tranche du prix de vente, de devoir revendre ces actifs, ce qui s’était effectivement produit.

95 Au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que l’aide qui, selon la requérante, aurait dû être constatée par la Commission dans la seconde décision litigieuse, aurait été accordée à Capricorn le 11 mars 2014, date de la vente desdits actifs à cette dernière à un prix prétendument inférieur au prix du marché. Le Tribunal en a déduit que les faits postérieurs à cette date n’étaient pas pertinents pour l’examen de la question de savoir si une aide avait éventuellement été octroyée à Capricorn dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Il a ajouté, au point 167 de l’arrêt attaqué, que, si la requérante souhaitait que la Commission examine également l’existence d’une aide nouvelle, résultant de la poursuite alléguée du processus de vente, elle aurait dû déposer une nouvelle plainte à ce sujet.

96 À cet égard, il est exact que, s’il devait être considéré que Capricorn s’était vu octroyer une aide correspondant à la différence entre le prix de marché des actifs du Nürburgring et le prix d’acquisition de ceux-ci par Capricorn, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres qui ne répondrait pas aux exigences d’ouverture, de transparence, d’inconditionnalité et de caractère non discriminatoire, une telle aide aurait nécessairement été octroyée le 11 mars 2014, date d’attribution de ces actifs à Capricorn et de la signature du contrat de vente les concernant.

97 Toutefois, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal au point 166 de l’arrêt attaqué, cela ne signifie pas que des faits postérieurs à cette date étaient par définition dépourvus de toute pertinence pour l’appréciation de la question de savoir si une telle aide avait effectivement été octroyée.

98 Il importe, en effet, de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment de son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 70 ainsi que jurisprudence citée). Comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 102 et 103 de ses conclusions, la phase préliminaire de la procédure d’examen en matière d’aides d’État prend fin au moment de l’adoption, par la Commission, de l’une des décisions prévues à l’article 4 du règlement no 659/1999, si bien qu’il ne saurait être exclu que des éléments d’analyse nouveaux puissent apparaître après la fin de la procédure d’appel d’offres, mais avant l’adoption de la décision de la Commission y afférente.

99 En particulier, ainsi qu’il ressort des points 82 et 83 du présent arrêt, le fait que le financement de l’offre de Capricorn était assuré était à tout le moins l’un des facteurs ayant justifié l’attribution des actifs du Nürburgring à celle-ci.

100 Or, les faits allégués par la requérante, tels que résumés au point 94 du présent arrêt, bien que postérieurs à l’attribution des actifs du Nürburgring à Capricorn, s’ils étaient avérés, seraient susceptibles de jeter un doute sur le bien-fondé de la conclusion des responsables de la procédure d’appel d’offres, selon laquelle le financement de l’offre de Capricorn était assuré et, partant, sur le caractère transparent et non discriminatoire de cette procédure, étant rappelé que, ainsi qu’il ressort du point 157 de l’arrêt attaqué, une autre offre a été écartée pour absence de preuve de financement.

101 En effet, la question se pose de savoir pourquoi, si Capricorn disposait d’un financement assuré de son offre, elle a dû renégocier le paiement du prix de vente par tranches et, en définitive, n’a pas pu payer la deuxième tranche, ce qui a conduit à la revente des actifs du Nürburgring.

102 Il s’ensuit que, en écartant la pertinence des faits allégués par la requérante et résumés au point 94 du présent arrêt au seul motif qu’ils étaient postérieurs à la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn, le Tribunal a commis une erreur de droit. Partant, la quatrième branche du quatrième moyen est fondée.

103 Enfin, par la cinquième branche du quatrième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le rejet, par le Tribunal, aux points 173 à 176 de l’arrêt attaqué, de ses arguments résumés aux points 170 et 171 de cet arrêt est entaché d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation.

104 Il y a lieu de relever, à cet égard, que, au point 170 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé quatre arguments avancés par la requérante dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen de son recours. Selon le Tribunal, ces arguments tendaient à démontrer que tant le prix d’achat des actifs du Nürburgring par Capricorn que les modalités de paiement de ce prix contenaient des éléments d’aide, étant donné que, premièrement, 6 millions d’euros issus de l’excédent brut d’exploitation du gestionnaire du Nürburgring devaient être imputés sur le prix de vente, alors que ce gestionnaire avait indiqué au cours de l’année 2013 que ses espérances de gains sur les actifs du Nürburgring étaient nulles, deuxièmement, le paiement de la deuxième tranche du prix de vente a été reporté, troisièmement, la pénalité de 25 millions d’euros qui était prévue dans le contrat d’achat en cas de défaut de paiement n’avait pas été recouvrée et, quatrièmement, un sous-acquéreur s’était vu céder les actifs du Nürburgring dans le cadre d’une procédure non transparente.

105 Au point 171 de cet arrêt, le Tribunal a résumé un argument additionnel avancé par la requérante dans le même contexte, selon lequel le contrat par lequel les actifs du Nürburgring ont été donnés à bail à Capricorn pour une période courant à partir du 1er janvier 2015, en vue d’aménager une situation transitoire correspondant à la réalisation éventuelle de la condition dont la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn était assortie, à savoir l’adoption par la Commission d’une décision écartant tout risque que l’acquéreur desdits actifs puisse être tenu de rembourser les aides aux vendeurs, n’avait pas été lui-même soumis à une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle, de sorte que les loyers de ce bail ne correspondraient pas à un prix de marché et contiendraient de nouveaux éléments d’aide. Il aurait été convenu entre les vendeurs et Capricorn que les loyers dudit bail jusqu’au jour où la vente fût devenue parfaite s’imputeraient sur le prix de vente des actifs du Nürburgring.

106 En réponse à ces arguments, le Tribunal s’est contenté de relever, au point 173 de l’arrêt attaqué, que « [p]our les raisons exposées aux points 138 à 158 [de cet arrêt], il n’y a pas lieu de considérer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère transparent et non discriminatoire de la procédure d’appel d’offres ». Il a ajouté, au point 174 dudit arrêt, qu’il résultait également de ces mêmes raisons que « l’examen effectué par la Commission ayant mené à l’adoption de la seconde décision [litigieuse] était de nature à écarter la présence de doutes quant à l’existence d’un avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre du contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring ou des autres modalités de paiement du prix de vente desdits actifs ».

107 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 115 de ses conclusions, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence citée au point 36 du présent arrêt, une telle motivation ne répond pas, fût-ce implicitement, aux arguments de la requérante résumés aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué et ne permet pas de comprendre le raisonnement suivi par le Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel.

108 En effet, les motifs exposés aux points 138 à 158 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal a renvoyé au point 173 de cet arrêt, concernent, d’une part, le caractère non transparent et discriminatoire de la procédure d’appel d’offres au regard, en particulier, de l’absence de transparence des données financières, de l’absence de transparence et du caractère discriminatoire des critères d’évaluation et de leur application ainsi que de la poursuite du processus de vente après la cession des actifs du Nürburgring à Capricorn et, d’autre part, la question du financement de l’offre de cette dernière. Ils ne permettent pas, dès lors, de comprendre pourquoi les arguments de la requérante résumés aux points 170 et 171 dudit arrêt ont été écartés.

109 Partant, il y a lieu de conclure que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation, s’agissant du rejet par le Tribunal de ces arguments. Il s’ensuit que la cinquième branche du quatrième moyen est fondée.

110 Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les première et troisième branches du quatrième moyen, pas plus que le cinquième moyen, il y a lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué, en ce que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse.

Sur le recours devant le Tribunal

111 Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

112 En l’espèce, au vu, notamment, de la circonstance que le recours en annulation introduit par la requérante dans l’affaire T‑373/15 est fondé sur des moyens ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime que ce recours est en état d’être jugé et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 130), dans la limite du litige dont elle reste saisie, à savoir la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 134).

113 Il y a lieu de rappeler que la seconde décision litigieuse est une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, dont la légalité dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur.

114 Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

115 À cet égard, il y a lieu de relever qu’il n’appartient certes pas au juge de l’Union d’interpréter le recours d’un requérant mettant en cause exclusivement le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide en tant que telle comme visant en réalité à sauvegarder les droits procéduraux que le requérant tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE lorsque celui-ci n’a pas expressément formé de moyen poursuivant cette fin, sous peine de transformer l’objet de ce recours (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 55). Toutefois, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il conteste essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en violation de ses droits procéduraux, alors que l’existence de doutes sur la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur l’y obligeait. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut donc invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen, aurait dû susciter de tels doutes, sans que l’utilisation de ces arguments transforme l’objet du recours. Il en résulte que le juge de l’Union peut examiner des arguments de fond avancés par un requérant afin de vérifier s’ils apportent aussi des éléments à l’appui d’un moyen, également soulevé par ce requérant, soutenant expressément l’existence de doutes qui auraient justifié l’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 56 et 59).

116 En l’espèce, la qualité de « partie intéressée » de la requérante, au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, a déjà été reconnue au point 67 du présent arrêt. Celle-ci a invoqué, à l’appui de son recours, neuf moyens. À l’exception du septième moyen, invoqué au soutien de la demande d’annulation de la première décision litigieuse, les autres moyens sont invoqués à l’appui de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse.

117 Les cinquième et huitième moyens sont explicitement tirés de la violation des droits procéduraux de la requérante, en ce que la Commission s’est abstenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en dépit du fait que la vente des actifs du Nürburgring à un prix inférieur à leur prix de marché aurait dû la conduire à considérer qu’une aide avait été octroyée à l’acquéreur.

118 Afin de se prononcer sur ces moyens, conformément à la jurisprudence citée au point 115 du présent arrêt, il convient d’examiner, dans un premier temps et de manière conjointe, les première et troisième branches du premier moyen ainsi que le deuxième moyen, tirés, en substance, d’une appréciation erronée par la Commission de la confirmation du financement de l’offre de Capricorn.

Argumentation des parties

119 Par les première et troisième branches de son premier moyen ainsi que par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la constatation de la Commission, figurant aux considérants 50, 51, 266, 271 et 273 de la décision finale, selon laquelle Capricorn avait produit un engagement financier de Deutsche Bank concernant un prêt de 45 millions d’euros est manifestement erronée, dans la mesure où il ressort des termes de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 que celle-ci n’était pas contraignante.

120 Elle ajoute que la note 79 en bas de page de la décision finale démontre que la Commission avait connaissance de l’accord, mentionné au point 94 du présent arrêt, conclu le 13 août 2014 entre l’administrateur judiciaire du Nürburgring, les vendeurs et Capricorn, et prévoyant, notamment, le report de paiement de la deuxième tranche du prix de vente par Capricorn. Or, cet accord démontrerait l’absence de confirmation de financement de l’offre de Capricorn.

121 La Commission conteste ces arguments. Elle se réfère aux termes de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, qui fait notamment état, à plusieurs reprises d’un « engagement » de la part de Deutsche Bank et estime, dès lors, qu’elle n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation de cette lettre.

122 S’agissant de l’accord du 13 août 2014, elle précise que, lors de l’adoption de la décision finale, elle n’était pas en possession du texte de cet accord, lequel ne lui aurait pas été transmis dans le cadre de la procédure administrative. Les informations figurant à la note 79 en bas de page de la décision finale proviendraient d’une communication de la République fédérale d’Allemagne. En tout état de cause, elle souligne qu’elle n’a pas fondé la seconde décision litigieuse sur le fait que la preuve du financement fournie par Deutsche Bank existait encore à l’époque de l’adoption de cette décision.

Appréciation de la Cour

123 Il convient de relever que, pour écarter l’existence d’une aide illégale octroyée à Capricorn lors de l’acquisition, par celle-ci, des actifs du Nürburgring, la Commission devait s’assurer que cette acquisition a été effectuée à un prix correspondant au prix de marché, ce qui serait le cas s’il pouvait être confirmé que la procédure d’appel d’offres a été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle.

124 Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 82du présent arrêt, l’un des facteurs pris en considération aux fins de la sélection de l’acquéreur des actifs du Nürburgring était la confirmation du financement de son offre.

125 En effet, il ressort du considérant 116 de la décision finale qu’un autre soumissionnaire, lequel a déposé une plainte devant la Commission, avait proposé dans le cadre de la procédure d’appel d’offres un prix d’achat de l’ensemble des actifs du Nürburgring supérieur à celui proposé par Capricorn. Or, il ressort du considérant 272 de la décision finale que cette offre a été écartée pour absence de preuve de financement.

126 Selon le considérant 273 de la décision finale, seules deux offres ont été considérées comme disposant d’un financement assuré, à savoir l’offre de Capricorn et celle d’un autre soumissionnaire. Toutefois, dans la mesure où tant le montant du financement assuré dont disposait cet autre soumissionnaire que le prix de vente qu’il proposait étaient inférieurs à ceux de Capricorn, l’offre de cette dernière a finalement été retenue.

127 Il s’ensuit que, s’il devait s’avérer qu’il avait été considéré à tort que Capricorn disposait d’un financement confirmé pour son offre, alors que, en réalité, tel n’était pas le cas, cette circonstance serait de nature à remettre en cause, notamment, le caractère non discriminatoire de la procédure d’appel d’offres, dans la mesure où elle serait susceptible de démontrer que Capricorn avait bénéficié d’un traitement préférentiel et n’a pas vu son offre écartée, à la différence d’au moins un autre soumissionnaire qui n’a pas pu fournir la preuve d’un financement confirmé de son offre.

128 Partant, en présence de doutes quant au caractère confirmé du financement de l’offre de Capricorn qui n’auraient pas pu être dissipés, la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen et ne pouvait pas adopter une décision de ne pas soulever d’objections, telle que la seconde décision litigieuse.

129 Force est de constater que les éléments invoqués par la requérante démontrent l’existence de tels doutes.

130 D’une part, pour les motifs exposés aux points 87 à 91 du présent arrêt, la Commission ne pouvait pas considérer que la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 contenait un engagement de financement contraignant.

131 D’autre part, comme le fait valoir la requérante, il ressort de la note 79 en bas de page de la décision finale que la deuxième tranche du prix de vente n’a pas été payée par Capricorn dans le délai imparti et que, par un accord conclu le 13 août 2014 entre l’administrateur judiciaire du Nürburgring, les vendeurs et Capricorn, le paiement de cette tranche a été reporté à une date ultérieure, en contrepartie du paiement d’intérêts de retard par Capricorn et de la fourniture de garanties complémentaires. Or, si le financement de l’offre de Capricorn était effectivement assuré, cette dernière aurait logiquement été en mesure de payer la deuxième tranche du prix de vente dans le délai imparti et n’aurait pas dû négocier le report de son paiement.

132 Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner le reste de l’argumentation avancée par la requérante à l’appui de son recours, pour autant que celui-ci vise l’annulation de la seconde décision litigieuse, il y a lieu de conclure que l’appréciation de la question de savoir si la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn impliquait l’octroi, à cette dernière, d’une aide incompatible avec le marché intérieur soulevait des doutes, au sens de l’article 4 du règlement no 659/1999, lesquels auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

133 Dès lors, il y a lieu de faire droit au recours et d’annuler la seconde décision litigieuse.

Sur les dépens

134 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

135 Selon l’article 138, paragraphe 3, première phrase, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

136 En l’espèce, il y a lieu de faire application de cette dernière disposition, dans la mesure où le pourvoi est rejeté en ce qu’il vise l’arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la première décision litigieuse, mais qu’il est accueilli en ce qu’il vise cet arrêt en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse, et que la Cour annule cette décision.

137 Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 juin 2019, Ja zum Nürburgring/Commission (T‑373/15, EU:T:2019:432), est annulé, en tant que, par celui-ci, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté la demande d’annulation de l’article 1er, dernier tiret, de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring.

2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3) L’article 1er, dernier tiret, de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring, est annulé.

4) Ja zum Nürburgring eV et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.