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Décisions

CJUE, 9e ch., 2 septembre 2021, n° C-502/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

TP

Défendeur :

Institut des Experts en Automobiles, Gouvernement belge, Gouvernement tchèque, Gouvernement néerlandais, Gouvernement polonais, Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

N. Piçarra

Président de chambre :

M. Vilaras (rapporteur)

Juge :

K. Jürimäe

Avocat général :

H. Saugmandsgaard Øe

Avocats :

V. Grévy, R. Molders-Pierre

CJUE n° C-502/20

2 septembre 2021

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE ainsi que de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22), telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013 (JO 2013, L 354, p. 132) (ci-après la « directive 2005/36 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TP à l’Institut des Experts en Automobiles (ci–après l’« IEA ») au sujet de l’exercice par TP, en Belgique, de la profession d’expert en automobiles.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3 Le considérant 11 de la directive 2005/36 énonce, notamment, que cette directive n’a pas pour but d’interférer avec l’intérêt légitime des États membres à empêcher que certains de leurs citoyens puissent se soustraire d’une façon abusive à l’application du droit national en matière de professions.

4 L’article 3, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “profession réglementée” : une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées ; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d’une qualification professionnelle donnée constitue notamment une modalité d’exercice. Lorsque la première phrase n’est pas d’application, une profession visée au paragraphe 2 est assimilée à une profession réglementée ;

b) “qualifications professionnelles” : les qualifications attestées par un titre de formation, une attestation de compétence visée à l’article 11, point a) i) et/ou une expérience professionnelle ;

[...] »

5 Le titre II de ladite directive, intitulé « Libre prestation de services », comprend les articles 5 à 9 de celle-ci. L’article 5, intitulé « Principe de libre prestation de services », dispose :

« 1. Sans préjudice de dispositions spécifiques du droit [de l’Union] ni des articles 6 et 7 de la présente directive, les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services dans un autre État membre :

a) si le prestataire est légalement établi dans un État membre pour y exercer la même profession (ci-après dénommé “État membre d’établissement”), et

b) en cas de déplacement du prestataire, s’il a exercé cette profession dans un ou plusieurs États membres pendant au moins une année au cours des dix années qui précèdent la prestation lorsque la profession n’est pas réglementée dans l’État membre d’établissement. La condition exigeant l’exercice de la profession pendant une année n’est pas d’application si la profession ou la formation conduisant à la profession est réglementée.

2. Les dispositions du présent titre s’appliquent uniquement dans le cas où le prestataire se déplace vers le territoire de l’État membre d’accueil pour exercer, de façon temporaire et occasionnelle, la profession visée au paragraphe 1.

Le caractère temporaire et occasionnel de la prestation est apprécié au cas par cas, notamment en fonction de la durée de la prestation, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité.

3. S’il se déplace, un prestataire est soumis aux règles de conduite de caractère professionnel, réglementaire ou administratif en rapport direct avec les qualifications professionnelles telles que la définition de la profession, l’usage des titres et les fautes professionnelles graves qui ont un lien direct et spécifique avec la protection et la sécurité des consommateurs, ainsi qu’aux dispositions disciplinaires applicables dans l’État membre d’accueil aux professionnels qui y exercent la même profession. »

6 L’article 6 de la même directive, intitulé « Dispenses », dispose, à son premier alinéa, sous a) :

« Conformément à l’article 5, paragraphe 1, l’État membre d’accueil dispense les prestataires de services établis dans un autre État membre des exigences imposées aux professionnels établis sur son territoire relatives à :

a) l’autorisation, l’inscription ou l’affiliation à une organisation professionnelle ou à un organisme professionnel. Afin de faciliter l’application des dispositions disciplinaires en vigueur sur leur territoire, conformément à l’article 5, paragraphe 3, les États membres peuvent prévoir soit une inscription temporaire intervenant automatiquement, soit une adhésion pro forma à une telle organisation ou à un tel organisme professionnels, à condition qu’elles ne retardent ni ne compliquent en aucune manière la prestation de services et n’entraînent pas de frais supplémentaires pour le prestataire de services. [...] »

7 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/36, les États membres peuvent exiger que, lorsque le prestataire se déplace d’un État membre à l’autre pour la première fois pour fournir des services, il en informe préalablement l’autorité compétente de l’État membre d’accueil. Une telle déclaration est renouvelée une fois par an si le prestataire compte fournir des services d’une manière temporaire ou occasionnelle dans cet État membre au cours de l’année concernée.

 Le droit belge

 La loi du 15 mai 2007

8 En Belgique, le statut et les droits et obligations des experts en automobiles constituent l’objet de la loi du 15 mai 2007 relative à la reconnaissance et à la protection de la profession d’expert en automobiles et créant un Institut des experts en automobiles (Moniteur belge du 2 juin 2007, p. 28087), telle que modifiée par la loi du 6 octobre 2011 (Moniteur belge du 10 novembre 2011, p. 67853) (ci-après la « loi du 15 mai 2007 »).

9 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, point 2, sous b), de la loi du 15 mai 2007, la qualité de membre titulaire de l’IEA est accordée à toute personne physique qui désire s’établir en Belgique en tant qu’expert en automobiles et en fait la demande, dans la mesure où elle fournit une attestation de compétence ou un titre de formation délivré par un État membre de l’Union européenne. Le point 6 de l’article 5, paragraphe 1, de cette loi ajoute que l’intéressé doit être inscrit sur la liste des membres titulaires de l’IEA.

10 L’article 6 de ladite loi dispose :

« Au cas où, dans le cadre de la libre prestation de services, les ressortissants des États membres de l’Union [...] se déplacent vers le territoire de la Belgique pour la première fois pour exercer, de façon temporaire et occasionnelle, la profession d’expert en automobiles, ils en informent préalablement la chambre compétente du conseil de [l’IEA] par une déclaration écrite, conformément à l’article 9, [paragraphe 1], de la loi du 12 février 2008 instaurant un [...] cadre général pour la reconnaissance des qualifications professionnelles [UE]. [...] »

 La loi du 12 février 2008

11 La directive 2005/36 a été transposée en droit belge par la loi du 12 février 2008 instaurant un cadre général pour la reconnaissance des qualifications professionnelles UE (Moniteur belge du 2 avril 2008, p. 17886, ci-après la « loi du 12 février 2008 »).

12 Le titre II de cette loi, intitulé « Libre prestation de services », comprend les articles 6 à 11 de celle-ci. L’article 6 de ladite loi dispose :

« Les dispositions du présent titre s’appliquent uniquement dans le cas où le prestataire se déplace vers le territoire de la Belgique pour exercer, de façon temporaire et occasionnelle, la profession visée à l’article 7, [paragraphe 1].

Le caractère temporaire et occasionnel de la prestation est apprécié au cas par cas, notamment en fonction de la durée de la prestation, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité. »

13 L’article 9 de la même loi organise le régime de déclaration préalable, conformément à l’article 7 de la directive 2005/36.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 TP a exercé, pendant de nombreuses années, la profession d’expert en automobiles en Belgique. Depuis le 28 janvier 2014, il réside sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et y exerce la même profession.

15 La juridiction de renvoi indique qu’il ressort des éléments produits par TP que, si, depuis cette date, celui–ci a accompli quelques missions en Belgique, la majeure partie de son activité professionnelle se déroule actuellement en dehors du territoire belge, de telle sorte que l’activité professionnelle qu’il exerce en Belgique peut être qualifiée d’« accessoire ».

16 Au mois de septembre 2015, l’IEA a invité TP à s’inscrire sur la liste des membres titulaires de l’IEA, afin de régulariser sa situation en Belgique.

17 TP a refusé d’introduire une telle demande et, dans la mesure où, selon ses indications, il effectue quelques expertises en Belgique, il a demandé son inscription sur la liste temporaire et occasionnelle des experts en automobiles, prévue à l’article 9 de la loi du 12 février 2008.

18 L’IEA considère que, en exerçant la profession d’expert en automobiles en Belgique sans être membre de l’IEA, TP exerce une activité irrégulière et déloyale. Il a, dès lors, assigné TP devant le tribunal de commerce du Hainaut (Belgique), afin que lui soient interdits le port du titre d’expert en automobiles ainsi que l’exercice de cette profession en Belgique.

19 TP a, pour sa part, demandé à la même juridiction, à titre reconventionnel, d’ordonner son inscription sur la liste temporaire et occasionnelle des experts en automobiles, en application de l’article 6 de la loi du 15 mai 2007.

20 Par jugement du 29 novembre 2017, le tribunal de commerce du Hainaut a fait droit à la demande de l’IEA et a rejeté la demande reconventionnelle de TP. Le 15 février 2018, TP a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

21 Par arrêt du 3 décembre 2019, la juridiction de renvoi a déclaré recevable l’appel de TP et a jugé, sur la base des documents produits par celui–ci, qu’il dispose d’un établissement au Luxembourg, au sens des articles 16 à 19 de la directive 2005/36.

22 La juridiction de renvoi indique toutefois nourrir des doutes quant à la conformité au droit de l’Union de l’interprétation des termes « temporaire et occasionnelle » figurant à l’article 6 de la loi du 15 mai 2007, telle que défendue par l’IEA, selon laquelle l’exercice antérieur, dans un État membre, d’une activité durable et régulière ferait obstacle à la reconnaissance du caractère temporaire et occasionnel de l’exercice de la même activité dans cet État membre, à la suite de l’établissement de l’intéressé dans un autre État membre. Or, TP poursuivrait une activité qu’il aurait exercée en Belgique pendant plus de 25 ans.

23 En outre, ladite juridiction considère que le caractère temporaire d’une prestation de services doit être apprécié non seulement en fonction de la durée de cette prestation, mais aussi de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité. Elle en déduit qu’une certaine récurrence ne fait pas, en principe, obstacle à la reconnaissance du caractère temporaire d’une activité. Par ailleurs, le caractère temporaire d’une prestation de services n’exclurait pas la possibilité, pour l’intéressé, de se doter, dans l’État membre dans lequel il fournit ses services, d’une certaine infrastructure, telle qu’un bureau.

24 La cour d’appel de Mons (Belgique) a, dès lors, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions [de l’article 5, paragraphe 1, point 2, sous b), et de l’article] 6 de la loi [...] du 15 mai 2007 [...], lues en combinaison avec les dispositions de la loi du 12 février 2008 [...], spécialement les articles 6, 8 et 9, pourraient être interprétées en ce sens qu’un prestataire de service qui modifie le lieu de son établissement dans un autre État membre ne pourrait pas s’inscrire, après cette modification dans son pays d’origine, soit la Belgique, au registre des prestations temporaires et occasionnelles de l’IEA, pour y exercer une activité temporaire et occasionnelle. Une telle interprétation est-elle compatible avec la liberté d’établissement reconnue en droit de l’Union ?

2) Les dispositions [de l’article 5, paragraphe 1, point 2, sous b), et de l’article] 6 de la loi [...] du 15 mai 2007 [...], lues en combinaison avec les dispositions de la loi du 12 février 2008 [...], spécialement les articles 6, 8 et 9, interprété[e]s en ce sens que la notion d’activité temporaire et occasionnelle exclurait la possibilité pour un prestataire établi dans un État membre d’origine d’effectuer des prestations dans un État membre destinataire si elles ont une certaine récurrence, sans être régulières, ou de permettre au prestataire d’y avoir une certaine infrastructure, est-elle compatible avec les dispositions de la [directive 2005/36 ?] »

 Sur les questions préjudicielles

25 À titre liminaire, il convient de rappeler que, si la teneur littérale des questions posées à titre préjudiciel par la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité d’une disposition de droit interne avec le droit de l’Union, rien n’empêche la Cour de donner une réponse utile à cette juridiction en fournissant à celle-ci les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui lui permettront de statuer elle-même sur l’interprétation du droit interne et sur la compatibilité de celui-ci avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2020, CTT – Correios de Portugal, C 661/18, EU:C:2020:335, point 29 et jurisprudence citée).

26 S’agissant du litige au principal, il ressort de la demande de décision préjudicielle que TP est légalement établi au Luxembourg et y exerce la profession d’expert en automobiles. Par ailleurs, la juridiction de renvoi se réfère à des « missions » effectuées par TP dans plusieurs États membres, notamment sur le territoire du Royaume de Belgique, ce qui implique son déplacement physique vers cet État membre pour y exercer sa profession.

27 Il s’ensuit, d’une part, qu’une telle prestation de services relève de l’article 5 de la directive 2005/36, dont le paragraphe 1, sous a), énonce le principe selon lequel les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services si le prestataire est légalement établi dans un autre État membre pour y exercer la même profession. À cet égard, le paragraphe 2 de cet article précise que les dispositions du titre II de la directive 2005/36 s’appliquent uniquement en cas de déplacement du prestataire vers le territoire de l’État membre d’accueil, au sens de cette disposition, pour exercer sa profession de façon temporaire et occasionnelle.

28 D’autre part, dès lors que les circonstances de l’affaire au principal relèvent du titre II de la directive 2005/36, lequel comporte l’article 5 de celle–ci, l’article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), ne trouve pas à s’appliquer, contrairement à ce qu’a soutenu le gouvernement néerlandais dans ses observations écrites soumises à la Cour. En effet, aux termes de l’article 17, point 6, de cette directive, l’article 16 de celle-ci ne s’applique pas aux matières couvertes par le titre II de la directive 2005/36, ainsi qu’aux exigences en vigueur dans l’État membre où le service est fourni, qui réservent une activité à une profession particulière (arrêt du 17 décembre 2015, X-Steuerberatungsgesellschaft, C 342/14, EU:C:2015:827, point 36).

29 Au regard de ces précisions, il y a lieu de comprendre que, par ses questions, lesquelles doivent être examinées conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/36 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation de l’État membre d’accueil, au sens de cette disposition, qui, telle qu’interprétée par les autorités compétentes de celui–ci, ne permet pas à un professionnel établi dans un autre État membre d’exercer, de façon temporaire et occasionnelle, sa profession sur le territoire de l’État membre d’accueil, aux motifs que ce professionnel disposait, par le passé, d’un établissement dans cet État membre, que les prestations qu’il fournit présentent une certaine récurrence ou qu’il s’est doté, dans ledit État membre, d’une infrastructure, telle qu’un bureau.

30 En vue de répondre à ces questions, il est nécessaire de procéder à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/36 et, plus particulièrement, de la notion d’exercice « de façon temporaire et occasionnelle » d’une profession dans l’État membre d’accueil, qui figure à cette disposition, à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative à la libre prestation des services consacrée à l’article 56 TFUE.

31 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il y a lieu de distinguer les champs d’application respectifs de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement. À cette fin, il importe de déterminer si l’opérateur économique est établi ou non dans l’État membre dans lequel il offre le service en question. Lorsqu’il est établi dans l’État membre dans lequel il offre ce service, il entre dans le champ d’application de la liberté d’établissement, tel que défini à l’article 49 TFUE. Lorsque, en revanche, l’opérateur économique n’est pas établi dans l’État membre de destination, il est un prestataire transfrontalier relevant du principe de la libre prestation des services (arrêt du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank, C 625/17, EU:C:2018:939, point 34 et jurisprudence citée).

32 La notion d’« établissement », au sens des dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement, implique l’exercice effectif d’une activité économique au moyen d’une installation stable dans l’État membre d’accueil pour une durée indéterminée. Elle suppose par conséquent une implantation réelle de l’opérateur concerné dans cet État membre et l’exercice d’une activité économique effective dans celui-ci (arrêt du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank, C 625/17, EU:C:2018:939, point 35 et jurisprudence citée).

33 Il convient, par ailleurs, de préciser qu’une personne peut être établie, au sens des dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement, dans plus d’un État membre, notamment par la création d’un deuxième domicile professionnel (arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C 55/94, EU:C:1995:411, point 24 et jurisprudence citée).

34 En revanche, pour le cas où le prestataire d’un service se déplace dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, les dispositions du chapitre du traité FUE relatif aux services et, notamment, l’article 57, troisième alinéa, TFUE prévoient que ce prestataire y exerce son activité à titre temporaire (arrêt du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank, C 625/17, EU:C:2018:939, point 36 et jurisprudence citée).

35 Selon la jurisprudence de la Cour, la notion de « service », au sens du traité FUE, peut couvrir des services de nature très différente, y compris des services qu’un opérateur économique établi dans un État membre fournit de manière plus ou moins fréquente ou régulière, même sur une période prolongée, à des personnes établies dans un ou plusieurs autres États membres. Aucune disposition du traité FUE ne permet de déterminer, de manière abstraite, la durée ou la fréquence à partir de laquelle la fourniture d’un service ou d’un certain type de service dans un autre État membre ne peut plus être considérée comme une prestation de services au sens du traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2003, Schnitzer, C 215/01, EU:C:2003:662, points 30 et 31, ainsi que du 10 mai 2012, Duomo Gpa e.a., C 357/10 à C 359/10, EU:C:2012:283, point 32).

36 En outre, la Cour a jugé que le caractère temporaire de la prestation de services n’exclut pas la possibilité pour le prestataire de services de se doter, dans l’État membre d’accueil, d’une certaine infrastructure (y compris un bureau, cabinet ou étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l’accomplissement de la prestation en cause (arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C 55/94, EU:C:1995:411, point 27).

37 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de répondre aux questions posées.

38 En premier lieu, dans une situation dans laquelle un professionnel établi dans un État membre se déplace vers le territoire de l’État membre d’accueil, dans lequel il disposait, dans le passé, d’un établissement, pour n’y exercer désormais sa profession qu’à titre temporaire et occasionnel, les autorités compétentes de cet État membre sont en droit, ainsi que le confirme le considérant 11 de la directive 2005/36, de contrôler la véracité des affirmations dudit professionnel pour s’assurer qu’il ne tente pas de se soustraire de façon abusive à l’application du droit national en matière de professions.

39 En outre, dans une telle situation, il ne ressort ni des articles 56 et 57 TFUE ou de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/36, ni de la jurisprudence de la Cour citée aux points 31 à 36 du présent arrêt que le seul fait qu’un professionnel a disposé, par le passé, d’un établissement dans l’État membre d’accueil peut faire obstacle à ce que, dans l’exercice de la libre prestation des services, il exerce sa profession dans ce dernier État membre en s’y déplaçant depuis l’État membre dans lequel il est actuellement établi.

40 En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt que le fait que les prestations fournies dans l’État membre d’accueil par un professionnel établi dans un autre État membre présentent une certaine récurrence ne fait pas obstacle à ce qu’elles soient qualifiées de prestations fournies « de façon temporaire et occasionnelle », au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/36, dans l’État membre d’accueil.

41 En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence citée au point 36 du présent arrêt que le fait qu’un professionnel, dans cette situation, se dote, dans l’État membre d’accueil, d’une certaine infrastructure, telle qu’un bureau, ne fait pas non plus, en tant que tel, obstacle à une telle qualification des prestations qu’il fournit dans l’État membre d’accueil.

42 Enfin, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/36, les prestataires de services établis dans un autre État membre, visés à l’article 5 de cette directive, sont dispensés des exigences imposées aux professionnels établis sur le territoire de l’État membre d’accueil, relatives, notamment, à l’autorisation, à l’inscription ou à l’affiliation à une organisation professionnelle ou à un organisme professionnel, cet État membre ne pouvant prévoir qu’une inscription temporaire intervenant automatiquement ou une adhésion pro forma à une organisation professionnelle ou à un organisme professionnel, afin de faciliter l’application des dispositions disciplinaires, conformément à l’article 5, paragraphe 3, de ladite directive, et à condition, notamment, qu’elles ne retardent ni ne compliquent en aucune manière la prestation de services.

43 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/36 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation de l’État membre d’accueil, au sens de cette disposition, qui, telle qu’interprétée par les autorités compétentes de celui–ci, ne permet pas à un professionnel établi dans un autre État membre d’exercer, de façon temporaire et occasionnelle sa profession sur le territoire de l’État membre d’accueil, aux motifs que ce professionnel disposait, par le passé, d’un établissement dans cet État membre, que les prestations qu’il fournit présentent une certaine récurrence ou qu’il s’est doté, dans ledit État membre, d’une infrastructure, telle qu’un bureau.

 Sur les dépens

44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation de l’État membre d’accueil, au sens de cette disposition, qui, telle qu’interprétée par les autorités compétentes de celui–ci, ne permet pas à un professionnel établi dans un autre État membre d’exercer, de façon temporaire et occasionnelle sa profession sur le territoire de l’État membre d’accueil, aux motifs que ce professionnel disposait, par le passé, d’un établissement dans cet État membre, que les prestations qu’il fournit présentent une certaine récurrence ou qu’il s’est doté, dans ledit État membre, d’une infrastructure, telle qu’un bureau.