Cass. 1re civ., 27 janvier 2004, n° 99-18.688
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Attendu que les époux X... ont vendu aux époux Y..., par acte authentique des 9 et 16 juin 1988 reçu par M. Z..., notaire, un immeuble à usage de commerce et d'habitation moyennant un prix payable au plus tard le 16 juin 1989 ; que cet acte mentionne que le juge-commissaire du redressement judiciaire de M. Y... a donné son accord pour l'acquisition, ainsi qu'il résulte d'une lettre du 12 avril 1988 annexée à l'acte ; que, le 8 mars 1990, le Tribunal a prononcé la résolution du plan de continuation dont bénéficiait M. Y... depuis le 29 septembre 1988 et a ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire, convertie le 15 octobre 1992 en liquidation, la SCP Guérin-Diesbecq étant désignée comme liquidateur ; que les époux X..., qui n'avaient pas perçu le prix de vente, ont demandé à la cour d'appel de prononcer l'annulation pour excès de pouvoir de l'autorisation du juge-commissaire et, par voie de conséquence, de la vente faite au vu de cette autorisation, ainsi que la condamnation in solidum du liquidateur, des époux
Y... et de M. Z... au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, par une décision motivée, a retenu que les époux X... n'étaient pas fondés à soutenir qu'ils avaient été dans l'ignorance du redressement judiciaire de M. Y... ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur la septième branche du même moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que la cour d'appel, qui était saisie à l'encontre de Mme Y... d'une demande en réparation d'un préjudice et non d'une demande en paiement du prix de vente de l'immeuble, n'avait pas à se prononcer sur l'extinction de la dette de Mme Y... née de ses engagements contractuels ; que le moyen est inopérant ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 25 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
Attendu que pour rejeter la demande des époux X... tendant à la constatation de la nullité de l'autorisation délivrée par le juge-commissaire à M. Y..., en redressement judiciaire sans administrateur, d'acquérir un immeuble leur appartenant et à ce qu'il soit jugé que cette autorisation était à la fois nulle en la forme et pour excès de pouvoir, de sorte que la vente de l'immeuble était également nulle par voie de conséquence, l'arrêt retient que l'agrément donné par lettre par le juge-commissaire permettait de donner pleine efficacité à la vente ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'affectation de fonds pour l'acquisition de l'immeuble constituait un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise et soumis comme tel à une autorisation que le juge-commissaire ne pouvait, sauf à méconnaître ses pouvoirs, délivrer par simple lettre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande des époux X... tendant à la condamnation in solidum de M. Z..., notaire, avec le liquidateur judiciaire de M. Y... et les époux Y..., l'arrêt retient que les époux X... avaient sciemment consenti un paiement à terme et en pleine connaissance des conséquences d'un paiement différé du prix, lequel a été garanti par l'inscription du privilège du vendeur et la réserve de l'action résolutoire qui les autorisait à retrouver la propriété de l'immeuble si le prix n'en était pas payé ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le notaire avait averti les époux X... du risque particulier résultant des modalités de paiement du prix par un acquéreur déclaré en redressement judiciaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du premier moyen ni sur les cinquième et sixième branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.