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Décisions

CJUE, 4e ch., 2 septembre 2021, n° C-57/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne, République de Pologne

Défendeur :

Tempus Energy Ltd, Tempus Energy Technology Ltd

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras (rapporteur)

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin, M. Jürimäe

Avocat général :

M. Tanchev

Avocats :

Me Derenne, Me Vallindas, Me Ziegler, Me Mackersie, Me Shibli, Me McCrory, Me Facenna

CJUE n° C-57/19 P

2 septembre 2021

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (T‑793/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:790), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2014) 5083 final de la Commission, du 23 juillet 2014, de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aides relatif au marché de capacité au Royaume-Uni (aide d’État 2014/N‑2) (JO 2014, C 348, p. 5, ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 659/1999

2 L’article 4 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), intitulé « Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission », applicable au régime d’aides en cause, dispose, à ses paragraphes 2 à 5 :

« 2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107], paragraphe 1, [TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci‑après dénommée “décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108], paragraphe 2, [TFUE] (ci‑après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”).

5. Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l’État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts. »

3 L’article 6 de ce règlement, intitulé « Procédure formelle d’examen », énonce, à son paragraphe 1 :

« La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »

Le code de bonnes pratiques

4 Le code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État (JO 2009, C 136, p. 13, ci‑après le « code de bonnes pratiques ») contient, notamment, un titre 3, intitulé « Phase de prénotification », dans lequel figurent les points 10 à 18 de ce code. Les points 10 à 16 sont ainsi libellés :

« 10. L’expérience de la Commission démontre la valeur ajoutée des contacts préalables à la notification, même dans des cas apparemment classiques. Ces contacts à un stade précoce permettent aux services de la Commission et à l’État membre notifiant d’examiner ensemble, de manière informelle et dans un climat de confiance, les aspects juridiques et économiques d’un projet avant sa notification, ce qui permet d’améliorer la qualité et l’exhaustivité de celle-ci. Dans ce contexte, l’État membre et les services de la Commission peuvent aussi conjointement élaborer des propositions constructives pour remédier aux aspects d’une mesure envisagée qui posent problème. Cette phase ouvre donc la voie à un traitement plus rapide des notifications, une fois qu’elles sont formellement soumises à la Commission. Des prénotifications fructueuses devraient effectivement permettre à la Commission d’adopter des décisions au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement [...] no 659/1999 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification [...]

11. Les contacts préalables à la notification sont fortement recommandés dans les cas présentant des nouveautés particulières ou des caractéristiques spécifiques qui justifieraient des discussions informelles préalables avec les services de la Commission. Des orientations informelles seront néanmoins données chaque fois qu’un État membre en fera la demande.

3.1. Contenu

12. La phase de prénotification offre la possibilité de discuter et de fournir des orientations à l’État membre concerné sur la portée des informations à communiquer dans le formulaire de notification pour garantir sa conformité au moment de la notification. Une phase de prénotification bien menée permettra également d’examiner, dans une atmosphère ouverte et constructive, tout problème de fond soulevé par une mesure proposée. Cet aspect est particulièrement important dans le cas de projets qui ne pourraient pas être acceptés tels quels et qui devraient donc être retirés ou considérablement modifiés. Cette phase peut aussi comporter une analyse de la disponibilité d’autres bases juridiques ou l’identification de précédents utiles. Par ailleurs, une phase de prénotification bien exploitée permettra aux services de la Commission et à l’État membre de résoudre des problèmes de concurrence importants, de procéder à une analyse économique et, s’il y a lieu, de faire appel à des compétences externes pour démontrer la compatibilité d’un projet envisagé avec le marché commun. L’État membre notifiant peut alors aussi demander aux services de la Commission, au stade de la prénotification, à être dispensé de l’obligation de fournir certaines des informations prévues dans le formulaire de notification qui, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, ne sont pas nécessaires à son examen. Enfin, la phase de prénotification est décisive pour déterminer si un cas est susceptible, à première vue, d’être traité selon la procédure simplifiée [...]

3.2. Portée et délai

13. Pour que la phase de prénotification soit constructive et efficace, il est de l’intérêt de l’État membre concerné de communiquer à la Commission les informations nécessaires à l’appréciation d’un projet d’aide d’État, sur la base d’un projet de formulaire de notification. Afin de permettre un traitement rapide du dossier, les contacts par courrier électronique ou les téléconférences seront en principe préférés aux réunions. Dans les deux semaines à compter de la réception du projet de formulaire de notification, les services de la Commission organiseront généralement un premier contact de prénotification.

14. En règle générale, les contacts de prénotification ne devraient pas durer plus de deux mois et devraient aboutir à une notification complète. Si ces contacts ne débouchent pas sur les résultats escomptés, les services de la Commission peuvent déclarer que la phase de prénotification est close. Toutefois, dans la mesure où la durée et la forme des contacts de prénotification dépendent de la complexité du cas d’espèce, il peut arriver que les contacts durent plusieurs mois. La Commission recommande donc que, dans les cas particulièrement complexes (par exemple : aide au sauvetage, aide importante à la recherche et au développement, aides individuelles d’un montant élevé ou régimes d’aide particulièrement importants ou complexes), les États membres entament les contacts de prénotification aussi rapidement que possible pour que les discussions puissent être utiles.

15. D’expérience, la Commission sait qu’associer le bénéficiaire de l’aide aux contacts préalables à la notification est très utile, en particulier dans les cas ayant d’importantes implications techniques, financières ou spécifiques au projet. La Commission recommande donc que les bénéficiaires d’aides individuelles participent aux contacts de prénotification.

16. Hormis dans les cas particulièrement nouveaux ou complexes, les services de la Commission s’efforceront de fournir à l’État membre concerné une appréciation préliminaire informelle du projet à la fin de la phase de prénotification. Cet avis non contraignant ne constituera pas une position officielle de la Commission, mais une indication informelle des services de la Commission sur la conformité du projet de notification et la compatibilité, à première vue, du projet envisagé avec le marché commun. Dans les cas particulièrement complexes, les services de la Commission peuvent aussi fournir une indication écrite, à la demande de l’État membre, sur les informations restant à communiquer. »

Les lignes directrices 2014-2020

5 Le titre 3 des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (JO 2014, C 200, p. 1, ci-après les « lignes directrices 2014-2020 »), intitulé « Appréciation de la compatibilité au regard de l’article 107, paragraphe 3, point c), [TFUE] », contient le passage suivant :

« (25) La section 3.2 fixe les conditions générales de compatibilité applicables à l’ensemble des mesures d’aide relevant des présentes lignes directrices, dans la mesure où ces conditions générales de compatibilité ne sont pas précisées ni modifiées par les sections plus spécifiques du chapitre 3. [...]

[...]

3.1. Principes d’appréciation communs

[...]

(27) [...] la Commission considérera qu’une mesure d’aide d’État est compatible avec le marché intérieur uniquement si elle remplit chacun des critères suivants :

[...]

e) proportionnalité de l’aide (limitation de l’aide au minimum nécessaire) : le montant de l’aide est limité au minimum nécessaire pour susciter des investissements ou des activités supplémentaires dans la zone concernée (section 3.2.5) ;

[...]

3.2.5. Proportionnalité de l’aide

[...]

(69) Une aide à l’environnement ou à l’énergie est considérée comme proportionnée si son montant par bénéficiaire se limite au minimum nécessaire pour atteindre l’objectif fixé en matière de protection de l’environnement ou d’énergie.

[...]

3.2.6. Prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et les échanges

3.2.6.1. Considérations générales

[...]

(92) Une aide peut également générer des distorsions en renforçant ou en maintenant un pouvoir de marché significatif exercé par le bénéficiaire. Même lorsque l’aide ne renforce pas directement le pouvoir de marché, elle peut le faire indirectement en dissuadant l’expansion des concurrents existants ou en provoquant leur éviction, ou encore en décourageant l’accès de nouveaux concurrents au marché.

[...]

3.9. Aides en faveur de l’adéquation des capacités de production

[...]

3.9.2. Nécessité d’une intervention de l’État

[...]

(223) Les États membres concernés devraient clairement démontrer les raisons pour lesquelles le marché n’est pas en mesure de fournir les capacités adéquates en l’absence d’intervention, en tenant compte de l’évolution en cours du marché et des technologies [...]

(224) Dans son appréciation, la Commission tiendra compte, notamment et s’il y a lieu, des éléments suivants qui doivent être fournis par l’État membre concerné :

[...]

b) appréciation de l’incidence de la participation des acteurs de la demande, y compris une description des mesures destinées à encourager la gestion de la demande [...]

[…]

3.9.5. Proportionnalité

(228) Le calcul du montant total des aides devrait engendrer un taux de rendement pour les bénéficiaires pouvant être considéré comme raisonnable.

(229) Une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires, ciblant effectivement l’objectif défini, sera considérée comme engendrant des taux de rendement raisonnables dans des circonstances normales.

(230) Les mesures d’aide devraient comporter des mécanismes intégrés pour empêcher la survenue de profits inattendus.

(231) Les mesures d’aide devraient être conçues de manière à garantir que le prix payé pour la disponibilité tend automatiquement vers zéro lorsque le niveau des capacités fournies est adéquat pour répondre au niveau des capacités demandées.

3.9.6. Prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et les échanges

(232) Les mesures d’aide devraient être conçues de manière que toutes les capacités pouvant contribuer de manière effective à remédier à un problème d’adéquation des capacités de production participent auxdites mesures, notamment en tenant compte des facteurs suivants :

a) la participation de producteurs utilisant différentes technologies et d’opérateurs proposant des solutions aux qualités techniques équivalentes, comme la gestion de la demande, des interconnexions et des solutions de stockage. Sans préjudice du point (228), cette participation peut être restreinte uniquement si les qualités techniques nécessaires pour remédier au problème d’adéquation des capacités de production sont insuffisantes. De plus, la mesure en faveur de l’adéquation des capacités de production devrait être ouverte à des agrégations potentielles de l’offre et de la demande ;

[...]

(233) Les mesures d’aide devraient :

a) ne pas réduire les incitations à investir dans les capacités d’interconnexion ;

b) ne pas compromettre le couplage des marchés, notamment des marchés d’équilibrage ;

c) ne pas nuire aux décisions d’investissement en matière de production antérieures aux mesures d’aide ou aux décisions des opérateurs concernant les marchés d’équilibrage ou des services auxiliaires ;

d) ne pas renforcer indûment les positions dominantes ;

e) accorder la préférence aux producteurs émettant peu de carbone, à paramètres techniques et économiques équivalents. »

Les antécédents du litige

6 Les antécédents du litige, exposés aux points 1 à 20 de l’arrêt attaqué, peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

7 Tempus Energy Ltd et Tempus Energy Technology Ltd (ci-après, prises ensemble, « Tempus ») possèdent une licence de fournisseur d’électricité au Royaume-Uni et commercialisent une technologie de gestion de la consommation d’électricité, autrement dit de « gestion de la demande », auprès des particuliers et des professionnels.

8 Le régime d’aides visé par la décision litigieuse (ci-après la « mesure en cause ») consiste en la mise en place, par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’un marché de capacité par l’octroi d’une rémunération aux fournisseurs de capacité électrique en contrepartie de leur engagement à fournir de l’électricité ou à réduire ou à différer la consommation d’électricité en période de tension sur le réseau. Le but d’un tel régime est, comme l’indique le considérant 3 de la décision litigieuse, d’assurer la sécurité de l’approvisionnement.

9 S’agissant du fonctionnement du marché de capacité, la quantité de capacité requise est définie de manière centralisée et le marché, au moyen des enchères, détermine le prix approprié pour la fourniture de cette quantité. Des enchères ont lieu chaque année, pour une livraison de la capacité requise quatre ans plus tard (ci-après les « enchères T‑4 »). Une autre enchère a lieu l’année précédant l’année de livraison des enchères principales (ci-après les « enchères T‑1 »). Une certaine capacité sera systématiquement retranchée des enchères T‑4 pour être « réservée » aux enchères T‑1, sur la base d’une estimation de la capacité de gestion de la demande « rentable » qui pourrait participer aux enchères T‑1. La décision litigieuse précise que, étant donné que les enchères T‑1 offrent une meilleure voie aux opérateurs de gestion de la demande pour accéder au marché, le gouvernement du Royaume-Uni s’engage à mettre aux enchères T‑1 au moins 50 % de la capacité « réservée » quatre ans plus tôt. Les enchères T‑4 et T‑1 (ci‑après les « enchères durables ») constituent le régime durable. Outre le régime durable, il existait un régime transitoire, en vertu duquel il était prévu, avant la période de livraison 2018/2019, des enchères « transitoires », ouvertes principalement aux opérateurs de gestion de la demande.

10 S’ils sont retenus, les fournisseurs de capacité se voient attribuer un contrat de capacité au prix de clôture, c’est-à-dire au prix le plus bas déterminé à l’issue d’enchères descendantes. La durée des contrats de capacité pour lesquels les participants soumissionnent est variable. Ainsi, alors que la plupart des fournisseurs de capacité existants ont accès à des contrats d’un an, les fournisseurs de capacité ayant des dépenses d’équipement supérieures à 125 livres sterling (GBP) (environ 141 euros) par kilowatt (kW) (centrales à rénover) ont accès à des contrats d’une durée maximale de trois ans, et les fournisseurs de capacité ayant des dépenses d’équipement supérieures à 250 GBP (environ 282 euros) par kW (nouvelles centrales) à des contrats d’une durée maximale de quinze ans. Les contrats de plus d’un an ne sont accordés que lors des enchères T‑4.

11 Les coûts exposés pour financer la rémunération des capacités sont pris en charge par l’ensemble des fournisseurs d’électricité agréés. La redevance appliquée aux fournisseurs d’électricité est déterminée en fonction de leur part de marché et est calculée sur la base de la demande enregistrée entre 16 heures et 19 heures en semaine, entre le mois de novembre et le mois de février, afin de les inciter à faire baisser la demande d’électricité de leurs clients pendant les périodes où celle-ci est généralement la plus élevée. Selon la décision litigieuse, cela devrait se traduire par une diminution des capacités requises et, corollairement, par une réduction des coûts du marché de capacité.

12 Par la décision litigieuse, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections contre la mesure en cause, au motif que celle‑ci était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dès lors qu’elle était conforme aux critères fixés dans la section 3.9 des lignes directrices 2014-2020.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2014, Tempus a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

14 À l’appui de son recours, elle a soulevé deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de la violation des principes de non-discrimination, de proportionnalité et de protection de la confiance légitime ainsi que d’une appréciation erronée des faits et, le second, d’un défaut de motivation.

15 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le premier moyen et, sans examiner le second moyen, a fait droit au recours et annulé la décision litigieuse.

16 En particulier, ainsi qu’il ressort du point 267 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé qu’il existait un ensemble d’indices objectifs et concordants, tirés, d’une part, de la durée et des circonstances de la phase de prénotification et, d’autre part, du contenu incomplet et insuffisant de la décision litigieuse du fait de l’absence d’instruction appropriée par la Commission, au stade de l’examen préliminaire, de certains aspects du marché de capacité, qui attestait que cette décision avait été adoptée malgré l’existence de doutes, au sens de l’article 4 du règlement no 659/1999, qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

Les conclusions des parties au pourvoi

17 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de rejeter la demande tendant à l’annulation de la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour examen du second moyen invoqué en première instance, et

– en tout état de cause, de condamner Tempus aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et au pourvoi.

18 Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord soutient les chefs de conclusion de la Commission, de même que la République de Pologne, celle-ci ayant été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission par décision du président de la Cour du 5 juillet 2019.

19 Tempus demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi comme étant irrecevable ou comme étant non fondé ;

– à titre subsidiaire, de statuer sur le second moyen invoqué en première instance, tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse, et d’annuler la décision litigieuse ;

– de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Tempus afférents à la procédure tant devant le Tribunal que devant la Cour, et

– de condamner le Royaume-Uni à supporter ses propres dépens.

Sur le pourvoi

20 À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque un moyen unique, tiré d’une interprétation erronée de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE ainsi que de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 659/1999.

21 Ce moyen est subdivisé en deux branches tirées, la première, d’erreurs commises par le Tribunal dans l’interprétation de la notion de « difficultés sérieuses » ainsi que de la prise en compte, en tant qu’éléments constitutifs de telles difficultés, de la durée et des circonstances des contacts de prénotification, de l’existence d’observations critiques de la part de tiers ainsi que de la complexité et de la nouveauté de la mesure en cause et, la seconde, du caractère erroné de la constatation, par le Tribunal, de l’omission de la Commission d’instruire de façon appropriée certains aspects du marché de capacité au Royaume-Uni.

Sur la première branchedu moyen unique

Argumentation des parties

22 La Commission invoque cinq griefs au soutien de la première branche de son moyen unique. Par le premier grief, la Commission, soutenue par le Royaume-Uni et la République de Pologne, fait en substance valoir que, aux points 68 à 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne l’étendue de l’examen qu’elle doit effectuer à l’égard d’une mesure d’aide d’État notifiée par un État membre. Le Tribunal aurait en effet considéré à tort que, en l’espèce, la Commission ne pouvait se contenter des informations fournies par le Royaume-Uni, mais aurait dû mener sa propre instruction et rechercher d’autres sources d’information aux fins de son appréciation au cours de la phase préliminaire d’examen.

23 Selon la Commission, les considérations du Tribunal impliquent qu’elle serait tenue d’ouvrir une procédure formelle d’examen chaque fois que sa décision ne donne pas entière satisfaction aux observations critiques de tiers à l’égard de la mesure d’aide considérée. La Commission souligne que, en l’espèce, elle n’a reçu aucune plainte officielle concernant la mesure en cause. Par ailleurs, elle n’aurait pas ignoré les observations formulées, de manière informelle et spontanée, par des tiers au cours de la phase informelle de prénotification. Elle estime, toutefois, qu’elle n’était pas tenue de rechercher des informations auprès d’autres sources. Le fait que le Tribunal a jugé le contraire aurait pour effet de transformer la procédure préliminaire d’examen en procédure d’examen d’une mesure d’office, supprimant par ailleurs la marge d’appréciation dont elle bénéficie pour établir l’existence de doutes quant à la compatibilité d’une mesure avec le marché intérieur.

24 Par ailleurs, en raison des différences notables existant entre une aide notifiée et une aide illégale mise en exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission est d’avis qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 62), qu’elle est tenue, dans le cas d’une aide notifiée, de procéder, de sa propre initiative, à l’instruction de toutes les circonstances et d’entendre les parties intéressées et de répondre à tous leurs arguments, lorsque les informations fournies par l’État membre notifiant suffisent à lui permettre d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide ou, si elle doit être qualifiée comme telle, est compatible avec le marché intérieur.

25 Le Royaume-Uni et la République de Pologne considèrent également que le Tribunal a appliqué un seuil manifestement trop bas pour retenir l’existence de doutes en l’espèce et a ignoré la marge d’appréciation dont la Commission dispose dans l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE et dans sa décision d’ouvrir ou non la procédure formelle d’examen. Ils estiment que l’approche adoptée par le Tribunal aboutit en réalité à effacer toute distinction entre l’examen préliminaire et la procédure formelle d’examen, contrairement à ce que prévoit le règlement no 659/1999. En outre, cette approche obligerait la Commission à poursuivre son enquête dès qu’une partie intéressée soulève des préoccupations à propos de la mesure concernée lors de l’examen préliminaire, quand bien même cette partie n’aurait produit aucun élément de preuve. Par ailleurs, le fait que, en l’espèce, la Commission n’a pas répondu à chacun des arguments présentés par Tempus au cours de la procédure ne signifierait pas qu’elle ne pouvait pas adopter la décision litigieuse sur la base des informations dont elle disposait. Le fait que cette décision n’a pas donné satisfaction à Tempus ne démontrerait pas que la Commission manquait d’informations lui permettant d’adopter une mesure de cette nature.

26 Par le deuxième grief, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 79 et suivants de l’arrêt attaqué, que les caractéristiques d’une mesure, telles que sa complexité technique, sa nouveauté ou le montant de l’aide en valeur absolue, peuvent témoigner de l’existence de « difficultés sérieuses » dans l’établissement de la compatibilité de cette mesure avec le traité FUE. En réalité, ces éléments ne seraient pas pertinents pour l’appréciation de cette question et la Commission s’efforcerait précisément de surmonter les difficultés techniques d’un dossier durant les contacts de prénotification. La jurisprudence aurait d’ailleurs reconnu que de tels éléments peuvent justifier que la procédure préliminaire d’examen prenne plus de temps, sans déclencher l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen. L’arrêt attaqué mettrait en cause cette jurisprudence, en retenant la complexité de la mesure comme un élément susceptible non pas de justifier des échanges prolongés avec l’État membre concerné, mais d’impliquer l’obligation, pour la Commission, d’ouvrir une procédure formelle d’examen.

27 Par le troisième grief, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 85, 92, 106, 109 et 111 de l’arrêt attaqué, que la longueur des contacts de prénotification et la variété des observations transmises par trois types d’opérateurs constituaient un indice de l’existence de difficultés sérieuses et s’écartant, ainsi, de sa propre jurisprudence, dont il ressortirait que ce n’est que lorsque la durée de l’examen préliminaire est largement supérieure à un délai de deux mois, calculé à partir de la réception d’une notification complète, que cette durée doit être prise en compte en tant qu’indice de difficultés sérieuses. Selon la Commission, la décision de notifier une mesure d’aide appartiendrait entièrement à l’État membre concerné et, tant qu’une mesure d’aide n’a pas été notifiée, l’inaction de la Commission serait sans conséquence.

28 Par le quatrième grief, la Commission reproche au Tribunal d’avoir pris en considération, en particulier aux points 101 à 109 et 111 de l’arrêt attaqué, la variété et l’origine des observations transmises à la Commission par plusieurs opérateurs en tant qu’éléments de nature à soulever des doutes à l’égard de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Elle soutient, à cet égard, que la jurisprudence selon laquelle elle doit agir avec diligence en cas de plaintes concernant des aides illégales, à savoir des aides adoptées sans notification préalable, ne saurait être étendue aux projets d’aides non encore notifiés ni mis à exécution, pour lesquels les observations spontanées de tiers ne sauraient être assimilées à une plainte déclenchant l’obligation de ne pas retarder l’enquête et d’examiner les allégations qui y figurent dans un délai déterminé.

29 Enfin, par le cinquième grief, la Commission reproche au Tribunal d’avoir considéré, aux points 86 à 91 de l’arrêt attaqué, que la phase de prénotification ne doit pas avoir pour objet l’examen de la compatibilité de la mesure projetée et que la Commission ne peut confondre la phase, éventuellement préalable, de mise en état de la notification d’une mesure avec celle de son examen. Selon la Commission, l’objectif de la phase de prénotification est de lui permettre d’échanger, de manière informelle et confidentielle, avec l’État membre concerné sur les informations nécessaires pour assurer que la notification de cette mesure, lorsqu’elle sera effectuée, sera considérée comme étant complète. Dans de nombreux cas, comme en l’espèce, les échanges de prénotification donneraient l’occasion d’aborder les aspects éventuellement non pleinement conformes aux règles en matière d’aides d’État d’une mesure proposée, ce qui permettrait à l’État membre concerné d’apporter les modifications nécessaires à cette mesure avant sa notification. De tels échanges seraient précisément encouragés dans des cas complexes.

30 Le Royaume-Uni et la République de Pologne considèrent également que le Tribunal a méconnu le cadre juridique et politique de la phase de prénotification, tel qu’il ressort du code de bonnes pratiques. Une phase de prénotification effective permettrait de diminuer le risque de retard dans la mise en œuvre d’une mesure d’aide, ce qui aurait été particulièrement important pour le Royaume-Uni en l’espèce. Contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal, il y aurait de fortes chances qu’une phase de prénotification rigoureuse relative à une mesure nouvelle et complexe permette de lever le moindre doute s’agissant de la compatibilité de la mesure concernée avec le traité FUE.

31 Selon le Royaume-Uni, en l’espèce, c’est grâce à la phase de prénotification, au cours de laquelle il a recueilli les informations permettant de répondre aux questions de la Commission, a modifié la mesure qu’il envisageait de notifier et a mené des consultations nationales pour obtenir des éléments de preuve auprès des parties intéressées, que la Commission n’a pas eu besoin de conduire sa propre évaluation. Si la durée des échanges lors de la phase de prénotification devait constituer un argument en faveur de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, ni la Commission ni les États membres ne seraient intéressés par une coopération étroite dans le cadre de cette phase.

32 Tempus fait valoir, en réponse au premier grief, que l’argumentation de la Commission ne tient pas compte du caractère objectif de la notion de « doutes », lequel implique que la Commission doit aller au-delà de l’état d’esprit subjectif de l’État membre concerné et demander toutes les informations pertinentes aux fins de la réalisation d’une appréciation globale, en plus des éléments de fait et de droit fournis par cet État membre ou, le cas échéant, par le plaignant. Ainsi, le Tribunal n’aurait nullement méconnu la jurisprudence en considérant que la Commission ne pouvait pas se contenter d’accepter les informations et les affirmations du Royaume-Uni et qu’elle n’avait pas, en l’espèce, dûment pris en considération les informations fournies par des tiers. Il ressortirait, au contraire, de la jurisprudence que l’examen de la Commission n’aurait été suffisant que si elle s’était interrogée sur le bien‑fondé des arguments avancés par l’État membre notifiant. En outre, l’argument de la Commission selon lequel les considérations figurant dans l’arrêt attaqué auraient pour effet de la contraindre à ouvrir une procédure formelle d’examen chaque fois que des tiers formulent des observations critiques à l’égard d’une mesure notifiée serait fondé sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, selon Tempus, le Tribunal a statué sur l’existence de doutes en se fondant non pas uniquement sur l’existence d’observations de la part de tiers, mais sur l’analyse insuffisante des informations fournies par l’État membre concerné et des observations formulées par des tiers.

33 En outre, Tempus fait valoir que l’obligation de la Commission, évoquée dans l’arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 62), d’étendre l’examen d’une mesure d’aide d’État au-delà d’une simple analyse des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, le cas échéant par le plaignant ou par l’État membre ayant notifié cette mesure, découle directement du principe de bonne administration, indistinctement applicable tant à une plainte qu’à une notification. Tempus ajoute que la Commission ne saurait toujours se fier aux déclarations de l’État membre notifiant, dans la mesure où ce dernier, en ce qu’il entend octroyer l’aide, ne peut être regardé comme étant un acteur impartial. Dès lors, lorsque des contradictions sont constatées dans la notification ou lorsque des tiers soulèvent des problèmes, l’obligation, pour la Commission, d’élargir l’examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance constituerait une garantie procédurale appropriée.

34 S’agissant des deuxième à cinquième griefs de la Commission, Tempus fait valoir, à titre liminaire, qu’ils sont irrecevables, dès lors qu’ils visent des questions factuelles et que la Commission n’a invoqué ni une dénaturation ni une qualification erronée des faits par le Tribunal. La Commission aurait également omis de préciser quels sont les points de l’arrêt attaqué visés par ces griefs.

35 Quant au fond, Tempus fait valoir, en réponse au deuxième grief, que, aux points 79 à 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a simplement décrit les faits pertinents, à savoir que la mesure en cause était significative, complexe et nouvelle. Le Tribunal n’aurait établi aucun nouveau principe juridique, mais se serait fondé sur les circonstances particulières de l’espèce, qui appelaient des considérations spécifiques.

36 En ce qui concerne les troisième et cinquième griefs, Tempus fait valoir que, aux points 85 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, à juste titre, que l’examen préliminaire avait été accéléré, n’ayant duré qu’un mois, alors que les contacts de prénotification avaient été longs et importants. Le Tribunal aurait rappelé les objectifs de la phase de prénotification, tels qu’ils résultent du code de bonnes pratiques, ainsi que l’objet de l’examen préliminaire prévu par le règlement no 659/1999 et en aurait conclu que la Commission ne pouvait pas confondre la mise en état de la notification avec l’examen, d’abord préliminaire puis formel, de celle‑ci. Comme l’aurait observé le Tribunal, des questions de fond concernant des aspects importants de la mesure en cause auraient été posées pendant la phase de prénotification. Or, la Commission aurait conclu qu’elle n’avait aucun doute, alors qu’elle était sur le point de commencer l’examen préliminaire. Dans ce contexte, selon Tempus, la durée brève de l’examen préliminaire ne pouvait que constituer un indice de ce que la Commission aurait dû éprouver des doutes. Les faits dont il est question en l’espèce seraient exceptionnels, ce qui justifierait les considérations du Tribunal exposées aux points 111 à 115 de l’arrêt attaqué.

37 S’agissant du quatrième grief, Tempus fait valoir que le Tribunal a pris en considération l’existence d’un faisceau d’indices concordants, et non l’existence seulement de plaintes, pour conclure que c’est à tort que la Commission avait constaté l’absence de doutes. Autrement dit, ce serait plutôt l’absence de prise en considération de la substance des « plaintes » dans la décision litigieuse qui aurait conduit le Tribunal à conclure à l’existence de doutes en l’espèce. En réalité, la spécificité exceptionnelle du cas d’espèce aurait consisté dans le fait que la phase de prénotification a été utilisée de manière abusive comme examen préliminaire, rendant ainsi ce dernier accessoire.

Appréciation de la Cour

38 Il convient de rappeler que la légalité d’une décision, telle que la décision litigieuse, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, dépend du point de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 80 ainsi que jurisprudence citée).

39 Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être rapportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 81 ainsi que jurisprudence citée).

40 La preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 82 ainsi que jurisprudence citée).

41 En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation de la mesure en cause, dont la présence oblige celle‑ci à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2016, Land Hessen/Pollmeier Massivholz, C‑242/15 P, non publié, EU:C:2016:765, point 38).

42 En outre, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections prise au terme de la procédure d’examen préliminaire doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle pouvait disposer (arrêt du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, point 41).

43 Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 38 du présent arrêt et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (arrêt du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, point 42).

44 En effet, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures en cause de manière diligente et impartiale afin de disposer, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêt du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, point 43).

45 Toutefois, si la Cour a jugé que, lors de l’examen de l’existence et de la légalité d’une aide d’État, il peut être nécessaire que la Commission aille, le cas échéant, au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 62), il ne saurait être déduit de cette jurisprudence qu’il incombe à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, points 49 et 50).

46 En l’espèce, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, pour prouver l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, il suffisait que Tempus démontre que la Commission n’avait pas recherché et examiné, de manière diligente et impartiale, l’ensemble des éléments pertinents aux fins de cette analyse ou qu’elle ne les avait pas dûment pris en considération, de manière à éliminer tout doute quant à la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur.

47 En outre, après avoir rappelé, au point 71 de cet arrêt, la jurisprudence citée aux points 42 et 43 du présent arrêt, le Tribunal a notamment affirmé, au point 72 de l’arrêt attaqué, que, afin de démontrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, il était loisible à Tempus d’invoquer toute information pertinente dont disposait ou pouvait disposer la Commission à la date où elle a adopté la décision litigieuse.

48 Or, comme le fait, en substance, valoir la Commission, le Tribunal a méconnu l’étendue des obligations qui incombent à la Commission lors de la phase préliminaire d’examen d’une mesure notifiée et, partant, a commis une erreur de droit.

49 En effet, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, jugé que la Commission avait pour obligation de rechercher, d’examiner et de prendre en considération « l’ensemble des éléments pertinents », ce qui inclut nécessairement les éléments non portés à la connaissance de la Commission et dont cette dernière ignorait l’existence ou la pertinence pour l’examen de la mesure notifiée. Or, une obligation d’une telle ampleur outrepassait largement les obligations de la Commission, telles qu’elles ressortent de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 38 à 45 du présent arrêt.

50 Il en va de même du point 72 de l’arrêt attaqué, dont il ressort que, afin de démontrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, Tempus pouvait se référer non seulement à toute information pertinente dont disposait la Commission, mais aussi à toute information dont « pouvait disposer » cette institution. Par un tel raisonnement, le Tribunal a ainsi sous-entendu que la Commission aurait dû douter de la compatibilité avec le marché intérieur d’une mesure d’aide, au seul motif qu’il existait un élément d’information pertinent dont celle‑ci aurait pu disposer, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que cette institution avait effectivement connaissance soit de cet élément lui‑même soit d’autres éléments qui l’obligeaient, conformément à la jurisprudence de la Cour citée au point 45 du présent arrêt, d’aller au‑delà du seul examen des éléments portés à sa connaissance.

51 Or, la seule existence d’un élément d’information potentiellement pertinent dont la Commission n’avait pas connaissance et sur lequel elle n’était pas tenue d’enquêter, au regard des éléments d’information qui étaient effectivement en sa possession, ne saurait démontrer l’existence de difficultés sérieuses, qui auraient obligé cette institution à ouvrir la procédure formelle d’examen.

52 Il s’ensuit que le premier grief avancé par la Commission dans le cadre de la première branche du moyen unique est fondé.

53 Toutefois, l’erreur de droit du Tribunal constatée au point 48 du présent arrêt n’est pas, à elle seule, de nature à emporter l’annulation de l’arrêt attaqué.

54 En effet, au point 267 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a justifié l’annulation de la décision litigieuse par référence à « un ensemble d’indices objectifs et concordants, tirés, d’une part, de la durée et des circonstances de la phase de prénotification et, d’autre part, du contenu incomplet et insuffisant de la décision [litigieuse] du fait de l’absence d’instruction appropriée par la Commission, au stade de l’examen préliminaire, de certains aspects du marché de capacité, qui atteste que cette dernière a pris la décision [litigieuse] malgré l’existence de doutes ».

55 Or, la Commission conteste les motifs ayant conduit à cette double conclusion par les autres griefs avancés dans le cadre de la première branche du moyen unique ainsi que par la seconde branche de ce moyen. Ce n’est, partant, que s’il découle de l’analyse de ces autres griefs et de cette dernière branche que cette conclusion est entachée d’erreurs de droit qu’il y aura lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

56 Il convient d’écarter, d’emblée, l’exception d’irrecevabilité des deuxième à cinquième griefs de la première branche du moyen unique, soulevée par Tempus.

57 En effet, il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que, si le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant lui, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, point 47).

58 Or, en l’espèce, d’une part, la Commission a indiqué à suffisance de droit, dans son pourvoi, quels sont les points de l’arrêt attaqué visés par les deuxième à cinquième griefs de la première branche du moyen unique. D’autre part, il ressort de l’argumentation de la Commission que, par ces griefs, celle‑ci remet en cause non pas la matérialité des faits constatés par le Tribunal mais leur qualification juridique, en tant qu’indices susceptibles d’établir l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

59 Il y a, dès lors, lieu d’examiner quant au fond, en premier lieu, le deuxième grief de la première branche du moyen unique.

60 À cet égard, il convient de relever que, au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la mesure en cause était « significative, complexe et nouvelle ». Il a justifié ces qualifications, d’une part, en faisant référence, au point 80 de cet arrêt, au caractère particulièrement important des montants concernés par le régime d’aide autorisé par la décision litigieuse et en constatant, au point 81 dudit arrêt, que tant la définition que la mise en œuvre de ce régime d’aide s’avéraient complexes et, d’autre part, en soulignant, au point 82 du même arrêt, que, dans la décision litigieuse, la Commission avait, pour la première fois, évalué un marché de capacité à la lumière des lignes directrices 2014-2020, ce qui, selon le Tribunal, démontrait que la mesure en cause était nouvelle tant en son objet qu’en ses implications pour l’avenir.

61 Toutefois, tout d’abord, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’importance d’une aide ne saurait, en elle‑même, être constitutive de difficultés sérieuses de nature à obliger la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 36).

62 Ensuite, si la complexité d’une mesure d’aide fait partie des circonstances propre à une affaire, susceptibles de justifier une durée importante de la phase préliminaire d’examen (voir, par analogie, arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 82 et 83), une telle complexité ne signifie pas, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 117 de ses conclusions, que la Commission doive, en tout hypothèse, ouvrir la procédure formelle d’examen.

63 Enfin, la Commission n’est pas non plus tenue d’ouvrir une telle procédure formelle d’examen en raison du seul fait que la mesure d’aide présente un caractère nouveau, en ce sens que la Commission n’a pas, par le passé, examiné une mesure analogue.

64 Partant, en retenant, comme indices de difficultés sérieuses qui auraient exigé l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, le caractère important de l’aide octroyée en application de la mesure en cause ainsi que la complexité et la nouveauté de cette mesure, le Tribunal a commis une erreur de droit.

65 En deuxième lieu, il convient d’examiner conjointement les troisième et cinquième griefs avancés par la Commission dans le cadre de la première branche de son moyen unique, par lesquels celle‑ci conteste les points 85, 90 à 92, 106, 109 et 111 de l’arrêt attaqué, au motif, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit et méconnu l’objectif de la phase de prénotification, en prenant en considération, en tant qu’indices de l’existence de difficultés sérieuses, la durée et la teneur des contacts de prénotification.

66 À cet égard, il ressort de l’article 4, paragraphes 3 et 5, du règlement no 659/1999 que la décision par laquelle la Commission constate, après un examen préliminaire, qu’une mesure notifiée est compatible avec le marché intérieur doit être prise dans un délai de deux mois à compter du jour suivant celui de la réception de la notification complète.

67 Selon la jurisprudence de la Cour, s’il est vrai qu’une durée de la procédure préliminaire d’examen excédant le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999 ne permet pas à elle seule de déduire que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, il n’en reste pas moins que cet élément peut constituer un indice de ce que la Commission a pu avoir des doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C‑148/09 P, EU:C:2011:603, point 81).

68 En l’espèce, la procédure préliminaire d’examen de la mesure en cause n’ayant duré qu’un mois, ainsi que le Tribunal l’a d’ailleurs relevé au point 85 de l’arrêt attaqué, elle ne pouvait pas, conformément à la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, constituer un indice de l’existence de doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur.

69 Le Tribunal a néanmoins considéré, au même point de l’arrêt attaqué, que, « au vu des circonstances de la présente affaire », la durée de la procédure préliminaire d’examen de cette mesure ne pouvait pas, pour autant, constituer un indice probant de l’absence de doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, dès lors qu’il importait également de tenir compte de la durée et du contenu des contacts intervenus entre le Royaume-Uni et la Commission lors de la phase de prénotification.

70 À cet égard, le Tribunal a, d’une part, aux points 86 à 91 de l’arrêt attaqué, rappelé les dispositions du code de bonnes pratiques relatives à la phase de prénotification et, d’autre part, aux points 92 à 105 de cet arrêt, résumé les contacts ayant eu lieu entre la Commission et le Royaume-Uni antérieurement à la notification de la mesure en cause, tout comme les interventions spontanées de tiers. Il en a déduit, au point 106 dudit arrêt, que « la durée de la phase de prénotification [avait] été significativement plus longue que la période de deux mois envisagée, en règle générale, par le code de bonnes pratiques ».

71 Sur la base de ces considérations, le Tribunal a relevé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que « la longueur et les circonstances de la phase de prénotification [...] ne permett[aient] pas de considérer que la courte durée de la procédure préliminaire d’examen constitu[ait] un indice de l’absence de doutes quant à la compatibilité de ce régime avec le marché intérieur, mais [étaient], tout au contraire, susceptibles de constituer un indice de l’existence de tels doutes ». Il a ajouté, au point 111 de cet arrêt, que la mesure en cause était « significative, complexe et nouvelle ».

72 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 40 du présent arrêt, la preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur d’une mesure d’aide doit être rapportée, le cas échéant à partir d’un faisceau d’indices concordants, par la partie qui demande l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections quant au contenu de cette mesure.

73 Dès lors, il n’appartenait pas au Tribunal de déterminer, contrairement aux considérations faites au point 85 de l’arrêt attaqué, s’il existait des indices probants de l’absence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Il lui revenait, au contraire, de rechercher si Tempus avait apporté la preuve de l’existence de tels doutes, le cas échéant à l’aide d’un faisceau d’indices concordants.

74 Or, le Tribunal ne s’est pas limité à juger que la durée et les circonstances de la phase de prénotification ne permettaient pas de considérer que la durée relativement courte de la phase d’examen préliminaire constituait un indice de l’absence de doutes. Ainsi qu’il ressort du point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la longueur et les circonstances de la phase de prénotification constituaient elles-mêmes des indices de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

75 Ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit.

76 Il ressort, en effet, des paragraphes 10 et 12 du code de bonnes pratiques que, comme le Tribunal l’a lui‑même en substance constaté au point 89 de l’arrêt attaqué, l’objectif essentiel de la phase de prénotification est de garantir la conformité du formulaire de notification, de manière à permettre à la Commission, une fois la notification effectuée, d’adopter sa décision dans le délai prévu à cet effet à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999.

77 Certes, comme le fait valoir la Commission, il n’est nullement exclu que la Commission et l’État membre concerné discutent aussi, lors de la phase de prénotification, de la conformité avec le marché intérieur de la mesure d’aide dont la notification est envisagée. En effet, il ressort du paragraphe 10 du code de bonnes pratiques que les échanges entre la Commission et l’État membre concerné peuvent aussi porter sur les aspects d’une mesure envisagée qui posent problème. De même, le paragraphe 12 de ce même code relève qu’une phase de prénotification bien menée permet également d’examiner tout problème de fond soulevé par une mesure proposée.

78 Il n’en reste pas moins que l’examen définitif de la conformité avec le marché intérieur d’une mesure déterminée ne peut commencer qu’une fois que cette mesure a pris sa forme finale, au moment de sa notification à la Commission. Dès lors, les considérations du Tribunal, figurant aux points 90 et 91 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles, respectivement, la phase de prénotification n’a pas pour objet d’apprécier la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur et ce n’est qu’à partir de la réception de la notification que la Commission procède à l’examen de la mesure notifiée ne sont pas, en tant que telles, entachées d’erreur.

79 Toutefois, c’est précisément pour ce motif que la durée et les circonstances de la phase de prénotification ne peuvent constituer des indices d’éventuelles difficultés soulevées par la mesure notifiée. En effet, il est tout à fait possible que, lors d’une longue phase de prénotification, l’État membre concerné ait pu profiter de ses échanges avec la Commission pour modifier la mesure envisagée de manière à résoudre tout problème que celle‑ci aurait pu présenter dans sa forme initialement envisagée, afin que cette mesure, dans sa forme définitive, fixée lors de la notification, ne soulève plus aucune difficulté.

80 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir également les troisième et cinquième griefs de la première branche du moyen unique.

81 En troisième lieu, il convient d’examiner le quatrième grief avancé par la Commission dans le cadre de la première branche du moyen unique, relatif à la prise en compte, par le Tribunal, du nombre et de la variété des observations transmises à la Commission en tant qu’élément témoignant des difficultés sérieuses soulevées par la mesure en cause.

82 À cet égard, au point 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il ressortait de la notification et de la décision litigieuse que « trois types d’opérateurs [avaient] souhaité, au vu des informations dont ils avaient connaissance au moment où ils sont intervenus, faire directement et spontanément part de leurs observations à la Commission sur la compatibilité de l’aide ». Aux points 102 à 104 de cet arrêt, le Tribunal a fourni de brèves précisions sur les opérateurs en question et sur les sujets abordés dans leurs observations.

83 Or, au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à indiquer que la « variété des observations transmises à propos de [la mesure en cause] par trois types d’opérateurs différents » était un élément susceptible de constituer un indice de l’existence de doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur.

84 En outre, après avoir souligné, au point 111 de cet arrêt, que ladite mesure « était contestée sous trois aspects par différents opérateurs qui devaient en bénéficier », sans fournir davantage de précisions sur les motifs de ces constatations et sur les éventuels problèmes qu’elles soulevaient, le Tribunal a considéré que cette circonstance était au nombre de celles qui, selon le point 115 dudit arrêt, constituaient un indice à même d’établir l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

85 Comme M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 103 de ses conclusions, la Commission ne saurait être tenue de déclencher la procédure formelle d’examen d’une mesure d’aide au seul motif que des tiers intéressés ont spontanément soumis des observations à l’égard d’une mesure notifiée, quels que soient l’origine ou le nombre de telles observations. Ce n’est que si de telles observations font état d’éléments susceptibles de révéler l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation de la mesure notifiée que la Commission doit déclencher la procédure formelle d’examen.

86 Or, en l’espèce, le Tribunal n’a pas indiqué que les observations soumises à la Commission faisaient état d’éléments de cette nature et s’est uniquement fondé sur le nombre et sur la « variété » de ces observations, en tant qu’éléments susceptibles de témoigner de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

87 Ce faisant, comme la Commission le fait valoir à juste titre, le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’une erreur de droit, de sorte que le quatrième grief de la première branche du moyen unique et, par voie de conséquence, cette branche dans son intégralité doivent être accueillis.

88 Néanmoins, pour les motifs exposés aux points 53 à 55 du présent arrêt, il y a lieu d’examiner également la seconde branche du moyen unique.

Sur la seconde branche du moyen unique

Argumentation des parties

89 Par la seconde branche du moyen unique, la Commission, soutenue par le Royaume-Uni et la République de Pologne, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en lui reprochant de ne pas avoir mené une instruction appropriée portant sur certains aspects du marché de capacité au Royaume-Uni.

90 Par un premier grief, la Commission critique l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 146, 152 et 154 à 156 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elle n’aurait pas suffisamment envisagé le potentiel réel de la gestion de la demande dans le marché de capacité, ce qui l’aurait empêchée d’avoir des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

91 À cet égard, elle précise que, si les lignes directrices 2014-2020 prévoient une appréciation de l’incidence de la participation des acteurs de la demande, y compris une description des mesures destinées à encourager la gestion de la demande, elles n’exigent nullement un soutien systématique en faveur de la technologie de gestion de la demande, comme semble l’exiger le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

92 Elle ajoute que l’arrêt attaqué ne mentionne aucune raison qui aurait dû la conduire à remettre en doute les documents dont elle disposait, relatifs au potentiel de la gestion de la demande. Il serait constant que, au moment de l’adoption de la mesure en cause, ni le Royaume-Uni ni la Commission n’étaient en mesure de procéder à une estimation parfaitement précise du potentiel à long terme de la technologie de gestion de la demande. Par ailleurs, la Commission aurait vérifié que la mesure en cause était ouverte et fournissait des incitations adéquates aux opérateurs concernés, de sorte qu’elle n’aurait pas eu besoin de réaliser ses propres études et estimations concernant le potentiel de la gestion de la demande pour déterminer si le marché de capacité du Royaume-Uni était compatible avec les lignes directrices 2014-2020. Le fait que les opérateurs de gestion de la demande souhaitaient davantage d’incitations au titre de la mesure en cause n’équivaudrait pas à l’existence de difficultés sérieuses. Par conséquent, la Commission considère qu’elle n’avait aucune raison de considérer que l’évaluation du potentiel de gestion de la demande présentée par le Royaume-Uni et, partant, de la quantité de capacité à mettre aux enchères pouvait donner lieu à des difficultés sérieuses.

93 Par un second grief, la Commission conteste l’analyse figurant aux points 159 à 259 de l’arrêt attaqué, concernant le prétendu traitement discriminatoire ou désavantageux de la gestion de la demande. En particulier, la Commission critique la conclusion du Tribunal selon laquelle elle aurait dû avoir des doutes en ce qui concerne la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur au regard, premièrement, de la durée des contrats de capacité, deuxièmement, de la méthode de recouvrement des coûts et, troisièmement, des conditions de participation aux enchères.

94 En premier lieu, en ce qui concerne la durée des contrats de capacité, la Commission estime que le Tribunal s’est fourvoyé en estimant, notamment, aux points 181 et 182 de l’arrêt attaqué, qu’elle aurait dû examiner les dépenses en capital et les difficultés de financement des opérateurs de gestion de la demande avant d’entériner la position du Royaume-Uni, selon laquelle il n’était pas nécessaire d’offrir à ces opérateurs des contrats d’une durée supérieure à un an. En effet, les contrats d’un an seraient la norme et non pas l’exception et Tempus n’aurait jamais contesté le fait que les coûts d’investissement initiaux des opérateurs de gestion de la demande ne sont nullement comparables à ceux des nouveaux fournisseurs de capacité. Par ailleurs, l’expérience acquise depuis la mise en œuvre du marché de capacité au cours de l’année 2014 ne permettrait pas de conclure que l’accès différencié à des accords à plus long terme ait procuré un avantage concurrentiel aux nouvelles capacités de production.

95 En deuxième lieu, s’agissant de la méthode de recouvrement des coûts, la Commission fait valoir que cet aspect de la mesure en cause, qui relève du financement du marché de capacité, n’était pas directement pertinent aux fins de l’appréciation de la compatibilité de ladite mesure avec le marché intérieur, faute de lien d’affectation contraignant entre les recettes provenant de la redevance appliquée aux fournisseurs d’électricité et le montant de l’aide. En outre, le Tribunal aurait erronément fait référence, aux points 199 et 211 de l’arrêt attaqué, au point 27, sous e), ainsi qu’aux points 69 et 92 des lignes directrices 2014-2020, alors que les critères d’appréciation pertinents figureraient aux sections 3.9.5 et 3.9.6 desdites lignes directrices.

96 En tout état de cause, le Tribunal aurait commis une erreur en jugeant, au point 210 de l’arrêt attaqué, que la Commission aurait dû vérifier si la mesure en cause contenait une incitation équivalente à celle d’un projet antérieur tendant à réduire la consommation d’électricité aux heures de pointe. Selon la Commission, il aurait suffi de conclure que cette mesure contenait une telle incitation prévisible, ce qui était le cas en l’espèce. En exigeant d’elle qu’elle examine si la méthode de financement retenue était la mieux à même d’encourager la gestion de la demande, le Tribunal aurait porté une attention excessive et injustifiée aux mesures visant à encourager la gestion de la demande. La Commission fait observer, à cet égard, que la méthode de recouvrement des coûts constitue un compromis entre l’intérêt de maintenir une incitation à la réduction de la consommation et la nécessité de réduire l’incertitude des fournisseurs sur la part des coûts restant probablement à leur charge. À moins qu’il n’y ait des raisons de penser que l’évaluation de l’État membre est incorrecte ou erronée, la Commission ne pourrait pas être tenue de critiquer la conception de mesures nationales qu’elle estime solidement justifiées.

97 La République de Pologne estime également que, au point 210 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est concentré de manière trop étroite sur la question de savoir si la mesure en cause encourageait le développement de la gestion de la demande, en ignorant le pouvoir discrétionnaire de la Commission en ce qui concerne la compatibilité d’une mesure avec les lignes directrices 2014-2020.

98 En troisième lieu, la Commission estime que c’est à tort que le Tribunal a considéré qu’elle aurait dû avoir des doutes s’agissant des conditions de participation au marché de capacité auxquelles sont soumis les opérateurs de gestion de la demande, dès lors que le Royaume-Uni s’était engagé à mettre au moins 50 % du volume réservé aux enchères T‑1, qui offriraient une meilleure voie d’accès au marché pour les opérateurs de gestion de la demande. Les points 242 et 243 de l’arrêt attaqué contiendraient une appréciation manifestement erronée à cet égard, puisque cet engagement, qui figure au considérant 46 de la décision litigieuse, serait juridiquement contraignant. Si l’État membre devait s’écarter dudit engagement, la mesure ainsi adoptée ne serait plus couverte par la décision litigieuse.

99 Le Royaume-Uni considère également que, au vu de son engagement de mettre aux enchères T‑1 au moins 50 % du volume initialement réservé, la critique du Tribunal à cet égard, figurant aux points 242 et 243 de l’arrêt attaqué, est infondée. En outre, il estime que la Commission était en droit d’accepter cet engagement sans exiger qu’il démontre que celui-ci avait été intégré en droit interne. Enfin, le Royaume-Uni rappelle que, si les enchères T‑1 peuvent constituer la voie privilégiée pour certains opérateurs de gestion de la demande, ces derniers ont également la possibilité de participer aux enchères T‑4, dans lesquelles ils ont d’ailleurs enregistré d’excellents résultats.

100 S’agissant du seuil de participation de 2 mégawatts (MW) retenu dans la décision litigieuse, la Commission fait remarquer qu’aucun tiers n’avait émis d’objections à cet égard, de sorte que les informations dont elle disposait au cours de l’examen préliminaire ne pouvaient susciter un doute quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Ce ne serait qu’au stade de la réplique devant le Tribunal que ce seuil a été contesté par Tempus, de sorte que ce grief aurait dû être déclaré irrecevable. En tout état de cause, la comparaison faite par le Tribunal, au point 256 de l’arrêt attaqué, avec le marché de capacité Pennsylvanie-New Jersey-Maryland (PJM) aux États-Unis serait déplacée et démontrerait l’absence d’examen critique du bien-fondé des reproches formulés par Tempus. Par ailleurs, dans la deuxième enchère transitoire, le Royaume-Uni aurait abaissé le seuil de participation à 500 kW sans résultat significatif, puisque seuls 2,7 % des offres présentées par les opérateurs de gestion de la demande auraient été inférieurs à ce seuil.

101 La Commission estime, dès lors, qu’elle pouvait valablement considérer, sur la base des informations dont elle disposait, que le régime en cause comportait des incitations adéquates à la participation des opérateurs de gestion de la demande, conformément aux lignes directrices 2014-2020.

102 Le Royaume-Uni et la République de Pologne attirent l’attention, de manière générale, sur le fait que les lignes directrices 2014-2020 ont pour objectif de permettre à la Commission de vérifier si une mesure d’aide permet d’atteindre un objectif d’intérêt commun, celui-ci étant, en l’occurrence, le fait d’assurer l’adéquation des capacités sur le marché de l’électricité, au coût le plus bas pour le consommateur et de façon technologiquement neutre, en minimisant les effets négatifs sur le commerce entre États membres et la concurrence. Elles ne viseraient pas, en revanche, à imposer des conditions particulières en ce qui concerne la structuration de la mesure d’aide ou à définir les aspects du mécanisme de capacité visant à assurer l’adéquation des capacités. L’objectif de ces lignes directrices ne serait donc pas de faciliter ou d’encourager les opérateurs de gestion de la demande, comme l’aurait erronément constaté le Tribunal tout au long de l’arrêt attaqué. Dès lors, en concluant que la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur suscitait des doutes, le Tribunal aurait méconnu l’objectif du marché de capacité et commis une erreur dans l’application desdites lignes directrices.

103 En réponse au premier grief, Tempus fait valoir, tout d’abord, que l’argumentation de la Commission procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Le Tribunal aurait seulement jugé que, sans ignorer les données fournies par l’État membre, la Commission devait se faire une idée globale de l’ensemble des informations pertinentes disponibles et rechercher des éléments de preuve supplémentaires, au moyen de la procédure formelle d’examen, lorsque, comme en l’espèce, ceux-ci sont objectivement nécessaires à l’élimination des doutes.

104 En ce qui concerne, plus particulièrement, l’évaluation du potentiel de gestion de la demande, Tempus soutient pleinement l’appréciation du Tribunal figurant aux points 152 à 158 de l’arrêt attaqué. Elle estime, en particulier, que la Commission devait exiger du Royaume-Uni qu’il évalue d’emblée le potentiel de la participation des opérateurs de gestion de la demande, ainsi que l’exigeaient les points 223 et 224 des lignes directrices 2014-2020, sans attendre que la première enchère dévoile ce potentiel. Par ailleurs, Tempus soutient que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du fait que la technologie de gestion de la demande devait être encouragée de manière adéquate pour réaliser son plein potentiel, lequel pourrait conduire à rendre le marché de capacité inutile dans un avenir proche.

105 Tempus estime que le second grief de la Commission est également dénué de fondement. En premier lieu, concernant le caractère discriminatoire de la durée des contrats de capacité, la Commission procéderait à une lecture erronée de l’arrêt attaqué, dès lors que celui-ci n’aurait pas constaté qu’il existait un régime normal de contrats d’une durée supérieure à un an, dont les opérateurs de gestion de la demande auraient été exclus. En outre, Tempus demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs, afin de constater la présence d’autres éléments justifiant l’existence de doutes à cet égard. Comme le Tribunal l’aurait souligné au point 190 de l’arrêt attaqué, la Commission aurait dû déterminer si l’impossibilité des opérateurs de gestion de la demande d’obtenir des contrats de même durée que ceux des autres fournisseurs de capacité ne risquait pas de réduire leur possible contribution à la résolution du problème d’adéquation des capacités. En effet, le seul fait qu’une technologie soit onéreuse ne devrait pas lui procurer un avantage indu lors des enchères, alors que le marché de capacité est censé garantir la sécurité de l’approvisionnement à un coût minimum pour le consommateur.

106 En deuxième lieu, s’agissant de la méthode de recouvrement des coûts, Tempus fait valoir que les points 208 à 213 de l’arrêt attaqué concernent exclusivement une appréciation des faits par le Tribunal, qui ne relève pas du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. En tout état de cause, l’analyse du Tribunal quant à l’existence de doutes en ce qui concerne l’effet incitatif de la mesure en cause serait correcte, pour les motifs exposés aux points 194 à 213 de l’arrêt attaqué. En ce qui concerne l’absence de lien entre le financement de la mesure et la mesure d’aide en tant que telle, alléguée par la Commission, Tempus considère que, au contraire, la mesure en cause constitue un parfait exemple d’un mécanisme comportant un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide. En effet, les signaux de prix imposés par la méthode de recouvrement des coûts sur une année auraient une influence directe sur les incitations et la capacité des consommateurs à déplacer leur utilisation et, partant, sur la demande en période de pointe, qui est ensuite utilisée pour calculer le volume de capacité à acquérir pour les années suivantes. Le fait que cet aspect ne soit pas mentionné dans les lignes directrices 2014-2020 n’aurait pas empêché sa prise en compte aux fins de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause. Tempus estime, enfin, que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant que la Commission ne pouvait pas se satisfaire d’un simple engagement de l’État membre, si cet engagement n’était pas reflété dans la législation nationale.

107 En troisième lieu, s’agissant des conditions de participation au marché de capacité et, en particulier, du seuil de participation de 2 MW, Tempus considère que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé cet argument recevable, dans la mesure où il constituait l’ampliation d’un grief articulé dans la requête. En outre, les points 249 à 252 de l’arrêt attaqué indiqueraient clairement en quoi la garantie de soumission pourrait effectivement constituer une barrière à la participation des opérateurs de gestion de la demande au marché de capacité.

Appréciation de la Cour

108 Par le premier grief avancé dans le cadre de la seconde branche du moyen unique, la Commission critique les points 146, 152 et 154 à 156 de l’arrêt attaqué, qui s’insèrent dans les développements de cet arrêt figurant sous l’intitulé « Éléments disponibles concernant le potentiel de la gestion de la demande ».

109 À cet égard, il ressort du considérant 122 de la décision litigieuse, dont le contenu est rappelé au point 150 de l’arrêt attaqué, que, afin de soutenir le secteur de la gestion de la demande, le Royaume-Uni avait exprimé son intention d’examiner les informations résultant de la première enchère T‑4 du mois de décembre 2014, en vue de s’assurer que les courbes de la demande fussent ajustées de façon appropriée. En outre, le Royaume-Uni avait élaboré des dispositions relatives aux enchères transitoires afin de soutenir la croissance du secteur de la gestion de la demande entre l’année 2015 et l’année 2016, ainsi qu’un projet pilote en matière d’efficacité énergétique. Le Royaume‑Uni avait également indiqué que, en réponse au rapport, publié le 30 juin 2014, du panel d’experts techniques (ci‑après le « PTE ») chargé de l’examen des recommandations en ce qui concerne la capacité à mettre aux enchères au titre du marché de capacité au mois de décembre 2014, National Grid plc avait suggéré un projet commun avec l’Energy Networks Association (association des réseaux d’énergie), y compris le Distribution Network Operators (opérateurs de réseaux de distribution).

110 Au point 151 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé le considérant 128 de la décision litigieuse, selon lequel, même si la mesure en cause pouvait avoir pour résultat de soutenir la production à partir de combustibles fossiles, la Commission considérait que l’évaluation du problème d’adéquation des capacités, réalisée chaque année, tenait compte de tous les types d’opérateurs, y compris des opérateurs de gestion de la demande. Selon le Tribunal, la Commission en a conclu, au considérant 129 de cette décision, que la mesure en cause était « neutre sur le plan technologique » et n’avait pas pour effet de renforcer la position des producteurs d’électricité à partir de combustibles fossiles.

111 Or, au point 146 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment affirmé que, au moment où la Commission avait effectué son examen préliminaire de la mesure en cause, elle était en mesure d’analyser des éléments qui permettaient non seulement d’envisager le rôle actuel de la gestion de la demande, mais aussi d’envisager son potentiel réel.

112 Au point 152 de l’arrêt attaqué, il a relevé que les appréciations figurant aux considérants 122, 128 et 129 de la décision litigieuse, rappelées aux points 150 et 151 de cet arrêt ainsi qu’aux points 109 à 110 du présent arrêt, n’étaient pas « de nature à permettre à la Commission de se départir des doutes ressortant des éléments dont elle était déjà en possession ou dont elle pouvait disposer au moment où elle a adopté la décision [litigieuse] ».

113 Le Tribunal a ajouté, au point 154 dudit arrêt, que, « au vu des éléments disponibles et compte tenu du rôle de la gestion de la demande, [la Commission] ne pouvait, en l’espèce, se satisfaire du seul “caractère ouvert” de la mesure et conclure, par voie de conséquence, à sa neutralité sur le plan technologique, sans examiner plus en détail la réalité et l’effectivité de la prise en compte de cette solution technologique au sein du marché de capacité ».

114 À cet égard, au point 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment relevé qu’aucun élément mentionné dans la décision litigieuse ne permettait d’établir que la Commission avait diligenté son propre examen en ce qui concerne la prise en compte effective de la gestion de la demande. Il a relevé, « [à] titre d’exemple », que, à aucun endroit de la décision litigieuse, il n’était fait référence à l’estimation de 3 gigawatts (GW) du potentiel de la gestion de la demande, évoquée par National Grid. Le Tribunal a donc considéré que la Commission avait accepté les informations et les hypothèses présentées par le Royaume‑Uni.

115 Il a ajouté, au point 156 de l’arrêt attaqué, qu’il ne pouvait ainsi être exclu que, « si la Commission avait réalisé son propre examen du potentiel de la gestion de la demande, notamment pour s’interroger sur les modalités de prise en compte des estimations faites par National Grid ou d’autres sources ou pour s’interroger sur les raisons du succès des exemples américains, les modalités de participation des opérateurs de gestion de la demande auraient été différentes ».

116 C’est sur la base de ces considérations que le Tribunal a conclu, au point 158 de l’arrêt attaqué, que « les éléments disponibles en ce qui concerne le potentiel de la gestion de la demande [...] [étaient] susceptibles de constituer un indice de l’existence de doutes quant à la compatibilité [de la mesure en cause] avec le marché intérieur dont il n’[était] pas possible, à la lecture de la décision [litigieuse], de constater qu’ils [avaient] été écartés à l’issue de l’examen préliminaire de la Commission ».

117 Cette conclusion du Tribunal est entachée d’une erreur de droit.

118 Il importe de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt, il incombe à la partie qui demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections d’apporter des éléments de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments disponibles aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de la mesure concernée avec le marché intérieur.

119 Or, il découle des considérations de l’arrêt attaqué rappelées aux points 111 à 115 du présent arrêt que le Tribunal n’a pas vérifié si Tempus était parvenue à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments disponibles aurait dû soulever des doutes dans le chef de la Commission quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, lesquels doutes auraient dû la conduire à réaliser son propre examen de ce potentiel, le cas échéant après ouverture de la procédure formelle d’examen. Le Tribunal a plutôt fait peser sur cette institution l’obligation de rechercher des éléments allant au-delà des « éléments disponibles en ce qui concerne le potentiel de la gestion de la demande », auxquels se réfère le point 158 de l’arrêt attaqué.

120 En particulier, le Tribunal n’a indiqué ni le point précis sur lequel les doutes de la Commission devaient porter ni l’élément concret qui aurait dû susciter de tels doutes. Il convient de constater, par ailleurs, que, si le Tribunal s’est référé, aux points 136 à 145 de l’arrêt attaqué, à certains éléments relatifs au potentiel de la gestion de la demande que la Commission pouvait prendre en considération, il ne ressort pas de la lecture de cette partie de l’arrêt attaqué que l’un ou l’autre de ces éléments étaient de nature à susciter des doutes dans l’esprit de la Commission quant à la prise en compte effective du potentiel de la gestion de la demande dans la conception de la mesure en cause et, partant, quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur.

121 S’agissant, plus particulièrement, du rapport du PTE, dont des extraits sont cités aux points 142 et 145 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, certes, relevé, au point 143 de cet arrêt, que l’analyse du PTE « met[tait] l’accent sur la nécessité urgente de définir des incitations adéquates pour permettre à la gestion de la demande de participer effectivement au marché de capacité en considération de tout son potentiel » et que « le PTE déplor[ait] l’absence, à l’heure actuelle, d’organisation à même d’obtenir les données nécessaires pour comprendre et recueillir les informations relatives au potentiel de la gestion de la demande sous ses différents aspects, alors même que certaines [étaient] déjà disponibles ». Il a ajouté, au point 147 dudit arrêt, que la Commission avait connaissance des difficultés évoquées par le PTE en ce qui concerne la prise en compte du potentiel de la gestion de la demande au titre du marché de capacité.

122 Toutefois, si ces considérations témoignent d’une certaine difficulté dans l’estimation du potentiel de la gestion de la demande, elles ne sont pas de nature à démontrer que la mesure en cause ne tenait pas ou pas suffisamment compte de ce potentiel et, partant, devait susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. En effet, ainsi que le Tribunal l’a lui‑même rappelé aux points 136, 137 et 150 de l’arrêt attaqué, le Royaume-Uni était conscient de la nécessité de la participation de la gestion de la demande dans le marché de capacité et certains éléments de la mesure en cause avaient été conçus de manière à assurer cette participation. Or, le Tribunal n’explique pas pour quels motifs la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère suffisant et adéquat de ces éléments.

123 Il ressort de ce qui précède que le premier grief de la seconde branche du moyen unique de la Commission doit être accueilli.

124 Dans le cadre du second grief soulevé à l’appui de la présente branche du moyen unique, la Commission conteste, en premier lieu, certains développements de l’analyse effectuée par le Tribunal aux points 160 à 192 de l’arrêt attaqué, relative à la question de la durée des contrats de capacité, analyse à l’issue de laquelle le Tribunal a constaté, au point 193 de cet arrêt, que la différence entre la durée des contrats de capacité offerts aux opérateurs de la gestion de la demande et de la durée de ceux offerts aux producteurs d’électricité constituait un indice de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

125 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux points 165 à 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, sans que cette constatation soit remise en cause dans le cadre du présent pourvoi, que la mesure en cause n’offrait aucune possibilité aux opérateurs de gestion de la demande d’obtenir des contrats de capacité d’une durée supérieure à un an, alors que les fournisseurs de capacité qui engagent des dépenses d’un niveau nécessaire pour rénover une centrale existante ou construire une nouvelle centrale étaient éligibles à obtenir des contrats d’une durée allant jusqu’à, respectivement, trois ans et quinze ans.

126 Au point 169 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé à cet égard que la Commission avait entériné la position du Royaume-Uni selon laquelle, en substance, les capacités de production nouvelles ou à rénover impliquent des coûts d’investissement élevés, ce qui justifiait leur éligibilité pour des contrats plus longs, afin de permettre aux opérateurs d’obtenir le financement nécessaire, alors que les opérateurs de gestion de la demande avaient des besoins de dépenses en capital moins importants. Après avoir analysé, de manière détaillée, si ladite démarche de la Commission était fondée, le Tribunal a conclu, au point 180 de cet arrêt, que le critère décisif retenu par la mesure en cause pour déterminer les opérateurs éligibles à obtenir des contrats de capacité d’une durée supérieure à un an était le niveau de dépenses en capital et les difficultés de financement.

127 Le Tribunal a, dès lors, considéré, au point 181 de l’arrêt attaqué, qu’il était nécessaire d’examiner quelle était la durée nécessaire pour permettre à chaque catégorie de fournisseurs de capacité de participer pleinement au marché de capacité, au regard de leurs dépenses d’investissement et de leurs difficultés de financement, afin de respecter l’obligation de fournir des incitations adéquates à tous les opérateurs, et qu’il incombait donc à la Commission de vérifier si le fait de réserver les contrats de capacité d’une durée supérieure à un an à certaines technologies présentait un caractère discriminatoire et était contraire à l’objectif de mettre en place un marché de capacité neutre sur le plan technologique.

128 Or, au point 182 de l’arrêt attaqué et, de nouveau, au point 192 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que la Commission avait entériné la position du Royaume-Uni selon laquelle il n’était pas nécessaire d’offrir des contrats d’une durée supérieure à un an aux opérateurs de gestion de la demande sans examiner si les dépenses en capital et les difficultés de financement de ce type d’opérateurs pouvaient nécessiter de leur offrir la possibilité d’obtenir de tels contrats.

129 Toutefois, il ne ressort pas des motifs exposés aux points 183 à 191 de l’arrêt attaqué que Tempus avait démontré, ainsi que l’exige la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt, que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait aurait dû susciter dans son esprit des doutes quant au bien‑fondé de la position du Royaume-Uni.

130 En effet, au point 187 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a lui-même constaté que tant Tempus que l’UK Demand Response Association (UKDRA) (association de gestion de la demande du Royaume-Uni), laquelle avait présenté des observations à la Commission, avaient admis que les nouveaux opérateurs de gestion de la demande n’avaient pas nécessairement les mêmes dépenses en capital que les producteurs construisant de nouvelles centrales. En outre, il ressort du point 188 de cet arrêt que ni Tempus ni l’UKDRA n’avaient présenté d’informations détaillées à cet égard devant la Commission.

131 Le Tribunal a, certes, considéré, à ce même point 188, que la Commission devait elle‑même rechercher les informations pertinentes et que, dès lors, pour prouver l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, il suffisait que Tempus démontre que la Commission n’avait pas recherché ni examiné, de manière diligente et impartiale, l’ensemble des éléments pertinents.

132 Toutefois, il ressort des motifs exposés aux points 48 à 51 du présent arrêt que cette considération est entachée d’une erreur de droit.

133 Il s’ensuit que, en considérant, au point 193 de l’arrêt attaqué, que la différence entre la durée des contrats de capacité offerts aux opérateurs de gestion de la demande et celle des contrats offerts aux producteurs constitue un indice de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, le Tribunal a commis une erreur de droit.

134 En deuxième lieu, la Commission estime que c’est à tort que le Tribunal, afin d’établir l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, s’est fondé sur la méthode de recouvrement des coûts, laquelle, ainsi qu’il a été rappelé au point 11 du présent arrêt, vise à assurer le financement des coûts exposés pour la rémunération des capacités par une redevance appliquée aux fournisseurs d’électricité, déterminée en fonction de leur part de marché et calculée sur la base de la demande enregistrée entre 16 heures et 19 heures en semaine, entre le mois de novembre et le mois de février.

135 Ainsi qu’il ressort du point 203 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la méthode de recouvrement des coûts était pertinente pour apprécier, en particulier, le caractère proportionné de la mesure en cause, à savoir pour déterminer si le montant de l’aide accordée était limité au minimum nécessaire pour obtenir le résultat escompté.

136 Pour justifier cette considération, le Tribunal a, en substance, indiqué, aux points 204 et 205 de l’arrêt attaqué, que le montant de l’aide octroyée en vertu de la mesure en cause dépendait du volume de capacité mis aux enchères au moyen du marché de capacité et du prix de clôture des enchères. Il a précisé que, dans la mesure où le volume de capacité mis aux enchères est déterminé en tenant compte des pics de demande, moins ceux‑ci sont élevés, moins significatif est le volume de capacité mis aux enchères, et, partant, moins significatif est le montant de l’aide.

137 Or, la redevance appliquée aux fournisseurs étant calculée sur la base de la demande en électricité, elle constituerait une incitation à la réduction de la consommation de l’électricité, ce qui, à son tour, réduirait tant le volume de capacité mis aux enchères afin de faire face aux pics de demande que le prix de clôture des enchères, ce qui, en définitive, se traduirait par une réduction du montant de l’aide.

138 À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 206 de l’arrêt attaqué, que, alors que le Royaume-Uni avait envisagé initialement de calculer le montant de la redevance sur la base de la part de marché des fournisseurs d’électricité dans la demande en électricité enregistrée durant les périodes dites de « triade », c’est-à-dire durant les trois périodes d’une demi-heure enregistrant les pics de consommation d’électricité les plus élevés annuellement sur la période allant de novembre à février, le Royaume‑Uni a finalement, après consultation publique, modifié les modalités de calcul de la redevance pour adopter la méthode décrite au point 134 du présent arrêt.

139 Ainsi qu’il ressort du point 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, s’agissant de la modification de la méthode de calcul de la redevance destinée à financer l’aide, la Commission avait entériné la position du Royaume-Uni sans examiner les conséquences de cette modification sur le montant total de l’aide et, partant, sur le caractère proportionné de la mesure en cause.

140 En outre, au point 210 de l’arrêt attaqué, il a reproché à la Commission de ne pas avoir vérifié si la nouvelle méthode de recouvrement des coûts maintenait effectivement une incitation équivalente pour la réduction de la consommation d’électricité lors des pics de demande, notamment au moyen d’un encouragement au développement de la gestion de la demande.

141 Il a ajouté, au point 211 de cet arrêt, que la Commission n’avait pas non plus vérifié si la méthode de recouvrement des coûts adoptée affectait l’accès au marché, notamment des opérateurs de gestion de la demande, en particulier en augmentant les obstacles à l’entrée et à l’expansion résultant de la forte position des fournisseurs intégrés verticalement. Le Tribunal s’est référé, à cet égard, au point 92 des lignes directrices 2014-2020.

142 Le Tribunal a, dès lors, conclu, au point 213 de l’arrêt attaqué, qu’il revenait à la Commission d’examiner l’éventuelle incidence du changement de méthode de recouvrement des coûts sur le caractère proportionné de la mesure en cause et, partant, sa compatibilité avec le marché intérieur. Il a, dès lors, estimé que le fait que la Commission n’ait pas disposé d’une information complète en ce qui concerne les conséquences du changement de méthode de recouvrement des coûts dans le cadre de la procédure préliminaire d’examen constituait un indice supplémentaire de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

143 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 81 et 82 ainsi que jurisprudence citée).

144 En l’espèce, il est constant que, selon les lignes directrices 2014-2020, le caractère proportionné d’une mesure d’aide constitue l’un des critères pertinents pour apprécier sa compatibilité avec le marché unique.

145 Dans la mesure où la méthode de recouvrement comporte une redevance, à savoir une taxe payée par les fournisseurs d’électricité, la Commission a également invoqué la jurisprudence de la Cour selon laquelle, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide. Si un tel lien existe, le produit de la taxe influence directement l’importance de l’aide et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (arrêts du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, EU:C:2005:657, point 40, ainsi que du 3 mars 2020, Vodafone Magyarország, C‑75/18, EU:C:2020:139, point 27).

146 En l’espèce, s’il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que le produit de la redevance imposée dans le cadre de la méthode de recouvrement est nécessairement affecté au financement de la mesure en cause, les modalités de calcul de cette redevance sont susceptibles, comme le Tribunal l’a en substance considéré aux points 203 à 205 de l’arrêt attaqué, d’affecter le montant de l’aide.

147 En effet, il peut raisonnablement être présumé que les fournisseurs d’électricité, qui sont débiteurs de la redevance, répercutent la charge de celle‑ci, en tout ou en partie, sur leurs clients, de sorte que la redevance est susceptible, en définitive, de frapper la consommation d’électricité et d’inciter à sa limitation. Cela implique, à son tour, la limitation des capacités requises et, par voie de conséquence, de l’aide versée dans le cadre de la mesure en cause pour assurer ces capacités.

148 Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré que la méthode de recouvrement des coûts choisie était susceptible de présenter une pertinence pour l’appréciation du caractère proportionnel de la mesure en cause et, partant, de sa compatibilité avec le marché intérieur.

149 Cela étant précisé, il y a lieu de vérifier si le Tribunal était fondé à considérer, ainsi qu’il l’a fait au point 213 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’« information complète en ce qui concerne les conséquences du changement de méthode de recouvrement des coûts » constituait un indice de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

150 À cet égard, il importe de souligner qu’il appartenait à la Commission d’apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, et non pas de comparer cette mesure avec une mesure différente envisagée antérieurement par le Royaume‑Uni. Il s’ensuit que le seul fait que la méthode de financement de la mesure en cause a été modifiée par rapport à la méthode initialement envisagée ne saurait à lui seul être considéré comme étant susceptible de justifier l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

151 Ainsi, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 210 de l’arrêt attaqué, il n’était pas nécessaire pour la Commission de vérifier si la méthode de recouvrement des coûts prévues par la mesure en cause maintenait une incitation pour la réduction de la consommation d’électricité équivalente à celle qui aurait résulté de la méthode initialement envisagée.

152 Il ressort des considérations qui précèdent que, en jugeant, au point 213 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’information complète en ce qui concerne les conséquences du changement de méthode de recouvrement des coûts constituait un indice de l’existence de doutes susceptibles de justifier l’ouverture, par la Commission, de la procédure formelle d’examen de la mesure en cause, le Tribunal a commis une erreur de droit.

153 En troisième lieu, la Commission conteste certains des motifs de l’arrêt attaqué consacrés aux conditions de participation au marché de capacité des opérateurs de gestion de la demande. Après avoir analysé trois groupes d’arguments avancés par Tempus, le Tribunal a conclu, au point 259 de l’arrêt attaqué, que l’interaction entre les enchères T‑4 et les enchères T‑1 ainsi que certaines conditions de participation des opérateurs de gestion de la demande au marché de capacité auraient dû conduire la Commission à avoir des doutes, d’une part, quant à la capacité de la mesure en cause à atteindre les objectifs affichés par le Royaume-Uni en matière d’encouragement du développement de la gestion de la demande et, d’autre part, quant à sa compatibilité avec les exigences des lignes directrices 2014-2020 en matière d’incitations adéquates aux opérateurs de gestion de la demande et, partant, quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

154 Cette conclusion est, en substance, fondée sur deux motifs du Tribunal, contestés par la Commission.

155 Premièrement, au point 243 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a admis que l’organisation d’enchères T‑1 pouvait encourager le développement de la gestion de la demande, mais il a ajouté que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’ampleur de cet effet incitatif, au regard du volume restreint de capacité réservé aux enchères T‑1 et de l’absence, constatée au point 242 de l’arrêt attaqué, d’une disposition juridique expresse confirmant la garantie du Royaume-Uni de se procurer, à ces enchères, au moins 50 % du volume réservé.

156 Or, comme le rappelle la Commission, au considérant 46 de la décision litigieuse, elle a pris acte de l’engagement du Royaume-Uni de se procurer aux enchères T‑1 au moins 50 % du volume de capacité réservé quatre ans auparavant.

157 Un tel engagement fait partie intégrante de la mesure en cause, à l’égard de laquelle la Commission a décidé, par la décision litigieuse, de ne pas soulever d’objections (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 67).

158 Il s’ensuit, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 170 de ses conclusions, que, si le Royaume-Uni devait accorder une aide telle que celle prévue par la mesure en cause sans respecter cet engagement, ladite aide ne serait pas couverte par la décision litigieuse et ne pourrait, dès lors, être considérée comme ayant été autorisée par la Commission.

159 Partant, la question de savoir si le Royaume-Uni a consacré l’engagement mentionné au considérant 46 de la décision litigieuse dans une disposition expresse de son droit interne était sans pertinence pour l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. L’absence d’une telle disposition ne pouvait, dès lors, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, être source de doute à cet égard.

160 Il y a lieu d’ajouter que, au point 241 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le volume de capacité réservé aux enchères T‑1 était restreint par rapport au volume de capacité mis aux enchères lors des enchères T‑4 et que, au demeurant, les enchères T‑1 n’étaient pas réservées aux seuls opérateurs de gestion de la demande.

161 Toutefois, ces considérations ne sauraient, à elles seules, justifier l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, du fait d’un prétendu traitement discriminatoire ou désavantageux des opérateurs de gestion de la demande.

162 D’une part, le Royaume-Uni s’est engagé à mettre aux enchères, lors des enchères T‑1, au moins 50 % du volume réservé, de sorte qu’il est malaisé de comprendre pour quels motifs le Tribunal a qualifié le volume de capacité réservé aux enchères T‑1 de « restreint ». D’autre part, le fait que tous les opérateurs peuvent participer aux enchères T‑1 ne signifie pas que les opérateurs de gestion de la demande soient soumis à un traitement désavantageux ou discriminatoire.

163 Deuxièmement, la Commission conteste les motifs figurant aux points 256 et 257 de l’arrêt attaqué, qui ont conduit le Tribunal à conclure, au point 258 de cet arrêt, que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au bien-fondé de l’affirmation selon laquelle la fixation, par le Royaume-Uni, à 2 MW du seuil minimum de participation aux enchères de capacité constituait une mesure favorisant le développement de la gestion de la demande.

164 Il y a lieu de relever, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort du point 255 de l’arrêt attaqué, dans sa notification de la mesure en cause, le Royaume-Uni a présenté le seuil minimum de participation de 2 MW comme étant faible au regard du seuil de participation adopté par National Grid dans le cadre d’autres mesures et, partant, comme étant l’une des mesures permettant d’inciter les opérateurs de gestion de la demande à participer au marché de capacité.

165 Or, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que cette affirmation du Royaume‑Uni ait été contestée dans le cadre des observations présentées spontanément à la Commission. Par ailleurs, la Commission a seulement mentionné, aux considérants 16 et 17 de la décision litigieuse, le seuil de 2 MW, sans se prononcer sur son caractère favorable ou défavorable pour les opérateurs de gestion de la demande.

166 Ainsi qu’il ressort du point 253 de l’arrêt attaqué, ce n’est qu’en réponse aux arguments présentés par la Commission dans son mémoire en défense devant le Tribunal que Tempus a fait valoir que la fixation d’un seuil minimum de participation de 2 MW constituait une barrière à la participation des opérateurs de gestion de la demande au marché de capacité.

167 Après avoir, au point 254 de l’arrêt attaqué, jugé recevable l’argumentation de Tempus malgré sa présentation à un stade avancé de la procédure, le Tribunal a, d’une part, au point 256 de cet arrêt, considéré que le seuil de participation du marché de capacité PJM, expressément pris comme référence par le Royaume-Uni, dans sa notification, au soutien de son affirmation selon laquelle la mesure en cause permettrait de développer le secteur de la gestion de la demande, n’était que de 100 kW, soit 20 fois moins élevé.

168 D’autre part, au point 257 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, si les opérateurs de gestion de la demande avaient effectivement la possibilité d’agréger plusieurs sites afin d’atteindre le seuil minimum de 2 MW, ils devaient s’acquitter de la garantie de soumission sur l’intégralité des 2 MW, dès qu’une partie de ce volume, même minime, était constituée de capacités de gestion de la demande non confirmées. Or, selon le Tribunal, le montant de la garantie de soumission pouvait constituer une barrière à l’entrée de nouveaux opérateurs de gestion de la demande.

169 C’est sur la base de ces considérations que le Tribunal a conclu, au point 258 de l’arrêt attaqué, que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’affirmation selon laquelle la fixation à 2 MW du seuil minimum de participation aux enchères de capacité constituait une mesure favorisant le développement de la gestion de la demande.

170 Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si c’est à juste titre que le Tribunal a jugé recevable l’argumentation de Tempus relative au seuil minimum de participation, ce qui est contesté par la Commission, il y a lieu de faire observer, premièrement, que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 177 de ses conclusions, le seuil de participation adopté par National Grid dans le cadre d’autres mesures était effectivement supérieur à 2 MW. Dès lors, l’affirmation du Royaume-Uni, rapportée au point 255 de l’arrêt attaqué, n’était pas inexacte, ce que le Tribunal n’a, d’ailleurs, pas affirmé.

171 Deuxièmement, le Tribunal n’a aucunement exposé, au point 256 de l’arrêt attaqué, les motifs pouvant justifier une comparaison entre le seuil de participation du marché de capacité PJM et celui prévu dans le cadre de la mesure en cause. Le fait, évoqué par le Tribunal, que le Royaume‑Uni s’est référé au marché de capacité PJM à l’appui de son affirmation selon laquelle cette mesure permettrait de développer le secteur de la gestion de la demande ne saurait, à lui seul, justifier une telle comparaison.

172 Troisièmement, il convient de constater que, au point 258 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a seulement relevé que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’affirmation selon laquelle la fixation du seuil minimum de participation à 2 MW constituait une mesure favorisant le développement de la gestion de la demande.

173 Or, à supposer même que des doutes quant au caractère favorable pour le développement de la gestion de la demande de la fixation du seuil minimum de participation à 2 MW fussent justifiés, cette circonstance ne signifie pas nécessairement que ledit seuil était défavorable à un tel développement, en ce sens qu’il constituait un obstacle important à la participation des opérateurs de gestion de la demande au marché de capacité.

174 Il ressort des considérations qui précèdent que la conclusion du Tribunal figurant au point 259 de l’arrêt attaqué et rappelée au point 153 du présent arrêt ne saurait être justifiée ni par les considérations énoncées aux points 242 à 243 de cet arrêt, relatives à l’absence de disposition du droit interne du Royaume-Uni garantissant la mise aux enchères lors des enchères T‑1 d’au moins 50 % de la capacité réservée quatre ans auparavant, ni par celles énoncées aux points 256 à 258 de l’arrêt attaqué, relatives aux doutes que la Commission aurait dû avoir quant au caractère favorable, pour les opérateurs de gestion de la demande, de la fixation à 2 MW du seuil minimum de participation au marché de capacité.

175 Par voie de conséquence, la conclusion énoncée au point 259 de l’arrêt attaqué étant entachée d’une erreur de droit, la seconde branche du moyen unique du pourvoi doit être accueillie.

176 Les deux branches du moyen unique du pourvoi étant fondées, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

Sur le recours devant le Tribunal

177 Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

178 En l’espèce, au vu, notamment, de la circonstance que le recours en annulation introduit par Tempus dans l’affaire T‑793/14 est fondé sur des moyens ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime que ce recours est en état d’être jugé et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 130).

179 En tant que partie intéressée et afin d’assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, Tempus fait valoir deux moyens à l’appui de son recours tirés, le premier, de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de la violation des principes de non-discrimination, de proportionnalité et de protection de la confiance légitime ainsi que d’une appréciation erronée des faits et, le second, d’un défaut de motivation.

Sur le premier moyen

180 Le premier moyen est subdivisé en sept branches. À l’appui de la première branche, tirée d’une appréciation erronée du potentiel de la gestion de la demande, Tempus invoque les éléments examinés par le Tribunal aux points 136 à 158 de l’arrêt attaqué sous l’intitulé « Éléments disponibles concernant le potentiel de la gestion de la demande ». Or, pour les motifs exposés aux points 117 à 122 du présent arrêt, ces éléments ne sont pas susceptibles de démontrer que l’appréciation du potentiel de la gestion de la demande devait susciter des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur et que ces doutes auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen. Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

181 Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, Tempus invoque les éléments examinés par le Tribunal aux points 160 à 193 de l’arrêt attaqué sous l’intitulé « Sur la durée des contrats de capacité ». Or, il ressort des points 129 à 133 du présent arrêt que ces éléments ne démontrent pas que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Partant, la deuxième branche du premier moyen doit également être écartée.

182 Par la troisième branche du premier moyen, Tempus fait, en substance, valoir que les conditions de participation aux différentes enchères prévues par la mesure en cause étaient telles qu’elles conduisaient à une exclusion de facto des opérateurs de gestion de la demande des premières enchères T‑4. Cette branche doit être écartée comme étant non fondée, pour les motifs exposés aux points 231 à 235 de l’arrêt attaqué, que la Cour fait siens.

183 Par la quatrième branche, Tempus avance les arguments relatifs à la méthode de recouvrement des coûts, tels que résumés aux points 194 à 197 de l’arrêt attaqué. Or, pour les motifs exposés aux points 150 et 151 du présent arrêt, ces arguments ne démontrent pas que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché interne. Partant, la quatrième branche doit être écartée.

184 Par la cinquième branche, Tempus soutient que la mesure en cause soumet à discrimination les opérateurs de gestion de la demande en traitant de manière équivalente tous les participants aux enchères durables et en les obligeant tous, y compris ces opérateurs, à soumissionner pour des incidents de capacité à durée indéterminée.

185 Cette branche doit être rejetée comme étant non fondée. En effet, il est constant que l’obligation de soumissionner pour des incidents de capacité à durée indéterminée s’impose à tous les opérateurs, cette obligation poursuivant l’objectif, comme la Commission l’a expliqué, d’atteindre un niveau de sécurité d’approvisionnement supérieur à celui procuré par les soumissions limitées à la couverture d’incidents de capacité à terme fixe. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré ni qu’il y a traitement discriminatoire des opérateurs de gestion de la demande ni que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur en raison de l’obligation de soumissionner pour des incidents de capacité à durée indéterminée.

186 Par la sixième branche, Tempus fait valoir que le fait de soumettre tous les participants au marché de capacité à la même obligation de garantie de soumission est susceptible de causer un problème d’entrée sur le marché pour les opérateurs de gestion de la demande, en raison du fait que le secteur de la gestion de la demande en est encore à ses débuts. Cette branche doit être rejetée comme étant non fondée pour les motifs exposés aux points 249 à 252 de l’arrêt attaqué, que la Cour fait siens.

187 Enfin, par la septième branche, Tempus soutient que la mesure en cause suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en ce qu’elle ne rémunère pas les opérateurs de gestion de la demande pour la limitation des pertes de transport et de distribution de l’électricité. Selon elle, la capacité fournie par les opérateurs de gestion de la demande réduit non seulement le montant global de capacité requise et circulant au sein du marché de capacité, mais aussi, à raison d’environ 7 à 8 %, le montant de capacité perdu lors du transport et de la distribution de l’électricité. Tempus estime que les économies ainsi réalisées devraient être incorporées dans la rémunération des opérateurs de gestion de la demande, de manière à créer une incitation visant à améliorer l’efficacité du réseau. Cette branche doit également être rejetée pour les motifs exposés aux points 263 à 266 de l’arrêt attaqué, que la Cour fait siens.

188 Partant, il y a lieu d’écarter le premier moyen.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

189 À l’appui du second moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse, Tempus avance sept arguments.

190 Premièrement, en ce qui concerne l’appréciation du rôle potentiel de la gestion de la demande sur le marché de capacité du Royaume‑Uni, Tempus fait valoir que la décision litigieuse comporte une motivation contradictoire. En effet, alors que le considérant 107 de cette décision évoquerait « des fournisseurs de services de gestion de la demande parvenus à maturité », il serait affirmé, au considérant 131 de ladite décision, que le secteur de la gestion de la demande « n’en est qu’à ses débuts ». Cette contradiction dans la motivation démontrerait que la Commission n’a pas correctement apprécié le rôle que la gestion de la demande joue et pourrait jouer sur le marché de capacité du Royaume-Uni.

191 Deuxièmement, en ce qui concerne la durée des contrats, Tempus fait valoir que la Commission n’a pas expliqué, d’une part, la raison pour laquelle les délais de réalisation de nouveaux investissements dont ont besoin les opérateurs de gestion de la demande pour mettre à disposition des capacités n’ont pas été pris en considération, seuls les délais de réalisation des producteurs étant mentionnés au considérant 134 de la décision litigieuse, et, d’autre part, la raison pour laquelle elle estime, ainsi qu’il ressort du considérant 152 de ladite décision, que les contrats disponibles pour les opérateurs de gestion de la demande ont « la durée suffisamment longue des contrats de capacité associés aux nouveaux investissements » et « permettent aux nouveaux acteurs d’obtenir le financement nécessaire et donc de diminuer le risque d’une domination du marché ».

192 Troisièmement, en ce qui concerne le choix des opérateurs de gestion de la demande entre participation aux enchères transitoires ou participation aux enchères durables, Tempus soutient que, bien que la Commission ait affirmé, au considérant 128 de la décision litigieuse, que les enchères transitoires visent à améliorer la gestion de la demande, elle n’a pas expliqué en quoi l’exclusion mutuelle de ces enchères améliorerait cette gestion de la demande. Elle n’aurait pas non plus expliqué quelle est l’insuffisance des « qualités techniques nécessaires pour remédier au problème d’adéquation des capacités de production » qui pourrait justifier une telle exclusion, comme le point 232, sous a), des lignes directrices 2014-2020 l’exige.

193 Quatrièmement, en ce qui concerne la méthode de recouvrement des coûts, la Commission se serait limitée à examiner, dans la décision litigieuse, la question de savoir si la mesure en cause comporte un quelconque effet incitatif, quand bien même cet effet serait minime et inadéquat pour répondre à la défaillance identifiée du marché de la manière la plus efficace et la plus économique. Par conséquent, la Commission n’aurait pas examiné les problèmes résultant du fait que la méthode de recouvrement des coûts choisie n’accentue pas le signal de prix à l’égard des consommateurs pour leur consommation d’énergie durant les périodes de demande de triade et aurait donc manqué à son obligation de motivation.

194 Cinquièmement, la Commission n’aurait pas abordé, dans la décision litigieuse, la question de l’utilisation de contrats couvrant des incidents de capacité à durée indéterminée plutôt que de contrats à terme fixe dans le cadre des enchères durables.

195 Sixièmement, la Commission n’aurait pas non plus abordé dans ladite décision la question de l’exigence d’une garantie de soumission aux enchères et n’aurait donc pas expliqué la raison pour laquelle les opérateurs de gestion de la demande devraient avoir l’obligation de fournir la même garantie que les producteurs.

196 Septièmement, la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée en ce qui concerne l’absence de rémunération supplémentaire en cas de limitation des pertes de transport et de distribution grâce à la gestion de la demande. Le considérant 140 de cette décision présenterait un caractère circulaire et ne répondrait pas aux opérateurs de gestion de la demande, qui objecteraient qu’éviter les pertes de transport et de distribution augmente la capacité disponible sur le réseau. La Commission aurait dû expliquer la raison pour laquelle le fait de choisir d’ignorer la limitation des pertes grâce aux entreprises de gestion de la demande est objectivement justifié.

197 La Commission et le Royaume-Uni contestent les arguments de Tempus.

Appréciation de la Cour

198 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 88, ainsi que du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 172).

199 S’agissant, plus particulièrement, comme en l’occurrence, d’une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, paragraphe 2, TFUE si elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 48 ; du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, points 65, 70 et 71, ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 111).

200 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner successivement les sept arguments avancés par Tempus dans le cadre du second moyen.

201 En ce qui concerne le premier argument, il y a lieu de relever qu’aucune contradiction n’existe entre le considérant 107 et le considérant 131 de la décision litigieuse. En effet, tandis que le considérant 107 résume une argumentation du Royaume-Uni relative à la nécessaire distinction entre opérateurs de gestion de la demande parvenus à maturité et opérateurs non encore parvenus à maturité, lesquels nécessiteraient un soutien, le considérant 131 expose l’appréciation de la Commission quant au caractère approprié de l’aide, appréciation selon laquelle, notamment, le secteur de la gestion de la demande, pris dans son ensemble, n’en était qu’à ses débuts.

202 S’agissant du deuxième argument, relatif aux considérants 134 et 152 de la décision litigieuse, il convient de constater que le considérant 152, selon lequel la durée suffisamment longue des nouveaux contrats de capacité pour de nouveaux investissements permettra aux nouveaux entrants sur le marché d’assurer le financement nécessaire, est rédigé en des termes généraux et ne se réfère pas à une catégorie spécifique d’opérateurs. Bien qu’il puisse être déduit du considérant 134 de cette décision que les délais de réalisation des opérateurs de la demande sont différents et, éventuellement, moins longs que ceux d’autres types d’opérateurs, compte tenu également de la jurisprudence citée aux points 198 et 199 du présent arrêt, il n’était nullement nécessaire, pour la Commission, de se référer spécifiquement, au considérant 152 de ladite décision, à la durée la plus appropriée des contrats que les opérateurs de gestion de la demande pourraient être amenés à conclure.

203 Concernant le troisième argument, relatif au considérant 128 de la décision litigieuse, il y a lieu de relever que la Commission y a exposé que, ainsi qu’il avait déjà été indiqué aux considérants 88 à 94 de cette décision, le Royaume-Uni étudiait ou mettait en œuvre des mesures additionnelles pour, notamment, améliorer la gestion de la demande. En effet, le considérant 89 de ladite décision se réfère, notamment, au fait que le Royaume-Uni poursuit des opportunités de gestion de la demande. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission un défaut ou une insuffisance de motivation de cette partie de la décision litigieuse.

204 La question de savoir si, au regard du fait que les opérateurs de gestion de la demande peuvent obtenir un contrat soit aux enchères transitoires soit aux enchères durables, mais non pas aux deux types d’enchères, la mesure en cause permettait d’améliorer la gestion de la demande et respectait le point 232, sous a), des lignes directrices 2014-2020 relève du bien‑fondé de la motivation et, partant de la légalité au fond de la décision litigieuse, qui constitue une question distincte de celle du respect de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation (voir, par analogie, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 ainsi que jurisprudence citée).

205 En outre, la question mentionnée au point précédent du présent arrêt fait l’objet de la troisième branche du premier moyen, laquelle, ainsi qu’il ressort du point 182 du présent arrêt, a été rejetée.

206 Le quatrième argument de Tempus, relatif à la méthode de recouvrement des coûts, vise également à contester non pas le respect de l’obligation de motivation par la Commission, mais le bien-fondé de la motivation de la décision litigieuse. Or, il ressort du point 183 du présent arrêt que cet argument a été rejeté.

207 Pour ce qui est du cinquième argument, relatif à l’omission alléguée de la Commission d’aborder, dans la décision litigieuse, la question de l’utilisation de contrats de capacité à durée indéterminée plutôt que de contrats de capacité à durée déterminée, il est vrai que le choix d’exiger des contrats relevant de la première catégorie plutôt que de la seconde n’a pas été analysé dans la décision litigieuse. Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a exposé au point 188 de ses conclusions, au regard, d’une part, du fait que cette question n’avait pas été soulevée devant la Commission lors de l’examen préliminaire de la mesure en cause et, d’autre part, de la jurisprudence rappelée aux points 198 et 199 du présent arrêt, il ne saurait être reproché à la Commission une violation de l’obligation de motivation, au motif qu’elle ne s’est pas spécifiquement référée à cette question dans la décision litigieuse.

208 Il en va de même, substantiellement pour les mêmes motifs, du sixième argument de Tempus, tiré de la prétendue omission de la Commission d’expliquer, dans la décision litigieuse, la raison pour laquelle les opérateurs de gestion de la demande devaient, pour participer aux enchères, fournir la même garantie que les producteurs d’électricité.

209 Le considérant 26 de la décision litigieuse explique que, pour participer aux enchères, les unités potentielles de production ou de gestion de la demande sont tenues de constituer un cautionnement, afin d’attester du caractère sérieux de leur participation aux enchères et de la réalité de leur intention de fournir une unité opérationnelle au plus tard au début de l’année de livraison. Dans la mesure où la question d’un éventuel traitement différencié des opérateurs de gestion de la demande, en ce qui concerne l’obligation de constituer un cautionnement, n’avait pas été soulevée au stade de l’examen préliminaire, y compris dans les observations soumises de manière spontanée à la Commission, cette dernière n’était pas tenue, pour respecter l’obligation de motivation, d’exposer dans la décision litigieuse les motifs pour lesquels un tel traitement différencié ne s’imposait pas.

210 En dernier lieu, s’agissant de la question de l’absence de rémunération supplémentaire sur le marché de capacité en cas de limitation des pertes de transport et de distribution de l’électricité grâce à la gestion de la demande, il convient de rappeler que, au considérant 140 de la décision litigieuse, la Commission a estimé que, au regard de l’objectif poursuivi par la mesure en cause, l’absence de rémunération supplémentaire pour les opérateurs de gestion de la demande à ce titre était justifiée. Quoique relativement succincte, cette indication était suffisante pour permettre de comprendre les motifs pour lesquels la Commission n’a pas considéré que l’absence d’une telle rémunération supplémentaire était susceptible de soulever un doute quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

211 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 204 du présent arrêt, la question du respect de l’obligation de motivation, s’agissant de ce volet de la décision litigieuse, doit être distinguée de celle du bien‑fondé de cette motivation. Or, il ressort du point 187 du présent arrêt que les arguments de Tempus relatifs à cette dernière question ont été écartés.

212 Il ressort de tout ce qui précède que le second moyen doit être rejeté, de même que le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

213 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

214 Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

215 En l’espèce, Tempus ayant succombé et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et la Cour, il y a lieu de condamner Tempus aux dépens de ces procédures. Le Royaume-Uni n’ayant pas formulé de conclusions relatives aux dépens, il supportera ses propres dépens.

216 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la République de Pologne, partie intervenante devant la Cour, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 novembre 2018, Tempus Energy et Tempus Energy Technology/Commission (T‑793/14, EU:T:2018:790), est annulé.

2) Le recours dans l’affaire T‑793/14 est rejeté.

3) Tempus Energy Ltd et Tempus Energy Technology Ltd supportent, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre des procédures devant le Tribunal de l’Union européenne et devant la Cour de justice.

4) La République de Pologne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.